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DECENTRALISATION ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN1
RESUME
Les objectifs de développement du millénium (ODM) qui visent à réduire de moitié d’ici à l’an 2015, le nombre de personnes vivant dans une pauvreté absolue ne seront pas atteint au Cameroun. Parmi les instruments et idées mis à l’essai depuis quelques années, dans le cadre des politiques et programme de lutte contre la pauvreté, pour essayer de remédier à cette situation, figure en bonne place la décentralisation. En analysant à l’aune des arguments théoriques et conceptuels, un programme d’appuie à la décentralisation qui utilise dans sa mise en œuvre la méthode active de recherche participative (MARP), nous constatons que le Cameroun n’a pas encore au niveau locale de réelles capacités administratives, politiques, humaines et financières lui permettant de réaliser une décentralisation effective avec des actions en faveur des pauvres. Cependant, la dynamique perceptible dans la mise en œuvre de ce programme semble prometteuse même si le renforcement des institutions locales, la formation et l’éducation des populations demande encore beaucoup d’efforts et du temps.
1 Henri NGOA TABI, Enseignant – Chercheur, Université de Yaoundé II, FSEG. ngoa_henri@yahoo.fr
1
INTRODUCTION
Au moment de son indépendance en 1960, le Cameroun a adopté une stratégie de
développement auto – centré avec une industrialisation axée sur le développement de son
marché intérieur. Le code des investissements préconisait des régimes fiscaux préférentiels
pour attirer les investisseurs étrangers. La taxation des exportations et la protection tarifaire
élevée favorisaient les activités de substitution aux importations. En outre, l’Etat est intervenu
directement dans le processus d’industrialisation au moyen d’une politique d’orientation du
crédit et de la création d’entreprises publiques par l’intermédiaire de la Société Nationale
d’Investissement (Ngoa tabi, 1999). La découverte des gisements de pétrole en 1978
combinée avec la hausse des prix pétroliers s’est traduite par une croissance accélérée de 1978
à 1986 atteignant le taux de 7% l’an. Cependant, la crise économique et financière qui
survient en 1986 va détériorer tous les indicateurs macroéconomiques, plongeant le Cameroun
dans une situation de cessation de paiement et dégradant tous les services sociaux. Pour
pallier à cette situation, le Cameroun va mettre sur pied, avec l’aide du Fonds Monétaire
International (FMI) et de la Banque mondiale les plans de stabilisation et d’ajustement
structurel. Malgré les efforts réalisés au cours de la première moitié des années 1990 pour
endiguer la crise économique et financière qui a plongée le Cameroun dans une grande
pauvreté, quatre camerounais sur dix vivent encore en dessous du seuil de pauvreté2 en 2006.
En effet, la situation générale s’est considérablement détériorée depuis 19903. L’accès aux
services de base tels que la santé, la nutrition et l’éducation est encore difficile. Le taux de
mortalité s’est accru de 12 points entre 1991 et 1998 ; le nombre de médecins et d’infirmières
a diminué de 5% durant la même période et, la malnutrition chronique des enfants est passé de
23% à 29% soit de 12 à 23 mois. Entre 1991 et 2002, le taux d’infection au VIH/SIDA dans la
population de la tranche 15 – 49 ans a quasiment été multiplié par six passant de 2 à 11,8%.
Quant à l’éducation, malgré la gratuité actuelle de l’école primaire, seul 56% des élèves
inscrit, terminent leur cycle et 60% de ceux – ci poursuivent des études secondaires. Dans
cette situation, toutes les infrastructures sociales de base d’accès à l’eau potable, à
l’électricité, l’hygiène et salubrité sont allées à vau l’eau et par conséquent, inadaptées aux
besoins de la population et, incapables de soutenir la croissance économique. 2 Le seuil de pauvreté est atteint au Cameroun lorsque le revenu annuel est inférieur à 232 547 FCFA soit 19 000FCFA par mois l’équivalent de la norme quantitative internationale de 1$ par jour et par personne. 3 Avant projet du DRSP (sept 1999), de « l’executive summary » (Avril 2003) du DSRP présenté aux staffs des IBW et des remarques effectuées par le staff dans le « PRSP paper joint staff assessment » (Août 2003)
2
Dans cette description apocalyptique de l’accès aux services sociaux et infrastructures
sociales de base, la population urbaine a continué de croître de l’ordre de 5% accentuant la
pression sur toutes les infrastructures ainsi que sur le marché du travail où le chômage des
jeunes reste très élevé.
Face à l’échec des politiques d’ajustement structurel et à cette situation qui n’évolue guerre
dans le sens d’une amélioration, les pays donateurs et les agences de développement sont de
plus en plus interpellés par ces minces progrès, réalisés pour concrétiser un des objectifs
majeurs de développement du millénaire qui est la réduction de moitié du nombre de pauvres
à l’échéance 2015. Ainsi, de nouveaux instruments et idées ont été élaborés et promus dans le
cadre de leurs politiques et programmes de lutte contre la pauvreté. Pour cette raison, la
décentralisation, c'est-à-dire le transfert du pouvoir et des responsabilités du niveau central au
niveau local, retient de plus en plus l’attention des différents partenaires qui voit en elle un
processus important dans la lutte contre la pauvreté.
Depuis deux décennies, le paradigme tentant à imposer la décentralisation du secteur public, à
travers le renforcement des capacités locales, le développement économique et social à la base
a émergé dans les débats des agences de développement et des chercheurs. Ces débats ont en
général porté sur deux points :
- En premier point, et plusieurs auteurs s’en sont fait l’écho (Oates, 1972 ; Fukasaku and
Mello, 1999 ; Manor, 1999 ; Dethier, 2000, 2004 ; Shah and Thompson, 2004), il était
question d’examiner les principales forces et raisons de la décentralisation et, comment
les bénéfices tirés de ce processus peuvent être maximisés.
- En second point, il s’agissait de montrer l’impact de la décentralisation sur des variables
comme la corruption (Fisman and Gatti, 2002), la responsabilité gouvernementale sur
les besoins locaux (Faguet, 2002) et la stabilité politique (World Bank, 2000).
En fait, le processus de décentralisation est le plus souvent motivé par les deux
arguments suivants :
- La décentralisation peut être un vecteur d’efficacité dans l’allocation des ressources
(Musgrave, 1983 ; Oates, 1972) ; c’est l’argument économique.
- La décentralisation peut améliorer la gouvernance car elle engage la responsabilité
politique et guide l’action du gouvernement et des décideurs (Blair, 2000 ; Manor,
1999 ; Crook and Manor, 1998) ; c’est l’argument politique.
3
A l’analyse, ces arguments contribuent substantiellement au processus de réduction de la
pauvreté. Accroître les possibilités de participation et d’insertion et, améliorer l’accès aux
services publics de base au niveau local sont des aspects importants de la lutte contre la
pauvreté. Toutefois, cela ne suffit pas pour autant pour établir de manière irréfutable un lien
entre décentralisation et pauvreté, car entre autres raisons, la décentralisation est un concept à
plusieurs facettes.
Le Cameroun s’est engagé depuis les années 1990 dans la voie de la démocratisation de la vie
nationale. Ce processus est marqué par la mise en place progressive des options
fondamentales d’une démocratie. Le concept de décentralisation a pleinement fait son
apparition dans la nouvelle Constitution du 18 janvier 1996, dont le titre X est consacré à cet
effet. L’article 55 stipule que les collectivités territoriales décentralisées (CTD) de la
république sont, d’un côté les communes et les régions et, de l’autre côté, tout autre type qui
puisse être créé par la loi. Le 22 juillet 2004, trois textes majeurs en matière de
décentralisation ont été adoptés et promulgués. Il s’agit de la loi d’orientation de la
décentralisation ; et des lois portant dispositions applicables aux régions et aux communes.
Fasse au concept de décentralisation à plusieurs facettes, il est intéressant de se poser la
question suivante : Quels effets le processus de décentralisation produit-il sur la réduction de
la pauvreté au Cameroun ? Cette question centrale amène plusieurs questions spécifiques à
savoir : Quels sont les arguments conceptuels et théoriques qui permettent de relier
décentralisation et pauvreté ? Quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’un
processus de décentralisation soit réellement orienté en faveur des pauvres ? Quel rôle pour
quel acteur dans la consolidation du processus ? Quels acquis et quels goulots d’étranglement
de la décentralisation au Cameroun ?
Pour étudier le processus de la décentralisation et ses effets sur la réduction de la pauvreté au
Cameroun, une attention particulière sera portée sur la mise en œuvre d’un programme pilote,
le Programme d’Appui aux Capacités Décentralisées de Développement Urbain (PACDDU).
Ce programme de coopération entre la république du Cameroun et l’Union européenne
présente en effet un intérêt particulier. Sa finalité est d’améliorer durablement les conditions
de vie et d’activités des populations urbaines par la réalisation d’investissements appropriés et
par le renforcement des capacités décentralisées. Ses objectifs spécifiques sont d’accroître,
4
dans le cadre de la bonne gouvernance, les capacités de programmation et de gestion urbaine ;
de renforcer la participation des populations au développement local.
Notre article qui traite des relations entre le processus de décentralisation et le développement
au Cameroun est organisé autour de deux parties.
La première partie qui porte sur les arguments conceptuels, théoriques et les conditions
nécessaires au fonctionnement du processus de décentralisation, situe la décentralisation du
point de vue de l’évolution des politiques de développement, du point de vue conceptuel et
théorique.
La seconde partie est une application de la première partie avec ses implications à travers le
cas du Cameroun. Nous utilisons l’exemple du programme de coopération décentralisée entre
le Cameroun et l’Union européenne (PACDDU), en montrant quel sont les acquis ainsi que
les difficultés liées aux jeux de pouvoir, à la circulation de l’information, à la définition des
objectifs, des acteurs, des réalisations en terme d’investissement…
I. ARGUMENTS CONCEPTUELS ET THEORIQUES : LE LIEN ENTRE LA DECENTRALISATION ET LA PAUVRETE
Nous aborderons ici, les arguments conceptuels et théoriques de la décentralisation (I.1),
ainsi que le cadre d’analyse et les conditions clés d’influence entre la décentralisation et la
pauvreté (I.2).
I.1 Arguments conceptuels et théoriques
L’analyse portera d’abord sur les arguments théoriques (A), puis sur les arguments conceptuels (B).
A – Arguments théoriques
Les politiques de développement ont avant tout pour but d’améliorer durablement les
conditions de vie et d’activité de tous. L’approche monétaire du développement s’inscrit
certes dans cette lignée mais on ne doit pas négliger tous les autres aspects non monétaires
tels que l’éducation, la santé, les services urbains de base, et l’environnement par exemple.
Cette vision de la Banque mondiale -dans son rapport sur le développement dans le monde
1999-2000- augure d’un changement radical dans la perception des politiques de
5
développement qui ont connu des hauts et des bas les cinq dernières décennies. En quelque
sorte, il s’agit là d’un basculement de l’orthodoxie économique vers une vision plutôt
hétérodoxe. En effet, dans le courant hétérodoxe, les institutionnalistes qui constituent le
courant le plus proche du marché, considèrent dans leur approche que l’économie ne se
résume pas seulement au seul fait du marché telle que la théorie standard le conçoit. Pour eux,
ce sont les institutions qui conditionnent l’économie. Le marché en est une parmi d’autres. En
fait, l’institutionnalisme a une vision holiste et évolutionniste de la société. Il explique
l’économie par ses relations avec le social, le politique, le droit, l’anthropologie, la
sociologie… Ainsi, la vision d’ensemble de la société facilite la compréhension évolutive des
structures économiques (Nême, 2001).
F. Perroux (1981) qui estime que la croissance n’est que l’augmentation du produit réel et que
le développement suppose une approche intégrée, oppose les deux concepts. Il conclut que le
développement où il y aurait une croissance harmonisée prendrait en compte ce qu’il a
qualifié de « coûts de l’homme » à savoir :
- s’occuper de la santé des êtres humains en les empêchant de mourir ;
- assurer leur équilibre physiologique et psychique ; et
- assurer un minimum d’éducation et de réjouissances.
A. Sen (1973,1985) est plus explicite à ce sujet. Son approche théorique des « capabilités » et
des « fonctionnements », enrichie d’une dimension philosophique, reste centrée sur l’individu
et son bien être. Il analyse l’inégalité économique de façon multidimensionnelle à travers les
questions d’équité, d’inégalité des dispositions personnelles des individus et d’opportunités
qui leur sont offertes. Il mesure cette inégalité par un indice synthétique de développement
humain où le PNB par tête n’est pas le seul critère. Il intègre le taux d’alphabétisation, l’accès
à l’enseignement, le taux de mortalité infantile, l’espérance de vie et le nombre de médecins
par millier d’habitants.
Le PNUD a été la première institution internationale à mobiliser les travaux d’A. Sen, dans le
cadre de la lutte contre la pauvreté à travers ses rapports sur le développement édités chaque
année depuis 1990, où l’on retrouve le concept de développement humain durable (DHD), les
indicateurs de développement humain (IDH), de pauvreté humaine (IPH)… Dix ans plus tard,
les Institutions de Bretton Wood (IBW) ont repris à ce sujet le même cadre conceptuel avec
l’initiative document stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). La Banque mondiale dans
6
son rapport sur le développement dans le monde 2000-2001, consacré au thème de la lutte
contre la pauvreté, propose dès lors des politiques hétérodoxes de lutte contre la pauvreté.
Tous les bailleurs de fonds -étant également actionnaires des IBW- se sont appropriés ce
cadre conceptuel pour harmoniser l’aide au développement. La bonne gouvernance, le respect
des droits de l’homme et la démocratie sont les piliers fondamentaux de cette approche
(Cling, 2001, 2003). L’accent est donc mis sur le processus participatif dans l’élaboration, le
suivi et l’évaluation des DSRP.
La participation est définie par la Banque mondiale dans son « Sourcebook » (2001), comme
« …le processus à travers lequel les agents influencent et partagent le contrôle sur la fixation
des priorités, la définition des politiques, l’allocation des ressources et l’accès aux biens et
services publics. Il n’existe pas de guide de la participation parce qu’elle s’inscrit dans
différents contextes, différents projets et différents objectifs ». De cette définition, on relève
les trois piliers fondamentaux de la méthode participative à savoir :
- L’ « appropriation » ; la conduite du processus par le gouvernement et la participation
de la société civile, non seulement à la définition mais également au suivi des
politiques, devraient favoriser le degré d’engagement des gouvernants et les inciter à
entreprendre efficacement les actions prévues, tout en suscitant l’adhésion de
l’ensemble de la population aux réformes, favorisant leur « appropriation » (ownership)
par le pays ;
- L’ « insertion » ; le processus participatif est d’abord sensé contribuer à enrichir les
débats et à définir une stratégie plus adéquate, répondant aux véritables besoins
sociaux ; cette démarche, désignée sous le terme d’ « insertion » (empowerment), est
sensée donner aux pauvres l’opportunité d’influer sur les politiques qui affectent leurs
conditions de vie ;
- La « responsabilité démocratique » ; à travers la participation, on introduit l’ensemble
des acteurs sociaux dans le domaine réservé de l’Etat, qui doit maintenant rendre
compte de ses actes, avec pour objectif le respect du principe de « responsabilité
démocratique » (accountability) qui était souvent négligé jusqu’alors dans la plupart des
pays pauvres.
7
C’est donc avec cette méthode participative qui contient l’argument politique et l’argument
économique de la décentralisation que la plupart des pays en développement vont élaborer
leur DSRP pour lutter contre la pauvreté.
B – Arguments conceptuels
Les trois piliers de la méthode participative à savoir l’appropriation, l’insertion et la
responsabilité démocratique sont directement liés au processus de décentralisation. Les
réformes liées à ce processus et plus spécialement le transfert de certaines compétences et
ressources au niveau local, est souvent sous-tendu par la capacité à réaliser une meilleure
affectation des ressources publiques pour une plus grande efficacité productive (Rao,
Bird, Litvack, 1998). Cependant, plusieurs motivations sont à l’origine du processus de
décentralisation et la décentralisation peut s’effectuer au niveau politique, administratif
et fiscal (Shah & Thomson, 2004 ; Dethier, 2004 ; Von Braun and Grote, 2002 ; Blair,
2000).
- La décentralisation politique donne au citoyen local et ses représentants plus de pouvoir
dans la prise des décisions. Cette décentralisation politique ou démocratique telle que
définie, accroît la représentativité des populations jadis exclues de la vie de la cité, ce
qui peut entraîner une meilleure allocation des services publics et sociaux permettant de
réduire la vulnérabilité et l’insécurité. Dans certains pays où des problèmes ethniques
persistent, la décentralisation offre un moyen permettant le partage du pouvoir entre les
groupes ethniques locaux en établissant un consensus politique et une certaine stabilité
(Manor, 1999). Ainsi, un système politique stable permet aux pauvres de construire leur
vie. Le plus souvent, cette stabilité politique les rend moins vulnérables aux chocs et
vicissitudes de l’existence.
- La décentralisation administrative redistribue l’autorité, la responsabilité et les
ressources à travers les différents échelons administratifs. Mais pour que ceci soit
applicable, il faut de bonnes compétences locales et des institutions bien structurées et
solides. Cette décentralisation accroît l’efficience et l’efficacité dans l’allocation des
services. Elle peut accroître l’accès des pauvres à l’éducation, la santé, l’électricité et
l’eau potable.
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- La décentralisation fiscale (Fukasaku and Mello, 1999 ; Gunatikala, 2001) est celle qui
permet d’accroître les revenus ou bien de transférer les revenus au niveau local pour que
les autorités compétentes puissent engager les dépenses de fonctionnement et
d’investissement nécessaires à la satisfaction des besoins des populations. Ceci ne permet
pas seulement de réduire les coûts mais également, de satisfaire au maximum ceux qui ont
le plus besoin d’un accès facilité aux services publics de base.
Ce faisant, pour que le processus de décentralisation produise des effets positifs répertoriés
comme tels par la Banque mondiale (World Bank, 2001) dans la lutte contre la pauvreté
comme l’optimisation des services rendus, la légitimité, la transparence et la responsabilité
démocratique des autorités locales, la sécurité et la participation des citoyens dans la prise des
décisions locales, il faut que les trois types de décentralisation soient effectués simultanément
car leur impact sur la pauvreté ne peut être évalué séparément.
I.2 CADRE D’ANALYSE ET CONDITIONS CLES D’INFLUENCE ENTRE LA DECENTRALISATION ET LA PAUVRETE
Nous étudierons, le cadre d’analyse du lien entre la décentralisation et la pauvreté (A),
ainsi que les conditions clés d’influence entre la décentralisation et la pauvreté (B)
A – Cadre d’analyse : le canal politique et économique
Le cadre d’analyse passe par deux canaux : le canal politique et le canal économique :
- La décentralisation peut agir sur la pauvreté par le canal politique en suscitant la
participation d’une plus grande frange de la population au processus avec une certaine
représentativité des groupes sociaux et des minorités. La conduite des affaires locales par
des organes locaux élus, est supposée assurer la transparence dans la gestion des affaires
publiques et la participation démocratique nécessaires à l’instauration d’une meilleure
gouvernance locale qui pourrait avoir une influence décisive sur la lutte contre la
pauvreté. Lorsque les populations se sentent concerner par le processus, la stabilité
politique réduira la vulnérabilité et par là la pauvreté, puisque les populations pourront
vaquer sans ambages à leurs occupations.
- La décentralisation peut agir sur la pauvreté par le canal économique étant donné que les
besoins et les attentes des populations sont exprimés et répertoriés par eux-mêmes grâce à
9
la participation. Les investissements à réaliser sont donc choisis par eux-mêmes, d’où le
ciblage des projets répondant aux attentes des populations. Une fois ciblés et réalisés, ces
projets identifiés à la base par les populations, seront d’une certaine efficacité, améliorant
de fait l’accès aux services sociaux et réduisant la pauvreté.
Ainsi, après avoir poser les bases d’un processus de décentralisation, il est important de
rentrée dans la boîte noire afin d’examiner d’autres paramètres qui établissent le
fonctionnement de la décentralisation et son lien avec la pauvreté.
B – Conditions clés d’influence du lien entre la décentralisation et la pauvreté
Pour voir si la décentralisation a une influence sur la réduction de la pauvreté, différentes
variables liées à la situation du pays ainsi qu’aux conditions du processus de décentralisation
doivent être analysées (Bossuyt and Gould, 2000 ; Jütting, Kauffman, Mc Donnell,
Osterrieder, Pinaud, Wegner, 2004).
Sur la situation du pays :
- Les données économiques comme la densité de la population, les infrastructures
étatiques, le niveau du revenu par habitant ainsi que les disparités à travers les régions
sont à analyser.
- Le niveau d’instruction des acteurs locaux, la culture de la responsabilité démocratique
et le respect de la légalité sont à prendre en compte (Blair, 2000). Dans les pays où le
niveau éducatif est faible et où le processus démocratique ne fonctionne pas, il est
difficile aux pauvres de participer à la dynamique locale et, un processus de
décentralisation lié à une politique en faveur des pauvres est difficilement réalisable.
- Les institutions sociales doivent contribuer à la participation des groupes sociaux
marginalisés.
- La structure du pouvoir politique qui est un facteur important, doit évoluer dans le sens
du partage.
Ainsi, après cette analyse de la situation du pays, quatre éléments apparaissent être de vrais
instruments de mesure de l’impact de la décentralisation sur la pauvreté.
10
- L’habileté et la capacité des acteurs locaux à conduire les réformes ; ceci dépend de
facteurs comme l’engagement politique au niveau national, les ressources financières
disponibles au niveau local, les capacités humaines locales et l’implication des agences de
développement et des donateurs dans la définition des politiques à mener (Romeo, 2002).
- La transparence et la participation ; elles sont très importantes pour l’insertion des
pauvres. Il faut en effet que l’information soit disponible en permanence.
- La capture des élites et la corruption ; elles constituent aussi un facteur très important dans
l’analyse de l’impact de la décentralisation sur la pauvreté (Fisman and Gatti, 2002). Le
transfert du pouvoir au niveau local peut pousser les élites à s’approprier le processus de
décision. Ceci entraînera un impact limité voire négatif sur la pauvreté. En effet, si les
priorités et les ressources sont détournées des politiques de réduction de la pauvreté, la
corruption va s’installer et croître.
- La cohérence des politiques menées par le gouvernement (Land and Hauck, 2003). La
décentralisation doit être effective et les politiques engagées ne doivent pas être en
contradiction avec le processus de décentralisation quel que soit l’initiateur.
C’est donc après avoir analysé ces différents facteurs que le résultat général sur l’influence
que joue le processus de la décentralisation sur la pauvreté peut être déterminé en vérifiant si
le processus est réellement orienté en faveur des pauvres ; si la participation, la disponibilité
de l’information et la dynamique démocratique fonctionnent ; si la vulnérabilité des pauvres a
été réduite ; et si l’accès aux services est vraiment effectif et efficace.
II LES IMPLICATIONS DE LA DECENTRALISATION SUR LA PAUVRETE AU CAMEROUN Les effets de la décentralisation sur la pauvreté au Cameroun, seront analysés à partir du
programme d’appui aux capacités décentralisées de développement urbain (PACDDU), dans
sa mise en œuvre (I.1), et à travers les résultats obtenus (I.2).
II.1 Le PACDDU : une expérience de décentralisation et de lutte contre la pauvreté
11
Pour analyser le Programme d’appui aux Capacités Décentralisées de Développement Urbain,
nous aborderons d’abord les caractéristiques du programme (A), ainsi que son organisation
institutionnel (B)
A - Caractéristiques du PACDDU
La convention de financement du PACDDU a été signée le 26 mai 2000 pour un montant de
20 millions d’euros (21,370 millions y compris contrepartie camerounaise). Elle s’inscrit dans
le cadre du programme indicatif national pour le 8ème Fonds Européen de Développement
(FED) signé trois ans auparavant. Les programmes de coopération avec l’Union européenne
s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle orientation de l’Union en matière de politiques de
coopération au développement durable avec les pays d’Afrique Caraïbe, Pacifique (ACP),
concrétisée dans l’Accord de Cotonou, et caractérisée par des actions de coopération
décentralisée dont les axes fondamentaux d’intervention sont : favoriser des systèmes
légitimes et efficaces de gouvernance locale; appuyer les initiatives et les dynamiques du
développement local; ainsi que de nouvelles formes de dialogue politique et social, finalisées
à la création de réseaux locaux d’acteurs décentralisés, pour la mise en œuvre de politiques de
développement. C’est donc dans ce cadre que naît le Programme d’Appui aux Capacités
Décentralisées de Développement Urbain (PACDDU).
Le Programme relève de la catégorie des projets d’appui institutionnel : sa définition s’appuie
sur la notion de « processus » évolutif et souple, d’où l’appellation de « Programme » préférée
à celle de « projet ». Il a pour finalité générale d’améliorer durablement les conditions de vie
et d’activité des populations urbaines par la réalisation d’investissements appropriés et par le
renforcement des capacités décentralisées dans 5 villes de moyen exercice (Maroua,
Ngaoundéré, Bafoussam, Bamenda et Foumban)4. Il vise donc à contribuer au processus de
décentralisation en œuvre au Cameroun à travers le transfert aux communautés locales, de
responsabilités croissantes à exercer dans le cadre des politiques nationales, en matière de
lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, de renforcement de la société civile, de
recouvrement des coûts des services sociaux et collectifs.
Les objectifs spécifiques consistent à accroître, dans le cadre de la bonne gouvernance, les
capacités de programmation et de gestion urbaine des 5 villes; À renforcer la participation des 4 Il est à noter que ces villes regroupent environ 1,2 millions d’habitant soit, 15% de la population urbaine au Cameroun. La population de Maroua s’élève à 280 000 habitants, Ngaoundéré 220 000, Bafoussam 255 000, Bamenda 350 000, Foumban 110 000
12
populations au développement local urbain. Les résultats attendus sont : L’amélioration de la
capacité des communes à exercer la maîtrise d'ouvrage et, en particulier, à programmer,
financer, mettre en œuvre et gérer des investissements collectifs urbains; réaliser dans les
communes des équipements collectifs urbains notamment en matière d'alimentation en eau,
de drainage, de voirie et d'appui à l'activité économique; réaliser avec le concours des
organisations de la société civile des micro-investissements sociaux et productifs; renforcer
les organisations de la société civile et leur capacité de négociation; développer la
concertation entre l'institution communale, la société civile et les services déconcentrés de
l'État.
Le Programme prévoit ses activités sur trois volets : - Le volet « Institutions » qui permettra aux cinq Communes d'exercer la maîtrise d’ouvrage
et, en particulier de Programmer, de financer, mettre en oeuvre et gérer les
investissements collectifs urbains.
- Le volet « Investissements » qui permettra aux cinq Communes de cofinancer la
réalisation des équipements collectifs et aux organisations de la société civile des mêmes
Communes de réaliser des micros investissements sociaux et productifs. Les actions du
Programme viseront à inscrire les deux types d’investissement dans une même cohérence
dans la ville où ils sont réalisés.
- Le volet « Participation et concertation » qui vise, d'une part à renforcer la
participation des organisations de la société civile au développement urbain et, d'autre part à
développer la concertation entre l'institution communale, la société civile et les services
déconcentrés de l'État.
B - Schéma organisationnel du projet : Bénéficiaires et acteurs principaux
Les bénéficiaires et les acteurs principaux du Programme sont identifiés dans les
administrations communales, les élus et les populations des 5 villes retenues ainsi que les
services administratifs déconcentrés, les associations, les organisations ou initiatives locales
capables de promouvoir la mobilisation collective pour la réalisation d'investissements ou
d'actions d'intérêt général. L’organisation et l’exécution du Programme font donc intervenir
un nombre important de partenaires. Ils représentent soit l’Etat, soit les partenaires au
développement, soit les collectivités territoriales décentralisées, soit la société civile et
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interviennent directement et/ou dans le cadre d’instances de concertation. L’analyse de leurs
relations de travail s’appuie sur l’examen croisé des textes et des interactions des acteurs.
L’organigramme du programme ci – dessous nous montre la complexité du montage
institutionnel.
Organisation institutionnelle du programme
Un Comité de pilotage assure le suivi global du Programme. Il est composé de l’ordonnateur
national (ON), du ministère en charge de l’administration territoriale et de la décentralisation
(MINATD), de la cellule de coordination Cameroun – union européenne (CCC-UE), et de
l’agence nationale d’exécution (ANEx).
Un Comité National de Concertation (CNC) est appelé à donner son avis sur les principales
opérations du programme et à rechercher des solutions face aux difficultés relevant de
l'intervention de multiples acteurs, lorsqu’elles n’ont pas pu être résolues à l'échelon local.
Comité de pilotage (ON, MOD, CCC– UE, ANEX)
Pilotage
Comité National de concertation (CNC)
Ministère de l’économie du plan et de l’aménagement du territoire (MINEPAT) ON/Maître d’ouvrage
Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (MINATD) ; MOD
Cellule de coordination Cameroun – Union européenne CCC - UE
Agence d’exécution ANEX
Exé
cutio
n, G
estio
n, S
uper
visi
on
Bénéficiaires/Maîtres d’ouvrage décentralisés
Services déconcentrés de l’Etat
Communes MO décentralisés Société civile
Conseils municipaux et maires/délégués du
Comités locaux de concertation (CLC)
14
Un maître d'ouvrage général du projet initialement représenté par le Ministère de
l'Administration Territoriale et de la décentralisation, puis transféré à l’ON. La mission d’ON
itialement confiée au ministère de l’économie, du plan et de l’aménagement du territoire
charge de la décentralisation. Pour ce faire, il dispose d’un pouvoir supérieur aux
utres acteurs nationaux, tant centraux que locaux, à l’exception de l’ordonnateur
n
ontrôle l’exécution ; dispose de l’autonomie technique et financière ; exécute les paiements
in
(MINEPAT) a été transférée au ministère de l’économie et des finance (MINEFI), puis
encore au MINEPAT à la suite de différents remaniements ministériel. En cette qualité, il est
responsable de la préparation, de la présentation et de l’instruction des Programmes d’actions;
il lance les appels d’offres, signe les marchés et leurs avenants et approuve les dépenses ; au
cours des opérations d’exécution, il prend toutes les mesures d’adaptation nécessaires pour
assurer, d’un point de vue économique et technique, la bonne exécution des projets. Il détient
des pouvoirs prévalents sur le maître d’ouvrage délégué et naturellement sur les autres acteurs
nationaux.
Un maître d’ouvrage délégué représenté désormais par le MINATD. Il est le ministère
technique en
a
national/maître d’ouvrage. Il veille à la mise en oeuvre du processus de décentralisation
convenu par le projet ; il assure que rien n’entrave l’atteinte des résultats attendus du projet.
Une agence nationale d'exécution (ANEx) est chargée de la mise en oeuvre du Programme.
Elle est maître d’oeuvre contractuel ; coordonne les actions inscrites au Programme et e
c
correspondant aux dépenses entrant dans le cadre des actions et orientations approuvées par le
Comité de Pilotage, par l’intermédiaire d’une régie d’avance primaire dont elle est
gestionnaire ; elle prend part à cet effet aux jurys d’appel à candidature et d’appel d’offres. Il
dispose de deux antennes sur le terrain et ses actions sont prolongées par des organismes
correspondants dont les interventions ciblent les organisations de la société civile (OSC), les
membres des comité locaux de concertation (CLC) et dans une certaine mesure les autorités
municipales et les services déconcentrés de l’Etat qui les consultent. Leurs principaux atouts
sont informationnels. Toutefois, l’insuffisante fluidité des procédures ayant déjà entraîné le
passage de la régie directe à la régie indirecte, Les lenteurs dans le processus ne le rendent pas
lisible ipso facto pour les acteurs en présence. D’où des questionnements et des
incompréhensions de certaines autorités traditionnelles et municipales. En effet, il faut le plus
souvent attendre la fin d’une activité avant de pouvoir enclencher une autre, le temps
15
d’expliquer et de dissiper les malentendus qui existent, afin que l’adhésion d’une bonne
frange l’emporte.
Les Communes urbaines : les 5 Communes bénéficiaires sont les maîtres d’ouvrage des
opérations dont elles auront l’initiative et qu’elles cofinanceront. L’autorité municipale assure
e fait, au nom de sa commune cette maîtrise d’ouvrage et est coprésident du CLC. Cette
ndre les intérêts des communautés locales qu’elles
cadrent. Ils disposent surtout des atouts informationnels du fait de la connaissance des
de sièges aux OSC
Pourcentage des ONG
Nombre de sessions de CLC tenues
d
autorité municipale est différemment perçue depuis que le processus électoral a repris au
Cameroun. Il y a de l’admiration, du mépris, et même de la désaffection en fonction de
l’entité politique et de sa gouvernance.
Les Organisations de la Société Civile (OSC) sont représentées au sein du CNC par cinq
membres dont le mandat est de défe
en
réalités, des besoins et attentes prioritaires du milieu local. Leur présence dans cette instance
semble être la garantie de la prise en compte effective des besoins et attentes des populations
à la base. Dans chacune des cinq villes bénéficiant du Programme, un Comité Local de
Concertation a été constitué. Il approuve les microprojets de la société civile et donne son avis
sur la sélection des microprojets dits communaux. Le tableau ci-dessous nous présente la forte
représentativité des OSC dans les CLC.
Nombre de sièges occupés par les OSC dans le CLC dans chaque ville
Ville Nombre Total de sièges
Nombre accordés
Bafoussam 18 9 50,00 % 4 Bamenda 34 4 22 64,70 % Foumban 4 21 12 57,14 % Maroua 25 14 56, 00 % 4 Nga ré 25 oundé 14 56, 00 % 4 TOTAL 123 71 57,72 % 20
Source : Procès ve des comités locaux de
u table i-dessus met en f le principe d cipation. Les po lations à
à travers SC éterminante sur les choix
pérés par ces instances.
f communal et conseil communal), les services déconcentrés de
l’Etat et la société civile à travers les délégués des différents quartiers siègent ensemble,
rbaux concertation
L’analyse d au c relie e la parti pu
la base les O au sein des CLC pèsent de manière d
o
Des comités locaux de concertation (CLC) : c’est le nœud de la nouvelle approche du
développement participatif. Les trois acteurs du développement qui sont les représentants de
la municipalité (l’exécuti
16
examinent, sélectionnent et valident des micro projets de la société civile et des projets
d’investissement municipaux. En effet, le comité local de concertation est un instrument de
dialogue, d’échange et de réflexion qui garantit une bonne coordination des actions
cofinancée par le PACDDU dans le territoire de la commune urbaine. Cependant, la mise en
place de ces comités locaux a connu un retard dû aux lenteurs de l’administration
Les Services Déconcentrés de l’Etat interviennent à la demande des Communes. Ils ont pour
responsabilité, d’apporter dans la mise en œuvre du programme, un concours technique
additionnel à celui des services techniques communaux, des OC et des responsables
chniques des antennes PACDDU. Leurs atouts sont informationnels et éventuellement
’autorité administrative (Préfet) qui est le dépositaire de l’autorité de l’Etat assure la tutelle
avec les acteurs sont
rigés en « administrateur – administré ». Ce principe s’accommode difficilement avec
mence déjà à souffrir
es effets de la démocratie dans certaine localité. Certains chefs traditionnels se soumettent
pas son exécution facile. Au centre, il y a plusieurs interlocuteurs. Sachant la paralysie qui
te
matériels. Cependant, ces services connaissent les mêmes difficultés que les administrations
communales puisqu’il y a un manque d’effectif et de personnel qualifié, l’Etat ayant arrêté les
recrutements depuis une vingtaine d’année suite à la crise économique. Leur influence a par
conséquent diminuée au profit des OC.
Même si cela n’apparaît pas dans l’organigramme, l’autorité administrative et l’autorité
traditionnelle, interviennent et influence le déroulement du programme.
L
sur les collectivités territoriales décentralisées. Il exerce en même temps une influence directe
sur les services techniques déconcentrés. Au niveau local, ses rapports
é
l’approche participative du PACDDU guidée par la logique égalitaire.
L’autorité traditionnelle est le garant de l’intérêt général de la communauté. A ce titre, elle a
son mot à dire dans tout ce qui se fait dans sa zone d’influence. Elle peut facilement mobiliser
les populations et donner des directives. Cependant, cette autorité com
d
maintenant au jeu démocratique du vote. Les deniers publics qui de fait revenaient au chef
sont à présent confiés à la commune et à son exécutif. A Bafoussam, le Chef traditionnel est
devenu maire dans sa circonscription.
Comme nous pouvons le constater, la multitude d’intervenants dans ce programme ne rend
17
caractérise le plus souvent ces administrations, le déroulement du programme a connu de
grandes difficultés. A l’analyse du rôle de chacun, fort est de constater que les populations au
iveau locale, même si elles sont représenté dans les comité locaux de concertation (CLC),
- Le volet investissements ans ce volet, il y a la réalisation des microprojets par la société civile et les investissements
municipaux. 7 ant total de 305 218 040 F CFA.
icroprojets réalisés par ville
n
ont très peu de pouvoir pour influencer les décisions d’autant plus que la plupart de ces
populations se caractérisent par leur analphabétisme.
II. 2 Les implications du programme : résultats et constats
Nous allons analyser les réalisations du volet investissements, institutions, concertation et
participation (A), puis nous ferons le constat (B)
A – Les réalisations du programme
Les réalisations du programme portent sur trois volets :
D
3 microprojets ont été réalisés pour un mont
Le tableau ci-après présente la distribution de ces projets par ville.
MN° Ville Microprojets Total Coût FCFA
1 BAFOUSSAM 6 assainissements ; 7 franchissements ; 2 écoles ; 1 électricité ; 1 borne
fontaine
17 60 297 973
2 BAMENDA 7 franchissements ; 1 centre de santé ; 2 captages source/puits 10 63 338 667
3 FOUMBAN 1 assainissement, 1 franchissement ; 3 écoles ; 1 formation ; 7 captages source 13 59 452 540
4 MAROUA 4 assainissem 17 57 860 465 ents ; 1 franchissement ; 2 écoles, 2 formations, 8 puits
5 NGAOUNDERE 5 assainissem 16 64 268 395 ents ; 4 franchissements ; 1 écoles ; 6 puits
TOTAL 73 305 218 040
Source : Archives PACDDU ; www.pacddu.net
Les jets sé , e utés
ga de la so rité, la sa
es i ctures… es microprojets, contribuent à la résolution des probl s pr
que les populations de ces v ns leur quartier. Cependant,
algré la modicité des sommes par rapport à l’ampleur des problèmes de pauvreté que
connaissent toutes ces villes, les investissements municipaux quant à eux portent sur le gros
micropro lectionnés par les comités locaux de concertation xéc par les
or nisations ciété civile concernent, l’hydraulique, la salub nté, l’éducation,
l nfrastru C ème ioritaires
illes rencontrent généralement da
m
18
œuvre comme la construction des voies urbaines, des ponts, de l’éclairage. Ils doivent
contribuer à la relance des activités économiques permettant aux populations de créer des
activités génératrices de revenus.
Investissements municipaux par ville Année 2007 Année 2008
N°
Villes
Projets Coût FCFA Coût FCFA
1 BAFOUSSAM 1 voie urbaine 538 000 000 580 000 000
2 BAMENDA 1 voie urbaine 870 000 000 550 000 000
3 FOUMBAN 3 Ponts ; 1 passage busé 335 000 000 575 000 000
4 MAROUA 1 voie urbaine ; 1 éclairage public ; 1 dalot 673 000 000 576 000 000
5 NGAOUNDERE 2 dalots 275 000 000 730 000 000
TOTAL 0 000 2 680 000 000 3 021 00
Source : Achives pacddu ; www.pacddu.net
Reprenant notre cadrage, nous constatons que dans la mét ic s notions de
l’appropria n e rtion, sont b en compte te de la société
civile, dan les ’ex r p qui se sent
concerner par le processus. De plus, dans un contexte de pauvreté et de rareté des ressources
où les populations sont de plus re de gérer des élus, ce type de
nctionnement amène les communes et leurs responsables à développer des réflexes de
cipation et concertation Il y a eu la création de quatre organismes correspondant, un comité local de concertation,
tion et participation nous renvoient au dernier volet de la
méthode participative qui est la mme le montre le tableau des
s
fiés, la constitution des comités
hode part ipative, le
tio t de l’inse ien prises ici. Les in rventions
s choix, l écution de ces microprojets assure la opulation
en plus regardantes sur la maniè
fo
bonne gouvernance.
- Le volet institutions
Construction des centre pilote de fiscalité locale dans chaque ville (expliqué leur rôle) et
rénovation des différents hôtel de ville pour améliorer les conditions de travail tout en se
mettant en conformité par rapport au nouvel organigramme communal.
- Le volet parti
vingt émissions de radio locale dans chaque ville, plus la création d’un site Web où l’on
retrouve désormais les informations concernant chaque ville.
Les volets insertion, concerta
responsabilité démocratique. Co
résultats du programme par volet, l’acquisition de moyens logistiques, la construction de
centres de fiscalité locale, le recrutement des cadres et agents de maîtrise après organisation
des départs volontaires ou déflation des personnels non quali
19
de concertation, l’organisation des ateliers de consultations de villes, la formation aux
techniques de fonctionnement durable des groupes, la sensibilisation des réseaux et
associations, la facilitation de la communication entre les organisations de la société civile, les
services déconcentrés de l’Etat et l’institution communale, sont autant d’actes qui contribuent
à l’amélioration de la gouvernance, à l’auto développement et à l’amélioration des conditions
de vie.
Les résultats du programme par volet
VOLETS
RESULTATS
Etudes sur la mise en œuvre d'un plan social et le plan de formation du PACDDU Location et aménagement des bureaux Acquisition de moyens logistiques Rénovation des hôtels de ville de Bafoussam, Foumban, Maroua et Ngaoundéré Informatisation des services et dotation des communes en VSAT avec connexions Internet Acquisition du matériel de chantier pour les garages municipaux Construction des centres de fiscalité locale Elaboration d’ CDDU
un organigramme-type pour les communes bénéficiaires du PARecrutement éparts volontaires ou déflation des personnels non qualifiés
des cadres et agents de maîtrise après organisation des d
Institution
Renforcement des capacités des resso mmunes, OSC, services déconcentrés)
urces humaines (des cinq co
Elaboration des documents de procédures pour les micro-projets et les projets municipaux Financement et réalisation des projets municipaux Appui à l’élaboration, l’approbation et le suivi des micro-projets des OSC
Investissement ciaires Financement et réalisation des micro-projets des OSC dans les communes bénéfiConstitution des comités de concertation Elaboration et signature des contrats de ville Organisation des ateliers de consultations de villes Formation aux techniques de fonctionnement durable des groupes Renforcement de la dynamique de groupe en informatique et à l’Internet Sensibilisation des réseaux et associations Structuration des groupes, (secteur informe)
Participation et concertation
Facilitation de la communication entre les OSC, les services déconcentrés de l’Etat et l’institution communale
Source : documentation du pacddu
Les postulats de savoir l’argument politique et l’argument
économ ue d’où opriation, l’insertion, et la
res dé Cependant, cette méthode a t – elle bien
fonctionner aux érents et
nombreux intervenants du processus ? fets escomptés ?
B – Le constat
base de la décentralisation à
iq d’écoule la notion de participation avec l’appr
ponsabilité mocratique a été appliqué.
regard des interactions positives et/ou négatives entre les diff
A t –elle produit les ef
Nous ferons le constat en matière : de partenariat avec la société civile, de maîtrise d’ouvrage, de
conception et gestion de projets, de finances locales, d’organisation et gestion des services
municipaux pour vérifier si l’habileté et la capacité des acteurs locaux à conduire les
20
réformes, la élites et la corruption et la
cohérence des politiques menées par le gouvernement sont de mise.
’afflux des
formulation de projets est devenue une rente. Dans le cadre du programme PACDDU, il est apparu
inistration municipale
elle-même sous-équipée : manque de cadres du niveau requis pour assurer toutes les phases et
us les aspects de la maîtrise d’ouvrage ; manque de moyens techniques, tant pour les études
transparence et la participation, la capture des
En matière de partenariat avec la société civile, la démarche participative posée en préalable
comme un principe d’action a en quelque sorte été instrumentalisée par quelques acteurs du
développement comme les organisations de la société civil. Il faut noter que l
bailleurs des initiatives des partenaires au développement au Cameroun a fait que pour certaines OSC,
la
que le choix des investissements municipaux et des microprojets ne relevait pas d’un plan de
développement local. Il a plutôt été question de régler certains problèmes politiques afin de satisfaire
certains groupes sociaux. Lors du processus consultatif, la concertation n’a pas suffisamment été
relevée. Dès lors, le manque de crédibilité fait que, les différents acteurs ne se reconnaissent pas
comme étant partenaires et complémentaires. Les groupes interrogés, ou les populations de base,
disent que la concertation avec la mairie est insuffisante. La reconnaissance de l’apport
politique que pourraient avoir les organisations de base et les organisations de la société civile
à travers le processus participatif et consultatif dans la gestion de la cité semblent confuses au
Cameroun. La société civile n’est pas reconnu comme étant une force politique capable
d’influer sur la gouvernance locale. Elle sert plutôt en général de caution accordée par les
autorités camerounaises aux partenaires au développement. Il s’agit donc de renforcer la
capacité d’identification, la capacité de concertation et de négociation.
En matière de maîtrise d’ouvrage, même si le programme a commencé à apporter un début de
solution, les cinq communes ne sont pas équipées pour faire face convenablement aux
besoins. Leurs services techniques sont les parents pauvres d’une adm
to
que pour la réalisation (travaux de voirie, enlèvement/traitement des déchets, assainissement,
etc.). Les organisations de la société civile sont encore plus démunies que l’administration
communale. La réalisation des microprojets d’infrastructures et d’équipements par la société
civile a eu quelques manquements. La mobilisation populaire et la réalisation de certains
projets est exemplaire ; mais, quelques projets n’étaient ni qualitativement, ni techniquement
recevables. Sachant que l’un des reproches fait à l’administration centrale est la mauvaise
exécution des projets, il y a lieu de ce demander si cela crédibilise la société civile. Dans le
volet investissement, il est regrettable que les petite et moyennes entreprises locale soient
21
écarter par le fait des appels d’offre. Manquant de moyens financiers pour déposer des
cautions suite aux appels d’offre, ne disposant pas d’une grande technicité, ils sont
systématiquement exclus du marché. Or, l’un des objectifs du programme était de créer une
dynamique économique locale. Il est bien vrai que les PME n’ont pas été identifié comme des
acteurs sociaux. Cependant, il serait intéressant que certaines faveurs accordées à la société
civile soient aussi accordées aux PME locales afin de structurer le tissu économique.
En matière de conception et gestion de projets, les communes manquent de moyens pour
concevoir, monter, gérer directement des projets complexes. Le partenariat avec les services
de l’Etat qui ont parfois cette compétence est souhaitable, mais ne se fait pas toujours sans
difficultés, des rivalités existent entre les communes et les services déconcentrés des
inistères techniques.
ppropriées et de collaboration des services de l’Etat concernés) et,
’autre part, un certain manque de réalisme dans la conception initiale. Mais il arrive aussi
lle d’origine s’est édulcorée et un modus vivendi s’est en
énéral établi. Mais, le phénomène de confiscation est bien réel avec le titulaire principal de
M
En matière de finances locales, il apparaît de grands écarts entre les budgets votés et les
comptes administratifs. Cela traduit, d’une part, une insuffisance dans le recouvrement des
recettes (combinaison du manque d’organisation dans le partage des tâches, du manque de
ressources humaines a
d
que les services fiscaux de l’Etat tardent à reverser aux communes la part qui leur revient des
impôts et taxes collectés par eux.
En matière d’organisation et gestion des services municipaux, le partage des rôles n’est pas
toujours respecté entre les conseils municipaux et l’exécutif municipal (surtout, bien entendu,
lorsque cet exécutif est formé d’un délégué du gouvernement / administrateur municipal).
Cependant, la situation conflictue
g
l’exécutif communal qui gère tout lui même sans guère de délégation. Le secrétaire général
n’est pas suffisamment mis en situation de jouer le rôle qu’on devrait attendre de lui. Pour
cela, il faut une définition claire des responsabilités de chacun des acteurs intervenant dans la
gouvernance locale. Dans le cadre du programme, l’on peut se demander si les OSC doivent
chercher à avoir la maîtrise d’ouvrage délégué ou bien les compétences leur permettant
d’influer sur les décisions et les actions à entreprendre en discutant avec l’exécutif communal.
La maîtrise d’ouvrage doit plutôt être orienté vers les petites et moyennes entreprises locales.
22
Beaucoup de critiques sont faites à la nouvelle approche du développement par la méthode
participative comme la difficulté de gérer le processus, les insuffisances et le manque
d’expertise des participants en terme d’analyse, de critique, et de propositions ainsi que leur
capacité à infléchir certaines décisions. Le PACDDU n’a pas échappé à ces critiques puisque
l’habileté et la capacité des acteurs locaux à conduire les réformes sont quasi inexistantes, la
visiblement fait avancer la donne. Ainsi,
traiter la lutte contre la pauvreté au niveau microéconomique local grâce au processus de
décentralisation nous semble être une bonne démarche même si la méthode active de
capture des élites et la corruption sont très fortes, La transparence et la participation sont
biaisées, la cohérence des politiques menées par le gouvernement ne s’inscrit pas dans une
dynamique d’ensemble.
CONCLUSION
La décentralisation est un processus relativement récent au Cameroun. Les collectivités
territoriales pour l’instant ont très peu de moyens humains, matériels et financiers. Cependant,
les différentes actions du programme PACDDU ont
recherche participative n’est pas encore bien compri des populations. La mise en œuvre de
cette décentralisation demande donc du temps au vu du renforcement des institutions et des
structures, de l’apprentissage démocratique et de la formation des populations pour que
l’appropriation, l’insertion et la responsabilité démocratique soient réelles.
Le tableau synoptique ci – dessous du processus de décentralisation et de la lutte contre la
pauvreté en cours confirme toute cette analyse.
23
Annexe ableau synoptique de la dynamique de décentralisation et la lutte contre la auvreté au Cameroun
TpP a y s &
S o u r c e s d e d o n n é e s
O b j e c t i f s
P r é d i s p o s i t i o n s
P r o c e s s u s ( d a t e d e d é b u t : 1 9 9 6 )
I m p a c t d e l a d é c e n t r a l i s a t i o n s u r
l a p a u v r e t é CAMEROUN DSR HakHam Ban
001)
TYPE DE DECENTRALISATION: Politique, administrative et fiscale (suivant les lois d’orientation de la
LEITMOTIV OFFICIEL
tie locale et
SITUATION DU PAYS : • Superficie : 475.442 km² ; 402
kms de côtes • Population : 15,5 millions d’hab.
Densité : 32,6 hab/km²
• Etat des infrastructures : médiocre (réseau routier de 64.626 kms dont 2.666 bit
• Niveaux de revenus : 0 (1996)
•
s
• ur
mise en
•
• ST
HABILITES ET CAPACITES A CONDUIRE LES REFORMES : • Ressources financières
disponibles au niveau local : ND • Capacités humaines
• Engagement politique au niveau national : limité dans les faits
- F ion
transf ers au niveau local (les politiques
très centralisées)
différence
- alisation c
• et financière
TR
ur
CO
•
availlent nistration et
CO : •
s is de
nce de
RESULTATS GENERAUX : • Peu d’informations
actuellement montrant un impact et donc un lien entre la décentralisation et la réduction
lutte contre la pauvreté • Le l s de
déce rs, en on en
• • RE
•
RE
• AC
P (2003)
im Ben ouda (2002)
décentralisation de juillet 2004, mais toujours dans l’attente des textes d’application)
Population urbaine : 48,9% (de la population totale)
décentralisées : potentiel existant, besoins de formations
de la pauvreté. Difficultés dans la définition des politiques sectorielles consacrées à la
que Mondiale (2
: Démocradéveloppement local FACTEURS IMPLICITES : Conditionnalité des bailleurs Effet de mode, avec une forte implication des bailleurs
umées)
PNB par hab : $63Croissance du PIB : 3,4 % (2004) Faibles revenus, pays
ative fortement endettés, InitiPPTE (2002) Niveaux d’inégalités : Index GINI : ND Grandes différences de développement entre les régions Ouest - Sud et lerégions Est - Nord
INSTITUTIONS SOCIALES : s sConstitution de 1996 et Loi
la décentralisation en 2004 :CTD, communes et e/a place des régions et textes d’application. La tutelle reste très présente.
CAPACITES : Taux d’alphabétisation des adultes : 67% (2001) Freedom House rating : ND
RUCTURATION DU POUVOIR LITIQUE : PO
• Pouvoir basé sur un Etat central : Etat centralisé. Déconcentration partielle. Lancement du processus de décentralisation en 1996.
aibles préparation et organisatau niveau central concernant les
erts humains et financi
sectorielles, spécialement dans lesocial, restent
- Faible impact de la décentralisation sur l’organisation générale de l’Etat à la des discours Peu d’effets de la décentrdans les zones rurales même avele PNDP
- Les décisions des autorités locales subissent toujours les contrôles et approbation a priori des représentants de l’Etat central (préfets) Implication des bailleurs : assistance techniquefournie par bailleurs
ANSPARENCE ET PARTICIPATION : Disponibilité d• e l’information : relativement limitée ; manque de relais sur le terrain Participation :• disparate (plus importante dans l’ouest qu’ailleurs) ; manque de motivation et de capacité pour une participation effective Responsabil• ité démocratique :limitée ; toutes les structures décentralisées ne sont pas en place (niveau régional)
• Rôle de la société civile : au coedu processus participatif mais influence faible sur les décisions NFISCATION PAR LES ELITES ET
CORRUPTION : Confiscation par les élites : la plupart des élus locaux (maires et conseillers municipaux) trou dépendent de l’admises structures assimilées HERENCE DES POLITIQUES MENEESCohérence des politiques gouvernementales : la décentralisation est palpable à travers le DRSP et les objectifs de réduction de la pauvreté ; mais pade textes d’application des Lo2004
• Cohérence des politiques des bailleurs : un appui du processus au niveau national et une assistance décentralisée aux autorités locales, mais absecohérence et de véritable concertation entre bailleurs
ancement du processudécentralisation a été instrumentalisé dans les aides
ntralisées des bailleurenforçant la dimensifaveur des pauvres
DUCTION DE LA MARGINALITE : Plus de participation dans l’ensemble, tentatives de prendre en compte l’extrême pauvreté dans les processus de décision
DUCTION DE LA VULNERABILITE : ND
CES AUX SERVICES DE BASE : D • N
Source : auteur
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