favoriser l'inclusion numérique en lycée professionnel: un
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Master « Métiers de l'Enseignement, de l'Education
et de la Formation »
Mention second degré
Parcours : Documentation
Favoriser l’inclusion numérique en lycée professionnel : un enjeu éducatif et
pédagogique
soutenu par
Nour Bousmah
le 19 mai 2017
en présence d’un jury composé de :
Evelyne Montel-Roux
Brigitte Tafforin
Nour Bousmah 2
Table des matières
Table des matières ..................................................................................................... 2
Introduction ................................................................................................................. 3
1. Le numérique en éducation prioritaire ........................................................... 5
1.1. Les difficultés liées au numérique ........................................................... 5
1.2. Les inégalités sociales et scolaires ......................................................... 8
1.3. La fracture numérique ........................................................................... 11
2. La place du numérique à l’École.................................................................. 15
2.1. L’impact du numérique sur les apprentissages ..................................... 15
2.2. L’importance du projet pédagogique ..................................................... 18
2.3. La transmission d’une compétence transversale .................................. 20
3. Les actions pédagogiques et éducatives ..................................................... 23
3.1. Les solutions structurelles ..................................................................... 23
3.2. Les dispositifs pédagogiques privilégiés ............................................... 27
3.3. L’organisation des apprentissages et l’aide au travail personnel .......... 31
Conclusion ................................................................................................................ 34
Références bibliographiques .................................................................................... 35
Résumé .................................................................................................................... 41
Abstract .................................................................................................................... 41
Mots clefs ................................................................................................................. 41
Nour Bousmah 3
Introduction
L’introduction des technologies numériques est un événement majeur qui a modifié
en profondeur nos pratiques en matière d’information et de communication. Le
numérique est ainsi devenu un fait social, sinon total, du moins incontournable qui se
présente comme un défi à relever pour l’École. En effet, l’usage des technologies de
l’information et de la communication (TIC) se heurte à de nombreuses difficultés
auprès des publics scolaires. Nous adhérons ainsi à la déclaration de la Ministre de
l’Éducation nationale de l’Enseignement supérieur et de la Recherche selon laquelle
« l’enjeu de l’avenir numérique que nous construisons ensemble, c’est qu’il ne se
fasse jamais en aggravant des inégalités et des fractures » (Vallaud-Belkacem,
2016b).
Notre étude interroge les usages numériques des élèves inscrits dans une filière
industrielle de l’enseignement professionnel, leurs difficultés éventuelles et les
logiques inhérentes à leurs pratiques. Nous mesurons le niveau de maîtrise des
élèves afin de définir des leviers permettant d’améliorer l’apprentissage des
compétences numériques.
La réflexion autour de cette problématique émerge à l’occasion d’une affectation en
qualité de fonctionnaire stagiaire en documentation au sein du lycée des métiers
René Caillié. Ce lycée professionnel du onzième arrondissement marseillais forme
les élèves dans le secteur industriel, et plus particulièrement dans les métiers du
bâtiment, des travaux publics et de la topographie. L’établissement accueille
différents niveaux scolaires de la voie professionnelle : une classe de troisième
préparatoire à l’enseignement professionnel dite « 3e prépa-pro », cinq sections de
classes préparatoires au certificat d’aptitude professionnelle (CAP), sept sections de
baccalauréat professionnel, et une section préparant au brevet de technicien
supérieur (BTS).
Le numérique sera abordé dans sa dimension transversale sans aucunement nous
limiter à ses aspects techniques. On différenciera également le champ du numérique
de celui de l’information-documentation, même si les deux partagent nécessairement
des préoccupations communes. On envisagera ainsi le numérique en tant que
spécialiste de l’information-documentation mais aussi en qualité de professionnel de
Nour Bousmah 4
l’éducation. Ce positionnement permettra de définir les compétences communes à
tous les professeurs et les compétences spécifiques aux professeurs-
documentalistes qui peuvent être mobilisées dans la transmission des compétences
numériques aux élèves.
Les difficultés des élèves dans le domaine du numérique feront d’abord l’objet d’un
constat. On tentera d’en identifier les origines, les causes mais aussi les implications
afin de cerner au mieux l’étendue du problème. Les enjeux liés au numérique
éducatif seront ensuite analysés de manière à identifier le rôle des TIC dans les
apprentissages et définir le contenu des compétences numériques. L’objectif sera
enfin de déterminer quelles sont les solutions pédagogiques et les actions éducatives
en mesure de faire progresser les élèves en difficulté.
Nour Bousmah 5
1. Le numérique en éducation prioritaire
À partir du constat réalisé dès la rentrée scolaire et de l’étude diagnostique qui en a
suivi, nous avons tenté d’identifier au mieux les difficultés rencontrées par un grand
nombre d’élèves dans l’exécution de tâches numériques relativement simples. Tout
au long de l’année, nous avons relevé ces difficultés pour tenter d’en faire l’analyse.
La connaissance du niveau de compétence attendu à la sortie du collège nous a mis
sur la piste de difficultés structurelles et généralisées au sein du public de
l’établissement. Une majorité d’élèves est concernée par ce problème. Les différents
travaux de recherche consultés dressent un constat similaire au nôtre : les difficultés
identifiées sont inhérentes aux compétences visées, mais aussi spécifiques au public
concerné. L’admettre, c’est déjà le comprendre : les difficultés de ces élèves
semblent être le résultat d’inégalités d’apprentissage des compétences numériques.
1.1. Les difficultés liées au numérique
Être connecté permet aujourd’hui d’être intégré socialement, de communiquer, de
s’informer et d’être contemporain de son époque. Il existe pourtant une quantité non
négligeable de citoyens pour qui la maîtrise des technologies de l’information et de la
communication (TIC) est problématique. Il faut, avant tout, parvenir à caractériser et
identifier ces difficultés. Dès 1999, Lionel Jospin soulevait le problème de
l’ « illectronisme », craignant y déceler une nouvelle forme d’illettrisme. Le Premier
ministre espérait d’ailleurs faire de l’École le rempart contre ce nouveau fléau
(Jospin, 1999). Selon l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), 15% de
la population française serait aujourd’hui touchée par cet illettrisme numérique
(ANLCI, 2016).
Dans cette configuration, on a momentanément cru que les jeunes générations
bénéficiaient d’un avantage considérable en ce qu’elles étaient contemporaines de
ce nouveau paradigme. Les jeunes nés dans un environnement numérique,
surnommés digital natives, seraient plus aptes à maîtriser les compétences
numériques que ceux dont l’apprentissage s’est révélé être une pénible migration du
vieux monde analogique au nouvel univers numérique.
Nour Bousmah 6
Popularisé par Marc Prensky (Prensky, 2001), le terme de digital natives s’est avéré
être un concept à faible valeur heuristique car il occultait le processus
d’apprentissage et l’acculturation technologique que constitue le passage d’une
pratique inconsciente à un usage conscient (Cerisier, 2016; Collin, 2016; Cordier,
2016b).
Si la recherche en sciences de l’information et de la communication a depuis
longtemps permis de déconstruire ce mythe, il continue de résonner de manière
tenace dans la société et dans l’institution scolaire. On touche ici du doigt le
problème des implicites scolaires et des pré-requis excessifs : certaines
compétences numériques sont supposées acquises voire innées et ne font l’objet
d’aucune attention de la part de la communauté éducative. Inéluctablement, ces
implicites sont de plus en plus nombreux lorsqu’on progresse dans les cycles, alors
que les dispositifs sont de moins en moins dédiés à l’acquisition ou la consolidation
de ces compétences.
La mise en œuvre irrégulière du Brevet informatique et internet (B2i) à partir de 2000
n’a pas réellement permis d’unifier dans un référentiel commun et généralisé
l’ensemble des compétences attendues à chaque stade de la scolarité. Son abandon
progressif témoigne du relatif échec du dispositif. Gageons que le prochain dispositif
– le PIX, institué dès la rentrée 2017 – aura une fortune plus heureuse. La
description de sa fonction dans la circulaire de rentrée indique la volonté d’inscrire
les compétences numériques dans une perspective curriculaire liée aux
enseignements, ce qui pourrait les rendre incontournables : « Les connaissances et
les compétences numériques, présentes dans les programmes de tous les cycles,
seront rassemblées et organisées, de façon progressive et par grands domaines,
dans un cadre de référence des compétences numériques, couvrant la scolarité
obligatoire ainsi que le lycée » (Vallaud-Belkacem, 2017).
Admettant que les difficultés liées au numérique n’épargnent pas les jeunes
générations, certains chercheurs et professionnels de l’éducation ont cru pouvoir
imputer ce problème au manque d’équipement des familles et des établissements.
Cette explication univoque laissait supposer que l’immersion dans un environnement
numérique pourrait permettre de régler les difficultés des élèves. Elle prétendait
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également rendre compte des inégalités qui peuvent exister entre des groupes
d’élèves plus ou moins équipés donc plus ou moins compétents.
Les chercheurs s'accordent aujourd’hui à dire que le taux d'équipement est
relativement important. La question de l’accès à internet est aussi en passe d’être
résolue : en France, 4.1 points séparent les élèves de milieu favorisé et ceux de
milieu défavorisé en ce qui concerne l’accès à internet, lorsque l’écart moyen des
pays de l’OCDE est de 13.4 points (OCDE / PISA, 2015). Comme nous allons le voir,
les difficultés semblent d’abord se loger dans les usages. Elles sont notamment dues
à la complexité de l’architecture numérique de l’information, sur internet en général et
les réseaux sociaux en particulier (Jehel, 2016).
Contrairement à l’explication relative à l’équipement qui nécessite seulement une
diffusion massive des TIC, celle relative aux usages introduit la problématique des
apprentissages, et notamment des usages pédagogiques qui pourraient être
développés grâce à ces équipements. L'utilisation des TIC en classe est longtemps
demeurée marginale (Thibert, 2012). En 2012, le rapport de l'IGEN concernant le
suivi du plan DUNE signalait le relatif échec de ce plan pour le développement des
usages du numérique à l'école, lancé deux ans auparavant (IGEN / IGAENR, 2012).
Qu'en est-il aujourd'hui ? Les TIC sont-ils utilisés dans un contexte pédagogique ? Si
le taux d’utilisation a progressé concernant certaines pratiques professionnelles, il
demeure faible pour d’autres. Les enseignants utilisent majoritairement les TIC en
dehors de la classe pour effectuer des tâches administratives ou pour préparer leurs
cours. Si 78% des enseignants déclarent utiliser les TIC au moins une fois par
semaine pour monter des séances pédagogiques, le résultat chute à 35% lorsque les
activités impliquent une manipulation de la part des élèves. L’opinion du corps
enseignant sur les TIC a pourtant évolué positivement ces dernières années : il se
déclare moins réticent qu’auparavant dans les usages et un relatif consensus s’est
établi sur les bénéfices relatifs aux apprentissages. Il reste néanmoins une série de
facteurs dissuasifs et de limites imposées par une trop faible maîtrise de l’outil par les
enseignants.
Au Lycée René Caillié, et malgré l’équipement d’une majorité de salles de cours, les
usages pédagogiques des TIC sont relativement peu fréquents, excepté dans les
filières où leur utilisation est incontournable (filière topographie, par exemple). Nous
Nour Bousmah 8
rejoignons ainsi le constat de Rémi Thibert selon qui l'usage pédagogique des TIC
reste, encore aujourd’hui, très limité (Thibert, 2012). Ce constat n'est pas propre à la
France et se vérifie également à l'échelle européenne : le rapport Eurydice a montré
que nos voisins peinent également à promouvoir les pratiques numériques et à
utiliser des solutions pertinentes (Eurydice, 2011).
Dans ce contexte, les difficultés rencontrées par les élèves dans le domaine du
numérique ont peu de chance d’être surmontées à l’École. D’autant que le contexte
scolaire semble avoir une influence plus ou moins positive sur les apprentissages.
1.2. Les inégalités sociales et scolaires
Si les adolescents n’ont pas des compétences innées et que les solutions
pédagogiques au problème de l’illectronisme sont difficiles à mettre en œuvre, il n’en
demeure pas moins que ces difficultés sont plus ou moins prégnantes en fonction du
contexte scolaire. Les nombreuses études concernant les pratiques numériques et
informationnelles des adolescents ont souvent tendance à les constituer en groupe
homogène et à lisser les difficultés sur l’ensemble du groupe générationnel (boyd,
2016; Cordier, 2016a), ce qui n’est pas toujours le cas (Fluckiger, 2016). Un constat
supplémentaire s’ajoute donc au précédent : les difficultés rencontrées par les élèves
sont renforcées par le contexte scolaire spécifique dans lequel elles s’inscrivent.
Les problématiques liées aux inégalités scolaires sont au cœur des politiques
éducatives depuis plusieurs années. Des dispositifs de réussite scolaire aux réseaux
d’éducation prioritaire, les mesures se succèdent pour tenter de résorber des
inégalités devenues endémiques. Bien entendu, les difficultés scolaires peuvent être
expliquées par une multitude de facteurs relativement indépendants les uns des
autres. Les enquêtes sociologiques montrent néanmoins que les facteurs socio-
économiques sont prépondérants. En France, l’articulation entre inégalités sociales
et éducatives reste très élevée comparativement aux autres pays de l’OCDE
(Cnesco, 2016). L’importance du phénomène est telle que l’institution scolaire
reconnaît désormais que les politiques éducatives doivent « tenir compte du poids
des déterminismes économiques et sociaux » (Vallaud-Belkacem, 2016a). On
remarque par ailleurs que les difficultés sont territorialement localisées, comme
l’indique la circulaire de rentrée 2017 qui entend lutter « contre les inégalités sociales
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et territoriales » (Vallaud-Belkacem, 2017). Ainsi, les facteurs sociaux, économiques
et territoriaux semblent conditionner en grande partie la réussite scolaire.
Le manque d’efficacité des politiques éducatives en matière de résorption des
inégalités a récemment été admis par l’institution scolaire à l’occasion de la
publication du rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire sur les
inégalités sociales et migratoires (Cnesco, 2016). Le Cnesco officialise ainsi l’échec
du processus historique d’unification et de démocratisation du système scolaire
français dans la mesure où il montre que l’école tend à amplifier les inégalités. Le
rapport, qui soulève des inégalités de traitement entre les élèves, est sans appel :
« l’école française donne moins à ceux qui ont moins » (Cnesco, 2016). On constate
ainsi que les élèves en éducation prioritaire acquièrent seulement 35 % des
compétences attendues à la fin du collège. Plus grave, on remarque que l’orientation
des élèves peut être décidée en fonction de critères purement sociaux,
indépendamment des résultats scolaires : à niveau égal, un élève de milieu social
favorisé a deux fois plus de chances qu’un élève des classes défavorisées d’être
orienté dans la voie générale.
Hormis quelques filières qui demeurent sélectives, la problématique de
l’enseignement professionnel est aujourd’hui complètement liée à celle des inégalités
sociales en milieu scolaire. Le dernier rapport de la Direction de l'évaluation, de la
prospective et de la performance (DEPP) montre que le choix de l’orientation en voie
professionnelle est fonction de la catégorie socio-professionnelle des parents. À titre
d’exemple, en 2015, 44% des bacheliers enfants d’ouvriers ont obtenu un
baccalauréat professionnel, 22% un baccalauréat technologique et 34% un
baccalauréat professionnel. La même année, seuls 9% des enfants de cadres et
professions intellectuelles supérieures obtenaient un baccalauréat professionnel,
14% un baccalauréat technologique et 77% un baccalauréat général. Il faut
également noter que 60% des bacheliers dont l’origine sociale n’est pas renseignée
obtiennent un baccalauréat professionnel : cet indicateur n’est pas anodin quand on
sait que l’incertitude de l’origine sociale embrasse en réalité une multitude de
situations généralement précaires pour les élèves concernés (MENESR, 2016b).
La sortie des lycées et lycées professionnels de la carte de l’éducation prioritaire
laisse supposer que les problèmes des établissements auparavant concernés par
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ces dispositifs sont désormais résolus. Par ailleurs, les spécificités des
établissements et les difficultés de leur public ne sont plus aussi aisément
identifiables. Néanmoins, les données statistiques recueillies dans les fiches
établissements permettent d’établir un constat assez fin des difficultés auxquelles
nos élèves sont éventuellement confrontés, comparativement aux moyennes
académiques et nationales.
Au lycée René Caillié, un nombre important d’élèves éprouve des difficultés sociales
et scolaires. L’établissement était auparavant inscrit en zone d’éducation prioritaire
(ZEP), puis dans le réseau de réussite scolaire (RRS). Les difficultés scolaires
rencontrées par les élèves sont elles-mêmes disparates : on constate des écarts
d’âge importants au sein d’une même classe, certains élèves sont en échec scolaire
et d’autres n’ont été que peu scolarisés auparavant. L’établissement accueille de
nombreux mineurs isolés et d’élèves primo-arrivants dont certains vivent en foyer
d’accueil. Les situations sociales les plus délicates concernent les élèves de CAP :
35% d’entre eux n’ont aucun parent référencé dans la fiche élève. L’établissement
accueille de nombreux élèves étrangers, lesquels ont souvent des difficultés dans la
maîtrise de la langue. Cette diversité de nationalités concerne surtout les classes de
CAP (13 nationalités recensées en 1ère année de CAP) et, dans une moindre
mesure, les classes de Bac Pro (6 nationalités en 2nde). Les problèmes concernant la
maîtrise de la langue sont plus larges et rendent nécessaire l’organisation
d’entretiens de positionnement dès la rentrée scolaire. Certains élèves ont déjà été
diagnostiqués « dys » lors de leur cursus antérieur mais d’autres ne le sont que trop
tardivement. Le taux d’absentéisme est relativement élevé et les retards sont
fréquents. Si certains sont imputables aux difficultés relatives aux transports en
commun, ils témoignent surtout d’un manque de motivation de la part des élèves
concernés.
Comme l’a montré Aziz Jellab dans sa Sociologie du lycée professionnel, il existe
bien une hiérarchie des filières au sein de l’enseignement professionnel entre le
tertiaire et l’industriel, d’une part, et au sein même des filières industrielles, d’autre
part (Jellab, 2008). Le taux de pression relativement faible dans les filières du
bâtiment et des travaux publics rend possible l’occupation des places vacantes par
les élèves avec les dossiers scolaires les plus difficiles, ainsi que les élèves pour qui
l’accueil en établissement correspond davantage à un processus de resocialisation
Nour Bousmah 11
qu’à un projet scolaire motivé. Les orientations subies sont nombreuses et les
différentes vagues d’affectation acheminent des élèves de moins en moins motivés
par les formations.
Les répercussions du contexte scolaire sur les résultats sont nettes : bien que les
taux de réussite au CAP soient globalement satisfaisants, ceux du brevet et du
baccalauréat sont bien en deçà des moyennes nationales. Ces deux certifications
sont d’ailleurs celles qui impliquent le plus la maîtrise de compétences numériques.
1.3. La fracture numérique
Les difficultés scolaires dont témoignent les élèves de ce type d’établissement
concernent également le domaine du numérique. On constate ainsi une fracture
numérique en fonction des caractéristiques sociales, économiques et territoriales.
Cette fracture vient mettre à mal une seconde fois le mythe des digital natives
puisqu’on remarque que certains jeunes sont davantage « natifs », c'est-à-dire
initiés, que d’autres en ce domaine.
Différentes recherches menées ces dernières années montrent l’existence d’une
corrélation forte entre les catégories sociologiques classiques et le niveau de
compétences numériques : ces dernières sont ainsi fonction de l’âge, du niveau de
revenu et de diplôme. Les inégalités de compétences numériques et
informationnelles recoupent ainsi les inégalités sociales et culturelles (Brotcorne &
Valenduc, 2009). Concernant plus spécifiquement les publics scolaires, on observe
bien évidemment une répercussion des indicateurs socio-économiques du foyer sur
le niveau de compétence.
Il faut cependant remarquer que les inégalités éducatives liées au numérique sont de
moins en moins liées à l’équipement. La fracture numérique au regard de
l’équipement ou de l’accès à internet s’est progressivement résorbée, même si les
foyers les moins équipées demeurent toujours les plus fragilisées socialement. Dans
les familles des milieux populaires, la distribution de l’équipement se fait souvent en
faveur des enfants, ce qui conduit au phénomène paradoxal selon lequel ces élèves
sont en moyenne plus équipés et bénéficient plus souvent d’un poste connecté dans
leur chambre que leurs camarades de milieu aisé. À titre d’exemple, les élèves de 6e
Nour Bousmah 12
et de 5e scolarisés en réseau d’éducation prioritaire sont 86% à posséder un
téléphone portable. Parmi eux, 94% possèdent un smartphone (AFEV, 2016).
Si les inégalités persistent, elles se situent donc au niveau des usages : dès le début
des années 2000, des chercheurs ont remarqué l’apparition d’une fracture de 2e
degré concernant les inégalités d’usages ou d’accès à l’information (Hargittai, 2002).
Il suffit de réaliser une typologie des usages numériques des adolescents pour se
rendre compte de l’écart existant entre ceux qui ont des usages exclusivement
ludiques et ceux qui parviennent à avoir des « usages créatifs et utiles » (Barbin,
Bourgeois, & Siœn, 2016, p. 177). Cette différence pose d’autant plus problème que
l’appropriation des compétences non-ludiques est plus difficile. Par ailleurs, il
semblerait que le partage entre usage ludique et usage à visée pédagogique dépend
du capital culturel des foyers. Les compétences transversales liées à l’utilisation des
TIC sont ainsi mieux appréhendées par les élèves qui évoluent dans un
environnement culturel privilégié (Rideout, Foehr, & Roberts, 2010). Plus inquiétant,
parmi les variables individuelles, culturelles et socio-économiques qui conditionnent
les usages numériques des jeunes, ce sont les dernières qui sont prépondérantes
(Collin & Karsenti, 2013).
Les inégalités s’enracinent principalement dans les usages numériques
extrascolaires qui sont hétérogènes (Collin, 2016). On remarque ainsi que les élèves
ont un socle assez restreint d’usages communs puis une gradation d’usages et de
compétences qui élimine progressivement les élèves les moins favorisés
(Livingstone, Haddon, Görzig, & Ólafsson, 2011). Cette configuration s’explique par
les inégalités d’accompagnement dans les usages. L’enquête INEDUC montre par
exemple que l’encadrement des pratiques numériques des adolescents au sein de la
cellule familiale est fonction de leur milieu social (Le Mentec & Plantard, 2014). Les
enfants des classes populaires, relativement bien équipés, sont moins bien
accompagnés pour prendre en main l’outil et en faire un usage responsable. Lorsque
l’enfant navigue seul dans sa chambre sans contrainte horaire, il ne fait pas le même
apprentissage qu’un enfant dont la session internet est effectuée dans le salon et
limitée dans le temps. Pour 54% des collégiens scolarisés en éducation prioritaire, il
n’y pas de limite temporelle à l’utilisation des équipements numériques (AFEV,
2016). Le contexte spatio-temporel dans lequel s’inscrivent les pratiques numériques
adolescentes est donc propice à faire émerger des inégalités éducatives.
Nour Bousmah 13
Partant du constat que les inégalités liées au numérique persistent dans le temps, de
nombreuses recherches ont tenté de définir plus finement l’objet des difficultés
rencontrées par les jeunes de milieu social défavorisé. Si le déterminisme du milieu
social sur les usages du numérique concerne les pratiques, on observe qu’il s’exerce
encore plus fortement du point de vue des connaissances mobilisées pour analyser
la pertinence des contenus en ligne (Cerisier, 2016). Aussi, la fracture qui en découle
est plus importante que celle relative à l’analyse des contenus traditionnels. Ce
déterminisme est propre à générer des inégalités en milieu scolaire lorsque les
élèves sont amenés à réaliser la sélection de contenus par leurs propres moyens,
dans le cadre d’un exposé par exemple (Wei & Hindman, 2011).
Une enquête récente de la DEPP montre que les compétences des jeunes en lecture
sur support numérique sont liées à leur indice de position sociale1 : on constate qu’il
existe un échelonnement des scores des établissements en matière de lecture sur
support numérique en fonction de leur IPS moyen. Par ailleurs, on remarque que les
élèves en éducation prioritaire sont surreprésentés dans les groupes à faible niveau
de compétences et sous-représentés dans les autres groupes (MENESR, 2016a).
On observe finalement que la fracture se décline en plusieurs niveaux liés à
l’équipement (niveau 1), aux usages (niveau 2), aux interprétations (niveau 3) et à la
socialisation (niveau 4). Pascal Plantard, anthropologue des usages des
technologies numériques, estime dans ce contexte que « la fracture ne se réduit pas,
elle se déplace » (Plantard, 2013).
Le quatrième niveau de fracture concernant la socialisation construite à partir des
usages du numérique a justement été identifiée dans le cadre d’une enquête sur les
inégalités éducatives menée auprès d’un échantillon de lycéens de l’agglomération
rennaise. Pascal Plantard et Mickaël Le Mentec ont ainsi mesuré une différence
d’usage des réseaux sociaux significative entre les lycéens ultra-connectés du
centre-ville et ceux du lycée professionnel de la périphérie qui utilisent
sporadiquement les réseaux sociaux dans le but d’y faire des rencontres heureuses
(Le Mentec & Plantard, 2014).
1 L’IPS permet de caractériser la proximité du milieu familial de l’enfant au système scolaire. Il est plus
précis que le seul indicateur lié aux professions et catégories socioprofessionnelles car il intègre aussi des éléments qualitatifs liés au capital culturel ou à l’implication des parents dans la scolarité des enfants
Nour Bousmah 14
Considérée dans son aspect le plus extrême, la fracture relative à la socialisation
révèle une forme d’exclusion numérique liée au sentiment d’isolement : il met ainsi
en exergue l’incapacité à sociabiliser dans un environnement numérique et indique la
nécessité de développer un numérique plus « inclusif ». Cette analyse est précieuse
lorsqu’on cherche à comprendre les difficultés rencontrées par un nombre important
de « mineurs isolés » au sein d’un établissement scolaire.
La situation se complique davantage lorsqu’on prend en considération les
problématiques migratoires qui deviennent de plus en plus prégnantes. Cet état de
fait marque le retour de la figure du digital native par son négatif conceptuel : le
digital immigrant. L’invalidité de la thèse de Prensky nous permet ainsi de réinvestir
le concept de digital immigrant avec une interprétation beaucoup plus littérale, dans
un contexte géopolitique de plus en plus marqué par les migrations de populations.
Cette figure conceptuelle, originairement utilisée pour désigner les individus qui
n’appartenaient pas au groupe des digital natives en raison de leur âge, pourrait être
réinvestie pour désigner les élèves dits « primo-arrivants » et, plus globalement, les
élèves n’ayant pas bénéficié de l’apprentissage des compétences numériques lors
d’un parcours scolaire linéaire et conventionnel. Il s’agit, par exemple, des élèves de
lycée professionnel qui n’ont pas obtenu le Diplôme national du brevet au sein
duquel les compétences numériques sont évaluées.
Fort de ce constat, l’enjeu de l’École est désormais d’accompagner les élèves en
difficulté dans l’apprentissage des usages numériques. « Le numérique et la
réduction des inégalités » était d’ailleurs l’un des objets de la Concertation nationale
sur le numérique pour l’éducation en 2015. À cette occasion, deux questions ont été
posées aux acteurs du milieu éducatif : « Quels moyens faut-il mettre en œuvre pour
réduire la fracture numérique ? Quelles sont les conditions pour que le numérique
contribue à la réduction des inégalités ? » (MENESR, 2015). Les deux questions sont
évidemment liées, mais ont des implications réciproques : dans le premier cas le
numérique est l’objet d’inégalités à résoudre, dans le second il est présenté comme
la solution. Cette bivalence invite à questionner la manière dont l’École peut se saisir
de cet enjeu afin d’œuvrer pour la réduction des inégalités.
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2. La place du numérique à l’École
À partir du constat réalisé au sein de l’établissement et dont la généralisation est
permise par les acquis de la recherche, il devient nécessaire d’analyser les
conditions de possibilité d’un apprentissage des compétences numériques qui
permette à tous les élèves de surmonter leurs difficultés. On interroge parallèlement
l’intérêt réciproque que peut avoir l’utilisation des TIC dans le domaine éducatif, et
notamment dans l’apprentissage des fondamentaux. L’enjeu est de comprendre le
rôle que peut avoir le numérique dans la réduction des inégalités scolaires et,
espérons-le, des inégalités sociales.
2.1. L’impact du numérique sur les apprentissages
L’institution scolaire promeut depuis de nombreuses années le numérique en tant
que technologie capable de résorber les inégalités. La loi d’orientation sur l’éducation
de 1989 estime déjà que les TIC peuvent être mises au service des élèves « qui
courent un risque d’échec scolaire » (République française, 1989). Cette idée selon
laquelle le numérique aurait un impact positif sur les apprentissages se trouve au
fondement des politiques éducatives depuis l’émergence des TIC à l’École. Selon
Najat Vallaud-Belkacem, « le numérique est un levier majeur pour nous permettre
d’atteindre les principaux objectifs de notre politique éducative : la réduction des
inégalités scolaires, culturelles et sociales » (Vallaud-Belkacem, 2015). Il reste
toutefois à déterminer les conditions dans lesquelles le numérique agit effectivement
comme levier, car le lien de cause à effet n’est pas si évident qu’il n’y paraît.
Le dernier rapport PISA spécifiquement consacré au numérique éducatif indique que
les TIC ne sont pas utiles dans la lutte contre les inégalités, ou plutôt qu’ils ne sont
pas encore utiles dans la mesure où l’institution scolaire n’a pas pleinement
développé les approches permettant d’en bénéficier. L’enquête n’a pas permis de
mesurer une différence significative sur les résultats scolaires entre les pays de
l’OCDE qui utilisent massivement les TIC et ceux qui en font un usage parcimonieux
(OCDE / PISA, 2015). Les recherches menées ces dernières années autour de
l’influence du numérique sur les apprentissages semblent s’accorder à dire que
Nour Bousmah 16
l’impact est relativement faible voire inexistant2. Le consensus autour de cette
analyse a été interprété comme un invariant structurel connu sous le nom de
syndrome NSD (no significant difference, c'est-à-dire « pas de différence
significative ») : l’impact du numérique sur les apprentissages serait nul et non avenu
(Thibert, 2012).
Pire encore, des recherches suggèrent que le numérique pourrait, en certaines
circonstances, avoir un effet négatif sur les apprentissages et contribuer à renforcer
les inégalités éducatives. Le rôle ambivalent des TIC dans la formation des élèves
est perçu dès 1984 par François Boule, dans un dossier de l’association
Enseignement Public et Informatique. Selon lui, « rien ne permet de penser a priori
que l'informatique est un bien en soi, réducteur des inégalités et porteur de novation.
C'est un outil qui peut avoir ces effets favorables, ou bien, si l'on n'y prend garde, les
effets inverses » (Boule, 1984). Des auteurs plus sceptiques dénoncent quant à eux
l’imposture des discours selon lesquels l’École numérique est une École plus
inclusive. Ils préconisent que l’éducation numérique se fasse seulement à partir du
lycée et de manière purement théorique, c'est-à-dire sans écrans (Bihouix &
Mauvilly, 2016).
Sans rejoindre cet extrême, il est néanmoins possible de conduire une analyse plus
fine de ce qu’implique un apprentissage des compétences numériques au sein du
système éducatif. Cette réflexion pourrait être salutaire mais reste difficile à mener :
les critiques et modérations des chercheurs ont longtemps été inaudibles car
considérées comme technophobes (Collin, 2016).
Il convient d’abord de déconstruire les discours concernant l’impact supposé
unilatéralement positif du numérique sur les apprentissages. Le travail
historiographique autour du concept de « fracture numérique » permet d’en saisir la
charge idéologique, qui se mesure à l’aune de son emploi récurrent dans les
discours politiques des vingt dernières années, d’abord aux USA puis en France.
L’OCDE et les gouvernements successifs identifient par là un problème social – la
fracture – dont le remède ne serait autre que l’accélération de cette même
numérisation (Plantard, 2016).
2 Les méta-analyses, qui compilent les résultats et données de différentes enquêtes, convergent vers
ce résultat (Thibert, 2012).
Nour Bousmah 17
L’analyse de ces discours a abouti à l’identification d’un « paradigme de l’impact »
qui désigne l’impact positif que le numérique aurait supposément sur les situations
d’apprentissage (Collin, 2016). Le numérique est ainsi envisagé unilatéralement
comme vecteur de réussite scolaire et comme catalyseur de progrès.
Le problème de ce paradigme est qu’il empêche d’identifier clairement les sources
des inégalités, donc de trouver des solutions adaptées aux enjeux. Il interdit
également de comprendre que le numérique éducatif peut, en certaines
circonstances, renforcer les inégalités. On remarque ainsi que les difficultés résistent
aux politiques de diffusion massives du numérique lorsque ces dernières ne sont pas
conduites par une réflexion plus fine des niveaux qui structurent les inégalités.
Selon Anne Cordier, la distance qui sépare l’idéal égalitaire lié à l’émergence du
numérique et la réalité à l’œuvre dans la société actuelle fait apparaître son rôle dans
la reproduction des distinctions sociales (Cordier, 2016b). La thèse bourdieusienne
est ainsi actualisée par l’intégration des TIC comme nouveau dispositif socio-
technique sur lequel s’ancrent les inégalités. On pourrait aussi parler de l’apparition
d’un « capital numérique » tant les jeunes semblent aujourd’hui hériter de répertoires
de pratiques (Cordier, 2016c). En tout état de cause, l’observation des distinctions
produites ou accentuées permet de déconstruire le discours idéologique sous-jacent
dans la promotion des politiques publiques en faveur du numérique, dans l’objectif de
trouver des solutions moins dogmatiques et plus efficientes. Se dessine également,
en creux, la nécessité de prendre en compte la multiplicité des contextes au sein
desquels les pratiques d’apprentissage digitales peuvent émerger, y compris les
contextes informels ou invisibles de l’institution scolaire.
Le paradigme de l’impact présente également des limites dans le cadre des études
qui cherchent à mesurer l’efficacité du numérique sur les résultats scolaires. Les
analyses d’impact sont souvent biaisées car la seule variable considérée est celle de
l’intégration des TIC en dehors de toute considération sur le contexte social et
scolaire. Par ailleurs, elles se fondent uniquement sur les résultats scolaires
quantifiables lorsque les compétences en jeu ne font pas toujours l’objet d’une
notation. Dans la mesure où les évaluations conservent encore une forme
relativement traditionnelle, il est difficile de percevoir une évolution ou un impact
significatif (Thibert, 2012).
Nour Bousmah 18
2.2. L’importance du projet pédagogique
Le dépassement du paradigme de l’impact permet de recentrer la réflexion sur les
inégalités à identifier afin de définir plus précisément le rôle que les apprentissages
peuvent avoir dans leur réduction. Plutôt que d’attribuer au numérique des qualités
censées résorber les inégalités induites par son introduction – ce qui constitue ni plus
ni moins une nouvelle forme technophile de « pensée magique » (au sens de Lévy-
Bruhl) –, il paraît plus réaliste aujourd’hui de tenter de réduire les inégalités par des
pratiques pédagogiques adaptées. En effet, le paradigme de l’impact a conduit à une
forme d’essentialisation du numérique, occultant du même coup le rôle que les
acteurs de la communauté éducative avaient à jouer. Il paraît de plus en plus
clairement que la réussite du numérique éducatif – mais aussi son échec, le cas
échéant – repose sur les acteurs capables de le mettre en œuvre.
Il convient, autrement dit, de recentrer la focale sur l’action pédagogique des
formateurs qui ont un rôle prépondérant à jouer. La connaissance approfondie des
difficultés et entraves rencontrées par les élèves doit nous permettre de déployer des
pratiques différenciées et ciblées. Le rôle primordial de l’école et sa responsabilité
dans la réduction de la fracture numérique est mis en avant par de nombreux
chercheurs, pour qui l’institution scolaire est garante de l’équité sociale en matière
d’éducation au numérique, au sein d’un cadre normé – l’École de la République – et
en lien avec l’ensemble des apprentissages. Selon Jean-François Cerisier, l’École
doit faire face à cet enjeu « non seulement en intégrant les techniques numériques
aux activités d’apprentissage mais en organisant un enseignement explicite
s’adressant à tous les élèves » (Cerisier, 2016, p. 15). Le fait que les compétences
numériques ne fassent pas l’objet d’un enseignement spécifique est effectivement
considéré comme un « facteur bridant » (Thibert, 2012). Cette absence est jugée
contradictoire avec la mise en place de dispositifs d’évaluation des compétences
comme le B2i (Fluckiger, 2016).
En l’état, c’est au niveau de l’intégration du numérique dans les contenus
d’enseignement que des progrès peuvent être réalisés. La manipulation des TIC par
les élèves lors de séances pédagogiques reste une modalité incontournable
d’apprentissage des compétences numériques. Le rapport Fourgous identifie quatre
Nour Bousmah 19
stades d’intégration des TIC par les enseignants : la découverte, l’adoption,
l’appropriation et la création. On constate que les pratiques numériques des
enseignants relèvent majoritairement des deux premiers stades, alors que les deux
derniers sont les plus importants car ils concernent l’intégration pédagogique et
l’utilisation innovante (Fourgous, 2010). En l’état, il est certain que l’influence positive
des TIC sur les apprentissages et les résultats peine à être perceptible (Thibert,
2012). La formation des professeurs et personnels d’éducation demeure sans doute
insuffisante et centrée sur la technique plutôt que sur la pédagogie (Charlier, 2010).
Ils sont ainsi plus de la moitié à déplorer « une formation inexistante ou insuffisante à
l’utilisation pédagogique du numérique » (MENESR, 2016c).
Le fait de recentrer la focale sur la pédagogie permet aussi de déconstruire
l’argument selon lequel l’utilisation des TIC permet de mobiliser et de motiver
davantage les élèves. Les recherches sur les facteurs de motivation en contexte de
scolaire montrent clairement que le numérique n’est pas intrinsèquement motivant en
tant que support (Cordier, 2016a). La motivation ne peut venir que du scénario et de
la manière dont l’élève perçoit son implication dans l’activité (Viau, 2009).
On identifie ainsi deux écueils à éviter : celui de l’inertie et celui de la technologie.
Dans un cas, les TIC sont utilisées comme supports de contenus dans un cadre
disciplinaire inchangé. Il ne peut y avoir aucune amélioration significative des
apprentissages s’il s’agit simplement de numériser des activités réalisées
précédemment de manière analogique (Sanchez, 2012). L’enjeu est de renouveler
les dispositifs didactiques grâce à ces outils et leurs potentialités. Dans l’autre, les
apprentissages sont centrés sur la technique sans aucun lien avec les contenus
d’enseignement. Les recherches en science de l’éducation montrent que les
dispositifs inter et transdisciplinaires, ainsi que les pédagogies dites « actives »,
semblent plus enclins à tirer avantage du numérique (Poyet, 2011). C’est la raison
pour laquelle l’apprentissage des compétences numériques ne peut se limiter à sa
dimension technique. Les formateurs ont pour objectif de développer un usage
critique des technologies, afin que la maîtrise des outils devienne une véritable
maîtrise sur les outils (Cordier, 2016c).
Nour Bousmah 20
2.3. La transmission d’une compétence transversale
Envisager les apprentissages numériques comme des compétences transversales à
transmettre aux élèves permet d’échapper à l’alternative entre la technologie et
l’inertie. Ces compétences, même si elles ne sont pas prises en compte dans les
études d’impact car elles sont plus globales et moins tangibles que d’autres, ont
pourtant leur importance pour permettre aux élèves d’évoluer dans l’environnement
informationnel qui fait partie intégrante de la société.
En effet, les usages numériques sont bien souvent corrélés à des compétences
transversales utiles – parfois même, nécessaires – à la vie sociale, citoyenne et
professionnelle. On pense d’emblée aux dimensions légales et juridiques de la
culture numérique : en ce domaine, les apprentissages formels sont incontournables
car ces aspects ne sont presque jamais évoqués en dehors de l’institution scolaire. A
contrario, l’éducation aux bons usages et la sensibilisation aux risques liés à internet
entraine un véritable clivage entre les adolescents qui bénéficient ou non d’un
accompagnement familial. Ainsi, les collégiens les plus conscients des risques liés à
internet sont ceux qui bénéficient d’une forme de contrôle parental sur leurs activités
(AFEV, 2016). En ce domaine, l’École a un rôle préventif à jouer pour permettre aux
élèves d’éviter les risques et de naviguer sereinement sur les réseaux sociaux.
L’apprentissage des compétences numériques est surtout une exigence pour
l’inclusion sociale. Les auteurs de l’enquête INEDUC ont, par exemple, pris le parti
de définir les usages numériques par un nouveau paradigme qui devient la clef de
compréhension des enjeux soulevés : l’usage est défini comme un « ensemble de
pratiques socialisées », dans la mesure où les pratiques – lorsqu’elles sont
partagées – créent de nouvelles normes autour desquelles se fonde la sociabilité.
Cette définition a permis, en creux, de découvrir l’existence d’un facteur d’exclusion
numérique lié au sentiment d’isolement. Mickael Le Mentec préconise d’y faire face
en abordant les TIC dans leur capacité à créer et favoriser du lien social, afin que l’e-
inclusion puisse aboutir à une véritable inclusion sociale (Le Mentec, 2016).
La maitrise de compétences numériques n’est pas seulement une exigence pour
éviter l’exclusion. Elle peut inversement conduire à un renforcement réel du pouvoir
d’agir des individus. Cette thèse est notamment défendue par la Fondation Internet
Nouvelle Génération (FING) qui a tenté de définir les conditions de possibilité
Nour Bousmah 21
d’un empowerment des individus lié à l’usage du numérique. Cette augmentation du
pouvoir d’agir, corrélatif d’une réduction des fractures économiques et sociales, ne
peut être effective que si l’usage du numérique conduit à un renforcement de l’estime
de soi et du lien social, une meilleure capacité à interpréter l’information pour se
l’approprier cognitivement et une capacité à créer, produire et « fabriquer » des
contenus. La réunion de ces conditions dépasse donc la question des équipements
et de la technique pour engager celle d’un « environnement d’apprentissage
collectif » qui rende favorable l’acquisition d’une méta-compétence : l’apprendre à
apprendre dans un environnement numérique (Marchandise, 2016, p. 9).
Cette analyse est partagée par le Conseil national du numérique qui préconise la
transmission d’une « littératie numérique » définie comme « aptitude à comprendre et
à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la
collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses compétences et
capacités » (Conseil national du numérique, 2013). La littératie numérique recouvre
donc en réalité un spectre relativement large de compétences dont l’acquisition est
susceptible de constituer un levier d’inclusion.
Les usages numériques impliquent des compétences sociales qu’il est important de
transmettre aux élèves, si la pédagogie nous le permet. De ce point de vue, les
possibilités offertes par le numérique en matière de travail collaboratif méritent d’être
exploitées davantage. Le fait que le numérique facilite les pratiques horizontales est
positif du point de vue de l’apprentissage car les élèves sont plus actifs. En ce
domaine, la mixité sociale en milieu scolaire reste incontournable tant elle constitue
le terreau d’une société inclusive : les compétences numériques sont souvent
acquises auprès des pairs, par mimétisme, avant d’être consolidées en classe.
Le numérique a aussi modifié en profondeur notre rapport au savoir et à l’information.
Si les recherches les plus sceptiques insistent sur le fait que les TIC ont altéré nos
capacités de concentration, on s’attachera plutôt à prendre acte de l’extension
prodigieuse du champ de l’information et de la communication. En effet, la masse
d’information disponible s’est démultipliée et sa circulation est de plus en plus rapide.
Dans le rapport de 2005 intitulé Vers les sociétés du savoir, l’UNESCO met en avant
la notion d’ « apprenance » – traduction de learning – comme compétence
transversale permettant la recherche, l’analyse et la critique de l’information dans la
Nour Bousmah 22
société numérique : c’est donc potentiellement une méta-compétence qui mobilise
notre capacité à apprendre dans un environnement informationnel (UNESCO, 2005).
Dans cette perspective, l’enjeu n’est plus de mesurer l’effet du numérique sur des
apprentissages qui peinent à s’adapter à la nouvelle configuration du savoir, mais de
faire évoluer les formes d’apprentissage pour qu’elles y coïncident. Par conséquent,
il devient nécessaire de développer le sens critique des apprenants (Thibert, 2012).
L’évolution des outils et des supports info-documentaires dans les établissements est
un exemple d’adaptation à ce nouveau contexte qui mériterait d’être suivi par toute
l’institution. En intégrant les TIC dans la politique documentaire, les professeurs-
documentalistes rendent visible une nouvelle organisation du savoir au sein même
de l’espace scolaire (Bassy, 2011; Devauchelle, 2012). Au lycée René Caillié, par
exemple, l’élaboration d’une bibliothèque numérique, organisée et structurée, a
permis de favoriser l’accès des élèves à la lecture sur support numérique. Les
ressources proposées aux élèves à travers le portail documentaire ont également été
enrichies. L’objectif n’est pas de remplacer l’imprimé par le numérique car on sait que
les pratiques informationnelles des jeunes demeurent résolument multimédiatiques.
L’intégration des ressources numériques correspond simplement au constat suivant
lequel l’activité de recherche d’information passe de plus en plus souvent par le
numérique (Cordier, 2016a).
Les professeurs-documentalistes offrent surtout aux élèves un accompagnement
dans l’usage des TIC dont ils ne bénéficient pas forcément à l’extérieur de
l’établissement. En effet, les compétences transversales font souvent l’objet
d’apprentissages informels auprès de la famille ou des pairs. Du point de vue de
l’institution scolaire, il pourrait être utile de les formaliser afin de les enseigner et les
évaluer, à l’instar de ce qui est progressivement fait pour l’éducation aux médias et à
l’information. Outre le bénéfice intrinsèque qu’une telle formalisation pourrait avoir
sur la lisibilité des contenus d’enseignement, on pourrait espérer, à moyen terme,
pouvoir mesurer l’efficacité des actions éducatives sur ce domaine transversal. Dans
cette perspective, les études d’impact pourraient réellement évaluer et accompagner
les politiques éducatives dans le domaine du numérique.
Nour Bousmah 23
3. Les actions pédagogiques et éducatives
Forts du diagnostic selon lequel il existe une fracture numérique en milieu scolaire et
conscients des enjeux relatifs à l’acquisition des compétences qui font parfois défaut
aux élèves, nous poursuivons la réflexion pour tenter de définir des stratégies de
remédiation efficaces à ce problème. En ce sens, l’affirmation d’Anne Cordier selon
laquelle la communauté éducative a « un rôle à jouer dans la réduction des inégalités
cognitives et sociales engendrées, ou accentuées, par le numérique » nous semble
évidente (Cordier, 2016b, p. 33).
3.1. Les solutions structurelles
Le constat et l’analyse de la fracture numérique qui affecte de nombreux élèves de
l’enseignement secondaire en France exige de penser les solutions à une échelle
relativement globale et d’un point de vue structurel : l’équipement, la mise à
disposition de ressources pertinentes, l’expérimentation des dispositifs, la formation
des enseignants et les partenariats sont autant d’éléments nécessaires à la réussite
des projets pédagogiques.
L’équipement et les outils : Dans une certaine mesure, il semble évident que des
moyens méritent d’être investis dans les établissements et les territoires les plus
touchés par la fracture numérique. Les chercheurs du projet INEDUC préconisent par
exemple de concentrer les efforts des politiques publiques non plus sur l’équipement
systématique de tous les collégiens mais sur les solutions qui prennent en compte
les enjeux territoriaux. Ainsi, le Plan numérique pour l’École pourrait être mis en
pratique de manière prioritaire dans les territoires les moins favorisés de manière à
créer des établissements connectés en zones rurales et en zones urbaines sensibles
(Plantard, 2016). Si les inégalités ont tendance à se reporter des équipements sur les
usages, l’accès aux TIC demeure un préalable pour engager toute action
pédagogique. En ce sens, le taux d’équipement relativement élevé des lycées
professionnels (1,8 élève par ordinateur) comparativement aux LEGT (2,4 élèves par
ordinateur) et aux collèges (4 élèves par ordinateur) constitue un atout considérable
(MENESR, 2016a). Le lycée René Caillié est d’ailleurs mieux équipé que la moyenne
nationale des LP avec 1,795 élève par poste.
Nour Bousmah 24
Les terminaux mobiles, dont l’usage peine à être admis en milieu scolaire, peuvent
s’avérer très utiles aux élèves. On sait désormais que la mobilité est incontournable
dans les pratiques informationnelles de jeunes (Cordier, 2016a). Parfois mieux
maîtrisés que les équipements fixes, les smartphones rendent possible une
recherche d’information instantanée. Les élèves évitent ainsi l’attente du démarrage
des postes et les étapes d’identification qui peuvent constituer des barrières
techniques et symboliques. On citera le cas des élèves en FLS qui utilisent
régulièrement les outils de traduction sur leurs smartphones pour exprimer une idée
ou comprendre une consigne.
Le recours régulé à la pratique du Bring your own devices (BYOD) peut bénéficier à
la classe, même auprès d’élèves socialement fragilisés. L’augmentation du taux
d’équipement pourrait permettre d’atteindre une quantité suffisante de smartphones
pour l’ensemble de la classe. Certaines expérimentations ont montré que le partage
d’un même équipement rend possible une initiation par les pairs (Lagaillarde, 2016).
Le BYOD permet aussi à des publics peu autonomes de bénéficier des effets positifs
de la pédagogie inversée : les élèves peuvent faire des recherches documentaires
en classe de manière instantanée pour prendre part à la construction des
apprentissages. Ainsi, on est assuré que tous les élèves réalisent la tâche, avec des
possibilités d’archivage et d’éditorialisation non négligeables.
Au sein de l’établissement, l’Environnement Numérique de Travail (ENT) peut
devenir le support de projets pédagogiques ou recenser des ressources pertinentes
dans le contexte local. On remarque néanmoins que les ENT sont majoritairement
consacrés à des tâches administratives en lien avec la vie scolaire et peu utilisés en
tant que dispositif pédagogique, même si la dernière enquête nationale d’évaluation
des usages des ENT indique une nette amélioration dans ce domaine (MENESR,
2016d). Au lycée René Caillié, un plan de formation vient d’être lancé afin d’intégrer
l’utilisation de l’ENT dans le dispositif d’aide au travail personnel. L’objectif est
d’améliorer l’efficacité de l’aide proposée aux élèves par l’intégration de sites
collaboratifs au sein de l’ENT.
Les ressources : La mise à disposition de ressources pertinentes reste indispensable
pour les élèves comme pour les enseignants. Ces derniers ont souvent un rapport
doublement problématique à leur utilisation dans un cadre pédagogique : d’une part,
Nour Bousmah 25
la profusion des ressources peut entraver l’accès aux contenus les plus pertinents,
d’autre part, un manque d’information sur la disponibilité de ces ressources empêche
leur utilisation. À titre d’exemple, 24% des enseignants de LP déclarent ne pas savoir
si l’EPLE met à leur disposition des ressources numériques. On note également une
méconnaissance répandue des bases de ressources pédagogiques, à l’exception
des sites académiques et des portails disciplinaires Éduscol (MENESR, 2016c). Pour
mieux les recenser, le nouveau moteur de recherche des Ressources Numériques
pour l’École Myriaé devrait être d’un recours précieux, si tant est que cette méta-
ressource soit connue et utilisée3.
En ce qui concerne les ressources proposées aux élèves, la sélection doit être
réfléchie en amont pour correspondre à leurs besoins. Les contenus éditorialisés,
c'est-à-dire les ressources conçues par des éditeurs publics ou privés, sont souvent
gages de qualité. En ce domaine, on remarque que le nombre de ressources
éditoriales pédagogiques en ligne par établissement reste limité : la majorité des
lycées professionnels propose une à quatre ressources éditoriales pédagogiques en
ligne (MENESR, 2016a).
La diffusion des ressources peut être rendue plus efficiente par l’action des membres
de la communauté éducative. L’aide au travail personnel étant la pierre angulaire du
projet d’établissement du lycée René Caillié, on peut estimer que la mise à
disposition de ressources numériques aux élèves constitue une contribution
importante du professeur-documentaliste à la réalisation de cet objectif. Il a ainsi été
décidé d’implémenter un outil de veille informationnelle et de curation de ressources
à destination des élèves. Le professeur-documentaliste s’est engagé à collecter,
traiter et diffuser les informations et ressources pertinentes en fonction du public visé
grâce au portail Netvibes intégré au portail documentaire. Le portail recense des
ressources pédagogiques et éducatives pour les élèves, des informations sur
l’orientation ou la recherche de stages, des informations institutionnelles ou encore
culturelles. Conçu pour répondre et s’adapter au besoin d’information des élèves, cet
outil de veille et de curation a l’avantage d’être évolutif et modulable. Il peut ainsi être
modifié en fonction de l’évolution des besoins et, surtout, des retours et des
remarques suggérés par les utilisateurs.
3 Myriaé est un portail public présentant de l’information sur les Ressources Numériques pour l’École,
mis en ligne en novembre 2016 : https://myriae.education.fr/
Nour Bousmah 26
Il est réjouissant de constater que des ressources spécifiques à la voie
professionnelle commencent à être produites par l’institution scolaire. Le projet
École, Numérique et Industrie, piloté par le réseau Canopé, devrait proposer à la
rentrée 2018 une plateforme de ressources numériques pour la diffusion de la culture
technique et industrielle4.
L’expérimentation : L’expérimentation des dispositifs pédagogiques est un autre
élément qui pourrait améliorer l’efficacité des politiques éducatives. Depuis 2015, le
dispositif e-FRAN (espaces de formation, de recherche et d'animation numérique)
permet, grâce à des investissements conséquents, de financer des projets dans le
domaine du numérique éducatif. Ces projets sont d’abord inscrits dans une cadre
territorial car portés par des acteurs locaux. Ils constituent une phase
d’expérimentation préalable qui a vocation, si elle est concluante, à être généralisée.
La logique ascendante proposée par e-FRAN pourrait permettre de faire avancer
plus rapidement les connaissances relatives à la performance des pratiques
d’enseignement liées au numérique.
La transposition de ce dispositif au contexte de l’enseignement professionnel, grâce
à la plateforme ProFan, permet aux lycées professionnels de bénéficier de projets
numériques innovants plus expressément liés aux métiers. En cours
d’expérimentation depuis 2016 dans dix académies pilotes, le dispositif ProFan doit
être généralisé à la rentrée 2017.
La formation des enseignants : La réussite des projets pédagogiques permettant de
mobiliser des compétences numériques dépend en grand partie des acteurs qui les
mettent en œuvre. Par conséquent, la problématique de la formation des formateurs
demeure essentielle. En ce domaine, la formation continue des enseignants est
d’autant plus importante qu’elle concerne des savoirs et des compétences affectés
par une évolution rapide. C’est la raison pour laquelle le Référentiel des
compétences professionnelles incite chaque membre de l’équipe pédagogique à
« intégrer les éléments de la culture numérique nécessaire à l’exercice de son
4 « Le projet École, Numérique et Industrie a pour ambition d’établir une coopération entre les
professionnels de l’industrie et ceux de l’éducation autour d’une plateforme de ressources numériques qui met en valeur des réalisations ou des objets industriels » : http://eni.crdp-paris.fr/
Nour Bousmah 27
métier » (MENESR, 2013). Le développement des parcours M@gistère peut
contribuer à développer et actualiser ces compétences.
Les partenariats : L’ouverture de l’établissement sur l’extérieur peut compléter avec
succès le travail des équipes pédagogiques si les actions sont bien coordonnées. La
liaison avec les parents, les réseaux associatifs et les partenaires institutionnels est
primordiale. Le diagnostic personnalisé de compétences réalisé au sein des classes
d’entrants pourrait être complété par un questionnaire destiné aux parents afin de
connaître leurs besoins et leur proposer une aide adaptée. La mise en relation avec
une structure existante pourrait éventuellement bénéficier aux publics en demande.
Un partenariat conclu entre des structures extra-scolaires sélectionnées pour leur
sérieux et l’établissement serait bénéfique aux élèves et aux parents qui en
ressentent le besoin. Il faut, en amont, rencontrer les responsables des structures
pour mieux connaître leurs différentes actions et passer éventuellement un contrat
d’engagement réciproque. La complémentarité de l’institution scolaire avec les
acteurs de terrain peut être coordonnée à l’intérieur de l’établissement par une
personne ressource identifiée pour son rôle prescripteur.
À l’heure actuelle, les structures les mieux indiquées semblent être les Espaces
Publics Numériques (EPN) dont l’objectif est clairement de renfoncer la cohésion
sociale autour des enjeux du numérique (Barbin, Bourgeois, & Siœn, 2016). Les EPN
labellisés « Point Cyb » et pilotés par le réseau Information jeunesse (IJ) conviennent
particulièrement à l’accueil de publics scolaires. Ces espaces ont les qualités idoines
pour développer les compétences transversales liées au domaine du numérique.
3.2. Les dispositifs pédagogiques privilégiés
La mise en œuvre du numérique éducatif doit répondre à un projet pédagogique
cohérent et réfléchi pour être pertinent (Davidenkoff, 2014). Par ailleurs, l’élaboration
de tout projet pédagogique exige de définir en amont les objectifs et compétences
visées par le dispositif d’enseignement. Ce travail est d’autant plus nécessaire
concernant les compétences numériques dans la mesure où les apprentissages
informels peuvent interférer avec les apprentissages formels.
Nour Bousmah 28
Concrètement, de nombreux dispositifs existants peuvent être investis pour travailler
ces compétences. On insistera sur le fait que la taille des groupes joue un rôle
hautement incitatif ou dissuasif chez les enseignants. Lors de l’enquête PROFETIC
2016, 73% des enseignants interrogés ont déclaré que la taille du groupe peut
constituer un frein à l’usage du numérique en classe, ce qui constitue le premier
facteur dissuasif invoqué (MENESR, 2016c). Les activités pédagogiques réalisées au
cours de l’année au Lycée René Caillié ont permis de vérifier positivement ce
constat : nous avons systématiquement pris en charge des demi-groupes ou des
groupes restreints (moins de 15 élèves) lorsque l’activité nécessitait la manipulation
des outils numériques.
À tous les niveaux de la scolarité, les heures d’accompagnement personnalisé
peuvent être investies pour travailler des compétences disciplinaires à l’aide des TIC.
Le format du dispositif rend possible une pédagogie différenciée qui va permettre à
chaque élève d’exprimer ses besoins et de progresser à son rythme dans la
réalisation des tâches numériques.
Les séances d’accompagnement personnalisé effectuées auprès des élèves de 1ère
en baccalauréat professionnel ont permis d’expérimenter une forme de pédagogie
active. La découverte puis l’usage d’outils numériques et une méthodologie
transdisciplinaire ont réussi à consolider les acquis de l’enseignement général de
manière créative. Il a d’abord fallu définir les besoins du groupe et préciser les points
des programmes de l’enseignement général qui méritaient d’être approfondis. Des
ressources adaptées ont ensuite été sélectionnées dans le but de réaliser des
productions numériques. Les productions réalisées ont permis de valoriser les
connaissances acquises et les compétences mises en œuvre. Les ressources
numériques ont suscité un certain intérêt car les élèves ont mesuré leur utilité à la
fois en milieu scolaire, dans le monde professionnel et dans le domaine des loisirs.
À l’occasion d’une séquence sur l’identité numérique professionnelle, les élèves ont
appris à s’inscrire sur un réseau social professionnel, à rechercher un emploi sur
internet mais aussi à distinguer l’identité personnelle de la présence numérique. En
lien avec le programme de géographie, les élèves ont utilisé une carte géographique
numérique pour positionner des repères, tracer des lignes, mesurer des distances et
des aires. Le programme d’éducation morale et civique a permis de travailler sur les
Nour Bousmah 29
enjeux de l’information en ligne pour la citoyenneté. Les élèves ont appris à naviguer
sur les sites d’actualités et à utiliser une carte mentale numérique pour analyser des
articles de presse. Les productions des élèves ont fait l’objet de publications sur des
espaces numériques publics et privés.
Le bilan de cet atelier numérique en accompagnement personnalisé est globalement
positif, même s’il a fallu un certain temps d’adaptation pour que l’ensemble des
élèves présents soient impliqués. Le format – séances d’une heure – est assez
contraignant pour la mise en activité sur un environnement numérique. Il semblerait
plus pertinent de dispenser des séances de deux heures tous les quinze jours. Le
principal problème reste celui de la motivation de certains élèves en l’absence de
notation. On pourrait imaginer une forme de bonification liée au degré d’implication
dans ces dispositifs, plutôt qu’au résultat obtenu car tous les élèves ne partent pas
du même niveau dans la maîtrise de l’outil.
Le dispositif d’enseignement général lié à la spécialité (EGLS), propre aux lycées
professionnels, peut également être investi pour travailler des compétences
numériques avec les élèves. L’objectif du dispositif est de participer à la
professionnalisation des élèves par des activités pédagogiques qui peuvent être
réinvesties dans l’enseignement professionnel, lors des périodes de formation en
milieu professionnel (PFMP) ou, plus tard, dans le parcours professionnel. En règle
générale, la priorité des professeurs en charge de cet enseignement est la recherche
de stage et le travail des compétences orales élémentaires qui permettent de
s’adresser à une éventuelle structure d’accueil, autant de compétences qui font
souvent défaut aux élèves. Si bien que peu de séances semblent consacrées à la
restitution des PFMP, notamment à la mise en forme numérique du rapport qui est
pourtant exigée. Les rapports d’activités sont généralement rendus sans que leur
production ait fait l’objet d’un suivi particulier en EGLS.
Il a néanmoins été possible de travailler en collaboration avec les enseignants en
charge de l’EGLS sur la préparation et la restitution du rapport d’activité. Une
première séquence a eu lieu avec les élèves de 2nde Bac Pro qui terminent l’année
scolaire avec un stage de trente jours à la suite duquel ils partent en vacances d’été.
C’est le premier stage auquel ces élèves sont invités à participer dans leur cursus de
préparation au baccalauréat professionnel, et le rendu du rapport d’activités est
Nour Bousmah 30
attendu pour la rentrée de septembre en classe de 1ère Bac Pro. Afin de préparer au
mieux la période et sa restitution, éviter les oublis et la précipitation, une séance en
amont du stage est organisée pour conseiller les élèves et leur faire acquérir les
réflexes indispensables à la démarche de collecte d’information. Les principes
élémentaires de rédaction et de sauvegarde des travaux sur traitement de texte ont
été rappelés aux élèves, ainsi que la manière d’intégrer des illustrations au rapport.
Une seconde séquence a été adressée aux élèves de 1ère Bac Pro qui avaient déjà
rendu un rapport d’activité à la rentrée. À partir de cette première restitution, des
conseils personnalisés de perfectionnement ont été adressés aux élèves. Le
dispositif EGLS peut donc être l’occasion de travailler des compétences numériques
en lycée professionnel, plus particulièrement en amont et en aval des PFMP.
Les difficultés particulières dont témoignent les élèves primo-arrivants peuvent
éventuellement faire l’objet d’une prise en charge spécifique. À titre d’exemple, la
ville de Montréal a mis en place un programme d’éducation aux médias
spécifiquement adressé aux élèves primo-arrivants afin de faciliter leur intégration
(Kounakou & Agbobli, 2016). À notre modeste échelle, des séances pédagogiques
co-animées avec les enseignants de français langue seconde (FLS) ont permis de
travailler les compétences numériques conjointement aux compétences linguistiques
comme la compréhension et la production écrites : la réalisation d’affiches sur le
pays d’origine des élèves a été l’occasion de faire des recherches d’informations et
d’illustrations mais surtout d’initier les élèves concernés à la publication assistée par
ordinateur. Les productions ont été imprimées en grand format et exposées à la
Maison des Lycéens pour valoriser le travail des élèves.
Ces dispositifs pédagogiques formalisés dans l’emploi du temps des élèves
permettent de réaliser un travail efficace qui favorise l’apprentissage des
compétences numériques.
Nour Bousmah 31
3.3. L’organisation des apprentissages et l’aide au travail personnel
À présent, il semble évident que la transmission des compétences numériques
incombe à la communauté éducative dans sa globalité. De ce point de vue, le
professeur-documentaliste a un double rôle à jouer : d’une part, dans l’organisation
de cet apprentissage, d’autre part, dans son enseignement.
L’apprentissage des compétences numériques nécessite d’adapter les exigences
curriculaires au public concerné. C’est d’ailleurs la préconisation principale de Remi
Thibért du service Veille et Analyses de l’IFÉ : « L’articulation entre les curriculums et
les pratiques de classe est à penser au niveau de l’établissement qui est l’échelon
essentiel de la mise en œuvre des politiques numériques » (Thibert, 2012, p. 13). Le
professeur-documentaliste, grâce à sa connaissance de l’établissement et de son
contexte, semble être la personne indiquée pour piloter ce travail d’ajustement. Sa
fonction de pivot dans l’établissement lui permet de conseiller le chef
d’établissement, de communiquer avec les collègues de discipline et d’impulser des
projets innovants. En lien avec le comité numérique et le conseil pédagogique, il peut
réussir à infléchir les pratiques pédagogiques dans le sens d’une intégration
pondérée du numérique dans les apprentissages. Cette démarche est primordiale
tant on sait l’importance du leadership dans l’accompagnement du changement et de
l’innovation dans les établissements scolaires. L’inertie des équipes peut facilement
ressurgir si personne ne prend garde à pérenniser les projets (Reverdy & Thibert,
2015). À l’échelle de l’établissement, la concertation des équipes pédagogiques rend
possible une mobilisation pour la réduction des inégalités liées au numérique. La
circulation de l’information est primordiale pour que la progression des
apprentissages corresponde aux besoins des élèves. L’enjeu est de savoir quels
sont les pré-requis exigés avant qu’ils ne le soient afin de ne pas pénaliser les élèves
qui ne les maitrisent pas encore. Cette concertation exige, sinon une certaine
stabilité des équipes, du moins une formalisation précise des dispositifs
pédagogiques. Au lycée René Caillié, le cahier de texte numérique rend possible ce
travail même si le taux de remplissage pourrait être amélioré. Les travaux
numériques tels que les rapports d’activités ont l’inconvénient d’être sensiblement
différents d’une filière à l’autre. Un effort d’unification des consignes pourrait
permettre aux professeurs en charge des enseignements généraux de proposer une
aide plus efficace aux élèves.
Nour Bousmah 32
Le professeur-documentaliste participe évidemment à la formation des élèves au
numérique par ses fonctions d’enseignant. Spécialiste de l’information-
documentation, le professeur-documentaliste doit savoir adapter les contenus mais
aussi la didactique de son propre enseignement au contexte scolaire. L’enjeu est de
cibler les difficultés, différencier la pédagogie sans l’individualiser. L’enseignement de
l’information-documentation concourt à former les élèves à l’autonomie par
l’acquisition de réflexes et de capacités qui ne sont pas autant mobilisées dans les
disciplines scolaires. En ce sens, Anne Cordier affirme la nécessité de doter tous les
élèves d’une « culture de l’information ambitieuse et émancipatrice » qui permette
aux élèves d’effectuer des choix conscients et réfléchis dans leurs usages (Cordier,
2016b, p. 37). Cette proposition fait écho au Référentiel de compétences spécifiques
aux professeurs-documentalistes dans lequel l’éducation aux médias et à
l’information a notamment pour objectif d’accompagner les élèves « dans leur accès
à l’autonomie » (MENESR, 2013).
Nous avons ainsi envisagé la problématique des compétences numériques à travers
le prisme de l’aide au travail personnel. Nous avons pris appui sur le constat suivant
lequel les TIC ne sont pas efficaces en tant que support de contenu mais lorsqu’ils
sont un « support pour la cognition»5 permettant aux élèves d’atteindre un objectif
(Tamim, Bernard, Borokhovski, Abrami, & Schmid, 2011, p. 17). Ces considérations
renvoient à l’exigence de rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages.
Le troisième axe du projet d’établissement a pour objectif de « créer les conditions de
la réussite de chacun ». Pour favoriser la réussite des élèves, un dispositif renforcé
d’aide au travail personnel (ATP) a été mis en place. En effet, ce travail n’est que
rarement effectué par les élèves en dehors de l’établissement. Dans cette
perspective, une « cartographie du travail personnel » au lycée a été élaborée pour
désigner un certain nombre d’espaces propices au travail. Elle indique le CDI et sa
salle informatique comme lieux au sein desquels les élèves peuvent se rendre pour
effectuer des recherches et recevoir de l’aide de la part du professeur-
documentaliste. Le projet d’établissement désigne explicitement trois points par
lesquels se traduit cette aide : « recherches internet ; aide au traitement de texte ;
aide aux devoirs » (Lycée des métiers René Caillié, 2015). Il n’est pas anodin que les
5 Nous traduisons.
Nour Bousmah 33
compétences numériques soient engagées totalement dans les deux premiers points
et partiellement dans le dernier. Lors des temps d’accueil au CDI, il est possible
d’accompagner les élèves dans leur travail personnel en mobilisant certaines
compétences numériques. Nous avons ainsi proposé un accompagnement en amont
des échéances certificatives avec l’organisation des révisions en ligne. Nous avons
aussi favorisé l’implication dans la démarche de professionnalisation avec l’aide à la
recherche de stage sur internet, la rédaction d’un CV, d’une lettre de motivation, ou
d’un rapport de stage grâce aux suites bureautiques. Nous avons également appuyé
les démarches de recherche d’information en ligne.
À titre d’exemple, nous avons constaté que les pratiques informationnelles des
élèves étaient bridées par l’utilisation d’un unique moteur de recherche. Les
difficultés sont apparues insurmontables lorsque ce moteur de recherche a bloqué
les requêtes en provenance du lycée : un trafic inhabituel a été détecté suite à une
erreur de manipulation du support technique, renvoyant toutes les requêtes à une
page d’erreur. Pendant deux semaines, de nombreux élèves et certains enseignants
pensaient alors que le réseau Internet ne fonctionnait plus, alors que c’était
seulement ce moteur de recherche qui refusait de répondre aux requêtes en
provenance du lycée. L’expression du désarroi des élèves – dont le mémorable
« internet est cassé » – a permis au professeur-documentaliste d’expliquer les
causes du problème et de transmettre quelques notions relatives à l’architecture du
réseau. Nous avons également pris la décision d’imposer aux élèves le choix du
moteur de recherche en début de navigation : conscients du problème posé par
« l’exclusivité contrainte d’utilisation » (Cordier, 2016a, p. 216), nous avons ainsi
cherché à diversifier les pratiques des élèves.
Dans l’aide au travail personnel, l’action du professeur-documentaliste se traduit par
la mise en œuvre de ses compétences et de son expertise afin de proposer un
accompagnement propice à la réussite des élèves. Ici, l’enseignant accompagne
l’élève dans son autonomisation au lieu de lui inculquer un savoir de manière
descendante – ce qui n’aurait que peu d’intérêt dans la mesure où l’apprentissage
des compétences numériques repose davantage sur une méthode et un corpus de
pratiques que sur des connaissances définitives et un corpus constitué de savoirs.
Nour Bousmah 34
Conclusion
Les difficultés liées au numérique chez les jeunes sont généralisées et nécessitent
un accompagnement pédagogique. On relève néanmoins des difficultés particulières
au sein de groupes spécifiques : les élèves scolarisés en éducation prioritaire et dans
les lycées professionnels ont une moins bonne maîtrise des TIC. La distribution des
difficultés est donc propre à constituer des inégalités qui témoignent de l’existence
d’une fracture numérique à l’École. Cette fracture se situe moins du point de vue des
équipements que de celui des usages, ce qui explique partiellement l’échec des
politiques éducatives des dernières décennies. Si la question des inégalités
éducatives demeure essentielle et prioritaire, c’est que les solutions pédagogiques
peinent à être trouvées. Les savoirs-faires numériques constituent pourtant une
compétence transversale qui mérite d’être transmise à tous les élèves en raison de
son importance dans la vie sociale, personnelle et professionnelle. La littératie
numérique coïncide également avec une nouvelle forme d’organisation du savoir. Il
devient donc urgent de définir des stratégies de remédiations digitales pour les
élèves en difficulté. Les actions pédagogiques et éducatives à mettre en œuvre
doivent prendre appui sur un agencement solide de solutions structurelles. Dans
chaque établissement, des dispositifs pédagogiques peuvent être investis pour
permettre l’apprentissage des compétences numériques par les élèves. Le rôle du
professeur-documentaliste trouvera écho dans l’organisation des apprentissages
numériques et la transmission des compétences associées. L’aide au travail
personnel des élèves définit ainsi un cadre au sein duquel les compétences sont
appréhendées par les élèves en fonction de leurs besoins spécifiques. Dans cette
configuration, l’action du professeur-documentaliste est très « instrumentale », en ce
qu’elle vise simplement l’acquisition de pratiques conscientisées, sans forcément
procéder à la transmission d’un corpus de savoirs. On mesure ainsi la distance qui
sépare la didactique des cultures numériques de la didactique info-documentaire
fondée sur une acculturation informationnelle. Cette dernière, revendiquée par un
nombre croissant de professionnels, constituerait un prolongement heureux à la
transmission des compétences numériques. Sa mise en œuvre au sein de
l’enseignement secondaire – et, à plus forte raison, dans les lycées professionnels –
reste toutefois fragile et bénéficie d’un champ d’action plus restreint que celui
accordé au numérique.
Nour Bousmah 35
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Résumé : Notre étude interroge les usages numériques des élèves inscrits dans
une filière industrielle de l’enseignement professionnel, leurs difficultés éventuelles et
les logiques inhérentes à leurs pratiques. Nous mesurons le niveau de maîtrise des
élèves afin de définir des leviers permettant d’améliorer l’apprentissage des
compétences numériques. Les difficultés des élèves dans le domaine du numérique
font d’abord l’objet d’un constat. Leur distribution fait apparaître une fracture
numérique qui s’ajoute aux inégalités sociales et scolaires. Cette fracture se situe
moins du point de vue des équipements que de celui des usages, ce qui explique
partiellement l’échec des politiques éducatives des dernières décennies. L’analyse
s’attache ensuite à définir les compétences visées et les conditions dans lesquelles
elles peuvent faire l’objet d’un apprentissage capable de réduire ces inégalités. Sont
enfin discutées les solutions structurelles, les actions éducatives et les dispositifs
pédagogiques susceptibles de favoriser l’apprentissage des compétences
numériques par les élèves. Le rôle du professeur-documentaliste trouve écho dans
l’organisation des apprentissages numériques et la transmission des compétences
associées. L’aide au travail personnel des élèves définit ainsi un cadre au sein
duquel les compétences sont appréhendées par les élèves en fonction de leurs
besoins spécifiques.
Abstract : Our study examines digital uses of students enrolled in vocational
education, and also the difficulties they may encounter and the inherent logic of their
own practice. We attempt to measure the students’ level of proficiency in order to
identify ways to improve digital learning capabilities. First, students’ difficulties in the
digital domain are assessed. Their distribution reveals the existence of a digital divide
which reinforces social and educational inequalities. Such digital divide is mainly
related to the utilization rather than the ownership of digital devices, which may
explain the failure of last decades’ education policies. Then, our analysis attempts to
define the targeted qualifications and the conditions under which they may help to
reduce inequalities within a learning framework. Finally, structural solutions are
discussed, along with educational actions and teaching schemes, in order to promote
the students’ learning of digital capabilities. The school librarian’s role resonates with
the implementation of digital learning and its associated capabilities. Assisting
students’ work allows to define a framework within which capabilities are developed
in accordance with the student’s specific needs.
Mots clefs : numérique / inégalités / usages / littératie / inclusion
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