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Contacts presse :
Patrick Henry, président 0475 41 46 06
65 avenue de la Toison d’Or – 1060 Bruxelles
Tél. 02 648 20 98
info@avocats.be
COMMUNIQUE DE PRESSE DU 6 OCTOBRE 2015 D’AVOCATS.BE
Réforme de la justice pénale - Projet de loi « Pot-pourri II » - Résumé de la
Conférence de presse d’AVOCATS.BE
Chère Madame,
Cher Monsieur,
L’actualité de ce jour, abondante, il faut bien l’admettre, ne vous aura probablement pas
permis de nous rejoindre pour la conférence de presse que nous organisions sur le projet
de loi « pot-pourri II ».
Je me permets de joindre en annexe les trois documents qui ont été distribués au cours de
cette conférence de presse :
1°. Tout d’abord, les observations émises par AVOCATS.BE relatives à l’avant-projet de
loi pot-pourri II.
Elles se décomposent en deux parties :
- des observations générales sur l’ensemble du projet, qui résument notre position
(les quatre premières pages).
- un examen du projet article par article, avec des critiques, tant positives que
négatives.
2°. Ensuite le texte de la mercuriale prononcé par le Procureur général près la cour
d’appel de Liège à l’occasion de la rentrée judiciaire de cette cour.
Ce discours était consacré à la dissuasion pénale.
Il nous a paru intéressant de diffuser ainsi les données sur la base desquelles Monsieur le
Procureur général a plaidé pour une diminution du recours systématique à
l’emprisonnement comme sanction pénale.
Le petit résumé que Monsieur De Valkeneer formule à la page 17, au début du paragraphe
7 de sa mercuriale, ne pourra manquer de vous intéresser.
3°. Enfin, je me permets de joindre l’éditorial que j’avais rédigé pour la livraison du 18
juin 2015 de notre newsletter La Tribune, qui insiste sur la nécessité d’éradiquer la
surpopulation carcérale.
* * *
Quelles sont les idées fortes qui ont été développées dans cette conférence de
presse ?
Contacts presse :
Patrick Henry, président 0475 41 46 06
65 avenue de la Toison d’Or – 1060 Bruxelles
Tél. 02 648 20 98
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1. Comme l’indiquait Françoise Tulkens, le projet pot-pourri II nous parait marqué par
une absence de cohérence dans l’initiative législative. Alors que,
parallèlement, des commissions ou groupes de travail travaillent sur la réforme du
procès pénal et sur la réforme du droit pénal, il est malheureux de modifier
partiellement cette matière, manifestement sans vision d’ensemble, au prétexte
d’une loi qui, pour des raisons budgétaires, modifie le champ d’application de la
cour d’assises.
2. Le projet est marqué par un recul de l’individualisation de la peine, et donc
de l’humanisation de la justice. Dans de nombreuses hypothèses, le magistrat
est privé de la possibilité d’infliger des sanctions alternatives à la peine de prison,
étant obligé de se concentrer exclusivement sur celle-ci. C’est en ce sens que Paul
Martens parlait d’un recul de la civilisation.
3. Nous dénonçons une accentuation du déséquilibre entre le parquet et les
autres parties au procès pénal, particulièrement les prévenus. Cela se
marque dans une série de petites réformes qui, mises bout à bout, aboutissent à
ce que Robert De Baerdemaeker présentait comme une véritable violation du
principe de l’égalité des armes.
4. Nous ne dénonçons pas spécialement la réduction du champ d’application de la
cour d’assises, qui est une option politique qui se défend, particulièrement sous
l’angle budgétaire. Mais nous dénonçons, en revanche, toutes les mesures qui
entourent cette réduction de champ d’application : augmentation de la prescription,
augmentation du taux des peines qui peuvent être prononcées, diminution de
l’individualisation de la peine, …
5. D’une façon générale, nous constatons que ce projet ne concrétise nullement
les intentions qui avaient été exprimées par Monsieur Geens dans son plan justice
par lequel il annonçait une réduction de la détention préventive et une
réduction des peines prononcées par les juridictions de fond. Certes,
d’autres mesures pourront être adoptées ultérieurement par Monsieur le ministre
de la justice et le gouvernement pour concrétiser ces intentions, mais tel n’est
actuellement pas le cas.
Pour le résumer en quelques mots, la surpopulation carcérale suscite évidemment bien
des problèmes, d’abord pour les détenus eux-mêmes, ensuite pour le personnel
pénitentiaire. Mais elle menace également l’ensemble de la société.
Lorsqu’un détenu, au bout de sa peine, est libéré après avoir vécu pendant de nombreuses
années dans des conditions de promiscuité insupportables, sans avoir la possibilité de
participer à des activités sociales, et sans pouvoir bénéficier de l’assistance
indispensable à l’élaboration d’un projet de réinsertion, il ressort nécessairement de
prison pire qu’il n’y est entré.
On punit pour éviter la réitération d’un comportement, et non pour l’encourager. Or,
aujourd’hui, c’est malheureusement ce que fait notre système pénal.
Contacts presse :
Patrick Henry, président 0475 41 46 06
65 avenue de la Toison d’Or – 1060 Bruxelles
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Je reste évidemment à votre disposition pour toute autre information.
Patrick Henry
Président d’AVOCATS.BE
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
Observations d’AVOCATS.BE relatives à l’avant-projet de loi
Pot- pourri II
(version approuvée en conseil des ministres le 25 juin 2015)
I. OBSERVATIONS GENERALES
A la lecture du volet pénal du plan justice et plus particulièrement de la partie relative à
l’exécution des peines et à la détention préventive (A), AVOCATS.BE s’était réjoui de la
volonté affichée par le ministre de :
- lutter contre la surpopulation carcérale (1) ;
- favoriser les alternatives à la peine privative de liberté qui devient le remède ultime
réservé aux infractions les plus graves (2);
- réduire drastiquement le recours à la détention préventive et limiter la durée de
celle-ci (3).
Force est cependant de constater que l’avant-projet de loi pot-pourri II ne concrétise pas
complètement ces déclarations d’intentions.
Sur le plan des droits de la défense, le projet pot-pourri II suscite également des questions
(B).
A. EXECUTION DES PEINES ET DETENTION PREVENTIVE
AVOCATS.BE regrette que les objectifs ambitieux du plan justice ne soient pas concrétisés.
1. En ce qui concerne la lutte contre la surpopulation carcérale
Les mesures envisagées par le projet pot-pourri II ne pourraient qu’accroître la
surpopulation dans les prisons :
Tous les crimes sont correctionnalisés mais le taux des peines augmente,
pouvant atteindre 40 ans d’emprisonnement (voir articles 2 à 6 du projet, article 15,
article 27)
Actuellement, la peine la plus élevée que peut prononcer une Cour d’assises est une peine
de 30 ans (sous réserve de la réclusion à perpétuité).
Le projet pot-pourri II prévoit de correctionnaliser une série de crimes mais augmente le
taux de peine à 40 ans, ce qui signifie qu’un prévenu pourrait désormais être condamné à
40 ans de prison par un juge unique âgé de moins de 30 ans (voir réforme Pot-Pourri I) -
au lieu de 3 juges et 12 jurés en Cour d’assises, à l’issue de quelques heures d’audience
au lieu d’une session d’assises où de nombreux témoins peuvent être entendus.
Cela pose question.
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
Augmenter le taux de peine est préoccupant car une peine de 30 ans est suffisante pour
réprimer l’ensemble des crimes.
Le risque est élevé, en prononçant de telles peines, d’enlever tout espoir aux détenus et
de créer de l’insécurité dans les prisons.
C’est aussi faire peu confiance au travail des tribunaux d’application des peines (TAP) qui
ont été créés pour apprécier l’opportunité ou non d’une modalité d’exécution de la peine.
Pour atténuer les conséquences négatives de la correctionnalisation, il faut prévoir des
garanties et notamment la facilitation de l’audition des témoins. Cela est important tant
pour le respect des droits de la défense du prévenu que pour les victimes qui ont besoin
de s’exprimer. L’oralité des débats contribue au sentiment de justice et au rétablissement
de la paix sociale.
Il convient également de prévoir des garanties par rapport à l’expérience des magistrats
pouvant statuer dans ces matières et de prévoir des chambres à trois juges.
Les délais de prescription sont allongés (voir article 59 du projet remplaçant
l’article 21bis du Titre préliminaire du C.i.cr. en ce qui concerne la prescription de l’action
publique, voir article 17 du projet modifiant l’article 92 du Code pénal en ce qui concerne
la prescription des peines).
L’instauration de délais de prescription en matière pénale n’est pas l’illustration d’un
laxisme mais part du constat qu’après l’écoulement d’un certain délai la répression ne se
justifie plus pour de nombreuses raisons qui tiennent notamment à la paix sociale, à la
déperdition des preuves et à l’impossibilité de prononcer encore une juste sanction.
L’allongement des délais de prescription aggravera le risque d’aboutir à un dossier moins
bien monté, ce qui serait préjudiciable pour une victime qui parviendrait plus difficilement
pas à faire établir la réalité, la nature ou l’importance des sévices subis, par exemple.
Plus le temps passe, plus il donne de prise au doute.
En outre, l’allongement des délais de prescription aura pour conséquence une
augmentation des cas où le dépassement du délai raisonnable sera invoqué.
En cas de dépassement du délai raisonnable, les tribunaux doivent en tenir compte, soit
pour atténuer la peine, soit pour prononcer une simple déclaration de culpabilité. Pour
rappel, les modifications législatives qui sont intervenues à cet égard dans notre pays, l’ont
été sous la pression de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de
Strasbourg.
N’est-il pas encore plus douloureux pour la victime d’aboutir à l’irrecevabilité des poursuites
ou à une « simple déclaration de culpabilité » surtout pour des faits particulièrement graves
?
Le délai de prescription des peines est également allongé, celles-ci devenant dans certains
cas imprescriptibles ou passant de 5 ans à 10 ans et de 10 ans à 20 ans, ce qui semble
inadéquat. Le parquet a-t-il besoin d’autant de temps pour mettre à exécution d’une peine.
L’homme d’il y a 20 ans est-il le même aujourd’hui ?
2. En ce qui concerne la promotion d’alternatives à la peine privative de
liberté
Plutôt que de promouvoir des alternatives à la peine privative de liberté, le projet exclut
pour certains types de faits la suspension, la peine autonome de travail, la peine autonome
de surveillance électronique et la peine autonome de probation (voir article 12 du projet
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
remplaçant l’article 37ter du Code pénal en ce qui concerne la peine autonome de travail,
article 34 du projet modifiant la loi sur la suspension, article 42 du projet remplaçant
l’article 7 de la loi instaurant la surveillance électronique comme peine autonome, article
49 du projet remplaçant l’article 8 de la loi instaurant la probation comme peine
autonome).
Ces nouvelles dispositions témoignent en outre d’une méfiance injustifiée à l’égard des
magistrats qui sont pourtant les mieux à même d’apprécier si ce type de peines peut être
appliqué dans le respect du principe de l’individualité des peines.
3. En ce qui concerne la réduction « drastique » du recours à la détention
préventive et sa limitation dans le temps
Les modifications annoncées pour limiter la durée de toute détention préventive ne sont
pas évoquées dans l’avant-projet. En revanche :
Après trois mois (à partir de la troisième décision de la chambre du
conseil), le contrôle de la détention préventive aura lieu tous les deux mois plutôt
que tous les mois (voir articles 126, et 127 du projet modifiant l’article 22 et abrogeant
l’article 22bis de la loi sur la détention préventive).
Allonger le maintien en détention préventive à deux mois pour tous les types d’infractions
va à l’encontre du caractère exceptionnel qu’il convient de réserver à la privation de liberté
avant jugement.
Par ailleurs, la possibilité de solliciter une remise en liberté mensuellement est supprimée.
AVOCATS.BE se rallie à la position exprimée par les juges d’instruction à cet égard qui
estimait que l’allongement du délai est contraire aux droits de la défense et que le rythme
des comparutions mensuelles est un ressort permettant de dynamiser et d’accélérer
l’enquête.
Le contrôle des détentions préventives de longue durée est supprimé (voir
articles 69 et 70 modifiant l’article 136bis et abrogeant l’article 136ter du C.i.cr.)
Le pourvoi en cassation en matière de détention préventive est supprimé
(article 125 du projet – modification de l’article 20 §6 de la loi sur la détention préventive).
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
B. EXERCICE DES DROITS DE LA DEFENSE
AVOCATS.BE s’inquiète pour l’exercice des droits de la défense :
1. AVOCATS.BE estime que l’extension de la mini-instruction est prématurée à
ce stade et doit faire l’objet d’une réforme globale. AVOCATS.BE partage le souci des juges
d’instruction à cet égard (voir article 62 du projet)
2. En ce qui concerne la fixation des délais d’échange des conclusions par le tribunal
de police, le tribunal correctionnel et la cour d’appel (voir article 75, 84 et 92 du projet),
AVOCATS.BE estime que cette disposition est certes susceptible de rationnaliser la mise en
état des causes en palliant la désorganisation des audiences pour autant toutefois que
cette disposition s’applique et s’impose également au ministère public, et notamment
en ce qui concerne la sanction d’écartement d’office des conclusions
déposées/communiquées hors des délais fixés par la juridiction.
3. La limitation du droit d’opposition aux cas de force majeure (voir article 82
du projet) est une mesure aussi injuste qu’incompatible avec les textes internationaux. Les
choix stratégiques de faire défaut sont pour le moins exceptionnels et dangereux, compte
tenu de la tendance des juridictions de sanctionner plus sévèrement par défaut. On aperçoit
d’ailleurs mal l’intérêt de faire défaut, sauf lorsque l’action publique est prescrite à quelques
mois près ou lorsque les droits de la défense l’imposent.
4. Pour ce qui est de la question du périmètre de la saisine de la juridiction
d’appel, AVOCATS.BE insiste pour que le législateur précise que, nonobstant la mention
des griefs dans la requête d’appel, la juridiction qui doit connaître de ce recours en appel
soit saisie de l’ensemble de la cause dont avait été saisi le premier juge (voir article 88 et
90 du projet)
Une solution différente serait totalement incompatible avec le respect des droits
fondamentaux. Pensons notamment aux particuliers sans avocat qui devraient déterminer
précisément, sous peine d’irrecevabilité, les griefs faits au jugement a quo…
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
II. OBSERVATIONS PARTICULIERES :
TITRE 2 : MODIFICATION DU DROIT PENAL
Chapitre 1 : dispositions modifiant et interprétant le Code pénal
Articles 2 à 6 du projet - modification des articles 9 à 25 du code pénal:
augmentation des peines
Afin de « compenser » la correctionnalisation possible pour tous les crimes, les peines
maximales pour les crimes les plus graves passent de 30 ans à 40 ans et le maximum de
la peine, en cas de correctionnalisation d’un crime puni de 20 à 30 ans de réclusion, passe
de 20 ans à 28 ans.
On n’est pas loin des peines incompressibles.
Les conséquences de cette correctionnalisation sont multiples:
- Augmentation du taux de la peine;
- Perte de l’oralité des débats ;
- Moins de juges (et des juges moins expérimentés – voir pot-pourri I) pour des
sanctions plus sévères ;
- Des peines accessoires pour plus d’infractions (voir article 4 du projet);
- Etc.
Pour atténuer les conséquences négatives de la correctionnalisation, il faut prévoir des
garanties et notamment la facilitation de l’audition des témoins. Cela est important tant
pour le prévenu que pour les victimes qui ont besoin de s’exprimer. L’oralité des débats
contribue au sentiment de justice et au rétablissement de la paix sociale.
Il convient également de prévoir des garanties par rapport à l’expérience des magistrats
pouvant statuer sur ces matières et limiter l’effet « pervers » de la réforme (taux de peines,
peines accessoires, etc).
Article 7 du projet - modification des articles 31 et s. du code pénal: extension
des peines pouvant être prononcées par le tribunal correctionnel en cas de
correctionnalisation
On donne les mêmes pouvoirs aux tribunaux qu’aux cours d’assises.
Ainsi, les interdictions visées à l’article 31, §1er qui sont obligatoires vont devoir être
prononcées pour des crimes correctionnalisés punis d’un emprisonnement de 20 ans et
plus et des délits (par le jeu des concours et des récidives), ce qui n’était pas le cas avant.
De même pour la mise à disposition du TAP (art. 34ter), on élargit les cas dans lesquels
cette mesure de sûreté va être ordonnée (3°).
On va ainsi permettre un durcissement des peines, sans justification si ce n’est qu’il s’agit
d’un effet collatéral de la réforme.
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
Article 12 du projet – nouvel l’article 37ter du Code pénal : la peine autonome de
travail (PAT) est exclue pour certains faits
Toutes les peines autonomes (mais aussi la suspension du prononcé) et donc la peine
autonome de travail sont exclues pour les faits punissables d’une réclusion de 20 à 30 ans
ou plus.
Il s’agit d’une forme de méfiance à l’égard de la magistrature : pourquoi exclure une peine
autonome de travail pour ces types de faits. Si, pour ces infractions -là, le tribunal devait
l’envisager, c’est probablement parce que la situation personnelle de l’individu le
permettrait ; ce qui est cohérent dans un système d’individualisation des peines.
Par ailleurs, certaines infractions (comme la prise d’otage et d’autres) ne pourront plus
bénéficier de la peine autonome de travail sans raison fondamentale.
Article 15 du projet - modification de l’article 80 du code pénal : augmentation
des seuils en cas de correctionnalisation
Comme indiqué précédemment, après correctionnalisation, un crime puni de 30 à 40 ans
de réclusion peut être punissable d’une peine allant jusqu’à 38 ans de réclusion et un crime
puni de 20 à 30 ans de réclusion peut être punissable d’un peine allant jusqu’à 28 ans de
réclusion au lieu de 20 ans.
Cela est contraire à l’objectif poursuivi par le ministre de la justice de limiter
l’emprisonnement.
Article 17 du projet - modification de l’article 92 du Code pénal : prescription des
peines
Certaines peines deviennent imprescriptibles, les peines de plus de 20 ans se prescrivent
par 20 ans au lieu de 10 ans (ce qui était réservé aux peines criminelles avant).
Est-il bien raisonnable et nécessaire ?
Articles 18, 22,23 du projet - art. 400 CP et suivants: incapacité permanente de
travail
La notion d’incapacité de travail permanente est supprimée au bénéfice de celle
d’incapacité de travail personnelle de plus de quatre mois. L’objectif est de ne plus attendre
les expertises pour qualifier une incapacité de permanente ou non et de ne plus bloquer
une demande civile en raison de l’existence d’une procédure pénale.
L’idée est intéressante mais pose question.
Le problème est qu’on augmente significativement les peines pour les infractions de coups
et blessures ayant entraîné une incapacité de plus de quatre mois mais non permanente.
Ne faut-il pas répartir l’échelle des peines de manière plus égalitaire entre les incapacités
de moins de 4 mois ou de plus de 4 mois : 2 mois à 2 ans d’emprisonnement pour une
incapacité temporaire jusqu’à 4 mois et 2 ans à 5 ans d’emprisonnement pour une
incapacité temporaire de plus de 4 mois ?
Article 24 du projet – nouvel article 414 du Code pénal: en cas d’excuse de
provocation
Dans une telle hypothèse, il est prévu que la peine ne puisse plus être diminuée en raison
de la correctionnalisation.
Il n’y a pas de raison de modifier ce système à l’occasion de la présente réforme. Cela ne
se justifie pas. Le juge du fond est tout à fait capable d’apprécier s’il admet ou non des
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
circonstances atténuantes après admission de la cause d’excuse lors de la
correctionnalisation.
Article 27 du projet - modification de l’article 476 du Code pénal : tentative de
meurtre commis pour faciliter le vol
Selon le projet, la tentative serait punie comme le meurtre pour faciliter le vol. L’idée est
d’harmoniser à nouveau vers le haut en termes de répression. C’est contraire à l’objectif
de lutter contre la surpopulation dans les prisons.
Chapitre 2 : dispositions modifiant les articles 1 et 8 de la loi du 29/06/1964
concernant la suspension, le sursis et la probation
Article 34 du projet – modification de l’article 3 de la loi: exclusion des crimes
les plus graves du bénéfice de la suspension du prononcé
Même les crimes les plus graves étant correctionnalisables, le projet exclut la possibilité
d’ordonner la suspension du prononcé pour ceux qui sont punissables de peines
supérieures à 20 ans de réclusion.
Pourquoi fermer une porte que le juge du fond n’ouvrira qu’en cas de situation
exceptionnelle ? C’est encore une preuve de défiance à son égard.
Article 35 du projet- nouvel article 8 § 1 de la loi:
1. Suppression de la possibilité d’ordonner un sursis pour la peine autonome
de travail, la peine de probation autonome, la condamnation par
surveillance électronique et la confiscation
Il ne faut pas perdre de vue le risque de violation de la Constitution et la CEDH lorsqu’on
ne permet plus au juge d’assortir des peines d’un sursis.
Dans un jugement récent du 29/04/15, le tribunal correctionnel de Liège a interrogé la
Cour constitutionnelle sur la conformité de l’article 43 du Code pénal avec les articles 10
et 11 de la Constitution, l’article 6 de la CEDH et l’article 1 du 1er Protocole additionnel de
la CEDH, en ce qu’il impose de prononcer des confiscations. La question est d’autant plus
pointue si le sursis est exclu.
A nouveau, AVOCATS.BE regrette la défiance affichée à l’égard du juge du fond.
Si l’on peut comprendre l’absence de possibilité de sursis pour une peine de probation
autonome, on ne la comprend pas pour une surveillance électronique ni pour une peine
autonome de travail.
Les difficultés d’application évoquées dans l’exposé des motifs pour justifier la réforme
devraient pouvoir se résoudre en allongeant le délai d’exécution de la peine de travail
notamment.
2. Suppression de l’exclusion du sursis en fonction des antécédents
C’est une mesure positive. Il s’agit d’une solution préconisée par le Conseil supérieur de la
Justice.
On peut regretter qu’il ne soit pas donné la même latitude au juge du fond en matière de
suspension du prononcé (surtout lorsque les antécédents sont très anciens).
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
Chapitre 3 : dispositions modifiant la loi du 7/02/14 instaurant la surveillance
électronique comme peine autonome
Article 42 du projet – nouvel article 7 de la loi: cas d’exclusion de la surveillance
électronique comme peine autonome
AVOCATS.BE regrette les exclusions notamment pour les infractions de mœurs.
N’est-il pas utile de permettre au juge du fond de prendre sa décision en fonction d’une
palette la plus élargie possible de sanctions ?
Article 43 du projet – nouvel article 8 de la loi insérant un article 37quater dans
le code pénal: révocation de la suspension de la surveillance électronique
Le parquet doit motiver sa décision de révocation de la surveillance électronique. Par
contre, si on suspend la surveillance électronique en cas de « bonne conduite » puis si le
parquet veut remettre le justiciable sous surveillance électronique, il ne doit pas motiver
sa décision. Il faut prévoir une motivation même dans cette hypothèse.
Chapitre 4 : dispositions modifiant la loi du 10/04/14 insérant la probation
comme peine autonome
Article 49 du projet – nouvel article 8 de la loi: cas d’exclusion de la probation
comme peine autonome
Même remarque qu’à l’article 42. En outre, la peine de probation autonome ne peut être
prononcée pour les faits punissables, s’ils n’étaient transmués en délits, de la réclusion de
20 à 30 ans ou plus.
Article 50 du projet – modification de l’article 12 de la loi : limitation de la peine
de probation autonome à deux ans.
AVOCATS.BE ne comprend pas cette restriction qui risque de restreindre le champ
d’application de la probation comme peine autonome.
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
TITRE 3 MODIFICATION DE LA PROCEDURE PENALE
Chapitre 1er : modifications du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle
Article 59 du projet – nouvel article 21bis du Titre préliminaire du C.i.cr.:
allongement des délais de prescription
AVOCATS.BE s’est déjà exprimé à plusieurs reprises contre l’allongement des délais de
prescription (risque d’erreurs judiciaires, risque de déception de la victime, etc.).
En outre, pourrait être réglée à l’occasion de la présente proposition concernant la
prescription, la question de la prescription des infractions de faux et usage de faux.
Chapitre 2 : dispositions modifiant le Code d’instruction criminelle
Article 62 du projet - modification de l’article 28septies C.i.cr. : la mini-instruction
pour les écoutes (90ter), l’observation (56bis), le contrôle visuel discret (89ter)
et les perquisitions
AVOCATS.BE partage les inquiétudes exprimées par les juges d’instruction dans leur note.
Lors des travaux parlementaires du « Petit Franchimont », les opposants à la mini-
instruction en matière de perquisitions considéraient que de tels devoirs portaient
largement atteinte aux principes constitutionnels du respect de la vie privée et de
l’inviolabilité du domicile ; il fallait donc laisser ces devoirs en mains d’un juge qui instruit
à charge et à décharge et qui connaît le dossier. Il faut aussi rappeler la jurisprudence de
la Cour constitutionnelle en matière de méthodes particulières de recherche (voir arrêt du
21/12/04).
La question est donc celle du juge d’instruction ou du juge de l’instruction.
Une telle réforme devrait être appréhendée dans le cadre d’une réforme globale
de la procédure pénale en veillant à garantir les droits des justiciables face au
parquet.
Cette montée en puissance du parquet au stade de l’enquête destinée à étayer ses
poursuites commande assurément que le parquet ne jouisse pas, de surcroît, d’une position
privilégiée et dominante à l’audience pénale et dans la salle du délibéré du juge, au risque,
sinon, de déséquilibrer irrémédiablement les poursuites pénales en raison d’une partie
poursuivante toute puissante tant au niveau de la recherche des éléments à charge pour
alimenter ses poursuites que lors de l’examen desdites poursuites par la juridiction pénale
à la faveur d’une proximité du juge que la confiance dans l’impartialité de l’appareil
judiciaire en serait anéantie.
AVOCATS.BE insiste notamment pour qu’un éventuel futur accroissement des pouvoirs
d’investigation et de poursuites du Parquet aille de pair avec une obligation pour celui-ci
de i) ne plus pénétrer dans la salle du délibéré de la juridiction pénale en dehors de la
présence des autres parties à la cause ou de leur avocat, et ii) de ne plus se tenir sur
l’estrade ni au bureau du juge, mais à la barre, c’est-à-dire à l’endroit dans la salle
d’audience où se tiennent les autres parties et leurs avocats pour plaider, à peine sinon
d’irrecevabilité de l’action publique.
On rappellera incidemment et en soutien de la note des juges d’instruction, que :
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
A. Dans son arrêt Borgers c/ Belgique du 30 octobre 1991, la Cour européenne des
droits de l’homme (CEDH) condamna la Belgique pour violation de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme pour absence d’une Cour de cassation
impartiale, en raison de la présence du procureur général aux réunions de délibération de
la Cour de cassation.
La CEDH fit valoir à cet égard que, si le parquet de la Cour de cassation est certes censé
requérir objectivement, il n’en devient pas pour autant impartial.
La CEDH disant en effet pour droit sous le considérant 26 de cet arrêt de principe :
« 26. Nul ne doute de l’objectivité avec laquelle le parquet de cassation s’acquitte de ses
fonctions. En attestent le consensus dont il fait l’objet en Belgique depuis ses origines et
l’assentiment que le Parlement lui a marqué à diverses reprises. Néanmoins, son opinion
ne saurait passer pour neutre du point de vue des parties à l’instance en cassation: en
recommandant l’admission ou le rejet du pourvoi d’un accusé, le magistrat du ministère
public en devient l’allié ou l’adversaire objectif. »
B. L’article 832 du Code judiciaire exclut purement et simplement le ministère public
de toutes les causes de récusation qui garantissent l’impartialité des juges, parmi lesquelles
la suspicion légitime et même l’inimitié capitale.
Ainsi que l’écrivent H. D. Bosly, D. Vandermeersch et M.-A. Beernaert dans leur ouvrage
de référence en matière de procédure pénale “on ne récuse pas un adversaire” :
« Le magistrat du ministère public — qui est partie principale au procès pénal — ne peut
pas faire l’objet d’une récusation, car on ne récuse pas un adversaire (art. 832 C.
jud.). »1
Or, c’est pourtant cette partie au procès pénal, dont l’impartialité est donc à ce point
incertaine que le législateur lui-même a expressément exclu le droit pour les justiciables
d’en demander la récusation. Le magistrat du ministère public occupe cette place
ostensiblement privilégiée à l’audience consistant à pouvoir accompagner le juge dans sa
salle de délibéré avant le commencement de l’audience, pendant une éventuelle
interruption d’audience et à la fin de chaque audience pénale, à pouvoir s’asseoir sur son
estrade et le plus souvent à même sa table, et même à pouvoir échanger parfois certains
propos à voix basse avec lui durant l’audience.
Aux termes de récents arrêts, la Cour de cassation a vanté les qualités et mérites
autoproclamés d’un ministère public intervenant au procès pénal prétendument pour
« proposer au juge une solution de justice » et répondant à un haut degré d’objectivité et
de neutralité, sa loyauté devant être présumée (notamment Cass. 19/12/2012,
P.12.1310.F/2, www.juridat.be).
Ces prises de positions qui confinent à des incantations sont cependant vides de sens dès
lors qu’il n’existe précisément aucune procédure légale qui garantisse au justiciable de
bénéficier effectivement, dans le cadre du traitement de son dossier, d’un représentant du
parquet qui soit réellement neutre, loyal et objectif. Bien au contraire puisque, comme déjà
indiqué, l’article 832 du Code judiciaire exclut expressément à l‘égard du Parquet toutes
les causes de récusation des juges.
Article 65 du projet - modification de l’article 90quater du C.i.cr.: suppression de
la cause de nullité en cas de non-respect des formalités prévues à cet article
concernant les MPR
1 M-A Beernaert, H-D Bosly, D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, La Charte, 2017, 7ème éd., t. 1, p.
148.
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
Les raisons pour lesquelles le législateur avait décidé de sanctionner le non-respect des
exigences de l’article 90quater par la nullité sont toujours pertinentes : l’ingérence
importante dans la vie privée et la volonté d’empêcher les écoutes de devenir une
technique ordinaire d’investigation.
L’argument développé dans l’exposé des motifs selon lequel la technique des écoutes est
surtout appliquée dans des dossiers de criminalité grave et organisée n’est pas démontré.
Il n’y a pas lieu à modification.
Articles 69 et 70 du projet – modification de l’article 136bis et abrogation de
l’article 136ter du C.i.cr.: suppression du contrôle des détentions préventives de
longue durée
L’abrogation pour des raisons de difficultés de mise en œuvre surprend : pourquoi ne pas
mieux organiser le système ?
Le contrôle automatique prévu au §1er pour des détentions préventives supérieures à 6
mois n’a peut-être pas d’utilité.
Par contre, la possibilité doit être garantie pour le justiciable détenu depuis plus de 6 mois
de saisir la Chambre des mises en accusation pour un contrôle avec un rapport qui doit
être réalisé par le juge d’instruction sur l’état de son enquête.
Il conviendrait d’améliorer les modalités d’exercice de ce droit.
Article 71 et 81 du projet - modification des articles 145 et 182 du C.i.cr. : la
citation reste valable en cas de remise
En combinaison avec la réforme sur l’opposition, le risque de violation des droits de la
défense est réel.
En outre, si la personne n’avait pas de domicile connu au moment de la convocation pour
la première audience, il faudrait prévoir de la convoquer à nouveau pour l’audience de
remise, quitte à ce que ce soit par un envoi recommandé pour limiter les frais dans
l’hypothèse où le justiciable a pu se mettre en ordre administrativement dans l’intervalle.
Article 75, 84 et 92 du projet : nouvel article 152 C.i.cr. et modification de l’article
189 et 209bis du C.i.cr: fixation des délais d’échange des conclusions par le
tribunal de police, le tribunal correctionnel et la cour d’appel
Le projet de loi introduit une procédure de fixation d’office d’un calendrier d’échange des
conclusions devant le tribunal de police2, le tribunal correctionnel3 et la cour d’appel4.
Cette disposition est certes susceptible de rationnaliser la mise en état des causes en
palliant la désorganisation des audiences consécutive au dépôt à contretemps de
conclusions par les parties poursuivantes ou les personnes poursuivies.
Toutefois, il faudrait mentionner expressément que cette disposition s’applique et
s’impose également au ministère public, et notamment en ce qui concerne la sanction
d’écartement d’office des conclusions déposées/communiquées hors des délais fixés par la
juridiction (voyez la formulation de l’alinéa 3 du nouvel article 152 C.i.cr. (art. 52 du projet
2 Voyez l’article 52 du projet de loi, modifiant l’article 152 du Code d’instruction criminelle
3 Voyez l’article 63 du projet de loi, modifiant l’article 189 du Code d’instruction criminelle
4 Voyez l’article 71 du projet de loi, modifiant l’article 209bis du Code d’instruction criminelle
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
de loi), afin de ne pas donner l’occasion à la jurisprudence de rapidement développer une
interprétation consistant à en exonérer le ministère public.
Le préambule de l’article 152, §1er, C.i.cr. devrait être ainsi reformulé comme suit (voyez
les mots en caractère gras) : « §1er Les parties, en ce compris le ministère public, qui
souhaitent conclure……
Tandis que la phrase suivante devrait être ajoutée à l’alinéa 3 dudit §1er : « La sanction
d’écartement d’office des conclusions déposées/communiquées hors des délais
fixés par la juridiction, s’applique également au Ministère public. »
Article 60 – abrogation de l’article 185 § 2 du C.i.Cr. qui prévoyait la possibilité
pour le tribunal d’ordonner la comparution en personne
Le jugement de comparution personnelle permet de faire avancer un procès en évitant le
défaut puisqu’il s’agit d’un jugement qui est réputé contradictoire.
AVOCATS.BE ne comprend pas l’intérêt d’abroger l’article 185 §2 C.i.Cr.
Article 82 du projet – nouvel art. 187, § 5 et 6 C.i.cr : modifications des règles
d’opposition
a) la sanction d’irrecevabilité du recours en opposition non signifié selon les
formes légalement prescrites
L’article 82 du projet de loi modifiant l’article 187, § 5, 1°, C.i.cr. dispose que « L’opposition
sera déclarée irrecevable notamment : 1° sauf cas de force majeure, si elle n’a pas été
signifiée dans les formes et délais légaux. »
Tel que formulée, cette disposition légale permettrait donc de frapper d’irrecevabilité tout
exploit de signification d’un recours en opposition qui contiendrait la moindre irrégularité
formelle quelconque, même la plus minime.
Eu égard à l’importance pour les droits de défense du recours en opposition, il
conviendrait donc assurément de prévoir une couverture possible de cette
sanction d’irrecevabilité au cas où il est avéré que l’acte d’opposition dont l’exploit de
signification présenterait une quelconque irrégularité formelle, a néanmoins rempli la
finalité que la loi lui assigne et n’a pas nui aux intérêts de la partie, fut-ce le ministère
public, qui invoque cette irrégularité formelle.
b) la limitation du droit d’opposition aux cas de force majeure
L’article 82 du projet de loi modifiant l’article 187, § 6, 1°, C.i.cr. dispose que « L’opposition
sera déclarée non avenue si l’opposant, lorsqu’il comparait en personne ou par avocat, ne
fait pas état d’un cas de force majeure ou d’un motif valable justifiant son défaut lors de
la procédure attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou du motifs invoqués restant
soumise à l’appréciation souveraine du juge.
Il s’agit là d’une mesure aussi injuste qu’incompatible avec les textes internationaux. Les
choix stratégiques de faire défaut sont pour le moins exceptionnels et dangereux, compte
tenu de la tendance des juridictions de sanctionner plus sévèrement par défaut. On aperçoit
d’ailleurs mal l’intérêt de faire défaut, sauf lorsque l’action publique est prescrite à quelques
mois près ou lorsque les droits de la défense l’imposent.
Il faut s’en référer à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Medenica, 7 mai
2001 mais aussi Da Luz Daminguez Ferrera c. Belgique, du 24 mai 2007 : « La Cour a
estimé que l'obligation de garantir à l'accusé le droit d'être présent dans la salle d'audience
– soit pendant la première procédure à son encontre, soit au cours d'un nouveau procès –
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
est l'un des éléments essentiels de l'article 6 (Stoichkov c. Bulgarie, n° 9808/02, § 56, 24
mars 2005). Dès lors, le refus de rouvrir une procédure qui s'est déroulée par défaut en
l'absence de toute indication que l'accusé avait renoncé à son droit de comparaître a été
considéré comme un « flagrant déni de justice », ce qui correspond à la notion de procédure
« manifestement contraire aux dispositions de l'article 6 ou aux principes qui y sont
consacrés » (Stoichkov précité, §§ 54-58).
Dans ces circonstances, la Cour considère que le refus par la cour d'appel de Liège de
rouvrir une procédure qui s'est déroulée par défaut en présence d'éléments montrant sans
équivoque que l'accusé souhaitait faire valoir son droit de comparaître a privé le requérant
du droit d'accès à un tribunal. Partant, il y a violation de l'article 6 § 1. »
L’avant-projet va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour européenne : le justiciable
condamné par défaut doit pouvoir former opposition et ne doit pas être tenu de prouver
un cas de force majeure ou un « motif valable » justifiant son défaut.
Article 88 du projet – nouvel art. 204 C.i.cr : la sanction de la déchéance du
recours en appel à défaut de dépôt d’une requête motivée endéans le délai
d’appel - la question du périmètre de la saisine de la juridiction d’appel
L’une des modifications saillantes du projet de loi est assurément celle de l’obligation de
motiver le recours en appel d’une décision de police ou correctionnelle5 par le dépôt d’une
requête précisant les griefs.
La formulation de la version française doit être revue6, il ne serait assurément pas superflu
de prévoir expressément que cette obligation de motivation de l’appel et la
sanction y afférente sont également d’application dans le chef du ministère
public, afin de ne pas donner l’occasion à la jurisprudence de rapidement développer une
interprétation consistant à en exonérer le ministère public.
Cela pourrait se faire par l’ajout de la phrase suivante à l’alinéa 1er du nouvel article 204
C.i.cr. : « La présente disposition légale s’applique également au ministère
public. »
Dès lors que l’appelant devra donc, en vertu du nouvel article 204 C.i.cr., préciser, en
fondement de son recours en appel, ses griefs contre la décision du premier juge, se pose
nécessairement la question, non évoquée par cette disposition légale, du périmètre de ce
recours ou, autrement dit, de la saisine de la juridiction d’appel.
Il ne serait certainement pas inutile de préciser que nonobstant la mention des griefs dans
la requête d’appel, la juridiction qui doit connaître de ce recours en appel est saisie de
l’ensemble de la cause dont avait été saisi le premier juge.
Le premier danger réside dans l’obligation faite aux particuliers sans avocat de déterminer
précisément, sous peine d’irrecevabilité, les griefs faits au jugement a quo…
Le second réside dans l’impraticabilité de ce système en cas de changement de conseil en
cours de procédure. Il convient que le second avocat ne soit pas lié par la requête d’appel,
peut-être trop restrictive, du premier.
Le délai porté à un mois (article 89) (+ 10 jours pour le parquet général) doit
s’accompagner d’une obligation pour le parquet, en l’absence de volonté de recours, de ne
5 Il s’observe en effet que l’article 174, al. 2, C.i.cr. relatif aux formes et délais de l’appel des jugements des
tribunaux de police, réfère expressément aux « mêmes délais, conditions et formes que l’appel des jugements
rendus par le tribunal correctionnel. »
6 « la requête définit (indique ?) précisément (ou précise) les griefs (…) » ou encore : « Elle sera signée de
(par ?) l’appelant, ou de (par ?) son avocat, ou de (par ?) tout autre fondé de pouvoir
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
pas attendre l’issue de ce délai avant de prévenir les établissements pénitentiaires : en
effet, bien souvent, malgré la décision du ministère public de ne pas interjeter appel de la
décision, il attend l’expiration du délai de 25 jours (de lege ferenda 40 jours) avant d’en
faire état aux établissements pénitentiaires, ce qui allonge d’autant l’enfermement des
personnes pouvant bénéficier d’une libération provisoire au tiers de peine.
Par ailleurs, quel est l’intérêt de ce système risqué et indéfendable au regard de la CEDH ?
Par contre, il est intéressant de permettre au ministère public de se désister de son appel
(article 90).
Article 113 du projet - nouvel article 420 C.i.cr. : suppression du pourvoi en
cassation contre les décisions prises en application de 135 (irrégularités, etc. lors
du règlement de procédure), 235bis (purge des nullités) et 235ter (MPR) C.i.cr.
Le raisonnement est à nouveau particulier puisqu’il s’agit d’alléger le travail de la Cour de
cassation par la suppression de droits garantis aux citoyens.
En outre, une décision à ce stade de la procédure peut éviter des années de procès qui
pourraient se clôturer par l’irrecevabilité des poursuites.
AVOCATS.BE n’est pas favorable à cette réforme et préconise plutôt de prévoir des règles
plus simples pour la procédure en cassation.
Chapitre 3 : modifications de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances
atténuantes
Article 119 à 121 du projet : suppression de la possibilité de tenir compte de
circonstances atténuantes pour les crimes correctionnalisés
Cette mesure s’ajoute aux autres conséquences de la correctionnalisation de certains
crimes :
- Problématique du taux de la peine
- Perte de l’oralité des débats
- Moins de juges pour des sanctions plus sévères
- Des peines accessoires pour plus d’infractions
- Etc.
La correctionnalisation de ces crimes doit être accompagnée de garanties permettant de
prévoir la facilitation de l’audition des témoins, de garanties quant à l’expérience des
magistrats pouvant statuer sur ces matières de manière à limiter l’effet « pervers » de la
réforme (taux de peines, peines accessoires, etc). cfr. supra.
Chapitre 6 : Modification de la loi du 20 juillet 1990 relative à détention
préventive
AVOCATS.BE partage l’inquiétude des juges d’instruction telle qu’ils l’ont exprimée dans
leur note.
Article 125 du projet – nouvel article 20, §6 de la loi : suppression du pourvoi en
cassation -.
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
La suppression se justifierait par la circonstance que peu de pourvois en cassation sont
introduits en matière de détention préventive et qu’il est faut dès lors supprimer le recours.
Ainsi donc, une détention irrégulière pourrait se poursuivre par le simple fait qu’elle est
exceptionnelle.
AVOCATS.BE s’oppose fermement à ce genre de réforme attentatoire à nos règles
fondamentales, soit le respect de formalités lors de la privation de liberté d’un individu.
Article 126 et 127 du projet - modification de l’article 22 et abrogation de l’article
22 bis : contrôle de la détention préventive tous les deux mois (à partir de la
troisième décision de la chambre du conseil)
AVOCATS.BE juge cette mesure inappropriée : allonger le maintien en détention préventive
à deux mois pour tous les types d’infractions va à l’encontre du caractère exceptionnel à
réserver à la privation de liberté avant jugement.
La possibilité de solliciter une remise en liberté après un mois de détention est également
supprimée.
Cela est contraire à la volonté affichée du ministre de la justice de lutter contre
l’enfermement.
AVOCATS.BE se rallie à la position exprimée par les juges d’instruction à cet égard qui
estime que l’allongement du délai est contraire au droits de la défense et que le rythme
des comparutions mensuelles est un ressort permettant de dynamiser et d’accélérer
l’enquête !
Article 130 du projet – modification de l’article 26, §3 et §5 de la loi: prolongation
de la surveillance électronique après renvoi
L’article vise à permettre le renvoi sous surveillance électronique, ce qui doit être soutenu.
Toutefois, l’article devrait permettre le renvoi sous surveillance électronique des
justiciables toujours sous les liens du mandat d’arrêt et pas exclusivement des détenus
bénéficiant déjà de la surveillance électronique.
La même remarque s’impose pour la prise de corps. Celle-ci doit pouvoir être exécutée
sous surveillance électronique même si l’inculpé n’était pas sous surveillance électronique
mais bien sous les liens d’un mandat d’arrêt.
Article 131 du projet – modification de l’article 27, §4 de la loi: pas plus d’une
requête de mise en liberté par mois
Il paraît logique de ne pas permettre des dépôts intempestifs de requête de mise en liberté
provisoire. Toutefois, il faut prévoir l’hypothèse d’un cas de force majeure ou de la
survenance d’un élément neuf.
Article 132 du projet – modification de l’article 28, §2 de la loi: mandat d’arrêt
délivré par le juge du fond en cas d’éléments nouveaux pour un inculpé laissé ou
remis en liberté
L’exposé des motifs n’explique pas les raisons pour lesquelles une telle modification
s’imposerait, soit la possibilité pour le juge du fond de placer sous mandat d’arrêt un
prévenu laissé ou remis en liberté lorsque des circonstances nouvelles et graves rendent
la mesure nécessaire.
En outre, cet article heurte les principes d’impartialité qui s’imposent aux juridictions de
fond : comment un juge du fond ayant délivré un mandat d’arrêt pourrait-il présenter
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
l’impartialité attendue pour juger ce même individu ? Cette pratique n’est d’ailleurs pas
permise lorsque le juge du fond a connu du dossier dans le cadre de la détention préventive
comme juge d’instruction, membre de la chambre du conseil ou de la Chambre des mises
en accusation.
Article 133 du projet – modification de l’article 29 de la loi: adresse élue valant
pour la détention préventive et la procédure au fond
Cet article qui n’est guère appliqué devrait être revu pour imposer au ministère public la
vérification de l’adresse actualisée du justiciable au moment de la convocation afin de
s’assurer que la personne concernée a été atteinte, assurément pour le règlement de
procédure, et éviter ainsi les défauts.
Article 135 du projet – modification de l’article 31, § 2: suppression des pourvois
en cassation
Voir supra - article 125
TITRE 4 DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI DU 17 MAI 2006 RELATIVE AU
STATUT JURIDIQUE EXTERNE DES DETENUS
Articles 141 et 161 du projet – modification des articles 12 et 64 de la loi :
révocation possible de permissions de sorties (PS) et de congés pénitentiaires
(CP) dans deux nouvelles hypothèses
AVOCATS.BE regrette l’élargissement des possibilités de révoquer des mesures visant à la
réinsertion des détenus.
Articles 144, 149 et 158 du projet – nouveaux articles 20, 25/2 et 59 de la loi:
l’interdiction des permissions de sorties et de congés pénitentiaires, …. pour les
personnes sans droit de séjour
AVOCATS.BE s’oppose à une telle modification. Des détenus d’origine étrangère peuvent
par le biais de ces mesures régulariser leur situation de séjour en Belgique par des
démarches administratives qui ne peuvent être réalisées de la prison. Ces démarches
permettent alors d’envisager un plan de reclassement socio-professionnel cohérent et
efficace.
Une telle interdiction devrait entrainer une obligation pour les communes de se déplacer
en prison, ce qui risque de coûter fort cher.
En outre, l’Office des étrangers ne répond généralement pas aux établissements
pénitentiaires. Or, les articles en examen font dépendre l’obtention de telles mesures d’un
avis de l’Office.
Article 146 du projet modifiant l’article 21 §1 de la loi: augmenter le temps à
l’extérieur dans le cadre d’une détention limitée (DL)
Il s’agit d’un alignement sur ce qui existe pour les permissions de sortie.
Cette modification est positive puisqu’elle permet plus de temps à l’extérieur pour une
détention limitée dans une situation semblable à une permission de sortie.
Article 153 du projet – nouvel article 43 de la loi : suppression du caractère
automatique des congés lors d’une surveillance électronique ou d’une détention
limitée
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
L’article devrait être présenté différemment. Il faut maintenir le caractère automatique des
congés à moins que le détenu ne bénéficie pas d’un endroit où il puisse se rendre pour
ledit congé.
Par contre, il faut réserver la possibilité de solliciter un congé si le détenu bénéficie,
postérieurement à la décision du TAP, d’une adresse pour l’exercer.
Article 156 du projet – modification de l’article 55 de la loi : interdiction de revenir
en Belgique pendant un délai d’épreuve
Tant que le TAP peut autoriser un retour, ce délai d’épreuve n’emporte aucune observation.
Article 161 du projet – modification de l’article 64 de la loi : révocation de la
libération provisoire en vue d’éloignement en cas de retour sur le territoire Belge
sans autorisation du TAP
Logique vu l’article 55.
Article 164 du projet – modification de l’article 68 de la loi
L’article 68 permet utilement de comptabiliser le temps du délai d’épreuve en libération
provisoire qui s’est déroulé de manière positive en déduction de la peine restant à effectuer
(parallélisme avec la LC) et oblige le TAP à déterminer le délai dans lequel le directeur doit
rendre son avis pour une nouvelle demande.
Article 162 du projet – modification de l’article 66 de la loi: possibilité de
permission de sortie et de congé pénitentiaire lors d’une suspension d’une
modalité d’exécution de la peine
Article positif puisqu’il permet de sauver la modalité d’exécution de la peine en l’adaptant
avant l’audience de révocation, modification, etc. Pratique et cohérent.
Article 163 du projet – modification de l’article 67 de la loi: permettre par le biais
d’une révision d’octroyer une autre modalité d’exécution de la peine
Cette disposition est positive car elle permet de poursuivre le plan de réinsertion en cas de
difficulté avec telle mesure plutôt qu’une autre.
Article 166 du projet – modification de l’article 74, § 4 de la loi: suppression du
délai de 7 jours dans lequel la décision de libération pour raisons médicales doit
être prise (à défaut, il s’agit d’une décision de rejet).
Ne serait-il pas utile de maintenir un délai en inversant le système : en l’absence de
décision dans un délai qui pourrait être allongé (ou accord du demandeur pour y renoncer),
la décision serait réputée positive.
Supprimer tout délai risque de ne plus rencontrer l’exigence d’une réponse rapide dans ce
type de situation.
Article 168 du projet – nouvel article 75/2 : possibilité de revoir, sans aggravation
possible, les conditions mises à la libération pour raisons médicales
Il s’agit d’une bonne initiative. Il faut cependant permettre aussi au demandeur de solliciter
une audience auprès du juge d’application des peines.
P/Plan justice Koen Geens/pot-pourri II/08.07.2015.observations AVOCATS.BE
Article 169 du projet – modification de l’article 76 de la loi: possibilité de réviser
les conditions mises à la libération provisoire pour raisons de santé
Envisager les modifications des conditions pour éviter une révocation semble une solution
constructive.
Article 152 du projet – modification de l’article 79 de la loi: arrestation provisoire
ordonnée par le ministère public
Dans le cas d’une libération provisoire pour raisons médicales, il ne faut pas permettre au
ministère public d’arrêter provisoirement une personne avant son passage devant le juge
d’application des peines en vue de la révision ou de la révocation de la libération
provisoires.
Article 172 du projet – modification de l’article 80 de la loi: durée maximale de
libération provisoire pour raisons médicales limitée à 10 ans
La modification vise à éviter qu’un détenu condamné à plus de 10 ans soit plus longtemps
en délai d’épreuve qu’un condamné à perpétuité. C’est positif.
Article 184 du projet – modification de l’article 95/27 de la loi: possibilité de
revoir la surveillance électronique en cas de mise à disposition du TAP et
procédure de révocation/suspension
Cette modification est cohérente et permet d’envisager une révision plutôt qu’une
révocation.
Article 186 du projet – modification de l’article 96 de la loi: permettre par le biais
d’une révision d’octroyer une autre modalité d’exécution de la peine
Cette disposition est positive car elle permet de poursuivre le plan de réinsertion en cas de
difficulté avec telle mesure plutôt qu’une autre.
En outre, la possibilité de pourvoi en cassation est ouverte.
Article 187 du projet – modification de l’article 97 §1er de la loi: réduction du
délai pour introduire un pourvoi en cassation à 5 jours au lieu de 15 jours
L’exposé des motifs justifie cette réduction en invoquant l’effet suspensif du délai qui serait
défavorable au détenu.
Cet argument n’est pas convaincant.
Un délai de 5 jours est trop bref.
En outre, le condamné peut toujours renoncer à ce pourvoi. Il faut donc officialiser la
pratique qui permet au détenu dans un écrit qui lui est transmis de renoncer à se pourvoir
lorsque la décision lui est favorable.
Article 188 du projet – modification de l’article 109 de la loi : entrée en vigueur :
chat échaudé craint l’eau froide
La loi de principes n’étant pas encore en vigueur, comment ne pas redouter une application
différée de ses modifications ?
1
Vers un « sanction shift » ?
Quelques réflexions à propos de la dissuasion pénale à l’épreuve de la recherche
criminologique
Mercuriale prononcée par le Procureur Général à l’occasion de l’ouverture de l’année
judiciaire de la Cour d’appel de Liège.
Dans le cadre de cette mercuriale de rentrée judiciaire, je voudrais vous inviter à une réflexion
sur la dissuasion pénale. En d’autres termes la loi pénale et son application par les cours et les
tribunaux produit dissuadent-elles ceux qui envisagent de commettre des infractions et ceux
qui ont déjà été sanctionnés pour des faits pénaux ? Les criminologues qualifient ces deux
processus de prévention générale et de prévention spéciale.
Notre propos ne sera pas ici de nous livrer à un exposé théorique sur cette question mais à la
lumières des recherches criminologiques les plus récentes de porter un regard sur les
politiques pénales conduites dans notre pays.
§1er Les origines de la théorie de la dissuasion pénale
La problématique de la dissuasion pénale n’est pas nouvelle. Cesare Beccaria et Jeremy
Bentham y ont consacré des développements importants. Pour le premier, une loi pénale sera
dissuasive si la sanction est, certaine, sévère sans être injuste et cruelle et prompte1. Il
estimait, en outre, que parmi ces trois dimensions, la certitude étai la plus importante (« Ce
n'est point par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement les crimes, c'est par la
1 C. BECCARIA, Traité des délits et des peine, p.64 : « Plus le châtiment sera prompt, plus il suivra de près le crime qu'il punit, plus il sera juste et utile. Je dis juste, parce qu'alors le criminel n'aura point à souffrir les cruels tourments de l'incertitude, tourments superflus, et dont l'horreur augmente pour lui en raison de la force de son imagination et du sentiment de sa propre faiblesse, parce que la perte de la liberté étant une peine, elle ne doit précéder la sentence que lorsque la nécessité l'exige. » (www.unifr.ch/ddp1/derechopenal/obrasportales/op_20100831_01.pdf)
2
certitude de la punition »).2 Beccaria introduit les prémisses des théories utilitaristes en
précisant que : « Pour que le châtiment soit suffisant, il faut seulement que le mal qui en
résulte surpasse le crime ; encore doit-on faire entrer dans le calcul de cette équation la
certitude de la punition et la perte des avantages acquis par le délit. Toute sévérité qui excède
cette proportion devient superflue et par cela même tyrannique. »
Quelques décennies plus tard, Jeremy Bentham va reprendre les principes énoncés par
Beccaria en leur appliquant sa théorie utilitariste fondée sur les notions de peine et de plaisir
ou de cout et de bénéfice. Celle-ci repose sur l’idée que les actions humaines sont le résultat
d’une balance entre ces deux dimensions et que l’individu choisira toujours celle qui lui
procure le plus de plaisir.3 Plaisir et peine peuvent être de différentes natures : morale,
physique, politique ou religieuse. Selon la pensée de Bentham, la sanction pénale constitue la
peine ou le coût découlant de la commission d’une infraction. Afin que l’infraction génère un
coût supérieur au bénéfice qu’elle peut produire et donc que le comportement délictueux
devienne « inutile », la sanction devra être certaine, suffisamment sévère et rapide4. A son
tour, Bentham insiste sur la certitude. Il note, à cet égard : « aucune augmentation dans la
quantité ne peut compenser la diminution produite par l'incertitude ». 5
Tout au long du XIXème siècle et une bonne partie du XXème, la pensée positiviste en
criminologie va reposer sur l’idée que la délinquance trouve son origine dans les troubles
médicaux-psychologiques des auteurs. Plus tard, avec les théories sociologiques
fonctionnalistes, la criminologie va se concentrer sur les causes sociales du passage à l’acte.6
Ces travaux reposent sur l’idée que celui-ci n’est pas le résultat d’un choix rationnel mais
découle des déterminismes psycho-médicosociaux des auteurs7. Dans cette perspective,
2 Ibidem, p. 81. 3 « La valeur des peines et des plaisirs peut être estimée par leur intensité, leur durée, leur certitude, leur proximité et leur étendue », J. BENTHAM, Déontologie ou science de la morale, vol. I, 1834, p. 41 publié en ligne par l’université du Québec (http://classiques.uqac.ca/classiques/bentham_jeremy/deontologie_tome_1/bentham_deontologie_t1.pdf). 4 « toute diminution de célérité est donc nécessairement suivie d'une apparente diminution de certitude » Ibidem, p. 65 5 Ibidem, p. 65 6 F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, 1997, pp. 23 et ss. 7 R. PATERNOSTER, “How much do we really know about criminal deterrence.”, Journal of Criminal Law and Criminology, 2010, pp. 772 et 773.
3
l’étude de l’effet dissuasif du droit pénal ne présente guère d’intérêt puisque la rationalité est
neutralisée par des facteurs sur lesquels l’individu n’a pas de prise.
§2. La résurgence de la dissuasion en criminologie
Vers la fin des années soixante, les travaux des américains Becker et Gibs vont être à l’origine
de nombreuses études, principalement aux Etats-Unis, sur la dissuasion. Becker qui est
économiste de formation va transposer la théorie économique du choix rationnel au
comportement délictueux et reprendre les concepts de coût et de bénéfice introduit par
Bentham.8
Ces recherches criminologiques vont tenter d’évaluer les effets dissuasifs respectifs de la
certitude et de la sévérité de la sanction. Il sort du cadre de cette mercuriale de faire un
examen approfondi et systématique de ces travaux. Nous nous contenterons d’en exposer les
principaux résultats et de livrer les lignes de force qui s’en dégagent.
Au préalable, il convient, toutefois, de faire état d’un certain nombre de problèmes auxquels
se heurte ce type de recherche. Ils ne remettent pas fondamentalement en cause les résultats
auxquels ces études ont abouti mais imposent une certaine prudence dans leur interprétation.
Par ailleurs, en criminologie, comme dans toutes les disciplines des sciences humaines, les
recherches ne produisent jamais de vérité absolue mais davantage des tendances découlant
de la récurrence des résultats auxquels des travaux réalisés dans des conditions
expérimentales comparables ont abouti. Par ailleurs, la vérité scientifique procède davantage
de l’infirmation que de l’affirmation. En d’autres termes on peut démontrer avec plus de
certitude qu’une politique criminelle ne produit pas les résultats escomptés qu’affirmer le
contraire.
Le principal problème méthodologique rencontré par les recherches consacrées à la
dissuasion réside dans la difficulté d’isoler l’effet réel d’une sanction ou d’une politique
criminelle sur le comportement des auteurs potentiels. En d’autres termes, si statistiquement,
on observe une corrélation négative entre des taux de délinquance et la sévérité des sanctions
8 Ibidem, p. 778.
4
en un endroit donné, est-on sûr que cette baisse de la criminalité soit produite par les peines
prononcées ou d’autres facteurs ont-ils pu avec une influence à cet égard. La problématique
des vols de métaux illustre bien cette difficulté. Afin de lutter contre ce phénomène, un arrêté
royal avait soumis les transactions à la production d’une pièce d’identité par les vendeurs et
interdit le paiement en liquide afin de pouvoir retracer les opérations. Dans les années qui
suivirent l’entrée en vigueur de cet arrêté, on constata une baisse du nombre de vol suivie
ensuite d’une augmentation. A première vue, cette diminution postulait un effet positif de la
nouvelle réglementation. Toutefois, à la même période le prix des métaux avait fortement
diminué pour remonter ensuite. Une autre explication de ces variations résidait probablement
dans les fluctuations du cours des métaux.
Une autre limite des travaux consacrés à la dissuasion pénale réside dans le présupposé de
rationalité du comportement délictueux. Si celle-ci peut se vérifier pour un certain nombre
d’infractions telles que celles, à caractère organisé, de nature réglementaire ou, dans une
certaine mesures celles portent atteinte aux biens, le passage à l’acte pour de multiples faits
a davantage un caractère impulsif. Les atteintes aux personnes rentrent davantage dans cette
catégorie. De même, le comportement délictueux peut découler d’atteintes psychiatriques ou
d’assuétudes. Enfin, il est clair que les conditions sociales constituent, également, un facteur
explicatif de la délinquance. La dissuasion aura peu d’effet sur ces types de comportements
puisque la rationalité intervient dans une moindre mesure dans le passage à l’acte.
Enfin, la dissuasion pénale se réfère à l’infliction de sanctions formelles sous la forme de
peines d’emprisonnement, d’amende ou d’autres types de mesures. Toutefois, la commission
d’infractions peut produire des sanctions informelles dont les effets sont parfois beaucoup
plus lourds que celles ayant un caractère formel. Pensons à la perte d’un emploi, à l’exclusion
ou au rejet de son groupe d’appartenance, à la stigmatisation. La crainte d’une sanction
informelle peut être beaucoup plus forte que celle de la sanction pénale. Elle varie, aussi, en
fonction du type de faits et du milieu d’appartenance des auteurs. Ainsi, par exemple, une
condamnation pénale pour fraude fiscale peut ne pas produire de sanctions informelles au
contraire de faits de pédophilie. L’intensité des sanctions informelles est indépendantes de
celle des sanctions formelles.9
9 S. NAGIN, “Deterrence: A review of the evidence by a criminologist for economists”, Annual review of economics, 2012, p. 6.
5
Les sanctions informelles pourront venir renforcer l’effet dissuasif des sanctions formelles ou
au contraire l’affaiblir. De même, la sanction informelle peut découler de l’acte en lui-même -
mon épouse réprouve que je sois en état d’ébriété et que de surcroit je conduise - ou de la
sanction que je risque de subir si je suis pris - mon épouse aura une image dévalorisée de moi
si je suis contrôlé en état d’ébriété -.10
Schématiquement, les études criminologiques sur la dissuasion examinent la corrélation entre
les taux de délinquance et d’une part, la sévérité des sanctions et d’autre part, la certitude de
la sanction. Les deux principaux indicateurs de sévérité et de certitude sont respectivement la
longueur des peines et les risques d’être arrêté. La question de la célérité de la sanction,
troisième composante du triptyque de la dissuasion n’a été envisagée que par un nombre
limité de travaux.
Sur le plan de la méthodologie, les recherches adoptent ;
- tantôt des approches macro-criminologiques consistant à examiner la corrélation ou
l’absence de corrélation entre les statistiques globales de criminalité, d’incarcération et
d’arrestation,
- tantôt des approches micro-criminologiques, en étudiant des échantillons de populations et
en conduisant, le cas échéant, des interviewes auprès des sujets qui les composent.
§3. La sévérité de la sanction
Plusieurs recherches relatives à l’effet dissuasif de la sévérité des sanctions, menées aux Etats-
Unis à partir des statistiques générales relatives aux taux d’emprisonnement et de criminalité,
ont mis en évidence une corrélation négative significative entre ces deux variables. En d’autres
termes, l’augmentation de la longueur des peines semblerait produire une réduction de la
criminalité.11 Ces travaux comportent, toutefois, des lacunes méthodologiques qui
10 R. PATERNOSTER, op.cit., p. 780. 11 S.N. DURLAUF et D.S. NAGIN, “Imprisonment and crime. Can both be reduced?”, in. Criminology & Public Policy, Special Policy Issue, Vol. 10, 1er février 2011, p. 25 et A. von HIRSCH, A.E. BOTTOMS, E. BURNEY and P.P. WILSTRÖM, Criminal deterrence and sentence severity, University of Cambridge, Institute of criminology, Hart publishing, 1999, pp. 13 et 14.
6
affaiblissent fortement les résultats auxquels ils ont abouti. Parmi celles-ci, figure,
notamment, la difficulté de déterminer si c’est effectivement l’augmentation du nombre
d’incarcération et de leur durée qui est à l’origine d’une diminution de la délinquance ou si
d’autres variables n’interfèrent pas dans ce processus comme par exemple l’effet de sanctions
non privatives de liberté. Une comparaison entre les situations américaine et canadienne
illustre cet écueil.
Aux Etats-Unis, la criminalité enregistrée a été en forte augmentation entre 1970 et 1995, en
particulier en ce qui concerne les homicides, les vols avec violences et les atteintes aux biens
pour ensuite fortement décroître. Par ailleurs, la population pénitentiaire a connu une
croissance très importante -près de 500% - au cours de la période 1985-2008. L’examen de
ces séries statistiques tendrait à plaider en faveur d’un effet dissuasif de l’augmentation de la
sévérité des sanctions sur la délinquance. Toutefois, à la même période, le Canada a connu
une diminution semblable des taux de délinquance enregistrées pour les faits les plus graves
nonobstant une diminution de sa population pénitentiaire d’environ 10% entre 1993 et
2008.12
Plusieurs travaux portèrent, également, sur l’effet dissuasif de la peine de mort notamment
en comparant les taux d’homicide dans les états des Etats-Unis appliquant ou non la peine
capitale. Ils ne mirent pas en évidence des différences significatives entre ceux-ci.13
Une autre difficulté des travaux portant sur l’effet dissuasif de la sévérité des sanctions, réside
dans le fait qu’ils sont difficilement en mesure d’établir si la prison est dissuasive ou
incapacitive. En d’autres termes, s’il y a diminution de la délinquance corrélativement à une
augmentation des taux d’incarcération, cela signifie-t-il que c’est la crainte de
l’emprisonnement qui dissuade de passer à l’acte ou le fait d’être en prison qui empêche de
commettre des infractions ? Ainsi, Steven Levitt a mis en évidence une relation significative
entre les décisions de libération afin de prévenir une surpopulation pénitentiaire et
l’augmentation de la délinquance, pour la période allant de 1971 à 1993 aux Etats-Unis. Cette
12 R. PATERNOSTER, op.cit., pp. 787 et ss. 13 M. CUSSON, “Dissuasion, justice et communication pénale”, Institut pour la justice, Etudes et analyses, n° 9, 2010, pp. 16 et ss. Voy., toutefois, l’étude de P.H. RUBIN, « Does capital punishement have a deterrent effect ? New evidence from postmoratorium panel data. », American law and economics review, 2003, pp. 344 à 376.
7
étude reste, toutefois, en défaut de déterminer si cette augmentation résulte d’une baisse de
la sévérité ou du degré d’incapacitation.14
L’incapacitation a fait l’objet de plusieurs recherches qui aboutissent à la conclusion que celle-
ci a un effet sur la délinquance mais dans une mesure nettement moindre que son amplitude.
Certains auteurs ont estimé qu’une augmentation de 10% de la population pénitentiaire
pouvait produire une diminution de 2% de la délinquance.15 En d’autres termes, que
l’élasticité entre ces deux variables était faible. La diminution de la délinquance enregistrée
aux Etats-Unis pourrait découler de l’effet incapacitatif produit par l’augmentation de la
population pénitentiaire.
Néanmoins, compte tenu de la faible élasticité postulée, cela signifie qu’une telle politique
exigera l’engagement de moyens considérables pour produire un effet sur la délinquance. A
cet égard, le budget dédicacé aux Etats-Unis pour le système pénitentiaire a connu une
augmentation de 660% entre 1972 et 2008.16
Si l’emprisonnement peut avoir un effet limité sur la délinquance en raison de son caractère
incapacitatif, qu’en est-il de son effet sur la récidive ?
Les études conduites sur cette question ont de manière, quasi unanime, mis en évidence des
taux élevés de récidive après un emprisonnement ce qui tendrait à démontrer que la prison
ne produit pas d’effet de dissuasion spéciale sur ceux qui la subissent. Voire pire qu’elle est
criminogène.
Le bureau américain de statistiques judiciaires a mené une étude sur les détenus libérés en
1994. Trois ans plus tard, 68% d’entre eux avaient été arrêtés, 46,9% condamnés et 25,4% ré
emprisonnés.17
14 S.D. LEVITT, “The effect of prison population size on crime rates : evidence from prison overcrowding litigation”, in. Economics of criminal law, edited by Steven D. Levitt and Thomas J. Miles, An Elgar reference collection, 2008, pp. 340 à 372. Cette contribution avait été publié initialement dans The Quarterly Journal of Economics, May 1996. 15 R. PATERNOSTER, op.cit., p. 801. Sur la problématique de l’incapacitation, on consultera, également, A. Bottoms, A. « Empirical research relevant to sentencing frameworks.” In. A. Bottoms, S. Rex & G. Robinson (eds), Alternatives to Prison: Options for an lnsecure Society. Cullompton: Willan Publishing et A. PIQUERO et A. BLUMSTEIN, « Does Incapacitation Reduce Crime? », J. Quant. Criminol., 2007, pp. 267 à 285. 16 S.N. DURLAUF et D.S. NAGIN, op.cit., p. 14. 17 http://www.bjs.gov
8
Les travaux menés, en Belgique par l’INCC, sur la récidive après emprisonnement confirment
les résultats des travaux étrangers. Maes et Robert ont examiné, les taux de réincarcération
des condamnés définitifs, libérées entre 2003 et 2005, au 1er août 2011.18 Ils ont abouti à la
constatation que 44,1% des personnes étaient retournées en prison au cours de cette période
dont plus de la moitié endéans les deux ans. Précisons que ce pourcentage n’est qu’un
indicateur partiel de la récidive puisqu’il ne prend en considération qu’une nouvelle
réincarcération. Parmi les personnes libérées, certaines ont pu rentrer à nouveau en contact
avec la justice pénale, voire être condamnée sans pour autant être réincarcérées. De surcroit,
tout comme en matière de statistiques de criminalité, il existe un chiffre noir de la récidive
constitué par la somme des passages à l’acte n’ayant pas fait l’objet d’une identification de la
personne libérée. On peut donc supposer que la récidive est bien supérieure à 44%.
Le caractère non-dissuasif de la prison semble être indépendant de la nature des faits pour
lesquels la peine est subie. Une étude a examiné les taux de récidive liés à des condamnations
pour des infractions économiques et financières prononcées aux Etats-Unis entre 1976 et
1978 par six juridictions différentes. A partir d’un échantillon de 742 condamné tantôt à des
peines d’emprisonnement, tantôt à des peines non privatives de liberté, les chercheurs
relèvent qu’après une période de 126 mois, les taux de récidive sont les mêmes dans les deux
groupes.19
Parmi les facteurs permettant d’expliquer cette récidive importante, on peut, notamment,
citer le déclassement social que génère la prison.
Par ailleurs, la plupart des travaux criminologiques récents montrent que les sanctions non-
privatives de liberté produisent moins de récidive que la prison.20
Plusieurs études ont examiné l’effet de la sévérité des sanctions sur les taux de délinquance à
partir d’études micro-criminologiques portant sur des échantillons de population ou des
politiques criminelles particulières. Elles n’ont pas mise en évidence de corrélation négative
entre ces politiques et les taux de délinquance.
18 E. MAES et E. ROBERT, Wederopsluiting na vrijlating uit de gevangenis, INCC, janvier 2012, p. 64. 19 D. WEISBURD, E. WARING et E. CHAYET, „Specific deterrence in a sample of offenders convicted of white collar crimes.”, Criminology, 1995, pp. 587 et ss. 20 Ch.L. JONSON, “ The effects of imprisonment”, in. The Oxford handbook of criminological theory, edited by F.T. Cullen and P. Wilcox, Oxford University Press, 2012, p. 680 et S.N. DURLAUF et D.S. NAGIN, op.cit., p. 23.
9
Ainsi, plusieurs recherches ont porté sur l’effet d’une augmentation des peines pour les faits
commis à l’aide d’armes sur les taux de vols avec violences. Elles n’ont pas dégagé de
corrélation statistiques significatives.21
D’autres travaux ont porté sur l’évaluation de la politique criminelle menée en Californie
dénommée « The three strikes and you go out ». Celle-ci oblige les tribunaux à prononcer une
peine de vingt-cinq années d’emprisonnement lorsque des prévenus sont reconnus coupables
à trois reprises de certains types d’infractions. Une faible réduction pour les faits les plus
graves (felony 2%) a été constatée chez les personnes ayant déjà été fait l’objet de deux
condamnations éligibles pour faire application du dispositif « The three strikes and you go
out ».22
Toutefois, une étude portant sur la carrière criminelle de deux groupes d’auteur ayant des
caractéristiques personnelles comparables (âge, appartenance ethnique, sexe, etc.) et
composé d’une part, de personnes ayant fait l’objet de deux condamnations pour des
infractions pouvant déboucher sur l’application d’une peine de vingt-cinq années
d’emprisonnement en cas de troisième condamnation et d’autre part, de personnes ayant fait
l’objet d’une condamnation pour des faits éligibles pour emporter une condamnation à vingt-
cinq années de prison en cas de troisième récidive et d’une condamnation pour des faits non-
éligibles, a montré que les personnes appartenant au premier groupe avaient des taux
d’arrestation inférieur de 20% aux personnes du second groupe. Cette recherche qui tendrait
à démontrer un effet dissuasif d’une augmentation de peine en cas de récidive a, toutefois,
été critiqué en ce qu’elle ne permettrait pas d’isoler la sévérité d’autres variables susceptibles
d’expliquer cette différence.
L’effet de la modification du système de récidive, selon la loi californienne, a été examiné en
tentant de distinguer l’effet dissuasif, de l’effet incapacitatif sur les taux de délinquance. Les
chercheurs mirent en évidence une réduction de 4% de la criminalité sur une année et de 20%
sur une période de cinq à sept ans. Toutefois, il n’est pas certain que cette modification des
règles en matière de récidive soit à l’origine de la diminution enregistrée dès lors que cette
décrue de la criminalité avait débuté avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.23
21 Ibidem, p. 28. 22 Ibidem, p. 29. 23 Ibidem, p. 29.
10
D’autres travaux se sont attachés à examiner les différences en termes de faits commis entre
des mineurs et de jeunes majeurs ; le passage à la majorité entraînant l’application d’autres
sanctions jugées plus sévères. Les chercheurs ont étudié l’évolution de la carrière criminelle
de mineurs jusqu’à plusieurs années après leur majorité. Dans l’ensemble, ces travaux n’ont
pas mis en évidence de diminution significative des taux de délinquance enregistré après le
passage de la majorité.24
De ce bref aperçu des recherches relatives à l’effet dissuasif de la sévérité des peines sur les
taux de délinquance, on peut conclure qu’il n’existe pas aujourd’hui d’indication sérieuse
quant à une corrélation négative importante entre ces deux variables. Il existe, à ce sujet, une
grande unanimité parmi les chercheurs.
Une explication de ce déficit d’effet dissuasif de la sévérité de la sanction réside peut-être
dans le fait que celle-ci n’intervient qu’avec retard. On l’a vu la théorie du choix rationnel
repose sur une analyse coût/bénéfice d’un acte. A l’issue de la comparaison de ces deux
valeurs, l’agent choisira d’agir ou de s’abstenir. Une réelle mise en balance suppose la
concomitance dans le temps du coût et du bénéfice de l’acte. Si l’un est différé loin dans le
temps, voire est incertain, l’appréciation faite par le sujet sera faussée et l’avantage immédiat
risque de masquer le coût engendré par l’action.
Les économistes ont été étudiés cette question à propos du paiement par carte de crédit.
Celui-ci permet de différer le coût, au sens du rapport coût/bénéfice, d’un achat puisque la
dépense ne sera effective qu’ultérieurement. Entre d’autres termes, la peine produite par le
paiement est atténuée par son sursis.
Selon plusieurs auteurs, l’incertitude de la sanction et le fait qu’elle intervienne avec un effet
retard pourrait expliquer son faible effet dissuasif.25
§4. La certitude de la sanction
24 Ibidem, p. 30. 25 Voy. à ce sujet, H. VON HENTIG, « The Limits of Deterrence » J.Am.Inst.Crim.L.& Crimino., 1938, p. 559 cité par R. PATERNOSTER, op.cit., pp. 773 et 774.
11
Concomitamment aux travaux relatifs à l’effet dissuasif de la sévérité, plusieurs recherches
ont été conduites sur l’effet dissuasif que la certitude de la sanction pouvait avoir sur le
passage à l’acte.
La certitude peut se décliner à trois niveaux :
- le risque d’être arrêté,
- le risque d’être poursuivi,
- le risque d’être condamné.26
La probabilité d’être sanctionné si l’on commet une infraction sera, donc, le produit des trois
risques ci-avant.
De nombreuses recherches ont étudié le risque d’être appréhendé par la police.
Les capacités dissuasives de la police ont fait l’objet d’innombrables recherches dans les pays
anglo-saxons depuis la fin des années soixante. Pour l’essentiel, elles ont montré que la
présence policière comme telle n’était pas dissuasive. En d’autres termes, que mettre
aléatoirement plus de bleu en rue ne faisait pas reculer la délinquance. Une célèbre étude
menée à Kansas City au début des années septante a abouti à la conclusion que
l’augmentation ou la diminution substantielle de la présence policière sur la voie publique
n’aboutissait pas à des différences significatives des taux de délinquance.27 De même, il n’est
pas démontré que des augmentations importantes du nombre de policiers aient un effet sur
les taux de délinquance. Ainsi, aux Etats-Unis entre 1990 et 2000, beaucoup de corps de police
importants ont enregistré de fortes baisses de la criminalité violente nonobstant une
réduction ou un statu quo de leurs effectifs, tandis que pour d’autres cette réduction était
concomitante avec un fort accroissement du nombre de policiers. 28
Par contre, il semble que certaines stratégies policières soient susceptibles de produire un
effet sur la criminalité. Il s’agit, notamment, de celles qui se focalisent sur les hots spots c'est-
à-dire les points de concentration de la criminalité de rue (vols, agressions, vente de
stupéfiants, etc.) en se basant sur le constat qu’un nombre important de faits sont concentrés
26 Voy. à ce sujet Daniel S. NAGIN, Robert M. SOLOW et Cynthia LUM, Deterrence, criminal opportunities and police, Criminology, 2015, p. 75. 27 Voy. À ce sujet Ch. DE VALKENEER et V. FRANCIS, Manuel de sociologies policières, Larcier, 2007, pp. 61 et ss. 28 R. PATERNOSTER, “How much do we really know about criminal deterrence.”, Journal of Criminal Law and Criminology, 2010, p. 796.
12
en un nombre limités de lieux. Plusieurs études évaluatives ont mis en évidence une baisse
significative de la criminalité sur les hots spots associée avec un faible effet de déplacement
voire une contagion positive dans les zones avoisinantes. 29 Cette stratégie dite du hot spot se
conjugue avec celle du problem oriented policing ou autrement dit la police orientée vers la
résolution de problème. Celle-ci consiste à identifier un problème et face à celui-ci, à mettre
en œuvre, simultanément, différentes approches afin d’en réduire fortement les effets. Il
pourra s’agir de mesures environnementales telles que réaménager un espace où des crimes
et des délits se concentrent, de recourir à des moyens technologiques, d’informer les auteurs
potentiels des conséquences de leurs actes, etc. Cette démarche semble, également, produire
des résultats intéressants.30
Dans le domaine des infractions réglementaires, il semble que l’augmentation des contrôles
peut entraîner une réduction du nombre d’infractions. A ce sujet, une étude menée dans les
transports en commun à Zurich a montré qu’une augmentation progressive, entre 2003 et
2006, du nombre de contrôle après 21heures avait entraîné une diminution du nombre de
voyageur dépourvu de titre de transport.31 Par ailleurs, cette augmentation des contrôles
nocturnes avait produit un effet de diffusion positive en journée.
Une étude basée sur un échantillon d’étudiants visant à tester leur propension à conduire en
état d’ébriété indique qu’en augmentant de 10% la probabilité d’être contrôlé, on pouvait
réduire de 3,5% le nombre de personnes qui conduiront en état d’ébriété.32
Dans une synthèse de différents travaux portant sur l’alcoolémie au volant, Ross conclut qu’en
cette matière, la certitude du risque d’être pris semble produire davantage d’effets que la
sévérité des peines, notamment en condamnant les conducteurs à des peines
29 Pour une synthèse des recherches récentes en matière de hot spot, voy. A.A. BRAGA, A. V. PAPACHRISTOS et D.M. HUREAU, “The Effects of Hot Spots Policing on Crime : An Updated Systematic Review and Meta-Analysis”, Justice Quarterly, 2014, Vol. 31, No. 4, pp. 633 à 663. 30 D. WEISBURD, C.W. TELEP, J.C. HINKLE, J.E. ECK, “Is problem-oriented policing effective in reducing crime and disorder? ”, Criminology & Public Policy, Volume 9, 2010, pp. 139 et ss. 31 M. KILLIAS, D. SCHEIDEGGER et P. NORDENSON, “The Effects of Increasing the Certainty of Punishment”, European Journal of Criminology, 2009, pp. 387 et ss. 32 D. NAGIN et G. POGARSKY, “Integrating celerity, impulsivity, and extralegal sanction threats into a model of general deterrence: theory and evidence,” Criminology, 2001.
13
d’emprisonnement, pour autant que ce type de politique criminelle fasse l’objet d’une
publicité suffisante.33
Quelques travaux se sont penchés sur le lien entre le risque d’être poursuivi et les taux de
délinquance. 34 Un écueil méthodologique de ces travaux réside dans le fait que les variables
taux de criminalité et de poursuite ne sont pas totalement exogènes. En d’autres termes,
qu’une augmentation de la criminalité peut déboucher sur une augmentation des taux de
poursuites. Toutefois, dans une étude basée sur les statistiques américaines, suédoises et
britanniques entre 1981 et 1991, David Farrington met en évidence une corrélation négative
significative entre les taux de condamnation, et donc de poursuite, et les taux de criminalité
découlant tant des faits enregistrés que d’enquêtes de victimisation, en particulier pour les
infractions contre les biens.35 Par contre, l’étude n’a pas mis en évidence une telle corrélation
entre la sévérité des sanctions et les taux de criminalité.
Plusieurs travaux ont évalué les effets de politiques d’arrestation par la police et de poursuites
par les procureurs, aux Etats-Unis, en matière de violence intrafamiliale.
Une expérience menée à Minneapolis dans les années quatre-vingts avait mis en évidence que
les personnes suspectées de violence intrafamiliale qui étaient arrêtées par la police avaient
des taux de réarrestation moindre que celles qui ne l’avaient pas été.36 Sur base de ces
résultats, plusieurs corps de police aux Etats-Unis adoptèrent des politiques d’arrestation
systématique en cas de violence intrafamiliale. Elles firent l’objet d’évaluation qui ne
produisirent pas les mêmes résultats qu’à Minneapolis.37
Une recherche a examiné les effets de politiques de poursuite différentes dans les districts de
Brooklyn et du Bronx en matière de violence intrafamiliale.38 A Brooklyn, le procureur avait
33 H.L. ROSS, Confronting Drunk Driving, New Haven, Yale university press, 1992 cité par A. von HIRSCH, A.E. BOTTOMS, E. BURNEY and P.P. WILSTRÖM, Criminal deterrence and sentence severity, University of Cambridge, Institute of criminology, Hart publishing, 1999, p. 14. 34 Voy. À ce sujet, D.L. SJOQUIST, “Property crime and economic behavior: Some empirical results.”, American Economic Review, 1973, pp. 439 à 446. 35 A. von HIRSCH, A.E. BOTTOMS, E. BURNEY and P.P. WILSTRÖM, Criminal deterrence and sentence severity, University of Cambridge, Institute of criminology, Hart publishing, 1999, p. 26. 36 Pour une brève synthèse de ces travaux, voy. J. DIXON, « Mandatory domestic violence arrest and prosecution policies : recidivism and social governance.”, Criminology & Public Policy, 2008, p. 664. 37 Le degré de conformité des personnes arrêtées (possession d’un emploi par exemple) semble joué un rôle sur les taux de réarrestation. 38 R.C. DAVIS, Ch. O‘SULLIVAN, D.J. FAROLE et M. REMPEL, « A comparison of two prosecution policies in cases of intimate partner violence : mandatory case filing versus following the victim’s lead.”, Criminology & public policy, 2008, pp. 633 et ss.
14
décidé que des poursuites seraient systématiquement engagées dans les affaires de violence
intrafamiliale tandis que dans le Bronx, les dossiers de ce type étaient classés en cas de
passivité de la victime dans le procédure. Deux échantillons similaires furent constitués. Un
premier comprenant 272 dossiers ayant fait l’objet d’un classement dans le Bronx et un
second formé de 211 dossiers ayant fait l’objet de poursuites à Brooklyn. Après six mois, les
taux de réarrestation dans les deux échantillons étaient similaires.
Ces travaux mettent en évidence une des limites que nous avions soulignée précédemment
concernant la théorie de la dissuasion à savoir le fait que celle-ci se fonde sur la rationalité du
sujet qui procède à un calcul coût/bénéfice avant de poser un acte. Ce schéma correspond
peu à la dynamique du passage à l’acte pour des faits de violence intrafamiliale où l’impulsivité
joue un rôle, vraisemblablement, beaucoup plus grand.
La certitude d’être puni a été examinée par plusieurs chercheurs. Ainsi, une étude intitulée
« The miracle of the cells » a montré que la probabilité qu’une amende soit acquittée
augmentait fortement si la certitude d’être emprisonné, en cas de défaut de paiement, était
élevée.39
Un projet dénommé Hope mené à Hawaï en matière de criminalité liée aux stupéfiants a fait
l’objet d’une évaluation. Les personnes condamnées pour ce type de faits acceptaient de se
soumettre régulièrement à des tests afin de déceler une consommation de stupéfiants. En cas
de positivité, une sanction était appliquée sous la forme de courtes peines d’emprisonnement.
Il a été constaté que les personnes ayant intégré ce projet avaient un taux de récidive inférieur
comparé à ceux présentés par des personnes ayant un même profil mais n’ayant pas intégré
le projet.40
Il convient, également, de mentionner le projet dénommé opération ceasefire conduit par
plusieurs corps de police aux Etats-Unis. L’objectif était de faire diminuer la criminalité
violente commise à l’aide d’arme à feu. Le projet s’articulait autour de trois axes : une
aggravation des peines pour ce type d’infraction, une certitude d’être poursuivi et une
39 D. WEISBURD, E. TOMER, and M. KOWALSKI, “The miracle of the cells: An experimental study of interventions to increase payment of court-ordered financial obligations.”, Criminology & Public Policy, 2008, pp. 9 à 36. 40 M. KLEIMAN, When Brute Force Fails: How to Have Less Crime and Less Punishment. Princeton, NJ: Princeton University Press, 2009.
15
diffusion de cette politique auprès des auteurs potentiels. Les évaluations de ces dispositifs
semblent indiquer des effets positifs.41
§5. La célérité de la sanction
Enfin, troisième élément du triptyque de la dissuasion après la sévérité et la certitude, la
célérité de la sanction. Sur un plan théorique, l’effet de la célérité sur le coût de l’infraction
peut être perçue de deux manière : d’une part, comme une forme d’adoucissant partant de
l’idée que l’attente renforce la pénibilité de la peine mais d’autre part, la lenteur peut être
vécue comme une forme de discount sur le coût de l’acte puisque je n’en paierait le prix que
beaucoup plus tard.
Peu de travaux ont tenté de confronter empiriquement ces deux hypothèses. Une étude de
Nagin réalisée à partir d’un échantillon d’étudiants interrogés à propos de la conduite en état
d’ébriété semble indiquer que la célérité de la sanction n’a pas d’effet dissuasif.42
Dickson Megan dans une étude portant sur la récidive des conducteurs ayant roulé sous
l’influence de l’alcool, relève que la célérité de la sanction ne parait pas jouer un rôle à cet
égard.43
§6. La perception du risque d’être sanctionné
Les travaux criminologiques sur la dissuasion ont, également, examiné cette question sous
l’angle de la perception subjective, du risque d’être sanctionné et de la sévérité de la sanction.
En d’autres termes, cette perception correspond-elle à la probabilité objective d’être
41 BRAGA A.A., KENNEDY D.M., WARING E.J. & PIEHL A.M. , « Problem-oriented policing, deterrence, and youth violence : An evaluation of Boston’s operation ceasefire », Journal of research in crime and delinquency, 2001, pp. 195 à 225. 42 D. Nagin et G. Pogarsky, op.cit. 43 D.MEGAN "CONVICTION CELERITY, PUNISHMENT SEVERITY, AND TREATMENT COMPLIANCE AS PREDICTORS OF DUI RECIDIVISM: MEDIATION AND MODERATION MODELS OF DETERRENCE" (2013). Theses and Dissertations--Sociology. Paper 13.
16
appréhendé et d’encourir une punition sévère. Cette question est fondamentale car l’on sait
qu’il peut y avoir des distorsions importantes entre la manière dont on perçoit une chose et
sa réalité. Ainsi, en matière de sécurité, on peut ressentir une forte insécurité dans des
endroits où très peu d’infractions se commettent et inversement. Sur le plan de la santé, on
peut adopter des comportements nocifs sans être suffisamment conscient des risques
encourus.
Des travaux portant sur la connaissance de la loi pénales et des sanctions encourues en cas de
commission d’infraction, menés en Californie, indiquent que celle-ci est faible chez les
personnes interrogées et guère plus élevée chez les détenus.
Par ailleurs, à l’issue de l’interview de 1500 personnes concernant leur perception de la
certitude, de la sévérité et de la célérité des sanctions dans leurs juridictions, il est apparu qu’il
y avait une faible corrélation entre la réalité objective de ces trois dimensions et les
perceptions individuelles.44
Plusieurs études ont mis en évidence une relation négative entre la perception du risque et
les taux de délinquance. En d’autres termes, au plus la perception du risque est faible au plus
la délinquance est élevée quel que soit l’âge ou le type de comportement délictueux.45 Ces
travaux furent réalisés à partir d’échantillons de population qui furent soumis à des questions
portant à la fois sur leur perception du risque et sur les infractions qu’ils avaient commises
(enquête de délinquance auto-rapportée).
Certains chercheurs se sont, toutefois, demandés si c’était bien la faible perception du risque
qui était à l’origine de la délinquance plus élevée ou si c’était l’inverse. En d’autres termes, au
plus une personne est engagée dans un comportement délictueux et qu’elle n’est pas arrêtée
et sanctionnée, au plus revoit-elle à la baisse les risques qu’elle encoure ? Plusieurs études
longitudinales montrent que l’effet dissuasif de la certitude d’être sanctionné diminue au fur
et à mesure que la carrière criminelle progresse sans qu’elle soit interrompue par un contact
44 Gary Kleck et al., The Missing Link in General Deterrence Research, 43 CRIMINOLOGY 623 (2005) cite par R. PATERNOSTER, “How much do we really know about criminal deterrence.”, Journal of Criminal Law and Criminology, 2010, pp. 806 et 807. 45 RAYMOND PATERNOSTER, THE DETERRENT EFFECT OF THE PERCEIVED CERTAINTY AND SEVERITY OF PUNISHMENT: A REVIEW OF THE EVIDENCE AND ISSUES, JUSTICE QUARTERLY, Vol. 4 No. 2, June 1987, pp. 175 et 176.
17
avec la justice pénale.46 Une recherche menée, aux Etats-Unis, à partir d’échantillons
importants de jeunes a montré que la perception du risque pour des faits de vol et de violence
augmentait en cas d’arrestation mais par contre diminuait lorsque les jeunes avaient échappé
à la police.47 Néanmoins, cette perception du risque semble être plus importante chez des
primo-délinquants que chez des auteurs qui se sont installés dans une activité criminelle
nonobstant le fait qu’ils soient entrés en contact avec le système pénal pour les faits qu’ils
avaient commis.48
§7. Mise en perspective des travaux sur la dissuasion
A l’issue de ce bref tour d’horizon des recherches menées sur la dissuasion pénale ces
quarante dernières années, quatre grandes tendances semblent s’en dégager :
- premièrement, la sévérité posséderait un effet dissuasif limité sur la délinquance,
- deuxièmement, la certitude d’être interpellé et sanctionné pourrait, par contre, avoir
un effet dissuasif sur le passage à l’acte,
- troisièmement, la perception du risque d’être sanctionné se réduirait chez les auteurs
qui ne sont pas sanctionnés après avoir commis des faits délictueux,
- quatrièmement, la prison ne produirait pas de dissuasion spéciale.
Quels enseignements peut-on tirer de ces tendances pour le système pénal belge ?
La transposition de travaux étrangers réalisés pour l’essentiel à partir du système anglo-saxon
à un système pénal continental est toujours délicat. Les différences de contextes sont
susceptibles de produire des résultats différents. Il existe là un champ d’investigation
important pour les chercheurs européens afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses
exposées en synthèse ci-avant. Néanmoins, dans l’intervalle, ces recherches constituent, dès
46 Ibidem, p. 181. 47 R.L. MANTSUEDA, D.A. KRAEGER et D. HUIZINGA, « Deterring delinquents : A rational choice model of theft and violence.”, American sociological review, 2006, pp. 95 à 122 cité par M. CUSSON, “Dissuasion, justice et communication pénale”, Institut pour la justice, Etudes et analyses, n° 9, 2010, p. 22. 48 R. PATERNOSTER, “How much do we really know about criminal deterrence.”, Journal of Criminal Law and Criminology, 2010, p. 810.
18
à présent, une source de réflexion et d’analyse des politiques actuellement conduites en
matière pénale en Belgique.
Quelques constats tout d’abord concernant l’évolution de certains chiffres ces quinze dernière
année.
Les statistiques de la police fédérale en matière de crime et délit témoignent d’une grande
stabilité avec une légère tendance à la baisse. Cette stabilité s’observe pour la quasi-totalité
des phénomènes criminels. Certes, il s’agit de criminalité enregistrée qui on le sait n’est qu’un
sous-ensemble de la totalité des faits commis dès lors que l’intégralité de ceux-ci ne sont pas
rapportés à la police. Toutefois, il s’agit d’un indicateur qui livre une tendance même si les
volumes peuvent être différents. En effet, on peut postuler que la criminalité enregistrée et
le chiffre noire évolue de manière similaire.
Par contre, entre 2002 et 2013, le nombre de personnes qui étaient détenues dans les prisons
belges au 1er mars de chaque année, n’a cessé de croître (38%), pour se stabiliser depuis 2014.
C’est presque exclusivement au niveau des condamnés et des internés que cette
augmentation s’est traduite. Leur nombre a augmenté respectivement de 50% et de 81 % Les
mesures de surveillance électronique ont, également, connu une croissance exponentielle. Au
1er mars 2015, 1933 personnes faisaient l’objet d’une pareille mesure.49
49
Sources : La justice en chiffres. Année 2013 et administration pénitentiaire.
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Prévenus 3238 3680 3614 3550 3530 3473 3527 3557 3712 3890 3536 3745 3878 3581
Condamnés 4497 4807 4713 4830 5082 5407 5193 5433 5606 5890 6341 6742 6725 6565
Internés 644 718 783 856 862 965 994 1038 1089 1103 1142 1169 1090 1001
Divers 226 103 135 139 161 163 144 131 154 182 193 179 114 189
Surv. électr. 167 286 278 277 337 612 557 609 928 1102 989 1071 1740 1933
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Evolution de la population pénitentiaire 2002-2015
19
Si l’on sait, par ailleurs, que le taux de poursuite entre 2003-2014 est resté très stable, on peut
sérieusement estimer que l’augmentation du nombre de condamnés découle d’un
allongement des durées de détention résultant soit d’un allongement des peines prononcées,
soit d’une diminution des différentes formes de libération anticipée. En d’autres termes, on
peut avancer l’hypothèse que la sévérité de notre système s’est accrue au cours de cette
période.
A supposer que cette hypothèse soit correcte, il semble que cette sévérité accrue n’ait pas eu
d’effets sur la délinquance enregistrée qui comme nous l’avons vu est restée très stable au
cours de cette même période.
Certes, d’aucuns argueront que cette stabilité est, peut-être, le résultat de cette sévérité
accrue, voire de l’effet incapacitatif de l’accroissement du nombre de condamnés. En d’autres
termes, que la délinquance aurait substantiellement augmentée si le nombre de détenus
n’avait pas cru. Cette hypothèse devrait être approfondie.
Par ailleurs, nous avons vu que la prison ne semblait pas avoir un effet dissuasif sur la récidive.
500.000
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Evolution comparée du nombre de condamnés et de la criminalité enregistrée
nombre de condamnés
infractions enregistrées
20
A côté de la question de la sévérité, réside celle de la certitude. On l’a vu, la recherche
criminologique semble indiquer une relation négative entre délinquance et certitude et donc
postuler que cette dernière peut avoir un effet dissuasif. Comme il a été relevé
précédemment, la certitude peut se décliner à différents niveaux, le risque d’être arrêté, celui
d’être poursuivi et enfin celui d’être sanctionné.
Nous nous bornerons à examiner, ici, le risque d’être poursuivi, ou plutôt celui de faire l’objet
d’une réaction. Entre 2003 et 2014, le nombre de dossiers classés sans pour des raisons
d’opportunité est resté très stable avec cependant une légère diminution à partir de 2006, eu
égard à l’augmentation substantielle du nombre de renvoi aux amendes administratives. Le
taux global de classement sans suite d’opportunité en matière correctionnel est élevé puisqu’il
avoisine les 70% des affaires poursuivables.50 Certes, ce taux n’est pas identique pour toutes
les catégories d’affaires, certaines faisant l’objet de davantage de réaction pénale que
d’autres. Néanmoins, il signifie sur un plan statistique que dans une affaire où il y a des
éléments susceptibles de fonder des poursuites, le suspect à, en moyenne, deux chances sur
trois de ne faire l’objet d’aucune réaction pénale. Sachant, par ailleurs que cette probabilité
est conditionnée par l’élucidation de l’affaire, ou du moins qu’il y ait des soupçons sérieux à
l’égard d’une ou plusieurs personnes, et qu’un nombre élevé de faits ne l’est jamais, on
mesure que le risque pénal – exprimé comme l’occurrence de faire l’objet d’une réaction
formelle – est en définitive assez faible.
50 On considère qu’il y a réaction en cas de poursuites, de transaction payée, de médiation pénale réussie, de renvoi aux amendes administratives ou de probation prétorienne.
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Transaction 7663 6441 5998 5380 5683 5075 6682 6210 4985 6677 7549 7363
Médiation pénale 1939 1949 1998 2157 2226 2361 2324 2420 2304 2800 2800 2763
Poursuites 37.039 39.421 40.045 40.163 40.004 38.286 39.248 38.683 37.638 35.210 34.448 34.307
Renvoi aux amendes admin.
4397 3575 3174 3158 3792 4810 6733 14349 19199 21265 23719 22495
Probation prétorienne
1140 1322 1419 2062 3592 4017 4636 5014 4902 4233 4022 3836
Sans suite d’opportunité
178928
178543
179684
173897
175364
174819
173602
176205
167533
158035
151480
158035
Affaires poursuivables
231106
231251
232318
226817
230661
229368
233225
242881
236561
228220
224018
228799
Taux de réaction pénale
23% 23% 23% 23% 24% 24% 26% 27% 29% 31% 32% 31%
Taux de poursuite 16% 17% 17% 18% 17% 17% 17% 16% 16% 15% 15% 15%
taux de classement SS opport.
77% 77% 77% 77% 76% 76% 74% 73% 71% 69% 68% 69%
21
Au regard des travaux que nous avons exposés, on peut, dès lors, émettre l’hypothèse que
notre système pénal est probablement peu dissuasif. De surcroît, cette faible réactivité est
susceptible d’atténuer la perception du risque d’être puni chez les auteurs de crimes et de
délits classés sans suite. Une étude réalisée par les analystes statistiques du collège des
procureurs généraux a montré que pour des infractions telles les vols, les armes, la rébellion,
les coups et blessures, les menaces et les destructions, 47% des faits étaient imputables à 14%
des suspects. Dans le ressort de la Cour d’appel de Liège, en 2014, 25% du total des mineurs
à charge de qui des dossiers pour faits qualifiés infraction ont été ouverts étaient concernés
par 55% du total de ces faits. Ces chiffres tendraient à conforter l’hypothèse qu’au plus on
commet d’infractions au plus la perception du risque d’être sanctionné s’érode.51
On peut donc formuler l’hypothèse qu’en l’état, le système pénal belge est sévère mais que
la certitude d’être sanctionné y est faible. D’une manière générale, il serait donc peu dissuasif.
Il ne s’agit certes que d’une hypothèse qui devrait faire l’objet d’analyse scientifique
approfondie. Néanmoins, si elle se confirmait, elle devrait nous amener à repenser le recours
à l’emprisonnement, qui de surcroit possède un cout humain et financier élevé et à centrer la
politique criminelle sur un accroissement de la réponse pénale en mobilisant les sanctions et
les mesures alternatives, non privatives de liberté.
Ce recentrage pourrait être de nature à augmenter le caractère dissuasif de notre système
pénal et donc à réduire la délinquance. Sur le plan des moyens, il devrait s’accompagner d’un
transfert d’une partie du budget de l’administration pénitentiaire vers l’ordre judiciaire, le
ministère des finances (afin d’augmenter l’efficacité du recouvrement des sanctions
pécuniaires) et les communautés et régions afin de soutenir les mesures d’encadrement et les
mesures alternatives aux poursuites.
L’inflation pénitentiaire à laquelle nous assistons depuis plus d’une décennie risque nous
conduire à une impasse sur les plans tant, de l’efficacité, de la dissuasion, du coût financier
que de la désintégration sociale des détenus.
Nous proposons, dès lors le lancement d’une réflexion sur un « sanction shift » afin d’envisager
un repositionnement des politiques de poursuites et de sanction.
51 Concernant, la question de la concentration de faits sur un nombre restreint d’auteurs, on consultera, D. HEALY, The Dynamics of Desistance: Charting Pathways through Change, Cullompton: Willan, 2010.
22
Aux Etats-Unis, de plus en plus de voix s’élèvent pour réduire le recours à la prison et recentrer
les politiques criminelles sur la certitude d’une sanction/réaction plutôt que sur la sévérité.52
Le 16 juillet 2015, un président des Etats-Unis en exercice visitait pour la première fois dans
l’histoire une prison. Cette démarche s’inscrivait dans le cadre du lancement d’une politique
de refonte du système pénal visant, notamment, à réduire le recours à l’emprisonnement.53
Enfin, une dernière réflexion portant sur l’information. La dissuasion dépend, également, dans
une certaine mesure de la connaissance des risques encourus. A cet égard, la justice belge
communique trop peu sur les politiques criminelles qu’elle entend mener. Un travail de
diffusion devrait être entrepris, à cet égard, afin que le citoyen mesure davantage les risques
qu’il encoure en cas d’infraction. Le collège du ministère public s’est fixé comme objectif
d’entreprendre un travail en ce domaine.
*
* *
*
Il me reste à remercier l’ensemble des membres de la communauté judiciaire du ressort de la
Cour d’appel de Liège pour leur engagement et le travail qu’ils ont accompli au cours de
l’année judiciaire écoulée et leur souhaiter une année judiciaire 2015-2016 riche et
passionnante.
Permettez-moi, également, de remercier vivement monsieur le Bâtonnier André Renette à
l’issue de ses deux années de bâtonnat. Ce fut un grand plaisir de le côtoyer et de collaborer
avec lui dans plusieurs dossiers.
52 Voy. à ce sujet le numéro de février 2011 de la revue américaine Criminology and public policy consacré à cette question. 53 Le Monde, 18 juillet 2015 (http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/07/18/obama-lance-la-refonte-de-la-justice-penale_4688298_3222.html?xtmc=prison_obama&xtcr=10).
23
Au nom de Roi, je requiers qu’il Plaise à la Cour qu’elle continue ses travaux pour l’année
judiciaire 2015-2016.
Im Namen des Königs beantrage ich, dass es dem Hof gefalle, seine Arbeit für das Gerichtsjahr
zweitausend und fünf, zweitausend und sechs fortzuführen.
Publié dans la Tribune d’AVOCATS.BE n°75 du 18 juin 2015
Éradiquer la surpopulation carcérale
Ces 9 et 10 juin 2015, AVOCATS.BE a donc lancé trois actions contre l’Etat belge, devant
les tribunaux de première instance de Bruxelles, Liège et Mons, pour dénoncer la
surpopulation qui sévit dans les prisons de Forest, Lantin et Mons et pour solliciter sa
condamnation à établir et à mettre en œuvre un plan qui éradiquerait cette surpopulation
dans les six mois du prononcé des jugements à intervenir.
AVOCATS.BE, on le sait, s’est vu confier par le Code judiciaire la mission de défendre,
non seulement les intérêts des avocats, mais également ceux des justiciables. C’est
évidemment en s’appuyant sur cette seconde compétence que nous avons décidé
d’introduire ces actions.
La Belgique a été condamnée à de nombreuses reprises, tant par la Cour européenne des
droits de l’homme que par les juridictions de l’Ordre judiciaire, à indemniser des détenus
pour les traitements inhumains et dégradants (au sens de l’article 3 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales)
auxquels ils ont été soumis dans nos prisons.
L’arrêt du 25 novembre 2014, Vasilescu, est, à cet égard, particulièrement cinglant. Il
pointe les multiples violations des droits des détenus dont notre État se rend coupable,
quotidiennement.
Mais il ne s’agit pas seulement d’une question de droit. C’est le bon sens même qui est
défié par cette situation.
Le plan justice de Monsieur Geens reconnait que, au début de l’année 2015, nos prisons
connaissaient, en moyenne, une surpopulation de l’ordre de 12 % (11.377 détenus pour
une capacité théorique de 10.185 unités).
Ces chiffres nous paraissent en-dessous de la réalité. D’une part, ils ne tiennent compte
que d’une capacité carcérale théorique, sans compter les cellules qui ont dû être fermées
pour cause d’insalubrité. D’autre part, le phénomène est plus accentué dans certaines
prisons.
À Lantin, par exemple, on comptait, en 2013, 657détenus pour une capacité de 342
places.
La surpopulation dans les prisons entraine un cortège de conséquences abominables :
Les détenus sont entassés à trois ou quatre dans des cellules qui sont conçues
pour en accueillir deux ;
Certains doivent dormir sur des matelas placés à-même le sol ;
Publié dans la Tribune d’AVOCATS.BE n°75 du 18 juin 2015
Les conditions d’hygiène sont d’autant plus déplorables (dans certaines prisons,
un seau hygiénique doit être partagé par trois détenus) ;
Les rations alimentaires sont calculées sur la capacité théorique de la prison et
non sur le nombre de prisonniers qui sont détenus ;
Les effectifs du personnel des prisons n’étant pas adaptés, cela signifie donc qu’il
n’y a pas assez de gardiens, pas assez de personnel médical, pas assez
d’assistants sociaux ;
Les activités de loisir ou, simplement, « occupationnelles » ne peuvent donc être
organisées ;
Les visites sont souvent suspendues ;
Il n’y a pas assez de soins et l’assistance à la réinsertion reste purement
théorique ;
L’insuffisance de la surveillance induit des comportements bien plus graves : la
drogue circule quasi librement dans nos prisons ; les jeunes détenus (ou les plus
faibles) sont victimes de violences, voire de viols ; le taux de suicide dans nos
prisons est gigantesque.
Conséquences : le taux de récidive à 5 ans des condamnés qui sortent d’une peine de
prison est supérieur à 75 %, trois fois plus élevé que le taux de récidives de ceux qui ont
été condamnés à une peine alternative.
Pourquoi punit-on ? Pour éviter la réitération des comportements délictueux, bien sûr. Le
constat est donc cruel : dans l’état dans lesquelles elles se trouvent aujourd’hui, nos
prisons encouragent la récidive au lieu de la décourager. Celui qui sort d’une de nos
prisons risque bien plus de commettre un délit qu’avant qu’il y ait séjourné. Quel
paradoxe !
Le plan justice de Monsieur Geens prévoit pourtant diverses mesures salutaires :
Limitation de la détention préventive ;
Interdiction de celle-ci pour les délits mineurs ;
Recours à la surveillance par bracelet électronique ;
Et en ce qui concerne l’exécution des peines, interdiction des courtes peines de
prison ;
Remplacement de celles-ci par des sanctions alternatives (surveillance par
bracelet électronique, travaux d’intérêt général, médiation, sanctions financières,
…).
Publié dans la Tribune d’AVOCATS.BE n°75 du 18 juin 2015
Mais ces belles promesses tardent à se concrétiser et, au contraire, des voix s’élèvent, au
sein de la majorité gouvernementale, pour en contester – contre toute raison – la
pertinence.
Il faut donc agir. Les trois actions que nous avons introduites ne seront plaidées que
dans un an, en mai et en juin 2016.
Nous n’avons qu’un espoir : que le gouvernement ait, d’ici-là, pris les mesures que nous
réclamons et que nous puissions donc très heureusement, nous désister de nos actions
avant qu’elles aient à être plaidées.
Luttons,
Patrick Henry, Président
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