les fonctions majeures du microbiote intestinal

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2S28 Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007

le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

Le microbiote intestinal exerce de nombreuses fonctions physiologiques dontles répercussions pour l’hôte sont, pour la plupart, bénéfiques. Parmi lesgrandes fonctions du microbiote, la fermentation des substrats disponibles auniveau du côlon, le rôle de barrière à la colonisation par les micro-organismespathogènes, le développement et la maturation du système immunitaireintestinal et les interactions avec les cellules épithéliales ont des rôles essen-tiels pour le maintien de la santé de l’hôte. Le microbiote intestinal doit ainsiêtre considéré dans son contexte environnemental, incluant l’hôte et l’aliment.Les interrelations entre ces différents constituants assurent l’homéostasie del’écosystème microbien digestif. Toute rupture de l’équilibre entre ces consti-tuants est susceptible de perturber le fonctionnement de l’écosystème etd’être à l’origine de pathologies digestives (fonctionnelles, inflammatoires,infectieuses...).

LES FONCTIONS MAJEURES DU MICROBIOTE INTESTINAL

Le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

Philippe Gérard1, Annick Bernalier-Donadille2

1 Unité d’Écologie et Physiologie du Système Digestif, INRA, Domaine de Vilvert,78352 Jouy-en-Josas cedex.2 Unité de Microbiologie, INRA, CR de Clermont-Ferrand/Theix, 63122 Saint-Genès-Champanelle.

Parmi les facteurs environnementaux susceptibles d’in-fluencer l’équilibre de l’écosystème microbien, la nature etla quantité des substrats disponibles pour la fermentationpar le microbiote intestinal ont un rôle majeur. Les princi-pales sources de carbone et d’énergie du microbiote sontreprésentées par les glucides et les protéines d’origine ali-mentaire (fibres alimentaires), non digérés dans la partiesupérieure du tractus digestif et parvenant au côlon, ainsique par les sécrétions endogènes (mucopolysaccharides,débris cellulaires, enzymes, stérols...). Une grande variétéde substrats est donc disponible pour le microbiotecolique, celle-ci contribuant au maintien de la diversitémicrobienne au sein de l’écosystème. La biotransforma-tion de ces différents substrats par le microbiote coliqueimplique, de plus, l’existence de nombreuses activitésmétaboliques des micro-organismes en présence. Les pro-cessus microbiens de dégradation et de fermentation deces composés génèrent ainsi la production d’une diversitéde métabolites parmi lesquels les acides gras à chaînecourte (AGCC), les gaz ou l’ammoniac. L’ensemble de ces

réactions de fermentation permet aux bactéries d’obtenirl’énergie nécessaire à leur croissance et au maintien deleurs fonctions cellulaires. Ces activités microbiennes sont,de plus, importantes pour l’hôte, puisque les métabolitesformés sont, pour la plupart, absorbés et utilisés dans l’or-ganisme et ont ainsi des répercussions sur la nutrition etla santé.Parallèlement à ces fonctions exercées par le microbiotepar l’intermédiaire de ses activités fermentaires, desétudes comparatives entre des animaux conventionnels etdes animaux dépourvus de microbiote intestinal ont per-mis de mettre en évidence l’influence exercée par celui-cisur la physiologie de l’hôte. Les animaux sans germes pré-sentent ainsi un certain nombre d’anomalies physiolo-giques qui peuvent être corrigées en quelques semainespar l’inoculation d’un microbiote complexe, et parfois,d’une seule espèce bactérienne. Ces études comparativesont montré en premier lieu l’importance de la présence dumicrobiote sur le développement et la maturation du sys-tème immunitaire de l’hôte, au niveau intestinal, mais éga-lement au niveau périphérique. Par ailleurs, l’utilisation deces animaux sans germes dans le cadre d’études combi-nant microbiologie, physiologie et génomique a permis derévéler son implication dans des phénomènes aussi diversque la glycosylation de l’épithélium intestinal, le métabo-lisme des colonocytes, l’angiogenèse ou encore l’obésité.

Les fonctions métaboliques du microbiote intestinal

Métabolisme des glucides

Les glucides complexes composant les fibres alimentaires,principalement rencontrés dans les céréales, les fruits etles légumes, sont majoritairement représentés par l’amidonrésistant aux α-amylases de l’hôte, les polyosides compo-sant la paroi des végétaux (cellulose, hémicelluloses, pec-tines) ainsi que des glucides de réserve, des composésalgaux, des oligosides ou des sucre-alcools non assimiléspar l’organisme. La quantité totale de glucides fermentes-cibles parvenant au côlon varie de 10 g à 60 g par jour enfonction du régime alimentaire [1].

Dégradation des polyosidesL’écosystème colique humain est particulièrement bienadapté à l’utilisation des différents polyosides parvenantdans le côlon. La dégradation anaérobie de ces substratsdans le côlon est un processus complexe impliquant lacontribution de différents groupes microbiens aux activitésmétaboliques complémentaires. Ces micro-organismesvont interagir entre eux pour former une chaîne trophiqueassurant la transformation des macromolécules commeles polyosides, en métabolites fermentaires (acides gras àchaîne courte et gaz, principalement) (fig. 1). Les bactérieshydrolytiques ont un rôle fondamental dans le fonctionne-ment de l’écosystème, puisqu’elles interviennent lors de lapremière étape de la chaîne pour dégrader les polymèresen fragments plus petits (oses, oligosides...), égalementassimilables par les espèces dépourvues d’activité hydroly-tique. La dégradation des différents polymères nécessitel’intervention d’une grande variété d’hydrolases (polysac-charidases, glycosidases...), enzymes non produites parl’hôte, qui permettent à la bactérie d’hydrolyser les polyo-sides et d’utiliser les fragments osidiques libérés commesource de carbone et d’énergie. Les principales espècesbactériennes, pour lesquelles une activité hydrolytique àl’égard des polymères glucidiques a été démontrée, appar-tiennent aux genres Bacteroides, Bifidobacterium,Ruminococcus et Roseburia ainsi qu’à quelques espècesdes genres Enterococcus, Clostridium et Eubacterium.Les activités des différentes hydrolases produites par cesespèces sont principalement mesurées dans la fractionbactérienne associée aux particules alimentaires dans leséchantillons fécaux [2].Une même fonction hydrolytique peut être assurée par desespèces bactériennes phylogénétiquement très éloignées.Ainsi la communauté bactérienne cellulolytique, impliquéedans la dégradation de la cellulose, l’un des constituantsmajeurs de la paroi des végétaux, est composée d’espècesappartenant à des genres variés comme Ruminococcus,Enterococcus ou Bacteroides [3]. La prévalence de cesdifférentes espèces dans la population humaine est toute-fois variable, en particulier en fonction du statut de méthano-production des sujets considérés. À l’opposé, la structurede la communauté microbienne impliquée dans la dégra-dation du xylane, autre polyoside pariétal majeur, est sem-blable chez tous les individus, quel que soit leur statut deméthano-excrétion. Cette communauté xylanolytique estmajoritairement représentée par des espèces des genresBacteroides et Roseburia [4]. À cette diversité taxono-mique des groupes microbiens fibrolytiques est associéeune diversité fonctionnelle, les systèmes hydrolytiques etfermentaires de ces espèces étant différents.

Figure 1.Chaîne trophique de dégradation et de fermentation des polyosides

dans le côlon humain. AGCC : acides gras à chaîne courte.

POLYOSIDES

Flore fibrolytique

Flore fibrolytiqueFlore glycolytique

OSES - OLIGOSIDES

AGCC MAJEURS

ACÉTATE PROPIONATE BUTYRATE

MÉTABOLITES INTERMÉDIAIRES(lactate, formate, succinate...)

GAZ

CO2 H2

MéthanogènesCH4

Sulfato-réducteursH2S

Acétogènes Acétate

La plupart des espèces majeures du côlon humain sontcapables d’utiliser l’amidon comme source d’énergie.Bacteroides est considéré comme le genre amylolytiquedominant, d’autres espèces appartenant aux genresBifidobacterium, Eubacterium, Clostridium et Roseburiaétant également capables de dégrader ce substrat. Lacontribution de ces bactéries à Gram positif à l’hydrolysede ce polymère était considérée comme mineure par rap-port à celle des Bacteroides. Toutefois, de fortes activitésamylase et polygalacturonase différentes de celles expri-mées par Bacteroides, sont retrouvées dans la fractionbactérienne de selles humaines [5].

Fermentation des glucidesMalgré la diversité des glucides disponibles et des espècessusceptibles de les fermenter, les substrats glucidiques sontcatabolisés par le microbiote selon un nombre relative-ment restreint de voies métaboliques. La majorité desespèces utilise la glycolyse pour convertir les glucides enpyruvate. Le pyruvate, métabolite central de ces proces-sus fermentaires, est ensuite transformé selon différentesvoies métaboliques en produits terminaux de fermenta-tion, constituant les accepteurs finaux d’électrons (acétate,propionate et butyrate) (fig. 1). Toutefois, un certainnombre d’espèces produisent également des métabolitesintermédiaires comme le succinate, le lactate, l’éthanol, leformate, qui ne s’accumulent pas dans l’écosystème, maissont métabolisés par d’autres espèces bactériennes enproduits finaux (fig. 1). La synthèse de composés inter-médiaires contribue donc au maintien de la diversitémicrobienne dans le côlon. Les AGCC majeurs produits(acétate, propionate et butyrate) sont rapidement absor-bés au niveau de l’épithélium intestinal et sont métabolisésdans différents organes (épithélium colique, foie, muscle,cœur...).

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le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

La plupart des espèces présentes dans le côlon se carac-térisent in vitro par une fermentation de type acide-mixteet produisent donc plusieurs métabolites lors de l’utilisa-tion d’un substrat. L’acétate est synthétisé lors de lafermentation des glucides par la majorité des espècesprédominantes du côlon (Bacteroides, Clostridium, Bifido-bacterium, Ruminococcus, Eubacterium, Fusobacterium...).La voie majeure de biosynthèse de ce métabolite est ladécarboxylation oxydative du pyruvate, qui conduit à lasynthèse d’une molécule d’ATP.Le propionate est principalement synthétisé par lesespèces du genre dominant Bacteroides ainsi que par lesPropionibacterium et Veillonella. Dans le côlon humain,les deux voies possibles de biosynthèse du propionate(voie du succinate et voie de l’acrylate) pourraient exister.Toutefois, la formation du propionate par décarboxylationdu succinate serait la voie majoritairement empruntée, en particulier chez les espèces prédominantes deBacteroides [6].Les espèces productrices de butyrate dans le côlon n’ontété étudiées et identifiées que très récemment [7]. Eneffet, bien que ce métabolite soit majoritairement produitdans le côlon, seules quelques espèces de cet écosystème(appartenant aux genres Clostridium, Eubacterium,Fusobacterium et Butyrivibrio) s’avéraient capables deproduire in vitro du butyrate par fermentation des glu-cides. Pryde et al [7] ont montré que la communautémicrobienne productrice de butyrate se compose d’espècesnouvelles appartenant principalement aux genresEubacterium et Coprococcus ainsi qu’aux genres récemmentidentifiés Roseburia et Faecalibacterium. La voie princi-pale de biosynthèse du butyrate passe par la condensationde deux molécules d’acétyl-S-CoA et s’accompagne de lasynthèse d’une molécule d’ATP.Les espèces produisant majoritairement du lactate parfermentation des oses sont communément appeléesbactéries lactiques. Dans le côlon humain, les bactérieslactiques appartiennent principalement aux genresBifidobacterium et Lactobacillus ainsi que Streptococcuset Enterococcus. La voie de formation du lactate corres-pond à l’oxydation du pyruvate par la lactate déshydrogé-nase. Le lactate produit par fermentation dans le côlon est,pour une large part, réutilisé, in situ, par des espècesutilisatrices de ce composé. Ce groupe fonctionnel, dontla structure a été récemment étudiée [8], métabolise lelactate en propionate ou en butyrate, selon l’espèce et/oules conditions environnementales considérées.

Métabolisme des gaz

L’hydrogène représente l’un des gaz majoritairementformé lors de ces processus fermentaires (fig. 1). En effet,des quantités importantes de H2 sont produites chaquejour dans le côlon [9, 10] (environ 300 ml/g de substratfermenté). Son élimination de l’écosystème est fonda-mentale au maintien de l’efficacité du processus fermen-taire. Il est ainsi en partie excrété par voies pulmonaire etanale, la majeure partie de H2 étant réutilisée in situ parles micro-organismes hydrogénotrophes [11] (fig. 1). Bienqu’intervenant en fin de chaîne trophique, ces micro-organismes hydrogénotrophes jouent un rôle fondamentalen maintenant la pression partielle en hydrogène à unniveau faible (oxydation plus complète des substrats etaugmentation du gain total d’ATP pour le microbiote). Laproduction de méthane par les archaea méthanogènesdans le côlon représente une des voies du métabolisme de

H2. Toutefois, seule une fraction de la population adulte(30 % à 50 %) héberge des méthanogènes. L’aptitude àproduire ou non du méthane a permis de distinguer deuxgroupes de sujets, selon qu’ils excrètent ou non ce gaz(sujets méthano-excréteurs et non-méthano-excréteurs), ledéterminisme de ce statut de méthano-excrétion chezl’homme reste toutefois encore inconnu. L’archaeaméthanogène prédominante chez les sujets méthano-excréteur est Methanobrevibacter smithii [12, 13]. Chezles sujets non-méthano-excréteurs, des voies hydrogéno-trophes alternatives à la méthanogenèse ont été mises enévidence, parmi lesquelles l’acétogenèse réductrice (syn-thèse d’acétate à partir de H2 et CO2). Les espèces acé-togènes hydrogénotrophes appartiennent à divers genresbactériens (Ruminococcus, Clostridium, Streptococcus),cette même fonction étant donc retrouvée chez des taxons(genres bactériens et/ou grands groupes phylogénétiques)très diversifiés [14]. La sulfato-réduction, qui correspond àla réduction du sulfate en H2S, représente également unevoie hydrogénotrophe mise en évidence au sein de l’éco-système colique. La réduction du sulfate par l’H2 conduità la formation de sulfures, composés potentiellementtoxiques pour les cellules eucaryotes [15]. Les espècessulfato-réductrices du côlon humain appartiennent àdifférents genres bactériens, le genre prédominant étantDesulfovibrio [10]. L’activité hydrogénotrophe de cettecommunauté sulfato-réductrice est dépendante de laquantité de sulfate disponible dans l’écosystème, prove-nant soit de substrats alimentaires sulfatés soit de sécré-tions endogènes. La disponibilité en sulfate étant vraisem-blablement différente en fonction du régime alimentaire et des sécrétions de mucus, les micro-organismes sulfato-réducteurs doivent donc être capables de s’adapter à desvariations importantes de concentration en sulfate dansl’écosystème.

Métabolisme des protéines

Le métabolisme des protéines est quantitativement moinsimportant que celui des glucides, en particulier dans lecôlon proximal. En effet, la quantité totale de composésazotés présents dans le côlon est estimée de 6 à 18 g parjour, dont 1 à 2 g proviendrait de l’effluent iléal [9]. Àl’opposé de la fermentation des glucides, la dégradationdes protéines dans le côlon génère de nombreux métabo-lites potentiellement toxiques pour l’hôte (phénols, indoles,ammoniac, amines). Cette biodégradation fait égalementintervenir un nombre important d’interactions bacté-riennes, les espèces impliquées possédant des activitéscomplémentaires (protéases, désaminases, transami-nases...). La fermentation des glucides contribue à diminuerla disponibilité des composés toxiques issus de la protéo-lyse, en stimulant la protéosynthèse bactérienne.

ProtéolyseLes protéines et les peptides étant la principale sourceazotée dans le côlon, les bactéries doivent hydrolyser cespolymères pour disposer des carbones et de l’azote qui lescomposent. La protéolyse est ainsi un processus fonda-mental dans le côlon (fig. 2). Les mécanismes régulant ceprocessus sont encore mal connus [9]. Le pH intra-luminaljoue vraisemblablement un rôle important, les protéasespossédant un pH optimal voisin de la neutralité. Lesfacteurs influençant le pH colique, comme la productiond’acides lors de la fermentation des glucides, sont doncsusceptibles de moduler l’activité protéolytique au sein de

l’écosystème. Ainsi, les enzymes protéolytiques (protéases)bactériennes seraient particulièrement actives dans lapartie distale du côlon où le pH est plus élevé [10].L’hydrolyse des protéines par les protéases conduit à lalibération de peptides plus petits [9]. Un grand nombred’espèces bactériennes coliques possèdent une activitéprotéolytique. Les bactéries protéolytiques prédominantesappartiennent aux genres Bacteroides, Clostridium,Propionibacterium, Fusobacterium, Streptococcus etLactobacillus [9]. Les protéases bactériennes sont soitextra-cellulaires (Clostridium ou Propionibacterium) soitassociées à la cellule (Lactobacillus).

Métabolisme des peptides et des acides aminésLes peptides issus de la protéolyse peuvent être assimiléspar certaines espèces. Ils sont en effet capables de stimulerin vitro la croissance de nombreuses espèces bactériennesintestinales. Leur utilisation s’accompagne fréquemmentde l’excrétion d’acides aminés non nécessaires à la crois-sance de la bactérie. Ces acides aminés libres deviennentalors potentiellement disponibles pour d’autres espècescoliques n’assimilant pas les peptides.Un nombre important d’espèces coliques est capabled’utiliser les acides aminés. Parmi celles-ci, certainesespèces des genres Veillonella, Peptococcus, Fusobacterium,Acidaminococcus, Clostridium et Eubacterium utilisentles acides aminés comme source principale d’énergie, cesbactéries ne fermentant pas les glucides. Toutefois, denombreuses espèces glycolytiques utilisent les acides ami-nés et les peptides uniquement comme source d’azote [9].La fermentation des acides aminés implique une variétéde réactions d’oxydation et de réduction dont les accep-teurs finaux d’électrons sont divers (acides gras insaturés,autres acides aminés, H2...). Parmi ces différentes réactions(désaminations, réaction de Stickland...), la voie réductrice

de désamination des acides aminés, conduisant à laformation d’acides gras à chaîne courte et d’ammoniac,apparaît comme celle majoritairement empruntée par lesespèces coliques [10] (fig. 2). L’acétate, le propionate etle butyrate sont les principaux métabolites produits.Toutefois, une variété d’autres composés sont égalementformés lors du métabolisme des acides aminés comme desphénols, des acides di-carboxyliques et des acides grasramifiés (isobutyrate, 2-méthylbutyrate, isovalérate). Lesacides gras ramifiés constituent des marqueurs de laprotéolyse dans le côlon, puisque ces composés sontexclusivement formés lors du métabolisme des acidesaminés. La concentration de ces métabolites augmentesignificativement du côlon proximal au côlon distal [9].Les composés phénoliques et indoliques sont issus de ladégradation des acides aminés aromatiques (tyrosine,tryptophane et phénylalanine) par certaines espèces deClostridium, Lactobacillus, Bifidobacterium et d’enté-robactéries. Ces métabolites sont absorbés et détoxifiéspar la muqueuse colique, puis excrétés dans les urines.Cependant, une augmentation de la formation des phé-nols et des indoles a été trouvée associée à diverses patho-logies chez l’homme, en particulier dans le cas du cancercolique [10].La désamination des acides aminés dans le côlon repré-sente, de plus, la voie majeure de production de l’ammo-niac (NH3), l’urée ne contribuant que faiblement à cetteproduction [9] (fig. 2). L’ammoniac formé par le micro-biote intestinal est absorbé par la muqueuse colique, trans-porté jusqu’au foie par la veine porte, où il est converti enurée qui est excrétée dans les urines. L’ammoniac repré-sente également la source d’azote préférentielle d’ungrand nombre d’espèces coliques. À l’intérieur de la cellulebactérienne, des amino-transférases permettent la synthèsedes acides aminés nécessaires à la bactérie par transfertde NH3 sur les structures carbonées [10].L’ammoniac est un composé potentiellement toxiquepour l’hôte et pourrait en particulier être impliqué dans lesmécanismes d’initiation du cancer colique. La concentra-tion en ammoniac dans le côlon résulte d’un équilibreentre la désamination des acides aminés par les bactérieset l’utilisation du NH3 libéré par les cellules pour leurs bio-synthèses. La fermentation des glucides, en stimulant laprotéosynthèse bactérienne, contribue, avec l’absorptionpar la muqueuse, à la diminution de la concentration intra-luminale de NH3.

Métabolisme des lipides

Chez l’homme, la quantité de lipides totaux qui parvien-nent dans le côlon en conditions physiologiques a étéévaluée entre 5 et 8 g par jour, ce chiffre pouvant êtreconsidérablement augmenté en situations pathologiques(insuffisance pancréatique, résections intestinales, choles-tase...) [16]. À cela s’ajoutent les lipides bactériens et ceuxprovenant de la desquamation des colonocytes.

Métabolisme des acides grasLes acides gras parvenant dans le côlon subissent demultiples transformations (hydrolyse, oxydation, réduction,hydroxylation...) grâce à l’action de bactéries du micro-biote intestinal. De nombreuses espèces bactériennespossèdent ainsi des lipases permettant d’hydrolyser lestriglycérides à chaînes longues [17]. Par ailleurs, les acidesgras insaturés à 18 carbones sont réduits (ou bio-hydro-

Figure 2.Métabolisme microbien des protéines dans le côlon humain.

Relation entre protéolyse et protéosynthèse bactérienne.

PROTÉINES

PEPTIDES

NH3

Protéinesbactériennes

Autres sources de C(glucides...)

CO2H2

Hydrolyse

Hydrolyse

Décarboxylation

ACIDES AMINÉS

AMINESPOLYAMINES

Phénols

Urée

Désamination

CO2

AGCCAG ramifiés

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le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

génés) par le microbiote intestinal, tandis que les acidesgras à 20 ou 22 carbones ne seraient pas métabolisés [18].Des acides gras tels que l’acide oléique peuvent, quant àeux, être hydroxylés en acide 10-hydroxy-stéarique, cetacide gras hydroxylé pouvant être impliqué dans les diar-rhées associées aux stéatorrhées. Enfin, de nombreuxmicro-organismes, notamment des bactéries Gram-posi-tives, possèdent des activités phospholipasiques, différantpar la spécificité de leurs substrats et par leurs produitsd’hydrolyse. Certains de ces produits, tels les diglycérideset inositol triphosphates, peuvent pénétrer dans lescellules de l’hôte et agir comme messagers intracellulaires,en particulier au sein de voies de signalisation qui contrôlentl’expression de gènes [19].

Métabolisme des stérols : cholestérol, acides biliaires,hormones stéroïdiennesLe côlon reçoit jusqu’à 1 g par jour de cholestérol dont70 % provient de la bile, 20 % de la fraction de l’alimen-tation non absorbée au niveau de l’intestin grêle et les10 % restants de la desquamation des muqueuses intesti-nales [20]. Dès les années 1930, il a été montré que lemicrobiote intestinal était capable de convertir ce choles-térol en coprostanol (fig. 3), non absorbé par l’intestin etéliminé dans les fèces. Plusieurs études, réalisées dans lesannées 1970, ont montré que ce métabolisme du choles-térol suivait une répartition bimodale au sein de la popu-lation : chez la majorité des individus, plus de 70 % ducholestérol est ainsi métabolisé par le microbiote, alorsque pour une minorité, moins de 20 % du cholestérol esttransformé [21, 22]. Récemment, il a été montré que cetterépartition était directement liée au nombre de bactériescoprostanoligènes présentes dans le tube digestif. Unepopulation minimale de 106/g de contenu digestif est ainsinécessaire pour une conversion partielle du cholestérol,tandis qu’une conversion totale nécessite une populationde bactéries coprostanoligènes supérieure ou égale à108/g [23]. Par ailleurs, si ce métabolisme pourrait limiterl’absorption du cholestérol et donc le risque de maladiescardio-vasculaires, il a également été suggéré que le tauxfécal de coprostanol pourrait être corrélé à la cancérogenèsecolique.

Si ce métabolisme est connu depuis fort longtemps, lesbactéries responsables chez l’homme restent inconnues.Cependant, plusieurs souches bactériennes coprostanoli-gènes, toutes classées dans le genre Eubacterium sur descritères phénotypiques, ont été isolées à partir d’échan-tillons fécaux de rats et de babouins et, plus récemment,à partir de lisier de porc. Cette dernière souche, uncoccobacille anaérobie Gram positif, possédant des pro-priétés physiologiques et morphologiques uniques, a étédéfinie comme une nouvelle espèce nommée Eubacte-rium coprostanoligenes ATCC 51222 [24].Les acides biliaires, synthétisés dans le foie à partir ducholestérol, sont ensuite conjugués à la glycine ou à lataurine. Ils sont absorbés au niveau de l’iléon terminal, puistransportés par la veine porte au foie où ils sont ànouveau excrétés dans la bile (cycle entérohépatique).Environ 5 % des sels biliaires (0,2 à 0,3 g par jour) échap-pent à ce cycle et parviennent au côlon où ils sont méta-bolisés par le microbiote en acides biliaires dits secon-daires par opposition aux acides biliaires primairessynthétisés par le foie [25]. Plus de vingt acides biliairessecondaires ont ainsi été mis en évidence dans les fèceshumaines, démontrant la grande variété de conversionspossibles des acides biliaires par le microbiote intestinal.Ces transformations incluent la déconjugaison, l’oxydationet l’épimérisation de groupements hydroxyles, la 7-déshy-droxylation, la formation de monoesters ou polyesters, ouencore la désulfatation [26]. La déconjugaison est catalyséepar une hydrolase spécifique, rencontrée chez des espècesappartenant aux genres Bacteroides, Bifidobacterium,Fusobacterium, Clostridium, Lactobacillus, Listeria etStreptococcus [27]. L’oxydation de groupements hydro-xyles est, quant à elle, réalisée par des hydroxystéroïdesdéshydrogénases spécifiques des positions C3, C7 ouC12, présentes chez de nombreux genres bactériens, l’ac-tion concertée d’α et β-hydroxystéroïdes déshydrogénasesaboutissant à l’épimérisation de l’acide biliaire [26]. Chezl’homme, les deux principaux acides biliaires secondairessont les acides désoxycholique et lithocholique, produitsde la 7 α-déshydroxylation bactérienne des acides biliairesprimaires, acides cholique et chénodésoxycholique. Lesbactéries intestinales d’origine humaine possédant cetteactivité ont toutes été identifiées comme appartenant augenre Clostridium [25]. Enfin, des espèces appartenantaux genres Bactéroides ou Citrobacter sont capables deformer des polyesters comprenant jusqu’à 22 unités d’aci-de désoxycholique, tandis que des activités sulfatases spé-cifiques des acides biliaires ont été détectées chez des bac-téries du genre Clostridium [27].Les hormones stéroïdiennes qui subissent le cycle entéro-hépatique sont conjuguées au niveau du foie à un glucu-ronide ou un sulfate en position C3, C7 ou C21, puisexcrétées dans la bile. Les sécrétions de ces hormonesdans la bile chez l’homme et la femme adultes sont res-pectivement de 13 mg/j et 6 mg/j [27]. Ces hormonesstéroïdiennes sont alors métabolisées par le microbiote auniveau du côlon. La déconjugaison des hormones stéroï-diennes constitue une des réactions majeures réalisées parle microbiote intestinal. Elle est effectuée par l’intermé-diaire de glucuronidases portées surtout par E. coli et desespèces du genre Bacteroides [26] et par des sulfatasesdétectées chez des espèces appartenant aux genresClostridium, Lactobacillus, Eubacterium, Bacteroideset Peptococcus [28]. D’autres conversions d’hormonesstéroïdiennes, telles que la 21-déshydroxylation, le clivagede la chaîne latérale, la saturation de doubles liaisons,

Figure 3.Structures chimiques du cholestérol et du coprostanol.

HOCholestérol

HOH Coprostanol

l’oxydation et l’épimérisation de groupements hydroxyles,sont réalisées essentiellement par des bactéries Gram-positives du microbiote colique [27].

Influence du microbiote intestinal sur la physiologie de l’hôte : les leçons de la vie sans germes

Le microbiote intestinal constitue une défense naturellevis-à-vis du monde extérieur et exerce de nombreux effetsstructuraux et métaboliques sur l’épithélium colique aveclequel il est en contact, mais également sur de nombreuxautres paramètres de la physiologie de l’hôte. Une grandepartie de ces effets a pu être mise en évidence grâce àl’observation d’animaux dépourvus de microbiote intesti-nal (ces animaux sont alors dits axéniques). Des élevagesd’animaux axéniques existent depuis plus d’un demi-siècleet nécessitent des enceintes stériles appelées isolateurs.L’élevage débute par la collecte et l’introduction dans cesisolateurs d’utérus de femelles gravides. La descendance,axénique, peut ensuite être élevée en isolateurs surplusieurs générations. Ces conditions d’élevage, en atmo-sphère stérile, permettent également d’inoculer, dans letube digestif de ces animaux, une seule espèce bactérienne(les animaux sont dits monoxéniques), le microbiote totald’animaux conventionnels (ils sont dits conventionnalisés)ou encore un microbiote d’origine humaine.Ce modèle d’étude a ainsi permis de montrer l’influenceexercée par le microbiote intestinal sur la physiologie del’hôte, en particulier le développement du système immu-nitaire, et a également permis de mettre en évidencecertains mécanismes de la relation bactéries-hôte quiseront décrits par la suite.

Microbiote intestinal et maturation du système immunitaire

Le système immunitaire intestinal, dont les fonctionspeuvent sembler contradictoires, joue un rôle très impor-tant dans la physiologie des mammifères. Il doit d’aborddévelopper des réponses protectrices cellulaire et humo-rale envers les virus, bactéries ou parasites entéropatho-gènes [29]. La réponse humorale est réalisée essentielle-ment grâce à la sécrétion d’anticorps spécifiques desmuqueuses, les IgA, bloquant l’adhésion de bactériespathogènes, la multiplication virale dans l’entérocyte etneutralisant les entérotoxines. La réponse cellulaire, quantà elle, fait appel aux lymphocytes intra-épithéliaux quipermettent de maintenir l’intégrité de l’épithélium intesti-nal. Parallèlement à cette fonction protectrice, le systèmeimmunitaire intestinal doit également empêcher l’induc-tion de réponses immunes envers les composants desaliments et des bactéries commensales présentes dans letube digestif. Ce phénomène est nommé la toléranceorale [29].Des études comparatives entre des souris axéniques etleurs homologues élevés classiquement en animalerie ontdémontré le rôle essentiel joué par le microbiote dans ledéveloppement et la maturation du système immunitaireet donc sur ses fonctions. Les animaux axéniques présen-tent en effet de nombreuses anomalies au niveau dusystème immunitaire intestinal : hypoplasie des plaques dePeyer, nombre de lymphocytes intraépithéliaux réduits,concentration d’immunoglobulines sériques et productionde cytokines limitées. Les anomalies observées ne se limi-

tent cependant pas à l’épithélium intestinal, puisque la rateet les ganglions lymphatiques des animaux axéniques sontnon structurés et présentent des zones lymphocytairesatrophiées [30]. L’ensemble de ces anomalies peut êtreréparé en quelques semaines en inoculant un microbiotede souris conventionnelle à ces souris axéniques. Certainsdes mécanismes mis en jeu ont été établis et il a parexemple été montré que le polysaccharide A de bacte-roides fragilis était capable, à lui seul, d’induire la matu-ration du système immunitaire de souris axéniques [31].La stimulation permanente du système immunitaire par lemicrobiote intestinal est en fait nécessaire non seulementpour son développement et sa maturation, mais égale-ment pour le maintien de l’homéostasie intestinale, de lafonction de barrière de l’épithélium ou encore de l’équi-libre entre réponses pro et anti-inflammatoires.

Microbiote intestinal et physiologie intestinale

Si la maturation du système immunitaire constitue une desinfluences essentielles du microbiote intestinal sur la phy-siologie de l’hôte, d’autres différences ont été mises enévidence entre animaux axéniques et conventionnels : lesanimaux axéniques présentent ainsi une vascularisation del’intestin plus faible, des activités enzymatiques digestivesréduites, ainsi qu’une couche de mucus plus importante,une susceptibilité aux infections augmentée ou encore unbesoin calorique supérieur de 20 à 30 % par rapport àdes animaux conventionnels [32]. De même, le renouvel-lement de l’épithélium colique apparaît ralenti en absencedu microbiote. La vitesse de production de cellules parcrypte est ainsi réduite et peut aboutir à une différence deproduction quotidienne d’environ cinquante cellules, lenombre de cellules par crypte étant diminué d’environ20 % [33]. Des modifications des capacités métaboliquesdes colonocytes ont également été constatées en absencede microbiote : il a par exemple été montré que l’une desvoies d’utilisation du butyrate par les colonocytes étaitréduite, tandis que la capacité à utiliser la glutamine, nutri-ment d’origine vasculaire, était augmentée [34].Dans ces deux cas, l’effet du microbiote passerait par unemodulation de l’expression des deux enzymes clés de cesmétabolismes. Le microbiote est donc capable de modifierl’expression génique des cellules de l’hôte. C’est ce qui aété montré de façon plus globale en comparant, à l’aidede puces à ADN, les profils d’expression génique del’intestin grêle distal de souris axéniques et convention-nelles [35]. Cette étude a ainsi mis en évidence unecentaine de gènes dont l’expression est modulée, positi-vement ou négativement, par la présence du microbiote.Ces gènes sont impliqués dans des fonctions diversesincluant le transport de nutriments (lipides, glucides,fer...), le métabolisme énergétique cellulaire, la fonction debarrière de l’épithélium, la réponse aux hormones, lacomposition de la matrice extracellulaire ou les voies detransduction du signal. L’inoculation de différentesespèces bactériennes chez des souris axéniques a parailleurs montré, avec cette même technique, que lesprofils d’expression génique de la muqueuse intestinalediffèrent en fonction de la bactérie testée [35]. La com-position du microbiote joue donc un rôle dans le type deréponses de l’intestin vis-à-vis des bactéries résidentes.Une autre étude, menée à l’aide de souris initialementaxéniques, a permis de mettre en évidence l’importancedu microbiote intestinal dans l’angiogenèse intestinale [36].Les réseaux de vaisseaux sanguins des villosités intesti-

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nales de souris adultes axéniques et conventionnelles ontété comparés, montrant que ce réseau est deux fois moinsdense chez des souris axéniques en raison d’un développe-ment stoppé prématurément chez ces dernières.L’inoculation d’un microbiote intestinal complexe restaureune densité de vaisseaux sanguins normale en seulementdix jours. De plus, l’inoculation de Bacteroides thetaiotao-micron, bactérie commensale du tube digestif, permet àelle seule cette restauration de l’angiogenèse [36]. Cettebactérie est donc capable d’envoyer un signal indispensableà l’hôte pour la maturation de son propre système digestif.La production de glycoconjugués fucosylés dans les enté-rocytes est un marqueur de maturation intestinale aucours du développement : dans la partie distale de l’intes-tin grêle de souris, ces glycoconjugués apparaissent dansles cryptes et villosités entre les 17e et 21e jours de viepostnatale, puis se généralisent à l’ensemble des entéro-cytes iléaux. Chez la souris axénique, les étapes précocesde production de glycoconjugués ne sont pas affectées,mais cette production décroît, puis s’arrête totalement àpartir du 21e jour de vie. Lorsque ces animaux sontconventionnalisés, l’expression de l’α 1,2-fucosyl transfé-rase (enzyme impliquée dans la synthèse de glycoconju-gués fucosylés) est induite au niveau des entérocytesaboutissant à un niveau de fucosylation identique à celuiobservé chez les souris conventionnelles [37]. Commepour l’angiogenèse, l’inoculation de B. thetaiotaomicron(bactérie capable d’utiliser le fucose) permet, à elle seule,de restaurer un phénotype « conventionnel », tandis qued’autres bactéries intestinales testées n’induisent pas cettefucosylation de l’épithélium intestinal [37]. Des étudesgénétiques ont permis de comprendre les mécanismesimpliqués et d’établir un modèle expliquant commentB. thetaiotaomicron induit la production de glycoconju-gués fucosylés par les entérocytes de l’hôte [38, 39]. Cemodèle fait intervenir une protéine, FucR, qui coordonneà la fois les enzymes du métabolisme du fucose chezB. thetaiotaomicron et la molécule signal envoyée àl’hôte pour la production de glycoconjugués. Ainsi, enabsence de fucose, FucR réprime la synthèse des enzymesdu métabolisme du fucose et stimule celle de la moléculesignal. À l’inverse, en présence de fucose, les enzymesnécessaires à son métabolisme sont synthétisées, tandisque l’expression de la molécule signal est réprimée [38].Ainsi, en fonction de la disponibilité en fucose et de sesbesoins énergétiques, B. thetaiotaomicron est capable decontrôler la synthèse de ces glycoconjugués par les enté-rocytes de l’hôte. La nature de la molécule signal, l’exis-tence de récepteurs spécifiques au niveau de l’épithélium,les voies de transduction du signal ou encore la nature desgènes cibles restent toutefois à définir.

Nouvelles voies de recherche : implication du microbiote intestinal dans l’obésité ?

En 1983, Wostmann et al avaient observé que des rongeursaxéniques avaient besoin de 30 % de calories supplémen-taires pour maintenir leur masse corporelle par rapport àdes animaux conventionnels [40]. Les mécanismes per-mettant d’expliquer cette observation restèrent inconnusjusqu’à des travaux récents menés par l’équipe deJ. Gordon suggérant que le microbiote intestinal contribueà l’absorption par l’hôte de glucides et de lipides [41, 42]et régule le stockage des graisses [43]. Il a ainsi été montréque des souris axéniques âgées de huit semaines présen-tent un volume du tissu adipeux réduit par rapport à des

souris conventionnelles. La colonisation de ces sourisaxéniques avec un microbiote intestinal aboutit à une aug-mentation de 60 % de la masse grasse et l’émergenced’une insulinorésistance en deux semaines, malgré uneréduction de la prise alimentaire de 30 %. Les deux méca-nismes mis en jeu ont été révélés par cette étude. D’unepart, le microbiote intestinal augmente l’absorption demonosaccharides et induit ainsi une lipogenèse hépatique.D’autre part, l’inoculation du microbiote intestinal inhibesélectivement la protéine Fiaf (Fasting-induced adipocytefactor), elle-même inhibitrice de la lipoprotéine lipase. Laprésence du microbiote aboutit donc à une activité lipo-protéine lipase plus élevée et ainsi à une augmentation dustockage de triglycérides dans les adipocytes [43]. Parailleurs, il a également été observé que le microbioteintestinal des souris obèses présentait une proportion plusimportante de Firmicutes associée à une plus faible popu-lation de Bacteroides [44]. Ces données récentes suggè-rent ainsi l’existence potentielle d’un lien entre la compo-sition du microbiote intestinal et une pathologie d’importancecroissante : l’obésité.

Conclusion

La grande variété des substrats disponibles dans le côloncontribue largement au maintien de la diversité taxono-mique et fonctionnelle du microbiote intestinal. Les nom-breuses fonctions métaboliques du microbiote génèrent unediversité de métabolites ayant des répercussions bénéfiquesou délétères pour la physiologie et la santé de l’homme. Àces fonctions métaboliques s’ajoute un dialogue permanententre le microbiote et les cellules eucaryotes de l’épithéliumintestinal. L’utilisation de nouveaux outils a permis de com-mencer à appréhender les mécanismes de ce dialogue etdevrait révéler dans le futur de nouvelles fonctions exercéespar le microbiote sur la physiologie de l’hôte.

Résumé

Le microbiote intestinal exerce de nombreuses fonctionsessentielles pour le maintien de la santé de l’hôte. Lesmicro-organismes qui le composent possèdent en parti-culier un potentiel métabolique considérable. Ils sont ainsicapables de convertir une grande variété de substrats(incluant glucides, protéines et lipides), générant unediversité de métabolites dont la plupart ont des effetsbénéfiques sur la santé de l’hôte. Des études comparativesentre des animaux conventionnels et des animaux dépour-vus de microbiote intestinal ont, de plus, permis de mettreen évidence l’influence exercée par ces micro-organismessur la physiologie de l’hôte. Leur rôle a ainsi été établidans le développement et la maturation du système immu-nitaire, le métabolisme des colonocytes, l’angiogenèseintestinale ou encore le développement du tissu adipeux.

Mots-clés : Microbiote intestinal – Substrats fermentescibles– Métabolisme – Animaux sans germes – Physiologieintestinale – Système immunitaire – Obésité.

Abstract

Gut microbiota performs various functions which are essen-tial for maintaining the host’s health. In particular, intestinal

micro-organisms possess a great metabolic potential. Thismicrobial community is indeed able to convert a largevariety of substrates (including sugars, proteins and lipids)leading to the production of a wide range of metabolites.Most of these metabolites have a beneficial effect on thehost’s health. In addition, comparisons between germfreeand conventional animals revealed the influence of the gutmicrobiota on host physiology. In this context, it has beenshown that intestinal microbiota is involved in the devel-opment and maturation of the immune system, themetabolism of the colonocytes, the intestinal angiogenesisor the development of adipose tissue.

Key-words: Gut microbiota – Fermentative substrates– Metabolism – Germfree animals – Intestinal physiol-ogy – Immune system – Obesity.

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