lucier, p. - les projets de loi 38 et 44 - 2009
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7/30/2019 Lucier, P. - Les projets de loi 38 et 44 - 2009
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Mmoire prsent la Commission de lducation
de lAssemble nationale du Qubec
dans le cadre de la consultation gnrale sur les projets de loi 38 et 44
Les projets de loi 38 et 44 :
pour une meilleure prise en compte des pouvoirs
et des responsabilits acadmiques
Pierre Lucier Qubec, 16 aot 2009
Chaire Fernand-Dumont sur la culture
INRS Urbanisation, Culture et Socit
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[Ce mmoire est prsent titre individuel. Il nengage que son auteur.]
Il est sain et normal que, priodiquement et pour tenir compte de lvolution des besoins,
des sensibilits et du pensable disponible, le Lgislateur veuille revoir, mettre jour etamliorer les rgles de gouvernance inscrites dans ses propres lois, publiques et prives,
et dans les rglements qui en dcoulent.
Il faut demble saluer cette intention qui inspire les projets de loi 38 et 44 et souligner
la volont de placer rsolument ladministration des tablissements denseignement
suprieur sous le signe de lefficacit, (de) lefficience, (de) la transparence, (de) la
responsabilit et (de) limputabilit1, les administrateurs tant, pour leur part, tenus de
remplir leurs fonctions avec impartialit, indpendance, loyaut, prudence et
diligence2.
Il faut aussi saluer l-propos des prcisions relatives aux responsabilits et au
fonctionnement des conseils dadministration, de mme que, dans le prolongement de
pratiques dj observes en divers lieux, lopportunit de formaliser la cration et le rlede comits du conseil dadministration en matire de gouvernance et dthique, de
vrification et de ressources humaines. On peut galement se rjouir de lamlioration
des rgles de divulgation des renseignements et de reddition de comptes. Quant au
rapport triennal sur la performance du systme universitaire3 et sur la performance du
1 Projet de loi 38,Loi modifiant la Loi sur les tablissements denseignement de niveau universitaire et laLoi sur lUniversit du Qubec en matire de gouvernance (dornavant : PL 38), art. 4.0.18; Projet de loi44,Loi modifiant la Loi sur les collges denseignement gnral et professionnel en matire degouvernance (dornavant : PL 44), art. 16.5.
2 PL 38, art. 4.0.13 et PL 44, art. 16.
3 PL 38, art. 4.0.46.
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1. La gouvernance et son contexte dmergence
Lusage gnralis du mot gouvernance est relativement rcent, mme si la chose est
fort ancienne. Ce nest pas dhier, en effet, que les institutions denseignement sont
gouvernes selon des rgles, dont la plupart ont mme valeur lgale : lois, chartes,lettres patentes, rglements, etc. Tant et si bien que les projets de loi 38 et 44
nintroduisent pas la gouvernance dans les tablissements! Ils visent plutt modifier
et, espre-t-on, amliorer des rgles de gouvernance que le Lgislateur avait lui-mme
dfinies en dautres temps. Avant les discours sur la gouvernance, il ny avait donc pas
absence de gouvernance, voire de saine gouvernance. En enseignement suprieur, le
Lgislateur stait mme souvent rserv le droit de nommer les administrateurs tous
mme, dans certains tablissements. Cest donc, pour une large part, dans ses propres
affaires que le Lgislateur intervient ici, les institutions ayant fonctionn selon leurs lois,
leurs chartes et leurs statuts. Les universits et les collges nont jamais rien fait dautre,
ainsi que le montre ltude des rgimes institutionnels qui se sont succd au cours de
leur longue histoire.
Cela nest pas anodin rappeler, car on pourrait tre enclin oublier les rationnels qui
ont prsid la dfinition des rgles de gouvernance ayant gnralement prvalu au
Qubec depuis une quarantaine dannes et dont certainesironie de lhistoire sont au
centre mme de ce que lon veut maintenant changer! On se souviendra que, en matire
de gouvernance, la Commission Parent avait explicitement recommand que les instances
de direction des universits assurent une place plus importante aux membres de la
communaut universitaire et la socit civile5. Il sagissait alors de briser les oligarchies
installes au pouvoir et, particulirement dans les institutions francophones, les pratiques
juges autocratiques des autorits ecclsiastiques. Ce nest pas pour rien que, dans unattendu justificatif du prambule de la nouvelle Charte accorde lUniversit de
Montral en 1967, on peut lire que luniversit () dsire faire participer son
5 Voir ce sujet : LUCIER, Pierre,Luniversit qubcoise : figures, mission, environnements, Qubec,PUL, 2006, chap. Ier (Luniversit du rapport Parent)., p. 3-15.
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6administration ses professeurs, ses tudiants et ses diplms . Cette nouvelle Charte
prvoit aussi que huit membres du Conseil seront nomms par le Gouvernement7.
Adopte lanne suivante, laLoi sur lUniversit du Qubec ira trs nettement dans le
mme sens8, avec le souci explicite de rpondre positivement aux recommandations de la
Commission Parent. Il en sera de mme, en 1967, avec la loi 9 qui allait instaurer notre
nouvel enseignement collgial public.
On ne conclura pas de cela que le Lgislateur veut maintenant dfaire ce que lui-mme et
les tablissements ont t fiers de btir nagure pour assurer une meilleure gouvernance
des collges et des universits. Cela invite tout de mme penser quil faut vraiment tre
au clair sur les motifs et les vises prsidant la dfinition de nouvelles rgles degouvernance qui ont lair daller en direction contraire. Aprs avoir mis sur les membres
internes pour tasser les oligarchies dantan, voudrait-on maintenant tasser les
internes? Mais, cette fois, au profit de qui?
Les discours actuels sur la gouvernance ne sont pas neutres, pas plus quils ne seraient
que lexpression dun bel lan de renouveau thique, voire de rigueur morale. Ils sont
plutt ns dans la dynamique de la mondialisation, selon laquelle tous les pouvoirs
internes, y compris ceux des dcideurs politiques et nationaux, apparaissent comme
des freins au libre exercice des pouvoirs, essentiellement conomiques et financiers, de
forces transformatrices et transfrontalires10. Les approches des grands organismes
6Charte de lUniversit de Montral, Prambule, 4e attendu.
7Ibid., art. 8f.
8Loi sur lUniversit du Qubec, art. 7, 18 et 32. Les chartes et les statuts des universits prvoient laparticipation de la communaut universitaire aux instances de dcision.
9Loi sur les collges denseignement gnral et professionnel, art. 8.
10 Ce contexte est examin dans LUCIER, Pierre, Gouvernance et direction de luniversit, confrenceprononce au colloque de la FQPPU, mai 2007. Voir aussi : qui appartient luniversit?, confrence
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internationaux ne sen cachent pas et il ne faut pas y avoir beaucoup circul pour avoir
entendu, par exemple, que lAfrique se porterait beaucoup mieux si elle ntait pas
gouverne par des autorits nationales multiples et quelle serait plus prospre si elle
ntait pas dirige par des Africains! Transposition facile : les universits du Qubec se
porteraient-elles mieux si elles ntaient pas diriges par des universitaires? Et les
collges du Qubec iraient-ils mieux si moins dinternes avaient leur mot dire dans
leur direction?
Ne brandissons pas dpouvantails. Il importe tout de mme dattirer lattention sur un
discours qui est forte teneur idologique et, comme toute idologie, est
socioculturellement situ et connot. Idologie, car il y a bel et bien un catchisme dela gouvernance. LeRapport du groupe de travailsur la gouvernance des universits du
Qubec11 en tmoigne lui-mme, qui soutient demble que tout se tient en matire de
gouvernance et quon doit en appliquer lintgralit des principes et des mesures. Ce
toutourianisme est pour le moins trange en cette re de la fin des orthodoxies et il
faut savoir gr au gouvernement de ny avoir pas trop cd.
Qui dit idologie dit aussi stratgie, lidologie tant toujours un outil pour laction. Et la
stratgie dominante est ici bien connue, de la Banque mondiale lOCDE et bien
dautres organismes : les institutions sont prisonnires de leurs forces internes et leur
direction serait plus efficace et plus thique si dautres sen occupaient. Il serait donc
sain de mettre fin tout ce qui peut voquer lautogestion, ce pernicieux travers
soixante-huitard! Sachant dexprience que les forces internes ont des curiosits et un
prononce lACFAS, 8 mai 2008. Ces deux textes sont disponibles sur le site de la Chaire Fernand-Dumont sur la culture ( http://chaire_fernand_dumont.ucs.inrs.ca) .
11 Institut sur la gouvernance dorganisations prives et publiques, parrain par lUniversit Concordia etpar HEC-Montral, septembre 2007. On y lit en conclusion : Les principes proposs par le groupe detravail constituent un systme de gouvernance dont lefficacit vient de son application intgrale. Le groupede travail met en garde contre la tentation dadopter certains principes plus faciles dapplication et delaisser tomber ceux qui sont plus exigeants. (p. 21).
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sens critique particulirement insistants, des dirigeants dtablissements denseignement
suprieur pourraient tre eux-mmes tents dy donner plein et de miser sur des
alliances somme toute plus accommodantes. Cela sest vu. Mais cest l un choix court
terme en regard de la collgialit et de la libert que celle-ci est ultimement la seule
pouvoir garantir.
On ne jettera pourtant pas le bb avec leau du bain. Il y a, dans les sensibilits
mergentes relatives la gouvernance, des valeurs et des exigences dont le
dveloppement et linstitutionnalisation mritent dtre promus. On ne doit cependant pas
occulter les origines des philosophies dominantes de la gouvernance et, encore moins, les
traces videntes dont elles marquent toujours le mouvement. En tout cas, ce serait trop
sacrifier ces nouveaux dieux que de laisser croire que, avant ces discours, il ny avait
pas de gouvernance, voire de saine gouvernance. Ou encore que la rectitude thique
commence avec eux.
Il convient ds lors, et dentre de jeu, dattirer lattention de la Commission sur les liens
bien tablis entre les discours mergents sur la gouvernance et les perspectives
idologiques et stratgiques qui en ont nourri le dveloppement et qui ne sont pas toutes
sous le seul signe de la vertu et de la rectitude thique. Cette distance critique ne peut que
favoriser ladhsion certaines valeurs qui, par-del ces idologies troites, mritent
dtre promues.
Et il est recommand :
1. que soient prcises et enrichies lesNotes explicatives relatives aux objectifs des
projets de loi 38 et 44, dont il est insuffisant de dclarer quils ont pour objet dtablir
des principes de saine gouvernance au regard de la gestion des tablissements12, comme
12 PL 38 et PL 44, Notes explicatives, 1erparagraphe.
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si les rgles dj tablies par le Lgislateur navaient pas t aussi proccupes de saine
gouvernance.
2. Les enjeux acadmiques comme responsabilit centrale des universits
Toutes les lois, publiques et prives, en vertu desquelles sont institues les universits
qubcoises dfinissent lobjet et le champ dopration spcifique de ces corporations et,par-del les pouvoirs corporatifs gnraux octroys aux corporations, dfinissent leurs
pouvoirs proprement universitaires. Lobjet est gnralement sobrement nonc :
lenseignement suprieur et la recherche13, dont on tient souvent prciser quil est
indissociable du respect de la libert de conscience et des liberts acadmiques
inhrentes une institution universitaire14. Cet objet est gnralement ensuite dclin en
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Loi sur lUniversit du Qubec, art. 3. La mme expression est utilise dans la Charte de lUniversit deMontral (art. 3), la Charte de lUniversit Laval (art. 3) et la Charte de lUniversit de Sherbrooke (art.2). La Charte de lUniversit Concordia est plus dtaille : to impart education and higher education inall branches of classical, technical, general, scientific, commercial and artistic learning (art. 1a). La Charteroyale de lUniversit McGill le dit en dautres mots : instruction in the different branches of scienceand literature (4e paragraphe) , ou encore concerning () the studies, lectures, exercises, and degreesin arts and faculties and all matters regarding the same (8e paragraphe)., ou encore for the educationof youth and students in the Arts and Faculties (5e paragraphe). La Charte de lUniversit Bishops ditsemblablement : instruction in the various branches of Science and Literature which are taught in theuniversities of this Kingdom (3e paragraphe).
14Loi sur lUniversit du Qubec, art 3. La Charte de lUniversit de Montralprcise : luniversit
reconnat ses membres les liberts de conscience, denseignement et de recherche inhrentes uneinstitution universitaire de caractre public (4e attendu). Avec profondeur de vue, la Charte delUniversit Laval dclare : que lUniversit constitue lun des groupes qui exercent le droit de lhumanit poursuivre librement la recherche de la vrit au bnfice de la socit et dans le respect des libertsindividuelles et collectives (Prambule). Pour sa part, la Charte de lUniversit Bishops mentionnespcifiquement la libert des tudiants : that the students ot the said College shall have liberty andfaculty of taking the Degrees of Bachelor, Master and Doctor, in the several arts and the faculties of (3e
paragraphe).
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prcisant quune universit est une personne morale pouvant notamment adopter des
programmes dtudes et une nomenclature des grades, diplmes et autres certificats
universitaires, (et de) dcerner tous grades, diplmes et certificats universitaires15.
Comme entit corporative, une universit est donc une entreprise une business,
dit-on familirement dont les objets sont essentiellement des programmes
denseignement et de recherche tablir et mettre en uvre, des grades et des diplmes
signer et dcerner, des liberts acadmiques garantir jus discendi, jus docendi,
comme on le disait dj au Moyen ge. Ce nest donc ni une socit commerciale, ni
lHydro-Qubec, ni la SAQ, ni la RAMQ, ni mme le ministre de lducation. Ce
quont grer les conseils dadministration, ce propos de quoi ils ont prendre desdcisions, ce sont fondamentalement ces responsabilits sui generis. Ils ont dcider si
des programmes dtude et de recherche doivent tre ouverts, maintenus ou ferms, et si
des diplmes doivent tre dcerns tel ou tel tudiant. Toutes les autres responsabilits
corporatives en matire dadministration, de financement ou de gestion des ressources y
trouvent leur sens et leur couleur propres16. Les chartes ou les statuts rservent
gnralement certains de ces pouvoirs dautres instances vocation spcifiquement
acadmique, leur reconnaissant ainsi une relle autonomie. Mais, au bout du compte,
notamment en cas de divergence, il est clairement stipul quil revient au conseil
dadministration de trancher en dernire instance17. Mme lorsquil ny a pas litige, le
conseil dadministration doit le plus souvent tout le moins entriner : comme
responsable ultime18, il a donc toujours le droit den dcider autrement. Lexamen et la
15Loi sur lUniversit du Qubec, art. 4. Voir aussi la Charte de lUniversit de Montral, art. 4 a,b,c; laCharte de lUniversit Laval, art. 6 a, b; la Charte de lUniversit de Sherbrooke, art. 4 a, b, c; la Charte de
lUniversit Concordia, art. 1 b. Pour les chartes des universits McGill et Bishops, voir la note 12.16 La Charte de lUniversit Concordia est trs explicite sur cette hirarchie des pouvoirs : thecorporation, as ancillary and incidental to its object, shall have the following powers (art. 2). Sontensuite numrs tous les pouvoirs administratifs et financiers que lon connat.
17 Voir, par exemple : Charte de lUniversit Laval, art. 7.9 et Statutes of McGill University, art. 6.3.9.
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pratique des ordres du jour des conseils dadministration illustrent abondamment cette
importance centrale des questions acadmiques.
Cette spcificit de lentreprise universitaire nest nulle part explicite dans le projet de
loi 38. On y mentionne bien plus dune fois que les administrateurs doivent agir dans le
respect de la mission universitaire19. Mais cest vraiment trop peu dire. Le respect est
assurment un minimum quand mme!-, mais il sagit ici dautre chose : comme porteur
des pouvoirs et responsabilits proprement universitaires, le conseil dadministration
dune universit doit promouvoir la mission de luniversit, la mettre en uvre, la
dvelopper, la protger, la dfendre, au besoin contre vents et mares. Il doit aussi en
faire la rfrence de toutes ses autres dcisions administratives. Le projet de loi nestgure plus explicite cet gard quand il mentionne le pouvoir du conseil dadministration
dtablir les orientations stratgiques de ltablissement20. Car quelles sont-elles,
concrtement, les orientations stratgiques dune universit sinon quelles dfinissent les
objets et les champs disciplinaires dans lesquels elle laborera, maintiendra ou
18 Dans toutes les universits, linstance suprme et dernire de dcision est, sous des noms divers, ce quele projet de loi appelle le conseil dadministration. Voir les Statutes of McGill University (The board of
Governors of the University, under the terms of the Charter, possesses general jurisdiction and finalauthority over the conduct of the affairs of the University, art. 1.3.1); la Charte de lUniversit Laval(Les droits et pouvoirs de lUniversit sont exercs par un Conseil dadministration, sauf ceux qui sontexercs par le Conseil universitaire en vertu des dispositions de larticle 7.8, art. 7, mais, en cas dedivergence, cest le Conseil dadministration qui a le dernier mot, art. 7.9); les Statuts de lUniversit deSherbrooke (Le conseil dadministration exerce tous les droits et pouvoirs de lUniversit, lexception deceux que la Charte et les Statuts rservent lassemble de lUniversit, art 19, essentiellement des
pouvoirs de dsignation et de veille statutaire); lesBy-Laws of Concordia University (The Board ofGovernors shall have a superintending and reforming power over all decisions affectinf activities held atthe university et may in its discretion, revoke or modify any decision made by Senate, FacultyCouncils, Committees or other internal structures of the University, art. 32); la Charte de lUniversitde Montral (Le conseil exerce tous les droits de luniversit et tous les pouvoirs ncessaires sonadministration et son dveloppement, art. 13); lesRules, Orders and Regulations de lUniversitBishops (The Corporation possesses jurisdiction and final authority un all the affairs of the University, bethey academic, economic, social or otherwise art. 1); laLoi sur lUniversit du Qubec (Les droits et les
pouvoirs de lUniversit sont exercs par lassemble des gouverneurs, art. 7).
19 PL 38, art. 4.0.13; 4.0.18; 4.0.22.
20 PL 38, art. 4.0.19; 4.0.22; 4.0.28.
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supprimera des programmes denseignement et de recherche, dans lesquels elle tablira
des chaires et fera ses embauches, dans lesquels elle se dotera de ressources
documentaires et dquipements scientifiques. Administrer une universit, cest
fondamentalement cela.
Cest ladministration de ces objets spcifiquement universitaires qui exige libert et
autonomie, lesquelles nont rien voir avec le loisir de faire nimporte quoi, de ne
vouloir rendre de comptes personne ou de dcrocher par rapport aux besoins et aux
capacits de la socit et du Trsor public. On peut stonner que, dans un dbat public
sur la gouvernance universitaire, on parle si peu de cette incessible autonomie
universitaire. On observe mme que les universits se font plutt discrtes l-dessus. Ilny a pourtant pas l quelque maladie honteuse. Si luniversit doit tre autonome dans
lexercice de ses responsabilits universitairesce que les chartes royales et impriales
ont voulu leur garantir au cours de leur histoire en les constituant en zones franches o
le chancelier exerait jusquau pouvoir de rendre justice, cest justement parce quelle
gre les objets que nous avons mentionns. Cest que, plus profondment encore, la
rgulation du savoir ne peut pas tre dcrte : les lois de la physique ne sont pas votes
en assemble et selon le Code Morin. Et pas davantage les thories explicatives de la vie
sociale, conomique ou politique. La libre confrontation des pairs demeure encore la
rgulation la plus efficace. Ce nest pas une autorit externe qui a consacr Einstein :
cest la force de ses travaux qui a tenu le coup devant la critique scientifique. moins de
consentir glisser ventuellement dans les dirigismes de type sovitique, il ne faut pas
cesser de parler de lautonomie universitaire comme dune responsabilit vis--vis du
savoir lui-mme et de la vrit, aurait-on dit en dautres temps21. Pour tout dire, cest de
luniversit elle-mme, bien plus que de ses administrateurs, quil faut assurer
lindpendance.
21 Le Prambule de la Charte de lUniversit Laval voque explicitement et fort bellement cette recherchede la vrit.
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Ce nest pas par simple incidence quon doit voquer ici cette question de lautonomie
universitaire. Cest parce que sa responsabilit et sa gestion sont au cur des tches
confies aux conseils dadministration des universits et leurs administrateurs.
Administrer une universit, cest tre chaque jour confront de tels impratifs et de
telles prises de dcision : il ne sagit pas de grer des produits et services selon les lois de
loffre et de la demande. On ny est pas davantage dans une entreprise dont les tudiants
seraient les clients et les contributeurs financiers, les actionnaires! Le projet de loi
sur la gouvernance universitaire doit en tenir compte plus nettement en nenglobant pas
les responsabilits et pouvoirs universitaires sous des formulations aussi gnrales et
passe-partout que le respect de la mission universitaire, les orientations
stratgiques ou les valeurs de ltablissement, qui ne disent pas vraiment ce que
dfinissent clairement les chartes et lois constitutives de nos universits.
Ces spcificits universitaires entranent delles-mmes des exigences institutionnelles
que le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte. On peut penser ici aux rapports
qui doivent stablir entre le conseil dadministration et les instances spcifiquement
acadmiques. Les ingnieries ne sont pas simples en cette matire, on le sait, et les
structures bi-cphales sont gnralement voues dnormes difficults. Il doit y avoir
une unique autorit ultime. Mais les objets proprement universitaires ne peuvent pas tre
dcids sans liens avec les rouages de la rgulation proprement scientifique et
pdagogique, Cest dailleurs pour cela que la plupart des chartes et des statuts encadrent
les pouvoirs dcisionnels des conseils dadministration par des liens obligs avec les
instances proprement acadmiques. La tradition scolaire occidentale ne faisait pas
autrement en distinguant lautorit de la direction des tudes celle du prfet des
tudes, a-t-on longtemps dit- et lautorit de la direction gnrale et en insistant pour
que le recteur ou le directeur gnral soit aussi le premier personnage acadmique de
luniversit, normalement charg de prsider le conseil des tudes ou son quivalent.
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Il ne revient pas au projet de loi 38 de sengager dans ces ingnieries complexes, mais, en
stipulant que le premier dirigeant sera dornavant le seul membre de la direction siger
au conseil dadministration22, le projet de loi exclut le vice-recteur acadmique ou son
quivalent il ny sera plus, mme sans droit de vote. Cest l une premire, laquelle on
ne saurait applaudir sans rticence. Cette exclusion pourrait mme marquer une rupture
avec la vision traditionnelle et toujours solide de ce quest une maison denseignement et
dducation. Il faut dautant plus le souligner que le projet de loi 38 une autre premire
aux multiples drives possibles accorde au prsident du conseil un pouvoir de
reprsentation institutionnelle23 qui, en plus daller directement lencontre de la plupart
des statuts et rglements24, va concourir une relativisation de lautorit du premier
dirigeant. Est-ce dire que le prsident pourra prsider des dcisions et quil pourra
ensuite les dfendre publiquement en contournant le recteur? On peut penser que desvoix demanderont la rvision de ce nouveau tandem, car on ne voit pas bien comment les
universits pourraient avoir dornavant deux porte-parole?
Il est recommand:
2. que les objets et les pouvoirs spcifiquement universitaires adoption de programmes
dtude et de recherche, octroi de grades et de diplmes- soient explicitement mentionns
comme constituant la responsabilit centrale de linstitution universitaireson Core
Business, en quelque sorte;
22 PL 38, art. 4.0.1.
23 PL 38, art. 4.0.20; 4.0.45.
24 Voir, par exemple, les Statuts de lUniversit Laval ( le Recteur reprsente lUniversit et parleofficiellement en son nom (art. 138.3); les Statuts de lUniversit de Sherbrooke (le recteur reprsentelUniversit et prononce ou autorise les dclarations faites officiellement au nom de lUniversit, art. art.73.3); la Charte de lUniversit de Montral (le recteur est le prsident de luniversit et la reprsente,art. 25).
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3. que lexpression dans le respect de la mission universitaire soit remplace par des
dsignations plus incisives et plus proactives relativement la promotion et la dfense
de la mission universitaire;
4. que lautonomie institutionnelle et les liberts acadmiques soient explicitementmentionnes comme paramtres incontournables des responsabilits de gestion propres
au conseil dadministration de luniversit et ses administrateurs;
5. que soit rexamine la dcision dexclure totalement du conseil dadministration le
vice-recteur acadmique ou son quivalent, qui est la personne la mieux habilite
rpondre des positions des instances proprement acadmiques;
6. que soit clarifie la rpartition des pouvoirs et devoirs de reprsentation externe du
prsident du conseil dadministration et du premier dirigeant, celui-ci tant partout le seul
porte-parole officiel de ltablissement universitaire.
3. Lindpendance des administrateurs
Lobligation qui est faite davoir dornavant des conseils dadministration dont la
majorit des membres soient des membres indpendants constitue sans doute la mesure
la plus visible et la plus spectaculaire du projet de loi 38. Des voix, vraisemblablement
nombreuses, ne manqueront sans doute pas de commenter cette nouvelle majorit
impose. On sen abstiendra ici, parce que le nombre nest peut-tre pas lenjeu le plus
important. Aprs tout, les conseils dadministration ne fonctionnent gnralement pas
coups de dcomptes des votes, et on sait que le poids du nombre ne remplace jamais une
once de talent ou de leadership. Cest plutt le concept mme de membre indpendant
qui mrite un examen serr, en lui-mme et dans certaines explicitations qui en sont faites
dans diffrents articles du projet de loi.
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Cest essentiellement par rapport ltablissement lui-mme que le projet de loi tablit
lindpendance des administrateurs: un membre sera rput indpendant sil na pas, de
manire directe ou indirecte, de relations ou dintrts, par exemple de nature financire,commerciale ou professionnelle, susceptibles de nuire la qualit de ses dcisions eu
gard aux intrts de ltablissement25. La seule dpendance nuisible serait donc ici
celle qui concerne les liens avec ltablissement. Et cest par rapport elle quon entend
oprer un mouvement assez exactement contraire celui qui, dans les annes 60, avait
inspir les nouvelles rgles de gouvernance axes sur la participation de la communaut
universitaire.
Tout compte fait, il faut se demander si ne sont pas ainsi occultes de multiples autres
dpendances possiblespar rapport aux pouvoirs financiers, aux partis politiques, aux
groupes dintrt ou de conviction, etc. qui ne comportent pourtant pas moins de
risques pour la saine gouvernance de ltablissement. Cela vaut aussi pour les membres
issus de la communaut universitaire, qui nont pas davantage se considrer et se
comporter comme des porte-parole de leurs instances associatives.
On sait bien que lindpendance absolue nexiste pas; personne nest de nulle part. En
revanche, certaines spcifications pourraient constituer des moyens indirects de favoriser
lindpendance des administrateurs, commencer par laffirmation nette que ceux-ci
doivent tre reprsentatifs bien davantage que des reprsentants de leur groupe ou
milieu dappartenance. Le projet de loi nest pas trs pdagogue cet gard quand il
prcise que les membres nomms par le gouvernement ne doivent pas faire partie dupersonnel du ministre de lducation, du Loisir et du Sport26. On pouvait penser que
25 PL 38, art. 4.0.7.
26 PL 38, art. 4.0.5.
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cela allait de soi, essentiellement parce que de tels administrateurs ne pourraient pas faire
abstraction de leur devoir dallgeance aux positions ministrielles et gouvernementales.
Ce qui tonne, cest que lon mentionne spcifiquement un ministre. Ceux qui ont
demand cette spcification estimeraient-ils que le gouvernement pourrait alors nommer
des fonctionnaires du Conseil du Trsor, des Finances, de la Sant, des Ressources
naturelles, de lAgriculture, voire du Conseil excutif? La prcision de larticle 4.0.5 est
ds lors inquitante, dans la mesure o elle donne penser que le gouvernement pourrait
nommer son monde et en faire son il au-dessus de lpaule des conseils
dadministration. Nous librant fermement des dsignations politiques, le projet de loi
accrditerait-il le recours au bras administratif ?
Le projet de loi ne fait pas davantage uvre de clart sur la nature de lindpendance des
administrateurs quand il stipule demble que des relations ou intrts de nature
philanthropique dune personne ne sont pas pris en compte dans sa qualification de
membre indpendant27. La belle affaire! Outre quon semble accrditer ainsi lide ou
la pratique selon laquelle une nomination au conseil dadministration pourrait
constituer un geste de reconnaissance en regard dun don significatif, on comprend mal
que, faisant un don titre gracieux, on puisse jouir de la capacit de voir comment on
lutilise, voire dorienter cette utilisation! Il y a l une prcision gnante, qui illustre le
caractre trop troit du concept dindpendance promu par la loi.
La principale spcification susceptible de baliser cette indpendance et dassurer la
gestion des responsabilits acadmiques propres luniversit, cest probablement du
ct du concept de comptence quon pourrait la trouver. Des administrateurs
indpendants, oui, le plus et le mieux possible. Mais, pour asseoir cette indpendance
mme, des administrateurs comptents. Soyons clairs : les administrateurs nont pas
tre eux-mmes des universitaires ou des spcialistes. Et pas davantage dtenir un
27 PL 38, art. 4.0.7.
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diplme de tel ou tel niveau, encore quil devrait y avoir au moins une petite gne pour
un prsident de conseil faiblement diplm signer des diplmes de doctorat. Lenjeu est
ici que, sous un angle ou sous un autre, les administrateurs doivent savoir ce quest une
universit et en comprendre concrtement la mission et les modes dopration. De ceux
qui proviennent de milieux autres, on sattend normalement ce quils puissent
comprendre les dynamiques de besoins, dattentes, de complmentarits ou de
questionnements qui prvalent entre leur lieu dexpertise et linstitution universitaire,
voire avec ltablissement universitaire quils administrent. Plusieurs statuts
recherchent manifestement cette connaturalit quand ils spcifient que certains des
membres externes doivent tre des diplms de ladite universit 28.
Le projet de loi engage les conseils dadministration privilgier la diversit des profils
dexprience et de comptence des membres du conseil dadministration dans le but de
permettre celui-ci dexercer adquatement ses fonctions29. Diversit, soit. Mais cela ne
saurait suffire, car on peut tre divers et pourtant inadquat. Ici aussi, cest le lien aux
objets propres de luniversit qui devrait tre le critre. Cest sans doute ce qua voulu
lUniversit de Sherbrooke quand, dans ses nouveaux statuts tout juste entrs en vigueur,
elle prcise certains lments des profils recherchs30. Cest moins l-propos des critres
retenus qui importe ici que le fait mme de la proccupation ainsi exprime.
28 On en trouve des exemples dans les Statutes of McGill University (at least five of the twelve members-at-large of the Board of Governors shall be graduates of McGill University, art. 1.1.5.2);les Statuts delUniversit de Sherbrooke (cinq personnes diplmes de lUniversit lassemble de lUniversit, art.10.2); lesRules, Orders and Regulations de lUniversit Bishops (at least ten communautyrepresentatives, at least three of whom shall be graduates of the University comme membres de laCorporation, art. 1.3.5).
29 PL 38, art. 4.0.17.
30 Les membres de lassemble de lUniversit sassurent que font partie du conseil dadministrationnotamment une personne diplme de lUniversit de Sherbrooke, une personne ayant une exprienceadministrative ou dadministrateur comme membre dun conseil dun autre tablissement denseignementsuprieur ou dune socit publique, une personne possdant une expertise en thique, une personne
possdant une expertise en finance ou en comptabilit, une personne possdant une expertise en gestion dela recherche ou en matire de proprit intellectuelle, une personne possdant une expertise en mdias ou
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Il nappartient sans doute pas une loi daller aussi loin dans de telles prcisions, mais on
ferait bien de mentionner la ncessit de cette comptence de base qui consiste savoir
et comprendre ce quest et ce que fait une universit. Des personnes qui ont dciderdes programmes denseignement et de recherche, dcerner des diplmes et brosser le
profil de comptence du premier dirigeant lui-mme ne peuvent tout de mme pas tre
trangres la mission universitaire, voire tre ignorantes de ses tches centrales. Au
conseil dadministration de lHydro-Qubec, par exemple, on sattend normalement ce
quil y ait des administrateurs qui connaissent llectricit sous un angle ou sous un autre.
On est aussi rassur de savoir que, au conseil dadministration dun grand muse, il y a
des administrateurs qui, bien quindpendants, connaissent quelque chose lart et sont
dj entrs dans un muse!
Il est recommand :
7. que soit enrichie la dfinition de lindpendance des administrateurs, pour y tenir
compte de tout lien vident de servitude ou dallgeance susceptible dimprimer des
orientations pouvant inflchir indment lexercice de la mission universitaire;
8. que soit supprime lexclusion des liens de philanthropie, charge au conseil
dadministration ou au gouvernement dvaluer, cas par cas, la dpendance pouvant en
dcouler;
9. que soit supprime lexclusion spcifique du personnel du ministre de lducation,
du Loisir et du Sport ou que cette exclusion soit tendue lensemble des fonctionnaires
de ltat;
10. que soit mentionne une obligation de comptence relative la chose universitaire
comme complment de lindpendance recherche.
en communications, une personne possdant une expertise en ressources humaines. Statuts de lUniversitde Sherbrooke, art. 23.3. Ces nouveaux statuts sont entrs en vigueur le 1erjuin 2009.
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4. Les dpendances rsiduaires vis--vis des autorits ecclsiastiques
Parmi les dpendances dont ne traite pas le projet de loi, il en est une qui pourra
difficilement tre ignore, dans la mesure o elle intervient directement dans les rouages
institutionnels que le projet de loi entend justement modifier: cest celui des dispositions
juridiques qui lient certaines universits des autorits ecclsiastiques.
Cette question mriterait un examen attentif, surtout dans le contexte o, le systme
scolaire tant maintenant dconfessionnalis, cest dans les universits que, bien
paradoxalement, subsistent des dpendances juridiques en matire religieuse. Il endcoule toute une srie dincongruits, dont la moindre nest pas que plusieurs des
universitaires qui interviennent sur les questions religieuses, voire sur les programmes
scolaires en culture religieuse, appartiennent des facults ecclsiastiques et sont munis
dune mission canonique soumise aux normes romaines31. Cette incongruit
saccompagne dailleurs de plusieurs autres, dont le refus des principaux vques
concerns denvoyer leurs propres candidats la prtrise dans des centres universitaires
31 Il faut rappeler que, au Qubec, la pratique des sciences de la religion a t largement concentre dans lescentres confessionnels ou quasi-confessionnels, voire canoniques, dtudes thologiques. Ainsi, et poursen tenir aux universits francophones, Laval, Montral et Sherbrooke sont troitement soumis, pourlessentiel de ce qui touche lenseignement et la recherche dans le champ de la religion, aux exigencescanoniques des autorits ecclsiastiques romaines dfinies dans la constitution apostolique Sapientiachristiana(1979) et dans ses normes dapplication, selon des perspectives et des paramtres repris dans denombreux documents normatifs, tels le Code de Droit canonique (1983, nn.807ss), la constitutionapostoliqueEx corde Ecclesiae (1990), linstructionDonum veritatis (1990), le lettre apostoliqueAdtuendam fidem (1998) et dautres. Les appellations de sciences des religions (Montral), de sciencesreligieuses (Laval) ou d thique et philosophie (Sherbrooke), rcemment ajoutes celle de thologie , ny changent rien. Ce sont bel et bien trois centres statut canonique. Ce statut ne discrdite
pas pour autant les enseignements et les travaux de recherche de ces tablissements dans le champ dessciences de la religion. Mais on serait mal avis de banaliser ou docculter le fait que ces enseignements etces travaux de recherche sont raliss dans la mouvance de lorthodoxie dune communaut confessante etsous le contrle, attentivement exerc au demeurant, des autorits ecclsiastiques locales et romaines.
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32quils tiennent toujours contrler par ailleurs et qui, eux-mmes, semblent de plus en
plus enclins sengager dans dautres champs disciplinaires que la thologie.
Le projet de loi 38 nen est sans doute pas le lieu, mais il faudra bien que ces questions
soient lucides avant trop longtemps. En revanche, il faut attirer ici lattention de la
Commission sur des clauses du projet de loi qui pourraient fort bien tomber plat,
moins que lon considre que larticle 4.8 en dispose totalement et ipso facto, malgr
toute disposition prvue par la loi constitutive, la charte, les statuts, rglements ou lettres
patentes dun tablissement denseignement de niveau universitaire. Mais cest mal
connatre les pratiques juridiques des autorits ecclsiastiques, romaines en particulier, et
leurs traditions de ngociation que descompter que tout pourrait se passer aussisimplement.
Lhistoire et la porte des restes de caractre canonique dans les universits qubcoises
sont danalyse complexe, encore quelles soient bien documentes. Cest essentiellement
lorigine ecclsiastique de la plupart des universits davant les annes 60 qui permet
den rendre compte. Les choses ont videmment beaucoup volu depuis quarante ans et,
en pratique, comme le disent les dfenseurs du statu quo, cela ne change pas grand-
chose. Mais, alors, si a ne veut rien dire, pourquoi y tenir? En fait, cela signifie bel et
bien encore quelque chose.
considrer formellement les choses, cest probablement lUniversit de Sherbrooke qui
est la plus identifie sur le plan religieux, mme si elle est celle o les accrochages ont t
32 Paralllement au maintien de ce contrle ecclsiastique, la renaissance des grands sminaires est unphnomne qui sobserve depuis de nombreuses annes. Dans le cas de Montral, une loi prive (Projet deloi 278), adopte en juin 1998, a mme reconnu que "les Prtres de Saint-Sulpice de Montral ont le
pouvoir de dispenser des programmes d'enseignement universitaire et de dcerner des grades, diplmes,certificats ou autres attestations d'tudes universitaires dans le domaine des sciences ecclsiatiques" (art. 1).
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moins aigus quailleurs. On notera tout de mme que la fonction de chancelier a toujours
pour titulaire la personne qui exerce la fonction darchevque catholique romain de
Sherbrooke33. Ses pouvoirs ont t quelque peu rduits et encadrs par les amendements
apports la Charte en 1978, alors quon a supprim la mention selon laquelle le recteur
ainsi que les membres du conseil de direction seront lus, nonobstant toute autre
disposition lgislative, selon les lois ecclsiastiques34. Mais les statuts, mis en vigueur le
1erjuin 2009, prcisent toujours que lUniversit est () rige par un dcret
canonique et quelle respecte lautorit comptente de son chancelier, larchevque
catholique romain de Sherbrooke35. Celui-ci prside toujours de droit lassemble de
lUniversit et y a droit de vote en cas dgalit des voix36il peut donc trancher.
Cest galement larchevque chancelier qui nomme les membres du conseil
dadministration qui ont t choisis conformment aux Statuts37 et confirme lanomination faite par le conseil dadministration de la rectrice ou du recteur38. Il ny a
rien de honteux tre canoniquement reconnu, mais, en loccurrence et si les mots ont du
sens, on doit reconnatre quil y a l des pouvoirs difficilement compatibles avec lesprit
et la lettre des dispositions prvues dans le projet de loi 38.
La situation canonique de lUniversit de Montral est la fois plus cible et plus
marque sur le plan juridique. Adopte en 1967, la nouvelle charte de lUniversit a pris
le relais de celle de 1920 et de la constitution apostolique de 1927 qui lui accordait la
reconnaissance canonique. La dconfessionnalisation y est claire, mais une enclave
confessionnelle y a t confirme: il subsisterait la possibilit de facults
33Loi relative lUniversit de Sherbrooke, art. 6, et Statuts de lUniversit de Sherbrooke, art. 70.
34
Ibid, art. 7(avant les amendements de 1978).35Statuts de lUniversit de Sherbrooke, art. 4.
36Ibid., art. 10.1.
37Ibid., art. 71.1.
38Ibid., art. 71.3.
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39ecclsiastiques, essentiellement la Facult de thologie , dont la Charte stipule quelle
est soumise au Modrateur des facults ecclsiastiques comme sa premire autorit
quant la nomination de ses officiers et toutes exigences dun caractre canonique
concernant ses professeurs, ses tudiants, son programme, ses rglements pdagogiques
et loctroi de ses grades40. Quant la cration dune facult ecclsiastique, elle relve
de lautorit du Saint-Sige41. Cest lArchevque catholique romain de Montral
qui est le Modrateur des facults ecclsiastiques42.
Ces dispositions nont pas de liens directs avec lobjet propre du projet de loi 38, sauf en
ce quelles donnent au Modrateur le pouvoir de nommer deux membres au Conseil de
lUniversit43. Il nest pas saugrenu de se demander ce quil adviendra de ces deuxmembres dans les nouveaux dispositifs prconiss: srement pas des membres
indpendants, et pas davantage des membres identifis la communaut universitaire.
Le Lgislateur serait bien avis de clarifier les choses dune manire ou dune autre.
lUniversit Laval, et pour des raisons qui tiennent sans doute beaucoup une
volution diffrente de lglise de Qubec, les liens canoniques sont plus globalement
dfinis et ont ainsi permis une gestion notoirement plus souple. Selon les libells de ses
statuts, lUniversit Laval saffiche clairement comme un tablissement de tradition
39 Les normes romaines prvoient que les facults ecclsiastiques offrent des enseignements en philosophie.Les Statuts de lUniversit de Montral en tiennent compte explicitement (art. 32.01 et 32.02). Il en estdcoul, tout le moins Montral et Qubec, des ententes particulires de reconnaissance avec lesdpartements et facults responsables des tudes de philosophie.
40
Charte de lUniversit de Montral , art. 32.41Ibid.
42Ibid.
43Statuts de lUniversit de Montral, art. 8e.
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44chrtienne . Mais les implications juridiques de cette identification sont beaucoup
moins marques qu Montral. Le prambule de la Charte de 1991 dsigne toujours le
Cardinal archevque de Qubec comme le visiteur royal de lUniversit 45la charte
royale de Laval est de 1852. Dans le secteur de la thologie catholique, la Charte
prcise bien que le contenu des tudes et le choix du personnel enseignant respectent,
quant toutes les exigences dun caractre canonique, les directives de lautorit
comptente de lglise catholique romaine reprsente par la personne qui exerce la
fonction darchevque catholique romain de Qubec46, mais sans quen dcoulent des
pouvoirs structurels spcifiques. Ces exigences canoniques ne sont pas quantits
ngligeables pour autant, mais leur application ne peut pas tabler sur des rouages
institutionnels protgs et contrlables. Les Statuts disent laconiquement que le secteur
de la thologie catholique, en plus dtre rgi par les prsents statuts, est soumis auxdispositions de larticle 14 de la Charte47.
LUniversit Bishopsson nom le suggre lvidence! fut, lorigine, troitement
associe lglise dAngleterre et dIrlande48 et lvque anglican de Qubec, ensuite
joint par lvque anglican de Montral, y figurait comme personnage central. On y visait
dailleurs explicitement la formation de la jeunesse aux doctrines et devoirs de la
religion chrtienne, telle que propose par cette glise49, cest--dire lglise
dAngleterre et dIrlande.
44Charte de lUniversit Laval, 1991, prambule.
45Ibid.
46Ibid., art. 14. Il faut souligner ce mot secteur. On ne parle pas de facult.
47Statuts de lUniversit Laval, art. 224. Larticle 14 de la Charte est celui qui est cit dans la noteprcdente.
48 In strict connexion with, prcise la Charte de 1852. Royal Charter of the University of BishopsCollege, 3e paragraphe.
49 for the education of youth in the doctrines et duties of the Christian religion, as inculcated by thatChurch.Ibid.
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Dans la foule de ces vnrables mentions dorigine, les statuts de lUniversit Bishops
dsignent toujours les vques anglicans de Qubec et de Montral comme membres de
la corporation50
, linstance suprme de dcision de lUniversit. Ce sont ces deuxvques qui nomment lensemble des trustees et des autres membres de la
Corporation51 52. Ce sont aussi eux qui sont les visiteurs de lUniversit , ce qui leur
confre le pouvoir, assez minutieusement dcrit53, darbitrer et de juger en dernier
recours les litiges de nature acadmique pouvant surgir dans la vie de luniversit.
Comme membres de la Corporation, ils participent galement la nomination du
Principal et des officiers de lUniversit. Illustrs dans les rites religieux officiellement
clbrs dans la chapelle patrimoniale St. Mark, ces liens ecclsiastiques semblent bien
avoir des effets de nature essentiellement protocolaire. Mais lobligation dindpendance
introduite par le projet de loi 38 pourrait bien exiger que le protocole lui-mme soit mis
sous examen et ventuellement modifi.
lUniversit McGill, les liens sont encore plus tnus et, en marge des arrangements
convenus avec les trois collges confessionnels affiliscelui de lglise anglicane,
celui de lglise presbytrienne, celui de lglise unie, regroups sous le chapeau de laMontreal School of Theology, on ne trouve aucun signe de dpendance ecclsiastique. La
Charte royale de 1852 faisait bien mention dun objectif institutionnel dducation de la
jeunesse aux principes de la vraie religion54. Elle faisait galement lvque anglican
de Montral la place quon accordait alors aussi aux grands notables lieutenants-
50Rules, Orders and Regulations, art. 1.1.
51Ibid., art. 1.2.
52Ibid., art. 2.1.
53Ibid., art. 2.2.
54 established for the education of youth in the principles of true religion. The Royal Charter ofMcGill University, 4e paragraphe).
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gouverneurs, juges en chef, etc. et comportait une mention relative au service
divin55. Mais ce sont l des traces vraiment historiques.
LUniversit Concordia et lUniversit du Qubec appartiennent la nouvelle gnration
laque des universits qubcoises. Concordia est ne de la fusion de Sir George William
University, donc du YMCA, et du Collge Loyola des jsuites anglophones. La Charte de
1974 ne garde aucune trace religieuse de ces origines, sauf en ce que Concordia a
maintenu, en plus de son Dpartement deReligious Studies, un Dpartement dtudes
thologiques (Theological Studies), manifestement confessionnel dans les faits, mais
sans dpendance canonique connue.
Quant lUniversit du Qubec, sa situation est tout fait claire: cest une universit sans
aucune affiliation religieuse ou ecclsiastique, ce qui ne la pas empche, Montral, de
prendre le relais du Collge Sainte-Marie des jsuites francophones, lequel tait dj
engag dans son projet dtudes religiologiques du fait religieux. Cela ne la pas
davantage empche, Trois-Rivires, Chicoutimi et Rimouski, de prendre aussi le
relais des grands sminaires de ces lieux et de collaborer longtemps la formation
thologique des agents pastoraux de ces diocses catholiques. Le dpartement de
Sciences des religions de lUQAM, le seul qui subsiste au sein de lUniversit du
Qubec, est maintenant le seul centre universitaire francophone sans attaches
confessionnelles ou canoniques uvrer dans ce secteur disciplinaire.
On comprend que, avec des insistances variables selon les tablissements, des examens
plus approfondis devront tre raliss pour identifier de possibles problmes de
compatibilit avec la lettre et lesprit du projet de loi 38.
55 ,,,power and authority to frame and make statutes, rules, and ordinances touching et concerning () theperformance of Divine Service, Ibid., 8e paragraphe..
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Il est recommand :
11. que les dpendances canoniques de certaines universits soient examines en regard
de la pleine applicabilit du nouveau cadre de gouvernance instaur par le projet de loi.
5. Les effets sur lUniversit du Qubec
Le projet de loi 38 prvoit que, quelques exceptions prs, les nouvelles dispositions
relatives la gouvernance des universits sappliqueront aux constituantes, instituts et
coles tablis par lettres patentes mises en vertu de la Loi sur lUniversit du Qubec,
mais pas son Assemble des Gouverneurs. Cette approche partielle introduit
dvidentes distorsions juridiques et institutionnelles.
Dans la logique de la Loi sur lUniversit du Qubec, seule lAssemble des Gouverneurs
correspond formellement ce qui, dans les autres universits, est considr par le projet
de loi comme tant le conseil dadministration rnover. La loi de lUniversit du
Qubec est limpide: cest lAssemble des Gouverneurs qui est porteuse des pouvoirs
universitaires56pouvoir dadopter des programmes dtudes, pouvoir de nommer et de
dcerner les grades et les diplmes et des pouvoirs habilitants gnraux des
corporations en matire administrative, financire, immobilire, etc. Mme lUQAM,
56Loi sur lUniversit du Qubec, art. 4a.
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57dont le statut duniversit associe lui a confr, en 1989, le pouvoir de dcerner elle-
mme ses diplmes, na toujours pas le pouvoir dadopter ses programmes, pas plus
quelle na le dernier mot sur ses budgets. Cest donc un tablissement qui dcerne des
diplmes lis des programmes qui ne sont pas formellement les siens et selon des
rouages sur lesquels elle exerce des pouvoirs soumis une instance suprieure.
En somme, lUniversit du Qubec, il ny a juridiquement quune universit au sens
plnier du terme : les neuf tablissements actuels ne peuvent exercer que par lAssemble
des Gouverneurs les pouvoirs confrs aux autres universits. Cela ne doit pas tre
occult, car, selon le droit actuel, sans lUniversit du Qubec et son Assemble des
Gouverneurs, les constituantes, instituts et coles de lUniversit du Qubec nont pas destatut universitaire complet. Pour en octroyer un chacun, il faudrait crer neuf
nouveaux tablissements universitaires. Cest faisable, assurment, encore quun centre
universitaire de type monodisciplinaire peut difficilement devenir une universit
lcole polytechnique de Montral et HEC-Montral sont des coles affilies
lUniversit de Montral. Et pour constituer un rseau duniversits plutt quune
universit en rseau, ainsi quen court actuellement le slogan, il faut dabord des
universits elles-mmes dment riges et viables.
Ce quil importe de souligner ici, cest que, en remodelant la composition et le rle des
conseils dadministration des seuls tablissements de lUniversit du Qubec sans toucher
lAssemble des Gouverneurs elle-mme, on se trouve donner ces tablissements un
statut de lgitimit suprieur celui de linstance qui est pourtant la seule vraie porteuse
des pouvoirs universitaires dans lUniversit du Qubec, en tout cas un statut plus
57Ibid., art. 40.2. Octroy dans le cadre dun arrangement de caractre politique, ce statut duniversitassocie est en porte--faux sa face mme. Comment peut-on associer un tablissement qui ne dtientses pouvoirs universitaires, bien partiels au demeurant, que par son appartenance luniversit quilassocie? On stonne encore que lUQAM ait pu se satisfaire de cet arrangement hybride, dont lactuelrecteur a dclar tre rsolu rclamer la fin.
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conforme aux valeurs et aux sensibilits du jour. LAssemble des Gouverneurs sera ds
lors rpute tre constitue selon des rgles juges dpasses par le Lgislateur lui-mme,
alors que neuf de ses membres, difficiles considrer comme indpendants par
ailleurs, jouiront, par rapport aux autres membres et la prsidence elle-mme, dun
statut en quelque sorte revigor et magnifi. Le rsultat pourrait tre plutt
dysfonctionnel au regard de lexercice des pouvoirs et devoirs corporatifs et proprement
universitaires toujours confrs lAssemble des Gouverneurs.
On observe que des discussions ont actuellement cours au sein et autour de lUniversit
du Qubec sur des volutions possibles du statut des tablissements par rapport la
corporation centrale de lUniversit du Qubec. On peut mme penser que le mouvementira vraisemblablement vers le renforcement de la capacit des tablissements
constituants. De telles volutions ont dailleurs t promues au cours des annes, avec des
stratgies articules allant, par exemple, jusqu lapplication des rgles budgtaires
ministrielles chacun des tablissements et jusqu la capacit de siger directement la
Confrence des recteurs et des principaux des universits du Qubec (CRPUQ). Ce
mouvement dautonomisation des tablissements sest aussi accompagn de gestes de
fusion impliquant plusieurs tablissements de lUniversit du Qubecnotamment
lIAF, lINRS et lUQAR. Cette autonomisation na donc rien de contre-nature. Mais,
en dehors dun plan de match convenu et poursuivi, on voit mal comment on ferait
maintenant avancer les choses en introduisant, comme par la bande, des dispositions
juridiques qui auront invitablement des effets centrifuges de distorsion. Cest un peu
comme si, prvoyant rnover une rsidence au printemps suivant, on dcidait den
enlever les portes et les fentres ds avant lhiver! Si le dmantlement devient la
solution souhaitable, il faut le raliser avec rigueur et vision, et non dans une atmosphre
de vente de feu.
En plus de ces lments de distorsion, le projet de loi 38 contient des dispositions
spcifiques lUniversit du Qubec qui, sans que lon connaisse les intentions du
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gouvernement concernant lavenir de cette institution, envoient des messages ambigus
sur le statut propre de lUniversit du Qubec par rapport celui des autres universits.
Ainsi, le gouvernement nommera trois membres des conseils dadministration concerns,
alors quil nen nommera quun partout ailleurs58. Et cest lui qui fixera le traitement du
premier dirigeant59, une responsabilit qui choit ailleurs au conseil dadministration,
assist en cela par son Comit des ressources humaines60.
Par rapport la situation qui prvaut actuellement lUniversit du Qubec, il est vrai
que la nomination gouvernementale de trois membres marque une volution dj
importante, encore que la diminution ne soit pas anodine ailleurs, en particulier
lUniversit de Montral, o le gouvernement en nomme actuellement huit. On doit toutde mme se demander pourquoi adopter une telle mesure spcifique, qui a lair daffirmer
un pouvoir spcial du gouvernement sur lUniversit du Qubec. Il ny a pourtant pas de
fondement cela, puisque, mme tablie par une loi publique, lUniversit du Qubec
nest pas plus publique que les autres et quelle est encore moins une universit
dtat61.
On peut et on doit sans doute affirmer le caractre public du service universitaire, et cela
pour toutes les universits. Mais il nen dcoule aucun statut spcifique. LUniversit du
Qubec a t cre et tablie avec les mmes pouvoirs universitaires que les autres, elle
est finance de la mme manire que les autres et ses tudiants ny assument pas des
droits de scolarit moins levs quailleurs, tous des traits qui se distingueraient dans un
statut public. Et elle a encore moins t cre comme universit dtat : ses programmes
58 PL 38, art. 4.0.5.
59 PL 38, art. 4.0.22, al. 9.
60 PL 38, art. 4.0.41, al. 4.
61 eVoir ce sujet : LUCIER, Pierre ,Luniversit qubcoise, chap. 2 (Un statut de service public), p.17-32.
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sont les siens, ses diplmes aussi, et ses personnels nont pas le statut de fonctionnaire,
tous des traits qui la distinguent dune universit dtat. Il peut tre de bonne guerre
dinciter les pouvoirs publics ne pas ngliger sa seule universit publique, voire son
universit dtat. Mais ce discours est plus attendrissant que juridiquement fond; et il
nest gure opportun sur le plan proprement universitaire. La promotion de luniversit
comme service public ou celle de lUniversit du Qubec comme grand outil collectif de
scolarisation suprieure nen exigent pas tant.
Somme toute, faire de lUniversit du Qubec un cas spcial en matire de nominations
gouvernementales ne sert personne. Et cela noffre par ailleurs aucune garantie
supplmentaire, ni pour lefficacit du processus, ni pour la comptence etlindpendance des membres nomms. Tant qu faire, pourquoi ne pas en nommer trois
partout? On projette mme ainsi une image de spciale proximit gouvernementale qui
nest pas justifie. Le gouvernement a gnralement vit cela, par exemple en
ninscrivant pas lUniversit du Qubec sur la liste des organismes publics et en
assujettissant ses dirigeants une reddition de comptes faite en vertu de la Loi sur les
tablissements denseignement de niveau universitaire plutt quen vertu des lois
rgissant lAdministration publique. cet gard, lentre de la seule Universit du
Qubec dans le primtre comptable du gouvernement constitue un prcdent maints
gards inopportun.
On peut aussi sinterroger sur le maintien du pouvoir gouvernemental de fixer le
traitement des premiers dirigeants des tablissements de lUniversit du Qubec.
Pourquoi ce qui est saine gouvernance ailleurs ne le serait-il pas lUniversit du
Qubec? Ses conseils dadministration auraient-ils moins de jugement ou de ralisme que
ceux des autres universits? Seraient-ils plus enclins que dautres dpasser leur capacit
de payer? On comprend bien que, en vertu de ce quon a appel leffet moquette, la
fixation du traitement du premier dirigeant constitue un levier efficace pour le
plafonnement des masses salariales. Mais si le signal devait tre ainsi donn que,
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lUniversit du Qubec, les dirigeants sont et doivent tre systmatiquement moins bien
rmunrs quailleurs, et donc toutes les catgories de personnel avec eux, on naide
gure la crdibilit et la comptitivit de linstitution. Et si le problme en est un dabus
dans dautres tablissements, pourquoi alors ne pas fixer la rmunration des premiers
dirigeants de toutes les universits, au motif que le financement public est le mme pour
toutes les universits? Le traitement de faveur envisag ne sert pas bien lUniversit du
Qubec.
ce moment-ci, le gouvernement na pas fait connatre ses intentions sur le statut et le
fonctionnement de lUniversit du Qubec. On imagine dailleurs, on peut mme le
souhaiter, quil laissera la communaut uquiste conduire sereinement sa rflexion, deconcert avec les communauts quelle dessert dans les grands centres et dans les rgions.
Cette conjoncture justifierait pleinement que lon ne bouscule pas prmaturment les
choses, surtout pas en introduisant des dispositions qui, tablies sans liens un plan
densemble connu, risquent fort dtre dysfonctionnelles et de produire des effets pervers.
Et pas davantage en envoyant des signaux ambigus, voire mauvais, sur la mission de
lUniversit du Qubec qui doit prsider tout changement ventuel.
Il est recommand :
12. que lon sursoie toute modification de la Loi sur lUniversit du Qubec qui ne
sarticulerait pas organiquement un plan densemble sur lavenir de cette institution et
de ses diverses composantes, principalement de sa corporation centrale et de son
Assemble des Gouverneurs;
13. que, si lon tenait absolument procder ds maintenant, on reconfigure aussi
lAssemble des Gouverneurs selon les mmes principes de saine gouvernance;
14. que lon sabstienne tout le moins dintroduire des singularits comme celles qui
concernent le nombre de membres nomms par le gouvernement et la dtermination
gouvernementale de la rmunration des premiers dirigeants.
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6. Le projet de loi 44
Pour lessentiel, le projet de loi 44 applique aux cgeps les mmes principes de
gouvernance et le mme type de dispositions que ce que prvoit le projet de loi 38 pour
les universits. Il appelle ds lors, mutatis mutandis, le mme type de commentaires et derecommandations.
Parties intgrantes de lenseignement suprieur qubcois, les collges ne sont pas des
universits et nexercent donc pas les mmes pouvoirs et responsabilits en matire de
programmes, de diplmes, de conditions de travail des personnels ou de budget. Leur
fonctionnement, qui en est ainsi un dun enseignement suprieur particulier, nexige pas
le mme type dautonomie acadmique et institutionnelle que les universits, o il faut
protger les mcanismes de rgulation scientifique. Leurs principaux programmes sont
des programmes ministriels et cest le ministre qui dcerne et signe les diplmes dtat,
entrine les conditions de travail des personnels et approuve les budgets, etc. Cest un
rgime auquel le milieu collgial semble dailleurs beaucoup tenir. Les cgeps sont donc
des institutions vraiment publiques, pas trs loignes de ce que seraient des collges
dtat; et il y a, ct deux, des collges privs rgis par une loi spcifique, la Loi sur
lenseignement priv. Il faut prendre acte de ce statut spcifique, qui oblige parler de la
mission acadmique des collges sans amalgame conceptuel douteux avec la mission
acadmique des universits.
Cela tant dit, on peut estimer que sappliquent au projet de loi 44 la plupart des propos
tenus plus haut au sujet du projet de loi 38. Ainsi en est-il, en particulier, de
lindpendance des administrateurs et de leur rapport privilgi la mission des cgeps. Ilne leur suffit pas de respecter la mission du collge 62. Il leur faut la promouvoir, la
dvelopper, la dfendre au besoin. Ainsi en est-il aussi de la nature de lindpendance
62 PL 44, art. 16 et 16.5.
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des administrateurs, dont il faut largir le champ de rfrence, y compris en ce qui touche
ltonnante exception prvue pour les donateurs, et quil faut encadrer par des exigences
de comptence dcoulant de la mission propre des collges. On doit sassurer que les
administrateurs des cgeps aient une connaissance suffisante de lenseignement collgial.
Sur la composition mme du conseil dadministration, on laissera aux milieux collgiaux
de commenter les nouveaux paramtres envisags. On imagine bien, par exemple, que les
anciens, les parents et les personnels non enseignants auront des choses dire l-dessus.
On notera tout de mme ici que le nombre dadministrateurs indpendants nomms par le
ministre demeure lev, plus lev mme que sous le rgime de la loi actuelle. La
comparaison avec le projet de loi 38 invite aussi, en raison du silence observ ce sujet, penser que le ministre pourrait nommer des fonctionnaires de son ministre ou dautres
ministres, ce qui ne serait vraiment pas indiqu, le ministre et le gouvernement jouissant
dj de moyens de contrle des cgeps qui nexigent pas quon y ajoute la prsence des
fonctionnaires.
Il est une disposition concernant la composition du conseil dadministration qui doit tout
de mme tre souligne, cest lexclusion totale du directeur des tudes, pourtant premier
responsable des questions proprement acadmiques et pdagogiques. Cest une
disposition quil faut corriger, car il y va de la capacit mme des conseils
dadministration de prendre en toute connaissance de cause les dcisions qui comptent
pour les lves. Cela est dautant plus important que les profils professionnels des
directeurs gnraux pourraient bien de moins en moins garantir leur enracinement dans
les ralits de lenseignement collgial. Les objets de dcision soumis au conseil
dadministration, et ce sont assurment les plus importants dans une maison
denseignement, doivent bnficier de lclairage direct et circonstanci de la direction
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63des tudes. Imagine-t-on un plan de russite adopt sans cet apport irremplaable?
Dans le cas des collges aussi, cest une disposition revoir.
Enfin, le projet de loi 44 comporte un silence dont il importe de rexaminer le bien-
fond: rien ny est dit, en effet, des rgles de gouvernance des collges privs, en
particulier des collges privs subventionns. Ce silence est dautant plus tonnant que,
dans le cas des universits, et mme si cest tort, on ne sempche pas denglober tous
les tablissements, mme si on semble distinguer tablissements privs et tablissements
publics. Si les dispositions envisages sont juges ncessaires pour assurer la saine
gouvernance des collges, pourquoi en exclure les collges privs, qui sont pourtant
soumis au mme rgime des tudes et qui reoivent dimportantes subventionsgouvernementales? Lindpendance des administrateurs nest srement pas moins
importante pour eux que pour les cgeps et les universits. Dautant plus, mme, quil
sen trouve encore parmi eux qui nont pas vraiment opr tous les changements qui
avaient la cote en matire de gouvernance au cours des annes 60 et 70, en particulier
quant la participation de la communaut interne et de la socit civile.
Il est recommand:
15. que soient revues et enrichies, de manire analogue ce qui est recommand plus
haut au sujet des universits, les spcifications relatives lindpendance et la
comptence des administrateurs et leur rapport essentiel la mission des collges et sa
promotion;
16. que soit rexamine lopportunit dun aussi grand nombre dadministrateurs
nomms par le ministre;
63 PL 44, art. 16.7.
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17. que soit rexamine lopportunit dexclure totalement le directeur des tudes du
conseil dadministration et que soit privilgi cet gard le maintien du rgime actuel;
18. que les nouvelles dispositions de gouvernance soient appliques aux collges privs
subventionns et que la Loi sur lenseignement priv soit amende en ce sens.
* * * * *
Les proccupations et les vises qui sous-tendent les projets de loi 38 et 44 sinscrivent
dans des attentes sociales dont la lgitimit nest pas dmontrer. Elles mritent donc un
net appui. Mais il faut sassurer quon puisse les librer de la gangue idologique qui
pourrait les parasiter. Si, la lumire de la mission propre des tablissements
denseignement suprieur, on ne prend pas la distance critique qui simpose, on risque de
glisser dans des drives qui ne serviraient ni la mission ducative, ni lvolution positive
des tablissements, ni les principes dune saine gouvernance. Ce mmoire aura seulement
voulu contribuer un meilleur enlignement des objectifs et une meilleure affirmation
des pouvoirs et des responsabilits acadmiques.
Cest dans cette perspective que lattention de la Commission a t ici demble attire
sur les liens bien tablis entre les discours mergents sur la gouvernance et les
perspectives idologiques et stratgiques qui en ont nourri le dveloppement et qui ne
sont pas toutes sous le seul signe de la vertu et de la rectitude thique. Cette distance
critique ne peut que favoriser ladhsion certaines valeurs qui, par-del ces idologies
troites, mritent dtre promues.
Cest dans la mme perspective quil a t recommand :
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1. que soient prcises et enrichies lesNotes explicatives relatives aux objectifs des
projets de loi 38 et 44, dont il est insuffisant de dclarer quils ont pour objet dtablir
des principes de saine gouvernance au regard de la gestion des tablissements, comme si
les rgles dj tablies par le Lgislateur navaient pas t aussi proccupes de saine
gouvernance;
2. que les objets et les pouvoirs spcifiquement universitaires adoption de programmes
dtude et de recherche, octroi de grades et de diplmes- soient explicitement mentionns
comme constituant la responsabilit centrale de linstitution universitaireson Core
Business, en quelque sorte;
3. que lexpression dans le respect de la mission universitaire soit remplace par des
dsignations plus incisives et plus proactives relativement la promotion et la dfensede la mission universitaire;
4. que lautonomie institutionnelle et les liberts acadmiques soient explicitement
mentionnes comme paramtres incontournables des responsabilits de gestion propres
au conseil dadministration de luniversit et ses administrateurs;
5. que soit rexamine la dcision dexclure totalement du conseil dadministration le
vice-recteur acadmique ou son quivalent, qui est la personne la mieux habilite
rpondre des positions des instances proprement acadmiques;
reprsentation externe du6. que soit clarifie la rpartition des pouvoirs et devoirs de
prsident du conseil dadministration et du premier dirigeant, celui-ci tant partout le seul
porte-parole officiel de ltablissement universitaire;
7. que soit enrichie la dfinition de lindpendance des administrateurs, pour y tenir
compte de tout lien vident de servitude ou dallgeance susceptible dimprimer des
orientations pouvant inflchir indment lexercice de la mission universitaire;
8. que soit supprime lexclusion des liens de philanthropie, charge au conseil
dadministration ou au gouvernement dvaluer, cas par cas, la dpendance pouvant en
dcouler;
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9. que soit supprime lexclusion spcifique du personnel du ministre de lducation,
du Loisir et du Sport ou que cette exclusion soit tendue lensemble des fonctionnaires
de ltat;
10. que soit mentionne une obligation de comptence relative la chose universitairecomme complment de lindpendance recherche;
11. que les dpendances canoniques de certaines universits soient examines en regard
de la pleine applicabilit du nouveau cadre de gouvernance instaur par le projet de loi;
sursoie12, que lon toute modification de la Loi sur lUniversit du Qubec qui ne
sarticulerait pas organiquement un plan densemble sur lavenir de cette institution et
de ses diverses composantes, principalement de sa corporation centrale et de son
Assemble des Gouverneurs;
13. que, si lon tenait absolument procder ds maintenant, on reconfigure aussi
lAssemble des Gouverneurs selon les mmes principes de saine gouvernance;
14. que lon sabstienne tout le moins dintroduire des singularits comme celles qui
concernent le nombre de membres nomms par le gouvernement et la dtermination
gouvernementale de la rmunration des premiers dirigeants;
15. que soient revues et enrichies, de manire analogue ce qui est recommand plus
haut au sujet des universits, les spcifications relatives lindpendance et la
comptence des administrateurs et leur rapport essentiel la mission des collges et sa
promotion;
16. que soit rexamine lopportunit dun aussi grand nombre dadministrateurs
nomms par le ministre;
18. que soit rexamine lopportunit dexclure totalement le directeur des tudes du
conseil dadministration et que soit privilgi cet gard le maintien du rgime actuel;
collges privs19. que les nouvelles dispositions de gouvernance soient appliques aux
subventionns et que la Loi sur lenseignement priv soit amende en ce sens.
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