gabriel gachen - furet du nord
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- Ça va pas changer -
- le monde -
Gabriel Gachen
Nouvelles
9.84
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (130x204)] NB Pages : 110 pages
- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,055 mm) = 8 ----------------------------------------------------------------------------
Ça va pas changer le monde Nouvelles
Gabriel Gachen
814833
Roman de société / actualité
Gab
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Ne cherchez pas ma science, je n’ai que du rêve
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Sine Mémoriæ
Et si demain, vous aviez tout oublié
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Sine Mémoriæ (sans souvenirs)
Il y a deux yeux au-dessus de moi. Deux billes rondes et brunes avec des cils en éventail
qui balayent par intermittence. Autour, il n’y a rien, juste une lueur rosée qui s’estompe
dans un brouillard diffus. J’ai l’impression d’être dans un monde ouaté où mes
sensations sont mises en sourdine. En fond, derrière, derrière moi peut être, il y a comme une pulsation, un bruit profond, une vibration qui m’ébranle, coups par coups. Cela monte du plus profond de moi. Ce pourrait être une sensation agréable, comme se réveiller dans un lit douillet et chaud, mais ce battement m’emplit, me submerge, se saisit de moi comme une main géante qui me secourait sans ménagement. Je voudrais lui dire de me lâcher, de me laisser reposer, que ces coups de buttoir me font mal, de plus en plus mal.
J’ai envie de crier, de repousser cette force qui se saisit de mon corps, mais je ne sais plus ou sont mes mains, je ne sens rien de ce qui était mon corps il y a peu encore.
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J’ai l’impression soudain que ma vie s’arrête, se met en suspend comme un robinet d’eau qui se ferme. Et puis, le rideau se déchire et s’ouvre enfin.
Tout reviens. Les yeux au-dessus de moi habitent un visage. Une
femme, jeune encore qui me regarde fixement et me parle. Ses lèvres remuent mais ses paroles n’arrivent pas jusqu’à moi. Je suis toujours dans un monde cotonneux ou mes perceptions semblent ralenties.
– Vel ego sum ? Les yeux au-dessus de moi se froncent, est-ce qu’elle
m’a entendue. Ses lèvres remuent à nouveau mais aucun son ne parviens jusqu’à moi.
– Vel ego sum ? J’ai parlé, je le sais. J’ai senti la vibration de mes mots dans ma poitrine. Le visage au-dessus de moi a disparu, où est-elle allée.
Je voudrais bouger la tête, regarder alentour, savoir dans quel lieu je me trouve, mais j’en suis incapable. C’est comme si j’étais collé, englué dans une gangue de mousse qui étouffe mes perceptions, me tiens chaud, se referme autour de moi, ne laissant que cette pulsation hypnotique, qui m’habite, entièrement.
Boum ! boum !
* * *
La forêt est touffue, confuse, les buissons m’assaillent de toutes part, déchirant mes vêtements, mes bras. Il y a du vent qui siffle entre les troncs, comme une mélopée lancinante, un appel qui viendrais de la lisière. La lisière je
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la vois, elle est là bas, au-delà des arbres alignés comme des soldats à la parade. Je voudrais y aller, répondre à l’appel, mais les épines se plantent dans ma chair, s’accrochent à moi, me déchirent.
– sieuuu ; sieuuu ; L’appel est plus pressant, c’est une voix grave,
profonde, la lumière palpite, me réclame. – Sieur ; mon…… sieur !! Je m’arrache, je me laboure le corps sur les derniers
obstacles, mon sang m’inonde, je sens sa chaleur couler sur ma peau tandis que la douleur monte, intense, vibrante. Je voudrais crier mais les sons s’étranglent dans ma gorge. Il faut que je sorte de ce bois maléfique, que je courre vers la lumière.
– Monsieur !… Monsieur ! Elle est là, à portée de main, encore un effort et les
derniers arbres s’écartent comme un regard qui s’ouvre et je plonge dans un univers improbable.
Je suis dans une pièce. Plafond blanc, murs clairs et nus. Il y a le visage d’un
homme qui me regarde. – Monsieur ! Monsieur vous m’entendez ? – Vel ego sum ? Qui es ? Il me regarde comme si j’avais proféré une énormité. – Vous parlez Français ? Je ne comprend pas ce qu’il me dit. Il semble soucieux.
Où suis-je ? Dans quel pays ? Comment suis je arrivé ici ? Il y a un vide dans mon esprit, comme une immense
lande d’ombres et de brouillard. Je peux bouger ma tête, mes yeux. Autour de moi c’est une chambre, une chambre d’hôpital propre et neutre. L’homme est penché sur moi et me
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regarde d’un regard scrutateur. Une jeune femme, que j’ai déjà vue est là également, un peu en retrait, qui semble attendre.
– Quae circa me sunt ?… Vel ego sum ?… Quid dicas non !
Il fronce les sourcils. J’ai déjà connu ce geste, il y a peu. Pourquoi les gens froncent-ils les sourcils quand je leur parle.
– Je suis le docteur Imber, dit il posant une main sur sa poitrine. Docteur Imbert !
Il a répété ces deux mots en accentuant le geste de sa main.
– Doctor ! Doctor es ? – oui ! Je suis le docteur Imbert, et vous, quel est votre
nom ? Tuo nome ? Mon nom ? Est-ce que j’ai un nom ? Je crois que tout le monde a un nom, mais j’ai beau
chercher au fond de ma mémoire, je n’arrive pas à associer un nom à ce que je suis. En fait, que suis je si je n’ai pas de nom. Je le regarde, comme si j’attendais une réponse de lui, est-ce qu’il va comprendre.
– Quia non est anima mea ! Je suis vide, je ne suis rien. Il me regarde comme un animal bizarre. Je pense qu’il
ne me comprend pas plus que ce que je le comprend. Je voudrais savoir ce qu’il y avait avant, j’ai l’impression de m’être réveillé et d’être né en même temps ; pourtant, quelque chose au fond de moi, sait que ce n’est pas vrai. Je suis adulte, j’ai eu une vie avant, mais le brouillard dans ma tête efface tout.
Le docteur c’est retiré, pour parler avec la jeune femme. Il ne m’arrive que des bribes de leur conversation, mais je ne comprend rien à ce qu’ils se disent.
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– Tout va bien, dit il en revenant vers moi, les deux mains ouvertes, tendues devant lui. Tout va bien, nous allons trouver un traducteur. Reposez vous.
Il a tourné les talons et ils sont partis tous les deux, me laissant seul, seul avec mon silence. Je pense que dans la tête d’un homme normal, il doit y avoir du bruit, des souvenirs, des projets. Dans ma tête, il n’y a rien. Je suis comme une page blanche, et je ne sais pas quoi écrire dessus.
Me voir ! Il faut que je trouve le moyen de me voir en face. Bouger ! Est-ce que je peux bouger. Je déplace doucement ma main jusqu’à toucher mon
ventre. Je n’ai pas de douleur. Par petites touches, je découvre ce corps que je ne
connais plus. Je suis mince, peut être un peu de gras sur le ventre. Mon torse est couvert de poils. Je baisse les yeux et je vois ma main. C’est une grande main, avec de longs doigts de pianiste.
De pianiste ? Comment est-ce que je peux savoir ça ? Comment est-ce que je peux faire cette sorte de
comparaison et ne pas savoir qui je suis et ce que je fais ici. Il y a une barbe dure sur mon visage, je dois être ici
depuis plusieurs jours. On doit me chercher ! Qui ! Quelque part, quelqu’un doit me chercher. Si encore je savais où je suis. Je ne semble pas blessé, il n’y a ni tuyau relié à mon
corps, ni douleur sur toutes les surfaces que j’ai pu toucher.
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