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Un Peuple - Un But – Une Foi
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES
Document de Travail
Effets des jours fériés sur l’activité économique
DPEE/DEPE @ avril 21012
2
Effets des jours fériés sur l’activité économique
Serigne Moustapha SENEa
avril 2012
Résumé
Ce document examine les effets des jours fériés sur l’activité industrielle et l’activité globale au Sénégal entre 1980 et 2010. Le benchmark montrant que le nombre de jours fériés observés dans le pays n’est pas élevé par rapport à des pays de référence, le focus a porté sur l’estimation des effets. Ainsi, après la désaisonnalisation des séries trimestrielles de la production et leur correction des jours ouvrables, les coefficients obtenus respectivement des MCO, de l’approche stochastique et de la méthode par les chaines de Markov montrent qu’un effet jour-férié est observé surtout pour le vendredi, le lundi et le jeudi. Dans l’industrie, la perte de production est de 2.6% par an et, une conjoncture favorable a 71.6% de chances de se prolonger au trimestre suivant si l’on expurge les effets des jours fériés, contre 70.2% pour la série brute. Par ailleurs, en considérant l’ensemble de l’économie, la perte due aux jours fériés est très faible (0.01 point de croissance par an). Quant à l’estimation d’un seuil critique de jours fériés, l’utilisation d’un modèle à effets de seuil avec régresseurs exogènes montre qu’au-delà de 13 jours fériés, l’impact significatif sur l’output gap est relevé. Mots clés : Variations de la Production, Effets de calendrier, Méthodes statistiques et économétriques
Classification JEL: E32, C3
Abstract
This paper examines the effects of public holidays on industrial activity and overall activity between 1980
and 2010. The benchmark shows that the number of public holidays in Senegal is not high compared to
others. So, the focus was on examining the effects. Throughout seasonally adjusted quarterly time series
of output and corrected for working days, the coefficients obtained from the Ordinary Least Squares, the
stochastic approach and the Markov chain, bear witness of a day-of-the-week effect which is higher for
Friday, Monday and Thursday. In industry, the production loss is 2.6% per year and a window of
opportunity has 71.6% of chances to extend to the next quarter if we expurgate the effects of public
holidays against 70.2% for initial series. Moreover, for the whole economy, the loss due to public holidays
is 0.01% of real GDP per year. As for the estimation of a critical level of holidays, the use of a threshold
effect model with endogenous regressors shows that beyond 13 days of public holidays, there’s a real
impact on the output gap.
Key words : Business Cycles, Calendar Effects, Statistical and Econometric Methods
JEL classification: E32, C3
a L’auteur remercie les participants au séminaire interne de la DPEE mais reste le seul responsable des
opinions émises dans ce document.
3
Introduction
Dans une ère de globalisation des échanges, où la compétitivité détermine dans une large
mesure le bien-être des nations, l’économie sénégalaise ne parvient pas à bien se positionner
par rapport aux principaux concurrents. En toute rigueur, le pays éprouve des faiblesses
structurelles à relever durablement la productivité des facteurs, surtout celle du travail. Cela se
reflète notamment dans l’étroitesse des parts de marché à l’étranger, aussi bien sur les
nouveaux marchés qu’au niveau des destinations traditionnelles des exportations.
Il est donc opportun de s’intéresser aux facteurs pouvant amortir la hausse de la productivité.
A cet égard, le nombre de jours travaillés est potentiellement important dans un pays doté
d’une tradition de tolérance religieuse où presque toutes les fêtes célébrées se traduisent en
jours de travail perdus par l’économie. La plupart des jours fériés, telles que les fêtes
musulmanes et les fêtes de Pâques, d’Ascension et de Pentecôte, calquées sur le calendrier
lunaire, sont mobiles. Il apparait alors, entre les trimestres, une variation du nombre de jours
ouvrables due aux jours fériés. Ainsi, le présent document est orienté vers la variation de la
production et de la productivité imputable aux jours fériés. Dans la pratique statistique, l’effet
des fêtes mobiles est souvent dilué dans la désaisonnalisation des séries, ce qui ne permet pas
d’isoler les effets de calendrier dont ceux imputables aux fêtes mobiles. La séparabilité n’est
pas alors dénuée d’intérêt au sens où l’effet des fêtes mobiles n’est pas toujours résiduel dans
certains secteurs.
L’objectif principal de l’article est d’appréhender l’impact des jours fériés, avec un focus sur
les grandes fêtes mobiles, sur l’économie nationale de manière à formuler des propositions de
réformes structurelles ad hoc. L’extraction des effets des jours ouvrables est très courante en
analyse boursière et en cycle d’affaires De manière spécifique, il s’agit de voir si la
production infra annuelle est affectée par la variation du nombre de jours ouvrables et/ou par
la répartition hebdomadaire des jours fériés. L’approche consiste à corriger les données
trimestrielles sur la production des fluctuations provenant des jours non ouvrables. Les effets
des jours non ouvrables et ceux relatifs aux jours de la semaine (day-of-the-week effect) seront
précisément distingués.
Après la présentation de faits stylisés, la méthodologie proposée repose sur le traitement
statistique des séries et la modélisation économétrique sous la forme d’un modèle linéaire,
d’un modèle stochastique et d’un modèle markovien. Les séries sur la production industrielle
4
et de la production agrégée seront expurgées de l’effet saisonnier et de l’effet imputable au
calendrier. Il sera aussi procédé à l’estimation d’un seuil de jours fériés au-delà duquel
l’output gap change de signe. L’analyse et l’interprétation des résultats et les
recommandations boucleront le document.
I. Faits stylisés sur les jours ouvrables et les jours fériés
Le nombre de jours fériés officiels correspondant à des fêtes officielles au Sénégal, qui
s’élèverait à 14 en 2012, peut paraitre élevé. Une première analyse consiste donc à un
benchmark par lequel le Sénégal est positionné par rapport à quelques pays. Ainsi, comparé
au nombre de jours fériés nationaux de la Corée du Sud (14), de l’Afrique du Sud (14), de la
Malaisie (12), de la Tunisie (15), du Botswana (16), du Cap Vert (11), du Rwanda (11) ou de
la Côte d’Ivoire (15), le nombre de jours fériés n’est pas a priori très élevé au Sénégal.
L’analyse de la dynamique du nombre de jours fériés est aussi importante. On cherche dans ce
cadre à retracer l’historique des jours fériés ainsi que leur répartition entre les jours de la
semaine et les semestres. Les données révèlent que de 13 jours fériés en 1980, on en est
actuellement à 14 jours fériés pour une moyenne de 14 au cours des trois dernières décennies;
le minimum étant de 12 et le maximum de 17. Par ailleurs, à peine un jour férié sur cinq a lieu
durant le weekend. On constate également que 62% des jours fériés surviennent vers la fin du
mois, entre le 25 du mois en cours et le 05 du mois suivant. En termes de répartition
hebdomadaire, le tableau suivant synthétise les données sur la période considérée.
Tableau 1 : Répartition hebdomadaire des fériés
Jour de la semaine Proportion
lundi 27.42%
jeudi 17.71%
vendredi 14.32%
mardi 11.32%
samedi 11.32%
mercredi 10.39%
dimanche 06.70%
Ainsi, la majorité des jours fériés (82%) ont lieu durant les jours ouvrables de la semaine, ce
qui peut amplifier leurs impacts sur l’activité.
Par ailleurs, la répartition des jours fériés par mois ou par trimestre permet d’avoir une
meilleure visibilité sur les effets de saisonnalité et de calendrier. Le nombre de jours fériés par
trimestre oscille entre 1 et 8 jours. Le graphique 1 retrace l’évolution de la part de chaque
trimestre dans le nombre de jours fériés annuels accordés par le gouvernement.
5
Graphique 1 : Répartition des jours fériés selon les trimestres
Les fériés peuvent induire une baisse plus que de raison de la production dans les industries et
les services en liaison avec l’absentéisme au-delà des jours de repos autorisés. C’est le cas des
grandes fêtes religieuses musulmanes. L’administration centrale ainsi que la majorité des
activités économiques du pays étant concentrées à Dakar, pour des raisons pratiques,
notamment les problèmes de transport, beaucoup de travailleurs migrants internes ne peuvent
pas rejoindre la capitale le lendemain des fêtes. S’il s’agit d’une grande fête religieuse
coïncidant, par exemple, avec le jeudi, certains travailleurs prolongent le repos jusqu’à la fin
de la semaine : c’est un effet « pont » ; ce phénomène touche moins les provinces. Au-delà de
ces raisons objectives, les pertes d’heures de travail occasionnées par ces jours fériés
procèdent d’habitudes largement encrées chez des travailleurs. Ainsi, l’argument du manque à
gagner s’analyse aussi en termes de baisse de la productivité.
A l’échelle macroéconomique, les effets nets des jours fériés ne sont pas faciles à
appréhender. En effet, l’impact des jours fériés sur la productivité et la compétitivité ne peut
s’apprécier uniquement à l’aune des heures de travail perdues. Les jours fériés peuvent avoir
des effets positifs sur l’activité économique. La célébration de fêtes religieuses est souvent
l’occasion d’une hausse significative des dépenses de consommation des ménages. Ainsi, les
grandes fêtes religieuses ont des effets dynamisants dans les activités telles que le commerce,
les transports et les télécommunications ainsi que sur l’activité informelle d’une manière
générale.
Il convient de souligner qu’à l’échelle macroéconomique, les effets nets des jours fériés ne
sont pas faciles à appréhender. En effet, l’impact des jours fériés sur la productivité et la
compétitivité ne peut s’apprécier uniquement à l’aune des heures de travail perdues. Les jours
fériés peuvent avoir des effets positifs sur l’activité économique. La célébration de fêtes
religieuses est souvent l’occasion d’une hausse significative des dépenses de consommation
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%TRIM1 TRIM2 TRIM3 TRIM4
6
des ménages. Ainsi, les grandes fêtes religieuses ont des effets dynamisants dans les activités
telles que le commerce, les transports et les télécommunications ainsi que sur l’activité du
secteur informel d’une manière générale. On peut par exemple essayer d’appréhender les
impacts des jours ouvrables, en prenant donc en compte les jours fériés, sur les recettes
fiscales indirectes. De même, la causalité inverse n’est pas rejetée dans le sens où les jours
ouvrables influencent les recettes fiscales indirectes.
Une enquête d’opinion a été réalisée auprès des chefs d’entreprises pour connaitre de la
contrainte des jours fériés sur la productivité des employés et sur la production de l’entreprise.
En effet, des facteurs exogènes agissent sur la productivité du travailleur mais les choix
comportementaux du travailleur influencent aussi la productivité. A cet égard, les actions de
l’individu peuvent être dictées par des motivations extrinsèques, par exemple, une plus grande
rémunération, un contrôle renforcé, les normes sociales, ou être guidées par des convictions
propres (vertu, autonomie etc.) ; il s’agit là de la motivation intrinsèque, nécessaire en cas
d’insuffisance des incitations externes. En science expérimentale, les niveaux d’efforts sont
sensibles aux jours. Ainsi, d’un point de vue hédonique, le bonheur ou le loisir de la veille
conduisent parfois le travailleur à accroître son effort ou à être paresseux. Sous ce rapport, les
jours fériés affectent probablement la productivité des travailleurs.
En termes d’effets sur la productivité des employés (tableaux 5 et 6), les statistiques révèlent
que les fêtes traditionnelles, prévisibles donc probablement bien anticipées par les entreprises,
n’en ont pas moins des effets globalement négatifs, surtout le lendemain. Dans l’industrie, une
baisse plus ou moins importante de la productivité est enregistrée dans près de 80% des cas
après le jour férié. La perte de productivité affecte moins les cadres que les autres employés.
Dans les services, une différence significative n’apparait pas dans la perception par les chefs
d’entreprises de la productivité moyenne des employés entre la veille et le lendemain des
fêtes. Par contre, les non cadres seraient largement moins productifs après le jour férié.
S’agissant des fêtes occasionnelles, très souvent connues le jour-même ou la veille, leurs
effets négatifs sur la productivité sont a priori plus sévères. Dans l’industrie, la moitié des
répondants observent globalement une certaine baisse de la productivité des employés ; celle-
ci se révèle très importante en cas d’arrêt de travail légal (20% des cas). Les cadres sont
moins concernées par la baisse car certains d’entre eux choisissent de compléter leurs heures
de travail en dépit de l’annonce officielle. Dans les services, la baisse de la productivité
moyenne des employés est moins forte d’après les répondants (près du tiers) dont la plupart
7
considèrent cependant que les employés non cadres sont plus concernés par la baisse de la
productivité car ils sont souvent moins incités à fournir un effort marginal en dehors des
horaires de travail légaux.
La perception par les chefs d’entreprise des effets des fêtes traditionnelles et occasionnelles
sur l’activité est synthétisée dans le tableau 7.
Dans l’industrie, si la hausse de la production n’est naturellement pas observée avec les jours
fériés, une baisse plus ou moins importante est très souvent enregistrée à l’occasion des jours
fériés traditionnels (78.6%) et occasionnels (64.3%). Dans 7.1% des cas, une forte baisse est
observée à l’occasion des fériés occasionnels, qui du fait de leur caractère brusque, ne sont
pas prévus par les entreprises dans leur plan de production.
Dans les services, les jours fériés affectent l’activité dans des proportions moins sévères. En
effet, certaines activités dont les transports et les télécommunications profitent en général de
ces fêtes. Même dans le cas contraire, le reflux est contenu du fait notamment des effets
d’anticipation des consommateurs qui boostent l’activité la veille des fêtes. Ainsi, dans 36.8%
des cas, les entreprises de services considèrent que leur activité n’est globalement pas affectée
par les jours fériés, 15.8% des répondants observant même un regain d’activité à la faveur des
fêtes civiles et religieuses traditionnelles. Le constat est quasi identique pour les fêtes
occasionnelles sauf que celles-ci provoquent une baisse de l’activité dans 17.6% des cas.
Quant aux entreprises commerciales, 40% des répondants constatent une hausse en moyenne
dans l’activité lors des jours fériés. Par contre, aucun effet positif n’est à mettre à l’actif des
fériés occasionnels. Pis, une baisse faible ou modérée est notée dans la moitié des cas alors
qu’une forte diminution est enregistrée dans 25% des réponses.
Quant à l’appréciation sur le nombre de jours fériés, qu’il s’agisse de fêtes religieuses ou de
fêtes civiles, les résultats de l’enquête d’opinion se présentent comme suit.
Dans les services, trois chefs d’entreprises sur quatre ont une appréciation négative sur le
nombre de jours fériés correspondant à des fêtes religieuses. Pour ces fêtes, 43.8% des
répondants pensent qu’ils sont très élevés et 31.3% les jugent quelque peu élevés. S’agissant
des fêtes non religieuses, une majorité (62.5%) trouve leur nombre normal.
Dans l’industrie, l’appréciation est meilleure. En effet, seule la moitié des chefs d’entreprise
pensent que le nombre de jours fériés correspondant à des fêtes religieuses est élevé bien que
les industriels enregistrent généralement un certain repli de l’activité (tableau 2). En outre,
moins de la moitié des répondants (42.9%) jugent le nombre de fêtes non religieuses élevé.
8
Enfin, le questionnaire s’est intéressé aux dispositions particulières pour gérer les jours fériés.
Dans l’industrie, 28.6% des entreprises disposent d’un dispositif ad hoc, par exemple sous la
forme d’heures supplémentaires pour respecter les objectifs de production et de remplacement
des travailleurs permanents par des temporaires. Dans les services, ce ratio est de 29.4%.
II. Modélisation des effets des jours fériés sur l’industrie
Une première analyse peut consister à évaluer les effets sur l’activité des jours non ouvrables
dont les jours fériés. Autrement, il est possible de s’intéresser spécifiquement aux effets
imputables aux jours fériés. La production est utilisée en lieu et place des ventes pour éviter la
volatilité des séries désaisonnalisées. Les méthodes de correction des effets des jours fériés
(cjf) sont plus efficaces sur des données mensuelles. Néanmoins, la série disponible pour le
Sénégal se limite aux données trimestrielles (la mensualisation est récente). Ainsi, chaque
année, la production trimestrielle serait suivie dans l’industrie, les services et le commerce en
prenant en compte le nombre de jours ouvrables enregistrés durant le trimestre.
L’évolution trimestrielle de l’indice de la production doit être corrigée des effets déterministes
liés à la saisonnalité et au calendrier pour en faciliter le suivi et l’interprétation. Il s’agit de
décomposer le mouvement de la production suivant la tendance, le cycle, la composante
saisonnière avec prise en compte des effets irréguliers.
La saisonnalité est vue comme un facteur affectant la production à intervalle de temps régulier
dans l’année. Elle constitue un élément clé du suivi infra annuel des variables
macroéconomiques et sectorielles et de la prévision ainsi que de l’analyse des cycles. Il s’agit
donc de mieux suivre les caractéristiques importantes de l’évolution d’une série économique
non liées aux facteurs saisonniers. L’exercice est rendu difficile par le fait que la saisonnalité
et l’effet des jours ouvrables se superposent parfois. Le traitement de la saisonnalité ne suffit
pas pour une comparaison des séries infra annuelles à travers les années en ce qu’il ne permet
pas d’extraire tous les effets liés aux effets de calendrier. La correction des effets des jours
non ouvrables, qui précède la désaisonnalisation, est considérée pour la suite.
II.1 Un modèle linéaire d’estimation des effets jour-de-la-semaine
Aussi bien pour les fêtes solaires que lunaires, on cherche à appréhender la différence entre la
production de long terme –désaisonnalisée et corrigé des jours non ouvrables- et celle du
trimestre incluant les jours fériés.
9
Les modules TRAMO (Time series Regression with ARIMA noise, Missing values and
Outliers) et SEATS (Signal Extraction in ARIMA Time Series) constituent une méthode
paramétrique populaire d’ajustement saisonnier développé par la Banque d’Espagne.
L’évolution de la production du secteur est guidée par trois éléments : le processus
autorégressif, la moyenne mobile et l’ordre d’intégration de la série elle-même. Cette méthode
peut servir dans le cas des données mensuelles et trimestrielles. Le X12 ARIMA du U.S.
Census Bureau constitue aussi un module courant de traitement de la saisonnalité mais, à
l’opposé de la méthode économétrique, elle utilise les moyennes mobiles. Par ailleurs, des
modules tels que RECCMPNT permettent l’extraction des effets de saisonnalité et ceux liés
aux jours ouvrables à travers des modèles linéaires de régression.
On connait avec exactitude les trimestres des fêtes solaires alors que les fêtes lunaires
changent de trimestre après plus d’une décennie. Néanmoins, le critère de distinction utilisé
dans ce travail est celui relatif à la position dans la semaine. Un férié qui a lieu samedi ou
dimanche ne sera pas considérée comme tel, à moins qu’on soit en présence d’un dimanche
coïncidant soit avec la célébration d’une grande fête musulmane (Aïd al kabir et Aïd al fitr)
sans que le lundi soit férié1, soit avec la fête de Noël.
Le modèle de correction des effets des jours non ouvrables s’inspire d’une pratique courante
depuis les travaux pionniers de Bell et Hillmer (1983) et Bell (1984). Soit 𝐼𝑡 l’indicateur de
production sectorielle trimestrielle. Dans le cas général, on a :
𝐼𝑡 = 𝐸𝐽𝑂𝑡 + 𝑍𝑡 (1)
𝐸𝐽𝑂𝑡 est l’effet des jours ouvrables et 𝑍𝑡 une autre série temporelle étroitement associée à 𝐼𝑡 et
qui être décrit par exemple un processus de type ARIMA.
Corrigé des effets des jours ouvrables, 𝐼𝑡 devient 𝐼𝑡𝑐𝑗𝑜
. La correction est possible en régressant
linéairement la composante irrégulière issue de la désaisonnalisation de la série brute 𝐼𝑡 sur les
différences entre le nombre de jours ouvrables de la période et leur niveau de long terme. Par
ailleurs, de manière directe, avant la désaisonnalisation, un modèle de régression avec erreur
ARIMA (regARIMA) tel que développé par U.S. Census Bureau, peut être utilisé.
Soit 𝛼𝑖 l’effet associé au jour 𝑖 de la semaine. 𝛼 =1
7 𝛼𝑖 , avec 𝑖 = 1,… ,7, 𝐷𝑖𝑡 le nombre de
jours 𝑖 contenus dans le trimestre 𝑡 et 𝑁𝑡 , la longueur du mois. On peut écrire :
1 Un effet ramadan se manifeste particulièrement dans le commerce. Le traitement de l’effet serait identique.
10
𝛼𝑖𝐷𝑖𝑡
7
𝑡=1
= 𝛼 𝑁𝑡 + 𝛼𝑖 − 𝛼 𝐷𝑖𝑡
7
𝑡=1
(2)
Dans cette équation, 𝛼 𝑁𝑡 rend compte de l’effet « longueur du mois » lequel se réduit en un
effet-mois-de-février si on procède à une différenciation par glissement annuel. L’introduction
de la variable muette « année bissextile » permet de capter cet effet. Par construction, on a :
𝛽𝑖
= 𝛼𝑖 − 𝛼 = 0
7
𝑖=1
(3)
Un jour de la semaine, par exemple le dimanche (𝐷7), peut être choisi comme « numéraire »
en exprimant son effet en terme de celui des six autres jours (𝐷𝑖). Les effets 𝐸𝐽𝑂𝑡 deviennent :
𝐸𝐽𝑂𝑡 = 𝛼𝑖 − 𝛼 𝐷𝑖𝑡 − 𝐷7𝑡
6
𝑡=1
= 𝛽𝑖𝑇𝑖𝑡
6
𝑡=1
(4)
Où 𝛽𝑖 = 𝛼𝑖 − 𝛼 et 𝑇𝑖𝑡 = 𝐷𝑖𝑡 − 𝐷7𝑡 . L’équation (1) devient :
𝐼𝑡 = 𝛽𝑖𝑇𝑖𝑡
6
𝑡=1
+ 𝐼𝑡𝑐𝑗𝑜
(5)
Les coefficients 𝛽𝑖 ainsi obtenus permettent d’estimer, pour chaque jour de la semaine, son
effet en jour ouvrable relativement à la moyenne des jours. S’agissant du dimanche, son
coefficient est donné par 𝛽𝑖 = 𝛼7 − 𝛼
Autrement, l’exercice peut être plus intéressant si l’on cherche à capter, du lundi au vendredi,
l’effet sur l’indicateur d’un jour ouvrable relativement à un jour non ouvrable, donc férié.
Dans ce cas, le modèle à estimer est le suivant :
𝐼𝑡 = 𝛼1𝑁𝑙𝑢𝑛𝑑𝑖 ,𝑡𝑛𝑓
+ 𝛼2𝑁𝑚𝑎𝑟𝑑𝑖 ,𝑡𝑛𝑓
+ 𝛼3𝑁𝑚𝑒𝑟𝑐𝑟 ,𝑡𝑛𝑓
+ 𝛼4𝑁𝑗𝑒𝑢𝑑𝑖 ,𝑡𝑛𝑓
+ 𝛼5𝑁𝑣𝑒𝑛𝑑𝑟 ,𝑡𝑛𝑓
+ 𝛼6𝑁𝑠𝑎𝑚𝑒𝑑𝑖 ,𝑡
+𝛼7𝑁𝑑𝑖𝑚𝑎𝑛𝑐 ,𝑡 + 𝐼𝑡𝑐𝑗𝑜
(6)
Les variables 𝑁𝑗 ,𝑡𝑛𝑓
, 𝑖 = 𝑙𝑢𝑛𝑑𝑖,… , 𝑣𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒𝑑𝑖, désignent le nombre de 𝑖 non fériés du trimestre 𝑡,
alors que 𝑁𝑠𝑎𝑚𝑒𝑑𝑖 et 𝑁𝑑𝑖𝑚𝑎𝑛𝑐 correspondent respectivement à 𝑖 = 6 𝑒𝑡 𝑖 = 7 pour le nombre
de samedis et de dimanches du trimestre. Les séries sont corrigées des variations saisonnières.
II.2 Variation temporelle des coefficients : un modèle stochastique
En toute objectivité, les coefficients des jours de la semaine évoluent dans le temps en
fonction des changements de comportements des agents et des transformations structurelles
socio-économiques. Il est donc difficilement concevable que les entreprises adoptent les
11
mêmes attitudes lors des jours fériés pendant des décennies. Le modèle stochastique s’inspire
des travaux de Bell et Martin (2004) et suppose un glissement temporel des coefficients plutôt
que leur attachement aux moyennes fixes (non stationnarité).
En utilisant les vecteurs colonnes 𝛽𝑡 = 𝛽1𝑡, … ,𝛽6𝑡 ′ et 𝑇𝑡 = 𝑇1𝑡 , … ,𝑇6𝑡
′, l’équation (4),
toujours en écriture compacte, donne :
𝐸𝐽𝑂𝑡 = 𝛽𝑖𝑡𝑇𝑖𝑡
6
𝑡=1
= 𝑇𝑡′𝛽𝑡 (7)
Les coefficients de chaque jour de la semaine varient avec le temps, selon un processus de
marche aléatoire. En généralisant l’équation (4), on peut considérer que les 𝛽𝑖𝑡 suivent chacun
une marche aléatoire indépendante:
1 − 𝐵 𝛽𝑖𝑡 = 𝜇𝑖𝑡 , 𝑖 = 1,… ,6 (8)
Où l’opérateur B est tel que 𝐵𝑥𝑡 = 𝑥𝑡−1 tandis que les bruits blancs 𝜇𝑖𝑡 sont indépendants,
identiquement distribués et de variance 𝜎𝑖2. Plus grande est la variance, plus rapide est le
changement à travers le temps. Ainsi, comme dans la section précédente, un jour de référence,
en l’occurrence le dimanche, peut être choisi. Dans ce cas, on a :
𝛽7𝑡 + 𝛽1𝑡 + 𝛽2𝑡 + ⋯+ 𝛽6𝑡 = 0 (9)
La matrice de variance-covariance des innovations est singulière.
L’hypothèse de variance commune, égale à 𝜎𝜀2 pour les 𝜀𝑖𝑡 et
6
7𝜎𝜀
2 pour les 𝜇𝑖𝑡 , 𝑖 = 1,… ,7, est
plus restrictive mais, certainement, peu réaliste. Les 𝛽𝑖𝑡 , 𝑖 = 1,… ,6, sont par conséquent
choisis de sorte que, chaque coefficient 𝛼𝑖 suit sa propre marche aléatoire indépendante. Ainsi,
l’équation (6), qui met en évidence les effets des jours fériés sera estimée pour des
coefficients 𝛼𝑖 tels que :
1 − 𝐵 𝛼𝑖𝑡 = 𝜀𝑖𝑡 , 𝑖 = 1,… ,7 (10)
𝜀𝑖𝑡 sont des bruits blancs mutuellement indépendants.
II.3 Approche markovienne des effets des jours fériés
On s’intéresse à l’existence d’un niveau à partir duquel l’impact des jours fériés fait changer
de régime la variable 𝐼𝑡 . L’évolution de l’IPI trimestriel est dans ce cas saisie par un modèle
markovien d’ordre 1 à changement de régime (Markov Switching MS).
12
𝐼𝑡 = 𝜑𝑆𝑡 + 𝜃𝑖
2
𝑖=1
𝐼𝑡−1 − 𝜑𝑆𝑡 + 𝜀𝑡 11 , 𝑜ù 𝜀𝑡~𝑖𝑖𝑑,𝑁(0,𝜎2)
𝑆𝑡 est une variable d’état binaire (inobservé) dont la matrice de probabilité de transition n’est
pas déterministe ; elle est stochastique. Néanmoins, il existe des forces économiques qui
guident la dynamique transitionnelle pour une chaine homogène d’un état vers un autre entre
deux dates t et (t+1).
𝑃𝑟(𝑆𝑡+1 = 𝑗 𝑆𝑡 = 𝑖, 𝑆𝑡−1 = 𝑖1, 𝜁𝑡) = 𝑝𝑖𝑗
Où 𝜁𝑡 = 𝐼𝑡 , 𝐼𝑡−1 résume l’information, présente et celle de la période passée, à la date 𝑡.
La matrice de probabilité de transition, de forme canonique 𝑝11 𝑝12
𝑝21 𝑝22 , s’obtient par les
réalisations (variations de l’IPI). Le point de rupture est fixé à 1% trimestriel, ce qui
correspond à la médiane de la variation sur la période. La fonction log vraisemblance des
données observées est maximisée, soit :
𝐿𝐿 = 𝑙𝑜𝑔
𝑇
𝑡=1
𝑓 𝐼𝑡 𝑦𝑡 , 𝜁𝑡−1
𝑓 𝐼𝑡 𝑦𝑡 , 𝜁𝑡−1 est la fonction de densité conditionnelle de 𝐼𝑡 , avec 𝑦𝑡 = 1, 𝐼𝑡−1,Δ𝐼𝑡−1, 𝐼𝑡−2 .
La procédure consiste en l’estimation de la distribution des paramètres 𝜑,𝜃, 𝑝𝑖𝑗 ,𝜎 à travers,
notamment, la fixation de leurs valeurs, l’usage d’un filtre discret de Kalman pour le calcul
des probabilités lissées de 𝑆𝑡 , la régression MCO de 𝐼𝑡 sur 𝑦𝑡 , 𝑖 = 1,2 puis, l’actualisation de
𝜎2 (à l’aide des résidus de l’estimation), de 𝑝𝑖𝑗 et des probabilités 𝜋𝑖 = 𝑃𝑟(𝑆1 = 𝑖 𝜁𝑡). La
procédure est répliquée un grand nombre de fois jusqu’à la convergence des paramètres et de
la vraisemblance. La durée moyenne de chaque régime est estimée de manière à obtenir la
probabilité qu’un régime prenne fin ou se poursuive.
II.4 Résultats
Dans le cadre de la méthode CJO, la série 𝐼𝑡𝑐𝑗𝑜
est obtenue avec la méthode X12 ARIMA.
L’analyse graphique montre que l’IPI sous jacent ne semble pas évoluer de la même manière
que les coefficients saisonniers, ce qui tend à accréditer la méthode additive. La stationnarité
des séries 𝑁𝑗𝑛𝑓
est obtenue après désaisonnalisation. La période couverte va de 1980 à 2010.
L’IPI corrigé des jours ouvrables est celui qu’on aurait obtenu si la structure des jours
ouvrables était identique pour chaque année. La correction permet de suivre l’IPI sous-jacent
13
c’est-à-dire la production qui dépend uniquement des conditions économiques de l’industrie.
L’inclusion de l’année bissextile comme variable de contrôle ne s’est pas révélée concluante;
les résultats de l’estimation des effets jour-de-la-semaine se présentent comme suit:
Tableau 2 : Estimation des effets des jours ouvrables fériés sur l’activité industrielle (variable dépendante : IPI désaisonnalisé)
Variable Coef. Ecart-type
𝑁𝑙𝑢𝑛𝑑𝑖𝑛𝑓
-0.52221 0.144917***
𝑁𝑚𝑎𝑟𝑑𝑖𝑛𝑓
-0.39340 0.191366***
𝑁𝑚𝑒𝑟𝑐𝑟𝑛𝑓
-0.50425 0.150901***
𝑁𝑗𝑒𝑢𝑑𝑖𝑛𝑓
-0.59003 0.133079***
𝑁𝑣𝑒𝑛𝑑𝑟𝑛𝑓
-0.61285 0.152629***
𝑁𝑠𝑎𝑚𝑒𝑑𝑖 -0.24889 0.383182
𝑁𝑑𝑖𝑚𝑎𝑛𝑐 -0.02836 0.371315
𝐼𝑡𝑐𝑗𝑜
1.00644 0.017549***
R² 0.992007
R² Ajusté 0.991493
D-W 2.241800
Le nombre d’étoiles de 1 à 3 rend respectivement compte de la significativité à 1%, 5% et 10%.
La validité des résultats est confirmée par différents tests post-estimation. Le test
paramétrique appliqué à 𝛼6 et 𝛼7 aboutit notamment au non rejet de l’hypothèse Ho de nullité
des coefficients associés au samedi et au dimanche de même qu’est établie la significativité
jointe des coefficients des jours du lundi au vendredi.
Ainsi, à l’exception du samedi et du dimanche, un férié pour n’importe quel autre jour affecte
négativement l’activité. Les effets les plus significatifs concernent le vendredi et le lundi,
correspondant respectivement à la fin et au début des jours ouvrables ainsi que le jeudi dont
l’effet « effet pont » fait baisser l’activité, tel que révélé par l’enquête d’opinion. Par ailleurs,
comme attendu, le coefficient corrigé des jours ouvrables a une valeur proche de un(1). On
peut procéder à la représentation graphique des effets des jours ouvrables sur l’activité.
Graphique 2 : IPI brut, désaisonnalisé et désaisonnalisé-corrigé des EJO
14
En termes d’impacts sur la production, les jours fériés font perdre chaque trimestre 0.6% de
croissance à l’industrie, ce qui correspond à près de 2.6% de perte de production par an. A
l’évidence, le dispositif de gestion des jours fériés dans plusieurs entreprises tel que déclinée
dans l’enquête d’opinion contribue à en atténuer les effets sur l’activité.
Le diagnostic de la rupture structurelle aboutit au non rejet de l’hypothèse nulle d’existence
de points de rupture. La statistique maximale –équivalente pour le maximum de
vraisemblance et le test de Wald- est notée pour le premier trimestre de l’année 2004, ce qui
tend à remettre en cause la stabilité dans le temps des coefficients issus de l’estimation. On
procède par la suite à l’estimation par la méthode stochastique car l’instabilité des coefficients
peut naitre des changements temporels des comportements des agents face aux jours fériés.
Graphique 3 : Représentation stochastique des coefficients jour-de-la-semaine
Ainsi, en dehors du mardi, on ne peut pas affirmer que les effets négatifs des fériés pour les
autres jours de la semaine sont mieux maitrisés à travers les années. L’effet du lundi semble
particulièrement gagner en intensité en ce que plusieurs activités tournent au ralenti pendant
trois jours consécutifs.
Enfin, les résultats de l’approche markovienne des effets des jours fériés sur la durée des
cycles d’activité se présentent dans le tableau suivant:
Tableau 3 : Durée moyenne du régime
Croissance Baisse
IPI brut 3.41 trimestres 1.45 trimestres
IPI corrigé des effets jours fériés
3.60 trimestres 1.43 trimestres
Ces estimations montrent qu’en cas de conjoncture favorable, la hausse de la production
industrielle a 70.2% de chances de se prolonger au trimestre suivant alors qu’en expurgeant
les effets des jours fériés, ce taux augmente jusqu’à 71.6%.
15
III. Effets globaux et de seuil des jours fériés sur l’économie
On s’intéresse dans cette section aux effets des jours fériés sur l’activité globale. Ainsi, en
plus de l’industrie, les secteurs primaire et tertiaire sont considérés. Pour le premier secteur,
les effets sont a priori très réduits sinon insignifiants. Dans le secteur tertiaire, certaines
activités (commerce) profitent des grandes fêtes religieuses qui occasionnent d’énormes
dépenses de consommation. Pour d’autres activités dont les services de transport et de banque,
les impacts ne sont pas univariés.
Considérant que le secteur primaire contribue, au même titre que le secondaire, pour près 20%
à l’activité, on devrait s’attendre à des effets agrégés des jours fériés dépendant des effets
joints dans l’industrie et les services. Au total, les effets des jours fériés sur l’activité générale
seront captés à travers le suivi du PIB trimestriel sur la période 1996-2010.
Tableau 4 : Estimation des effets des jours ouvrables fériés sur le taux de croissance du PIB
Variable Coef. Ecart-type
𝑁𝑙𝑢𝑛𝑑𝑖𝑛𝑓
-0.00197 0.000587***
𝑁𝑚𝑎𝑟𝑑𝑖𝑛𝑓
-0.00195 0.000833**
𝑁𝑚𝑒𝑟𝑐𝑟𝑛𝑓
-0.00134 0.000703**
𝑁𝑗𝑒𝑢𝑑𝑖𝑛𝑓
-0.00185 0.000609***
𝑁𝑣𝑒𝑛𝑑𝑟𝑛𝑓
-0.00188 0.000565***
𝑁𝑠𝑎𝑚𝑒𝑑𝑖 0.00130 0.001462
𝑁𝑑𝑖𝑚𝑎𝑛𝑐 0.00049 0.001231
𝐼𝑡𝑐𝑗𝑜
1.00010 0.000128***
R² 0.999440
R² Ajusté 0.999360
D-W 2.301320
Le nombre d’étoiles de 1 à 3 rend respectivement compte de la significativité à 1%, 5% et 10%.
Les jours fériés font perdre 0.01 point de croissance chaque année. En termes, d’effet-jour-de-
la-semaine, les pertes les plus importantes sont notées en début de semaine (lundi et mardi)
mais l’effet du samedi et du dimanche demeure non significatif.
Enfin, à partir d’un modèle à effets de seuil avec régresseurs 𝑧𝑖 , on peut estimer un niveau de
jours fériés à partir duquel la production 𝐼𝑡 tombe en dessous de son niveau de long terme
(output gap négatif). La variable de seuil 𝑞𝑖 (nombre de jours fériés par période) doit avoir
une distribution continue.
16
𝐼𝑡 = 𝜃1′ 𝑧𝑖 + 𝑒𝑖 , 𝑞𝑖 ≤ 𝛾
𝐼𝑡 = 𝜃2′ 𝑧𝑖 + 𝑒𝑖 , 𝑞𝑖 > 𝛾
Ce qui peut être réécrit :
𝐼𝑡 = 𝜃1′ 𝑧𝑖 𝑙 𝑞𝑖 ≤ 𝛾 + 𝜃2
′ 𝑧𝑖 𝑙 𝑞𝑖 > 𝛾 + 𝑒𝑖
Certains régresseurs (travail et capital) sont endogènes et d’autres, notamment la productivité
totale des facteurs, sont exogènes. Les coefficients des facteurs travail et capital ainsi que
celui de la productivité totale des facteurs sont obtenus grâce à l’approche par la frontière de
production. La production potentielle 𝑦𝑡 est estimée à l’aide d’un stock de capital 𝑘𝑡 généré
par la méthode de l’inventaire permanent, d’une offre de travail 𝐿 (filtrée) et d’un résidu de
Solow dérivé comme suit2 :
𝑠𝑡 = 𝑙𝑛 𝑦𝑡 − 𝛼𝑙𝑛 𝑘𝑡 − 1 − 𝛼 𝑙𝑛 𝐿
La production potentielle qui en résulte peut s’écrire comme suit :
𝑦𝑡𝐴𝐹𝑃 = 𝑒𝑠𝑡 𝑘𝑡
𝐼𝑃 𝛼 𝐿𝑡𝐹𝐼𝐿𝑇 1−𝛼
Les régresseurs endogènes sont instrumentalisées par leurs valeurs retardées. La méthode des
effets de seuil avec les moments généralisés GMM (Cremer et Hansen, 2004) est utilisée pour
déterminer le seuil du nombre de jours fériés. L’hypothèse Ho est l’absence d’effets de seuil.
𝐻0:𝜃1 = 𝜃2
En corrigeant l’hétéroscédasticité par la méthode quadratique, les résultats3 aboutissent à un
seuil de 13 jours fériés par an. C’est au-delà de ce nombre que les jours fériés peuvent affecter
l’output gap, autrement dit à placer le PIB en-dessous de son niveau de long terme.
Par ailleurs, en considérant que la productivité totale des facteurs est endogène, au même titre
que les autres facteurs (capital et travail), un modèle à effets de seuil multivarié avec des
intervalles de confiance asymptotiques permet d’obtenir une estimation satisfaisante du seuil
qui correspond dans ce cas à 14 jours fériés. Toutefois, la méthode GMM est plus robuste. En
effet, le calcul, sur la base des séries observées, du nombre de fois où l’output gap négatif
survient lorsque le seuil de jours fériés est dépassé et du nombre de fois où l’output gap positif
est noté en-dessous du seuil conduit au choix de la méthode GMM.
2 Voir Thiaw et Sène (2011).
3 Nos remerciements à Caner er Hansen pour avoir partagé les codes MATLAB des modèles à effets de seuil.
17
Conclusion
Le nombre de jours fériés ainsi que ses impacts sur l’activité industrielle et l’activité globale
ont été étudiés. Il ressort du benchmark que le nombre de jours fériés au Sénégal n’est pas
élevé; le problème réside plutôt dans les effets. Dans les pays développés, les effets des jours
non ouvrables sont en train de disparaitre ou de perdre en intensité (Nippani et Arize, 2008)
du fait de l’adaptation des économies à travers l’apprentissage dynamique.
Le constat n’est pas identique dans l’industrie sénégalaise comme en atteste l’évolution
stochastique des coefficients jour-de-la-semaine à travers le temps. Pour une économie en
développement aspirant à réaliser de gros progrès dans le domaine de l’industrialisation pour
améliorer durablement le niveau de vie de la population, un facteur occasionnant une perte de
3% de la production annuelle dans l’industrie ne devrait pas être négligé par le gouvernement.
L’autorité pourrait, tout en ne portant pas atteinte à la cohésion sociale par des restrictions sur
les libertés religieuses, assouplir la législation du travail de manière à permettre aux
entreprises industrielles d’adopter des mécanismes appropriés pour diminuer les pertes
d’heures de travail dues aux jours fériés. Quant aux entreprises, elles pourraient s’inspirer des
meilleures pratiques en matière d’adaptation de la production aux jours non ouvrables.
Néanmoins, l’impact global des jours fériés sur l’activité mesurée par le PIB réel est de
l’ordre de 0.01%. Cette meilleure maitrise est expliquée par la part relativement faible de
l’industrie dans l’économie (près de 20%) alors que dans le secteur tertiaire, dont le poids
avoisine 60% du PIB, plusieurs sous-secteurs profitent des jours fériés. De même, dans le
secteur primaire, la production est plus dépendante des conditions climatiques que des jours
ouvrables.
En définitive, le diagnostic conjoncturel de la production au Sénégal qui bénéficie d’une
certaine attention de la part des autorités, gagnerait à être accompagné4 par l’analyse fine des
effets de calendrier surtout dans l’industrie, de manière à éviter la polémique stérile sur les
effets réels des jours fériés sur l’activité. En perspective, l’analyse s’enrichirait de l’effet du
mois d’août qui enregistre beaucoup de départs en congé. De même, les effets pré et post fête
peuvent être enrichis à travers une enquête auprès du secteur moderne et des entreprises
informelles et l’utilisation de la méthode des régresseurs permettrait de préciser les effets sur
l’activité.
4 Seule la correction des jours ouvrables est pratiquée, depuis l’ex Direction de la Prévision et de la Statistique.
18
Références
Bell W. R. et S. C. Hillmer (1983), "Modeling time series with calendar variation", Journal of the
American Statistical Association, 78, pp.526-534;
Bell W R., (1984), « Seasonal decomposition of deterministic effects », Research Report 84/01,
Statistical Research Division, U.S. Census Bureau
Bell W. R. et D. E. K. Martin, (2004), "Modeling Time-Varying trading-day effects in monthly time
series", ASA Proceedings of the Joint Statistical Meetings
Caner M. et B.E. Hansen (2004), "Instrumental Variable Estimation of a Threshold Model",
Econometric Theory, 20, pp.813-843
Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (2010), "Les corrections de jours
ouvrables dans les comptes trimestriels : le cas des années 2009 à 2012". Paris
Nippani S. et A.C. Arize (2008), "U.S. Corporate Bond Returns: A Study of Market Anomalies Based
on Broad Industry Groups". Review of Financial Economics 17 (3), pp.157-171
Thiaw K. et S.M. Sène (2011), "La production potentielle du Sénégal : une approche mixte DSGE-
Fonction de production". Document d’Etude n°19, DPEE. Mars
19
Annexes
Tableau 5 : Productivité moyenne des employés
Industrie Services
Fériés traditionnels Fériés occasionnels Fériés traditionnels Fériés occasionnels
la veille lendemain la veille ou
le jour lendemain la veille lendemain
la veille ou le jour
lendemain
Hausse 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 5.6% 11.1% 10.5% 16.7%
Stabilité 28.6% 21.4% 50.0% 42.9% 27.8% 22.2% 57.9% 44.4%
Baisse faible ou modérée 42.9% 71.4% 35.7% 42.9% 55.6% 55.6% 15.8% 27.8%
Forte baisse 28.6% 7.1% 14.3% 14.3% 11.1% 11.1% 15.8% 11.1%
Tableau 6 : Productivité par catégories d’employés
Fériés traditionnels Fériés occasionnels
la veille lendemain la veille ou le jour lendemain
cadres non cadres Cadres non cadres cadres non cadres cadres non cadres
INDUSTRIE
Hausse 7.7% 0.0% 7.1% 7.1% 0.0% 7.7% 7.7% 0.0%
Stabilité 69.2% 46.2% 64.3% 21.4% 76.9% 38.5% 76.9% 53.8%
Baisse faible ou modérée 23.1% 38.5% 28.6% 57.1% 23.1% 46.2% 15.4% 38.5%
Forte baisse 0.0% 15.4% 0.0% 14.3% 0.0% 7.7% 0.0% 7.7%
SERVICES
Hausse 22.2% 11.1% 11.1% 0.0% 27.8% 12.5% 11.1% 0.0%
Stabilité 55.6% 22.2% 55.6% 22.2% 50.0% 43.8% 66.7% 33.3%
Baisse faible ou modérée 22.2% 61.1% 33.3% 72.2% 11.1% 31.3% 16.7% 55.6%
Forte baisse 0.0% 5.6% 0.0% 5.6% 11.1% 12.5% 5.6% 11.1%
Tableau 7 : Impact des jours fériés sur la production
Fériés traditionnels Fériés occasionnels
INDUSTRIE
Hausse 0.0% 0.0%
Stabilité 21.4% 28.6%
Baisse faible ou modérée 78.6% 64.3%
Forte baisse 0.0% 7.1%
SERVICES
Stabilité 36.8% 35.3%
Baisse faible ou modérée 47.4% 35.3%
Forte baisse 0.0% 17.6%
COMMERCE
Hausse 40.0% 0.0%
Stabilité 20.0% 25.0%
Baisse faible ou modérée 40.0% 50.0%
Forte baisse 0.0% 25.0%
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