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Instrumentation de la recherche en Education : analyse épistémologique de quelques logiciels d’aide à l’analyse d’enregistrements vidéos
Laurent Veillard UMR ICAR (CNRS, Université Lyon 2, ENS de lyon)
LE PROJET VISA : VERS UNE INSTRUMENTATION DE LA RECHERCHE EN ÉDUCATION
ORIGINES Les enregistrements vidéo numériques, des matériaux d’étude
de plus en plus utilisés dans les recherches sur l’éducation, mais une durée de vie réduite au temps d’une recherche alors qu’ils pourraient servir à d’autres chercheurs pour :
compléter ou constituer leur corpus (gain en temps) pour des études à plus large échelle
susciter des collaborations autour de corpus commun
valider des procédures analytiques et des résultats antérieurs
constituer un patrimoine des pratiques d’enseignement
Des pratiques méthodologiques d’utilisation des vidéos encore balbutiantes et souvent peu explicites
Spécificités des enregistrements vidéo en tant que matériaux de recherche en lien avec d’autres types de données (rapport analogique)
Liens approches théoriques – méthodologies d’analyse Explicitation des procédures analytiques et fondements
épistémologiques
ORIGINES
Des technologies à évolution très rapide et à plus large diffusion :
Dispositifs de prise de son et d’image (caméra, micros, appareils annexes, …)
Techniques et formats de Compression et de Stockage (types de support, encapsulage, format de compression, …)
Outils d’analyse et de traitement des matériaux audio-visuels (Annotation, Analyse,…) à des fins de recherche
Outils de diffusion/publication (film pour la diffusion des résultats, la formation, etc.)
Une complexification des problématiques juridiques et éthiques Droit à l’image Diffusion sur internet Propriétés des méta-données
DÉVELOPPEMENTS ACTUELS Financement ACI / ENS et
INRP Cible large : enregistrements
vidéo de situations d’enseignement et/ou d’apprentissage
Modules d’Indexation et de dépôt
d’enregistrements vidéo et de documents associés
de consultation selon des critères propres à la recherche et de mise à disposition d’enregistrements vidéo
ORGANISATION
Mise au point d’une organisation, d’un processus de gestion et de procédures fondées sur le plan juridique et éthique
ANIMATION D’UN RÉSEAU DE LABORATOIRES
Financement PPF puis Structure Fédérative Travail épistémologique sur les méthodologies de
constitution et d’analyse de corpus comprenant des enregistrements vidéo (journées d’études bisannuelles) : Lien approche théorique – choix méthodologique ; Spécificités des données vidéo et des données associées Réception des enregistrements filmiques selon la place du spectateur
(fiction, recherche, formation, etc.) Conditions pour le travail collectif sur un même corpus (informations
sur les corpus, objets-frontières, etc.) Analyse des ressources techniques mobilisables et formation à
leur utilisation : Technologies et techniques de prises de son et d’image ; Techniques de stockage/compression ; Outils logiciels et procédures d’aide à l’analyse ou à la présentation
des résultats, …
DÉPASSER LES LIMITES ACTUELLES
Aller plus loin que : la mise à disposition de données vidéo et associées le recul réflexif sur les pratiques méthodologiques et les outils
disponibles la formation aux ressources
Des possibilité de recherches à plus large échelle grâce aux technologies numériques audio-visuelles : spécificité de l’objet d’étude « processus d’enseignement/apprentissage »
des phénomènes liés à des échelles de temps variées (temps très court, moyen et très long) et dans des lieux différents (disciplines)
Ex : les études sur le changement conceptuel à long terme ne sont possibles qu’avec des capacités importantes d’archivage d’enregistrements vidéo sur plusieurs mois et même des années d’apprentissage dans les classes (e.g., Jordan & Henderson, 1995; Strom, Kemeny, Lehrer & Forman, 2001)
DÉPASSER LES LIMITES ACTUELLES
Limitation intrinsèque des méthodes d’analyse manuelles et individuelles : Réduction de l’ampleur temporelle et géographique des recherches Procédures analytiques limitées liées à la linéarité des matériaux
vidéo et la faiblesse des manipulations des données
Exemple des recherches en linguistique Création de bases de données textuelles de plus en plus
importantes Développement d’instruments logiciels d’aide à l’analyse à
partir des années 90 Mise en circulation des corpus et des procédures analytiques Modification des conditions de constitution d’observables et
d’analyses de données
DÉPASSER LES LIMITES ACTUELLES
Woods (2002, Digital Insight Project) : des décalages de 2 sortes entre les besoins analytiques des chercheurs et les outils disponibles : Volume des données
Ex : recherche sur l’implémentation d’un nouveau curriculum en maths aux US (grades 3 à 5) 3 classes dans une même école pendant 4 ans = 1200 heures de vidéos
Gestion impossible avec des outils de gestion de fichiers classiques Pouvoir sélectionner des extraits issus de différentes classes pour les
mettre en comparaison inadéquation d’outils logiciels uniquement capables de travailler sur un enregistrement vidéo à la fois
Circulation des données et des analyses Distribution du travail au sein des équipes pouvoir disposer de logiciels
multi-utilisateurs Diffusion et partage au delà des équipes pour projets collectifs –
reproductibilité des analyses / formats de diffusion standardisés des enregistrements vidéos, des annotations, des fichiers d’analyses associés
OBJECTIF : UNE INSTRUMENTATION POUR LA RECHERCHE
Un système d’indexation et de requête plus performant Indexation évolutive en fonction des usages Choix systématique d’extraits vidéos significatifs
Des outils de gestion des données Gestion (classement, archivage, annotation) de ses données vidéos et
associées via une interface améliorée Outil en ligne de transcodage : transformation d’une variété de fichiers en
quelques Formats standardisés en fonction des usages (travail, partage, etc.)
OBJECTIF : UNE INSTRUMENTATION POUR LA RECHERCHE
Veille juridique et éthique Veille technologique (dispositifs de prise de vue et de son ;
techniques de compression, etc.) Outils (téléchargement, en ligne) permettant:
La production de processus analytiques nouveaux (ex : manipulation souple et réversible d’extraits vidéos pour rapprochement des phénomènes)
La production de systèmes sémiotiques hybrides (annotation mutuelle) Le partage des analyses ou la realisation d’analyses menées en
collaboration Réflexion spécifique sur les formes de diffusion des
résultats Limites de l’hyper-domination de la forme écrite dans la diffusion des
résultats de la recherche Quelle place possible des supports multimédias complexes (analyse de
l’évolution des supports et pratiques journalistiques) ?
OBJECTIF : UNE INSTRUMENTATION POUR LA RECHERCHE
ViSA n’est pas une plateforme de ressources de formation
Mais à vocation à devenir un espace de réflexion épistémologique sur la production de ressources à des fins de formation à partir d’enregistrements vidéos et d’analyses de recherche Fondements théoriques Méthodologies spécifiques Principes éthiques Etc.
ANALYSE ÉPISTÉMOLOGIQUE DE QUELQUES INSTRUMENTS LOGICIELS D’AIDE À L’ANALYSE
QUELQUES CLARIFICATIONS PRÉALABLES (HABERT, 2005)
Distinction entre : Instrument (spécialisé) : quelque chose qui prend une donnée
langagière et/ou filmique et qui permet d’obtenir une représentation transformée, soit automatiquement, soit semi-automatiquement
Outil (polyvalent) : logiciels multi-usages, polyvalents, non spéfiquement orientés vers des données langagières ou filmiques (ex : access, excel, etc.) (Simondon, 1989)
Ressources : Données (bases de données textuelles, audiovisuelles) Nécessitent de plus en plus des instruments spécifiques de gestion,
classification, exploration, filtrage car non manipulables telles quelles
Dispositif expérimental (Latour,): Montage de techniques manuelles, d’instruments (parfois) d’outils, et
de ressources servant à produire des faits dont la reproductibilité et le statut font l’objet de controverses
VIE ET TRANSFORMATION D’UN DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL
Processus d’évolution : Dispositif Expérimental Prototype Instrument ou lignée
d’instruments diffusion hors des labos de conception dans d’autres dispositifs expérimentaux inscription dans d’autres dispositifs adaptation de l’instrument (feed-back aux concepteurs)
L’instrument devient une boîte noire pour les utilisateurs : les opérations cristallisées dans l’instrument, leur inscription dans le dispositif originel et les choix épistémologiques deviennent pour une part non transparentes
Ce processus peut être long et parfois durablement freiné Milieu associé : ensemble des éléments naturels nécessaires au
fonctionnement d’un objet technique (Simondon) + Ensemble des pratiques humaines qui facilitent l’adaptation de l’instrument dans un champs social donné (Stiegler)
Le passage d’un dispositif à un ou plusieurs instrument est conditionné par un consensus relatif ou filtre social et sa capacité à vivre dans des milieux associés plus ou moins variés (Simondon) Ex1 : Moteurs de recherche actuels issus de dispositifs expérimentaux des années 50 Ex2 : Campagnes d’évaluation nationales et internationales en linguistique sur les
systèmes d’annotation de corpus
DIFFÉRENTS TYPES D’INSTRUMENTS ET OUTILS MOBILISÉS EN SHS
Enregistrement : Statiques : appareil photo – scanner Dynamiques : caméra – enregistreurs audio – enregistreurs de
paramètres physiologiques (ex : fréquence cardiaque, etc.) Traitement des signaux (analogiques/numériques) :
logiciels de numérisation, compression, machines de stockage
Classement / Annotation: Base de données (ex : ViSA, CLAPI, TalkBank, etc.), logiciels (Ex : Advene, etc.)
Aide à l’analyse : Logiciels d’analyse quantitative : lexicométrie, sphinx, spss Logiciels d’aide à l’analyse qualitative : CLAN, Atlas.ti, Transana,
Kronos actogram, Observer, Videograph, etc.
Diffusion des analyses et Formation : logiciels de montage (ex : Avid, Vegas, etc.) ; lecteurs multimédia ; plateforme de formation (ex : Neopass ; Pegase ; etc.)
CARACTÉRISTIQUES DES INSTRUMENTS LOGICIELS D’AIDE À L’ANALYSE EN SHS
Cristallisation d’opérations symboliques humaines d’analyse dans des systèmes de type computationnel (opérations logiques) « Ce qui réside dans les machines, c’est de la réalité humaine, du
geste humain fixé et cristallisé en structures qui fonctionnent » (Simondon, 1989)
Données opérations informatisées Représentation transformée Automatisation des opérations réalisées plus ou moins importante
Quelle valeur ajoutée ? Facilitation de l’exploration des données Découpage en segments et déplacement de ces segments :
Délinéarisation des enregistrements temporels Opérations possibles de rapprochement pour comparaison d’évènements, d’états, de
phénomènes, etc. (similarités, différences, écarts, etc.)
Alignement automatique de données de nature différentes Ex : transcription alignée sur un fichier son ou vidéo (Transana, Videograph, etc.) ;
copie d’une cahier d’élèves liée à un fichier son ou vidéo (ViSA)
Explicitation des procédures analytiques (contrainte imposée par le logiciel) archivage de ces procédures et circulation entre chercheurs
DIFFÉRENTS TYPES DE LOGICIELS D’ANALYSE
Exemple des logiciels d’analyse textuelle en linguistique (Lejeune, 2010)
Montrer Calculer
Explorer
Analyser
Lexicométrie Concordanciers
Automates Réflexifs
Dictionnaires Registres
L’AUTOMATISATION : JUSQU’OÙ ?
Une différence entre enregistrements texte et vidéo liée à la nature des données : analogique ou digitale Données textuelles :
Digitales Opérations automatiques possibles (mais avec des limites) sur ces
éléments symboliques discrets
Enregistrements filmiques : Analogiques Certaines opérations automatiques de reconnaissance de formes, de
mouvements, de configurations (relations entre éléments) possibles mais beaucoup complexes
Conséquence : selon la catégorisation de Lejeune, les logiciels d’analyse vidéo sont principalement de type réflexif (aide à l’analyse) avec des possibilités limitées de calcul et des formes de représentation plus ou moins variées
EX 1 : VIDEOGRAPH : ORGANISATION DE L’INTERFACE Structure de l’interface : 3 fenêtres
1 : Catégories de codage et transcription
1 2
3
2 :Vidéo(s) avec possibilité de lier plusieurs vidéos 3 : Ligne de temps et visualisation des codages
LE DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL INITIAL
Un logiciel créé pour instrumenter un dispositif expérimental à collectif large échelle : le les projets TIMSS vidéo maths et sciences (ex : TIMSS Sciences, 8 pays, plus de 80 leçons par pays
Utilisation de vidéograph
STRUCTURE DU SYSTÈME DE CODAGE Un système de codage
organisé selon une structure inclusive en arborescence Le chercheur définit un certain
nombre de variables, renvoyant à différentes catégories.
Une catégorie peut avoir une seule valeur ou une échelle de valeurs.
Codage de 2 façons possibles par intervalle de temps (time
sampling scheme) : dans ce cas tout codage à une même durée, définie auparavant
par événement (event sampling scheme) : le codage se poursuit jusqu’à ce que l’on indique la fin de l’évènement, mais la durée de l’évènement est un multiple de l’intervalle de temps de base.
LIMITATIONS
Un instrument conçu initialement pour mettre en œuvre un système de codage entièrement défini a priori peu aisé pour construire progressivement les catégories de l’analyse
Pas de représentation élaborée des résultats : exportation des codes et des catégorisations pour traitement sous spss ou excel
Pas de possibilité de segmentation du film pour réaliser des comparaisons
EX2 : ACTOGRAM KRONOS - DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX INITIAUX
« Actogram est un logiciel initialement conçu pour répondre aux besoins des ergonomes et des psychologues du travail » (Kerguelen, 2008)
« La principale caractéristique de l’outil était d’inciter fortement à une planification des observations en imposant la réalisation préalable d’un protocole de description »
Utilisation : En observation directe sur le terrain (palm) Pour analyser des enregistrements vidéo
Un système d’analyse par codage inspiré des champs de l’éthologie et de l’ergonomie du travail
ORGANISATION DE L’INTERFACE
3 onglets correspondant à 3 zones de travail séparés visuellement Définition des protocoles de description (répertoire) Réalisation des relevés (avec pilotage vidéo) et visualisation des
graphes d’activité Statistiques
STRUCTURE DU SYSTÈME DE CODAGE
Protocole de description Classes d’observable
Evènements exclusifs changement d’états ( 1 seul état pour une classe donnée)
RELEVÉS D’OBSERVATION
Modes de relevé Par menu contextuel (1)
1
2
3
Par plan (2) Par boutons (3)
Possibilités de courts relevés de communications verbales
REPRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Graphes d’activité Statistiques Exportations possibles
LIMITATIONS
Le découpage en états mutuellement exclusifs opérationnalise le traitement des données d’observation. Mais permet-il de rendre compte de la manière la plus appropriées de certaines situations / comportements ? Ex : opératrice en charge d’une machine de fabrication de
pièces plastiques : Actions : approvisionner la machine ; trier les pièces produites dans différents bacs ;
contrôler la qualité ; etc. Codes : approvisionnement ; Tri ; Nettoyage ; Contrôle Qualité Activité de contrôle qualité déborde le moment prescrit et se fait partiellement aussi
pendant le tri Pas de segmentation possible des vidéos (en clips manipulables)
travail d’interprétation uniquement basé sur des représentations symboliques (statistiques, graphs, etc.)
Pas de possibilités de jouer plusieurs enregistrements en même temps
EX3 : TRANSANA – STRUCTURE DE L’INTERFACE
4 zones
CARACTÉRISTIQUES DES DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX INITIAUX
Développement en s’inspirant des logiciels d’analyse textuels (collaboration TalkBank) et dans un esprit « ground theory » (Strauss, Glaser) Représentation graphique des fréquences sonores Travail non directement sur la vidéo mais sur les transcriptions Grande souplesse de segmentation et déplacement (virtuel, similaire
aux techniques utilisées dans les logiciels de montage non destructifs) des segments vidéos
Logique de construction progressive des catégories d’analyse : Exploration, segmentation, étiquetage par mots clés, constitution de collection de
segments vidéos ayant des caractéristiques communes (événement, geste, verbalisation, savoir, etc.)
Pas de hiérarchie des catégories
Existence d’une version multi-user permettant le partage des analyses et des données.
STRUCTURE DU SYSTÈME D’ANALYSE Une structure type base de données
Episode = un enregistrement vidéo auquel il est possible d’associer plusieurs types de textes : notes de terrain, verbatim, transcription type Jacobson (ou autre), description des gestes, etc.
L’organisation en séries chronologiques permet de garder à tout moment la structure temporelle originale des enregistrements.
DIFFUSION VERS DES MILIEUX ASSOCIÉS DIVERS
Kronos Actogram reste très marqué par une logique éthologique / ergonomique
Videograph et Actogram présupposent la construction préalable d’un système de catégories
Transana est sans doute actuellement le logiciel le plus adapté aux besoins de la recherche en éducation par sa souplesse et sa logique base de données qui permet l’inscription dans une grande diversité de dispositifs expérimentaux
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