images d'enfance. quatre siècles d'illustration du …...des miniatures pleine page. la...
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J E A N - P A U L G O U R E V I T C H
Q U A T R E S I E C L E S D ' I L L U S T R A T I O N DU L I V R E
P O U R E N F A N T S
C O n t e s d e Perraut illustrés
p a r Gtistave q , r e L e ?e t i tChn
Chaperon r<„,« rouge 1862 r é -
édition eetz . Hetzel 1883.
G É N É R I Q U E D ' I N F O : U N E H I S T O I R E I M P O S S I B L E
"L'illustration, disait Furetière en 1666, ne sert de rien qu'à faire vendre plus cher le livre. "
C'est faire f i d 'un art, dit mineur, dont on se rend compte aujourd'hui qu'il a peuplé
notre imaginaire autant que le texte dont il était l'agrément, qu'il a orienté nos attitudes,
nos choix et jusqu 'à notre regard depuis les premières images qu'il nous a données à voir.
A la question "Quelle est l'origine de la littérature de jeunesse ?"
les chercheurs mentionnent pêle-mêle le Panchatatra (recueil de fables hindoues du VIe siècle),
le Conte des Contes de l'Italien Basile, les Contes de ma Mère l'Oye de Perrault,
les Aventures de Télémaque de Fénelon, ou fantasment sur les amours tumultueuses de
la comtesse de Ségur et de Jules Verne bénies par le couple infernal "H et H" (Hachette et Hetzel).
La question se complique encore dès qu'on aborde l'illustration, sorte d'Amazonie exubérante
et secrète, où les recherches s'enlisent facilement dans le trop-plein de végétation. Si les travaux sur la littérature pour enfants, du fait même du succès de ce secteur florissant
de l'édition, se sont multipliés depuis un demi-siècle, il n'existe en revanche aucune synthèse
sur l'illustration des livres pour enfants. Ceci s'explique par le fait que la notion de livre illustré pour
les enfants en France, qui correspond à des produits éditoriaux aujourd'hui facilement identifiables,
relève en fait de plusieurs héritages dont aucun n'a fait l'objet d'une approche chronologique spécifique.
On trouve jusqu'à la seconde moitié du XVIIIe siècle des livres illustrés qui n'ont pas été écrits
pour les enfants, des livres écrits pour les enfants qui n'ont pas été illustrés, des formes d'illustrations
pour enfants qui ne sont pas des livres, et une tradition française de l'illustration qui ne s'affirme
que difficilement. Reconstruire la saga du livre illustré pour enfants, ce serait à la fois
maîtriser l'histoire du livre, y inclus celle de ses techniques de reproduction d'images
et de son commerce, l'histoire de l'illustration aussi bien dans ses supports livresques que dans tout
ce qui relève de l'imagerie - depuis la feuille de saints jusqu'aux jeux à images - car il n'y a
pas de frontière étanche entre les supports, l'histoire de l'éducation depuis les manuels scolaires
jusqu'aux livres de prix, et prendre en même temps acte de l'évolution des modes, des formes et des lieux de lectures de la clientèle enfantine. Le problème se complique du fait qu'au-delà
de la relation directe entre l'enfant et l'illustration des livres interviennent nombre de prescripteurs
(parents, auteurs, éditeurs, éducateurs) relayés ou freinés par l'environnement
médiatique : tantôt le livre illustré apparaît comme source de plaisir et processus
d'apprentissage, tantôt il est délaissé au profit d'autres objets plus séduisants.
L'ambition de cet ouvrage est donc moins de reconstituer une histoire impossible
que de donner à voir et à découvrir des paysages choisis, avec un parcours fléché
qui comporte des rendez-vous, des haltes aux carrefours stratégiques et quelques aperçus,
au-delà des images elles-mêmes, sur leurs arrière-plans et leurs lignes de fuite.
Voici donc, et comme pour emplir son carnet de route, la bande annonce du parcours-guide proposé.
... des enîants" fru I»tS, fleles,
tfélanêeint ^ et carteS société d'arr̂ teU , 1786. rédigé par dcssin«s-
ÀDctnielÀDefoe "ïsod CrusOé.
Illustration de U>rioux Us, / Hachette, 1930.
^ s a v ' I l lustrat ion . , Nteo te p�lys des tueeeilles ' 1974.
^ S T " ^ T Z U K S dM 'ce- a PaYs de 8 nierveilles. - -
Rôti Cochon ou "méthode très facile pour bien apprendre les enfans à lire en latin et en français". Chez Micard à Dijon. Un abécédaire gourmand du XVIIe siècle.
Illustration savante et imagerie populaire
Dès le VIle siècle apparaissent dans les livres en latin
(textes scolaires de Bède le Vénérable et d'Alcuin, livre
de questions et réponses d'Aelfric) des éléments d'illus- tration. Mais c'est dans les manuscri ts à enluminures
que l'illustration s'exprime avec le plus de richesse. Ceux du Mont-Saint-Michel (XIe au XIIe siècle) croisent déjà
allégrement figures de géométrie, représentations de la
Genèse, scènes de la vie quotidienne (les accordailles)
ou illustration des Chroniques du temps. Ceux qui figu-
rent dans l'exposition de la Bibliothèque nationale sur
Les manuscrits à peinture en France de 1440 à 1520
révèlent la prodigieuse richesse de ces objets-livres où le
textuel et le visuel, loin d'être codifiés dans des espaces
définis, s 'att irent, se chevauchent, s ' interpénètrent ,
selon de subtils jeux de plaisir et de séduction dans la
page. L'illustration est directement liée à la fonction ornementale du livre, objet unique destiné à un com-
manditaire, lequel lira plus les images que le texte. De
fait, souvent l'auteur s'y fait représenter dans son cabi- net de travail et fait met t re en scène la cérémonie
d'offrande du livre.
Par opposi t ion à la minia ture , œuvre d 'a r t unique
s'adressant à un public choisi, l'imagerie populaire se dif-
fuse à la même époque sous la forme de la gravure sur
bois, procédé de reproduction susceptible de gros tirages
et de faibles coûts. Les premiers bois gravés (le bois Pro-
tat) datent de 1370, époque marquée par le succès des
xylographies.
Les xylographies sont des images sculptées sur bois et
encrées qu'on peut reproduire par frottement. Elles
apparaissent avant l'imprimerie, à la fin du XIVe siècle,
et permettent de multiplier les tirages et d'obtenir des
gravures à bon marché. Elles comportent parfois des
phylactères et des banderoles renfermant un texte et
certaines sont s t ructurées en histoires de plusieurs
images, ancêtres de l'image d'Epinal et de la bande dessi-
née, comme dans les supplices de saint Erasme où l'on
voit une série de supplices subis par le saint (dents cas-
sées, entrailles extirpées...). Au départ, il s'agit essentiel-
lement d'images de piété mais rapidement leur domaine
s'élargit à des thèmes profanes (romans de chevalerie,
bestiaire fantastique, vie quotidienne) et se diversifie
pour former de véritables livrets avec des commentaires
en français.
Dans les villages, les images ne sont pas tant destinées à
la lecture qu'à l'ornement des lieux publics (cabarets) et
à la protection de la maison (images accrochées au mur,
sur les dessus de cheminées ou les tours de lits, images
de préservation des saints qu'on colle à l'intérieur des
armoires ou des coffres).
L'imprimerie voit rapidement quel parti elle peut tirer de
ces productions. Dès le XVIe siècle, des éditions à bon
marché de contes et d'histoires empruntés aux fonds
religieux, aux fabliaux ou aux chansons de geste du
Moyen Age sont diffusées par les colporteurs. Leur illus-
tration est parcimonieuse et rudimentaire : deux ou trois
bois gravés tirés sur mauvais papier par opuscule dans le
meilleur des cas. Mais au XVIIe siècle la production et la
diffusion de ces livrets s'amplifieront et constitueront ce
qu'on appelle la Bibliothèque bleue par référence à la couleur de leur couverture.
Cette différence entre "art savant" et "art populaire" ne
se traduit pas en segmentation de clientèles. On pourrait
parler plus justement de deux pôles. Dans Le petit et le
grand testament de François Villon (1489), des gravures
à caractère populaire avec leurs factures naïves et leurs
dessins expressifs coexistent avec des vignettes savantes.
L'apparition au XVIe siècle de la gravure sur cuivre plus
raffinée ne fera pas disparaître cette dichotomie. Le
Journal de Pierre de l'Estoile (1589-1600) s'orne à la fois
de bois et de cuivre. Toutefois, l'image gravée sur bois*
relève davantage d'une clientèle de campagne et l'image
sur cuivre, d'une clientèle de ville beaucoup plus aisée.
* Cet astérisque et les suivants renvoient à la note technique sur les procédés d'impression et d'illustration enf in de volume.
La tradition du livre illustré
Avec l'avénement de l'imprimerie, les procédés se modi-
fient. La typographie permet dès 1481 une insertion de
l'illustration sur bois dans une page composée avec des
caractères mobiles. Les thèmes historiques font leur
apparition (romans de chevalerie) mais le goût pour
l'illustration n'en est pas d'emblée modifié.
"Avec leurs lettrines ornementées, leurs encadrements
fleuris d'or, de pourpre et d'azur, par la richesse de leurs
fantaisies graphiques, écri t Pierre Mornand (1), les
manuscrits du XVe siècle constituaient un modèle presti-
gieux" que les imprimeurs cherchent à imiter. Les com-
positions de Bourdignon, Simon Vostre et Vérard sont
parsemées de lettrines et de guirlandes, et investies par
des miniatures pleine page. La Danse macabre de Nico-
las Le Rouge (1494) offre un titre en échelons avec lettre
historiée qui repose sur une vignette à mi-page représen-
tant des squelettes musiciens.
L'esprit Renaissance : l 'architecture typographique
Peu à peu toutefois, l'usage d'une lettre gothique débar-
rassée des enjolivures, puis la généralisation du romain,
l'invention et le positionnement du titre, l'introduction
du frontispice, entrée de l'ouvrage vouée à la décoration
et aux ornements, assignent à l'image des lieux com-
muns définitifs. Le livre se dégage de la ressemblance
avec le manuscrit et le XVIe siècle marque la préémi-
nence du texte qui reconquiert sa part d'espace sur la
lettre historiée, l'image et le cadre. L'esprit typogra-
phique ne conserve l'allégorie, la guirlande ou le por-
tique que comme des ornementations du bloc imprimé,
centre et cœur de la page. Le bandeau, le fleuron, la
lettre ornée ne font que des apparitions discrètes pour
mieux souligner l'équilibre du texte.
A l'opposé des vignettes sur bois répandues à profusion
dans le corps des ouvrages du XVe siècle, l'esprit Renais-
sance impose un style mâtiné d'Antiquité et d'italia- nisme où l'illustration s'inscrit délibérément dans une
perspective architecturale. Outre les frontispices, les
images décorent les traités de sciences et les récits de
voyages, les livres d'emblèmes où chaque sentence est
ornée d'une vignette allégorique surmontée par un titre,
et exceptionnellement les ouvrages dits de littérature
comme Le Songe de Poliphile d'Alde Manuce (1499) dont les illustrations sont attribuées à Bellini ou à Mante-
gna, Le Plaisant Jeu du dodechedron de fortune de Jean
de Meung (1560), ou L'Histoire de Jason de Boyvin avec
des gravures de Woeriot (1563).
On donnera une place particulière au recueil Les belles
figures et drolleries de la ligue que Pierre de L'Estoile
réalise à partir de sa collection d'images (les documents
circulant au temps des guerres de religion) qu'il colle
dans un album et complète par des annotations manus-
crites, cas exceptionnel où ce n'est pas l'image qui
illustre le texte mais le texte qui commente l'image.
Le XVIIe siècle et l 'art du frontispice
A cette époque, l'ordonnance rectiligne des ouvrages se
renforce et la censure religieuse et politique réduit la
place de l'image : plus d'illustrations semées dans le
texte ni de planches intercalées. L'image se réfugie dans
les frontispices à cippe (titre gravé sur un piédestal, une
colonne ou un rocher) ou à cartouche et dans les ban- deaux dont certains fleurons sont de véritables tableaux.
On peut dire que la recherche d'un équilibre typogra-
phique croît au fur et à mesure que décroît l'importance
de l'image. Seuls quelques graveurs d'estampes comme
Jacques Callot ou Abraham Bosse, auteur d'un traité De
la manière de graver en taille douce, mettent leur art au service du livre.
Des manuscrits du XVe siècle aux ouvrages de 1750,
l'illustration a perdu en prégnance ce que la typogra-
phie a gagné en clarté. A l 'exception du frontispice,
l'image est soumise au texte et l'illustre dans le double
sens du terme : orner d'images et rendre clair par des
exemples. C'est dans ces conditions que paraît en 1668
(1 ) Ce chiffre et les suivants renvoient aux notes en fin de volume.
Fables de La Fontaine
copie p a r Cause des gravures
de Chauveau. La tortue et
les deux canards. Paris, 1729.
chez Barbin la première édition des Fables de La Fon-
taine au format in quarto, ornée de 118 gravures de
François Chauveau avec des vignettes d'en-tête qui ryth-
ment par des effets de décrochement et d'aération toute l'ordonnance du texte.
Les gravures de Chauveau donnent une représentation
littérale des Fables. Le corbeau y est montré la bouche
ouverte et le renard avec le fromage dans la gueule. Les
décors bucoliques de chaumières, de collines et d'arbres
inscrivent l'action dans un espace pastoral où la morale
s'applique à la loi naturelle sans remettre en cause
l'ordre social. Quand Chauveau ne peut faire valoir une
représentation réaliste du fait des dimensions des per-
sonnages (la cigale et la fourmi) ou de la succession des
épisodes qui transforme les rapports entre les person-
nages (la grenouille et le bœuf), il choisit la solution la
plus consensuelle, c'est-à-dire celle qui résume au mieux
le propos. Les villageois regardent en l'air la tortue por-
tée par les deux canards parce que c'est l'image que le
titre donne de la fable même si, au bout du compte, dans
la fable, la tortue se retrouve par terre.
Au XVIIe siècle, comme le montre Marc Soriano, en
dehors des livres d'apprentissage (lecture et sciences),
les livres illustrés relèvent principalement du circuit de
la bibliophilie. Après la noblesse de Cour, la grande
bourgeoisie de robe et les grands commis de l'Etat se
const i tuent leurs bibliothèques. On collectionne les
livres rares chinés chez les fripiers marchands de livres,
et les livres d'art étrangers comme les Fables de Faerne
illustrées de dessins du Titien et parues à Rome en 1565
qui inaugurent en quelque sorte la tradition du livre
d'artiste. Mais la plupart des acquisitions sont faites en
faveur d'ouvrages d'apparat composés pour le roi et sa
cour. Citons par exemple Le Labyrinthe de Versailles
(1679), qui comporte 38 gravures de Leclerc représen-
tant la fontaine de Versailles, et 79 fables d'Esope tra-
duites par Benserade.
L'utilisation de l'image y est particulièrement significa-
Fables de Faerne
illustrées p a r Le Titien.
Les deux enfants et le cuisinier.
Rome, 1565.
CRÉDIT P H O T O S
Fonds ancien, bibliothèque de l'Heure Joyeuse, Paris :
p. 30, p. 117, p. 24,p. 33, p. 26, p. 61, p. 31, p. 75, p. 49,
Collection Gérard Lantz :
p. 6, p. 9, p. 13, p. 14, p. 17, p. 18, p. 19, p. 23, p. 24, p27, p. 29, p. 34.
Bibliothèque Nationale : p. 10 : Rôti Cochon chez Micard, à Dijon.
Hachette : p. 92.
Grasset Jeunesse : pp. 4, 7, 105, 113, 121.
Gauthier-Languereau : p. 104.
Le Sourire qui mord : pp. 98, 106.
Casterman : p. 109
Flammarion : pp. 7 et 87.
Delpire : p. 97.
Gallimard jeunesse : pp. 82, 86, 89, 98, 99, 108, 110.
L'Ecole des loisirs : pp. 93, 98, 101, 100, 112, 135.
Editions du Sorbier : p. 96.
Le Seuil Jeunesse : p. 107.
Hatier : p. 96.
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