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ALPHABETISATION DES FEMMES L'EXPERIENCE DE LA TANZANIE Victor M. MLEKWA UNESCO Bureau Régional de Dakar

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ALPHABETISATION DES FEMMES L'EXPERIENCE DE LA TANZANIE

Victor M. MLEKWA

UNESCO Bureau Régional de Dakar

Les opinions exprimées par l'auteur ne sont pas nécessairement celles de l 'UNESCO et n'engagent pas l'Organisation.

Publié en 1994 par le Bureau régional de l 'UNESCO pour l'éducation en Afrique (BREDA) B P 3311, Dakar, Sénégal.

© U N E S C O 1994

AVANT-PROPOS

Promouvoir l'égalité entre les sexes et l'amélioration de la condition des femmes est une préoccupation constante de l ' U N E S C O . Le troisième Plan à moyen terme (1990-1995) met l'accent sur la participation des femmes, condition sine qua non d'un développement réussi. L'attention est accordée en premier lieu à l'éducation des femmes et des jeunes filles, clé de leur participation, sur un pied d'égalité, à tous les domaines de la vie économique, sociale et culturelle. Par ailleurs, la lutte contre les violences physiques et morales exercées sur les femmes, l'appréciation du rôle des femmes dans le secteur informel, la contribution des femmes dans les média et dans la sauvegarde du patrimoine, constituent autant de champs d'action dans lesquels l ' U N E S C O s'est engagée au cours des années et dans un effort sans cesse renouvelé.

C e sont là autant de raisons qui ont conduit le Bureau Régional de l ' U N E S C O pour l'Education en Afrique (BREDA) à publier un certain nombre de textes, rédigés à l'occasion des activités menées dans ce domaine d'action prioritaire.

La plupart des auteurs, des femmes: femmes africaines de différentes nationalités, femmes engagées à plusieurs niveaux dans le développement de leurs pays. C'est là déjà un choix: donner la voix au monde académique, au m o n d e de la recherche, au monde de la politique, pour leur faire exprimer un point de vue africain et "féminin". En plus, à travers leurs actions, ces femmes intellectuelles visent à mettre en relief et valoriser le rôle précieux mais trop souvent méconnu de leurs soeurs: les millions de femmes et jeunes filles engagées jour après jour dans la lutte pour assurer une meilleure existence à leurs familles et à elles-mêmes, pour affirmer leur droit à l'éducation, pour améliorer à travers la participation à la base le niveau de vie de leurs communautés. Ces femmes et jeunes filles représentent, dans leur silence actif, l'une des grandes ressources du continent.

La publication de cette série vise à favoriser la diffusion des connaissances et des informations sur la situation réelle des femmes africaines, notamment dans le secteur de l'éducation; les obstacles rencontrés, les échecs essuyés et les succès remportés marquent c o m m e autant de jalons le chemin vers une égalité réelle et la valorisation de la différence.

Mais il ne s'agit pas uniquement de connaître et de comprendre. Ces textes se veulent des documents de travail qui donnent des orientations pour l'action.

En effet, encore aujourd'hui "les femmes constituent, parmi les laissés pour compte, le groupe le plus important dans le monde". Et comment le monde pourrait-il s'épanouir sans la moitié de lui-même?

T A B L E D E S M A T I E R E S

INTRODUCTION 7

LE P R O B L E M E : C O N T E X T E ET E T E N D U E '. . . . 7

C O N T E X T E D E LA POLITIQUE A R R E T E E ET P R O G R A M M E S 11

Objectifs de la politique tanzanienne en matière d'éducation des adultes 12 Priorité au développement rural 13 La Déclaration d'Arusha 14 Mise en place d'une machine décisionnelle pour l'éducation des adultes 16

G R A N D E S REALISATIONS ." 20 Stratégies et approches adoptées 20 Inscription aux cours d'alphabétisation 21 Niveaux d'instruction et leur impact 21 Le cas de deux districts Région de Dar-es-Salaam 25

F A C T E U R S F A V O R A B L E S 27 Philosophie sociale et politique 27 Intervention de l'Etat 28 Contexte administratif et organisationnel 29 Organisations d'appui 29 Effort vers la libération des femmes 31

P R O B L E M E S ET DIFFICULTES R E N C O N T R E S 32 Persistance de l'analphabétisme 32

M E S U R E S C O R R E C T I V E S 34 Révision des programmes d'alphabétisation 34 Programmes d'appui 35 Les agents de vulgarisation dans les programmes d'alphabétisation . . . 35

O B S E R V A T I O N S ET E R R E U R S A EVITER 36 Le programme topique 36 Utilisation des écoles primaires c o m m e centres d'éducation des adultes 36 Importance de disposer d'une équipe d'alphabétiseurs permanents . . . . 37 Alphabétisation et libération des femmes 37

R E S U M E ET C O N C L U S I O N 38

BIBLIOGRAPHIE 39

INTRODUCTION

Lind et Johnston (1986), ont souligné dans leur récente étude un certain nombre de problèmes et contraintes qui empêchent les femmes de prendre part aux programmes d'alphabétisation dans la plupart des pays du tiers monde .

Parmi ces difficultés, on peut citer : le manque de temps (dû à l'ampleur des tâches qui accablent les femmes : travaux domestiques, agricoles et les soins donnés à l'enfant). O n peut noter en plus, le manque de confiance en soi et un isolement relatif des milieux fréquentés par des gens plus instruits. A cela s'ajoute l'attitude négative des h o m m e s par rapport à la capacité des femmes à apprendre, tandis que leurs maris ou tuteurs leur interdisent (sic) des prendre des cours d'alphabétisation.

Bien que la Tanzanie ait connu les m ê m e s problèmes et contraintes, elle a réussi à atteindre d'énormes résultats dans le domaine de l'alphabétisation des femmes. La présente étude tente modestement d'analyser les actions et expériences tanzaniennes et la matière, en insistant particulièrement sur les facteurs qui ont permis ces réalisations, les problèmes et difficultés rencontrés et les mesures prises pour les surmonter.

Les données fournies, proviennent essentiellement de la documentation. Aussi bien les sources primaires que secondaires ont été analysées afin de cerner les phases et programmes d'enseignement des femmes de m ê m e que les facteurs favorables et les problèmes et difficultés rencontrés. Une petite étude sur le terrain a été également m e n é e au niveau d'une région (Dar-es-Salam) où deux districts ont été stratégiquement retenus : l'un est urbain (llala) et l'autre est rural (Kinondoni). Des responsables administratifs et politiques, des alphabétiseurs et débutantes des classes de post-alphabétisation, y ont été choisis et interrogés de façon informelle sur l'opportunité des programmes d'alphabétisation, les facteurs favorables, les problèmes et difficultés rencontrés ainsi que les mesures à prendre pour les résoudre.

L'étude est divisée en sept principales sections. Dans la première section, nous avons essayé de définir le problème, son contexte et son étendue, tandis que dans la deuxième, ont été abordés en profondeur, la politique d'éducation des adultes et les programmes connexes. Les troisième et quatrième sections présentent respectivement les principales réussites et les facteurs favorables. Les problèmes et les difficultés rencontrés, de m ê m e que les mesures adaptées sont examinées aux sections quatre et cinq.

Quant à la dernière section, elle présente les observations générales et souligne certaines erreurs à éviter.

LE PROBLEME : CONTEXTE ET ETENDUE

Les ressources humaines constituent pour tout pays développé, la principale ressource de développement (Mascarenhas et Mbilinyi, 1980). En parlant de main d'oeuvre, les femmes sont les premières productrices de la nourriture dont a besoin la famille, tout c o m m e des cultures vivrières et de rapport générant des revenus pour la famille (et le pays). Qui plus est, elles exécutent la plupart des tâches (domestiques) essentielles de la famille.

La contribution des femmes au développement, aussi bien en milieu rural qu'urbain, en Tanzanie, c o m m e dans tout autre pays en développement, est

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indiscutable. Traditionnellement en Afrique, et c'est le cas en Tanzanie, les femmes sont les principales productrices de cultures vivrières et de rapport. Elles assument également beaucoup d'autres responsabilités c o m m e le ménage, la préparation de la nourriture, les soins à l'enfant, la recherche d'eau et la collecte du bois de chauffage. Une étude du gouvernement tanzanien, en collaboration avec l'UNICEF (1985), portant sur quatre villages de la région d'Iringa, a révélé que les femmes passent environ quatorze (14) heures, chaque jour à exécuter diverses tâches considérées normales pour elles.

Les femmes ont un énorme volume de travail par rapport aux hommes. Dans une monographie villageoise sur la mobilisation et l'intégration des femmes dans le développement (en Tanzanie), Madsen (1984 :40-41) donne une illustration du temps utilisé par les hommes et les femmes du village Peramiho "A" (voir tableau 1).

Il convient de noter également que chacune des activités quotidiennes des femmes, c o m m e le montre le tableau 1, entraîne un certain nombre de sous-activités connexes, tout aussi laborieuses. A titre d'exemple, la préparation de la bouillie de maïs pour le petit déjeuner peut nécessiter le décorticage et le pilage de celui-ci, aller chercher de l'eau et du bois, faire du feu et la vaisselle, etc. Les femmes vont d'une tâche à une autre à longueur d'année.

Tableau 1 Utilisation du temps par les h o m m e s et les femmes du village Peramiho " A "

Sexe T e m p s Activités

F e m m e s 6.00

7.30

Midi

18.00

21.00

Réveil, préparation du petit déjeuner

Départ pour le champ

Retour du champ et préparation du déjeuner; retour au champ ou préparation de l'haricot pendant trois heures environ; collecte du bois de chauffage pendant une demie heure sur le chemin du retour.

Préparation du dîner; corvée de l'eau; discussion avec les autres membres du foyer et prière.

Coucher.

H o m m e s Matin

Midi

Après-midi

Réveil et douche. Après le petit déjeuner (pendant la saison des pluies) aller récolter les "Uranzi" (vin) de bambou; départ au champ.

Retour à la maison.

Vont où bon leur semble après déjeuner.

Source : d'après Madsen, B., Mobilisation et intégration des femmes dans le développement - Une monographie villageoise de la Tanzanie, n°3, 1984 : 40-41

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Madsen (1984 :42) donne un exemple des principaux travaux agricoles de la Tanzanie au cours d'une année.

Tableau 2 Calendrier des travaux agricoles des f e m m e s

Mois Activités

Octobre

Fin Novembre

Début Décembre

Fin Décembre

Début Janvier

Fin Janvier

Février

Mars

Mai

Juin-Août

Préparation du champ de paddy et attente des pluies

Culture du maïs par la technique du labourage : les vieilles plantes sont coupées en morceau laissés sur les crêtes jusqu'au début des pluies. Le sol est ensuite biné et billoné en incorporant les résidus découlant des vieilles crêtes en guise de fumier.

La Crotalaria pallida est plantée c o m m e engrais avec le maïs. Les haricot et la citrouille sont également plantés.

Travaux dans le champ de paddy.

Mise en terre des semences de paddy.

Sarclage du champ de paddy; récolte des haricots; culture du maïs : le fumier est enlevé, le sol biné et billoné à nouveau et l'engrais incorporé.

Sarclage du champ de paddy; récolte des haricots.

Des boutoures de manioc sont plantées; sarclage du champ de maïs.

Récolte du paddy.

Récolte du maïs et autres cultures.

Source : D'après Madsen, Op.cit, p.42.

Malgré leur contribution au développement, les femmes ont toujours été défavorisées dans les systèmes d'éducation formelle c o m m e dans les systèmes non formels (Mascarenhas et Mbilinyi, 1983).

Presque partout au monde, c'est chez les femmes que l'on note le taux d'analphabétisme le plus élevé. En 1960 par exemple, 58% des adultes analphabètes étaient des femmes. En 1970, ce chiffre est passé à 6 0 % et en 1980, il était de 8 0 % (Gillette, 1983:37).

En termes absolus, l'analphabétisme s'aggrave plus vite chez les femmes que chez les h o m m e s . Gillette (1983:37).donne davantage de chiffres qui illustrent la nature du problème de l'analphabétisme des femmes : alors qu'il y avait huit millions de plus d ' h o m m e s analphabètes en 1970 qu'en 1960, elles étaient 40 millions de

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f emmes de plus. Entre 1970 et 1980, les chiffres étalent respectivement de 15 millions pour les h o m m e s et 48 millions pour les femmes.

Bien que limitées au temps colonial, tant pour les h o m m e s que pour les femmes, les structures éducatives l'étaient davantage pour les femmes en Tanzanie en raison des facteurs sociaux, culturels et religieux qui dictaient aux filles de rester à la maison aider les m a m a n s dans les travaux domestiques et agricoles (Muro et al.,1981). D e plus, compte tenu des ressources économiques limitées ajoutées aux croyances traditionnelles rétrogrades, les parents, tout c o m m e le gouvernement avalent tendance à accorder de la considération et de la préférence à l'éducation des garçons (Mblllnyi, 1969).

Il n'y avait pas une seule école de filles durant la domination coloniale allemande. Les opportunités d'un enseignement classique, pour ce qui est des filles, n'existaient que dans les écoles de missionnaires où elles recevaient une éducation minimale ou deux années d'alphabétisation et de catéchisme. Le maigre niveau supérieur était réservé aux seuls garçons, tandis que les écoles publiques de filles (créées pendant la domination brltanique), visaient en partie à "doter l'Africain instruit d'une contrepartie convenable" (Mbillnyl, 1975:192).

Dans toute leur planification en matière d'éducation, les conollnalistes ont négligé les adultes, n'accordant que peu d'attention aux enfants. Dans son M e m o r a n d u m sur l'éducation des communautés africaines (1935), le Comité consultatif de l'éducation dans les colonies, y a assimilé la politique coloniale en matière d'éducation à l'éducation communautaire, et a souligné que l'éducation des adultes devait aller de pair avec celle des jeunes. Vers la fin de la seconde guerre mondiale (1944), le Comité, dans son mémoire intitulé Education de masse dans la société africaine, a cherché d'abord à offrir une éducation communautaire dans le but de "contenir la pression politique grandissante pour la libération des colonies africaines"(Mbilinyi, 1975:8).

Après la seconde guerre mondiale (1946), des services sociaux ont été créés dans les villes par le gouvernement à l'intention des anciens officiers de l'armée. Environ 34 centres sociaux ont été ainsi créés dotés de salles de réunion, de jeux, de danse, de bibliothèques et de bars. En 1949, ces centres ont été transformés en un service public connu sous le n o m de service social. C e denier a élargi ses activités pour inclure les clubs de jeunes, l'éducation des adultes et les services de probation. E N 1951, le service a encore élargi ses activités jusqu'aux zones rurales et en 1952, ¡I a été placé sous la responsabilité d'un commissaire au développement social. Les programmes du service comprenaient des campagnes d'alphabétisation, de groupements de femmes, des associations de jeunes et des activités d'auto-assistance dans les zones rurales choisies, tandis que dans les zones urbaines, l'accent était davantage mis sur l'éducation générale des adultes. En 1961, année où la Tanzanie a été indépendante, le service a été transformé de nouveau pour devenir "Division du développement communautaire" (Katashobya, 1969).

Sous la tutelle du ministère de développement communautaire et de la.culture, davantage d'agents communautaires ont été recrutés pour l'éducation des adultes en zones rurales. Dès le 31 janvier 1965, 7.257 classes d'alphabétisation étaient ouvertes, avec 541.348 adultes Inscrits dont 206.214 h o m m e s et 335.348 femmes. Il y avait en plus 440 classes de suivi pour l'anglais et l'arithmétique avec des effectifs de 14.043 adultes et 1.914 groupements de femmes (cuisine, couture, soins à l'enfant, etc) représentant 112.739 inscrits (Mpogolo, 1980:19).

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Il est intéressant de noter à cet égard, la réaction positive des f e m m e s par rapport aux cours d'alphabétisation. Malgré tout, la majorité des tanzaniennes était analphabète (environ 80%), au momen t de l'indépendance. C'était là une situation inacceptable pour la jeune nation, qui non seulement désirait promouvoir le développement économique et l'unité nationale, mais aussi ambitionnait de créer une société égalitaire. Diverses politiques, résolutions, circulaires et directives ont été initiées afin de renforcer l'alphabétisation des f e m m e s . Des programmes d'alphabétisation fonctionnelle comprenant, entre autres, les trois bases de l'enseignement, l'éducation sanitaire, l'art ménager, la broderie, la couture et l'agriculture ont été lancés. Dans le m ê m e temps, l'on s'est rendu compte qu'il était important de rendre l'éducation formelle plus accessible pour combattre l'illétrisme. C e qui reviendrait à lutter contre celui-ci dès la base. Parmi les stratégies utilisées pour donner plus de chances aux filles, figuraient l'enseignement primaire généralisé (EPG) lancé en 1977, la modification des critères d'accès des filles en classe de 6 è m e et de seconde, l'augmentation du nombre d'écoles mixtes, le recours aux résolutions du parti pour encourager les filles à aller à l'université tout de suite après un an de service national.

En 16 ans (1967-1983), la Tanzanie, par rapport à beaucoup d'autres pays du tiers m o n d e , a fait de grands progrès dans l'alphabétisation des femmes . Les taux d'inscription, tout c o m m e les niveaux d'instruction atteints, ont été impressionnants. Le nombre total de femmes ayant subi trois tests nationaux (1977, 1981 et 1983) dépassait celui des h o m m e s .

Ces résultats spectaculaires doivent être replacés dans le contexte d'une Tanzanie aux ressources maigres et autres limites telles que les attitudes défavorables face à la participation des femmes aux activités sociales, l'insuffisance des choses essentielles à la vie (comme l'eau), le manque de garderies d'enfants et d'installations sanitaires, sans oublier l'énorme volume de travail des f e m m e s , conséquence de la division du travail sur la base du sexe.

Il est par conséquent intéressant de souligner les facteurs qui ont contribué au succès de la Tanzanie et les difficultés à surmonter afin de renforcer les réalisations. C'est dans ce contexte que la présente étude pourrait être "révélatrice" pour les autres pays du tiers m o n d e désireux d'offrir à leurs citoyens au moins l'éducation de base, surtout à ceux d'entre eux qui sont défavorisés.

CONTEXTE DE LA POLITIQUE ARRETEE ET PROGRAMMES

Il est important pour un pays en développement qui entend faire jouer à l'éducation des adultes, un rôle moteur dans la promotion du développement social, politique et économique, de définir tout d'abord une politique nationale sans équivoque. Telle était la position adoptée par les participants à la troisième Conférence internationale sur l'éducation des adultes, tenue à Tokyo au milieu de l'année 1972. Entre autres décisions, les participants ont exhorté chaque Etat m e m b r e à élaborer des politiques nationales claires en matière d'éducation des adultes. La plupart des intervenants ont convenu, cependant, qu'il était fondamental d'aller au delà des "formulations philosophiques et des déclarations d'intention", compte tenu de la nature multiforme des problèmes de planification, d'administration et de financement

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qui découlent de la diversité m ê m e des conditions politiques, économiques, sociales et culturelles de chaque pays.

Ces préoccupations ont été aussi celles des participants au Symposium international (Conférence et voyage d'études sur les expériences tanzaniennes en matière d'éducation fonctionnelle des adultes), tenu à Dar-es-Salaam/Mwanza au milieu de l'année 1974. Conscients des effets décourageants de l'analphabétisme pour la construction nationale et le développement individuel, ils ont recommandé aux gouvernements "d'élaborer des politiques claires pour la suppression de l'analphabétisme, le plus vite possible et de dégager, s'il y a lieu, des ressources pour y parvenir (p.9).

Les efforts de la Tanzanie pour parvenir à cet objectif ont impressionné les participants qui n'ont pas m a n q u é de noter que "en Tanzanie, la suppression de l'analphabétisme est perçue comme un devoir national et la date fixée pour sa suppression totale est 1975' (p.9). Ils ont cependant averti que de vastes programmes fonctionnelles présenteraient des difficultés professionnelles et administratives auxquelles des solutions nettes restent à trouver. L'extension sur une grande échelle d'un programme d'alphabétisation fonctionnelle serait peutêtre plus efficace dans les pays dotés d'une infrastructure adéquate et dont les philosophies sociales et politiques favorisent à la fois une mobilisation maximale des ressources pédagogiques et une participation massive des adultes.

D e l'avis de bon nombre d'alphabétiseurs dans le monde , la Tanzanie présente non seulement une politique claire en la matière, mais elle fait également preuve d'un engagement sans pareil. O n pourrait citer a titre d'exemple, un rapport du SIDA soumis au gouvernement tanzanien (janvier 1971) où il est dit que la Tanzanie n'avait aucun problème en matière de politique d'éducation des adultes. Le seul problème se situe peut-être au niveau du fonctionnement des structures créées. Osterling (1974:11 ) a fait la m ê m e observation, soulignant entre autres que : "comme on l'a souvent déclaré, un grand atout dont dispose le planificateur de l'éducation en Tanzanie, est la systématique bien définie et cohérente des objectifs".

Objectifs de la politique tanzanienne en matière d'éducation des adultes

La promotion des activités d'alphabétisation à l'intention des h o m m e s et des f e m m e s , pouvait viser des objectifs sociaux, politiques et économiques intimement liés. D'après Lind et Johnston (1986), elle chercherait d'abord à légitimer l'Etat dans la mesure où celui-ci fait croire aux citoyens qu'il fait quelque chose pour eux. Deuxièmement, elle peut faciliter la reconnaissance et le financement des bailleurs, si tant est qu'elle est assez importante pour retenir l'attention des agences internationales. Troisièmement, les citoyens peuvent être informés, à travers les programmes d'alphabétisation, de certains aspects de la politique nationale, ce qui leur permet de prendre part efficacement au débat politique.

Quatrièmement, la campagne d'alphabétisation elle-même est organisée (une organisation semi-militariste par endroits) de façon à atteindre un certain nombre d'objectifs dont la mobilisation des masses "pour participer, dans un acte collectif organisé de solidarité, à la révolution" (Lind et Johnston, 1986:34), et de porter l'idéologie aux enseignants de "classe moyenne" par le biais de leur interaction avec les organisateurs de la campagne et les débutants: L'alphabétisation pourrait viser d'autres objectifs socio-politiques tels que la construction d'infrastructures sociales, le

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renforcement de l'unité nationale et la prise de conscience politique par l'utilisation de certaines techniques pédagogiques, elles-mêmes hautement politiques.

Lind et Johnston (1986) soutiennent surtout que tout projet d'alphabétisation subventionné par l'Etat est invariablement sous-tendu par une logique économique. D'une part les projetsd'alphabétisation nécessitent des investissements dans l'espoir de récolter quelques profits économiques. D'autre part, on suppose que l'alphabétisation est capable de changer la société (en la développant davantage), car l'acquisition des notions base de l'enseignement, favorise la production. Sur le plan individuel, savoir lire et écrire est essentiel pour une participation efficace aux affaires sociales, politiques et économiques de la société. C o m m e le souligne Y o u n g m a n (1986:199), "l'analphabète est exclu de la politique". En outre, savoir lire, écrire et compter permet non seulement à l'individu de contrôler son environnement, mais ce sont également des instruments de base pour l'accrois-sement du niveau intellectuel. La politique tanzanienne en matière d'éducation des adultes a su s'adapter aux évolutions de la stratégie globale de développement.

Priorité au développement rural

Le colonialisme s'est retiré politiquement de la Tanzanie le 9 décembre 1961, mais a conservé les positions économiques, car le pays dépend toujours des structures et institutions financières dont il a hérité. Son économie, toujours contrôlée de l'extérieur, était essentiellement basée sur les m ê m e s cultures d'exportation, faisant du pays un simple pourvoyeur de matières premières de l'économie internationale.

L'indépendance politique a cependant fait apparaître de nouvelles nécessités auxquelles la nation devait faire face. Premièrement, le nombre de postes laissés vacants par les administrateurs coloniaux et que devaient occuper les Africains. Deuxièmement, et par rapport au premier point, il y avait un besoin urgent de perfectionnement de la main d'oeuvre afin d'avoir un personnel d'un niveau supérieur et intermédiaire suffisant. Troisièmement, le pays est resté aussi pauvre qu'avant, malgré la liberté conquise, il devenait urgent, tant sur le plan politique qu'économique, d'organiser et de mobiliser la nation toute entière (y compris les femmes) autour des activités de construction nationale. Enfin, et c'est peut-être l'aspect le plus crucial, l'unité nationale et la paix (les conflits pouvaient naître des diversités tribales, religieuses et régionales).

C'est ainsi que l'accent a été mis sur l'éducation des adultes dans bon nombre de discours politiques, notamment ceux rela-tifs aux activités d'auto-assistance et de construction nationale telles que la construction de routes, de puits, de barrages, d'écoles et de dispensaires. Des activités qui demandaient la motivation, la mobilisation et la participation des populations. C'était des activités pratiques qui répondaient aux besoins immédiats du peuple. Elles étaient également de nature idéologique puisqu'elles insistaient sur le sens et les conséquences de l'indépendance.

La première déclaration sans équivoque sur le rôle de l'éducation des adultes dans le développement national, a été faite par le Mwalimu Julius K.Nyerere en 1964 lorsqu'il présentait devant le parlement de l'Union le 1er plan quinquennal de développement social et économique. Il a déclaré entre autres :

// nous faut d'abord éduquer les adultes. Pendant cinq, dix, voire vingt ans, nos enfants n'auront pas d'impact sur notre développement. Les comportements des adultes, en revanche, en ont à présent.

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Bien que ce qui précède indiquât le rôle vital qu'allait jouer l'éducation des adultes dans la stratégie de développement du gouvernement, il n'y avait toujours pas de politique nationale bien articulée. En zone rurale, les agents de développement communautaire assuraient les cours d'alphabétisation selon l'approche classique d'acquisition des notions de base de l'enseignement.

Ceci avait un grand impact sur la motivation des adultes à suivre les cours, en particulier les femmes qui, non seulement avaient beaucoup de travaux domestiques à faire, mais s'adonnaient en plus aux activités productives. Crone (1978) par exemple, soutient qu'en milieu rural, la plupart des adultes considéraient les questions de santé, de nutrition, l'agriculture et les activités rémunératrices plus importantes pour eux que l'acquisition des trois bases de l'enseignement. Le secrétariat du Commonweal th (1980:13) abonde dans le m ê m e sens :

[...] dans un environnement analphabète d'économie rurale primitive où la plupart des gens s'adonnent aux activités de subsistance, l'alphabétisation en tant que telle, n'est pas une nécessité pratique; et il est extrêmement difficile d'entretenir la motivation et l'intérêt dans les efforts d'alphabétisation, même lorsque ceux-ci constituent une partie d'un programme plus général d'éducation fonctionnelle.

La Déclaration d'Arusha

La lutte m e n é e par la Tanzanie pour la décolonistion a atteint en 1967 un degré élevé de maturité avec la Déclaration d'Arusha, développée à partir de la position idéologique du pays : la Tanzanie devait suivre une politique socialiste en comptant sur elle-même. La déclaration a mis l'accent entre autres, sur le développement rural, prenant en compte le fait que 9 5 % de tanzaniens vivaient en milieu rural, vivant essentiellement de l'agriculture de subsistance. A cet égard, l'éducation des adultes devenait très importante.

La Déclaration avait deux conséquences majeures sur la question de l'éducation des adultes. Premièrement, en prônant une politique socialiste, elle laissait entendre que tous les citoyens avaient les m ê m e s chances à l'éducation. Deuxièmement, l'indépendance et le développement rural nécessitaient la participation de tous, sans tenir compte de l'âge ni du sexe. Pour ce faire, la suppression de l'analphabétisme chez tous les adultes, devenait un Impératif tant politique qu'économique.

Les objectifs visés par l'éducation des adultes, ont été clairement définis dans le Second plan quinquennal de développement (1969-1974) de la Tanzanie ainsi que dans le discours de HAnnée de l'éducation des adultes" du Mwalimu Julius Nyerere (1969). Le premier souligne la nécessité d'orienter l'éducation des adultes vers l'élévation du niveau de vie en milieu rural :

En cette période de l'exécution du plan, l'accent sera essentiellement mis, dans l'éducation des adultes, sur le développement rural. L'enseignement comprendra les techniques agricoles et l'apprentissage d'un métier, la santé, l'éducation, l'enseignement ménager, l'économie et la comptabilité de base, la formation politique et les responsabilités du citoyen, (p. 12)

Pour assurer une meilleure organisation des activités d'enseignement, le plan propose par ailleurs, "de placer la responsabilité de cette organisation essentiellement sur

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l'école primaire qui deviendrait un centre d'éducation communautaire où l'enseignement primaire n'est qu'une fonction" (p. 13).

Le Plan a également appelé à la coopération entre les différents ministères et autres organisations chargés de l'enseignement dans divers domaines utiles au développement. La création d'un Institut national de correspondance qui prendrait en charge les besoins d'éducation des analphabètes du pays, a été également prévue.

Le 31 décembre 1969, la Mwalimu Julius Nyerere (alors président) a, dans ce qui est devenu le Discours de l'année de l'éducation des adultes, rappelé aux tanzaniens le rôle de l'éducation dans le développement national. Demandant à la nation de faire de l'année 1970 une année spéciale pour l'éducation des adultes, il a déclaré :

Bien que l'on ait beaucoup parlé de l'éducation des adultes et malgré le nombre assez important de personnes travaillant dans le domaine, nous ne sommes pas encore réellement organisés pour mener une vaste lutte contre notre ignorance. Le comité central de la TANU a décidé que 1970 sera l'année de cette lutte. Les douze prochains mois doivent être ceux de "l'Année de l'éducation des adultes" et nous devons accorder à ce travail, une grande priorité, (p.137)

Parlant des objectifs du programme, il a souligné la nécessité d'orienter l'éducation des adultes vers l'amélioration de la qualité de la vie des populations en leur donnant les moyens de construire de meilleures maisons, d'utiliser des outils plus performant pour une productivité agricole et industrielle plus élevée et, par le moyen de méthodes modernes d'hygiène, d'améliorer leur santé.

L'éducation des adultes devrait amener les populations à poser un autre regard sur elles-mêmes, leurs semblables et leur propre patrimoine culturel. La ménagère par exemple, doit comprendre qu'une bonne alimentation ne passe pas nécessairement par la cuisine européenne et qu'en faisant une bonne utilisation des produits locaux, chacun, de concert avec les autres, permet à tout le m o n d e d'avancer.

En effet, les cours d'alphabétisation fonctionnelle devraient permettre à tous de comprendre les plans nationaux de développement économique et de participer au succès de ceux-ci pour le bien de tous.

A la fin de l'année 1970, le Mwalimu Julius K.Nyerere dans un second appel à la nation, a demandé à celle-ci de redoubler d'effort dans l'éducation des adultes en invitant six districts (Ukerewe, Mafia, Kilimanjaro, Pare, Masasi et Dar-es-Salaam) à balayer dès 1971, l'illétrisme. Deux ans plus tard, c'est-à-dire en 1973, le cabinet du premier ministre donnait des directives sur l'éducation des travailleurs. Tous les services étatiques et para-étatiques ainsi que ceux du parti ont été invités à élaborer et exécuter des programmes d'éducation et de formation à l'intention de leurs employés de tous les niveaux d'instruction afin de supprimer l'analphabétisme dans le pays et d'accroître leur niveau intellectuel et leurs capacités de production.

Le parti au pouvoir à l'époque (TANU), prenait, de son côté, la question de l'éducation des adultes très au sérieux. En fait, la T A N U , dès sa formation, avait fait promettre à ses membres de s'éduquer en fonction de leurs aptitudes pour le bien de tous. C'est dans ce cadre, que la 15ème Conférence biennale de la T A N U (1971) a donné des directives pour l'élaboration des plans afin de supprimer l'analphabétisme en quatre ans (Résolution 22). La m ê m e conférence d e m a n d a instamment que l'éducation soit intégrée au travail dans tout le pays (Résolution 21). Plus tard, en 1973, la 16ème Conférence biennale de la T A N U invita tous les responsables à se

15

mettre au premier rang de l'éducation des adultes et de tout faire pour que tous les programmes soient exécutés c o m m e prévus (Résolution 27).

Le tableau 3 reprend l'essentiel de la politique tanzanienne . en matière d'éducation des adultes, notamment le Second plan quinquennal (1969-1974), le Discours de l'Année de l'éducation des adultes, prononcé par le président Nyerere (1969), les Résolutions des 1 5 è m e et 16èmes Conférences biennales (respectivement 1971 et 1973) et la Directive du Premier Ministre sur l'éducation des travailleurs (1973). Le tableau en donne les objectifs globaux et spécifiques, les programmes (spécifiques ou sous-entendus) et les mesures à prendre.

En dehors de ces déclarations formelles de politiques en matière d'éducation des adultes, le parti a initié d'autres documents directifs qui ont eu un rapport direct avec la question, m ê m e si c'est de manière implicite. Il s'agit des Lignes directives du parti (1971), La décentralisation du gouvernement (1972) et La politique agricole du parti, "Siasa ni Kilimo" (1972). Le point focal des Lignes directrices ayant un rapport avec l'éducation des adultes a été la nécessité d'impliquer les populations dans toute prise de décision les concernant. La m ê m e préoccupation a été traduite dans la politique de décentralisation du parti où la machine administrative s'est rapprochée des populations afin de leur permettre de prendre pleinement part à la prise de décisions. Le document directlf sur l'agriculture a eu également d'importants effets sur le type d'enseignement dont a besoin le paysan tanzanien : méthodes modernes (scientifiques) d'agriculture, d'élevage et de pêche.

En résumé et tel qu'il ressort du tableau 3 et autres documents officiels, la politique tanzanienne en matière d'éducation des adultes vise quatre objectifs intimement liés : premièrement, étendre les connaissances générales des tanzaniens, notamment ceux qui ont abandonné les études avant le niveau minimum requis; deuxièmement, améliorer les aptitudes professionnelles de la population active afin d'accroître la productivité dans les champs, les usines et les bureaux; troisièmement, sensibiliser et élever la conscience politique des masses afin qu'elles puissent participer activement au système politique aux plans local, national et international; et enfin, l'éducation des adultes vise l'amélioration de la qualité de la vie de toutes les couches de la population, notamment en zone rurale.

Mise en place d'une machine décisionnelle pour l'éducation des adultes

Dès mi-69, le Ministère de l'Education nationale a été chargé d'initier, de coordonner et d'assurer l'éducation des adultes du pays. Il y avait plusieurs raisons à cela. Premièrement, le ministère a l'expertise et l'expérience requises pour tout ce qui touche à l'éducation. Deuxièmement, il dispose d'un réseau d'écoles et de collèges à travers le pays, aussi bien en milieu rural qu'urbain, qui pourraient être utilisés à cet effet. Troisièmement, il importait d'unifier l'éducation non formelle et l'éducation formelle, car les deux sont liés de toutes façons, hormis qu'il faut attaquer l'analphabétisme à sa source - enfants et adolescents - si on veut l'éliminer (Fordham, 1985). .

Par conséquent, une direction de l'éducation des adultes a été créée au. Ministère de l'Education nationale, chargée de la planification, des émissions radio, des programmes, de la production et distribution des livres et de toute autre question

16

relevant de l'éducation des adultes. A u niveau des régions, les responsables chargés de l'éducation ont reçu la mission de développer et d'exécuter les programmes. Ils sont tenus d'envoyer des rapports mensuels à la direction nationale.

Dans l'exécution de leurs tâches quotidiennes, ils devaient être assistés d'un coordinateur qui leur est adjoint. A u niveau du district était aussi désigné un responsable. Quant à la section, c'était un responsable d'une des écoles primaires de la région qui était chargé de coordonner les activités éducatives. En outre, les programmes destinés aux travailleurs et aux paysans étaient élaborés par les principaux d'institutions éducatives (écoles secondaires, écoles normales, centres de formation ruraux, etc).

Le personnel enseignant était aidé dans son travail par des comités constitués des représentants des élèves, des responsables du parti, du gouvernement, des dirigeants d'organismes semi-publics et des chefs religieux. La figure 1 montre la hiéarchie des responsables d'éducation et des comités correspondants sous la tutelle du Ministère de l'Education nationale.

C o m m e cela a été le cas en matière de politique d'éducation, la Tanzanie a été citée en exemple pour ce qui est de l'organisation et de l'exécution des programmes.

A titre d'exemple, on peut citer à cet égard les observations des participants au Symposium international sur l'éducation des adultes (1974:10) :

[...] l'organisation tanzanienne en comités et sous comités à tous les niveaux (section, division, district, région et nation), dotés du pouvoir de décision et d'exécution constitue un instrument convenable pour la coordination, la circulation de l'information et pour assurer la participation des débutants.

17

Mesures à prendre Domaines visés Objectifs Objectifs globaux Documents

Faire des écoles primaires des centres d'éducation pour les adultes

Agriculture Artisanat Education sanitaire Enseignement ménager Economie de base Comptabilité de base Education politique

Formation dans les techniques agricoles et apprentissage d'un métier. Améliorer le niveau de santé. Aider les populations à construire des maisons modernes. Formation en économie et

comptabilité de base. Formation de base en politique et reponsabilité du citoyen.

Promouvoir le développement rural

Second Plan Quinquennal (1969/1974)

Tous les responsables du gouvernement et du parti ainsi que toutes les personnes instruites doivent prendre part au mouvement contre l'analphabétisme

Economie

Comptabilité Education des travailleurs Economie domestique Artisanat Education coopérative Education politique

Aider les populations à: construire des meilleures maisons; utiliser des instruments performants pour une productivité accrue; utiliser les modernes méthodes d'hygiène; préparer un régime alimentaire équilibré; comprendre les plans économiques nationaux; restaurer la foi dans leurs capacités.

Améliorer les conditions de vie des populations et élever leur conscience politique

Discours de l'année de l'éducation des adultes (31/12/69)

Tous les responsables doivent pleinement prendre part aux activités d'éducation et tout faire pour que la campagne soit couronnée de succès

Alphabétisation Post-alphabétisation Education des travailleurs Formation politique

Elaborer des plans visant l'élimination de l'analphabétisme en quatre ans Elaborer des stratégies pour adjoindre l'éducation au travail

Suppression de l'analphabétisme Adjoindre l'éducation au travail

15th S 16th Conférences biennales de TANU Biennal (1971-1973)

Donner l'éducation à tous les travailleurs dans tous les lieux de travail Tous les services doivent désigner des responsables et dégager un budget spécial (10% du total) pour la formation des travailleurs

La formation se fera pendant les heures de travail tous les jours pendant au moins 1 heure

Alphabétisation Formation professionnelle Sujets scolaires Formation en cours d'emploi Formation politique

Supprimer l'analphabétisme chez tous les travailleurs

Elever la conscience politique des travailleurs Offrir aux travailleurs une formation professionnelle Améliorer leur compétence professionnelle Aider les travailleurs à améliorer leur culture générale

Donner l'éducation à tous les travailleurs

Directive du premier ministre sur l'éducation des travailleurs (1973)

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GRANDES REALISATIONS

Stratégies et approches adoptées

L'approche sélective et intensive de l'alphabétisation fonctionnelle d e l ' U N E S C O a été transformée au cours des années 70 en Tanzanie en une campagne de masse qui a reçu un soutien considérable de la part du parti, du gouvernement et du peuple. La direction centrale de la campagne a été assurée par le ministère de l'Education nationale, tandis que le Centre national d'alphabétisation basé dans la région du lac (Mwanza) était chargé (jusqu'au milieu des années 70 notamment) de l'assistance technique en matière de formation, de la mise au point de matériels didactiques, de l'organisation et de l'évaluation. Les régions, districts, divisions et sections s'occupaient des activités quotidiennes, y compris le choix des salles de classe, le recrutement d'enseignents volontaires, la distribution de matériels ainsi que la mise en place de comités consultatifs et de coordination.

Tous les endroits pouvant abriter les classes d'alphabétisation étaient utilisés : écoles, collèges, centres de santé, coopératives, bureaux du parti, des services publics et semi-publics, usines, églises et m ê m e en plein air, sous les arbres. Il est ¡pmportant à ce niveau de souligner deux points : en premier lieu, le rôle joué par les écoles primaires à travers le pays. Outre les locaux prêtés, ce qui est inestimable, les enseignants du primaire ont beaucoup contribué à l'organisation des classes d'alphabétisation fonctionnelle et à l'enseignement.

Deuxièmement, les responsables de 10 cellules désignés dans les villages, les villes et les lieux de travail du pays ont considérablement contribué au déroulement des activités d'al-phabétisation, notamment à la mobilisation, à l'inscription et l'assuidité aux cours. O n note en effet des cas où des responsables analphabètes qui ont accueilli des classes chez eux, ont accompli un excellent travail dans la supervision de l'alphabétisation des 10 maisons placées sous leur responsabilité.

Les h o m m e s et les femmes étaient traités sur le m ê m e pied d'égalité dans les classes. A l'exception des classes de post-alphabétisation aucune classe n'était constituée que de femmes ou d ' h o m m e s . Les deux groupes recevaient la m ê m e instruction au m ê m e endroit. M ê m e lorsque le matériel didactique était "féminisé" (en insistant sur l'enseignement ménager) il n'y avait aucune discrimination en ce sens que les h o m m e s recevraient la m ê m e instruction. Douze abécédaires utilisant la méthode éclectique d'enseignement des langues, étaient issus d'ateliers pour écrivains.

Les abécédaires avaient pour thèmes les principales cultures du pays, à savoir, le coton, le tabac, la banane, le riz, le maïs, la noix de cajou, la noix de. coco et le blé. Certains livres traitaient d'économie domestique, de pêche, de bétail_ et de la formation politique. Tous ces ouvrages et matériels didactiques, y compris les livres du maître et de démonstration, étaient distribués gratuitement aux débutants.

Les alphabétiseurs venaient de tous les milieux, y compris le parti et le gouvernement. Le tableau 4 montre "l'armée" d'alphabétiseurs créée entre 1970 et 1975.

20

L'essentiel de l'enseignement revenait cependant aux enseignants du primaire aidés de jeunes volontaires dont la plupart sortaient tout juste de l'école primaire. Bien que beaucoup n'aient pas la formation et l'expérience requises, les deux groupes ont effectué un travail louable dans la mesure où l'on peut avancer que sans leur contribution, le succès atteint n'aurait pas été possible.

Inscription aux cours d'alphabétisation

Tout au long de la campagne, la Tanzanie a su mobiliser des millions de personnes pour les cours d'alphabétisation. En dehors de Dar-es-Salaam, qui n'a atteint qu'un taux d'inscription de 28,3%, les cinq autres districts ciblés pour l'élimination de l'analphabétisme en 1971 se sont assez bien comportés! Mafia et Pare ont réalisé un taux de 100%, tandis que Ukerewe et Kilimanjaro avaient respectivement 99,6 et 97%. Celui de Masasi était de 89%. Le tableau 5 donne les taux d'inscription du pays entre 1970 et 1977.

C'est ainsi qu'en sept ans seulement, la Tanzanie a pu inscrire plus de cinq millions d'analphabètes. Nous aimerions faire deux observations à cet égard. Premièrement, atteindre des chiffres aussi impressionnants est en soi un bel exploit, surtout si l'on tient compte des ressources limitées du pays. C o m m e en ont convenu Lind et Johnston (1986). Cette capacité de mobilisation pour l'alphabétisation pourrait être utilisée pour d'autres objectifs de développement. Deuxièmement, les chiffres concernent aussi bien les h o m m e s que les femmes. Malheureusement les chiffres des seules femmes ne sont pas disponibles. Il est établi cependant que, d'une manière générale, davantage de femmes suivent les cours d'alphabétisation et passent les tests d'alphabétisme que d ' h o m m e s . Leur pourcentage aux tests était de 54,3 en 1975 pour atteindre 62,4 pourcent en 1986 (Bwatwa et Sumra, 1987:58). En conclusion on peut avancer que des millions de femmes ont suivi des cours d'alphabétisation.

Niveaux d'instruction et leur impact

Les chiffres sur les niveaux d'instruction des h o m m e s et des femmes sont encore plus spectaculaires. Le tableau 6 donne le détail des résultats des tests d'alphabétisme organisés entre 1975 et 1983.

C o m m e le montre le tableau 6, les taux d'analphabétisme en Tanzanie ont baissé de 3 9 % (1975) à 15% (1983) et les résultats des tests les plus récents révèlent que ce taux n'est que de 9,04 aujourd'hui (Bwatwa et Sumra, 1987). Il ressort également du tableau que plus de femmes que d ' h o m m e s se présentent aux tests. Cela a été pratiquement le cas pour tous les tests et les différents niveaux d'instruction. Bien qu'il soit établi que le pourcentage d ' h o m m e s réussissent aux cours d'alphabétisation (niveaux 3 et 4) a toujours été plus élevé que celui des femmes (Bwatwa et Sumra, 1987), le fait que plus de femmes suivent les cours et participent aux tests est en soi un exploit, surtout quand on sait qu'elles travaillent plus que les h o m m e s . Les femmes consacrent moins de temps aux études que les h o m m e s et celles-ci sont encore plus perturbées.

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Tableau 5 Inscriptions d'analphabètes, 1970-1977

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Source: Ministry of Education. Workshop on planning and administration of

national literacy programmes, 22nd November - 2nd December, 1980,

Tanzania Case Study Mimeo. p.2.

Tableau 6 Résultats des tests nationaux 1975 1983

1975 Août

1977 Août

1981 Août

1983 Septembre

Sources: 1 )

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HOMMES

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300,716 (39%)

254,102 (54%)

199,849 (60%)

H O M M E S

273,972 (30%)

260,373 (33%)

205,147 (14%)

288,777 (50%)

262,563 (58%)

H O M M E S

180,440 (31%)

172,869 (34%)

148,294 (38%)

164,626 (44%)

144,468 (48%)

Mpogolo, Z.J., Functio

FEMMES

244,175 (60%)

372,368 (58%)

769,341 (37%)

412,706 (50%)

268,332 (47%)

FEMMES

129,827 (61%)

327,541 (62%)

469,557 (61%)

216,906 (46%)

135,564 (40%)

FEMMES

644,445 (70%)

519,592 (67%)

291,401 (59%)

228,363 (50%)

192,873 (42%)

FEMMES

410,562 (69%)

332,160 (66%)

238,280 (62%)

213,089 (46%)

157,325 (52%)

nal Literacy in Tanzanie

TOTAL

406,664 (100%)

645,793 (100%)

1,348,826 (100%)

829,109 (100%)

574,876 (100%)

TOTAL

211,504 (100%)

527,866 (100%)

770,273 (100%)

471,008 (100%)

335,413 (100%)

TOTAL

918,417 (100%)

779,965 (100%)

496,548 (100%)

457,140 (100%)

455,436 (100%)

TOTAL

591,002 (100%)

505,029 (100%)

186,574 (100%)

377,715 (100%)

301,793 (100%)

3 Dar-es-Salaam: Swala Pi

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jblication,

1980.

2) Nindi, J. "The functional literacy campaign in Tanzania". A paper presented at the

University of Dar-es-Salaam, Oct.11, 1984.

3) Ministry of Education, Literacy evaluation reports 1975, 1977, 1981 and 1983

23

Un programme de post-alphabétisation a été lancé en 1975, comprenant à la fois des sujets (scolaires) d'ordre général et des cours plus pratiques pour aider les nouveaux instruits à continuer de mettre en application lers connaissances. Une conceptualisation plus vaste de la post-alphabétisation a été adoptée, notamment des mesures permettant aux nouveaux instruits de mettre en application leurs compétences et d'améliorer les connaissances acquises aux niveaux précédents, dépassant ainsi ce qu'ils ont appris pour prendre une part active dans le processus continu de développement et la maîtrise de leur environnement.

Autre les résultats spectaculaires atteints dans les inscriptions et l'élimination de l'analphabétisme, le programme d'alphabétisation fonctionnellle lancé au début des années 70 a contribué de façon significative au développement, au plan macro surtout. Le tableau 7 montre les avantages tirés de l'éducation des adultes en Tanzanie dans l'opinion des apprenants.

D'une manière générale, les adultes estiment que l'éducation leur a été bénéfique sur les plans éducatif, économique et politique. D'après le Ministère de l'Education Nationale (1985), le programme d'alphabétisation fonctionnelle a contribué au développement du «¡swahili en tant que moyen de communication, d'élimination de certaines croyances culturelles indésirables et de participation aux différentes activités politiques c o m m e le vote, tout c o m m e moyen d'utilisation des méthjodes agricoles modernes.

Qui plus est, et c'est peut être l'aspect le plus important, le programme a aidé à promouvoir plus d'égalité entre les h o m m e s et les femmes. C'est du moins l'avis des responsables interrogés par l'équipe de recherche du Ministère de l'Education Nationale (1985). Vingt quatre pour cent ont indiqué que les élèves demandaient que la condition sociale de la f e m m e soit améliorée et qu'on leur donne plus de responsabilités c o m m e les h o m m e s , qu'elles soient pleinement implantées dans les diverses activités productives (18%) et que bon nombre d'élèves avaient c o m m e n c é à apprécier à sa juste valeur la notion d'égalité entre les h o m m e s et les femmes (15%).

Tableau 7 Avantages de l'éducation des adultes d'après les participants

Catégorie de réponse Educatif Economique Politique

L'éducation m ' a aidé

L'éducation ne m ' a pas aidé

Incertain

Réponses sans intérêt

Aucune réponse

Source : d'après un tableau du Ministère de l'éducation nationale, (traduit), Rapport sur l'impact de l'éducation des adultes en Tanzanie, mars/avril 1985.

1362 (67%)

85 (4%)

114 (6%)

198 (10%)

270 (13%)

1011 (50%)

111 (5%)

484 (24%)

420 (21%)

825 (41%)

45 (2%)

116 (6%)

388 (19%)'

651 (32%)

24

Le cas de deux districts Région de Dar-es-Saiaam

Afin d'apprécier à leur juste valeur les facteurs qui ont favorisé le succès de l'alphabétisation des femmes, tout c o m m e les difficultés rencontrées, une enquête informelle a été menée auprès de participantes prises au hasard dans deux districts de la région de Dar-es-Salaam, Kinondoni et Mala.

Cette région a été choisie pour un certain nombre de raisons parmi lesquelles : elle dispose du plus grand nombre de travailleurs instruits capables d'aider à l'enseignement. Desmoyens y sont disponibles (bibliothèques, par exemple) qui permettent d'enrichir l'enseignement et l'apprentissage. Enfin, au cours de la campagne d'alphabétisation de 1971 couvrant les six districts, Dar-es-Salaam avait réalisé un taux d'inscription minimum (28,3%), mais avait pu dès 1983 atteindre les meilleurs résultats du pays. Seules 34.064 (3%) personnes (sur les 1.270.471 que comptait la région) étaient encore analphabètes (Ministère de l'Education nationale, 1985 : 5).

Parmi les variables utilisées il y avait les raisons et les techniques d'inscription, la disponibilité et le type d'abécédaires utilisés, la motivation, l'utilité et l'application des connaissances acquises, les difficultés qui entravent l'alphabétisation des femmes dans la région. Le Tableau 8 donne la composition de l'échantillon.

Tableau 8 Composition de l'Echantillon

Alphabétisation Post-Alphabétisation

Niveau d'instruction 1 2 3 4 5 6 Total

Enquêtes 14 23 1 2 12 2 54

Tableau 9 Raisons pour s'inscrire aux cours d'alphabétisation

Raison Réponse Pourcentage

Compléter le niveau antérieur d'instruction Apprendre à lire et écrire Conseil de l'enseignant Etre plus informé Pouvoir lire les instructions Acquérir une base pour poursuivre les études Apprendre à coudre Apprendre à s'occuper de la maison Apprendre les mathématiques

TOTAL

26 15

4 3 2 1 1 1 1

54

48.1 27.7

7.4 5.5 3.7 1.8 1.8 1.8 1.8

99.6

25

Raisons invoquées pour s'inscrire aux cours d'alphabétisation

Le tableau 9 donne les raisons invoquées par les enquêtées pour s'inscrire aux cours d'alphabétisation.

Il ressort du tableau que les élèves tiennent surtout à compléter le niveau antérieur d'instruction et à apprendre à lire et à écrire. O n note avec surprise que les participantes, m ê m e au niveau des classes de post-alphabétisations,, ne semblent pas se préoccuper de l'alphabétisation au sens large l'acquisition par exemple, des compétences dans l'économie familiale, l'agriculture, l'artisanat. Le tableau 10 donne les techniques utilisées pour inscrire les participantes.

O n y note le rôle important joué par les responsables de cellules dans la mobilisation des femmes pour les classes d'alphabétisation. Compte tenu du petit nombre de propriétés à superviser, il est aisé de savoir et de rendre visite aux analphabètes du coin. Les enquêtées (38,8%) ont indiqué que les responsables allaient de maison en maison exhorter les populations analphabètes à s'inscrire.

Une autre variable étudiée a été l'utilité et l'application des compétences acquises. O n suppose que cette variable est en corrélation avec la motivation des élèves. Le tableau 11 en donne les résultats.

Bien des participantes (48,1%) ont reconnu l'utilité de l'alphabétisation dans la mesure où elle leur permet de lire et d'écrire de simple passages, des histoires, de lire les journaux ainsi que les différents signes et instructions à l'intention des voyageurs.

Tableau 10 Techniques utilisées pour l'inscription des élèves

Technique Réponse Pourcentage

Visite de maison en maison par le responsable Conseil du coordinateur/de l'enseignant Test d'alphabétisme pour déterminer le niveau Réunions organisées par le responsable Mobilisation U T W (organisation des femmes) Arrêtés d'application des inscriptions N e sait pas

T O T A L 54 99.6

Bien que les élèves utilisaient des livres sur l'agriculture et sur la formation politique et lessoins familiaux, la majorité semblait toujours percevoir l'alphabétisation dans le cadre restreint de l'acquisition des notions de base. Il convient de noter toutefois, que dans le cadre d'un pays en développement c o m m e la Tanzanie, savoir lire et écrire est en soi remarquable car permettant de se libérer, surtout lorsqu'il s'agit des classes sociales défavorisées, les femmes notamment.

Concernant les difficultés rencontrées, les élèves citent en premier lieu celles figurant au tableau 12.

Parmi celles-ci on relève les problèmes familiaux (33,3%), le manque de temps (18,1%), l'engagement dans d'autres activités productives (14,8%) et le manque de

21 8 7 6 4 4 4

38.8 14.8 12.4 11.1 7.4 7.4 7.4

26

matériels didactiques (11,8%)- Les trois premières difficultés sont liées à la division sexuelle du travail, traduisant ainsi le volume considérable de travail de la femme au sein de la société.

Tableau 11 Applications des connaissances acquises

Application Réponse Pourcentage

Savoir lire et écrire de simple passages Lire une histoire, un journal Lire les signes, les instructions en voyage Acquisition de connaissances/informations Améliorer les soins à l'enfant et l'hygiène Comprendre les poliques du Pays Améliorer l'entretien de la maison Pouvoir poursuivre les études Ne sait pas

T O T A L

26 9 5 3 3 3 2 2 1

48.1 16.6 9.2 5.5 5.5 5.5 3.7 3.7 1.8

54 99.6

Tableau 12 Problèmes perçus par les élèves c o m m e entravant l'alphabétisation des

femmes

Problème Réponse Pourcentage

Problèmes familiaux Manque de temps Engagement dans d'autres activités productives Manque de matériels didactiques Programme sans intérêt Travail par roulement Changement de résidence Retard dans l'octroi des certificats Gêne à étudier au côté des hommes Age avancé Absence de bureaux

T O T A L

18 10

8 6 3 3 2 1 1 1 1

33.3 18.5 14.8 11.1 5.5 5.5 3.7 1.8 1.8 1.8 1.8

54 99.6

F A C T E U R S F A V O R A B L E S

Philosophie sociale et politique

L'alphabétisation des adultes est en dernière analyse, une question politique (Lind et Johnston, 1986). Il faut avant tout une "volonté politique" pour arriver à un

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résultat substantiel : l'Etat doit jouer un rôle décisif, non seulement dans sa politique de lutte contre l'illétrisme, mais également dans l'intégration des activités d'alphabétisation dans le plan global de développement national (Lind et Johnston, 1986).

C o m m e le note Bola (1982:240) "il est important au sein d'une société, que les différents acteurs conjuguent leurs efforts afin d'arriver à un consensus national pour l'élimination de l'analphabétisme et de traduire celui-ci en volonté politique de la nation"^

C o m m e on l'a déjà souligné, la philosophie sociale et politique de la Tanzanie est guidée par le principe d'égalité et de dignité humaine qui à son tour présuppose des mesures concrètes pour l'égalité des chances face à l'éducation sans tenir compte de l'âge ou du sexe. Le Mwalimu Julius Nyerere(1962), après seulement un an d'indépendance, a invité les tanzaniens à combattre la pauvreté, l'ignorance et la maladie en déclarant {République Unie de Tanzanie et UNICEF, 1985) :

Nous avons pris la détermination de construire un pays où tous les citoyens sont égaux - où il n'existe pas de différence entre gouvernants et gouvernés, riches et pauvres, instruits et analphabètes, ceux qui sont dans la misère et ceux qui sont dans le bien-être, [nous avons souligné] Cet effort pour l'égalité et la justice a été davantage articulé dans la Déclaration

d'Arusha (1967), se fondant sur la politique socialiste et de "self reliance" du pays. Nous voudrions souligner à ce niveau que cet engagement national au service de l'égalité et de la justice participe au succès de la mobilisation des ressources humaines, matérielles et financières pour l'éducation des femmes qui, dans bien des pays du tiers m o n d e , restent défavorisées.

intervention de l'Etat

Si l'effort d'alphabétisation doit devenir réalité dans un pays en développement c o m m e la Tanzanie, "l'Etat se doit d'occuper le premier rang dans la promotion et l'organisation" (Lind et Johnston, 1986:4). Les individus, les organisations non gouvernementales et autres organismes de volontaires ont un rôle important à jouer, mais sans le "soutien de l'Etat leurs efforts seront vains.

Si la "Révolution de l'éducation des adultes" tanzanienne a atteint les résultats que l'on sait, c'est en parti grâce ¿l'intervention directe de l'Etat dans la formulation des politiques d'une part et d'autre part, la mobilisation et l'organisation des activités d'alphabétisation à travers le pays (Kassam, 1978, 1979). La participation des cadres du gouvernement et du parti de haut niveau a été décrite c o m m e un facteur important par bon nombre d'auteurs parmi lesquels Hall et Dodds (1974), Hall (1975), Johnston et al. (1983), Lind et Johnston (1986) et Unsicker (1987).

Des enquêtes réalisées auprès d'apprenantes, de responsables du gouvernement et du parti dans les districts de llala et Kinondoni (région de Dar-es-Salaam) ont montré davantage les facteurs qui sous-tendent la réussite de l'alphabétisation des femmes en Tanzanie : participation à tous les niveaux des responsables du gouvernement et du parti aux comités éducatifs du district (en tant que membres actifs); désignation à la tête de chaque section des responsables du gouvernement et du parti; visite des classes par les responsables, quel que soit le rang, afin d'encourager l'assiduité aux cours et enfin, organisation de séminaires et d'ateliers à l'intention des alphabétiseurs du district.

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Contexte administratif et organisationnel

La nature double de la structure administrative et organisationnelle chargée de l'éducation des adultes en Tanzanie est digne d'intérêt : direction centrale (structure pyramidale), elle assure aussi la participation des populations de la base au niveau national (structure qui part de bas en haut). Une approche centralisée de la planification, de l'administration et de l'enseignement était essentielle compte tenu de la portée de la campagne et de l'ardent désir d'éliminer l'analphabétisme en un temps court. A cet égard, la Tanzanie ne constitue aucune exception : la quasi-totalité des pays qui ont essayé d'utiliser l'approche de la campagne d'alphabétisation de masse , y compris les pays socialistes plus développés c o m m e l'Union soviétique et Cuba , ont eu recours au système centralisé (La Belle, 1986).

Toutefois, des comités éducatifs ont été créés à tous les niveaux administratifs et organisationnels pour promovoir uneparticipation populaire, compte tenu de la stratégie de développement de la Tanzanie qui elle-même est basée sur la création et la participation des populations.

Jusqu'au niveau de la salle de classe, il existe un comité éducatif composé de représentants des apprenants et des alphabétiseurs respectifs, qui s'occupe des inscriptions, de l'assiduité, des horaires, du lieu, des activités quotidiennes de la classe et du choix des enseignants. Cette approche décentralisée de l'organisation a non seulement beaucoup contribué à la supervision des activités de la classe, mais elle a également permis d'identifier les analphabètes et/ou les alphabétiseurs et apprenants qui ont des problèmes spécifiques.

A cet égard, une mention spéciale doit être faite à la contribution de la structure administrative unique composée de 10 cellules. Administrativement le pays est divisé en régions, districts, divisions, sections, villages et dix cellules. Le responsable des cellules est élu par tous les résidents des dix maisons. Il s'agit généralement d'une personne qui non seulement connaît tout le m o n d e mais jouit également d'un respect, d'une crédibilité et de l'autorité dans la zone. La personne sait en général qui est analphabète, qui suit les cours et qui a abandonné.

Certaines cellules sont dirigées par des femmes . Dans tous les cas, ils ont apporté une contribution inestimable au succès de l'alphabétisation des h o m m e s et des femmes . Des enquêtes menées auprès de alphabétiseurs du district de Kinondoni, ont révélé que tous les analphabètes de cette localité ont pu s'inscrire grâce à la coopération des responsables de cellules. Il faut bien sûr replacer cette approche dans le cadre de la politique de "villagisation" du pays : les villages ont permis aux f e m m e s de vivre ensemble, ce qui renforce la communication entre elles et développe un esprit élevé de coopéraiton tout en facilitant l'organisation de l'action sociale, y compris l'éducation (Madsen, 1984). Les administrations villageoises de bon nombre de localités ont pris des arrêtés adaptés à leur contexte pour la mise en application des inscriptions et del'assiduité aux cours.

Organisations d'appui

Pratiquement toutes les institutions et organisations ont contribué d'une manière ou d'une autre au succès de la campagne d'alphabétisation des femmes en Tazanie. Nous donnerons à cet égard trois exemples : l'Institut d'éducation des adultes, en plus des divers programmes offerts aux clients, a mis en place une section spéciale qui

29

s'occupe uniquement de l'éducation' des femmes. En collaboration avec l'Agence d'aide norvégienne ( N O R A D ) et d'autres organisations concernés, la section initie et appui les projets des femmes et les matériels de lecture des femmes nouvellement instruites.

Parmi les brochures produits ou trouve les titres ci-après : Techniques de couture, Les droits de la femme, La voix de la femme et un manuel sur les moulins. L'institut dispose également d'un service de correspondance chargé de dispenser les cours aux clients (y compris les femmes) à travers le pays dans les quatres principaux domaines que sont l'éducation de masse, l'enseignement secondaire, professionnel (y compris la formation des enseignantes, la gestion et l'administration), de m ê m e qu'un cours spécial à l'intention des handicapés. Les cours d'éducation de masse (niveau primaire) sont ouverts à ceux qui ont complété la quatrième année d'alphabétisation et peuvent s'incrire aux cours de post-alphabétisation. Le tableau 13 donne les chiffres des inscriptions (hommes et femmes) aux cours par correspondance,, de 1972 à 1986.

Une autre institution qui mérite d'être mentionnée, toujours par rapport à l'alphabétisation des femmes tanzaniennes, est le Collège de développement populaire relevant du Ministère de l'Education nationale. S'inspirant de l'exemple des lycées et collèges populaires suédois les F D C assurent des formations de courte.et longue durée aux notables du village, aux responsables d'organisations de femmes et des petites industries ; aux différents groupes engagés dans les projets autonomes et aux assistants d'agents d'exécution. Le tableau 14 donne le nombre de participants aux cours dispensés par les F D C en 1980/81.

Il ressort nettement de ce tableau que le nombre de femmes inscrites est loin d'être négligeable. Elles constituaient 35% des. participants en 1980/81, par exemple.

Tableau 13 : Effectifs des cours par correspondence 1972 -1986

Année

1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986

TOTAL

H o m m e s

334 4,593 5,511 5,421 5,477 5,751 5,066 3,009 1,647 2,534 2,741 3,042 2,580 1,401 2,034

51,141

Femmes

40 347 487 574 937

1,291 1,313

767 243 647 716 752 750 369 428

9,661

Total

374 4,940 5,998 5,995 6,416 7,042 6,379 3,776 1,890 3,181 3,457 3,794 3,330 1,770 2,462

50,802

Source: Bwatwa and Sumra (1987: 64)

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Tableau 14 Participants aux cours F D C organisés sous l'égide du Ministère de

l'éducation nationale, 1980/81

Cours de longue durée Cours de courte durée

Sujet " H o m m e s r<

ries

510

2

Total

510

551

Hommes

7

136

Femme s

274

_

Total

281

136

Art ménager

Artisanat 549

Agriculture 524 32 556 338 47 385

T O T A L 1,073 544 1,617 481 321 802

Source: Johnsson et al. (1983: 30)

Il faut toutefois doter les femmes d'une organisation séparée, en plus des institutions citées, compte tenu du rôle qu'elles jouent dans le développement national et au sein de leurs familles respectives (Madsen, 1984). Les femmes tanzaniennes ont leur propre organisation, "Umoja w a Wanawake w a Tanzania", communément appelée U . W . T . L'organisation constitue pour elles un cadre viable de réflexion, à tous les niveaux, sur leurs droits et obligations. Madsen (1984) observe que l'appartenance des femmes à l 'U.W.T. leur a également permis de prendre part à diverses activités de développement, dont l'éducation, au niveau du village.

Effort vers la libération des f e m m e s

La motivation des femmes pour l'alphabétisation est un autre facteur digne d'intérêt, bien que n'étant pas particulier à la Tanzanie. Les h o m m e s et les femmes, d'une part, sont de plus en plus conscientes que "la réduction de la mortalité juvénile, l'amélioration de la nutrition et des revenus de la famille", sont intimement liées à l'alphabétisation et à l'éducation des femmes (Mandl, 1983:9). D'autre part, cette motivation est liée à l'évolution du rôle social des h o m m e s et des femmes, celles-ci étant derplus en plus impliquées, dans bon nombre de pays du tiers monde, dans des domaines naguère monopolisés par les h o m m e s .

A présent, les femmes cherchent à être indépendantes économiquement, plus autonomes et à se libérer de toute soumission à l'autorité reçue (Lind et Johnston, 1986). Cet effort de libération de la femme est davantage visible grâce à la philosophie générale qui amène tout le monde à prendre part au processus de développement, d'où la décision de réserver aux femmes des sièges spéciaux au parlement et dans les différentes structures du parti au pouvoir (CCM) .

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P R O B L E M E S ET DIFFICULTES R E N C O N T R E S

Persistance de l'analphabétisme

Il faut se garder de crier victoire malgré les résultats encourageants réalisés dans le domaine de l'alphabétisation des femmes. Le taux d'analphabétisme continue en réalité d'être plus élevé chez les femmes que les hommes. Le tableau 15 donne le pourcentage par région (Tanzanie Mainland) de femmes analphabètes par rapport aux hommes en 1985.

Il en ressort que le nombre total de femmes encore analphabètes en 1985 faisait environ le double de celui des hommes. Il était plus du double dans sept régions et plus de un et demi dans dix autres. En Tanzanie, c o m m e dans la plupart des pays du tiers monde, plus de femmes que d'hommes s'inscrivent et prennent part aux cours d'alphabétisation, mais elles mettent plus longtemps à s'instruire (Lind et Johnston, 1986). Cette situation est due à un certain nombre de facteurs.

L'attitude des hommes envers les femmes

Dans certaines contrées du pays, des hommes (y compris des enseignants) ont encore tendance à regarder les femmes de haut, les considérant incapables d'apprendre aussi efficacement que les hommes. Etant donné que les hommes et les femmes suivent les cours ensemble, les rapports d'autorité au sein du foyer tendent à se prolonger en classe, au point où les femmes se découragent et abandonnent. Il y a eu également des cas où des époux ont interdit à leurs épouses de s'inscrire et/ou suivre les cours par jalousie.

Perception qu'ont les femmes d'elles-mêmes

Certaines femmes nourrissent un complexe d'infériorité. Mbilinyi (1975) par exemple, fait mention d'une étude sur lesattitudes où ¡I a été demandé aux filles de donner les raisons pour lesquelles les parents préfèrent envoyer les garçons àl'école ; un tiers a estimé en premier lieu que "les garçonssont plus intelligents". Compte tenu de cette perception qu'elles ont d'elles-mêmes, il était difficile de les convaincre de l'importance de l'alphabétisation pour leurs propres vies, notamment celles qui pensent encore que la place de la femme se trouve à la maison, voire à la cuisine. Cependant, cette attitude de d'infériorité commence à évoluer, les femmes occupant de plus en plus des postes de responsabilité au sein du parti du gouvernement et des organismes semi-publics.

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Tableau 15 Pourcentage de f e m m e s analphabètes par rapport à celui des h o m m e s

Région

Arusha Dar-es-Salaam Dodoma Iringa Kagera Kigoma Kilimanjaro Lindi Mara Mbeya Morogoro Mtwara M w a n z a Coast Rukwa Ruvuma Shinyanga Singida Tabora Tanga

T O T A L

Source: Ministry of Edu

H o m m e s

80,497 12,247 53,541 31,076 44,043 41,989 17,671 24,304 29,575 43,522 37,119 28,970 74,751 32,324 18,568 24,007 84,568 44,114 63,975 30,113

817,157

cation, Mpang

Femmes

99,048 21,817 99,997 85,318 74,976 79,523 38,956 48,983 69,434

113,221 69,889 61,533

138,348 49,759 47,351

142,382 68,345 88,254 88,254 55,809

1,495,284

o waAwumu va

Pourcentage de femmes analphabètes

123% 178% 187% 275% 170% 190% 220% 202% 235% 260% 188% 212% 185% 154% 251% 197% 168% 155% 138% 185%

183%

Pili ya Kampeni ya Kufut Ujinga Tanzania Bara 1985-1987 p. 6.

Division du travail sur la base du sexe

C o m m e on l'a déjà fait remarquer, les femmes d'une manière générale n'ont pas eu les m ê m e s chances à tous les niveaux dusystème éducatif. Celles qui ont pu recevoir une éducation ont tendance à se confiner dans des domaines d'études qui traduisent la répartition des activités entre secteurs pour h o m m e s et secteurs pour femmes (Mbilinyi, 1975). La m ê m e tendance se dessine dans les programmes d'enseignement non formel. Le Conseil chrétien de la Tanzanie rapporte par exemple que les filles en général ont moins accès à l'enseignement professionnel : sur 12.261 élèves suivant une formation professionnelle en décembre 1975, seules 3.917 (31,9%) étaient des filles. Sur 38 institutions de formation professionnelle, 17 étaient réservées aux seuls garçons, 16 étaient mixtes et seulement 5 aux filles. En outre, les programmes offerts aux filles se rapportent généralement aux travaux domestiques

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des femmes : cuisine, couture et les soins à l'enfant, c o m m e le prouve les cours sur l'art ménager.

Concernant les femmes mariées, les responsabilités qui sont les leurs au foyer sont si lourdes qu'elles ont peu de temps à consacrer aux études. Les cours d'alphabétisation ont généralement lieu les après midi au m o m e n t où les femmes reviennent des champs (culture ou récolte) ou quand elles préparent à manger pour les époux et les enfants qui reviennent du travail ou visites et de l'école, respectivement.

Difficultés économiques

Compte tenu du taux élevé de l'inflation conjugué au manque de produits de base, surtout après 1980, bon nombre d'apprenantes ont été obligées de consacrer beaucoup de temps soit à chercher de la nourriture ou à s'occuper de petits projets (maraîchage, élevage de volailles, couture, cuisine et vente de nourriture, etc) pour accroître les revenus de la famille, ce qui n'a pas manqué d'avoir des effets néfastes sur l'assiduité et les résultats des femmes (et des h o m m e s aussi) aux cours. En dernière analyse, la plupart des adultes en milieu rural (surtout) estiment que les questions de santé, de nutrition, l'agriculture, les activités rémunératrices, etc, sont plus importantes pour leurs vies que l'alphabétisation (Crone, 1978).

Facteurs pédagogiques

Quand le processus d'enseignement et d'assimilation des connaissances est mal conçu, il peut influer négativement sur la motivation des apprenants. En revanche, l'enseignant est plus un facilitateur qu'un instructeur, un directeur, dans un modèle de non transmission. Pour ce cas cependant, il importe qu'il y ait suffisamment de matériels et que les alphabétiseurs soient bien formés.

Le matériel didactique, pour la démonstration et les classes de post-alphabétisation surtout, n'était pas toujours disponible en Tanzanie. Ceci s'explique peut-être par le grand nombre d'apprenants et la pauvreté relative du pays. D e m ê m e , ceux à qui revient l'essentiel del'enseignement - les maîtres du primaire et les jeunes volontaires - rencontrent des insuffisances pédagogiques. Les premiers connaissaient essentiellement les méthodes d'enseignement des enfants et non des adultes, tandis que les derniers étaient difficilement acceptés compté tenu de leur jeune âge, sans compter qu'ils n'étaient pas suffisamment formés et expérimentés.

MESURES CORRECTIVES

Révision des programmes d'alphabétisation

L'introduction de l'alphabétisation fonctionnelle en Tanzanie, à la fin des années 60, marquait une rupture fondamentale avec l'approche classique où l'alphabétisation était une fin en soi. A ces débuts, cependant, l'alphabétisation fonctionnelle avait tendance à trop insister sur les activités économiques au détriment des dimensions sociales, politiques et culturelles, plus générales. Dans le Second plan quinquennal de développement (1969-1974), l'alphabétisation [fonctionnelle] était essentiellement

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conçue en termes d'accroissement et d'amélioration de la production agricole, reléguant au second plan le concept plus général de développement, lequel a c o m m e n c é à être plus rigoureusement articulé au cours des années 60 et 70.

Les années 70 ont vu l'approche sélective-intensive transformée en une campagne de masse. A la suite, les questions sociales, culturelles et politiques ont été davantage prises en compte pour se conformer non seulement au concept général du développement mais aussi à la philosophie politique de la Tanzanie. L'augmentation du P N B était jugée importante, mais elle devait aller de pair avec "une juste redistribution des fruits du développement' (Coombs, 985:19). D'où l'introduction dans la campagne d'alphabétisation de livres c o m m e Formation politique et Meilleure vie familiale, traitant des grandes questions de développement.

Concernant le programme de post-alphabétisation lancé en 1975, des études de suivi ont révélé deux principales insuffisances. Il était trop théorique et manquait d'intérêt pratique. En tant que tel, il n'intéressait que peu d'étudiants. Les résultats des tests d'alphabétisme de 1983 ont montré que sur 3.122.983 ayant réussi aux tests de 1975, 1977 et 1981, seuls 1.435.690 s'étaient inscrits aux cours de post­alphabétisation (Kirega, 1986). C e qui ne représente que 45,9% de la population totale d'adultes instruits.

P r o g r a m m e s d'appui

La Tanzanie ne s'est contentée que de la stratégie des "séries de campagnes" (Lind et Johnston, 1986). Elle a également élaboré des programmes d'appui à la campagne d'alphabétisation de manière à donner plus de chances aux populations du pays. Les programmes comprenaient des bibliothèques rurales, des journaux ruraux, des programmes éducatifs radiodiffusés, l'éducation par le film, des cours par correspondance, des collèges d'enseignement populaire et des centres de formation professionnelle, qui ont tous été d'un apport inestimable dans l'alphabétisation des femmes. Nous voudrions particulièrement insister sur les centres de formation professionnelle où les femmes apprenaient l'économie domestique. Il y en avait 1.145 en 1985.

Les agents de vulgarisation dans les programmes d'alphabétisation

C o m m e le montre le tableau 4 , les alphabétiseurs viennent de divers horizons. Il a été demandé à presque toutes les organisations et institutions d'organiser des cours pour leurs employés, de mettre des locaux à leur disposition et de prendre part à l'enseignement dans les localités voisines. Dans certaines contrées on a relevé le manque de méthodologie et d'expérience des jeunes volontaires dans des domaines c o m m e l'agriculture, la santé, l'élevage et l'art ménager. Pour y remédier, les agents de vulgarisation de la communauté ont été appelés à la rescousse, apportant leur expertise dans ces domaines.

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OBSERVATIONS ET ERREURS A EVITER

Le programme topique

L'une des caractéristiques de l'approche adoptée par la Tanzanie est l'intégration de l'alphabétisation fonctionnelle dans le travail mais aussi dans la stratégie globale de développement national, changeant ainsi la perception de la vie et du monde de l'apprenant. O n suppose qu'il va vite progresser en utilisant immédiatement les aptitudes acquises et sera par ce fait, motivé pour poursuivre ses études. L'approche sélective-intensive a démarré dans, les régions du lac sous l'égide du projet pilote U N E S C O / P N U D de 1968 à 1972 (Kirega, 1986). Elle a été étendue à six districts auxquels on a exhorté à éliminer l'analphabétisme dès 1972 (Kassam, 1978). Elle a ensuite gagné toutes les autres régions du pays entre 1972 et 1975 (Mpogolo, 1980).

Dans toutes les différentes phases (intimement liées) de la campagne d'alphabétisation, des abécédaires sur les préoccupations économiques des apprenants ont été introduits, de m ê m e que deux autres sur la vie familiale et la formation politique. Pour les femmes, l'abécédaire sur la vie familiale a été d'une très grande importance dans un pays c o m m e la Tanzanie où les normes nutritionnelles sont à améliorer pour une meilleure santé des populations. Cependant, dans bien des cas, le contenu des programmes n'avait pas de rapport avec les modèles culturels locaux ni avec ce qui était disponible. Dans certaines localités par exemple, il était interdit à la f e m m e enceinte de manger des oeufs sous peine de donner naissance à des enfants chauves. Malgré cette croyance, le livre et l'alphabétiseur ont-confiné à demander aux femmes enceintes d'en manger sans chercher au préalable à éliminer ces attitudes et croyances rétrogrades ou à montrer aux apprenantes comment démarrer une petite unité d'élevage de volailles qui leur permettait de produire des oeufs.

Utilisation des écoles primaires c o m m e centres d'éducation des adultes

Dans le cadre du Second plan quinquennal de développement (1969-1974), l'essentiel de l'organisation de l'éducation des adultes revenait aux écoles primaires qui par la suite étaient devenues des centres d'enseignement communautaire. C e choix était en un sens logique si l'on tient compte de la répartition géographique de ces écoles et des moyens pédagogiques qu'elles offrent par rapport aux autres institutions communautaires. Toutefois, le fait de tenir les classes d'alphabétisation dans les écoles primaires devait entraîner des conséquences (involontaires) dont certaines ont pu être préjudiciables à la qualité à la fois de l'enseignement primaire et de l'éducation des adultes.. Psychologiquement, certains apprenants avaient c o m m e n c é à assimiler l'éducation des adultes à l'enseignement (primaire) de type classique, s'estimant trop âgés pour apprendre.

D'autre part, les moyens pédagogiques en question étaient plutôt adaptés aux enfants, sans compter le surcroît de travail que les maîtres du primaire devaient désormais effectuer : outre leur volume de travail déjà énorme dans le primaire, ils devaient organiser et assurer les cours d'alphabétisation. Il serait intéressant d'entreprendre des recherches sur les actions et l'expérience tanzaniennes dans la mise en oeuvre de l'enseignement primaire et l'éducation des adultes généralisés.

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Importance de disposer d'une équipe d'alphabétiseurs permanents

C o m m e on l'a déjà fait remarquer, les jeunes volontaires ont beaucoup contribué au succès de la "révolution de l'éducation des adultes" en Tanzanie. Mais en dehors de l'insuffisance de leur formation méthodologique, ils sont également mal rémunérés pour le travail louable qu'ils font : ils perçoivent des honoraires ne s'élevant qu'à soixante shillings tanzaniens. Si les résultats "atteints au niveau de la post­alphabétisation doivent être consolidés, il faudra disposer d'un personnel bien formé et employé à titre permanent, en organisant régulièrement des cours de recyclage.

Alphabétisation et libération des f e m m e s

L'alphabétisation fonctionnelle est une méthode visant le développement de l 'homme par l'enseignement afin de l'aider à s'affranchir plus tard de la pauvreté, de l'ignorance et de la maladie. C'est à la lumière de ce vaste concept que l ' U N E S C O (voir Fordham, 1983) a défini la personne instruite c o m m e celle étant capable "de prendre part à toutes les activités où l'alphabétisation est requise pour le bon fonctionnement du groupe et de la communauté tout en l'aidant à se servir de la lecture, de l'écriture et du calcul pour son propre développement ainsi que celui du pays". Cette notion de fonctionnalité épouse intimement l'approche tanzanienne du développement. Le Mwalimu Julius Jyerere (1978:316), déclarait par exemple que "l'homme doit être la fin de toute activité sociale, économique et politique", que les "populations ne peuvent être développées mais ne peuvent que se développer elles-m ê m e s " (Nyerere, 1973:60). Les publications de Paulo Freiré, Pédagogie des opprimés (1970), et Action culturelle pour la liberté (1972), viennent renforcer cette conception du développement. Freiré soutient que les gens sont pauvres et analphabètes, non pas à cause de leurs propres faiblesses mais parce qu'ils sont victimes de l'exploitation et du paternalisme de la société.

L'éducation devrait par conséquent chercher à libérer les gens par le "dialogue" et la "conscientisation" en aidant les adultes à "informer le monde" et à avoir une conscience critique de leur environnement oppressif afin qu'ils puissent prendre les mesures nécessaires pour sa transformation.

Concernant les femmes, il importe d'utiliser des techniques d'enseignement libératrices en tenant compte de l'oppression et de l'exploitation relatives dont elles ont été l'objet pendant si longtemps.

Il est urgent à cet égard, d'aller au delà de ce qui pourrait être appelé "éducation non formelle du capital humain" (La Belle, 1986) pour une éducation des adultes au changement. Le contenu des programmes et les techniques pédagogiques devraient être revus de façon à ce que le premier intègre certains sujets visant à rendre la f e m m e consciente des facteurs qui perpétuent sa position défavorisée au sein de la société et que les dernières les amènent à prendre part à un dialogue véritable qui leur permette de déceler les stratégies de leur libération.

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RESUME ET CONCLUSION

La présente étude a tenté de décrire et d'analyser à la fois les actions et l'expérience tanzaniennes en matière d'alphabétisation des femmes . Dans un premier temps, le contexte et la portée du problème ont été décrits; vient ensuite une analyse de la politique du pays en la matière. Celle-ci a été liée à la stratégie globale de développement qui elle-même se trouve intimement liée à l'organisation générale de l'éducation des adultes, de m ê m e qu'aux stratégies et approches arrêtées pour la mise en oeuvre.

Nous avons par la suite abordé les principales réalisations, à savoir les taux élevés des inscriptions à travers le pays et les taux d'acquisition des connaissances. Dans les deux cas, la Tanzanie a pu, à travers la campagne d'alphabétisation, mobiliser des millions d ' h o m m e s et de femmes non seulement pour l'alphabétisation mais également pour d'autres activités liées au développement. Les opinions des participantes elles-mêmes, choisies dans deux districts de la région de Dar-es-Salaam, ont été également introduites pour enrichir l'analyse des réalisations, des facteurs favorables et des difficultés rencontrées.

Bon nombre de facteurs ont contribué au succès de la mobilisation. L'étude en donne quatre : une politique nationale clairement définie, une structure administrative et organisationnelle élaborée (qui tient compte à la fois de la centralisation et de la décentralisation), le rôle actif joué par les différentes institutions et organisations, notamment l'organisation des femmes (U .W.T . ) , l'Institut d'éducation des adultes et les Collèges de développement populaire ainsi que la participation directe des responsables du parti et du gouvernement.

Nous avons toutefois fait remarquer que mobiliser les femmes en vue de l'alphabétisation n'est pas chose aisée et que son succès n'a pas été total.Un nombre considérable de femmes ne savent toujours pas lire et écrire ou n'ont que des connaissances rudimentaires. Parmi les problèmes qui ont négativement influé sur le progrès de l'alphabétisation des femmes on peut citer l'attitude négative des h o m m e s envers elles, la perception qu'ont les femmes d'elles-mêmes (manque d'assurance), la division du travail sur la base du sexe, de m ê m e que les insuffisances pédagogiques dues à la faible formation des alphabétiseurs. U n certain nombre de mesures correctives ont été prises. Elles comprennent la révision des programmes pour tenir de plus en plus compte des besoins et intérêts des apprenantes, l'utilisation des agents de vulgarisation pour améliorer l'enseignement et le lancement des programmes d'appui.

Plusieurs mesures ont été préconisées dans l'étude en vue du renforcement des résultats atteints : formation en cours d'emploi des alphabétiseurs (les jeunes volontaires en particulier), la mise en place d'un personnel enseignant permanent, la nécessité d'orienter le contenu des programmes non seulement vers les besoins des apprenantes mais aussi vers le modèle culturel de la localité. Parallèlement à ces mesures, le contenu des abécédaires doivent aussi, et peut-être avant tout, traduire les questions qui touchent à la libération de la femme. En s o m m e , ne pas simplement se focaliser sur "l'éducation non formelle du capital humain", mais aussi sur l'éducation non formelle pour changer la société.

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