petit traité à l'usage des gens qui se trouvent trop grands

qui se trouvent trop grands

Petit traité à l'usage des gens

réalisé à la suite d’un atelier d’écriture animé par Julia Billet à l’Ecole Supérieure d’Art d’Epinal, 2009.

texte et illustrations Marine Froeliger

Petit traité à l’usage des gens qui se trouvent trop grands

Toujours pleine, toujours vide,la maison se trimballe.

S’arrête parfois pour dire bonjour à la route.En coup de vent, souvent.

La maison se trimballe.Enjambe les montagnes, traverse les plaines.

Soulage sur son passage, un volcan encore enfant.

La maison se trimballe.Foule, flâne.Passe du coq à l’âne.

La maison se trimballe.Jour et nuit durant, se fait confidentedes petits d’hommes et des géants.Relie un à un les points entre les planètes.Fait ses plans sur la comète.

Elle est grande la maison. Trop grande selon elle.

Le ciel qui l'entoure l'est encore davantage. Il aurait mangé trop de nuages.

La maison ne sait pas pourquoi elle est grande.Elle ne peut plus avancer.

Personne n’a jamais su répondre à sa question :

Pourquoi suis-je grande? Je n’ai pas le temps, dit la route.Pourquoi suis-je grande? Chut! souffle le nuage.Pourquoi suis-je grande? Tais-toi! répondent les arbres.

Honteuse, la maison rougit.S’enfuit.

Tremble et se languit.

Honteuse, la maison rougit.S’enfuit.

Un grand-grand d’hommes qui passait alors par là interrogea tout bas : - Que fais-tu donc maison?- Je ne comprends pas pourquoi je suis grande.

- Crois-tu que les arbres savent pourquoi ils sont verts et nus en hiver ? Crois-tu que les nuages savent pourquoi ils pleurent souvent en plus d’être blancs ?

Crois-tu que la route sait pourquoi elle...Crois-tu que moi, Grand-grand d’hommes, je sais pourquoi je suis là ?Trimballe-toi !

La maison acquiesça.Remercia le grand-grand d’hommes, et se releva.

(C'était l'hiver. J'étais nue. L'hiver.)

Souvent pleine, parfois vide,la maison se trimballe.