recherche photosynthèse ces plantes qui jouent · 2005. 4. 20. · recherche dossier extra-muros...

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recherche dossier extra-muros l’invité étudiants actualitésphotosynthèse

Campus N° 75

Ces plantes qui jouentLes végétaux modifient leur appareil de photosynthèse pour qu’il maintienne unrendement optimal lorsque la luminosité change. Des chercheurs genevois ontdécouvert un des mécanismes clés responsables de ce processus chez les plantessupérieures. Explications

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Ce qui est vrai dans la petite algue,reste valable dans la plante supérieure.C’est avec satisfaction que le professeurJean-David Rochaix et ses collèguesStéphane Bellafiore et Frédy Barnechedes Départements de biologie molécu-laire et de biologie végétale ont montréqu’une protéine clé de la photosynthèsequ’ils ont découverte en 2003 chez l’or-ganisme unicellulaire Chlamydomonasreinhardtii est tout aussi essentielle chezArabidopsis thaliana, une plante de lamême famille que le chou, le navet ou lamoutarde. Publié dans la revue Naturedu 24 février, l’article démontre que lesplantes auxquelles il manque le gèneSTN7 n’arrivent plus à optimiser leursystème photosynthétique en cas devariations brusques de luminosité.Résultat: ces spécimens se développentplus lentement et ont donc moins dechance de survie que leurs congénèressauvages.

Un maximum de profit«Dans la nature, les plantes sont constam-ment confrontées à des variations plus oumoins rapides des conditions lumineuses,explique Jean-David Rochaix. Alorsqu’elles exposent leurs feuilles aux rayonsd’un soleil estival au zénith par exemple, lepassage d’un nuage peut brusquementdiminuer l’intensité de la lumière d’un fac-teur dix ou vingt. Les f luctuations sont toutaussi fréquentes pour les plantes des sous-bois où les rayons solaires sont filtrés par lacanopée. Le système photosynthétique – quipermet aux végétaux de transformer del’eau et du gaz carbonique en oxygène et ensucre – doit être sans cesse ajusté pour tirerle maximum de profit de chaque situation.Il doit d’ailleurs aussi bien exploiter lamoindre source de lumière qu’amortir unexcès brutal de rayonnement solaire en dis-sipant de la chaleur.»

Un des stratagèmes que les plantes ontdéveloppés pour y parvenir s’appelle«transition d’état». Il est connu depuistrente ans, bien que de nombreux méca-nismes moléculaires impliqués restentencore méconnus. Ce phénomène per-met de modifier le rendement du pro-cessus photosynthétique en le faisantpasser d’un mode de fonctionnement àl’autre, selon les conditions d’enso-leillement. Durant la photosynthèse,l’énergie lumineuse fournie par le soleilest progressivement transformée parune chaîne de réactions photochi-miques qui ont lieu dans les cellules desfeuilles, en un «potentiel électrochi-mique». Celui-ci entraîne la productionvitale de NADPH (un composé qui per-

met de fixer le gaz carbonique dans laplante) et d’ATP (le combustible univer-sel des organismes vivants). Ce proces-sus est entraîné par deux «moteurs»appelés photosystèmes I et II qui fonc-tionnent en série (l’un après l’autre).Chacun d’eux est muni d’une antennecomposée de molécules de chlorophylledont le rôle est de capter l’énergie desphotons pour alimenter ces moteurs.Les deux antennes n’ont pas la mêmesensibilité puisqu’elles n’absorbent pasexactement les mêmes longueursd’onde – 650 nanomètres pour l’une et700 pour l’autre.C’est cette petite différence qui fournità la plante un moyen de réagir en cas dechangement de luminosité. Suivant la

A première vue, l’étude de la faculté d’adaptationdes plantes à des variations de lumière ne mène àaucune application concrète utile à la société si cen’est à assouvir la curiosité des chercheurs. Demanière inattendue toutefois, la découverte de lakinase décrite ci-contre, pourrait avoir des réper-cussions dans un domaine très éloigné de la bota-nique: la production d’hydrogène, potentiellementutile comme carburant des moteurs de demain.

Dans certaines conditions de croissance en anaé-robiose (carence en oxygène), l’algueChlamydomonas reinhardtii est capable de relâ-cher de l’hydrogène dans l’atmosphère, un peucomme une soupape de secours. Les quantités degaz émises naturellement sont toutefois minimeset inexploitables pour l’industrie. Les augmenterreprésente un problème que les scientifiques n’onttoujours pas pu résoudre. Le problème principalest lié au fait que le système d’émission d’hydro-

gène de l’algue est très sen-sible à l’oxygène qui estproduit par la photosynthè-se. Or, il se trouve que lakinase Stt7 permet de fairebasculer l’appareil photo-synthétique d’un état asso-cié avec la productiond’oxygène à un état oùcette dernière est forte-ment réduite. Il n’est doncpas exclu qu’en agissantsur cette protéine, on puis-se doper la production d’hy-drogène. Un projet derecherche au niveau euro-péen, dont fait partie l’équi-pe du professeur Jean-David Rochaix, est d’ailleursconsacré à ce sujet. n

Usines à hydrogène

Université de Genève

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qualité de lumière, c’est-à-dire de sa lon-gueur d’onde, elle peut en effet syn-chroniser l’action de ses deux moteursafin que la machinerie continue defonctionner de manière optimale. Cettesynchronisation est réalisée par unchangement de la taille des antennes.Plus précisément, des groupes «phos-phate» sont attachés à l’antenne du pho-tosystème II dont une partie se détachepour être transférée au photosystème I.Cette action, qui est typiquementl’œuvre d’une protéine dite kinase, est

réversible et permet denaviguer à volonté entredeux états, chacun étantadapté à un type d’enso-leillement spécifique.La kinase en question atenu en haleine les biolo-gistes durant près de troisdécennies. Ils étaient per-suadés de son existence,mais, elle est restée long-temps introuvable. Ce sontles chercheurs genevoisqui, grâce à leurs travauxsur des mutants deChlamydomonas reinhardtiiet le décryptage récent deson génome, ont décritpour la première fois laprotéine et son gène cor-respondant (Stt7) dans unarticle paru dans la revueScience du 7 mars 2003.«Après cette première étape,nous avons très vite découvertun gène homologue, c’est-à-dire très ressemblant, chezune plante supérieure, noteJean-David Rochaix. Il s’agitde l’Arabidopsis thaliana, lastar des laboratoires, dont legénome a lui aussi été entiè-

rement décrit il y a quelques années. Le gèneen question, le STN7, code également pourune protéine kinase, ce qui montrait quenous étions sur la bonne voie, mais nousdevions encore démontrer que sa fonctionétait la même que celle de son homologue del’algue unicellulaire.»La chance a voulu que, juste à cetteépoque, un institut de recherche améri-cain fabrique un mutant d’Arabidopsisthaliana chez lequel le gène STN7 estrendu inopérant. Les Genevois ontimmédiatement commandé des graines

et les ont plantées dans des pots pourétudier leur croissance. Les premièresobservations sont décevantes: lesplantes ne présentent aucune anomalievisible. Il faut attendre les analyses phy-siologiques pour obtenir des mesuresindiquant que les mutants ne parvien-nent plus à ajuster leur système photo-synthétique. Ils semblent même vivreun stress constant plus élevé que la nor-male. Pour en savoir plus, les scienti-fiques décident alors de comparer endirect le développement des mutants àcelui des plantes sauvages.

Conséquences énormesL’expérience a été menée en conditionsde laboratoire: huit heures de jour etseize de nuit. Durant la période diurne,en jouant sur la qualité de la lumière,les chercheurs ont forcé les plantes àpasser d’un état à l’autre toutes lesheures. Résultat: les plantes sauvages sedéveloppent mieux que les mutants(voir photo). La kinase, absente chez lemutant, joue donc bien un rôle dansl’optimisation de la photosynthèse.«Même si la différence paraît petite, elle peutavoir à plus long terme des conséquencesénormes, que ce soit pour la survie d’uneplante individuelle ou de l’espèce, expliqueJean-David Rochaix. En fait, il serait inté-ressant de répéter ces manipulations enplein air. C’est dans des conditions réelles,autrement plus dures que celles, douillettes,du laboratoire, que l’on peut mesurer lesvrais bénéfices que peut apporter cettefaculté d’adaptation à la lumière. Toutefois,comme ce mutant est un organisme généti-quement modifié, il est très difficile d’obtenirle feu vert pour effectuer ces expériences enSuisse. Mais nous envisageons une collabo-ration avec des chercheurs en Suède où cespratiques sont autorisées.» nAnton Vos

uentavec la lumière

Comparaison de développement entre une plante mutante (à gauche), à laquelle il manque le gène STN7, et une plante sauvage. Les images ont été prises après 21, 30 et 41 jours.

DR

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