libre-échange et protection des animaux
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PROTECTION SUISSE DES ANIMAUX PSA
UNE COMPARAISON SUISSE–UE
LIBRE-ÉCHANGE ET PROTECTION DES ANIMAUX
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
Libre-échange et protection des animaux: une comparaison Suisse–UE
Il y a deux ans, le Conseil fédéral a proposé à l’UE une libéra-lisation à vaste échelle du commerce agricole, reprise du droit européen en matière de denrées alimentaires comprise. Il es-père ainsi faire profiter les consommateurs de prix plus bas pour les denrées alimentaires et faciliter l’accès de nos agriculteurs au marché européen.
Pour pouvoir évaluer les conséquences de cet accord de li-bre-échange sur le bien-être des animaux, la Protection Suisse des Animaux PSA a procédé à une comparaison des législa-tions en matière de protection des animaux et de la présence de formes d’élevage particulièrement adaptées aux animaux en Suisse et dans l’UE.
En d’autres termes, cet accord de libre-échange permet-il à la Suisse de devenir le «pays de l’élevage en plein air» que sou-haite une majorité des consommateurs et des contribuables? Ou conduit-il en fin de compte à l’élevage intensif, aux transports scandaleux d’animaux et à une diminution des mesures de pro-tection des animaux, de l’environnement et de la nature?
La PSA parvient à la conclusion que l’accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE doit être jugé avec scepticisme sous l’angle du bien-être des animaux. Lisez donc cette bro-chure et forgez-vous votre propre avis sur la question.
Dr Hansuli Huber, dipl. ing. agr. ETHResponsable des services spécialisés
Table des matières
L’agriculture aujourd’hui – un bilan 3
Des denrées alimentaires toujours meilleur marché – les animaux de rente en font les frais 6
Les principales différences entre les directives de la protection des animaux en Suisse et dans l’UE 7
Comparaison des formes d’élevage 8
Merci aux labels 9
Élevage à la ferme ou intensif 10
Transports d’animaux: marche arrière 11
Les lois doivent aussi être appliquées 14
La position de la PSA 16
Glossaire et liens 20
Éditeur
Protection Suisse des Animaux PSA
Dornacherstrasse 101, case postale 461
4008 Bâle
Tél. 061 365 99 99
Fax 061 365 99 90
sts@tierschutz.com
www.protection-animaux.com
Auteur
Dr Hansuli Huber, dipl. ing. agr. ETH
Responsable des services spécialisés
auprès de la Protection Suisse des
Animaux PSA
Photos
Michael Götz (3), iStockphoto (2),
Keystone (3), Reuters (1),
soylent-network.com (3), STS (2),
Deutsches Tierschutzbüro (3),
Fonzi Tromboni (couverture)
2
3Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
Nos agriculteurs sont face à d’importants
défis. Les consommateurs et les contri-
buables suisses demandent une agricul-
ture aussi proche de la nature que possi-
ble, respectant les animaux et paysanne.
Le Conseil fédéral a défini le bien-être des
animaux comme l’un des cinq piliers de
la politique agricole et souhaite, dans son
rapport sur la réorientation du système
des paiements directs, une participation
aussi élevée que possible aux program-
mes de bien-être des animaux SST (systè-
mes de stabulation particulièrement res-
pectueux des animaux) et SRPA (sorties
régulières en plein air). La nouvelle légis-
lation sur la protection des animaux en-
trée en vigueur en 2008 oblige également
de nombreux agriculteurs à adapter leurs
étables ces prochaines années. L’agricul-
ture Suisse est désormais mise sous pres-
sion par l’accord de libre-échange que le
Conseil fédéral souhaite conclure avec
l’UE. D’après le Conseil fédéral, la ratifi-
cation d’un tel accord devrait provoquer
la baisse des revenus de l’agriculture de 3
à 1,6 milliards de francs.
Les changements rapides et visibles
dans l’agriculture suisse – les vaches dis-
paraissent de plus en plus des champs
pour être remplacées par des exploita-
tions d’élevage à large échelle à carac-
tère commercial et industriel – a provoqué
l’indignation des critiques dans les années
1970, tant à l’intérieur que hors des cercles
ment mises en œuvre et contrôlées, voire
pas du tout.
Nos contribuables et consommateurs
sont prêts à investir des montants impor-
tants dans les fermes IP, bio et particu-
lièrement respectueuses des animaux et
à payer davantage pour leurs produits de
qualité, par exemple pour les œufs bio ou
d’élevage en plein air, ou encore pour la
viande labellisée. En effet, même l’agri-
culteur le plus respectueux des animaux
et le plus proche de la nature doit en fin
de compte pouvoir vivre de son travail,
tandis que même le consommateur le plus
responsable ne peut et ne veut pas dé-
penser des sommes inconsidérées pour se
nourrir.
Ne plus penser à court termeIl y a quinze ans, les associations d’agri-
culteurs ont commencé à s’opposer à cette
tendance. Aujourd’hui, ils sont très nom-
breux (labels, bio, IP), avec leurs organisa-
tions, à se tourner vers ce type de produc-
tion de qualité. Dans l’agriculture, l’idée
qu’une stratégie de la qualité est néces-
saire pour des raisons de développement
durable, mais aussi d’environnement, de
nature et de protection des animaux s’af-
firme de plus en plus. En effet, pour pro-
duire des denrées alimentaires, des sols
fertiles, de l’air et de l’eau non pollués
sont indispensables, à l’avenir également.
Viennent s’y ajouter des raisons écono-
agricoles. En conséquence de cette oppo-
sition à l’industrialisation agricole, une loi
complète pour la protection des animaux
est entrée en vigueur en 1981, s’opposant
aux pires formes d’élevage des animaux
de rente. Dans le même temps, une limi-
tation du nombre d’animaux autorisés
par exploitation a permis d’éviter l’appa-
rition d’élevages industriels. La pression
exercée par la protection des animaux a
par ailleurs permis l’adoption de diver-
ses directives supplémentaires de protec-
tion des animaux entre 1990 et 2005. Une
nouvelle législation sur la protection des
animaux, entièrement remaniée, est en-
trée en vigueur en 2008.
Hors des frontières helvétiques au
contraire, la spécialisation et l’intensifi-
cation de l’élevage des animaux de rente
apparu dans les nations industrielles dans
les années 60 a poursuivi son développe-
ment pratiquement sans encombre, occul-
tant le bien-être des animaux. Ce n’est que
depuis quelques années que l’exploitation
des animaux de rente et la tendance à l’in-
dustrie agricole et aux élevages industriels
se retrouve sous le feu de la critique, du
moins en Europe. Au point que Bruxelles
s’est vue forcée d’édicter des directives de
protection des animaux concrètes pour les
poules, les veaux et les porcs ainsi que
pour les transports d’animaux, du moins
dans un premier temps. Dans les faits ce-
pendant, ces directives sont insuffisam-
L’agriculture aujourd’hui – un bilan
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA4
miques : seul le respect d’un standard de
protection élevé des animaux et de la na-
ture permet à l’agriculture locale de ven-
dre ses produits plus onéreux que les pro-
duits importés, et à assurer les paiements
directs à l’avenir.
Des parts de marché élevées pour les produits respectant les animauxLes produits issus d’un élevage respec-
tueux des animaux (œufs de ponte au sol
et d’élevage en plein air, viande labellisée)
génèrent aujourd’hui 2 milliards de francs
de chiffre d’affaires environ, soit près de
50% du chiffre d’affaires du commerce de
détail. Ce ne sont donc pas des produits
de niche. Chez les deux géants Migros et
Coop, ils sont en partie même devenus des
standards. En conséquence de cette évo-
lution réjouissante, l’agriculture a fait des
progrès ces dernières années en matière
d’environnement et de protection de la
nature et des animaux. Les objectifs éco-
logiques (flore et faune variées, air propre,
eau non polluée, sols fertiles) et de bien-
être des animaux ne sont toutefois pas en-
core atteints, et de loin. En matière de pro-
tection des animaux, les agriculteurs qui
sont passés à des systèmes plus respec-
tueux des animaux sont ainsi ceux qui
ont profité de circonstances avantageuses
leur évitant d’avoir à investir des som-
mes importantes ou ceux à qui le marché
ouvrait des opportunités d’écoulement
supplémentaires à long terme ou des prix
plus élevé pour leur type particulier d’éle-
vage. Après des débuts brillants, les taux
de participation aux programmes SST et
SRPA et les taux de passage à l’agriculture
bio stagnent ainsi depuis des années.
Les agriculteurs font face à d’énormes défisNous ne devons pas oublier que l’exploi-
tation proche de la nature et l’élevage
respectueux des animaux que souhai-
tent les contribuables et les consomma-
teurs posent des exigences aux agricul-
teurs: outre l’acquisition de connaissan-
ces et de savoir-faire supplémentaires, des
changements parfois fondamentaux dans
la culture et l’élevage des animaux s’avè-
rent nécessaires, sans oublier les inves-
tissements correspondants dans les bâti-
ments, les installations et les machines.
Les coûts pour la construction d’une éta-
ble pour vaches laitières ou pour porcs
permettant leur élevage respectueux tout
en étant concurrentielle se monte rapide-
ment à plus d’un millions de francs. De
nombreux agriculteurs se trouvent ainsi
face à des décisions difficiles à prendre et
à des tâches immenses. Ils ne peuvent les
mener à bien que si d’autres exigences ne
viennent pas encore peser sur leurs épau-
les et que l’État et les citoyens leur four-
nissent le soutien nécessaire. Il est ainsi
d’une importance cruciale que les agri-
culteurs puissent écouler à long terme
leurs produits de qualité (œufs d’élevage
en plein air, viande labellisée, etc.) sur le
marché. Aujourd’hui, cela reste difficile
puisqu’à part Coop et Migros, les détail-
lants tels que Spar, Lidl, Aldi et Volg ainsi
que la branche de la restauration ne pro-
posent que peu de viande labellisée et de
produits bio.
L’agriculture doit relever un immense
défi si elle souhaite répondre aux exigen-
ces et aux souhaits des consommateurs,
des contribuables et du Conseil fédéral qui
veulent davantage de protection et d’éle-
vages respectueux des animaux. Elle veut
relever ce défi. L’accord de libre-échange
(ALE) avec l’UE visé par le Conseil fédé-
ral la mettent toutefois dans une situa-
tion difficile. Il est à prévoir qu’un tel ac-
cord provoque une forte pression sur les
prix des produits agricoles suisses et fasse
baisser les volumes de production suisses
en raison de l’accroissement des impor-
tations de fourrage et de denrées alimen-
taires. D’après le Conseil fédéral, les reve-
nus de l’agriculture devraient passer de 3
à 1,6 milliards de francs.
Du point de vue de la PSA, la ques-
tion se pose de savoir si un ALE aura plu-
tôt pour effet de favoriser ou au contraire
de freiner les efforts souhaités par les
consommateurs et les contribuables et
considérés entre-temps comme justifiés
par la plupart des agriculteurs pour ob-
tenir une production de qualité (bien-être
des animaux, exploitations IP / bio, mesu-
res de protection de l’environnement et de
la nature ; qualité et sécurité des denrées
alimentaires). Autrement dit, un ALE est-
il un moteur convenant au rôle de pion-
nier visé par la Suisse dans la production
IP / bio et l’élevage en plein air ou favo-
rise-t-il les élevages industriels, les trans-
ports scandaleux d’animaux et le relâche-
ment des efforts de protection de l’envi-
ronnement et de la nature?
Un besoin de rattrapage dans le monde entierAvec une répartition «juste» et une ges-
tion soigneuse des réserves, une produc-
tion relativement efficace – n’excluant en
aucun cas l’agriculture IP et bio – et une
alimentation plutôt pauvre en viande, les
agriculteurs de ce monde seraient en me-
De l’idylle helvétique à la globalisation – sur le dos des animaux?
5Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
sure de nourrir la population mondiale,
sans qu’un sixième de l’humanité ne souf-
fre de malnutrition ou de famine. L’ac-
croissement du niveau de bien-être pro-
voque des modifications constantes de la
demande. La demande de viande, d’œufs
et de produits laitiers est désormais un
phénomène mondial, clairement couplé
au développement économique réjouis-
sant dans des pays jusqu’à présent pau-
vres. Même si l’expansion de la produc-
tion animale mondiale s’avère probléma-
tique en matière d’écologie et de protec-
tion des animaux, il est trop facile de cri-
tiquer cette évolution ici et aujourd’hui,
après que notre société ait connu l’essor
économique et ses effets. Au milieu des
années 80, la consommation moyenne de
viande en Suisse atteignait des valeurs
record avec plus de 80 kg par personne.
Par la suite, elle n’a cessé de diminuer
pour s’établir à environ 50 kg par per-
sonne aujourd’hui (sans le poisson ni le
gibier). La consommation de viande ac-
tuelle est relativement modérée et en tout
cas inférieure de 30 à 50 kg par personne
à celle de l’UE et des USA. La moyenne
mondiale est actuellement de 40 kg. Dans
les pays en développement, la population
consomme en moyenne 20 kg de viande.
Autrement dit, si l’élevage industriel a
perdu du terrain ces dernières années en
Suisse, il se développe fortement dans le
reste du monde.
La production de viande a doublé en
30 ans sur la planète, celle de poulet a
même quintuplé. En Russie et en Chine,
la production de lait et de porc est forcée.
Du Brésil aux pays arabes en passant par
l’Asie du sud-est, la production de pou-
let est en plein essor. Dans le monde en-
tier, on élève 1,4 milliard de vaches et de
bœufs et 1 milliard de porcs, tendance à la
hausse. Si l’on plaçait ces animaux côte à
côte, ils feraient 60 fois le tour de la terre.
Suite à l’expansion de l’élevage pour ré-
pondre à la demande, les terres agricoles
vont devenir un bien très convoité.
La pénurie de terres agricoles fait grimper les prixLa pénurie qui se dessine est renforcée par
le fait que l’augmentation des performan-
ces, que ce soit chez les plantes ou les ani-
maux, avec ou sans technique génétique,
se heurte à des limites biologiques, éco-
nomiques et éthiques. Un autre double-
ment de la production de lait, de viande
et d’œufs par animal, comme elle a eu
lieu au cours des cinquante dernières an-
nées, est exclu.
Quant aux terres agricoles utiles, elles
ne peuvent pas non plus être développées
de manière substantielle. Au contraire:
une exploitation incorrecte durant de
longues années a détérioré la fertilité du
sol de nombreuses régions du globe ou
facilité son érosion. Le défrichement des
forêts (tropicales) en vue de gagner des
terrains cultivables se heurte également à
des limites écologiques, éthiques et poli-
tiques. La situation est encore compliquée
par la culture de plus en plus extensive de
plantes destinées à produire de l’énergie.
Ces surfaces cultivables et les plantes qui
y poussent sont autant de nourriture que
les hommes et les animaux n’auront pas.
Les terres agricoles destinées à nourrir
les individus se font ainsi de plus en plus
rares, même si la population mondiale
stagne. La demande de denrées alimen-
taires, en particulier d’origine animale,
continuera d’augmenter sans qu’à l’ave-
nir une augmentation supplémentaire de
la productivité et de l’efficacité puisse la
compenser. Ce n’est pas pour rien que les
Chinois, les Coréens du Sud, les États du
Golfe et les Américains achètent des ter-
res cultivables en Afrique. Les propriétai-
res terriens africains, qui ne considèrent
que leur propre bénéfice à court terme,
auraient déjà vendu quelque 20 millions
d’ares. Une surface correspondant à un
quart des terres agricoles européennes.
La pénurie de terrains cultivables fera
augmenter les prix des produits agrico-
les dans le monde entier. En conséquence,
nous pourrions bientôt voir s’inverser la
tendance à des denrées alimentaires tou-
jours meilleur marché et voir la plus
grande partie de notre budget s’envoler
pour payer notre nourriture.
Heureusement, les prévisions pes-simistes du Club de Rome et d’autres dans les années 70 et 80 ne se sont pas réali-sées. La population mondiale s’est moins développée que prévu. La science agri-cole, les conseillers et les agriculteurs ont connu d’importants succès dans la pro-duction de denrées alimentaires. La ra-tionalisation (p. ex. la spécialisation dans une branche d’activité comme l’engrais-sement des bœufs, la production laitière ou les poules pondeuses; l’introduction de formes d’élevage permettant de ga-gner de la place et de réduire le travail), la mécanisation et l’intensification (p. ex. progrès dans la production de fourrage et son utilisation, introduction de l’élevage ciblé) ont permis, dès les années 60, de baisser de manière importante les coûts de production des produits d’origine ani-male en Suisse. Les dépenses des consom-mateurs pour les denrées alimentaires ont ainsi baissé de 30% à 8% de leur revenu aujourd’hui. La consommation de viande s’en est trouvée démocratisée. La consom-mation quotidienne de viande, aupara-vant réservée aux plus riches, est très ra-pidement devenue accessible à chacun. L’évolution la plus extrême a eu lieu chez les poules de batterie: il y a encore 50 ans, la viande de volaille était la plus chère.
Aujourd’hui, c’est la meilleur marché.Dans les champs et les étables de Suisse et des pays occidentaux, les performan-ces ont augmenté de manière incroyable. Depuis 1960, les récoltes de pommes de terre ont doublé, passant à 400 t par ha, tandis que les récoltes de blé ont triplé, passant à 7,6 t par ha. En quelques décen-nies seulement, les performances moyen-nes d’une vache ont augmenté de 4000 à 8000 litres de lait par an. Aujourd’hui, une poule pondeuse produit 300 œufs par année, au lieu de 150 auparavant. Quant aux poulets à l’engraissement, ils n’ont plus besoin de 3 mois mais de seu-lement 40 jours pour être prêts à l’abat-tage, la plus grande partie de la carcasse étant au-jourd’hui constituée de la mus-culature de la poitrine et des cuisses. Les porcs n’ont pas non plus échappé à cette évolution, deux tiers de la carcasse étant composés de pièces «nobles», c’est-à-dire utilisables. Grâce aux progrès techniques et scientifiques, un are de champ agri-cole permet aujourd’hui de nourrir 4,5 personnes. En 1975, à l’époque du rap-port du Club of Rome, le rendement était encore de 2,8. En 1950, il n’était même que de 1,8. Aujourd’hui, les prévisions indiquent qu’en 2050, un are de champ agricole devra nourrir 5,5 à 6 individus.
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA6
Tandis qu’en Suisse, entre 1965 et 1985,
les agriculteurs, les bouchers, le commerce
de détail et les consommateurs profitaient
d’un marché de la viande en constante
croissance et d’une production toujours
meilleur marché, les animaux de rente fai-
saient les frais de cette évolution. En ef-
fet, les formes d’élevage propagées par la
science et les spécialistes, afin d’écono-
miser de la place et du travail, de même
que l’élevage intensif ont entièrement oc-
culté l’animal et sa biologie. Ses besoins
ont été réduits à l’alimentation et à l’eau,
c’est-à-dire à moins que ce que l’on ac-
corde à une plante. À l’époque, les porcs
et les poules ont même été privés de la lu-
mière du jour!
En Suisse, contrairement aux autres
pays, une opposition puissante et efficace
s’est toutefois rapidement manifestée. En
conséquence de cette opposition à l’in-
dustrialisation agricole, une loi complète
pour la protection des animaux est entrée
en vigueur en 1981, s’opposant aux pires
formes d’élevage des animaux de rente.
En faisaient notamment partie l’élevage
sans lumière, l’absence de litière dans les
étables, les vaches attachées en perma-
nence, les muselières pour les veaux ou les
cages à porcelets. L’interdiction de l’éle-
des animaux optimal mais définissent,
par des directives concrètes et des mesu-
res détaillées, la limite avec les mauvais
traitements infligés aux animaux. Celui
qui ne respecte pas ces exigences se rend
punissable. Celui qui s’y plie ne traite en
revanche pas forcément ses animaux de
manière respectueuse. De façon générale,
la définition de la limite avec les mauvais
traitements est plus restrictive en Suisse,
où les exigences minimales apportent da-
vantage aux animaux.
vage des poules en batteries a rendu la loi
célèbre dans le monde entier.
À l’issue des délais de transition et sur
la pression des organisation de protection
des animaux, diverses directives supplé-
mentaires ont été adoptées entre 1991 et
2005. C’est ainsi qu’ont été interdits la dé-
tention permanente des porcs à l’attache
et en logette ainsi que les caillebotis inté-
graux dans les nouvelles étables de bœufs
et de porcs à l’engraissement. C’est éga-
lement de cette époque que date la direc-
tive selon laquelle les animaux de rente, à
l’exception des porcelets, ne peuvent être
castrés que sous anesthésie. Les directi-
ves n’ont toutefois pas été mises en œu-
vre partout avec la même conséquence:
dans les années 90, les manquements dans
l’application de la législation sur la pro-
tection des animaux dans de nombreux
cantons ont occupé les commissions de
gestions du Conseil national et du Conseil
des états.
Une nouvelle législation sur la protec-
tion des animaux, entièrement remaniée,
est entrée en vigueur en 2008. Elle a eu
pour effet de limiter la durée de transport
des animaux à 6 heures et d’interdire les
élevages extrêmes ainsi que la castration
des porcelets sans anesthésie. Pour la pre-
mière fois, des directives concrètes pour
la protection des chèvres, des moutons et
des chevaux ont été édictées. Ces animaux
de rente étaient, jusqu’à cette date, exclus
de la protection assurée par la législation.
Désormais, une meilleure formation et in-
formation des détenteurs d’animaux est
prévue.
Tant les cinq directives de protection
des animaux de rente de l’UE (protection
des animaux de rente agricoles ; veaux ;
porcs, poules pondeuses, poules à l’en-
graissement) que la nouvelle législation
suisse sur la protection des animaux ne
définissent pas de standard de protection
Des denrées alimentaires toujours meilleur marché –les animaux de rente en font les frais
Quatre différences relèvent en particulier des intérêts de la protection des animaux
1. Tandis que la législation suisse sur la protection des animaux définit des direc-tives détaillées et des mesures minimales pour tous les animaux de rente, les direc-tives de l’UE ignorent entre autres l’éle-vage des vaches, du bétail à l’engraisse-ment, des dindes, des autruches et d’autres espèces de volaille (à l’exception des pou-les), des moutons, des chèvres et des che-vaux. Des millions d’animaux de rente sont ainsi sans protection légale dans l’UE.
2. L’UE ne prescrit pas de Service de Contrôle Technique pour la protection des animaux. En Suisse en revanche, les systèmes d’élevage et les installations des étables produites et vendues en série doi-vent être vérifiées et autorisées sous l’an-gle de leur conformité avec la protection des animaux et de leur adéquation dans la pratique. Les agriculteurs achetant ces systèmes et, bien entendu les animaux auxquels ils sont destinés, profitent de ces mesures.
3. En Suisse, la plupart des interven-tions douloureuses sont interdites tandis qu’il est par exemple permis, dans l’UE, de castrer sans anesthésies les jeunes veaux, chevreaux, porcelets, etc. De manière res-trictive, il est également autorisé de cou-per les becs et les queues ou d’arracher les dents des porcelets, actes interdits en Suisse.
4. Tandis que les transports des animaux ne sont pas limités dans l’UE – où des tra-jets de 40 à 60 heures ne sont pas rares – les animaux ne peuvent pas être trans-portés plus de 6 heures en Suisse.
Caillebotis intégraux: une existence désolante dans ses propres déjections
7Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
* La nouvelle législation suisse sur la protec-tion des animaux de 2008 protège nettement plus tous les animaux de rente que la version précédente. Il reste toutefois des omissions claires au détriment des animaux. C’est ainsi le cas des vaches laitières: il est permis de les attacher 275 jours par année. Les agriculteurs ne sont tenus de leur accorder quelques heu-res de sortie (en hiver) dans les champs que 90 jours par année. En d’autres termes: les va-
ches peuvent être détenues à l’attache plus de 90% du temps. Le dresse-vaches électrique est également autorisé. Exemple des porcs: les truies portantes peuvent être détenues dans des logettes, où elles peuvent tout juste se tourner. Dans le cas des porcs à l’engrais-sement, la détention des animaux de quelque 100 kg sur une surface de 0,65 m2/animal et des sols entièrement perforés, sans paille et sans sortie, est légale. À partir de 2018,
tous les porcs à l’engraissement disposeront de 0,9 m2 et d’une surface de couchage non perforée. Celle-ci pourra cependant être en béton, sans litière. Bœufs à l’engraissement: détention autorisée sur 3 m2/animal (jusqu’à 500 kg!) sur des sols durs entièrement per-forés, sans paille ni sorties. À partir de 2013, une petite surface de couchage en caout-chouc dur est prescrite pour tous les bœufs à l’engraissement.
En Suisse, la détention de toutes les ca-
tégories d’animaux de rente est réglée de
manière détaillée et concrète dans la légis-
lation sur la protection des animaux. Dans
l’UE, il n’existe pas de directives contrai-
gnantes pour les espèces suivantes:
Vaches, bétail à l’engraissement, din-
des, autruches et autres espèces de
volaille (excepté les poules), moutons,
chèvres et chevaux.
Veaux: en Suisse, les veaux doivent être
détenus en groupe à partir de la deuxième
semaine de vie, et seulement à partir de
la huitième semaine dans l’UE. La déten-
tion en groupe n’est valable dans l’UE que
pour les grandes exploitations. Les petites
exploitations ne comptant que six veaux
ou moins peuvent continuer à les détenir
individuellement. En Suisse également, les
iglous individuels avec sortie sont autori-
sés. Les surfaces de repos couvertes de li-
tière ne sont prescrites qu’en Suisse. Dans
l’UE, les veaux peuvent être détenus dans
des box à un seul compartiment et à caille-
botis intégral.
Porcs: les cages à plusieurs étages pour
porcelets sont autorisées dans l’UE. Elles
sont interdites en Suisse. Il en va de même
de la castration des porcelets sans anesthé-
sie. Dès 2010, les porcs à l’engraissement
auront davantage de place en Suisse, soit
9 m2 au lieu de 0,65 m2 comme dans l’UE.
La présence de litière sur les surfaces de re-
pos n’est cependant prescrite ni en Suisse
ni dans l’UE. L’UE prévoit d’interdire les
caillebotis intégraux à partir de 2013. La
Suisse les autorise encore jusqu’en 2018.
Les porcs se portent nettement mieux en
Suisse puisque dans l’UE, les porcs allaités
et les truies portantes peuvent être enfer-
més dans des logettes jusqu’à quatre se-
maines après la saillie. En Suisse, les porcs
allaités peuvent se déplacer librement.
Après la saillie, les truies portantes peu-
vent être enfermées pendant dix jours au
maximum. Ensuite, elles sont détenues en
groupe. En Suisse, il est interdit de couper
la queue et de retirer les pointes des dents
des porcelets. Dans l’UE, ces interventions
ne doivent pas être effectuées sur une base
routinière mais sont autorisées dans des
cas justifiés.
Poules pondeuses: dans l’UE, une litière
permettant aux poules de fouiller, piquer
ou prendre des bains de poussière n’est pas
prescrite, en Suisse c’est une obligation. Il
est interdit de couper le bec des poules en
Suisse, mais pas dans l’UE. Les cages amé-
nagées et de grande taille sont autorisées
dans l’UE malgré l’interdiction de l’élevage
en batteries à partir de 2012, les œufs doi-
vent toutefois être déclarés comme prove-
nant de poules élevées en cages. En Suisse,
ces formes d’élevage ont été examinées par
Les principales différences entre les directives de la protection des animaux en Suisse et dans l’UE
Élevage en cages: interdit depuis 20 ans en Suisse, autorisé dans l’UE.
Résumé Bien que les dimensions mi-nimales et les directives de la législation suisse sur la protection des animaux ne définissent que la limite avec la maltrai-tance des animaux et ne garantissent pas un élevage optimal et respectueux des animaux, les animaux de rente su-isses sont mieux protégés par la loi que leurs congénères européens*. En Suisse, des directives concrètes et détaillées s’appliquent à tous les animaux de rente. Par ailleurs, pour les quatre catégories d’animaux pour lesquelles les directives de l’UE s’appliquent (veaux, porcs, poules pondeuses et poules à l’engraissement), les directives suisses sont plus strictes.
un institut officiel et interdites car contrai-
res à la protection des animaux.
Poules à l’engraissement: en Suisse, la
lumière du jour et au moins 8 h de phase
nocturne sont obligatoires. Dans l’UE,
l’éclairage purement artificiel et des pro-
grammes d’alternance de lumière sont
autorisés. En Suisse, la loi prescrit des
surfaces plus importantes permettant aux
poules de se retirer et de se reposer. Dans
l’UE, les poules à l’engraissement doivent
se reposer sur le sol, dans leurs propres
déjections. En Suisse, la densité maxi-
male est de 30 kg/m2, dans l’UE de 42 kg/
m2. Cela signifie qu’en Suisse, si les agri-
culteurs pouvaient produire comme dans
l’UE, ils pourraient mettre la moitié plus de
poules dans leurs étables.
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA8
à la protection des animaux contribuent
fortement à définir et à influencer la pra-
tique d’élevage au profit d’un standard de
détention plus élevé, allant au-delà des
directives minimales de la législation.
La PSA a réalisé un sondage dans les
pays de l’UE sur la propagation des formes
Le standard de protection des animaux
de rente d’un pays se définit en premier
lieu par la législation sur la protection des
animaux. L’exemple de la Suisse montre
toutefois que la demande sur le marché
(viande labellisée, œufs d’élevage en plein
air) et les programmes de soutien de l’État
Les bœufs suisses sont mieux traités que leurs congénères de l’UE
de détention particulièrement respectueu-
ses des animaux (champs, élevage en li-
berté et à l’extérieur, élevages bio). Des or-
ganisations nationales bio et de labels, des
autorités agricoles, des scientifiques et des
organisations de défense des animaux ont
été contactées. Elles ont été priées d’esti-
mer la propagation des l’élevage en plein
air et en liberté des bœufs, des porcs et des
poules. Le FiBL a également fourni des in-
formations importantes sur l’élevage bio
dans les pays de l’UE. En tout, 32 résul-
tats de 12 pays de l’UE ont pu être évalués.
Ils ont été comparés à la propagation des
programmes SST et SRPA en Suisse, ainsi
qu’aux renseignements du FIBL et de dix
organisations bio nationales sur l’ampleur
de l’élevage bio dans l’UE et dans les dif-
férents pays de l’UE.
Il apparaît que la Suisse est à la pointe
en matière d’élevage respectueux des ani-
maux pour pratiquement toutes les espè-
ces considérées. Si l’on considère toutes
les espèces animales, la Suisse est en Eu-
rope, et de loin, celle qui compte la part
la plus importante de formes de déten-
tion particulièrement respectueuses des
animaux (plein air, liberté, extérieur, en
groupe).
Détention en plein air, en liberté et à l’exté-rieur: la Suisse est à la pointe et le reste
Le sondage en détail
CH A NL F S D FIN GB DK B IRL PL EST
Pâturage des vaches laitières 80 20-40 60-80 10 80* 20-40 60-80* 80 40-60 80 60-80 60-80 20-40
Sorties bétail à l’engraissement 50 5-10 80 10 80* 5-10 60-80* 60-80 80 10-20 60-80 40-60 60-80
Sorties truies portantes 66 <5 <5 <5 5 -10 5-10 <5 40-60 <5 <5 <5 5-10 <5
Sorties porcs à l’engraissement 62 <5 <5 <5 5 -10 5-10 5-10 5-10 <5 <5 <5 5-10 <5
Dét. en plein air poules pondeuses 69 20-40 10-20 10-20 20-40 10-20 10-20 40-60 20-40 20-40 20-40 <5 5-10
Dét. groupe truies portantes 100 20-40 60-80 10-20 80 40-60 5 100 40-60 20-40 20-40 40-60 80
* Ces valeurs élevées en Suède et en Finlande ne concernent que la période de végétation. En hiver, les animaux sont à l’étable. En Suisse, les vaches peuvent aussi sortir régulièrement en plein air l’hiver dans le cadre du programme SRPA. La part des animaux bio dans la population globale a été estimée à moins de 1% par les organisations bio de Turquie, Ukraine, Lettonie, Lituanie, Islande, Belgique, Finlande, Estonie, Allemagne et Autriche pour presque toutes les catégories. Des parts plus élevées sont notamment indiquées pour le bétail laitier en Autriche (16%), Danemark (10%), Estonie et Allemagne (3% chacun), pour les porcs à l’engraissement en Grèce (5%), Grande-Bretagne (3%) et Danemark (3%), pour les poules pondeuses en Allemagne (4%) et aux Pays-Bas (4%) ainsi que pour les poules à l’engraissement en France (12%) et en Belgique (5%). Pour comparaison, la part des œufs bio vendus en Suisse est de 17%, celle de la viande bio de 2%.
CH A NL F S D FIN GB DK B IRL PL EST
Pâturage des vaches laitières 80 20-40 60-80 10 80* 20-40 60-80* 80 40-60 80 60-80 60-80 20-40
Sorties bétail à l’engraissement 50 5-10 80 10 80* 5-10 60-80* 60-80 80 10-20 60-80 40-60 60-80
Sorties truies portantes 66 <5 <5 <5 5 -10 5-10 <5 40-60 <5 <5 <5 5-10 <5
Sorties porcs à l’engraissement 62 <5 <5 <5 5 -10 5-10 5-10 5-10 <5 <5 <5 5-10 <5
Dét. en plein air poules pondeuses 69 20-40 10-20 10-20 20-40 10-20 10-20 40-60 20-40 20-40 20-40 <5 5-10
Dét. groupe truies portantes 100 20-40 60-80 10-20 80 40-60 5 100 40-60 20-40 20-40 40-60 80
9Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
L’introduction des programmes de la-
bels en Suisse est le fait des organisations
de défense des animaux KAGFreiland et
Protection Suisse des Animaux PSA, qui
commencèrent à la fin des années 70 à éti-
queter et à commercialiser spécialement
les œufs d’élevage au sol ou en plein air.
Dans les années 1980, la PSA a contribué
à propager la détention des vaches mè-
res et nourrices et leurs produits («Natu-
rabeef»). En 1989, avec fenaco, elle a créé
le label «Agri-Natura». La viande et les
œufs vendus sous ce label étaient propo-
sés dans les magasins des supermarchés
K-3000. La détention des animaux était
surveillée par la PSA. Ce projet a incité
Coop et Migros à miser fortement sur la
carte des labels de protection des animaux
à partir des années 90.
Le résultat est excellent: aujourd’hui,
la viande labellisée et les œufs d’élevage
au sol / en plein air génèrent un chiffre
d’affaires annuel d’environ 2 milliards de
francs, ce qui représente une part d’en-
viron 50% dans le commerce de détail.
Aucun pays de l’UE n’a connu pareille
évolution des labels de protection des
animaux pour la viande et les œufs, et
de loin. Dans l’UE, dans le segment de
la viande, ce sont avant tout les origines
bio qui dominent le marché. Comme en
Suisse, ces produits, lorsqu’ils sont pro-
posés, ne représentent que quelques pour
cent de la consommation globale et res-
tent des produits de niche extrêmes. En
Suisse, les œufs d’élevage en plein air et la
viande labellisée des exploitations autres
que bio sont parvenus, grâce aux géants
Migros et Coop, à quitter leur existence
de niche et à s’établir en partie comme
standard.
La situation chez Aldi, Lidl, Spar et
Volg reste insatisfaisante, la viande la-
bellisée y étant trop peu répandue voire
inexistante. Le rôle de la gastronomie est
encore plus grave pour le développement
ultérieur de formes de détention respec-
tueuses des animaux et la diffusion des
produits de qualité correspondants. En
effet, 50% de la viande consommée en
Suisse est écoulée par ce canal. Ici, si l’on
omet quelques valeureuses exceptions, les
clients ont peu de chances de trouver des
œufs d’élevage en plein air ou de la viande
labellisée, même dans les meilleurs res-
taurants. Les importations d’élevages in-
dustriels dominent ici clairement le pay-
sage.
Les labels, ou comment la protection des animaux est entrée à l’étable
Parmi les aveugles, le borgne est roi. D’un point de vue absolu, la propagation des élevages SST et RSPA en Suisse est en-core au-dessous de la moyenne pour plu-sieurs catégories d’animaux.
SST (UGB):très bas (moins de 20%): jeune bétail mâlebas (20 à 40%): vaches laitières, bœufs, taureaux, jeune bétail, chèvres, poules d’élevage.
SRPA (UGB): très bas (moins de 20%): veaux à l’en-graissement, lapins, poules d’élevage, jeu-nes poules, poulets à l’engraissement. bas (20 à 40%): jeune bétail mâle, veaux d’élevage, veaux de moins de 4 mois.
En d’autres termes: en Suisse aussi, des millions d’animaux de rente ne peuvent toujours pas se déplacer régulièrement en plein air comme la nature le voudrait et doivent passer leur vie à l’étable.
La relative suprématie de la Suisse dans la propagation de formes de détention res-pectueuses des animaux ne repose pas, à l’exception de la détention en groupe des veaux et des truies portantes, sur la lé-gislation sur la protection des animaux. Deux mesures lancées dans les années 1990 en sont davantage responsables et révèlent aujourd’hui les effets conjoints presque idéaux du marché et de l’État au profit de la détention respectueuse des animaux. Il s’agit d’une part des program-mes de labels comme Coop Naturaplan et Naturafarm ou TerraSuisse de Migros et IP-Suisse, dont les exigences vont clai-rement au-delà des directives minimales de la loi sur la protection des animaux. Il s’agit d’autre part des paiements directs SST et SRPA que l’État verse chaque an-née aux paysans dont les étables sont par-ticulièrement respectueuses des animaux et permettent des sorties ou un élevage en plein air, d’une part en guise d’incitation à passer à de telles formes de détention ou à investir dans ces méthodes, d’autre part pour rembourser une partie des dé-penses supplémentaires occasionnées par ces systèmes.
La création de labels a fait beaucoup pour une meilleure détention des animaux
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA10
En Suisse, pour différentes raisons (tra-
dition, philosophie bio/cycle de vie, po-
litique agraire), une détention à carac-
tère paysan des animaux s’est maintenue,
avec souvent plusieurs catégories d’ani-
maux, des cheptels modérés par étable ou
par exploitation et une adéquation entre
surface fourragère et quantité d’engrais
de ferme. Contrairement à l’étranger, la
Suisse s’est beaucoup interrogée à partir
des années 1970 sur la spécialisation de
l’élevage et la détention des animaux dans
des exploitations industrielles sans terrain
propre («nomades laitiers»). Le législateur
a réagi à la discussion par diverses mesu-
res: en plus d’une réglementation sur la
surface fourragère nécessaire et la limi-
tation du nombre d’animaux par hectare,
en particulier par la définition de l’effec-
tif maximum dans l’élevage. Les exploita-
tions comptant davantage d’animaux ont
été contraintes de réduire leurs effectifs
dans les années 80. Depuis, les motions
parlementaires ont régulièrement tenté
d’abolir ou d’amoindrir les limitations
d’effectifs mais ont toujours été refusées
par une majorité parlementaire.
Évolution contraire à l’étrangerHors des frontières suisses en revan-
che, le processus de spécialisation et de
concentration dans l’élevage des animaux
s’est poursuivi librement. Les exploita-
tions industrielles et les fabriques d’ani-
maux comptant des dizaines de milliers
de porcs et des centaines de milliers de
poules ne sont pas seulement courantes
aux USA, au Brésil et dans d’autres pays,
mais également dans diverses régions de
l’UE. Pour comparaison, en Suisse un éle-
veur de porcs compte en moyenne 60 bê-
tes dans son exploitation. En Allemagne,
la moyenne est de 300, un tiers des porcs
vivant dans le Land de Basse-Saxe, où l’on
compte en moyenne 600 animaux par ex-
ploitation. Aux Pays-Bas, leur nombre
passe à une moyenne de 1160 par exploi-
tation, au Danemark à 1510. On trouve
des différences similaires dans l’élevage
des poules pondeuses et à l’engraisse-
ment. Même en Autriche, dont le carac-
tère paysan est resté préservé, on dénom-
bre en moyenne 20 000 poules à l’engrais-
sement, en Suisse 600 par exploitation. En
Allemagne, la moyenne est de 50 000 ani-
maux. À eux seuls, les sept plus grands
éleveurs de poules pondeuses du Land de
Sachsen-Anhalt comptent presque autant
de poules pondeuses que tous les produc-
teurs d’œufs suisses réunis, soit 2,3 mil-
lions de bêtes.
Il est évident qu’avec des entreprises
de cette taille, le litre de lait, le kilo de
viande ou un œuf puissent être produits à
bas prix. En général, ce sont les animaux
qui en font les frais, de même que tous les
agriculteurs incapables de suivre le mou-
vement. Le magazine allemand Spiegel
annonçait ainsi en 2009 «Une vie dans
la roue du hamster – les producteurs al-
lemands de lait se portent plus mal que
jamais». Le changement structurel s’est
effectué à une vitesse folle: en 25 ans,
trois quarts des producteurs de lait ont
ainsi renoncé à leur activité. Mais même
les immenses exploitations d’Allemagne
de l’Est avec leurs 2500 vaches ont fait
les frais d’un prix du lait de 40 centimes
seulement.
Les subventions à l’exporta-tion provoquent le dumping des prix dans d’autres paysDe manière similaire à ce qu’a vécu la
Suisse après l’abandon du contingen-
tement laitier, les quantités de livraison
auparavant limitées dans l’UE se sont tout
d’abord mises à augmenter, ce qui a pro-
voqué un brusque effondrement des prix.
Pour sortir de cette situation, explique
le Spiegel, l’UE veut se remettre à ver-
ser des subventions pour le beurre et le
lait en poudre. Avec ce dumping des prix,
les producteurs d’autres pays, par exem-
ple en Afrique, sont mis sous pression. Il
est presque incompréhensible de constater
avec quelle naïveté ou froideur la commis-
Élevage paysan ou élevage industriel
Élevage de dindes dans l’UE: pour des raisons économiques, la vie des animaux n’est pas conforme à l’espèce.
11Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
sion de l’UE a ruiné, avec cette politique,
les producteurs de lait locaux puis ceux
des autres pays, sans parler du bien-être
des animaux.
La relation entre l’homme et l’animal est sacrifiée sur l’autel de la maximisation du profitDe manière générale, les grands effectifs
de plusieurs milliers de porcs et de dizai-
nes de milliers de poules conduisent à une
augmentation du trafic et du commerce
d’animaux. Le risque de propagation
d’épizooties et de transmission de mala-
dies augmente également et si celles-ci se
produisent, les coûts économiques générés
sont immenses. L’opposition aux élevages
industriels se réclamant de la protection
des animaux repose cependant sur le fait
que la relation entre l’homme et l’animal,
le soin apporté aux animaux et leur sur-
veillance deviennent pratiquement inexis-
tants. Il faut savoir que l’élevage en liberté
le plus moderne et l’élevage en plein air le
plus généreux ne sont bons pour l’animal
que si l’éleveur s’occupe de ses animaux,
de leur bien-être et de leur santé. Une re-
lation intensive entre l’homme et l’animal
constitue la base de l’élevage des animaux
de rente, en plus de leur détention res-
pectueuse de l’espèce. Cette exigence peut
être satisfaite dans un élevage à caractère
paysan, dont les unités ont une dimension
contrôlable.
Tant la Suisse que l’UE disposent de direc-
tives détaillées pour le transport des ani-
maux. Les différences les plus importan-
tes pour les animaux concernent la du-
rée du transport et la mise en œuvre et
l’application des directives. En Suisse, les
transports entre le lieu de chargement et
l’abattoir sont limités à 6 heures de trajet.
Le transit des animaux d’abattage est dé-
sormais aussi interdit par la loi.
Dans l’UE, pour autant que des vé-
hicules adéquats soient utilisés et que
les heures de repos soient respectées, les
transports sur de longues distances pen-
dant plusieurs jours, au-delà des frontiè-
res, sont autorisés. Il est connu que les
porcs et les chevaux sont transportés pen-
dant 40 à 60 heures. Tant les organes de
l’État que les organisations de protection
des animaux confirment qu’en particu-
lier lors des transports sur de longues dis-
tances, les directives ne sont souvent pas
respectées tandis que les contrôles et les
sanctions font défaut. Les camions sur-
chargés, le manque d’eau, le non respect
des heures de repos et l’absence de sta-
tions de repos et de ravitaillement pour
les animaux semblent courants. L’expor-
tation de bœufs d’abattage européens en
Afrique du Nord, au Liban et en Égypte
pose en outre un problème particulier en
matière de protection des animaux. Après
un long transport par la route, ces ani-
maux sont embarqués sur des bateaux
puis égorgés une fois à destination.
Les transports favorisent la propagation des épizootiesPar chance, la Suisse ne connaît qu’une
infime partie des épizooties connues dans
l’UE. Des programmes sanitaires et de
prophylaxie onéreux y ont contribué, de
même que l’absence d’un commerce in-
tensif d’animaux de rente au-delà des
frontières. Il ne fait aucun doute que l’in-
terdiction du transit des animaux à on-
glons en vigueur depuis des décennies y
est aussi pour quelque chose.
Après que le Conseil fédéral ait voulu
l’interdire sur pression de l’UE en 2006
et que les organisations de protection des
animaux et paysannes s’y soient opposées,
Marche arrière dans le transport des animaux et leur abattage
Des effectifs importants ne sont pas a
priori contraires à la protection des ani-
maux. Mais l’élevage en plein air de
50 000 poules pondeuses ou à l’engrais-
sement n’est pas défendable pour des rai-
sons éthologiques, écologiques et hygié-
niques. Le fait est que les poules ne s’éloi-
gnent jamais de plus de 50 à 100 mètres
de leur zone de référence. Une telle popu-
lation de poules représente ainsi un amas
d’animaux autour de l’étable, conduisant
à une surproduction d’engrais, à la des-
truction de la structure du sol et au dan-
ger d’infestation par des vers.
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA12
le Conseil national et le Conseil des états
ont ancré l’interdiction du transit des ani-
maux d’abattage (y compris les cheveaux
et la volaille) dans la loi sur la protection
des animaux. Les spécialistes s’accordent
sur le fait que l’interdiction de transit se-
rait mise sous pression en cas d’accord
de libre-échange et qu’elle devrait être
supprimée à moyen terme, aucun signe
d’une interdiction des transports longue
distance des animaux dans l’UE et la re-
prise de la règle valable en Suisse des 6 h
de transport maximum ne se dessinant à
l’horizon.
Réglementation claire pour l’abattageDans la nouvelle législation sur la protec-
tion des animaux de 2008, la Suisse a réglé
de manière relativement détaillée l’abat-
tage, en particulier le devoir d’étourdis-
sement et les méthodes autorisées à cet
effet. Les dispositions d’exécution techni-
ques doivent entrer en vigueur en 2011.
Depuis 1993, l’UE dispose d’une directive
sur l’abattage. Actuellement, une proposi-
tion du Conseil sur la protection des ani-
maux au moment de leur mort est en cours
de discussion. Elle doit reprendre les nou-
velles connaissances scientifiques et, no-
tamment, des détails importants pour la
protection des animaux comme la durée
de l’étourdissement, la force du courant
utilisé pour l’étourdissement électrique,
etc. telles qu’ils sont prévus dans les dispo-
sitions d’exécution technique en Suisse.
À l’exception de cette différence très
importante pour la protection des ani-
maux, tout semble indiquer que les di-
rectives de protection des animaux dans
les abattoirs de l’UE et de la Suisse seront
très similaires. Quant à savoir si les dis-
positions prévues sur le papier seront ap-
pliquées dans la pratique, cela dépendra
en premier lieu de la qualité des contrô-
les dans les abattoirs. Il existe en effet des
différences majeures en matière de taille
et de capacité de travail des abattoirs suis-
ses et européens. Les trois plus grands de
l’UE (Vion, Smithfield, Tönnies) abattent
ainsi en 2 semaines autant de porcs que
toute la Suisse en une année. À lui seul,
le groupe PHW, auquel appartient l’entre-
prise allemande «Wiesenhof» exportant
aussi en Suisse, abat par jour de travail
près d’un million de poulets, un chiffre
pour lequel tous les abattoirs suisses de
volaille doivent travailler deux semaines.
Des fréquences d’abattage élevées qui soulèvent des questions La fréquence d’abattage du gros bétail en
Suisse et dans l’UE est de 60 à 70 animaux
par heure dans les grands abattoirs. Les
trois grands abattoirs de porcs en Suisse
utilisent du CO2 pour étourdir les ani-
maux, seuls ou en groupes. Ce système
permet de tuer 240 à 300 animaux par
heure. Dans l’UE, les abattoirs misent sur
l’étourdissement par le CO2 et par l’étour-
dissement par décharge électrique (res-
trainer), permettant d’augmenter nette-
ment la fréquence d’abattage. Si la capa-
cité est de 350 à 600 animaux par heure
avec le gaz, elle peut aller jusqu’à 600 ani-
maux par heure avec l’étourdissement par
décharge électrique.
Les grands abattoirs de volaille en
Suisse travaillent toujours avec l’étour-
dissement électrique et sont en mesure
d’abattre entre 8000 et 10 000 animaux
par heure avec deux lignes d’anesthésie
parallèles. En Belgique, le premier abat-
toir à travailler avec l’étourdissement au
gaz a ouvert ses portes en 1996 seule-
ment. Après une phase de développement,
la fréquence d’abattage de 9000 bêtes à
l’origine est désormais passée à 120 000
animaux par heure. Contrairement à la
Suisse, le travail s’effectue par tournus
pendant 20 heures par jour. Dans ce seul
abattoir, environ 240 000 poulets d’en-
graissement sont abattus et découpés par
jour et transformés en produits alimen-
taires. L’étourdissement électrique est pra-
tiqué pour l’abattage de la volaille dans
d’autres pays européens. Les fréquences
d’abattage y sont nettement plus élevées
Directement du box au tapis roulant, tête en bas. Dans les grands abat-toirs, ce destin est réservé à 10 000 animaux par heure.
Une différence significative sur le plan de la protection des animaux existe en ma-tière d’abattage: en Suisse, l’anesthésie préalable des mammifères dans les abat-toirs est obligatoire. Dans l’UE, moutons, chèvres, veaux et bœufs peuvent en re-vanche aussi être égorgés. Après avoir été fixés, les animaux ont la carotide tran-chée sans étourdissement préalable et se vident de leur sang. En 2002, le Conseil fédéral voulait également autoriser cette pratique en Suisse et annuler l’interdic-tion d’égorger édictée en 1893. Face aux protestations véhémentes des vétérinaires et des défenseurs des animaux, il a ce-pendant été contraint de faire marche ar-rière. Pour approvisionner les juifs et les musulmans pratiquants en viande cocher et halal, la Suisse autorise cependant les importations. Après des entretiens entre la PSA et les autorités musulmanes, il est désormais aussi permis aux musulmans croyants de manger de la viande d’ani-maux ayant été égorgés après étourdisse-ment par une brève décharge électrique.
13Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
qu’en Suisse avec 12 000 à 13 000 ani-
maux par heure.
Travail à la chaîne et erreurs fréquentesComparé à la situation telle qu’elle se pré-
sentait il y a trente ou quarante ans, les
abattoirs suisses connaissent aujourd’hui
des fréquences d’abattage relativement
élevées, ce qui exige une organisation op-
timale des installations et des processus
(livraison/transport des animaux, déchar-
gement, agitation, emplacement, apaise-
ment, conduite aux installations d’étour-
dissement, étourdissement, abattage). Du
point de vue de la protection des ani-
maux, il convient de noter que dans les
installations modernes, le bien-être des
animaux est mieux pris en compte que
par le passé, malgré l’augmentation des
performances. Il s’avère en revanche pro-
blématique qu’un nombre toujours crois-
sant d’abattoirs régionaux, plus petits,
disparaissent, notamment en raison des
investissements importants nécessaires
pour répondre aux directives de l’UE. Il
en résulte un allongement de la durée des
transports des animaux issus des régions
alpines et périphériques.
Les fréquences d’abattage pres-
que deux fois plus importantes dans les
grands abattoirs de porcs de l’UE sont
également problématiques. Des études
actuelles montrent ainsi qu’avec des ins-
tallations d’étourdissement électrique
(restrainer) et des fréquences d’abattage
de 600 animaux par heure, la conduite
des animaux suppose toujours plus fré-
quemment le recours régulier, contraire à
la protection des animaux, aux déchar-
ges électriques très douloureuses. Après
l’étourdissement au gaz ou électrique, les
animaux doivent être tués le plus rapide-
ment possible pour qu’ils se vident de leur
sang avant de se réveiller. Pour exécuter
correctement le coup de couteau creux,
les ouvriers n’ont ainsi que 6 secondes
à disposition. 1% des animaux ne sont
pas piqués correctement et se retrouvent
conscients dans la chaîne de transforma-
tion (ébouillantage!) un scénario cauche-
mardesque que devraient connaître près
de 2,5 millions de porcs sur les quelque
250 millions abattus dans l’UE. Bien que
ces problèmes soient connus des entrepri-
ses et des autorités de contrôle, les spécia-
listes indiquent qu’à ce jour, l’UE n’a rien
entrepris pour les supprimer.
Grands abattoirs de l’UE: des fréquences d’abattage extrêmes conduisent à la maltraitance des animaux.
Effets des transports extrêmement longs dans l’UE
Lors de la capture et du chargement •des poules pondeuses, on a recensé en Grande-Bretagne jusqu’à 30% de mem-bres cassés ou démis. Ce taux est de 10% chez les dindes et de 7% chez les poules d’engraissement. La fatigue du voyage et la densité des chargements affaiblis-sent le système immunitaire des poules dont les déjections et la saleté contri-buent à propager rapidement les germes de salmonelles. Tandis que dans les éle-vages de poules suisses les salmonelles sont insignifiantes grâce à un système astucieux et des formes d’élevages res-pectueuses des animaux, leur présence s’est avérée dans 20 à 40% des élevages de volaille de l’UE.Les spécialistes partent du principe que •
dans l’UE, 0,5 à 1% – c’est à dire près de 2 millions de porcs – meurent durant leur transport. Dans le cas de la volaille, on parle de 10 millions d’animaux. Les pertes économiques dues aux animaux morts se montent à environ 300 millions d’Euros par an. Les décès dus aux trans-ports ne représentent toutefois que la pointe de l’iceberg. En effet, les condi-tions de transport difficiles amoindris-sent la qualité de la viande. Dans l’UE, la viande d’un porc d’abattage sur quatre est qualifiée de PSE (pale, soft, exuda-tiv: viande pâle). Au total, 45 millions d’animaux sont concernés. Les pertes économiques sont estimées à 1,5 mil-liard d’Euros.
Les transports, rarement contrôlés avec •
sérieux, contribuent à disséminer les
épizooties. Lors de l’apparition de la fiè-
vre aphteuse en 2001 en Grande-Bre-
tagne, le virus a été importé aux Pays-
Bas par l’intermédiaire des transports
de bestiaux. Il s’en est suivi l’abattage
d’urgence de 6,5 millions de bœufs. Les
pertes économiques se sont montées à
23 milliards d’Euros. En 2003, la grippe
aviaire a fait son apparition aux Pays-
Bas et en Italie du Nord. 31 millions de
poules furent abattues d’urgence, ce
qui engendra des coûts de 500 millions
d’Euros. En janvier 2007, la grippe est
à nouveau apparue dans une ferme de
Grande-Bretagne. 160 000 dindes fu-
rent abattues. La source de la maladie
n’avait pas été importée par un oiseau
migrateur mais par un camion ayant été
en contact avec des cheptels infectés en
Hongrie.
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA14
Les directives légales et de droit privé en
matière de protection des animaux ne
sont bonnes que lorsqu’elles sont mises en
pratique par les agriculteurs et contrôlées.
L’application de la législation suisse sur la
protection des animaux par les offices vé-
térinaires était pratiquement inexistante
jusque dans les années 90. Un vétérinaire
cantonal, également président de la so-
ciété des vétérinaires suisses, envoyait
ainsi à l’époque aux agriculteurs un mètre
en papier en guise de mesure d’applica-
tion, les invitant à «Mesurer maintenant!»
Ce n’est qu’au moment de l’introduction
des paiements direct à la moitié des an-
nées 90 que le déplacement de l’applica-
tion de la protection des animaux de rente
sous la responsabilité de l’Office fédéral
de l’agriculture et des autorités agricoles
cantonales a permis une meilleure mise
en œuvre des directives et conduit à des
contrôles et à des sanctions plus consé-
quentes. Les élevages d’animaux de rente
dans les exploitations ne recevant pas des
paiements directs, p. ex. dans les froma-
geries avec élevage de porcs, les éleveurs
amateurs ou les exploitations dirigées par
des personnes âgées de plus de 65 ans,
sont toutefois exclues de ces mesures. Ici,
ce sont les autorités vétérinaires qui res-
tent responsables.
Il faut relever que les offices agrico-
les, en contact étroit avec les agriculteurs,
ont été plus efficaces que les autorités vé-
térinaires, en principe responsables de la
protection des animaux. Le respect de la
législation sur la protection des animaux
est contrôlé chaque année dans les exploi-
tations bio et IP-Suisse et au moins tous
les trois ans dans les exploitations PER.
La fin des contrôles annoncésCelui qui ne respecte pas les directives de
la législation sur la protection des ani-
maux et qui est condamné par un tribunal
doit s’attendre à des réductions des paie-
ments directs qui peuvent s’avérer impor-
tantes. Le problème est que la plupart des
contrôles étatiques sont annoncés (des ex-
ceptions existent dans de rares cantons
qui font contrôler les exploitations SST
et SRPA par sondages, sans l’annoncer).
Cette pratique a ses raisons et ne pose pas
forcément problème, par exemple dans la
culture des plantes. En revanche, l’éva-
luation de la protection qualitative des
animaux, c’est-à-dire le soin apporté aux
animaux, la litière ou les sorties est ainsi
rendue difficile, un agriculteur ayant la
possibilité d’améliorer rapidement la si-
tuation avant la visite d’un contrôleur.
À cela s’ajoute le fait que les exploi-
tations affiliées à un label font l’objet de
contrôles supplémentaires. Nous citons
ici à titre d’exemple le label de Coop Na-
turafarm. Les éleveurs de porcs, de pou-
les à l’engraissement et de veaux liés par
contrat à ce label sont contrôlés au moins
une fois par année par les spécialistes de
la Protection Suisse des Animaux PSA et
– contrairement aux contrôles de l’État
et de la plupart des autres labels – sans
avoir été avertis. Le service de contrôle
de la PSA, qui compte 10 personnes, est
composé d’agriculteurs, d’ingénieurs en
agronomie et de vétérinaires. Accrédité
par la Confédération, il est soumis cha-
que année à un contrôle de qualité. Les
sanctions réservées aux exploitations en
situation irrégulière ne sont pas décidées
par le service de contrôle mais par le pro-
priétaire du label et par le mandant. Les
sanctions peuvent aller jusqu’à l’arrêt des
livraisons ou même à la résiliation de la
collaboration. La PSA effectue par ailleurs
des contrôles des transports d’animaux et
Les lois (sur la protection des animaux) ne sont bonnes que lorsqu’elles sont appliquées
Le service de contrôle de la PSA à l’action: seuls les contrôles à l’improviste sont efficaces.
15Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
de l’abattage dans toute la Suisse pour le
compte de Coop et de Migros/IP-Suisse
pour le label Naturafarm (Coop) et Terra
Suisse (Migros/IP-Suisse).
Contrôles superficiels dans l’UELà où l’UE a édicté des directives concrè-
tes et contraignantes sur la protection des
animaux de rente (protection des animaux
de rente agricoles, poules pondeuses, pou-
les à l’engraissement, veaux, porcs), la
commission de l’UE constatait en 2007
que les normes de protection des animaux
n’étaient contrôlées que superficiellement
dans la plupart des pays. Les différences
entre les pays étaient importantes, la plu-
part ne consignant pas systématiquement
leurs contrôles. Les méthodes de recense-
ment variaient fortement et les résultats
n’étaient pas annoncés dans les délais à
Bruxelles. Ces constatations rappellent le
rapport de la CdG sur l’application de la
protection des animaux en Suisse au dé-
but des années 90. On peu en déduire que
le niveau de l’application de la protection
des animaux dans l’UE est le même qu’en
Suisse il y a 20 ans.
En 2006, la commission de l’UE a ré-
digé un rapport détaillé sur les expérien-
ces réalisées avec l’application de la di-
rective sur la protection des animaux de
rente agricoles. Les résultats des contrô-
les réalisés dans 15 états Européens y fi-
gurent. Ceux-ci indiquent clairement que
dans de nombreuses exploitations et pays
membres, l’application des directives et
des contrôles ne fonctionnent pas.
L’Autriche semble avoir fait preuve
d’une grande précision dans ces contrô-
les: sur 1543 élevages de poules pondeu-
ses examinés, le chiffre incroyable de 7000
infractions a été constaté! La Grande-Bre-
tagne (52%), l’Irlande (70%), l’Espagne
(50%) et l’Allemagne (31%) enregistrent
également un nombre relativement élevé
de situations problématiques. En Grèce
en revanche, aucun abus n’a été recensé,
tandis que l’Italie arrive à un score de
2%. L’image est similaire pour les veaux:
l’Autriche obtient pour 9378 exploita-
tions visitées 26 700 cas d’infractions. En
France (78%), Grande-Bretagne (51%),
Finlande (57%), Belgique (35%) et Alle-
magne (28%), leur nombre est aussi relati-
vement important. En Grèce en revanche,
aucun abus n’a été décelé malgré la visite
de 1100 élevages de veaux. En Italie, le
taux d’infractions est également très bas
avec seulement 1%. Quant aux contrôles
des élevages de porcs, ils révèlent égale-
ment une image curieuse: en Autriche, sur
2625 exploitations visitées, 12 000 infrac-
tions ont été recensées. La France (89%),
la Grande-Bretagne (82%), le Danemark
(70%) et l’Irlande (58%) ont également des
taux élevés en la matière. En revanche, la
Grèce n’a aucun problème avec ses 403
exploitations – soi-disant – contrôlées. En
Italie, où les contrôles ont porté sur 10 868
étables, seules 142 infractions ont été dé-
couvertes, soit un taux de 1,3%.
L’organisation de protection des animaux
d’élevage européenne «Compassion in
World Farming» s’est rendue en 2008 et
en 2009 dans 74 élevages de porcs au Da-
nemark, en Hongrie, en Allemagne, en Es-
pagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bre-
tagne. À cette occasion, elle a examiné
l’occupation des porcs prescrite par la di-
rective de l’UE ainsi que l’interdiction de
l’ablation de routine de la queue et de la
pointe des dents:
Pays Queue coupée/ ablation de la pointe des dents Aucune occupationDK 100% 67%D 79% 89%H 70% 70%NL 100% 88%E 100% 100%UK 54% 36%
L’étude en conclut que ces directives de
protection des animaux de l’UE ne sont
mises en pratique que dans de rares ex-
ploitations.
Exploitation suisse tenant compte des besoins des animaux.
Malgré l’interdiction, la queue des porcs est régulièrement coupée dans l’UE.
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA16
Retournons pour terminer à la question
initiale: un accord de libre-échange (ALE)
aura-t-il plutôt pour effet de favoriser ou
au contraire de freiner les efforts souhai-
tés par les consommateurs et les contri-
buables et considérés entre-temps comme
justifiés par la plupart des agriculteurs
pour obtenir une production de qualité
(bien-être des animaux, exploitations IP/
bio, mesures de protection de l’environne-
ment et de la nature ; qualité et sécurité
des denrées alimentaires)? Un ALE est-il
un moteur convenant au rôle de pionnier
visé par la Suisse dans la production IP/
bio et l’élevage en plein air ou favorise-
t-il les élevages industriels, les transports
scandaleux d’animaux et le relâchement
des efforts de protection de l’environne-
ment et de la nature?
On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurreLa Protection Suisse des Animaux PSA
constate que les agriculteurs suisses ne
sont pas en mesure de relever en même
temps les deux grands défis face auxquels
ils sont placés (produits de qualité/envi-
ronnement/protection des animaux et li-
bre-échange). À moins que l’on parte du
point de vue que l’agriculture suisse ne
joue plus qu’un rôle subordonné dans
l’approvisionnement alimentaire de la
population. L’essentiel des aliments serait
alors importé et quelques rares fermes –
en quelque sorte exemples du «bon vieux
temps» – seraient maintenues et pratique-
raient un élevage particulièrement respec-
tueux des animaux et de la nature.
Mais on ne peut pas avoir le beurre et
l’argent du beurre comme le souhaite le
Conseil fédéral. Pour la PSA, les priorités
sont claires: il faut d’abord que l’agricul-
ture suisse et que les étapes de production
situées en amont et en aval de celle-ci
mettent en œuvre la production de qua-
lité souhaitée par les contribuables et les
consommateurs. Face à ce défi immense,
la politique agricole ne doit pas poser des
exigences contradictoires – production
de qualité et libre-échange – mais doit
s’orienter de manière conséquente vers
une pays d’élevage IP, bio ou en plein air
avec, pour but, de mettre en place une
agriculture indépendante jouissant d’un
degré d’autosuffisance aussi important
que possible – le respect des animaux et sa
proximité avec la nature étant une condi-
tion élémentaire.
La PSA est d’avis, comme le Conseil
fédéral, que l’abolition des douanes et le
développement du libre-échange de mar-
chandises, de biens et de services a, his-
toriquement, toujours conduit au progrès
économique, au développement et à l’ac-
croissement de la richesse. En tant que
petit pays, pauvre en matières premières,
la Suisse a toujours encouragé cette évo-
lution et en a profité. La PSA est toute-
fois d’avis que ces conséquences positives
du libre-échange valent avant tout pour
les biens et les marchandises des secteurs
secondaires et tertiaires mais qu’elles ne
peuvent être transposées que de façon
prudente et limitée – voire pas du tout
– au commerce mondial des denrées ali-
mentaires ou des matières premières cor-
respondantes, p. ex. du lait, de la viande et
des œufs. Le libre-échange total est, dans
ce domaine, l’option générant le plus de
perdants et de dépendances indésirables
et qui ouvre la porte à la spéculation sur
les denrées alimentaires. Chaque pays doit
avoir la possibilité d’assurer la contribu-
tion la plus élevée possible à l’alimenta-
tion de sa propre population en tenant
compte de l’écologie et de la protection
des animaux.
C’est notamment le fait des différen-
ces fondamentales en matière de bases et
de lieux de production dans l’agriculture
et dans les secteurs secondaires et tertiai-
res. Contrairement à une fabrique ou à
une entreprise de services, il n’est pas pos-
sible de faire renaître dans un délai d’une
année des champs ou des élevages désaf-
fectés. Quant aux facteurs que l’homme
ne peut pas ou peu influencer (climat, mé-
téo, qualité du sol, apparition d’épizooties
et de maladies chez les animaux, etc.), ils
jouent un rôle important dans la produc-
tion de denrées alimentaires. Un agricul-
teur est lié à son emplacement tandis que
le propriétaire d’une entreprise peut faire
fonctionner celle-ci (presque) partout.
Tandis que la population se montre
sceptique face à l’UE, le Conseil fédéral
voit dans une collaboration encore plus
étroite de grandes opportunités pour no-
tre pays, pour des raisons économiques
et de politique sanitaire. À la surprise de
la commission de l’UE, il a ainsi proposé
il y a deux ans une libéralisation à vaste
échelle du commerce agricole, reprise du
droit européen en matière de denrées ali-
mentaires et de santé publique comprise.
La position de la Protection Suisse des Animaux PSA sur l’accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE
La qualité élevée des produits agricoles suisses est mise sous pressions par l’ALE.
17Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
Bruxelles a donné son accord sans hésiter,
pour une bonne raison: personne n’ignore
que plusieurs pays de l’UE espèrent de-
puis longtemps une ouverture du mar-
ché aussi radicale afin de pouvoir écouler
leurs surplus en Suisse, notamment leurs
produits laitiers et leur viande. Avec son
pouvoir d’achat important, notre pays est
en effet intéressant pour les exportateurs
européens.
Peser les désavantagesOn peut se demander ce que le libre-
échange agricole de l’UE apporte à la
Suisse. Contrairement à l’économie euro-
péenne, qui produit des surplus et qui li-
vre désormais ses demi-porcs et ses pou-
lets jusqu’en Chine et son lait en poudre
en Afrique – souvent avec des consé-
quences négatives pour les agriculteurs
sur place qui ne peuvent concurrencer le
dumping des prix subventionnés par l’UE
– la Suisse ne concurrence pratiquement
pas les agriculteurs étrangers, à l’excep-
tion de quelques exportations de fromage.
Près d’un tiers des aliments consommés
ici sont déjà importés aujourd’hui. Nos
agriculteurs ne sont donc pas favorables
à l’ouverture du marché et à la multipli-
cation des importations. Ils craignent une
pression croissante sur les prix versés
aux producteurs, un recul des quantités
produites et la fin de la culture locale du
fourrage, qui représente environ 10% de
la valeur de production de l’agriculture,
puisque les importations de maïs, de cé-
réales fourragères et de soja meilleur mar-
ché augmenteraient rapidement. Le scé-
nario du Conseil fédéral montre que ces
craintes sont justifiées. Les autorités par-
tent en effet du principe qu’un accord de
libre-échange ferait chuter sévèrement le
revenu du secteur agricole de 3 à 1,6 mil-
liard de francs.
Abandon d’une agriculture indépendanteLa production de denrées alimentaires
doit être davantage délocalisée à l’étran-
ger à une époque où les terres agricoles
nécessaires à nourrir l’humanité vont se
faire de plus en plus rares et où il est pré-
visible que les prix des matières premières
agricoles et des denrées alimentaires vont
augmenter, que la tendance à des den-
rées alimentaires toujours meilleur mar-
ché pendant des décennies va s’inverser
sous nos latitudes et que les dépenses des
ménages pour la nourriture vont se remet-
tre à augmenter. La PSA est d’avis que la
Suisse serait bien avisé de préserver une
agriculture indépendante avec un degré
d’autoapprovisionnement aussi élevé que
possible, afin de jouir d’une certaine in-
dépendance en matière d’approvision-
nement de la population en denrées ali-
mentaires, dans le cadre d’une exploita-
tion respectueuse des animaux et de la
nature.
Les conséquences de l’accord de li-
bre-échange prévu avec l’UE vont toute-
fois à l’encontre de cette exigence, puis-
que le revenu des agriculteurs baisserait
d’environ 50% et que le recul de la pro-
duction intérieure serait compensé par un
supplément d’importations ne correspon-
dant pas aux standards helvétiques en
matière d’écologie et de protection des
animaux. Il s’en suivrait une dépendance
accrue des consommateurs face aux im-
portations d’une part et des agriculteurs
et des secteurs proches face aux expor-
tations et ainsi aux marchés et politiques
agricoles internationaux relativement im-
prévisibles d’autre part.
Davantage d’exportations, un rêveLa PSA ne partage pas l’avis du Conseil
fédéral selon lequel les importations sup-
plémentaires dues au libre-échange pour-
ront être compensées par des exporta-
tions supplémentaires de produits (fro-
mage, viande, œufs) et d’animaux suisses.
Le marché européen compte bel et bien
490 millions de consommateurs. Les pays
membres de l’UE qui ne disposent pas d’une
production écologique et respectueuse des
animaux mais qui comptent des élevages
immenses et intensifs sont cependant ca-
pables de couvrir eux-mêmes la demande
de produits conventionnels et bon marché
d’origine animale. Quant à la demande de
produits bio et d’élevages respectueux
des animaux (viande labellisée), elle est
encore confidentielle dans la plupart des
pays de l’UE (à l’exception des œufs d’éle-
vage au sol, en plein air et bio). Elle peut
être aujourd’hui couverte sans problème
par les agriculteurs bio et affiliés à un la-
bel dans l’UE. En matière d’exportation
de viande en particulier, seules quelques
rares spécialités suisses devraient être en
mesure de s’établir à l’étranger.
Se pose également la question du sens
et des conséquences écologiques de l’aug-
mentation des importations de denrées
alimentaires qui pourraient aussi être pro-
duites en Suisse et de l’exportation prévue
de produits et de matières premières suis-
ses (produits laitiers, viande, œufs) dans
l’UE, où les agriculteurs les produisent
aussi volontiers qu’ici. Il est clair qu’une
augmentation des importations et des ex-
portations visées serait une charge sup-
plémentaire pour l’environnement. C’est
un paradoxe: le même État qui encourage
– et il a raison de le faire – la protection
de l’environnement et édicte des directi-
ves sévères encourage également le com-
merce transfrontalier de denrées alimen-
taires pouvant être produites des deux
côtés en quantités suffisantes. Au lieu de
laisser les agriculteurs suisses produire
dans la région, pour la région, le gouver-
nement veut les voir élever et engraisser
des animaux pour le marché européen
tandis que l’UE doit livrer sa viande, son
lait et ses œuf à la Suisse.
L’ALE modifiera l’agriculture suisse de manière importante.
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA18
Prix à la baisse, subventions à la hausseLe Conseil fédéral estime qu’en dépen-
sant moins pour se nourrir, les consom-
mateurs profiteront de l’accord de libre-
échange. C’est peut-être vrai dans les
faits. Mais pour préserver l’existence et
le moral d’une profession paysanne très
bien organisée sur le plan politique mal-
gré une baisse extrême de ses revenus, les
paiements directs et les subventions de-
vront être augmentés. On parle aussi déjà
de mesures d’accompagnement à hauteur
de milliards de francs visant à rendre in-
téressant l’abandon prématuré des exploi-
tations aux yeux des agriculteurs. Ce que
les accords de libre-échange laisseront
probablement en plus dans les poches des
consommateurs pourra être récupéré en
impôts par l’État. Pour les consommateurs
et les contribuables, les accords de libre-
échange se solderont ainsi par un résultat
nul. Les rares profiteurs seront à chercher
dans les rangs des importateurs et des ex-
portateurs.
Le revers de la médaille des prix bas
dans l’UE sont les scandales réguliers tou-
chant la viande et d’autres denrées alimen-
taires, la présence bien plus importante de
salmonelles dans les élevages de poules
pondeuses et de poulets à l’engraissement
ainsi que la fréquence élevée d’épizoo-
ties: la fièvre aphteuse en Grande-Breta-
gne et aux Pays-Bas en 2001 et la grippe
aviaire aux Pays-Bas et en Italie du Nord
en 2003, qui ont causé des pertes pour 23
milliards de francs! Les traités de libre-
échange pourraient ainsi avoir des effets
négatifs sur notre sécurité et notre qualité
alimentaires.
Ne pas oublier le bien-être des animauxEn plus des raisons relevant plutôt de la
stratégie et de la protection des consom-
mateurs et des animaux, l’inquiétude
quant au bien-être des animaux est le
point responsable du scepticisme impor-
tant avec lequel la PSA aborde les traités
de libre-échange prévus. Rendue publique
en été 2008, une étude de l’OVF compa-
rant le niveau de protection des animaux
en Suisse et dans l’UE remarquait qu’une
reprise des directives de l’UE ne conduirait
pas à une amélioration dans le domaine du
bien-être des animaux mais qu’elle pro-
voquerait plutôt un retour en arrière. Ce
résultat clair était probablement aussi la
raison pour laquelle l’étude a par la suite
été désignée comme papier de travail in-
terne à l’OVF et qu’elle n’a pas été publiée.
La réponse du Conseil fédéral au postulat
«Accord de libre-échange avec l’UE, pro-
tection des animaux et élevage à la ferme»
de la conseillère nationale Maya Graf a
également alerté la PSA, le Conseil fédé-
ral refusant de rédiger un rapport sur les
effets de l’ALE sur la protection des ani-
maux de rente et des élevages à la ferme
en Suisse (pas d’élevages industriels).
La pression se fait plus forte sur les agriculteursLes grands perdants d’un accord de li-
bre-échange agricole avec l’UE seront les
animaux de rente. Pour pouvoir aligner
les coûts au niveau de ceux des élevages
industriels étrangers, les élevages suis-
ses au caractère encore très paysan de-
vront faire la place à des exploitations de
grande taille. Les élevages de petite et de
moyenne taille seront soumis à une pres-
sion économique importante et devront
abandonner leur activité ou opter pour
une production bio, de label ou de ni-
che. Ces possibilités sont toutefois limi-
tées, Coop et Migros étant les seuls dé-
taillants à miser sérieusement et à large
échelle sur les produits d’élevage respec-
tueux des animaux.
Tandis que le parlement rejette de fa-
çon conséquente toutes les motions vi-
sant l’abandon des réglementations sur
les effectifs maximums, le Conseil fédé-
ral essaie régulièrement d’amoindrir la
portée de cette même ordonnance. Aux
yeux des contribuables et des consom-
mateurs, les élevages industriels dans des
étables comptant des milliers de porcs et
des dizaines de milliers de poules sont peu
compatibles avec la stratégie de la qua-
lité pour l’agriculture suisse que défend
le Conseil fédéral. Ils mettent en danger
le bien-être des animaux et leur santé. Du
point de vue de la PSA, il est illogique
de créer des situations paradisiaques pour
quelques animaux réservés à des produc-
tions de niche tandis que la production
principale est déplacée dans des étables
industrielles où le bien-être des animaux
ne peut pas être assuré. L’objectif de la
PSA est clair: en Suisse, tous les animaux
de rente doivent être élevés selon les di-
rectives SST et SRPA et le cheptel d’ani-
maux de rente doit contribuer autant que
possible à alimenter la population suisse
pour maintenir le niveau des importations
aussi bas que possible.
Les lois existantes perdent de leur vigueurBien que la législation suisse sur la pro-
tection des animaux ne contienne que des
mesures et des directives minimales défi-
nissant la limite avec la maltraitance des
animaux et qu’elle ne garantisse pas un
respect optimal des animaux élevés en
Suisse, ces derniers sont mieux protégés
par la loi que leurs congénères européens.
Il existe d’une part des directives concrè-
tes et détaillées pour tous les animaux de
rente en Suisse et, d’autre part, les direc-
tives s’appliquant aux quatre catégories
d’animaux pour lesquels l’UE a elle aussi
édicté des directives (veaux, porcs, pou-
les pondeuses et poules à l’engraissement)
sont plus strictes en Suisse. L’UE ne faisant
preuve d’aucune volonté à combler les la-
cunes de la protection des animaux (p.
Porcs sous la douche. En Su-isse, le bien-être des animaux occupe une place importante.
19Protection SuiSSe deS AnimAux PSA
ex. vaches/bœufs, chèvres, moutons, che-
vaux) ou à renforcer les directives s’ap-
pliquant aux veaux, poules et porcs, les
directives de protection des animaux de
rente suisses devraient se retrouver sous
pression politique si l’accord de libre-
échange est signé. Il ne fait aucun doute
que les organisations agricoles et une par-
tie de l’économie ne tarderont pas à exiger
un traitement identique pour tous.
Marche arrière pour les transports d’animaux Il est probable et même presque certain
que la Suisse se voie en outre contrainte de
lever l’interdiction actuelle de transit des
animaux européens destinés à l’abattoir.
Une extension du commerce d’animaux
d’abattage au-delà des limites actuelles
viendrait en outre s’y greffer. Suivant la
demande, les prix et la charge de travail
dans les abattoirs européens, les animaux
suisses pourraient être exportés pour être
abattus dans l’UE, tandis que des ani-
maux européens pourraient être importés
en Suisse. Unique en son genre dans le
monde, la limitation à 6 heures du temps
de transport définie en Suisse se trouverait
sous pression, l’industrie suisse des trans-
ports étant défavorisée par rapport aux ca-
mionneurs européens. Une augmentation
du commerce et du trafic d’animaux ouvri-
rait la porte aux épizooties, que des pro-
grammes de préventions coûtant des mil-
lions aux contribuables mais pour l’ins-
tant couronnés de succès ont tenu à l’écart
jusqu’à présent. L’îlot sanitaire suisse, tel
qu’il est encore désigné par opposition à
l’UE, appartiendrait au passé.
La fin des programmes SST et SRPA?En comparaison européenne, la Suisse se
place seule ou avec d’autres en tête du clas-
sement des nations respectueuses des ani-
maux pour presque toutes les espèces ani-
males considérées. Si l’on observe toutes
les espèces animales ensemble, la Suisse
est en Europe, et de loin, le pays avec la
part la plus élevée de formes d’élevage
respectueuses des animaux (élevage dans
les champs, avec sorties, en plein air ou
en groupe). Toutefois, en chiffres absolus,
la propagation des élevages SST et SRPA
est encore au-dessous de la moyenne pour
plusieurs catégories d’animaux, en Suisse
également. Dans notre pays, il existe en-
core des millions d’animaux de rente qui
ne peuvent pas s’ébattre régulièrement en
plein air. Il y a donc encore beaucoup à
faire dans ce domaine.
Un traité de libre-échange pourrait
stopper l’évolution vers les élevages SST
et SRPA. L’élevage en plein air avec un
grand nombre d’animaux par exploitation
devient de plus en plus difficile et pose des
problèmes à l’environnement. Par ailleurs,
de nombreux agriculteurs y réfléchiront
à deux fois avant d’investir si l’accord de
libre-échange devient réalité. Au lieu de
faire des efforts vers davantage de qualité,
par exemple en vue d’améliorer le bien-
être des animaux, ils préféreront (ou de-
vront) investir dans des mesures permet-
tant de faire baisser les prix et dans des
exploitations de grande taille.
La qualité a un prixBien entendu, la production de qua-
lité assurant un bien-être important des
animaux est une condition de base per-
mettant aux agriculteurs suisses d’écou-
ler leurs produits onéreux sur le marché.
Mais ici aussi, tout a ses limites. Si les
consommateurs sont prêts à payer davan-
tage, la différence entre produits importés
et labellisés ne doit pas être trop impor-
tante. L’argument du prix prendra de l’im-
portance avec la conclusion d’un accord
de libre-échange à tous les niveaux (agri-
culture, transformation, commerce de dé-
tail, consommateurs) aux dépens de la
qualité. En effet, dans l’urgence – la pres-
sion économique – chacun commence par
défendre ses intérêts. Les consommateurs
feront encore plus attention au prix et la
demande de produits importés augmen-
tera. Les détaillants, en particulier Aldi et
Lidl, qui étaient jusqu’à ce jour presque
obligés de proposer un certain éventail de
produits suisses dans le domaine du fro-
mage, de la viande et des œufs, pourront
miser davantage sur les importations.
Il en va de même du canal gastronomi-
que. Dans sa grande majorité, il est resté
«résistant à la protection des animaux»
et mise avant tout sur le prix plutôt que
sur la qualité. Les projets lancés timide-
ment ces dernières années pour sensibili-
ser le canal gastronomique aux produits
d’origine suisse, à la protection de l’envi-
ronnement et à celle des animaux – qu’il
s’agisse du projet «Goût mieux» du WWF,
des efforts publicitaires de Proviande ou
du projet «Manger avec du cœur» de la
PSA – ne devraient plus avoir aucune
chance d’agir efficacement à large échelle
une fois l’accord de libre-échange signé,
et resteront confinés dans une niche.
Saisir les opportunitésLe fait étant qu’un accord de libre-
échange apportera davantage de fromage,
de viande et d’œufs de l’UE - derrière les-
quels se cachent souvent des élevages
industriels, des transports scandaleux et
des pollutions - la Suisse soutient la mal-
traitance des animaux et les pollueurs à
l’étranger. Il serait plus judicieux de pro-
mouvoir un élevage respectueux des ani-
maux et une agriculture proche de la na-
ture en Suisse.
Pour la PSA, il est clair qu’un éle-
vage respectueux des animaux de rente
et un bien-être important des animaux ne
peuvent être ordonnés. Il faut en premier
lieu des éleveurs motivés, disposant du
savoir-faire et des connaissances néces-
saires et à qui la protection des animaux
tient à cœur dans le cadre de ce qui est
réalisable sur le plan économique. En fin
de compte, même l’agriculteur le plus res-
pectueux des animaux doit pouvoir vivre
de son travail, sans quoi il est condamné
à cesser son activité. Et même le consom-
mateur le plus respectueux des animaux
ne peut pas dépenser sans compter pour se
nourrir. Face à la perspective d’un accord
de libre-échange, le professeur d’écono-
mie Mathias Binswanger pose ainsi juste-
ment la question «quelle quantité de mar-
ché supporte l’agriculteur?» Et y répond
directement: «Le libre-échange ne permet
pas de libérer l’agriculteur mais libère la
Suisse des agriculteurs».
Protection SuiSSe deS AnimAux PSA20Protection Suisse des Animaux PSA · Dornacherstrasse 101 · CH-4008 Bâle
Tél. 061 365 99 99 · Fax 061 365 99 90 · sts@tierschutz.com · www.protection-animaux.com · www.mangeravecducœur.ch
Glossaire et liens
ALE Accord de libre-échange, www.seco.admin.ch
Bio Suisse Fédération des entreprises agricole biologiques
suisses.
Club of Rome Le Club of Rome est une organisation sans
but commercial dont l’objectif est de favoriser l’échange de
points de vue global sur des questions de politique interna-
tionale variées.
CO2 Le dioxyde de carbone, communément appelé gaz car-
bonique, est un composé chimique composé d’un atome de
carbone et de deux atomes d’oxygène. En concentrations im-
portantes, l’oxyde de carbone est toxique et peut conduire à la
mort par asphyxie.
Compassion in World Farming Organisation de protection
des animaux d’élevage dédiée à leur bien-être dont le siège
est en Angleterre. Elle s’oppose essentiellement aux fabriques
d’animaux.
fenaco L’entreprise fenaco fournit aux agriculteurs des moyens
de production, achète leurs produits, les transforme et les com-
mercialise. fenaco exploite par ailleurs les chaînes de com-
merce de détail Volg et Landi.
FiBL Institut de recherche de l’agriculture biologique, fondé en
1973. L’institut occupe une place de leader au niveau mondial
dans le domaine de la recherche sur l’agriculture biologique.
IP-SUISSE Fédération suisse des agriculteurs pratiquant la
production intégrée. IP-SUISSE s’engage pour la production
proche de la nature et saine des denrées alimentaires.
KAGfreiland Une organisation d’intérêt général pour le bien-
être des vaches, des porcs, des poules et autres animaux.
LID Service d’information agricole. Organe de presse et d’infor-
mation de l’économie agricole et alimentaire suisse.
Manger avec du cœur Projet de la Protection Suisse des Ani-
maux PSA visant à sensibiliser les consommateurs et la gas-
tronomie dans leur comportement d’achat. www.mangeravec
ducœur.ch
Naturafarm Viande et œufs d’élevage respectueux des ani-
maux, en plein air et en liberté. En vente chez Coop.
Nomade laitier Agriculteur qui ne possède pas de terres lui
permettant de fournir du fourrage à ses animaux.
OVF Office vétérinaire fédéral, www.ovf.admin.ch
PER Prestations écologiques requises. Les PER sont soutenues
par la Confédération par des paiements directs.
PHW Le groupe PHW Lohmann & Co. SA est le plus grand éle-
veur et transformateur de volaille en Allemagne (notamment
«Wiesenhof»).
Protection Suisse des Animaux PSA Organisation de pro-
tection des animaux fondée en 1861 comptant 70 sections dans
tous les cantons et la Principauté du Liechtenstein. La PSA em-
ploie des spécialistes dans divers domaines de la protection des
animaux. Le service de contrôle de la PSA vérifie, sur mandat
de divers labels, le respect des directives de la protection des
animaux et des labels dans plus de 1000 exploitations ainsi que
lors des transports d’animaux et dans les abattoirs
Proviande Organisation de la branche de l’économie des pro-
ducteurs de viande suisses. La marque enregistrée «Viande
Suisse» est un produit de Proviande.
SRPA Sorties régulières en plein air. L’ordonnance sur une sor-
tie régulière en plein air des animaux de rente règle l’accès des
animaux aux champs pendant la période de végétation et du-
rant les mois d’hiver. L’élevage des animaux selon le système
SRPA est soutenu par des paiements directs.
SST Systèmes de stabulation particulièrement respectueux des
animaux. L’étable doit répondre aux exigences naturelles des
animaux de rente qui y sont détenus. Chaque animal a un ac-
cès permanent à deux zones séparées, p. ex. une zone pour se
nourrir et une pour se reposer. La zone de repos doit être gar-
nie d’une litière adaptée. Les SST sont soutenus par la Confé-
dération par des paiements directs.
TerraSuisse Produits issus de l’agriculture suisse proche de la
nature et respectueuse des animaux. En vente chez Migros.
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