isit - préparer les épreuves d'admission avec les annales 2014 : français 1ère année
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EPREUVES D’ADMISSION
en 1ère
ANNÉE
Samedi 17 mai 2014
FRANCAIS
Durée : 2h00
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ISIT Admission en première année – Mai 2014 Sujet 1
Lors de son passage en France d’avril à juin 1717, le grand Pierre [l’empereur de Russie]
rencontra le petit Louis XV alors âgé de sept ans. Les deux souverains se faisaient face, mais
à la même hauteur. Pierre, subitement ému par la fraîcheur du jeune roi, commit à l’encontre
des usages royaux une entorse considérable : il se leva et embrassa le souverain bourbon. Le
protocole venait de voler en éclats sous les débordements de l’impulsivité russe. 5
Il y a dans ce baiser le scellement des liens éternels entre les deux États, le geste qui préfigure
ce phénomène irrationnel unissant ce que l’on appelle un peu vite l’âme russe à ce que l’on
appelle un peu pompeusement l’esprit français. Et cette alchimie entre l’aigle à deux têtes et
le coq, opérant par-dessus le Rhin et l’Oder-Neisse mieux que ne le ferait n’importe quel
traité, explique que tant de mots français se soient trouvés si bien dans le giron de la langue 10
russe. Au point qu’ils ne l’aient plus jamais quittée.
Le sensuel Adolphe de Custine a composé une charge violente à l’encontre de la Russie après
son séjour de 1839. Il y critique notamment la propension des Slaves à siphonner les savoir-
faire, les usages et les avancées de leurs voisins européens sans se pénétrer préalablement de
la culture qui en a permis l’advenue. Il déroule aux Russes du XIXe siècle le même reproche 15
qu’on pourrait servir aux nouveaux riches slaves quand ils achètent les habits les plus coûteux
en oubliant que l’élégance naturelle compte davantage que la préciosité des étoffes : « Quand
on contrefait la forme d’une société sans se pénétrer de l’esprit qui l’anime, quand on va
demander des leçons de civilisation, non pas aux antiques instituteurs du genre humain, mais
à des étrangers dont on envie les richesses sans respecter le caractère, quand l’imitation est 20
hostile et qu’elle tombe en même temps dans la puérilité, lorsqu’on va prendre chez un voisin,
qu’on affecte de dédaigner, jusqu’à la manière d’habiter sa maison, de s’habiller, de parler, on
devient un calque, un écho, un reflet, on n’existe plus par soi-même. » Comme à son
habitude, Custine est injuste. Sans doute souffrit-il du froid et fit-il payer l’inconfort de son
voyage par le fiel de ses critiques. 25
La complicité que la grande Catherine entretint avec les philosophes des Lumières, l’amour
que Tolstoï et Pouchkine portaient à notre langue, celui que Tourgueniev vouait à notre
climat, la vénération de la France qui baigna l’enfance de Makine et dont Le Testament
français est le bouleversant aveu, les voyages entrepris par les peintres et les écrivains russes
en France et français en Russie, l’usage du français dans les familles de l’aristocratie de Saint-30
Pétersbourg et chez les diplomates de l’Europe entière sont des faits modestes qui, associés
les uns aux autres, ont provoqué, lentement, par glissements et touches subtiles, la
fécondation de la langue russe par le pollen des mots français. Chateaubriand est plus radical.
« Il y a sympathie entre la France et la Russie, la dernière a presque civilisé la première dans
les classes élevées de la société ; elle lui a donné sa langue… » (Livre XXX des Mémoires 35
d’Outre-Tombe). Les nouveaux riches russes en goguette à Courchevel et Cannes ne sont que
le dernier avatar (et pas le plus glorieux) de ce vieux cousinage. Dans une interviouve donnée
au Figaro littéraire il y a quelques années, Andreï Makine évoquait ce « lien littéraire très fort
entre la Russie et la France. Sans remonter jusqu’au siècle des Lumières où le français était la
langue des diplomates et des intellectuels européens, j’aimerais rappeler, par exemple, que 40
Tolstoï avait écrit les premières pages de Guerre et Paix directement en français, avant de se
raviser, et que le grand Dostoïevski était parvenu à traduire en russe Eugénie Grandet, de
ISIT Admission en première année – Mai 2014 Sujet 1
Balzac… C’est ce qui a déterminé sa vocation littéraire. Et Raskolnikov, c’est un peu
Rastignac, non ? »
Sylvain TESSON, Ciel, mon moujik !, Seuil, Collection Points, « Le goût des mots », Février 2014.
Vocabulaire (5 points)
1. Définissez en contexte les mots entorse (l. 4), giron (l. 10), charge (l. 12), fiel (l. 25) et avatar
(l. 37).
2. Expliquez les expressions « la propension des Slaves à » (l. 13) et « les nouveaux riches russes
en goguette annuelle à Courchevel et Cannes » (l. 36).
3. Donnez un synonyme en contexte de siphonner (l. 13).
4. Expliquez l’intérêt du groupe nominal « une interviouve » (l. 37).
Conjugaison – Grammaire (9 points)
1. À quel mode et à quel temps sont conjuguées les formes verbales rencontra (l. 2), unissant (l.
7), aient quitté (l. 11), pourrait (l. 16) et était parvenu (l. 42).
2. Justifiez l’emploi du mode et du temps dans le segment de phrase : « tant de mots français se
soient trouvés si bien… » (l. 10).
3. Donnez la nature grammaticale des six mots soulignés dans la phrase : « Il y a sympathie entre
la France et la Russie, la dernière a presque civilisé la première dans les classes élevées de la
société ; elle lui a donné sa langue… ».
4. Analysez en contexte la forme « savoir-faire » (l. 13-14).
5. Expliquez l’inversion du sujet il dans la phrase « Sans doute souffrit-il … et fit-il … » (l. 24).
6. Quelle est la relation logique exprimée par la locution conjonctive « au point que » (l. 11) ?
Typographie (1 point)
Quels sont les deux emplois que l’auteur fait des parenthèses dans le texte ?
Culture générale (5 points)
1. Que savez-vous de Sylvain Tesson ?
2. Que savez-vous du siècle des Lumières, évoqué à la ligne 39 ?
3. Qui était la grande Catherine ? Quel philosophe français invita-t-elle à Saint-Pétersbourg pour
un long séjour ?
4. Qu’évoque pour vous le nom de Rastignac ?
5. Comment appelle-t-on les figures de rhétorique « le giron de la langue russe » (l. 10-11) et « le
pollen des mots français (l. 33) ?
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