almunia montebourg google

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JOAQUIN ALMUNIA VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE Bruxelles, le 20 Mai 2014 Ares(2014) Messieurs les Ministres, Je vous remercie pour votre lettre du 16 mai 2014 dans laquelle vous me faites part de vos préoccupations concernant l'évolution de l'enquête de la Commission sur les pratiques de Google relatives à la recherche en ligne et à la publicité liée à la recherche. Je suis pleinement conscient de l'importance de l'économie numérique pour l'avenir de l'économie européenne. Il est exact que Google est un acteur très important de cette économie, dont les activités commerciales touchent de nombreuses problématiques actuelles. C'est précisément en raison du caractère multidimensionnel des activités de Google qu'une seule enquête ne peut pas régler tous les aspects des pratiques commerciales de Google. La neutralité du réseau Internet, la protection des données personnelles ou l'optimisation fiscale sont des aspects (parmi d'autres) qui concernent Google et d'autres géants de l'économie numérique et qui vont au-delà de ce qui pourrait être l'objet d'une analyse sous l'optique de l'antitrust. Bien sûr, je vous rappelle que dans le cadre de sa compétence en matière de contrôle des aides d'Etat, la Commission rassemble actuellement des informations sur certaines pratiques fiscales des Etats membres, tels que les accords fiscaux préalables ("tax rulings") et les régimes fiscaux appliqués à la propriété intellectuelle ("patent boxes"). L'enquête Google en cours depuis novembre 2010 couvre quatre problèmes de concurrence bien précis, identifiés suite à l'examen des plaintes formelles parvenues à la Commission, à savoir: Monsieur Sigmar Gabriel MdB Ministre Fédéral Bundesministerium für Wirtschaft und Energie Monsieur Arnaud Montebourg Ministre de l'Economie; du Redressement productif Et du Numérique République Française BERL 11/238 - BE-1049 BRUXELLES - TÉL.: +32-2-298.09.00 - FAX : +32-2-298.09.97 - E-MAIL : cab-a([email protected]

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JOAQUIN ALMUNIA VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Bruxelles, le 20 Mai 2014 Ares(2014)

Messieurs les Ministres,

Je vous remercie pour votre lettre du 16 mai 2014 dans laquelle vous me faites part de vos préoccupations concernant l'évolution de l'enquête de la Commission sur les pratiques de Google relatives à la recherche en ligne et à la publicité liée à la recherche.

Je suis pleinement conscient de l'importance de l'économie numérique pour l'avenir de l'économie européenne. Il est exact que Google est un acteur très important de cette économie, dont les activités commerciales touchent de nombreuses problématiques actuelles. C'est précisément en raison du caractère multidimensionnel des activités de Google qu'une seule enquête ne peut pas régler tous les aspects des pratiques commerciales de Google. La neutralité du réseau Internet, la protection des données personnelles ou l'optimisation fiscale sont des aspects (parmi d'autres) qui concernent Google et d'autres géants de l'économie numérique et qui vont au-delà de ce qui pourrait être l'objet d'une analyse sous l'optique de l'antitrust. Bien sûr, je vous rappelle que dans le cadre de sa compétence en matière de contrôle des aides d'Etat, la Commission rassemble actuellement des informations sur certaines pratiques fiscales des Etats membres, tels que les accords fiscaux préalables ("tax rulings") et les régimes fiscaux appliqués à la propriété intellectuelle ("patent boxes").

L'enquête Google en cours depuis novembre 2010 couvre quatre problèmes de concurrence bien précis, identifiés suite à l'examen des plaintes formelles parvenues à la Commission, à savoir:

Monsieur Sigmar Gabriel MdB Ministre Fédéral Bundesministerium für Wirtschaft und Energie

Monsieur Arnaud Montebourg Ministre de l'Economie; du Redressement productif Et du Numérique République Française

BERL 11/238 - BE-1049 BRUXELLES - TÉL.: +32-2-298.09.00 - FAX : +32-2-298.09.97 - E-MAIL : cab-a([email protected]

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• L'affichage préférentiel par Google dans les résultats de sa recherche générale de ses services de recherche spécialisée au détriment de services de recherche spécialisée concurrents;

• L'utilisation par Google - sans autorisation - du contenu de sites tiers dans ses propres services de recherche spécialisée;

• Les accords d'exclusivité de droit ou de fait entre Google et ses partenaires du programme AdSense;

• La limitation par Google de la portabilité des campagnes de publicités liées à la recherche de sa plate-forme AdWords vers des plate-formes concurrentes.

Cela ne signifie pas que la Commission ait exclu d'enquêter sur d'autres pratiques de Google sous l'angle du droit de la concurrence européen. De fait, mes services ont déjà une enquête parallèle en cours concernant des allégations sur le système d'exploitation Android qui pourrait également mener à une enquête formelle. Il est donc possible que la Commission conduise une enquête antitrust à propos des allégations que vous mentionnez dans votre lettre, figurant dans la plainte récente de ľ Open Internet Project, tel que le couplage d'Adserver DoubleClick à la base de données de Google, si la Commission considère après analyse qu'une enquête formelle est justifiée sur ces points. Cependant, il me semble plus approprié de mener toute nouvelle enquête dans le cadre d'une nouvelle procédure plutôt que de risquer de retarder la solution des problèmes en cours par l'élargissement de la procédure les couvrant.

En ce qui concerne la procédure en cours, j'estime que les propositions mises sur la table par Google en début d'année pourraient résoudre les quatre problèmes de concurrence identifiés par la Commission. En particulier, la proposition de Google d'afficher trois liens vers des services rivaux lorsque Google affiche de manière prééminente ses propres résultats de recherche spécialisée est sans précédent. La Commission serait la première autorité de concurrence à imposer une forme de régulation quant à la manière dont Google présente ses résultats de recherche. Cette solution -si elle est finalement approuvée- donnerait aux concurrents de Google une visibilité comparable aux liens de Google sans empêcher Google d'innover, y compris au bénéfice des utilisateurs européens.

J'entends de nombreux concurrents de Google critiquer le fait que, dans certaines circonstances, ils devront payer pour qu'un lien vers leur site soit affiché parmi les trois liens rivaux mis en place par les engagements. Mais un paiement dans les conditions proposées par Google n'aura lieu que lorsque les concurrents auront leur lien affiché dans un espace de Google auquel l'accès est normalement payant pour les tiers. On ne peut donc pas affirmer que cette formule donnerait des revenus supplémentaires à Google.

De plus, le processus d'enchères, qui sera mis en œuvre sous le strict contrôle du mandataire et de la Commission, tiendra pleinement compte de la qualité des sites concurrents. Grâce à la prise en compte du taux de clic prévu sur un lien dans le mécanisme d'enchères, les sites concurrents dont la qualité est reconnue par les utilisateurs pourront être affichés et les

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concurrents ne payeront que lorsque les utilisateurs cliqueront sur le lien. En outre, comme le mécanisme est une enchère au second prix, cela signifie que le premier emplacement sera attribué au plus offrant (compte tenu de la qualité du site) mais le prix payé sera le prix proposé par le deuxième plus offrant (et ainsi de suite). Ces clarifications sont importantes afin de préciser que le processus proposé permettra aux entreprises les plus innovantes ou spécialisées dont la qualité est reconnue dans leur domaine d'expertise d'accéder à une visibilité sans précédent, et ce, quelle que soit leur taille.

Les discussions avec Google ont été menées dans la plus grande transparence. Par deux fois, ce qui n'est pas du tout habituel, le marché a été consulté sur les propositions de Google. A ce stade, je peux vous rassurer que la Commission est en possession de tous les éléments requis pour évaluer de manière neutre et objective l'équilibre des propositions de Google. Une troisième consultation n'apporterait pas d'informations nouvelles mais aurait comme conséquence de retarder encore plus la finalisation de cette investigation. De plus, comme le prévoit la procédure, la Commission exposera très prochainement en détail ses conclusions préliminaires à chacun des dix-neuf plaignants, et étudiera les observations de ceux-ci avec la plus grande attention. Tout tiers intéressé peut également faire parvenir ses propres observations à la Commission de manière volontaire, la dernière proposition de Google en date ayant été rendue publique par celle-ci.

Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'une solution adaptée à l'économie numérique doit être trouvée. Même si les principes du droit de la concurrence européen sont bien adaptés à tous les secteurs de l'économie, il est exact que les spécificités de l'économie numérique imposent la plus grande diligence dans la conclusion de chaque cas. C'est la raison pour laquelle un prolongement de la procédure serait en fait en défaveur des concurrents vu que les pratiques potentiellement abusives de Google ne seraient potentiellement remédiées que dans un futur lointain. C'est justement afin de répondre aux défis de l'économie numérique dans laquelle les évolutions sont particulièrement rapides que j'ai privilégié l'approche apportant une solution efficace dans les délais les plus courts possibles au regard de nos procédures.

Veuillez agréer, Messieurs les Ministres, l'expression de ma très haute considération.

!

Joaquín Almunia