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NEWS INNOVATION ASSIETTE DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE (CIR) : UNE ANALYSE CONTRASTÉE DES TENTATIVES DE CLARIFICATION ADMINISTRATIVE DE LA NOTION DE « COTISATIONS SOCIALES OBLIGATOIRES » #41 AVRIL 2015 almacg.fr Les nouveaux commentaires administratifs concernant la notion de dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens à prendre en compte dans l’assiette du CIR viennent enfin de paraître à titre de projet ! Annoncée dans le cadre du « choc de simplification » prôné par le gouvernement, la publication de cette instruction cherche à « clarifier » l’assiette du CIR en proposant un recensement des cotisations sociales « (…) mettant en évidence celles qui sont éligibles au crédit impôt recherche (CIR) et celles qui ne le sont pas ». Il est en effet souligné que « les imprécisions et écarts d’interprétation en matière comptable, fiscale et sociale sur les co- tisations sociales obligatoires à retenir dans la base du CIR sont sources de nombreux contentieux avec l’administration fiscale. Près de 20 000 entreprises déclarantes sont concernées » 1 . 1 Mesure proposée par le Conseil de la simplificaon pour les entreprises (octobre 2014). Dernière mise à jour du site du secrétariat général pour la modernisaon de l’acon publique : 5/02/2015 L’ESSENTIEL A RETENIR L’instruction fiscale mise en ligne le 1er avril dernier sur la base documentaire BOFIP apporte des précisions importantes sur la définition des coti- sations sociales obligatoires pouvant intégrer l’as- siette du CIR ou, a contrario, en être exclues. Elle a le mérite de clarifier la position de l’adminis- tration fiscale sur cette catégorie de « dépenses de personnel » éligible au CIR, sans toutefois parvenir à être exhaustive. Cette instruction rend plus complexe le travail des entreprises dans le retraitement de leurs cotisa- tions sociales, en prévision de la préparation de leur CIR. Enfin, elle exclut de manière contestable la CSG et la CRDS, qualifiées d’« impositions de toute na- ture ». Ces nouveaux commentaires administratifs ont par ailleurs fait l’objet d’une consultation publique dont la clôture était fixée au 12 avril 2015.

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Page 1: Alma news innovation n°41 - Assiette du Crédit d'Impôt Recherche (CIR) : une analyse contrastée des tentatives de clarification administrative de la notion de « cotisations sociales

NEWSINNOVATION

ASSIETTE DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE

(CIR) : UNE ANALYSE CONTRASTÉE

DES TENTATIVES DE CLARIFICATION ADMINISTRATIVE DE LA NOTION DE

« COTISATIONS SOCIALES OBLIGATOIRES »

#41AVRIL 2015

almacg.fr

Les nouveaux commentaires administratifs concernant la notion de dépenses de personnel afférentes aux

chercheurs et techniciens à prendre en compte dans l’assiette du CIR viennent enfin de paraître à titre de projet !

Annoncée dans le cadre du « choc de simplification » prôné par le gouvernement, la publication de cette instruction

cherche à « clarifier » l’assiette du CIR en proposant un recensement des cotisations sociales « (…) mettant en évidence

celles qui sont éligibles au crédit impôt recherche (CIR) et celles qui ne le sont pas ».

Il est en effet souligné que « les imprécisions et écarts d’interprétation en matière comptable, fiscale et sociale sur les co-

tisations sociales obligatoires à retenir dans la base du CIR sont sources de nombreux contentieux avec l’administration

fiscale. Près de 20 000 entreprises déclarantes sont concernées »1.

1 Mesure proposée par le Conseil de la simplification pour les entreprises (octobre 2014). Dernière mise à jour du site du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique : 5/02/2015

L’ESSENTIEL A RETENIR L’instruction fiscale mise en ligne le 1er avril dernier sur la base documentaire BOFIP apporte des précisions importantes sur la définition des coti-sations sociales obligatoires pouvant intégrer l’as-siette du CIR ou, a contrario, en être exclues. Elle a le mérite de clarifier la position de l’adminis-tration fiscale sur cette catégorie de « dépenses de personnel » éligible au CIR, sans toutefois parvenir à être exhaustive.

Cette instruction rend plus complexe le travail des entreprises dans le retraitement de leurs cotisa-tions sociales, en prévision de la préparation de leur CIR.

Enfin, elle exclut de manière contestable la CSG et la CRDS, qualifiées d’« impositions de toute na-ture ».

Ces nouveaux commentaires administratifs ont par ailleurs fait l’objet d’une consultation publique dont la clôture était fixée au 12 avril 2015.

Page 2: Alma news innovation n°41 - Assiette du Crédit d'Impôt Recherche (CIR) : une analyse contrastée des tentatives de clarification administrative de la notion de « cotisations sociales

La doctrine fiscale antérieureL’administration fiscale a initialement adopté une interprétation très

restrictive de la notion de dépenses de personnel en général, et de

« cotisations sociales obligatoires » en particulier, éligibles au sens

du CIR 2.

Ainsi, doivent être intégrés dans l’assiette du CIR :

• « les salaires proprement dits,

• les avantages en nature,

• les primes,

• les rémunérations supplémentaires et justes prix mentionnés aux 1 et 2 de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, au profit des salariés auteurs d’une invention résultant d’une opération de recherche,

• les cotisations sociales obligatoires (sécurité sociale, assu-rance chômage, caisses de retraite complémentaire) .»

Et l’administration fiscale d’ajouter que sont au contraire exclues :

• « les taxes assises sur les salaires (taxe d’apprentissage, participa-tion des employeurs au développement de la formation profession-nelle continue et à l’effort de construction),• et les autres dépenses de personnel qui sont prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt dans le cadre des dépenses de fonctionne-ment.»Cette position administrative, sévère pour le contribuable, a été

remise en cause à nombreuses reprises par le juge de l’impôt.

L’apport des nouveaux commentaires administratifs du 1er avril 2015La nouvelle instruction apporte des précisions intéressantes sur la

notion de cotisations sociales obligatoires à prendre en compte dans

l’assiette du CIR.

Elles sont désormais présentées comme « les cotisations patronales légales ou conventionnelles à caractère obligatoire versées par

l’entreprise et ouvrant droit, au profit des personnels concernés, aux

prestations et avantages », servies par des régimes sociaux limitati-

vement énumérés :

• « Les cotisations sociales de base dues au titre des assurances sociales », comprenant les cotisations dues au titre des assurances

maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse et veuvage, acci-

dents du travail et maladies professionnelles, et celles relatives

aux allocations familiales.

• « Les cotisations dues au titre de l’assurance chômage », compre-

nant les cotisations dues au titre de l’assurance chômage et les coti-

sations versées à l’Association pour la Gestion du régime d’assurance

des créances des Salariés (AGS).

• « Les cotisations dues au titre de la retraite complémentaire légale

obligatoire prévue par les dispositions légales et règlementaires ou

par les accords nationaux interprofessionnels régissant ces régimes »,

comprenant les cotisations dues au titre de l’assurance vieillesse

complémentaire prévue en faveur des salariés non cadres (régime

ARRCO dont cotisations « Garantie Minimale de Points » (GMP)) et des

salariés cadres (régime AGIRC et notamment les cotisations GMP),

auxquelles s’ajoutent les cotisations dues à l’association pour la ges-

tion du fonds de financement (AGFF).

• Intégrant les dernières avancées jurisprudentielles 3, la prise en

compte des « cotisations versées par l’employeur au titre des

régimes de prévoyance complémentaire » est désormais validée :

- Sont concernés, les versements « au titre des garanties collec-

tives dont bénéficient les salariés en complément de celles qui ré-

sultent de l’organisation de la Sécurité Sociale 4 (…), (en matière de

santé, de retraite supplémentaire, de risques invalidité, décès…) et

qui sont rendus obligatoires en vertu :

• soit d’une disposition légale 5 ,

• soit des dispositions conventionnelles prévues par le Code du

Travail : convention collective et accords de groupe, d’entreprise

et d’établissement, convention de branche, accord professionnel

ou interprofessionnel ».

Au-delà de cet inventaire à la Prévert, la nouvelle doctrine parait

également vouloir fixer un critère général d’interprétation de la no-

tion de cotisation sociale obligatoire, en précisant que sont par

principe exclus les versements dus par l’employeur qui « ne sont

pas assis sur des éléments de rémunération éligibles au CIR ou sont

sans contrepartie directe pour les personnels de recherche concernés ».

almacg.fr

Un édifice doctrinal en construction

2 BOI-BIC-RICI-10-10-20-20-201404043 Cf. les jurisprudences de premières instances visées ci-dessus (cf. TA de PARIS et de MONTREUIL).4 Telles que visées aux articles L.911-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale5 L’instruction évoque l’exemple des versements au titre d’une couverture complémentaire en matière de santé en application de l’article 1er de la Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la Sécurisation de l’Emploi

Ces difficultés d’interprétation, à l’origine de nombreux conten-tieux, résultent d’un cadre normatif insuffisamment détaillé.

Ainsi, l’article 244 quater B du Code Général des Impôts (CGI) ne prévoit pas de définition des dépenses éligibles, faisant simplement référence aux « dépenses de personnel ».

La lecture des travaux parlementaires s’y rapportant n’est d’aucune utilité pour en interpréter le sens.

L’article 49 septies I b de l’annexe III au CGI n’est guère plus ex-plicite en prévoyant simplement que sont retenues au titre des dé-penses de personnel :

• « les rémunérations et leurs accessoires,

• ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci corres-pondent à des cotisations sociales obligatoires .»

Un socle législatif et règlementaire

imprécis

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UNE PUBLICATION D’ALMA CONSULTING GROUP

SAS au capital de 69 687 379 eurosRCS Nanterre B 414 119 73512/16 Sarah Bernhardt92600 Asnières-sur-SeineTél. : 01 41 49 41 00 - Fax : 01 41 49 41 01Directeur de la publication : Hervé AmarDirecteur de la rédaction : Bruno CoulmanceRelations presse : Sophie Cormary

[email protected]

Selon l’administration, sont concernés :

• Les « cotisations et contributions correspondant à des impositions

de toute nature », ce qui emporte l’exclusion des taxes assises sur

les salaires, du versement transport, du Fonds National d’Aide au

Logement (FNAL), de la contribution patronale visée à l’article L.

137-13 du Code de la Sécurité Sociale, auxquels s’ajoutent mainte-

nant le forfait social 6, la Contribution Sociale Généralisée 7 (CSG) et

la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS),

ainsi que la cotisation sociale d’autonomie et la contribution excep-

tionnelle associée.

• Les « versements » divers mis à la charge des employeurs, même

s’ils sont obligatoires et calculés sur la masse salariale, et qui

viennent donc majorer les dépenses liées à la présence des per-

sonnels chercheurs dans l’entreprise.

- Il s’agit notamment des subventions pour le fonctionnement

du comité d’entreprise, des contributions au financement des

organisations professionnelles et des organisations syndicales,

de la contribution versée à l’association pour l’emploi des cadres

(APEC), des contributions versées à la médecine du travail 8, de

la contribution exceptionnelle temporaire (CET) versée à l’AGIRC,

de la contribution AGEFIPH 9, ou bien encore de la contribution

sur les avantages de préretraite 10.

• Toutes les autres dépenses de personnel qui sont prises en

compte pour le calcul du crédit d’impôt dans le cadre des

dépenses de fonctionnement.

Malgré des efforts louables, cette doctrine n’est pas totalement sa-

tisfaisante car elle ne parvient pas à viser tous les cas issus notam-

ment du contenu des feuilles de paye des entreprises.

Elle est même parfois ambiguë lorsqu’elle cite successivement

les cotisations de sécurité sociale dues au titre des régimes de

prévoyance complémentaire, celles relevant des régimes de pré-

voyance et celles dues au titre de la retraite supplémentaire, sans

que l’on puisse toujours cerner les périmètres de chacune de ces

notions qui recouvrent parfois des concepts identiques.

Plus choquante est l’exclusion de la CSG et de la CRDS.

En effet, la classification jurisprudentielle de ces contributions parmi

les « impositions de toute nature » apparaît contestable en tant que

ces dernières participent au financement des régimes obligatoires

de sécurité sociale et s’apparentent, sous cet angle, à des cotisations

sociales.

En outre, la position de l’administration fait peu de cas du fait que

ces contributions sont comptabilisées par les entreprises comme des

charges de personnel et viennent à ce titre en déduction du résultat

imposable.

Elle ignore également le fait que ces contributions sont précomptées

par les employeurs pour le compte de leurs salariés qui doivent, de

leur côté, les intégrer parmi leurs revenus taxables au titre de l’impôt

sur le revenu. Sous cet angle, il s’agit incontestablement d’un élé-

ment de salaire des personnels concernés.

Force est par ailleurs de constater qu’il s’agit là d’une pratique nou-

velle de l’administration fiscale qui est de nature à remettre en cause

l’immense majorité des déclarations déposées jusqu’à présent par

les entreprises au titre du CIR. On peut craindre que cette analyse gé-

nère un nouveau contentieux de masse, comme cela fut le cas pour

la participation et l’intéressement, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat

tranche définitivement cette question en faveur des contribuables.

Voilà un point qui a fait l’objet de commentaires dans le cadre de la

consultation publique lancée par l’administration fiscale.

Une exclusion contestable de la CSG et de la CRDS

Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Olivia Cerveau-ReynaudFiscaliste, Alma [email protected]

Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Maître GabizonAvocat, Cabinet [email protected]

6 Cf. l’article L 137-15 du Code de la Sécurité Sociale7 Et non la « contribution générale de solidarité »8 Code du Travail, art. L. 4622-69 Code du Travail, art. L. 5212-910 Code de la Sécurité Sociale, art. L. 137-10