hyppolite - psychanalyse et philosophie (1955)
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8/11/2019 Hyppolite - Psychanalyse Et Philosophie (1955)
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I
P S Y C ~ L Y S E ET
Pf.ULOSOPf.UE
La psychanalyse de Freud, qui fut d abord une mthode
parti-
culire pour soigner certains nvross, a pris depuis
1891
une exten
sion et un dveloppement qui en font comme une rvolution dans
le domaine de l anthropologie et des sciences humaines, rvolution
qui atteint mme peut-tre la philosophie tout entire. On parle
d une psythllllll/yse
existentielle
il semble qu il y ait
des
ressemblances
entre la dmarche psychanalytique et
l
na{ylifJ 6 exi.rtenliale de
Heidegger. Tenter de mettre en lumire l originalit et le sens de
cette psychanalyse, pour expliciter son influence dans la psychanalyse
existentielle et l analytique existentiale, tel est le thme propre de
cette confrence.
I. - LA
PSYCHANALYSE
DE
FREUD
Rien n est plus attachant que la lecture des uvres de Freud.
On a le sentiment d une dcouverte perptuelle, d un travail en pro
fondeur qui ne cesse jamais de mettre en question ses propres rsul-
Manuscrit non situ, non dat. Probablement de 19H
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FIGURES DE
L
PENSE PHILOSOPHIQUE
tats pour ouvrir de nouvelles perspectives, une recherche intrpide
que jalonnent des uvres matresses, depuis les
ElriJes
sur I'I Jsflrie,
en collaboration avec Breuer, jusqu' la dcouverte d un au-del
du principe
du plaisir en passant
par la
Srience
Jes Rves, la Trtlllm-
JeRtung, qui est de 1900 (1). C'est ainsi que la psychanalyse qui a
commenc par tre un traitement cathartique se dlivrer d'une
motion ancienne (abraction) remontant des symptmes de l'hyst
rie aux vnements qui taient l'origine de ces symptmes), a pour
suivi
ses
dcouvertes par une exploration de l'inconscient humain,
se traduisant presque directement dans nos rves, comme dans les
symptmes des nvroses, par une tude des rsistances que le moi
oppose
cette exploration, puis
du
transfert l'aide duquel un
sujet revit son pass, le rpte sur la personne de son mdecin, sans
en avoir
un
souvenir effectif.
Ce
n'est pas tout; au moment mme
o le systme freudien allait se fermer, Freud dcouvre avec l ins-
tinct Je ort intimement li l'instinct vital qu'tait: la libido, une
perspective absolument nouvelle. La psychanalyse freudienne telle
qu'elle apparat dans l'tude concrte du
cas
de Dora, de l'homme
aux loups,
du
petit Hans,
du
procureur Schreiber, se montre une
mthode concrte et fconde qui est plus la dcouverte d'une probl
matique
qu n systme achev. Cependant, si
la
lecture des uvres
de Freud nous donne cette impression, elle n'est pas aussi sans
nous causer une surprise et une dception.
n y
a un contraste vident
entre le langage positiviste de Freud la topologie du moi, du a,
du surmoi par exemple) (z), et le caractre de la recherche et de la
dcouverte. Pour apprcier la signication philosophique de l'uvre
(1) es Lofisdlt
n l l r n b ~ ~ ~ ~ g ~ n de
HussERL sont
de
1899. Double effort
de
l'homme pour ressaisir ses sigoifications et se ress isir lui-meme d ns ses signi-
fications.
(z) La conception mergtique de Freud (mergie libre, nergie lie).
e
langage le plus objectif possible pour une dcouverte
si
surprenante,
si
boule
versante d ns ses c dres objectifa-subject:i .
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FIGURES DE L PENSEE PHILOSOPHIQUE
Notons d'abord cette mthode d'exploration, cette exgse
qui
prend la totalit de l'homme, ce (jll il i t
GDIIJ imm111t
aussi bien que
ce qu il dit inconsciemment, les symptmes, les rves, les actes man
qus, les actes symptomatiques,
fin
de reconstituer l'histoire de cet
homme,
le
sens actuel de sa vie t de son existence (t}.
Notons ensuite que cette exploration n'est possible que parce
qu'elle met en jeu tlnix inflri(}IIflllf J, l'analyste et l'analys, parce
qu'elle implique ce dialogue humain, cette communication univer
selle dans laquelle
le
sens
peut
apparaitte comme tel. Car le sens
tait bien l, dj vcu dans une histoire, mais il n'tait pas exprim
comme tel. C'est pourquoi ce sens peut apparaitte l'analyste sans
tre
encore proprement conscient
che
l'analys
(2.).
Mais
l
faut que ce sens vcu, sans tre explicitement conscient,
dominant ce
moi
sans tre domin par
lui
(3), soit proprement
reconnu par le moi lui-mme.
Il
ne suffit pas que le psychanalyste
sache, l faut encore que le psychanalys se reconnaisse dans cette
image qu on lui prsente, qu on lui offre de lui-mme. Cette reconnais
sance est essentielle pour la gurison. A la fin d'une analyse, on
entend
le
patient dire :
Il
me semble maintenant l'avoir toujours
su . C'est par l que se trouve rsolu le problme de l'analyse.
(1)
Dans
une des p r m i ~ psychanalyses de Freud, celle de Dora, inter
p r ~ t o n de la toux et de l'aphonie. Complaisance somatique. Mais quel est le
lien entre le symptme
(ou
l'image du tave)
et
le sens,
la
signification
?
Husserl distingue l illliitt et
la
ngnifttalion, ce
qu on
atteint par une sorte
d'induction positive et p r vise de signification.
La
psychanalyse
a
confondu
l'ac:complissement
des
significations
avec:
l'in
duction des indices.
(2) Celui qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre constate que
les mortels
ne
peuvent cacher aucun secret. Celui
dont
les lvres se taisent bavarde
avec: le
bout
des doigts. n se trahit p r
tous
les pores. C'est pourquoi la tl.c:he de
rendre conscientes les parties les plus dissimules de l'Ame est par .itement
ralisable.
~ )
Transcendant
au
moi, comme un sens
qui
s'impose
dans le
processus
primaire du rave.
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FREU
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Il
ne s'agit pas de
la tonftuion thrititnnt
(bien que la confession
ait souvent jou le rle de la psychanaly e); car
d une part
l
faut pn
trer
dans ce qui dpasse les intentions conscientes
et
le langage
explicite, de
l
l'immense problme de l'exploration de la psychana
lyse, la
T r a ~ ~ m J t N i t m g
et
d'autre part le mdecin
n a
pas
donner de
conseil, se faire
un
ducateur, mais mettre ce moi
en
position
de conduire lui-mme sa propre vie.
Le mdecin doit toujours se
montrer tolrant l'gard des faiblesses de son patient et se contenter
de lui redonner certaines possibilits de travailler
et
de jouir de la
vie mme s'il s'agit d un sujet mdiocrement dou. L'orgueil du
catif est aussi
peu
souhaitable que l'orgueil thrapeutique
(1).
Ce
sens primaire qui
appart
dans les symptmes, dans
la
manire
d'tre au monde
d un
individu, aussi bien que dans les rves, est ant
rieur
la
logique ordinaire et rflexive du moi. A cet gard l'tude
ou
l'interprtation des rves qui nous conduit jusqu' l'exgse des
penses primitives,
la tondtnration
et
au
Jiplactmtnt
sont
un
des monu
ments de Freud, jusque
et
y compris ce que la logique de la veille
apporte de dformation secondaire aux premires laborations des
rves .z).
On
voit
quel problme se pose au philosophe (3) quand Freud
localise
et
dissocie si compltement {du moins dans l'expos des
rsultats) l'inconscient et le conscient, le a et le moi - avec le
(I)
La
tiche
d6finic pu Freud, c'est d'aidCI le moi qui succombe dans sa
lutte contre ces dewi ennemis-allis : le a et le surmoi. Dans
un te rtc
fondamental,
Freud ~ : Si tent que puisse tre l'analyste de devenir l'ducateur, le modle
et l'idal de ses patienta, quelque envie qu il ait de les faonnCI son image, l
lui faut sc mppelCI que tel n est pas le but
qu il
cherche atteindre dans l'analyse
et mme
qu il
f.llit sa tiche en se laissant allCI ce penchant.
(a) Si profonde que soit la TratiiiiMIIItlllg avec la distinction du proccsaus
primaire (les mthodes mmes de l'inconscient - envahir ce territoire ennemi
sans
en
tenir compte) ct du processus secondaire (tenir un peu compte de l'ennemi),
elle
n est
pas suffisante pour cette signification totale, spatiale et temporelle de
l'existence qu'est l'expression primaire.
(3) Problme de la langue fondamentale, comme disait Schrcibcr.
.J.
RYPPOT ITE
J
13
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FIGUR S
DE L PENSE
PHILOSOPHIQU
surmoi qui reprsente l intriorisation des ducations originaires.
Ce problme c est celui de la conscience
ou
de l inconscience de
soi.
e
moi ne s ignore pas autant
qu on
pourrait le croire, l se
mconnatt. Mais cette mconnaissance est encore une connaissance,
et c est ainsi
qu on
peut s expliquer
la
reconnaissance finale de soi
dans l image propose par le psychanalyste. {Exemple de la projec
tion cathartique: je le hais parce qu il me hait le mal n est pas en
moi,
l
est
en
lui. Alceste dnonant
la
socit. Voir le
mal
hors de
soi parce qu il est en soi.) Mais la dcouverte de Freud n a cess
de s approfondir dans l tude des cas concrets,
et
des rapports de
l analyste
et
de l analys.
Au
dbut l semblait que redonner
l analys
une conscience intellectuelle, une explication de ses troubles pouvait
suffire. Lors des tout premiers dbuts de la psychanalyse, nous avions,
l est vrai, en considrant les choses d un point de vue intellectuel,
attribu une grande valeur
faire connatre au patient ce qu il avait
oubli [ ],le succs escompt ne se produit pas, le souvenir intellec
tuel ne suffit pas.
Il
faut vraiment aussi vaincre les rsistanes
{x .
C est une remarque capitale. L obstacle la gurison, c est la
rsistance
du
moi, contrepartie
du
refoulement,
et
cette rsistance
n est pas vaincue
par un
souvenir. Cette rsistance se manifeste dans
le transfert par lequel le malade reporte
sur
son mdecin ou sur
son
entourage les sentiments vcus jadis {z .
a rptition
devient l objet
d une analyse propre, une rptition qui n est pas elle-mme encore
un
souvenir. Ds lors des questions plus profondes se posent. Quelle
dfrence entre le transfert
et
l amour ?
Tout
amour n est-il pas
lui-mme un transfert ?
L ana{1s
ne se so imt
pas
Je sa rvolte
et
e son insoknce
l gard
(1)
En
quoi consistent les dsistances, les dkouvertes des Rsistanccs? Pour
quoi tout le monde n est-il pas
misonnable
? Approfondir la notion de Rsistance,
c est approfondir l interruption
de la
communication, les
difticults du
libralisme
dans
l histoire.
O
sont les rsistllnces ?
(z) Cas
du
procureur
Scbi.ber.
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FREUD
H9
Je l
~ ~ l o r i t
parentale
mais
il
rpite
e ~ l l e onJuile
fJIIGIIllll ( 1 .
Il
ne se
souvient pas de s'tre senti au cours de. ses investigations infantiles
d'ordre sexuel dsespr
et
dconcert, priv d'appui, mais il apporte
des ides
et
des rves confus, se plaint de ne russir
en
rien.
L'amour qui devient manifeste dans le transfert ne mrite-t-il
pas d'tre considr comme un amour vritable ?
Il
est exact que cet tat amoureux n'est que
la
rdition de faits
anciens, une rptition des ractions infantiles, mais c'est l le propre
mme de tout amour et l n en existe pas qui n'ait son prototype
dans l'enfance.
L'approfondissement de cette notion de rptition devait conduire
Freud cette notion d'instinct de
mort
par
quoi nous pouvons rpter
mme des tats pnibles, traumatisme
et
retour dans les rves, checs
successifs dans une vie. et instinct de mort qui habite aussi bien le
vivant que nous sommes que l'instinct de vie se mle avec lui (l'agressi
vit de l'amour), mais peut aussi s'en dissocier jusqu' habiter des ma
lades qui refusent absolument de gurir
et
s'enfoncent dans la mort (.z).
Retenons dj dans cette description schmatique de la psycha
nalyse le mouvement de la Jmarhe
fremlielllle qui est une dmarche
historique de signifiant signifi,
d exgse-
et
cet
approfondisse
ment du dsir humain
(3)
qui dans son ambivalence est Eros aussi
bien que Mort.
(x) Le ttansfert qui est une rptition sans conscience propre du pass comme
tel
est un
gnn
moyen d'action pour le m lccln. mais aussi
une gnndc
manifcs..
tation e
rsistance.
(.z)
omment
s'explique
c:cttc
nouvcllc dcouverte
e
Freud, cc bouleverse
ment
e
la
psycbanalysc ?
Lcctorc
diflicilc de
AIHII
d prin pl tltt
p/4isir
Rcpr6scntation nergtique
ct
:onomiquc. Retrouver
l ~ u i l i b r e perdu
par
les teosions trop fortes. Mais des manifestations tlllnges (nvroses ttaumatiqucs
ou e
guerre
- j e u des cn nts (disparition) -raves pnibles avec angoisse
- checs successifs
d une
vic - rptition obsdante - l 'atthancc de
ls
mort
par ses propres voies).
(3) Le rve n est plus uniquement la ralisation
d un
d fr refoul.
O
nous
conduit-il
?
-
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Bo
FIGURES
DB L
PBNS S E PHILOSOPHIQUE
Il.
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L PSYCHANALYSE EXISTENTIELLE
Freud, avons-nous dit, se sert d un langage positiviste qui est
inadquat
sa propre dmarche. Il recherche un rapport entre des
symptmes, des rves, des vnements de la vie psychique et des
sens cachs qui sont la source des vnements.
Par exemple, le
vol maladroit opr par
un
obsd sexuel n'est pas seulement vol
maladroit. Il nous renvoie autre chose que lui-mme, ds le moment
o
nous le considrons avec les psychanalystes comme phnomne
d'autopunition.
Il
renvoie au complexe premier dont le malade
essaie de se justifier en se punissant.
Mais le langage de Freud suppose une vritable coupure entre le
signifiant (cette motion, ce symptme, ce vol maladroit)
et
le
signifi (le dsir refoul, cet vnement de "enfance). a conscience
serait coupe radicalement de son sens.
a
psychanalyse est pour
tant une exploration omprbensitll
qu on
ne peut absolument pas
assimiler une
tllllsaDt
pl JsifJII' Un fait de conscience n'est pas
une chose par rapport
son sens.
n
ne peut pas dire
non
plus que
le moi vit son motion
ou
son symptme en le comprenant du
dedans. a psychanalyse nous introduit donc
dans
cette mconnais
sance dont nous disions qu'elle tait pourtant - en tant que
mconnaissance - une forme de connaissance. Sartre parle d'une
mauvaise foi congnitale et le mot mauvaise foi ne parat pas non
plus parfaitement convenir
pour
exprimer tout le poids de cette
rsistance s'entendre soi-mme.
a
lecture, l'exgse d un contexte
psychologique impliquent une sorte d'oubli fondamental- et mme
d'oubli de l'oubli - qu'il faut pouvoir remonter. Mais l'oubli
n'est pas
la
disparition pure et simple.
Disons donc que la psychanalyse nous a ouvert une dimension
nouvelle dans l'exploration
concrte des existences humaines; il
s'agit de dchiffrer les symboles d'une conscience, les nigmes qui
sont des nigmes pour ceux mmes qui les vivent.
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FREU
Je prendrai des exemples : celui o Freud nous parle
du
dvelop
pement de la tragdie d dipe comare d une psychanalyse (t);
celui o il tudie un souvenir d'enfance de Lonard de Vinci.
On se souvient du
point
de dpart de l'analyse freudienne, ce
souvenir d'enfance concemant le vautour :
Je
semble avoir t
destin
m'occuper tout particulirement
du
vautour. Le vautour
est le symbole d une vierge mre (les vautours seraient fconds
par le vent), or il y a dans ainfl All118 dans La Vierge
et
/
Enj1111t
ce manteau de la Vierge qui dessine un vautour et s'achve contre
le visage de l'Enfant.
Lonard tait
le fils
naturel d un riche notaire qui pousa l'anne
mme de sa naissance une noble dame,
et
reprit Lonard
pour
l'adopter l ige de s ans. Pendant quatre ans, Lonard vcut seul
avec sa mre, sans pre; il connut
un
premier
et
unique amour :
celui de sa mre, mais il
fut ensuite arrach cet amour, au seul
amour fondamental de sa vie.
Que fit-il de ce dtachement, de ce dracinement, et comment
la libert de Vinci, libert intellectuelle suprme, est-elle en rapport
avec cette premire exprience de l'enfance?
Nul
doute
qu il
n y
ait
un prolongement de cette histoire dans le dveloppement ultrieur
de Lonard. Son histoire l a marqu - et le symbole du vautour
en est l'exemple caractristique; mais elle ne l a marqu que d'une
faon ambigu. D'autres dveloppements eussent t possibles. e
lien qui existe entre cette vie et cette histoire d'enfance n'est pas
un lien semblable une causalit naturelle. Merleau-Ponty a raison
d crire:
a
psychanalyse nous a appris
percevoir d un moment
l'autre
d une
vie des checs, des allusions, des reprises,
un
enchat-
(1) Cf. la Sti11111 Ms
Bbls
O
~ u v r i r o n s n o u s ette
piste difficile d un
crime ancien ?
La pm
dit
Freud, n'est autre chose qu'une rvlation progressive ct t t ~
adroitement mesure - comparable une psychanalyse - du fait qu'dipe
lui-m mc est le meurtrier de Laios, mais aussi le fils de la victime
et
de Jocaste.
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382
FIGURES
DE
L
PENSE
PI LOSOPI QUE
nement que nous ne songerions pas mettre en doute si Freud en
avait fait correctement la thorie (il faudrait parler d une moti
vation
et non
d un dterminisme naturel).
i
l objet de la psychanalyse est de dcrire cet change entre
l avenir
et
le pass,
et
de montrer comment chaque vie rve sur des
nigmes dont le sens
final
n est d avance inscrit nulle part, on
n a
pas exiger d elle la rigueur inductive. La rverie hermneutique
du psychanalyste, qui multiplie les communications de nous nous
mme prend
la
sexualit pour symbole de l existence, et l existence
pour symbole de
la
sexualit, cherche le sens de l avenir dans le
pass et le sens du pass dans l avenir, est mieux qu une induction
rigoureuse adapte au mouvement circulaire de notre vie qui oppose
son avenir son pass et son pass son avenir,
et o
tout symbolise
tout. a psychanalyse ne rend pas impossible la libert, elle nous
apprend la concevoir concrtement comme une reprise cratrice
de nous-mme aprs coup, toujours fidle nous-mme.
ais
quel est ce nous-mme, surtout si
l on
dpasse l tude des
cas individuels pour atteindre l homme ? Sartre reproche Freud
de partir de tendances empiriques,
d un
donn empirique - en
par
ticulier
la
sexualit. Mais Sartre y substitue une libert radicale
par
quoi nous faisons nous-mme notre tre-au-monde.
Entre
cet empirisme
et
cette libert radicale, faut-il choisir ou
faut-il reposer le problme d une autre faon ? Faut-il tendre
la
dmarche de
la
psychanalyse
la
philosophie,
la
mtaphysique
elle-mme? C est l une faon de prsenter l analytique existentiale
de Heidegger, telle qu elle se montre dans l analytique du Darein
dans
Sein
tmt
Zeit
L ANALYTIQUE EXISTBNTIALE
ET
LA PSYCHANALYSE
Pour Freud, la sexualit est une manire d tre au monde- et il
est bien vrai qu elle se prte admirablement traduire les gots et
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FREUD
les dgots et les formes fondamentales des individualits - puis
l'instinct de mort, le transfert et la -rptition. Freud a cherch
dans le a, au-del de
la
conscience (considre comme superficielle)
une explication empirique de l'homme. Qu'est-ce que l'homme?
(question mme que posait Kant).
On
a
pu
mme utiliser les inter
prtations des rves de Freud pour remonter aux mythes et aux
formes originaires de la vie humaine (Jung)
(1).
Mais ne faut-il pas aller plus loin et reconrutre que l'anthro
pologie (tude des primitifs, sociologie, psychologie, psychanalyse
empirique) est elle-mme toujours insatisfaisante ? a sexualit est
nigme, l'instinct de mort est une question, non une rponse, non
une explication. La question :
quest-ce que
l homme?,
est-elle
encore une question anthropologique ? Sartre lui-mme crit que
si toute personne est bien surgissement concret au monde et ne
vit qu'une situation unique, la sienne, cette manire d'tre exprime
concrtement et dans le monde, dans
la
situation unique qui investit
la
personne, une structure abstraite et signifiante qui est le dsir
d'tre en gnral.
Mais qu'est-ce que le dsir d'tre, qu'est-ce que
l tre?
Pourtant
la
dmarche psychanalytique, que nous voulons bien
distinguer des rsultats de la psychanalyse (de la psychanalyse telle
quelle a
fini par
s pratiquer et se dvelopper en Amrique par
exemple : il sagit de rendre tous les gens normaux), est une dmarche
qui ouvre des perspectives
pour
exploration de cette existence
que nous sommes. D y a l des analogies avec la dmarche de l'ana
lyse existentiale chez Heidegger (l'oubli et
la
comprhension pron
tologique de l'Etre. Nous vivons dans une comprhension de l'Etre
sans laquelle aucun tant ne nous serait accessible, et pourtant
cette comprhension de
l Ette
nous chappe, nous fuyons devant
(1)
BINSWANGER, LI,.;,,
/ .xirll l l lf.
e rve met au jour la libert la plus
originaire de l'homme.
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384 FIGURES
E LA PENSE
PHILOSOPHIQUE
elle, prfrant l inauthenticit des relations quotidiennes
la
compr
hension explicite de l tre,
la
saisie de notre existence comme telle, de
notre rapport mme l Etre). Pourquoi cette fuite, cet oubli, ce refou
lement ? Et comment d autre part vivons-nous dans une mconnais
sance de
l Ette
et de la vrit qui sont pourtant la racine mme de
notre tre-au-monde? n n est pas jusqu
la
mtaphysique qui ne
recouvre progressivement
un
originaire qui toujours se drobe.
Il
y a donc des analogies entre l analytique existentiale et la
psychanalyse. L une et l autre partent de la vie quotidienne, d un
concret
et d un
oubli qu il faut remonter, d un oubli qui s oublie
lui-mme; l une et l autre se dfinissent parune exgse, une
ARsletpng.
La
diffrence est sans doute aussi fondamentale que l analogie.
La psychanalyse s enlise dans une base anthropologique, elle part
de faits empiriques toujours contestables. Jusqu o faut-il
remonter?
Qu est-ce que l originaire?
e qui fait l originalit de Heidegger, c est d avoir dfini le
Dasein l tre que nous sommes par la comprhension de l Etre, par
la question de l Etre, c est d avoir donn une signification concrte
cette question abstraite en apparence,
en
1 laborant -
et
ayant
ainsi dfini l homme par ce qui n est pas empirique, mais par la
question mme de la mtaphysique, d avoir fait l exgse de cette
mtaphysique dans son histoire, dans son originaire, dans son sens,
et dans ses phnomnes de rptition ( , un peu comme Freud
prsente l histoire d une individualit dans ses rves et
ses
symptmes.
Je ne voulais qu indiquer cette analogie, pour orienter vers une
dmarche philosophique aussi concrte que peut l tre
la
psycha
nalyse, aussi transcendantale que peut l tre l analytique kantienne.
(1) a otion de logos et
la
rptition. a rptition n est plual inertie, maa
/1
pas
1ntr 1
qui est un tllj
a
rptition est une rptition de l originaire qui n est
pourtant
que par
cette
rptition mme.
L homme dpte
la mesure de
la
rvlation primitive.
Mais cette rvlation
n est
elle-tname que par
la
rptition. D o l histoire.
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piMTh
lrtJir p i l o s o p i q t ~ ~ s
COLLECTION FONDE P R JE N HYPPOLITE
FIGURES
DE
L PENSE
PHILOSOPHIQUE
CRITS DB
JEAN HYPPOLITB
1931-1968)
TOME PR MI R
PRESSES UNIVERSIT IRES
DE
FR NCE
108
BOULEVARD SAINT-GERMAIN
PAlUS
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