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Aluminures de Titane pour l’aéronautique : développements actuels et perspectives P. Sallot a , G. Martin b , S. Knittel c , D. Boquet b , M. Perrut d , M. Thomas d , D. Boivin d a Safran Tech - Etablissement Safran Paris-Saclay, F-78775 Magny les Hameaux, France b Safran Aircraft Engines – 171 boulevard de Valmy, 92702 Colombes, France c Safran Aircraft Engines – Rue Henri Auguste Desbruères, 91003 Evry, France d Onera – The French Aerospace Lab, F-92322 Châtillon, France Résumé Les alliages intermétalliques à base d’aluminure de titane sont des candidats de choix pour les applications aéronautiques car présentant un compromis propriétés mécaniques/densité supérieur à certains alliages base nickel couramment utilisés. Cela explique leur récente introduction sur les dernières générations de turbomachines (LEAP, GTF) pour la réalisation d’aubes de turbine basse pression. Cette évolution technologique est le fruit d’une amélioration des connaissances dans ce domaine et du développement de nuances d’alliages dédiées à ces applications. L’enjeu de cette étude est de présenter les évolutions récentes dans le domaine, en fonction des applications visées, mais aussi de partager les problématiques qui se posent pour aller au-delà des solutions existantes. Introduction Les alliages intermétalliques à base d’aluminure de titane sont actuellement utilisés dans les turbomachines pour réaliser des aubes de turbine basse pression. Ils ont été principalement choisis de par leur faible densité, permettant de réaliser des gains de masse substantiels et ainsi d’améliorer le rendement moteur. Actuellement, les alliages TiAl peuvent être classés suivant deux grandes familles : les alliages à solidification péritectique (48-2-2, ABB, 45XD, K5 …) et les alliages à solidification β (TNM-B1) [1]. La première famille fait intervenir le chemin de solidification suivant : L L + β α p α 2 + γ La formation de la phase α est ici liée à la réaction péritectique, sans nucléation de nouvelles phases ce qui conduit souvent à des microstructures grossières. La seconde réaction fait intervenir le chemin de solidification suivant : L L + β β β + α α α 2 + γ Dans ce cas, la germination de nouveaux grains α dans la phase β permet de raffiner la microstructure [2]. Ces modifications du chemin de solidification ont bien entendu un impact sur les propriétés mécaniques de ces alliages, mais ont surtout été rendues possible en ajoutant des éléments beta-gènes comme le Nb ou le Mo [3]. Ces évolutions métallurgiques ont permis d’envisager de nouveaux procédés pour mettre en forme ces alliages, comme des moyens de forge. Les travaux décrits ici illustreront cet aspect et présenteront les gains réalisés aussi bien du point de vue procédé que microstructural. D’autre part, les nouvelles générations d’alliages TiAl possèdent des propriétés mécaniques améliorées permettant d’envisager des applications plus chaudes et plus sollicitées mécaniquement. Néanmoins, les propriétés mécaniques des alliages TiAl sont très sensibles à un effet mal compris à ce jour qu’est la fragilisation suite à une exposition en température à l’air. Ce phénomène impact les propriétés en traction et en fatigue LCF [4, 5], et il convient de vérifier si cette fragilisation est du même ordre de grandeur quelle que soit la famille d’alliage considérée. Ce point crucial pour une application de type aube de turbine sera également abordé dans cette étude. Méthodes expérimentales L’objectif de ces travaux est d’identifier les gains réels en termes de mise en forme et de propriétés pour les deux grandes familles d’alliages utilisés industriellement aujourd’hui, à savoir le 48-2-2 et le TNM-B1, dont les compositions sont rappelées Tableau I. Tableau I. Composition atomique des alliages étudiés Alliage Ti Al Nb Cr Mo B 48-2-2 base 48 2 2 0 0 TNM-B1 base 43 4 0 1 0,1 L’étude comparée de ces deux nuances permettra de discuter des avantages relatifs à l’utilisation de chaque alliage en fonction des applications visées. Les matériaux testés au cours de ces travaux ont été approvisionnés sous forme de lingots coulés et de tôles laminées. En ce qui concerne les lingots, une fusion VAR suivi d’une refusion en VAR skull melter ont été nécessaires afin d’homogénéiser l’alliage. Le lingot final a été obtenu par coulée gravité dans un creuset refroidit. Concernant les tôles, l’alliage 48-2-2 a été obtenu par une voie métallurgie des poudres suivant le procédé développé par Plansee [6]. En ce qui concerne les tôles TNM-B1, ces dernières ont été approvisionnées chez GfE [7]. Les tôles brutes de laminage ont ensuite été traitées en-dessous de la température du solvus γ de l’alliage considéré. Les microstructures initiales sont présentées Figure 1. Des essais de forgeage quasi-isothermes ont été réalisés sur des pions ø18x30 mm prélevés dans les lingots bruts de coulée pour les deux alliages. Des essais de fatigue HCF en contrainte imposée ont été réalisés sur les tôles laminées à l’état brut, et sur des états pré-oxydés suivant deux cycles distincts, i.e. 500 h à 650°C (Cycle A) et 500 h à 700°C (Cycle B). Les éprouvettes de fatigues utilisées sont plates avec un Kt

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Aluminures de Titane pour l’aéronautique : développements actuels et perspectives

P. Sallota, G. Martin

b, S. Knittel

c, D. Boquet

b, M. Perrut

d, M. Thomas

d, D. Boivin

d

a Safran Tech - Etablissement Safran Paris-Saclay, F-78775 Magny les Hameaux, France

b Safran Aircraft Engines – 171 boulevard de Valmy, 92702 Colombes, France

c Safran Aircraft Engines – Rue Henri Auguste Desbruères, 91003 Evry, France

d Onera – The French Aerospace Lab, F-92322 Châtillon, France

Résumé

Les alliages intermétalliques à base d’aluminure de titane

sont des candidats de choix pour les applications

aéronautiques car présentant un compromis propriétés

mécaniques/densité supérieur à certains alliages base

nickel couramment utilisés. Cela explique leur récente

introduction sur les dernières générations de

turbomachines (LEAP, GTF) pour la réalisation d’aubes de

turbine basse pression. Cette évolution technologique est le

fruit d’une amélioration des connaissances dans ce

domaine et du développement de nuances d’alliages

dédiées à ces applications. L’enjeu de cette étude est de

présenter les évolutions récentes dans le domaine, en

fonction des applications visées, mais aussi de partager les

problématiques qui se posent pour aller au-delà des

solutions existantes.

Introduction

Les alliages intermétalliques à base d’aluminure de titane

sont actuellement utilisés dans les turbomachines pour

réaliser des aubes de turbine basse pression. Ils ont été

principalement choisis de par leur faible densité,

permettant de réaliser des gains de masse substantiels et

ainsi d’améliorer le rendement moteur.

Actuellement, les alliages TiAl peuvent être classés

suivant deux grandes familles : les alliages à solidification

péritectique (48-2-2, ABB, 45XD, K5 …) et les alliages à

solidification β (TNM-B1) [1].

La première famille fait intervenir le chemin de

solidification suivant :

L � L + β � αp � α2 + γ

La formation de la phase α est ici liée à la réaction

péritectique, sans nucléation de nouvelles phases ce qui

conduit souvent à des microstructures grossières.

La seconde réaction fait intervenir le chemin de

solidification suivant :

L � L + β � β � β + α � α � α2 + γ

Dans ce cas, la germination de nouveaux grains α dans la

phase β permet de raffiner la microstructure [2].

Ces modifications du chemin de solidification ont bien

entendu un impact sur les propriétés mécaniques de ces

alliages, mais ont surtout été rendues possible en ajoutant

des éléments beta-gènes comme le Nb ou le Mo [3].

Ces évolutions métallurgiques ont permis d’envisager de

nouveaux procédés pour mettre en forme ces alliages,

comme des moyens de forge. Les travaux décrits ici

illustreront cet aspect et présenteront les gains réalisés

aussi bien du point de vue procédé que microstructural.

D’autre part, les nouvelles générations d’alliages TiAl

possèdent des propriétés mécaniques améliorées

permettant d’envisager des applications plus chaudes et

plus sollicitées mécaniquement. Néanmoins, les propriétés

mécaniques des alliages TiAl sont très sensibles à un effet

mal compris à ce jour qu’est la fragilisation suite à une

exposition en température à l’air. Ce phénomène impact

les propriétés en traction et en fatigue LCF [4, 5], et il

convient de vérifier si cette fragilisation est du même ordre

de grandeur quelle que soit la famille d’alliage considérée.

Ce point crucial pour une application de type aube de

turbine sera également abordé dans cette étude.

Méthodes expérimentales

L’objectif de ces travaux est d’identifier les gains réels en

termes de mise en forme et de propriétés pour les deux

grandes familles d’alliages utilisés industriellement

aujourd’hui, à savoir le 48-2-2 et le TNM-B1, dont les

compositions sont rappelées Tableau I.

Tableau I. Composition atomique des alliages étudiés

Alliage Ti Al Nb Cr Mo B

48-2-2 base 48 2 2 0 0

TNM-B1 base 43 4 0 1 0,1

L’étude comparée de ces deux nuances permettra de

discuter des avantages relatifs à l’utilisation de chaque

alliage en fonction des applications visées.

Les matériaux testés au cours de ces travaux ont été

approvisionnés sous forme de lingots coulés et de tôles

laminées.

En ce qui concerne les lingots, une fusion VAR suivi

d’une refusion en VAR skull melter ont été nécessaires

afin d’homogénéiser l’alliage. Le lingot final a été obtenu

par coulée gravité dans un creuset refroidit.

Concernant les tôles, l’alliage 48-2-2 a été obtenu par une

voie métallurgie des poudres suivant le procédé développé

par Plansee [6]. En ce qui concerne les tôles TNM-B1, ces

dernières ont été approvisionnées chez GfE [7]. Les tôles

brutes de laminage ont ensuite été traitées en-dessous de la

température du solvus γ de l’alliage considéré. Les

microstructures initiales sont présentées Figure 1.

Des essais de forgeage quasi-isothermes ont été réalisés

sur des pions ø18x30 mm prélevés dans les lingots bruts de

coulée pour les deux alliages.

Des essais de fatigue HCF en contrainte imposée ont été

réalisés sur les tôles laminées à l’état brut, et sur des états

pré-oxydés suivant deux cycles distincts, i.e. 500 h à

650°C (Cycle A) et 500 h à 700°C (Cycle B). Les

éprouvettes de fatigues utilisées sont plates avec un Kt

égal à 1.2 dans la zone utile. Les essais ont été réalisés

dans tous les cas à des températures supérieures à 600°C.

Figure 1 Microstructures brutes des tôles laminées pour

les alliages a) 48-2-2 et b) TNM-B1.

Les différents échantillons ont été observés au

microscope optique ainsi qu’au MEB. D’autre part

l’impact de la pré-oxydation sur l’évolution de la

composition des alliages a été évalué par WDS.

Résultats expérimentaux

Forgeabilité des alliages TiAl La forgeabilité des alliages 48-2-2 et TNM-B1 a pu être

évaluée en faisant varier plusieurs paramètres de forgeage,

i.e. la température de préchauffage, la vitesse de

déformation et le taux de déformation total. Les résultats

en termes de contrainte maximale d’écoulement sont

présentés en Figure 2 en fonction du paramètre de Zener-

Hollomon [8].

Figure 2 Contrainte d’écoulement maximale mesurée lors

du forgeage quasi-isotherme des alliages TiAl 48-2-2 et

TNM-B1.

Nous constatons que l’introduction de la phase β dans

l’alliage TNM-B1 améliore la forgeabilité en comparaison

au 48-2-2 et permet d’abaisser à iso-condition de forgeage

la contrainte d’écoulement.

Impact de la pré-oxydation sous air

L’impact de la pré-oxydation sous air des alliages étudiés

est abordé à travers les essais réalisés sur tôles en fatigue

en température, Figure 3.

Figure 3 Evolution de la limite de fatigue normalisée pour

les alliages 48-2-2 et TNM-B1 en fonction du cycle de pré-

oxydation considéré.

L’alliage 48-2-2 ne semble pas être particulièrement

affecté par le cycle de pré-oxydation lorsque l’essai est

mené en température. Au contraire, l’alliage TNM-B1

semble très sensible au cycle de pré-oxydation. Des

analyses plus poussées de ces essais tenteront d’expliquer

la différence de comportement entre ces deux alliages.

Conclusion

Cette étude tente de mettre en avant les avantages et

inconvénients des deux grandes familles d’alliages TiAl

qui sont aujourd’hui utilisées industriellement. Cette étude

comparée met en avant l’importance des liens

microstructures / procédés / propriétés à considérer pour

ces alliages en fonction de l’application retenue.

Remerciements

Safran Tech remercie l’ONERA pour le support technique

et scientifique de cette étude.

Références

[1] Y.-W. Kim, GAT2015, Nanjing, 2015

[2] G. Yang et al., Acta Mater., 112 (2016) 121-131

[3] H. Clemens et S. Mayer, Adv. Funct. Mater., 15 (2013)

191-215

[4] S. L. Draper et B. A. Lerch, TMS, New Orleans, 2008

[5] S. Draper et al., Intermetallics, 13 (2005) 1014-1019

[6] H. Clemens et al., TMS, 1997

[7] M. Achtermann et al., GAT2013, Toulouse, 2013

[8] M. Nobuki et T. Tsujimoto, ISIJ Inter., 31 (1991) 931-

937

a)

b)