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LA RESTITUTION DES PRESTATIONS EN DROIT
QUBCOIS : FONDEMENTS ET RGIME
THSE
PASCAL FRCHETTE
Doctorat en droit
Docteur en droit (LL.D.)
Qubec, Canada
Pascal Frchette, 2017
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LA RESTITUTION DES PRESTATIONS EN DROIT
QUBCOIS : FONDEMENTS ET RGIME
THSE
PASCAL FRCHETTE
Sous la direction de :
Michelle Cumyn, directrice de recherche
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iii
Rsum
La restitution des prestations est un concept mergent en droit civil qubcois. Sa
reconnaissance au Code civil du Qubec suppose une analyse thorique de ses
fondements.
Seule la restitution anormale permet lanalyse dun fait gnrateur justifiant un rgime
unifi de restitution des prestations. Le fait gnrateur suppose le besoin de rtablir une
situation antrieure en raison de linefficacit dun acte juridique imprvue par les
parties. La restitution ne peut tre comprise que par sa vise prospective, ce qui
relativise limportance de la rtroactivit frquemment invoque en ce domaine. Les
effets de la prestation initiale mesurs durant la priode intermdiaire menant la
restitution permettent de dterminer ltendue de lobligation y tant lie.
Le rgime de restitution des prestations a un fondement complexe qui fait cho aux
institutions existantes en droit civil. Les objectifs tant multiples et parfois discordants,
les fondements doivent ncessairement tre le rsultat dun compromis. Dabord,
remettre en tat renvoie lquilibre ncessaire des prestations entre les parties.
Lquilibre vis est le rsultat dune influence quasi-contractuelle qui se mesure laune
de lquit, concept volutif renvoyant la justice corrective. Puis, linfluence de la
responsabilit sur la restitution doit tre admise. Lquilibre ncessaire la restitution
oblige considrer le comportement pertinent. Toutefois, lmergence dun rgime
juridique spcifique la restitution saccompagne dune reconnaissance de sa nature
juridique propre face la responsabilit. Enfin, ces objectifs doivent sintgrer un
principe dintgralit de la restitution, lequel permet notamment la distinction avec la
revendication et le droit de proprit qui en est lobjet. Le jugement en restitution peut
avoir un impact sur ce quil advient du droit de proprit sur un bien. Il ny a rien de
contradictoire ce que le rgime de restitution sattache dabord aux effets matriels de
la prestation initiale et quil puisse, exceptionnellement, intervenir sur les effets
juridiques y tant lis lorsque cela est justifi.
Dans la mise en uvre de ces fondements, lobligation de restituer renvoie une
opration en deux tapes : (1) sassurer de lintgralit de la restitution par une analyse
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iv
intrinsque la prestation vise, puis (2) sassurer de lquilibre entre les parties en
fonction du rsultat net de lopration de restitution, mettant en cause des lments qui
dpassent la seule prestation.
Lintgralit de la restitution est dabord recherche par lanalyse des prestations. Le
respect du principe dintgralit est compatible avec la restitution en nature et par
quivalent. La restitution en nature doit tre favorise moins quelle ne soit impossible
ou quelle natteigne lquilibre entre les parties. La restitution complmentaire se
justifie par la volont dempcher un enrichissement injustifi. Il faut alors minimiser
limpact de la restitution sur la partie de bonne foi.
Puis, sloignant de lopration mcanique dcoulant de lapplication du principe
dintgralit, la restitution prend en considration des intrts qui dpassent lvaluation
des seules prestations. Limputabilit du restituant lui impose une obligation plus
onreuse, la protection lie la bonne foi ne trouvant plus application. Limmoralit ou
lillicit du contrat peut permettre au tribunal de refuser la restitution et de faire
exception lintgralit. Finalement, le pouvoir discrtionnaire du tribunal en cas
davantage indu est linnovation au Code civil du Qubec qui donne au rgime de
restitution la flexibilit dont il a besoin, notamment pour viter que lintgralit
nentrane un rsultat injuste pour lune ou lautre des parties. Le recours ce pouvoir
nest toutefois quexceptionnel. dfaut, le rgime est condamn au manque de
cohsion qui la longtemps marqu.
La restitution ne peut tre vue comme une simple mcanique suivant un modle
purement objectif danalyse des prestations. La subjectivit est bien prsente, puisque ce
rgime tient compte du comportement du restituant et accorde un pouvoir discrtionnaire
au tribunal en cas davantage indu. Il faut reconnatre que les modles objectif et
subjectif de restitution samalgament et se traduisent par un rgime juridique qui les
intgre.
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Table des matires
Rsum .............................................................................................................................. iii Table des matires ............................................................................................................. v Remerciements ................................................................................................................. xii
Introduction ........................................................................................................................ 1 PARTIE I Les fondements de la restitution .................................................................. 23
Chapitre prliminaire : Un aperu historique et compar de la restitution .................. 25 Section 1 Le droit romain ..................................................................................... 26 Section 2 Les droits franais et qubcois ............................................................ 30
Section 3 Le droit de tradition anglaise ................................................................ 35 Conclusion du chapitre prliminaire ........................................................................ 38
Titre 1 La restitution, composante de la sanction ......................................................... 40
Chapitre 1 Les causes de la restitution ...................................................................... 43 Section 1 La restitution normale : facteur de dispersion ...................................... 44
A) Les prestations issues de la restitution normale .............................................. 45
a) La restitution normale dans le contrat : mise en uvre dune prestation
contractuelle ..................................................................................................... 45 b) La restitution normale en droit des biens comme application des effets du
droit de proprit .............................................................................................. 49 B) La difficult dunifier les obligations de restitution normale ......................... 51
Section 2 La restitution anormale : facteur dunit ............................................... 53 A) Les prestations issues de la restitution anormale ......................................... 53
a) La restitution contractuelle anormale ...................................................... 54
b) Les autres cas de restitution anormale ..................................................... 56 B) Lopportunit dun rgime unifi ................................................................ 57
a) La correction des effets dune prestation initiale ..................................... 57 b) Le cas particulier de la clause contractuelle entranant la rsolution ...... 60
Conclusion du chapitre 1 ......................................................................................... 62 Chapitre 2 Leffet associ la restitution ................................................................. 65
Section 1 La rtroactivit et ses limites ................................................................ 66 A) Les difficults conceptuelles de la rtroactivit ............................................. 66
a) La reconnaissance rcente de la rtroactivit .............................................. 67 b) La fiction juridique issue de la rtroactivit ................................................ 70
B) Les difficults fonctionnelles de la rtroactivit ............................................. 74 a) La survie de certaines clauses en matire contractuelle .............................. 75 b) La rtroactivit et le contrat excution successive ................................ 76 c) La rtroactivit inopposable aux tiers ...................................................... 77
d) La rtroactivit et le rapprochement dun tat initial ............................... 78 Section 2 Le caractre prospectif de la restitution ................................................ 79
A) Un rgime de restitution sans rtroactivit ..................................................... 79
B) La neutralisation de leffet matriel pour lavenir .......................................... 85 a) La restitution tributaire dun effet matriel ................................................. 85 b) Une apprciation renouvele de la restitution et de la rtroactivit ............ 87
Conclusion du chapitre 2 ......................................................................................... 91 Conclusion du titre 1 ................................................................................................ 92
Titre 2 La restitution, garantie dquilibre ................................................................... 95
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Chapitre 1 Linfluence du quasi-contrat ................................................................... 96
Section 1 Les liens entre les quasi-contrats et la restitution ............................... 100
A) La rception de lindu ................................................................................... 101 a) Le rapprochement en droit franais ........................................................... 102 b) Une critique du rapprochement ................................................................. 105
B) Lenrichissement injustifi ........................................................................... 107 a) Ladoption en droit franais et en droit de tradition anglaise .................... 110
b) Une critique de ladoption ......................................................................... 112 Section 2 Les liens entre lquit et la restitution ............................................... 116
A) Lquit : outil de justice .............................................................................. 117 a) Un survol historique de lquit ................................................................ 117 b) Les principes de justice sous-jacents lquit ......................................... 121
c) Les manifestations de lquit ................................................................... 123
B) Lquit dans la restitution ........................................................................... 126
a) Linfluence de lquit dans le rgime juridique ....................................... 126 b) Le recours excessif lquit : difficult en droit qubcois .................... 128
Conclusion du chapitre 1 ....................................................................................... 131 Chapitre 2 Linfluence de la responsabilit ............................................................ 133
Section 1 Linteraction de la restitution et de la responsabilit .......................... 134 A) Lautonomie justifiable de la restitution et de la responsabilit ................... 134
a) Les principales distinctions justifiant des rgimes juridiques autonomes . 135 i) Les distinctions thoriques ................................................................ 137 ii) Des diffrences quant lexcution .................................................. 139
b) Leffet indirect de la responsabilit ........................................................... 140 B) La coexistence de la restitution et de la responsabilit ................................. 143
a) Le cumul des recours ................................................................................. 143
b) Le cas particulier de la rduction de lobligation corrlative .................... 148
Section 2 Les cas rvlateurs de la frontire entre restitution et responsabilit . 151 A) La restitution des profits issus dune faute lucrative .............................. 151
a) Ladmission rcente du recours en droit civil ............................................ 152
b) Le difficile rapprochement entre le recours et la restitution de droit civil 156 B) La restitution du prix de vente par le notaire instrumentant ......................... 159
a) La reconnaissance de la distinction en droit franais ................................ 160 b) Loubli momentan dune distinction au Qubec ..................................... 162
Conclusion du chapitre 2 ....................................................................................... 167 Chapitre 3 La coexistence de la restitution et du droit de proprit ....................... 170
Section 1 La revendication distincte de la remise en tat ................................... 171
A) Les intrts protgs par la revendication .................................................... 173
a) La protection dun droit rel ...................................................................... 173
b) La protection dun droit personnel ............................................................ 178 B) Labsence dintgralit lie au recours en revendication .............................. 180
a) Les mesures prventives ............................................................................ 180 b) La responsabilit comme sanction complmentaire .................................. 183
Section 2 La restitution au service de la remise en tat ...................................... 186
A) Lobjet du recours en restitution anormale ................................................... 186 a) La remise en tat lie la rptition dune prestation ............................... 186
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b) La remise en tat lie au transfert dun droit de proprit : lobligation de
donner et la restitution ................................................................................... 191
i) Lobligation de donner en droit qubcois ............................................. 191 ii) Le transfert de proprit suivant le fait gnrateur ............................... 194
B) Lintgralit accomplie par laction en restitution ........................................ 198 a) La remise en tat complte opre par la restitution ................................. 198 b) La remise en tat en fonction de lquilibre recherch .............................. 199
Section 3 Les consquences de la distinction entre restitution et revendication 205 A) Les consquences de la mise en cause dun droit rel .................................. 205
a) Le cas de laction en revendication et en restitution normale.................... 205 b) Le cas de laction en restitution anormale ................................................. 208
B) Les consquences lies la thorie des risques ............................................ 211
a) Le cas de laction en revendication et en restitution normale.................... 212
b) Le cas de la restitution anormale ............................................................... 212
Conclusion du chapitre 3 ....................................................................................... 215 Conclusion du titre 2 .............................................................................................. 217 Conclusion de la partie I ........................................................................................ 218
PARTIE II : Le rgime juridique de la restitution des prestations ................................ 221
Titre 1 : Les considrations inhrentes la prestation ................................................... 223 Chapitre 1 : La restitution du principal ...................................................................... 225
Section 1 : La restitution en nature ........................................................................ 225 A) La restitution lidentique ......................................................................... 227
a) Les prestations susceptibles de restitution en nature ................................. 227
i) La ncessit du transfert dun droit ................................................... 228 ii) Lexigence de la matrialit .............................................................. 230
b) Limposition lgislative de la restitution en nature ................................... 232
B) La restitution en genre ............................................................................... 232
a) Les biens fongibles .................................................................................... 233 i) Les modalits de restitution des biens fongibles ............................... 233 ii) Le cas spcifique de largent ............................................................. 235
b) Le remplacement du bien .......................................................................... 237 Section 2 : La restitution par quivalent ................................................................ 240
A) Limpossibilit ou la difficult restituer en nature .................................. 244 a) En raison de lobjet de la prestation .......................................................... 246
i) La prestation purement personnelle................................................... 247 ii) Le cas du contrat excution successive .......................................... 250
b) En raison du passage du temps .................................................................. 254
i) La perte de dtention dun bien ......................................................... 254
ii) Labsence dutilit de la restitution en nature ................................... 255
B) Le calcul de lquivalence ......................................................................... 261 a) Le moment de lvaluation ........................................................................ 262 b) La preuve ncessaire lvaluation de la prestation ................................. 265
i) Lvaluation de la prestation lie un droit rel ............................... 266 ii) Lvaluation de la prestation purement personnelle .......................... 268
Conclusion du chapitre 1 ....................................................................................... 270 Chapitre 2 : La restitution complmentaire ............................................................... 272
Section 1 : La jouissance de la prestation lie un bien ........................................ 274
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A) Les fruits et revenus ................................................................................... 275
a) Le droit du restituant de conserver les fruits et revenus ............................ 276
i) Les solutions avances en droit qubcois et franais ....................... 277 ii) Lexception justifiable au principe dintgralit ............................... 279
b) Les limites au droit de conserver les fruits et revenus ............................... 280 i) Les fruits et revenus produits compter de la demeure et de la connaissance des circonstances lorigine du fait gnrateur ................... 280
ii) Les fruits et revenus limits par les efforts du restituant ................... 282 c) Le mode de calcul ...................................................................................... 283
i) Les fruits et revenus........................................................................... 284 ii) Les intrts......................................................................................... 285
B) Les autres formes de jouissance ................................................................ 288
a) Le droit du restituant de jouir du bien ....................................................... 288
i) Lambivalence en droit franais ........................................................ 289
ii) Le choix qubcois ............................................................................ 290 b) Les limites du droit du restituant de jouir dun bien ................................. 292
i) La jouissance compter de la demeure ou de la connaissance des circonstances lorigine du fait gnrateur ............................................... 293
ii) La prestation ayant pour objet la jouissance dun bien ..................... 293 iii) La prestation ayant pour objet un bien se dprciant rapidement ..... 294
c) Le mode de calcul ...................................................................................... 297 i) Lusage et lusure ................................................................................... 297 ii) La valeur de location ....................................................................... 298
Section 2 : La variation de valeur .......................................................................... 299 A) Les plus-values .......................................................................................... 300
a) La plus-value du fait du restituant ............................................................. 301
i) Les impenses immobilires ............................................................... 302
ii) Les impenses mobilires.................................................................... 305 b) La plus-value sans le fait du restituant ...................................................... 306
B) Les moins-values ....................................................................................... 307
a) Les moins-values du fait imputable au restituant ...................................... 309 i) Lusage normal et son impact sur la valeur conomique du bien ..... 310
ii) Lusage anormal ................................................................................ 313 b) Les moins-values sans le fait du restituant ................................................ 316
i) La perte par vtust ou par motif purement conomique .................. 316 ii) La perte partielle par force majeure ................................................... 317
Section 3 : Les frais de restitution ......................................................................... 318
A) Les frais se rapprochant de la responsabilit ............................................. 319
B) Les frais ncessaires la restitution ........................................................... 320
Conclusion du chapitre 2 ....................................................................................... 322 Conclusion du titre 1 .............................................................................................. 324
Titre 2 : Les considrations externes la prestation ...................................................... 325 Chapitre 1 : Le comportement du restituant .............................................................. 326
Section 1 : Limputabilit du restituant ................................................................. 327
A) Limputabilit comme facteur de modulation de lobligation de restituer 328 a) Limputabilit assimile la mauvaise foi et la faute ............................... 329 b) Limputabilit associe au fait gnrateur ................................................. 331
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c) Limputabilit associe la connaissance ................................................. 332
B) Leffet sur lobligation de restituer ........................................................... 336
a) La restitution par quivalent ...................................................................... 336 i) En cas de perte ou dalination ......................................................... 337 ii) En cas de perte par force majeure ...................................................... 338
b) La restitution complmentaire ................................................................... 339 i) Imputabilit de la jouissance ............................................................. 340
ii) Imputabilit pour la variation de valeur ............................................ 342 iii) Imputabilit des frais de restitution ................................................... 345
Section 2 : La disposition par le restituant ............................................................. 345 A) La protection des tiers comme exception au principe dintgralit ........... 346
a) Lapparence comme justification .............................................................. 347
i) La reconnaissance parse dune protection en droit qubcois ......... 348
ii) Lapparence en restitution : larticle 1707 C.c.Q. ............................. 350
b) Les actes protgs ...................................................................................... 354 i) Lalination........................................................................................ 354 ii) Les actes dalination titre onreux ................................................ 356 iii) Les autres actes ............................................................................ 357
c) Lexigence de la bonne foi ........................................................................ 359 i) La connaissance lie au fait gnrateur ............................................. 363
ii) La connaissance issue de la publication dun droit ........................... 366 d) Les consquences sur le tiers non protg ................................................. 370
i) Le lien juridique entre le crancier et les tiers ................................... 370
ii) Lacte dalination titre gratuit en faveur du tiers de bonne foi ..... 373 iii) Le tiers qui nest pas de bonne foi ..................................................... 374
B) Les intrts des parties protgs par des rgimes juridiques particuliers .. 375
Section 3 : Les personnes protges ...................................................................... 378
Conclusion du chapitre 1 ....................................................................................... 382 Chapitre 2 : Lintervention du tribunal ...................................................................... 384
Section 1 : Limmoralit et lillicit ..................................................................... 384
A) Les adages Nemo auditur et In pari causa ................................................. 385 a) Lorigine des adages .................................................................................. 386
i) Le droit romain .................................................................................. 387 ii) De lancien droit franais jusquau Code civil .................................. 388
b) La force obligatoire des adages ................................................................. 389 i) La justification des adages ................................................................. 390 ii) Ladage comme source de droit ........................................................ 393
B) Lapplication contemporaine des adages en matire de restitution ........... 398
a) En France ................................................................................................... 398
i) La cause et lobjet immoral ............................................................... 400 ii) La culpabilit moindre du demandeur ........................................ 401
b) Au Qubec ................................................................................................. 403 i) Une exclusion de principe des adages ............................................... 404 ii) Une porte ouverte aux cas jugs graves ............................................ 406
Section 2 : Linjustice pour les parties ................................................................... 408 A) La flexibilit ncessaire du droit de la restitution ...................................... 409
a) Les difficults rencontres dans llaboration dun rgime ....................... 409
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b) Lexemple particulier de la restitution unilatrale en France .................... 411
B) Lanalyse de la solution qubcoise : un pouvoir discrtionnaire du tribunal
413 a) Lavantage indu ......................................................................................... 415
i) Le gain injustifi ................................................................................ 416 ii) La perte injustifie ............................................................................. 421
b) Ltendue du pouvoir discrtionnaire ........................................................ 426
i) Un pouvoir limit la restitution....................................................... 426 ii) Un pouvoir exceptionnel ................................................................... 429
Conclusion du chapitre 2 ....................................................................................... 432 Conclusion du titre 2 .............................................................................................. 434 Conclusion de la partie II ....................................................................................... 435
Conclusion gnrale ....................................................................................................... 437
Tables bibliographiques ................................................................................................. 446
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ma mre
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Remerciements
Cette tude a notamment t rendue possible grce des bourses de doctorat du Fonds
de recherche du Qubec Socit et culture (FRQSC) et du Conseil de recherches en
sciences humaines (CRSH) ainsi quune bourse daccueil de la Facult de droit de
lUniversit Laval. Quil me soit permis dexprimer ma profonde reconnaissance
lensemble des personnes qui rendent une telle aide disponible.
Merci ma directrice de thse, pour sa patience et ses encouragements constants.
Merci ma famille et mes amis qui mont soutenu inlassablement dans cette aventure.
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Introduction
Selon lusage courant, la restitution consiste rendre quelquun (ce quon lui a pris,
confisqu, vol) 1. En droit civil, il sagit de rendre ce qui a t reu : le retour dun
bien par un locataire, le remboursement dune somme paye en trop, le retour du bien
vendu et impay ou du bien atteint de vices le privant de son utilit, etc. Ces ventualits
renvoient toutes une ide principale, celle dune remise des choses en ltat 2. De
faon plus large, la restitution apparait comme une manifestation dun principe
originellement associ au droit romain : suum cuique tribuere (rendre chacun le sien)3.
Paradoxalement, la restitution en droit civil est la fois commune et incomprise. Elle a
longtemps fait figure de parent pauvre dans le droit des obligations. Il est acquis qu [i]l
nexiste pas, en droit civil, de thorie gnrale de la restitution 4. Le sujet na t
queffleur en droit qubcois. Le lgislateur, les tribunaux et la doctrine nont pas su
laborer un corpus de rgles unifies en la matire, avant larrive du Code civil du
Qubec. Plusieurs raisons expliquent ce dsintrt. Sujet en apparence technique,
longtemps associ une simple opration mathmatique, la restitution ne possde pas (
premire vue) lattrait des grandes questions thoriques lies la remise en tat. Cest
1 Josette RAY-DEBOVE et Alain REY (dir.), Le Petit Robert 2015, Paris, ditions Le Robert, 2014,
p. 2225 (v restituer). Les autres dfinitions du mot renvoient des acceptions lies la premire :
Reconstituer laide de fragments subsistants, de dductions, de documents ; Librer, dgager (ce
qui a t absorb, accumul) . Ainsi, toutes les dfinitions rfrent une ide de reconstruction ou de
retour une situation prexistante. 2 Philippe MALAURIE, Cours de droit civil Droit priv, sciences criminelles Les restitutions en droit
civil, Paris, Les cours de droit, 1974-1975, p. 40. 3 Albert MAYRAND, Dictionnaire de maximes et de locutions latines utilises en droit, 4e d. par M. Mac
AODHA, Cowansville, ditions Yvon Blais, 2007, p. 588-589. En droit romain, on attribue Ulpien
lnumration des grands principes du droit : honeste vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere
(vivre honntement, ne faire de tort personne et rendre chacun ce qui lui appartient) : Ulpien, I.10 1
cit dans Calixte ACCARIAS, Prcis de droit romain, t.1, Paris, Cotillon, 1886, n 1, p. 1 et Mlina
DOUCHY, La notion de quasi-contrat en droit positif franais, Paris, Economica, 1997, n 2, p. 6. Une
autre traduction est leffet que les prceptes du droit sont les suivants : vivre honntement, ne pas lser
autrui, attribuer chacun son d : Jean GAUDEMET, Droit priv romain, 2e d., Paris, Montchrestien,
2000, p. 305, n 1-2. 4 P. MALAURIE, prc., note 2, p. 37. Dautres auteurs plus rcemment doutent mme de la possibilit
dune telle thorie compte tenu de la diversit des restitutions possibles : Marie MALAURIE, Les
restitutions en droit civil, Paris, Cujus, 1991, p. 271; Frdric ROUVIRE, Lvaluation des restitutions
aprs annulation et rsolution de la vente , RTD civ.2009.617, n 1.
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plutt la responsabilit qui est cense incarner cette dernire. Laspect rbarbatif de la
restitution en a dcourag plus dun5. Lopration, simple en apparence, peut revtir une
complexit tonnante6. Il suffit dvoquer pour le moment leffet de la restitution sur les
tiers ou encore la prise en compte de la jouissance dun bien par le restituant. La
difficult de dfinir lopration envisage mne galement lincomprhension. Que
cherche-t-on accomplir par ce procd ? Sil est possible de concevoir la restitution
comme le retour au statu quo ante7, un acte contraire parfait 8, une excution
rebours 9, un contrat lenvers 10, un rtablissement de ltat de fait et de droit
vierge 11 ou la liquidation dune situation 12, ces formules nen rvlent ni la raison
dtre, ni la diversit des effets.
Un domaine dtude rcent
La reconnaissance dun droit de la restitution est un phnomne relativement rcent,
tant dans les systmes de droit civil13 quen droit de tradition anglaise14. Jusqu
rcemment, les diffrents cas de restitution taient tudis sparment. Par exemple, la
5 Voir Alain BNABENT, La rvision du pass entre les parties , RDC 2008.15, p. 15 o lauteur crit
avec ironie : [Q]uiconque a enseign le droit des obligations sait dexprience que la leon sur les
restitutions est sans doute, avec celles sur la dlgation de paiement et linterruption des prescriptions, lun
des moments les plus srs dennui pour lauditoire. Voir aussi : Joanna SCHMIDT-SWALEWSKI,
Les consquences de lannulation dun contrat , J.C.P.1989.I.3397 : [] lesprit cartsien prfre les
raisonnements abstraits, ngligeant parfois la complexit du rel . 6 Jean PINEAU, DANIELLE BURMAN et Serge GAUDET, Thorie des obligations, 4e d., Montral,
Thmis, 2001, n 208, p. 373 : Simple dans son principe, la remise en tat des parties est complexe
dans son application. . Yves-Marie SERINET, Faut-il restituer la jouissance du bien aprs
annulation ou rsolution du contrat de vente , D. 2003.2522, n2 : la jurisprudence [] bute souvent
sur la mise en pratique du concept . 7 Jacques GHESTIN, Grgoire LOISEAU et Yves-Marie SERINET, La formation du contrat, t. 2
Lobjet et la cause Les nullits , coll. Trait de droit civil , Paris, LGDJ, 2013, n 2881 et s.,
p. 1535 et s. 8 Grard CORNU dans la prface la thse de M. MALAURIE, prc., note 4, p. 9. 9 Louis JOSSERAND, Cours de droit positif franais, t. 2 Thorie gnrale des obligations Les
principaux contrats du droit civil, les srets , 3e d., Paris, Sirey, 1939, n 379, p. 209. 10 Philippe MALAURIE, Laurent AYNS et Philippe STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 4e d., Paris,
Defrnois, 2009, n 723, p. 355. 11 J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, prc., note 7, n 2885, p. 1541. 12 Marie-lisabeth ANDR, Marie-Pierre DUMONT et Philippe GRIGNON, Laprs-contrat, ditions
Francis Lefebvre, 2005, n 63 et s., p. 64 et s. 13 En France : P. MALAURIE, prc., note 2, p. 37; J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, prc.,
note 7, n 2885 et s., p. 1541 et s. 14 Voir par exemple les autorits rpertories dans Thomas KREBS, Restitution at the crossroads : a
comparative study, London, Cavendish Publishing Limited, 2001, p. 1-2 (tude comparant principalement
les droits allemand et anglais).
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restitution faisant suite la rception de lindu ntait pas analyse de concert avec la
restitution rsultant de lanantissement du contrat. Divers rapprochements pouvaient
avoir lieu, sans toutefois que lunit du phnomne ne soit mis en lumire.
En matire de restitution, le Code civil du Bas Canada incluait certaines rgles parses
et limites dans des domaines prcis, notamment certaines dispositions rgissant la
rception de lindu et la vente15. La plupart des rgles alors appliques sinspiraient du
droit franais, compte tenu de la grande ressemblance entre le Code civil du Bas Canada
et le Code civil franais. Il faut attendre ladoption du Code civil du Qubec en 1991
pour que la restitution soit lobjet dun rgime juridique unifiant divers cas. Les
nouvelles rgles ont pour but avou d organiser en un tout cohrent le rgime de
restitution des prestations ou de remise en tat propre plusieurs situations 16. Le droit
civil qubcois dfinit la restitution des prestations larticle 1699 du Code civil du
Qubec en dcrivant les circonstances dans lesquelles elle a lieu, cest--dire chaque
fois quune personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre une autre des biens quelle
a reu sans droit ou par erreur, ou encore en vertu dun acte juridique qui est
subsquemment ananti de faon rtroactive ou dont les obligations deviennent
impossibles excuter en raison dune force majeure .
Le Code consacre dornavant un chapitre la restitution des prestations (articles 1699
1707 C.c.Q.). Ces dispositions traitent des modalits lies aux modes de restitution, en
nature ou par quivalent, au sort des alinations ou pertes totales, des pertes partielles
telles les dtriorations ou dprciations de valeur, des indemnits de remplacement,
des impenses, des fruits, revenus et indemnits de jouissance, ainsi que des frais de la
restitution et du rgime dexception applicables aux personnes protges. 17 Les rgles
traitent galement des effets de la restitution lgard des tiers. Un pouvoir
15 titre dexemple, comparer les articles 1049 et 1540 C.c.B.C. qui traitent de la restitution des revenus
en cas de rception de lindu et de vente. Sur les implications de cette dispersion, voir Maurice
TANCELIN, Des obligations en droit mixte du Qubec, 7e d., Montral, Wilson Lafleur, 2009, n 555,
p. 391. 16 MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUBEC, Commentaires du ministre de la Justice, Le Code civil
du Qubec. Un mouvement de socit, tome I, Qubec, Publications du Qubec, 1993, p. 1056. 17 Id., p. 1055.
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discrtionnaire est finalement attribu au tribunal afin quil puisse droger aux rgles
habituelles en cas davantage indu.
Ce mouvement nest toutefois pas limit au droit qubcois. Jusquen 2016, le droit
franais ne connaissait aucune lgislation gnrale sur le sujet. Le droit de la restitution
tait principalement jurisprudentiel, bti au cas par cas, ce qui a pu donner lieu
diverses contradictions18. Toutefois, un premier projet de rforme du droit franais des
obligations a propos des rgles de la restitution applicables aux cas dannulation et de
rsolution du contrat19. Puis, dans la rforme finalement adopte en 2016, le lgislateur
franais met en place des rgles communes la restitution en matire contractuelle et
la rception de lindu20. Il faut donc souligner lvolution parallle des droits qubcois
et franais vers une unification du rgime juridique de la restitution.
Il a galement t reconnu quun droit unifi de la restitution pouvait tre construit en
droit de tradition anglaise. Les travaux du professeur Peter Birks sur lenrichissement
injustifi21 la fin des annes 1980 ont suscit un intrt soutenu de la doctrine pour ce
sujet. Le professeur Birks et dautres chercheurs ont alors tent de runir les diffrents
cas o les tribunaux donnent suite une demande dordonnance de restitution. Cette
approche a t critique, tant en Grande-Bretagne22 quaux tats-Unis23. tout
vnement, mme dans les juridictions o un concept gnral de restitution est admis, il
18 Par exemple relativement lindemnit de jouissance : Guillaume KESSLER, Restitution et indemnit
de jouissance , JCP G 2004.I.154. 19 MINISTRE DE LA JUSTICE, Projet de rforme du droit des contrats (Mai 2009), art. 91 97, en
ligne < http://droit.wester.ouisse.free.fr/textes/TD_contrats/projet_contrats_mai_2009.pdf > (site consult
le 20 juin 2010). Le document lorigine de ce projet (souvent appel Avant-projet Catala) : Avant-projet
de rforme du droit des obligations et du droit de la prescription, Rapport M. Pascal Clment, Garde des
sceaux, Ministre de la Justice, 22 septembre 2005 publi sous Pierre CATALA (dir.), Avant-projet de
rforme du droit des obligations et de la prescription, Ministre de la Justice, Paris, La documentation
franaise, 2006, art. 1161 1164-7. 20 Ordonnance n 2016-131 du 10 fvrier 2016 portant rforme du droit des contrats, du rgime gnral et
de la preuve des obligations, art. 1352 et s., en ligne <
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032004939&categorieLien=id >
(site consult le 20 octobre 2016). 21 Peter BIRKS, An Introduction to the Law of Restitution, Oxford, Clarendon Press, 1990. 22 A tout le moins, lensemble de la thorie labore par le professeur Birks ne fait pas lunanimit:
Andrew BURROWS, Absence of Basis: The New Birksian Scheme dans Andrew BURROWS et R.
EARLSFERRY (dir.), Mapping the Law: Essays in Memory of Peter Birks, Oxford, New York, 2006,
p. 33. 23 Chaim SAIMAN, Restitution in America: Why the U.S. Refuses to Join the Restitution Party (2008)
28 Oxford Journal of Legal Studies 99.
http://droit.wester.ouisse.free.fr/textes/TD_contrats/projet_contrats_mai_2009.pdfhttps://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032004939&categorieLien=id
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est encore difficile de parler de principes gnraux gouvernant toutes les situations.
Auteurs et juges sont toujours numrer les situations prcises dans lesquelles il y a
restitution24.
Ces quelques commentaires font bien ressortir en quoi le droit civil qubcois est un
objet dtude privilgi en matire de restitution. Le lgislateur ayant procd
lunification de situations diverses qui appellent la restitution, il appartient la doctrine
de leur trouver, dans la mesure du possible, un fondement commun. Ainsi, nous pouvons
dresser un premier constat : il existe une volont lgislative, au Qubec, de renforcer la
cohrence du droit de la restitution, alors que cette mme tendance est perceptible dans
la lgislation, la jurisprudence et la doctrine de plusieurs pays.
Une littrature peu abondante
Lentre en vigueur du Code civil du Qubec fournit le contexte idal pour sinterroger
sur les fondements et le rgime de la restitution. Pourtant, au Qubec, les chercheurs sy
sont peu intresss jusqu prsent. Aucune tude denvergure na t entreprise sur le
sujet, ce qui peut surprendre, compte tenu de lampleur du domaine dapplication des
dispositions pertinentes. Lessentiel des dveloppements se retrouvent lintrieur des
traits gnraux sur les obligations, o les auteurs exposent la mcanique de la
restitution en nature et par quivalent. Les auteurs relvent une tendance qui se confirme
la lecture de la jurisprudence : celle des tribunaux user frquemment du pouvoir
discrtionnaire de larticle 1699 al. 2 C.c.Q. afin de mettre de ct les rgles pour des
motifs dquit25; or, les auteurs ne se questionnent pas sur les raisons motivant
rellement ce choix26. Ce pouvoir discrtionnaire, agissant comme inhibiteur, a fait en
24 Voir laveu candide dans la prface de : Robert GOFF et Gareth JONES, The Law of Restitution, 7e d.
par Gareth JONES, Londres, Sweet & Maxwell, 2007, p. v. 25 Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e d. par Pierre-Gabriel JOBIN et
Nathalie VZINA, Cowansville, Yvon Blais, 2013, n 921, p. 1138. 26 lexception de : Didier LLUELLES et Benot MOORE, Droit des obligations, 2e d., Montral,
Thmis, 2012, n 1239 et s., p. 664 et s.
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sorte que les rgles dictes aux articles suivants ont t aisment contournes ou
contredites par la jurisprudence27.
Les tudes franaises en matire de restitution appellent davantage de commentaires.
Celles-ci ont principalement vis la restitution conscutive lanantissement du contrat.
Or, pendant longtemps, la doctrine franaise sest davantage intresse aux causes de
lanantissement rtroactif du contrat qu ses consquences. Cela explique que les
premires tudes franaises sur les restitutions soient apparues uniquement dans les
dernires dcennies. Elles visent dabord exposer les rgles existantes, compte tenu de
lorigine jurisprudentielle de celles-ci. Il arrive encore souvent que les auteurs traitent de
la restitution de manire complter lexpos dun autre sujet28. Les tudes les plus
approfondies identifient dabord les modes de restitution et sattardent ensuite au compte
des restitutions29. Ce dernier vise dcrire la mthode permettant didentifier le bien
restituer ainsi que les montants qui doivent tre verss par lune ou lautre partie afin de
compenser les impenses, la jouissance du bien, les fruits et revenus et les dgradations
constates.
Parmi ces tudes, trois thses se dmarquent et ouvrent la voie une systmatisation
plus pousse. En 1982, Annie Bousiges prsente une premire analyse dtaille du droit
surtout jurisprudentiel qui encadre les effets de lannulation ou de la rsolution du
contrat30. La restitution est dabord prsente comme un processus ncessitant une
mcanique prcise lie au statu quo ante et aux squelles de lchec contractuel. Les
critiques formules lgard du droit en vigueur sont principalement lies la technique
27 Ainsi, les rgles du Code civil du Qubec demeurent peu connues et pas toujours appliques avec
bonheur : J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VZINA, prc., note 25, n 920, p. 1137. Dans un des
exemples les plus frappants, le tribunal use du pouvoir discrtionnaire pour empcher toute restitution
dun contrat entach derreur. Le tribunal prfre rcrire la clause litigieuse : Ihag Holding, a.g. c.
Intrawest Corporation, J.E. 2009-1199, par. 194 et s. (C.S.) (appel rejet : 2011 QCCA 1986). Or, si le
tribunal considrait que lerreur devait entraner la nullit, il aurait d selon nous la prononcer, quitte
rduire le montant de la restitution le cas chant. 28 Par exemple, relativement la rtroactivit dans les contrats : lodie MATRE-ARNAUD, La
rtroactivit dans le contrat, th. Paris II, 2003; Sylvain MERCOLI, La rtroactivit dans le droit des
contrats, Aix-en-Provence, PUAM, 2001; Rafal JAFFERALI, La rtroactivit dans le contrat tude
dune notion fonctionnelle la lumire du principe constitutionnel dgalit, Bruxelles, Bruylant, 2014.
Relativement la rsolution du contrat : Thomas GENICON, La rsolution du contrat pour inexcution,
Collection de la facult de droit Universit libre de Bruxelles, Paris, L.G.D.J., 2007. 29 M. MALAURIE, prc., note 4. 30 Annie BOUSIGES, Les restitutions aprs annulation ou rsolution dun contrat, th. Poitiers, 1982.
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des restitutions afin de dterminer comment et dans quelles circonstances une
rclamation en restitution peut tre prsente31. Lauteure constate que le modle
traditionnel de la restitution ne correspond plus la ralit en suggrant une apprciation
nouvelle de la rtroactivit applicable au contrat32. On ferait donc parfois des accrocs
la rgle du retour au statu quo ante puisquune rtroactivit relle nexiste pas et que des
difficults subsistent. Ainsi, dans le but de nuancer lexigence thorique de la
rtroactivit, lauteure propose accessoirement que les restitutions puissent avoir un
caractre indemnitaire33. Elle plaide galement pour la dfense des intrts des tiers, mal
protgs en cas danantissement du contrat34.
En 1991, Marie Malaurie, tout en affirmant limpossibilit dlaborer une thorie
gnrale de la restitution en droit civil, prsente deux catgories gnrales de restitution :
normale et anormale35. En rsum, une restitution serait anormale lorsquelle
survient la suite de la conclusion inhabituelle ou imprvue dune relation juridique.
Elle serait au contraire normale lorsquil sagit du rsultat prvu ou prvisible dune
telle relation. Ainsi, lobligation de restituer le bien la fin dun bail fait partie de
lexcution normale du contrat. Il en est de mme de lobligation de lusufruitier de
rendre le bien au nu-propritaire. loppos, la nullit ou la rsolution du contrat est
anormale. La restitution prend alors des formes diverses puisquau service dautres
institutions. Ainsi, il faudrait distinguer la rception de lindu de lanantissement du
contrat, la premire tant domine par la considration de la bonne ou de la mauvaise foi
ce qui nest pas le cas de la nullit ou la rsolution du contrat.
Lessentiel de la thse de cette auteure consiste exposer les rgles de la restitution en
nature et du compte de restitution. Elle prsente ce domaine du droit comme tant
technique, tout en tant domin par une ncessit dquilibre36. Elle estime que ce
domaine du droit a besoin de peu de prvisibilit, puisque la restitution est tourne vers
31 Id., p. 331 et s. 32 Id., p. 51 et s. 33 Id., p. 366 et s. 34 Id., p. 402 et s. 35 M. MALAURIE, prc., note 4, p. 35-37. 36 Pour lessentiel des conclusions : Id., p. 271 et s.
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le pass37. Selon elle, la bonne ou la mauvaise foi des parties ne joue quun rle incident
dans le cadre de la restitution par quivalent38. Elle admet toutefois que ce rle est
variable suivant la cause de la restitution.
Catherine Guelfucci-Thibierge, dans sa thse publie en 1992, tudie les liens entre la
nullit du contrat et la responsabilit, ce qui lemmne sur le terrain des restitutions dans
la dernire partie de sa thse. Elle distingue laction en nullit qui affecte les effets
juridiques de lacte et laction en restitution qui joue sur les effets matriels de lacte.
Selon lauteure, lobligation de restituer se fonde sur la prestation initialement excute.
Ce fondement est lobjet de mesure de la restitution faisant suite la nullit. Pour ce
faire, la restitution mettrait luvre une rtroactivit dite technique qui permet de
revenir sur le fait pass. Sattardant au domaine de la responsabilit et des effets de la
nullit, elle reconnait que le comportement des parties influe sur le rsultat de la
restitution39. Elle ne reconnait toutefois quune influence indirecte, dfaut de quoi on
risquerait de confondre rparation et restitution. Linfluence de la responsabilit ne
jouerait que sur ltendue de la restitution et non sur son principe mme. Suivant la thse
dfendue, restitution et rparation ne peuvent tre que complmentaires40. Ladmission
dune influence mme minimale de la responsabilit sur les restitutions continue dtre
un point de vue isol en France41, en ce que le processus de restitution est toujours vu
comme un processus objectif et distinct de la rparation42.
Le droit franais est appel voluer sur ces questions au cours des prochaines annes,
en raison de la rforme que nous avons voque. Ainsi, les nouvelles rgles remettent en
cause la frontire entre restitution et rparation43. Il faut toutefois constater que le droit
37 Id., p. 272. 38 Id., p. 273. 39 Catherine GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullit, restitutions et responsabilit, Paris, L.G.D.J., 1992,
p. 521-523. 40 Id., p. 523. 41 Comme dans : Andrea PINNA, La mesure du prjudice contractuel, Paris, L.G.D.J., 2007, n 1, p. 2-3. 42 Yves-Marie SERINET, Les domaines respectifs de la remise en tat par voie de restitution et de
rparation dans Jean Sbastien BORGHETTI, Olivier DESHAYES et Ccile PRS (dir.), tudes
offertes Genevive Viney, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 867, aux pp. 869 et s. 43 Par exemple, la rforme prvoit que le tribunal estimera dans chaque cas un montant li la jouissance
du bien restitu (art. 1352-3 de la rforme de 2016, prc., note 20) alors que la Cour de cassation avait
rcemment dcid quen matire dannulation de vente dimmeuble, aucune indemnit de jouissance
ntait due : Civ. ch. mixte, 9 juillet 2004, JCP 2005.I.132.
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qubcois a pris une tangente distincte du droit franais, compte tenu notamment du
champ dapplication plus large du rgime de restitution des prestations, de la place
centrale de la bonne ou de la mauvaise foi des parties ainsi que du pouvoir
discrtionnaire laiss au tribunal de moduler ltendue de lobligation pertinente.
Problmatique
La restitution des prestations est confronte une triple incertitude qui nuit
lapplication des rgles en la matire. Cette situation est dautant plus proccupante en
droit qubcois plus de vingt-cinq ans aprs ladoption dune nouvelle srie de
dispositions lgislatives. Cette incertitude concerne le champ dapplication de la
restitution, ses fondements et plusieurs aspects de son rgime.
- Champ dapplication
Le nouveau rgime de la restitution mis en place par le Code civil du Qubec, aux
articles 1699 et suivants, vise une panoplie de situations contractuelles et
extracontractuelles ayant toutes comme objectif un retour une situation antrieure, en
particulier lannulation du contrat (1422 C.c.Q.), la rsolution du contrat (1606 C.c.Q.),
lavnement de la condition rsolutoire (1507 C.c.Q.), limpossibilit dexcuter une
obligation (1694 C.c.Q.), la rception de lindu (1491, 1492 C.c.Q.), la modification du
jugement dclaratif de dcs (96 C.c.Q.), le retour de labsent (99 C.c.Q.) et la remise
lhritier apparent (627 C.c.Q.)44. Ces rapprochements ont ncessairement une incidence
sur la manire dont il faut comprendre les rgles applicables.
La runion de lensemble de ces cas sous le chapitre de la restitution des prestations au
Code civil du Qubec peut sembler arbitraire. Dans ses commentaires sur larticle 1699
C.c.Q., le ministre de la Justice mentionne sans plus de nuances : La restitution des
prestations fournies en vertu d'un acte juridique dcoule principalement de
l'anantissement rtroactif de cet acte : nullit ou rsolution. Mais elle intresse aussi
d'autres situations plus ou moins couvertes par ces causes principales d'anantissement
44 Le Code prvoit galement des modalits particulires de restitution lgard de certains contrats
nomms : la vente (1727 C.c.Q.), le crdit-bail (1849 C.c.Q.), lassurance maritime (2539, 2542 C.c.Q.) et
la donation (1838 C.c.Q.)
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rtroactif. (Nous soulignons.) Comme certains des cas de restitution ne supposent
aucune rtroactivit, il y a lieu de se demander si ces divers cas relvent vraiment dune
mme logique.
Il existe par ailleurs des cas dont linclusion dans le champ dapplication des rgles est
incertaine. titre illustratif, lannulation dun contrat excution successive soulve des
difficults propos de leffet des restitutions sur les prestations dj excutes. De
mme, il faut se demander si la rsiliation dun tel contrat, malgr son aspect prospectif,
nentrane pas la restitution de certaines prestations. Il est galement possible de
sinterroger sur la nature de diverses rclamations traditionnellement relies au domaine
de la responsabilit mais qui pourraient tre vues comme relevant de la restitution,
notamment la restitution de profits45.
- Fondement des rgles
Un auteur qubcois a crit, relativement aux nouvelles dispositions, que le rsultat est
un chapitre assez complexe, dont les rgles, sans parler de leurs fondements, sont
parfois difficiles cerner 46. Or, la comprhension et lapplication des rgles exigent
lidentification de fondements communs. Il faut remarquer quaucun fondement
thorique clair na t donn aux rgles de la restitution des prestations au Qubec. Il a
t suggr que les rgles sinspirent des principes de la rception de lindu47. Sous un
angle plus large, il serait possible dy voir une manifestation de lquit48. Il est aussi
possible de constater une indniable parent 49 avec lenrichissement injustifi.
45 Banque de Montral c. Kuet Leong Ng, [1989] 2 R.C.S. 429 o la Cour suprme fonde sa dcision
principalement sur la violation dune obligation de loyaut alors que le litige aurait vraisemblablement pu
se rgler sur le fondement dune restitution dans le cadre du contrat de mandat, ce qui est voqu au
passage par la Cour. 46 Serge GAUDET, Un nouveau chapitre la thorie gnrale des obligations : la restitution des
prestations dans Les obligations : quoi de neuf?, 26 octobre 1995, Cowansville, Yvon Blais, 1995, p. 2
du texte de la confrence. 47 D. LLUELLES et B. MOORE, prc., note 26, n 1224-1225, p. 658 (implicitement). En France, voir les
auteurs rpertoris dans : C. GUELFUCCI-THIBIERGE, prc., note 39, n 638, p. 369. 48 M. TANCELIN, prc., note 15, n 555, p. 391. 49 Id., n 562, p. 396.
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En France, il a notamment t propos que le droit de la restitution trouverait son
fondement dans laccomplissement dune prestation en excution dun contrat ananti50.
Ainsi, le simple fait de lannulation ferait automatiquement natre des obligations entre
les parties afin de rtablir la situation antrieure. Ainsi que le souligne une partie de la
doctrine, cette ide ne permet pas de vider la question, puisque la restitution rsultant de
lanantissement du contrat peut se fonder sur le droit de proprit, lenrichissement
injustifi ou la rception de lindu51. La jurisprudence franaise a toutefois dlaiss les
questions abordes par la doctrine pour chercher un fondement autonome la restitution
comme consquence de lannulation du contrat52. Mettant de ct le rapprochement avec
la rception de lindu53, la Cour de cassation a dtermin que les restitutions
conscutives une annulation ne relvent pas de la rception de lindu mais seulement
des rgles de nullit 54. Ce faisant, la Cour de cassation na pas tranch le dbat li au
fondement de la restitution, mais a plutt renvoy un principe gnral qui manque de
consistance55.
Il est ainsi difficile didentifier les fondements de la restitution, tellement celle-ci
demeure imbrique dans dautres institutions du droit civil. Parmi celles-ci, mentionnons
la rtroactivit, le droit de proprit, les quasi-contrats et la responsabilit.
i- La rtroactivit
La rtroactivit semble aller de pair avec la restitution. Le Code civil du Qubec invoque
dailleurs la rtroactivit pour dcrire les effets de lanantissement du contrat annul ou
rsolu (1422 et 1606 C.c.Q.). Le contrat tant cens navoir jamais exist, les parties
50 C. GUELFUCCI-THIBIERGE, prc., note 39, n 657, p. 380-381. 51 J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, prc., note 7, n 2883 et s., p. 1537. Voir plus
spcifiquement, sur les quasi-contrats enrichissement injustifi : ric DESCHEEMAKER, Quasi-
contrat et enrichissement injustifi en droit franais , R.T.D. civ. 2013.1, p. 22; -paiement de lindu :
Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT et Eric SAVAUX, Droit civil Les obligations, t. 1 Lacte
jurdique , 16e d., Paris, Sirey, 2014, n 362. 52 Voir G. KESSLER, prc., note 18, n 13 : Une impression de flou se dgage de la jurisprudence
relative aux restitutions. Les dcisions sont htroclites. On peine en dgager la logique. . 53 Civ. 1re, 28 juin 1969, JCP 1969.II.16131. 54 Civ. 1re, 24 septembre 2002, D. 2003.369, note J.-L. AUBERT. Voir aussi : Com., 18 fvrier 2004, Bull.
civ. IV. n 38; Civ. 1re, 20 janvier 2011, pourvoi n 09-70540. 55 Xavier LAGARDE, Retour sur les restitutions conscutives lannulation dun contrat , JCP
2012.504; Jean-Louis AUBERT, note sous Civ. 1re, 24 septembre 2002, D. 2003.369; Alain BNABENT,
Droit civil Les obligations, 11e d., Paris, Montchrestien, 2007, n 223;
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doivent tre remises en tat. Il sagit de rendre aux parties ce quelles auraient si le
contrat navait pas t conclu. Une application intgrale du principe de rtroactivit ne
serait toutefois pas souhaitable, notamment pour la protection des droits des tiers et, de
faon plus large, pour la scurit du commerce juridique 56. Ainsi, le tiers ayant
acquis le bien titre onreux est protg (1707 C.c.Q.), alors quune rtroactivit
intgrale supposerait lanantissement de son titre. La jouissance dun bien nest pas
toujours prise en compte dans le cadre de la restitution (1704 C.c.Q.), alors quun
vritable retour en arrire supposerait la prise en compte des avantages reus par le
restituant. En fait, les exceptions au principe sont si importantes, quil faut se demander
si la rtroactivit exerce toujours une influence sur le rgime de restitution. La question
est dautant plus srieuse que le rgime au Code civil du Qubec unit des cas de
restitution qui ne supposent pas tous la rtroactivit.
ii- Le droit de proprit
Quon me rende ce qui est mien , pourrait-on dire lors de lannulation dune vente,
aprs la rception dun paiement indu, etc. Si le droit de proprit rendait compte de la
restitution, les rgles du droit des biens seraient suffisantes et il ny aurait nul besoin
dun droit de la restitution. Seule la revendication du bien serait ncessaire. Ltude du
droit de proprit comme fondement possible permet de considrer la dlicate question
de la nature du lien de droit cr par la restitution. Son rgime suppose-t-il une
obligation du restituant lgard du restitu ?
iii- Les quasi-contrats
Parmi les institutions pouvant fonder les rgles de la restitution se trouvent aussi les
quasi-contrats, dont la rception de lindu et lenrichissement injustifi ont
principalement inspir les auteurs de doctrine. Ainsi, en France, les rgles de restitution
ont longtemps t vues comme tant drives de la rception de lindu57. En effet, le
contrat annul ou rsolu laisse subsister une prestation quune partie ne saurait
56 M. TANCELIN, prc., note 15, n 371, p. 259. Voir aussi . MATRE-ARNAUD, prc., note 28,
n 250, p. 237 : La rtroactivit doit toutefois seffacer devant la ralit matrielle et saccommoder de
lapplication dautres rgles de droit . 57 C. GUELFUCCI-THIBIERGE, prc., note 39, p. 369.
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conserver, une fois sa cause disparue. Il ne sagit toutefois pas dun parallle qui
seffectue sans heurt. Par exemple, la rception de lindu est invoque dans le cas dun
paiement excut sans obligation prexistante tandis quen matire danantissement du
contrat, la restitution fait suite une obligation qui a dj li les parties58.
Le droit de tradition anglaise a propos lenrichissement injustifi comme concept
lgal unificateur 59 des rclamations en restitution. Depuis quelques dcennies, ont t
rapproches autour de lide de restitution, des rgles parses concernant notamment la
nullit du contrat, la rception de lindu et la restitution des profits gagns en violation
dune obligation fiduciaire. Tout indique que la notion denrichissement injustifi, en
tant que fondement ou justification de la restitution dans son ensemble, a t emprunte
au droit civil. Il en est probablement de mme de lide de rassembler en un rgime
unique lensemble de cette matire60. Il est en effet possible de voir la restitution comme
concrtisant linterdiction de conserver injustement un enrichissement dcoulant de
lannulation dun contrat ou de la rception dun paiement erron, par exemple. Or, de
manire quelque peu paradoxale, cette position savre assez loigne de celle du droit
civil qubcois, puisque lenrichissement injustifi ne donne pas lieu la restitution,
ntant pas inclus parmi les cas dapplication mentionns par le Code (1699 C.c.Q.).
iv- La responsabilit
Linfluence de la responsabilit sur la restitution devrait tre vidente en droit
qubcois puisque, suivant les Commentaires du ministre de la Justice, les nouvelles
rgles seraient fondes sur les notions de bonne ou de mauvaise foi et de
responsabilit 61. Or, cette dclaration est surprenante puisquelle confond les domaines
de la rparation et de la restitution. En droit civil, la remise en tat peut en effet prendre
58 A. BOUSIGES, prc., note 30, p. 44. Largument a trouv cho au Qubec, voir D. LLUELLES et B.
MOORE, prc., note 26, n 1224, p. 658 : Celui qui a reu une prestation la, rtroactivement, reue sans
droit, mme si, en temps rel, il avait lapparence pour lui. . 59 R. GOFF et G. JONES, prc., note 24, n 1-015, p. 15. 60 On retrouve de nos jours un cours de base dans les facults de common law qui sintitule Restitution .
Aux tats-Unis, un Restatement (nonc de principe doctrinal) est consacr cette matire depuis 1936 :
Austin W. SCOTT et Warren A. SEAVEY, Restatement of the Law. Restitution, St. Paul, American Law
Institute, 1937. 61 MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUBEC, Commentaires du ministre de la Justice, Le Code civil
du Qubec. Un mouvement de socit, prc., note 16, p. 1055.
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lune ou lautre de ces deux formes. La rparation, associe au domaine gnral de la
responsabilit civile, consiste en loctroi dune indemnit visant compenser une partie
pour la perte subie62. Elle vise, tout comme la restitution, une remise en tat, mais a un
aspect essentiellement indemnitaire.
La restitution est traditionnellement vue comme un mcanisme automatique.
Suivant cette approche, sa seule fonction consiste revenir sur lchange des
prestations, cest--dire permettre chacun de reprendre ce quil a donn63. En
principe, laspect indemnitaire y est absent. La restitution prend la mesure de ce qui a t
reu et non dune perte. Dans lventualit o le processus laisse subsister des
dommages, ceux-ci devrait tre rclams dans un second temps et sous un autre
fondement 64. Les auteurs franais se sont affairs, au cours des dernires annes,
tracer la limite entre la restitution et la rparation65. La restitution vise rendre chaque
patrimoine ce qui en est sorti sans droit, tandis que la rparation vise compenser un
prjudice. Par contre, mme en traant les limites des deux moyens de remise en tat, les
auteurs admettent une influence tout en maintenant le principe66.
Ce bref survol des fondements gnralement proposs mne un constat
prliminaire : aucun dentre eux ne saurait entirement fonder le rgime de restitution
des prestations en droit qubcois. Une fois runis les cas de restitution contractuels et
extracontractuels, les fondements traditionnels ne suffisent plus. Chacun des fondements
proposs semble justifier un aspect ou un autre des rgles de la restitution des
prestations. Lhypothse dune pluralit de fondements pourrait faire douter de
lopportunit de crer un rgime unique et expliquer, jusqu un certain point, que les
rgles continuent faire lobjet de traitements disparates. Ainsi, il nous faudra
62 Pour les principes gnraux de la rparation : Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La
responsabilit civile, vol. 1 Principes gnraux , 8e d. par Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice
DESLAURIERS et Benot MOORE, Cowansville, ditions Yvon Blais, 2014, n1-370, p. 408-409. 63 Genevive VINEY, obs. sous Civ. ch. Mixte, 9 juillet 2004, JCP G 2005.I.132, n4. 64 Id. En droit franais, cette disjonction permet notamment dexpliquer quun notaire fautif ayant rdig
un acte de vente annulable nest pas en principe tenu au remboursement du prix qui demeure lobligation
du vendeur dans le cadre de la restitution : Y.-M. SRINET, prc., note 42, n 8, p. 872-873. 65 Pour un expos complet : Y.-M. SRINET, prc., note 42, p. 867, n 3, la p. 869. 66 Id., n 17 et s., p. 881 et s.
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dmontrer que les fondements partags avec dautres institutions du droit civil
permettent tout de mme de concevoir la restitution sous langle dun rgime unique.
- Rgime de la restitution des prestations
Comment rtablir une situation rvolue ? Rcuprer ce qui a t remis par erreur
ou en raison dun contrat rsolu ou annul parat simple en thorie, mais le principe de
restitution demeure complexe dans son application67.
Plusieurs questions sont ainsi source dincertitude, preuve de la difficult de
dterminer la place relle de la restitution en droit civil. Il est possible de concevoir la
restitution comme une simple technique, voire une formule mathmatique devant
permettre la remise en tat des parties (le compte des restitutions). Il existe ainsi une
approche purement objective de la restitution fonde sur lexamen des prestations en
cause. Toutefois, compte tenu de linfluence de facteurs externes aux prestations, tels
que le comportement des parties, il conviendra de sinterroger sur l-propos dun
modle diffrent, plus subjectif.
i) Le modle objectif
Le rgime juridique de restitution peut dabord suivre un modle centr sur les
prestations devant tre rendues, et ce, de faon objective. Il sagit de constater ce qui a
t reu une premire fois pour sassurer quune prestation identique puisse tre
excute en retour.
Toutefois, il est souvent impossible de restituer exactement ce qui a t pay.
Ainsi, limmeuble restitu aura acquis ou perdu de la valeur, il aura t modifi, il aura
t utilis pendant la priode de temps intermdiaire entre le paiement et la restitution,
etc. Diverses questions dlicates sont souleves lorsque le tribunal tente de remettre les
parties dans une situation antrieure. Lessentiel de ces questions seront lies aux plus-
values et moins-values affectant le bien ou la prestation devant tre restitu.
67 S. GAUDET, prc., note 46, p. 2 du texte de la confrence.
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Peuvent tre exposes dans le cadre de ce modle les rgles et les difficults
lies aux vnements accessoires que la restitution doit prendre en considration, par
exemple :
Les consquences de lusage dun bien jusqu ce que jugement soit
rendu ;
Les consquences et la mthode dvaluation dune perte partielle ;
La perte dun bien par force majeure ;
La dtermination des circonstances dans lesquelles la restitution ne peut
avoir lieu par lexcution dune prestation identique.
Toutes ces questions, si intressantes soient-elles, ne rendent toutefois pas
compte de lensemble du rgime et des difficults qui y sont lies.
ii) Le modle subjectif
Il est difficile de concevoir le droit de la restitution comme tant uniquement
tributaire des prestations excutes. En effet, des lments extrieurs celles-ci sont pris
en considration, que ce soit pour dterminer ltendue ou lexistence de lobligation de
restituer. Parmi ces lments, se trouvent : la bonne ou mauvaise foi des parties et le
pouvoir discrtionnaire du tribunal den moduler les rgles.
Dabord, la bonne ou mauvaise foi des parties a t mise lavant-scne par le
lgislateur qubcois. La mesure de restitution peut varier suivant quune partie a t de
mauvaise foi avant, pendant ou aprs lvnement ayant donn lieu restitution68. Parmi
les questions les plus difficiles se trouvent celles lies la qualification de la personne
de mauvaise foi. Ltude de cette question permettra de dterminer par exemple si la
seule connaissance dune cause dannulation dun contrat entrane automatiquement la
mauvaise foi chez la personne devant restituer.
68 Ainsi, loctroi dun montant pour la jouissance du bien durant sa possession est la plupart du temps
tributaire de la bonne ou mauvaise foi de laccipiens (1704 C.c.Q.). La bonne ou la mauvaise foi des
parties est galement considre dans le cadre de la dtermination de la valeur du bien restituer (1701
C.c.Q.), des impenses et des fruits devant tre pris en compte (1703, 1704 C.c.Q.).
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En dehors des prestations des parties et exerant une influence sur la restitution
se trouve galement le pouvoir discrtionnaire du tribunal de modifier ltendue ou de
refuser la restitution prvue en droit qubcois larticle 1699 al.2 C.c.Q. Les facteurs
ayant un impact sur lexercice ou non de ce pouvoir sont inconnus. Dans quelles
circonstances est-il justifi de refuser la restitution, de retarder lapplication des rgles
ou de modifier le moment de rfrence pour lvaluation dune prestation donne ?
De plus, dans le cas du refus dordonner la restitution par le tribunal, le sort des
conventions immorales allant lencontre de lordre public est incertain69. Bien quil
soit gnralement reconnu que la cause ou lobjet dun contrat lencontre de lordre
public nempche pas la restitution, les tribunaux gardent une porte ouverte afin de
refuser ou moduler la restitution dans le cas dune violation particulirement
svre 70.
Les questions souleves prcdemment se posent avec une intensit particulire
en droit qubcois. Labsence de dispositions lgislatives spcifiques a longtemps fait en
sorte que les rgles de restitution des prestations nont jamais t rassembles autour de
principes communs. En rsultait un manque de cohsion entre les diffrentes rgles ainsi
que de la confusion et de linquitude de la part des acteurs juridiques71. Les nouvelles
rgles devaient rectifier la situation. Or, la doctrine a manifest un certain malaise face
aux nouvelles rgles du Code civil du Qubec. Au dpart, il fallait donner suite au fait
que le lgislateur na pas fait des rgles de la restitution des prestations des rgles
impratives. Les dispositions seraient donc plus que des lignes directrices, moins que
des rgles obligatoires 72. Appliques par exemple la question dune indemnit pour
valeur locative au profit du vendeur, le tribunal resterait libre de passer outre aux
rgles nouvelles et de sen tenir aux rgles observes sur la question sous lancien Code
civil 73. Ainsi, ce qui devait tre un pouvoir exceptionnel dexclure les nouvelles rgles
69 D. LLUELLES et B. MOORE, prc., note 26, n 1241 et s., p. 632 et s. 70 Id., n 1243, p. 633. 71 J. PINEAU, D. BURMAN et S. GAUDET, prc., note 6, n 206, p. 368. 72 Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualit du vendeur en droit qubcois, 2e d., Montral, Wilson &
Lafleur, 2008, n 547, p. 263. 73 Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualit : lindemnit de valeur locative et dautres aspects que
provoque la rsolution de la vente dans Dveloppements rcents en droit immobilier (1998), Service de
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en cas davantage indu est devenu une panace pour les tribunaux qui nont pas hsit
y recourir74, parfois sans mme justifier ce choix75. Ce pouvoir, qui pouvait tre vu
comme la nouveaut la plus prometteuse76 du droit des restitutions na pas t
compris et appliqu de manire constante. En fait, ce nouveau pouvoir discrtionnaire a
nui lapprofondissement des rgles codifies.
Ces difficults viennent vraisemblablement du fait que le concept mme de restitution
est mal dfini dans les rgles actuelles. En effet, la loi nouvelle ne fait que runir des cas
o elle est ordonne. Ce chapitre est, en fait, le germe dune rforme du droit des
restitutions77 . Or, un tel malaise face aux rgles doit trouver une explication. Le
caractre raisonnable des rgles nest gnralement pas remis en cause par la doctrine,
quelques exceptions prs78. Par contre, les rgles paraissent vraisemblablement trop
rigides aux juristes et tribunaux qui requirent une certaine marge de manuvre face aux
situations de la vie courante. Toute analyse devrait donc rendre compte de ce besoin de
souplesse dans lapplication des rgles.
Llaboration dun cadre de rfrence pour les rgles devrait favoriser leur volution. De
plus, le pouvoir discrtionnaire du tribunal, bien que justifiable, bnficiera de balises et
de la description de contextes spcifiques dans lesquels il peut tre exerc. Il ne faut pas
ngliger limportance dun systme de rgles cohrentes en cette matire,
particulirement dans un systme de droit civil. Ainsi, les considrations lies aux
consquences des restitutions sont toujours tributaires des sanctions rclames dun
tribunal. Une problmatique se pose mme si un litige nest pas judiciaris. Comment
procder un rglement lamiable sans une ide au moins approximative de
lapplication des rgles ?
la formation permanente du Barreau du Qubec, 1998, Droit civil en ligne (DCL), EYB1998DEV89,
section 4 du texte. 74 D. LLUELLES et B. MOORE, prc., note 26, n 1238, p. 631. Par exemple : 9112-2648 Qubec inc. c.
Cauchon et associs, J.E. 2006-208, par. 22 (C.S.). 75 Par exemple, dans laffaire Chass c. Grenon, [2005] R.D.I. 384, par. 93 (C.S.) (appel rejet par 2007
QCCA 202) o le tribunal met de ct la rgle sur labsence de lindemnit de jouissance sans mme en
discuter. 76 M. TANCELIN, prc., note 15, n 557, p. 393. 77 Id., n 554, p. 390. 78 Sur lindemnit de valeur locative : J. EDWARDS, prc., note 73. Sur lusage fautif du bien restituer :
J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VZINA, prc., note 25, n 928, p. 1148.
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Le droit civil qubcois est dans une position unique pour favoriser lavancement de
ltude des restitutions. Il est vrai que les difficults dadaptation sont nombreuses et
quelles sont inhrentes au nouveau rgime. Il ne doit toutefois pas sagir d un sujet de
lamentations, mais au contraire un sujet dencouragement 79. Le droit qubcois pourra
en effet contribuer ltude de la restitution comme institution de droit civil, tout en
tenant compte des obstacles que cela implique. Le lgislateur qubcois ayant fait
uvre originale, auteurs et juges qubcois devront faire de mme, ce qui est certes
exaltant mais pas ncessairement facile80. Cest cette uvre originale que nous
voulons contribuer.
Hypothses de recherche
Nous proposons donc dtudier les fondements et le rgime de la restitution en droit
qubcois. Pour ce faire, nous analyserons le discours juridique81 issu de la lgislation,
de la jurisprudence et de la doctrine qubcoise. Bien quil ne sagisse pas formellement
dune tude de droit compar, nous utiliserons galement les sources pertinentes du droit
franais, compte tenu des origines du droit qubcois et du fait que, jusqu ladoption
du Code civil du Qubec, le droit de la restitution connaissait une volution semblable
dans les deux juridictions. Nous ferons videmment les distinctions pertinentes au
besoin. Il sera galement fait rfrence au droit de tradition anglaise de manire
accessoire, principalement afin dexplorer lenrichissement injustifi comme fondement
possible la restitution.
Parmi les critres guidant la construction du savoir juridique se trouvent la cohrence et
la simplicit82. Sans en faire des impratifs absolus, ces principes orientent notre
recherche et donnent un sens dterminant une hypothse de dpart : il existe divers cas
79 M. TANCELIN, prc., note 15, n 562.1, p. 397. 80 S. GAUDET, prcit, note 46, p. 3 du texte de la confrence. 81 cet gard, voir par exemple : Louise ROLLAND, Qui dit contractuel dit juste (Fouille) en
trois petits bonds, reculons , (2006) 51 R.D. McGill 765, 778-779 : Le droit se construit le plus
souvent par la seule voie discursive. La science juridique, comme toute science normative, salimente aux
discours et sexprime dans le discours : il nest donc pas tonnant quelle se dploie travers des
techniques argumentatives. 82 Christian ATIAS, pistmologie juridique, 1re d., Paris, Dalloz, 2002, n 308 et 333. Pour lapplication
de ces critres dans les matires contractuelles de restitution : F. ROUVIRE, prc., note 4, n 4.
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de restitution qui peuvent tre rapprochs efficacement en vue de leur appliquer un
rgime juridique commun.
une approche qui favorise lunit de la restitution soppose une autre qui en
accepterait la diversit83. Suivant cette dernire, les diffrents cas de figure donnant
ouverture la restitution pourraient parfaitement se dvelopper de manire isole. La
restitution dcoulant de la nullit du contrat pourrait tre diffrente de celle suivant la
rsolution ou de celle sanctionnant la rception de lindu. tant dpendantes du
mcanisme dont elles sont la consquence, les restitutions nauraient pas obir au
mme rgime84. Le droit franais se dirigeait rsolument vers une telle approche jusqu
ce que soit adopte la rforme de 2016 du droit des obligations. Quant lui, le
lgislateur qubcois a clairement privilgi la thse de lunit lors de ladoption du
Code civil du Qubec.
Lobjection dirimante cette thse tiendrait son caractre artificiel 85. Elle ne se
fonderait pas sur une logique inhrente la restitution, mais sur la volont de juristes en
mal de simplification. ceci, il faut rpondre que la construction du savoir juridique
comporte toujours une part dartifice en raison de la varit des faits sociaux. La valeur
dune construction juridique tient largumentation qui la soutient et la prise en
compte des lments du discours juridique dj tablis, ainsi que des situations quelle
est cense rgir. Aussi, notre hypothse de recherche voulant quil existe une unit sous-
jacente aux cas de restitution nest pas avance avec la volont absolue quil en soit
ainsi, mais plutt dans un esprit douverture cette possibilit, considrant les objectifs
de cohrence et de simplicit qui animent le discours juridique dans la tradition civiliste.
De manire plus large, les hypothses de travail dans le cadre de cette tude sont les
suivantes :
83 F. ROUVIRE, prc., note 4, n 4. 84 G. KESSLER, prc., note 18, n 14 ; M. MALAURIE, prc., note 4, p. 23 et s. 85 F. ROUVIRE, prc., note 4, n 5. Voir aussi le paragraphe n 1 au sujet du rapprochement possible
entre la restitution aprs annulation et rsolution du contrat : A trop insister sur l'identit en fait des cas
de restitutions, la diffrence en droit entre nullit et rsolution tend tre attnue, si ce n'est oublie. De
l l'ide la plus souvent dfendue que l'unit thorique devrait tre puise dans l'unit pratique et factuelle
de la situation de restitution. Mais ce passage du concret l'abstrait n'a rien d'automatique ou de
ncessaire : il rsulte d'un choix. Or c'est prcisment ce choix qu'il faut examiner en le comparant une
autre approche insistant plutt sur l'opposition entre les fondements juridiques des restitutions [] .
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(i) Une thorie gnrale de la restitution (tant normale quanormale) parat illusoire et
seule lunification dune partie des cas de restitution est envisageable ;
(ii) Lunification repose sur des fondements multiples qui se dgagent dinstitutions
voisines en droit civil ;
(iii) Le rgime juridique des rgles de restitution des prestations est influenc par un
modle traditionnel de restitution objective et un modle plus contemporain de
restitution subjective ;
(iv) Un modle traditionnel de restitution objective prconise une approche technique
de la restitution des prestations par lexamen des seules prestations en cause. Cette
approche cherche frquemment mettre en uvre la rtroactivit en matire
contractuelle ;
(v) Un modle de restitution subjective prend en compte des lments externes aux
seules prestations en cause, tels que le comportement des parties ou le pouvoir
discrtionnaire du tribunal de moduler la restitution ;
Suivant ces hypothses, il serait possible de dresser un portrait de ces deux modles qui
permette de rendre compte des fondements et du rgime juridique de la restitution des
prestations en droit qubcois.
Nous adoptons aux fins de cette tude les vocables de restituant et de crancier
au titre des parties impliques au processus. Nous laissons de ct les termes accipiens
et solvens, utiliss principalement dans le cadre de la rception de lindu sous le Code
civil du Bas Canada. Ces termes ne sont plus usits en droit moderne et, surtout, ils ne
refltent pas le vocabulaire inhrent au Code civil du Qubec. Lusage du terme
crancier fait ressortir la nature du lien dobligation pertinent. Puis, le terme
restituant permet de le distinguer dautres dbiteurs pouvant tre impliqus dans le
processus, notamment les tiers.
Prsentation des parties de ltude
La recherche des fondements (Partie I) permettra de situer la restitution en droit civil en
fonction dautres institutions qui ont bnfici de lattention des chercheurs et des
tribunaux depuis des sicles. Elle permettra galement danalyser la cause et les
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principaux effets de la restitution, dgageant ainsi plus clairement le champ
dapplication de son rgime juridique. Il a dj t remarqu que la recherche de
nouveaux fondements simpose lorsque des principes gnrau
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