allons enfants sans droits fondamentaux

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Friture 7 SDF 26 Portfolio Allons enfants, Sans Droits Fondamentaux ! Je rentre dans leur univers, je ne connais pas la rue, je ne les connais pas ces gens que je croisais jusqu’alors au coin d’une rue ou d’un feu tricolore, le temps d’une clope et d’un sourire. Ce jour-là, je m’y arrête. Je ne sais pas en- core que je vais revenir dans ces allées pen- dant cinq mois et rentrer, au fil des jours, dans l’intimité des hommes et des femmes qui s’y sont installés. Ils viennent, certains de loin, mais qu’im- porte, ils sont à la fois partout et nulle part chez eux. Parcours d’abîmés, tous marqués par la dureté de la vie, leurs histoires, cha- cune singulière, leur laissent des blessures à moitié refermées. Et pourtant, ils sont là, avec leur honte de faire la manche et un reste de dignité d’être encore des Hommes, avec leur amour de l’autre plus que d’eux-mêmes et leur haine aussi, de tout, de rien. Au ventre, la peur et une lueur d’espoir d’ar- river, peut-être enfin, à trouver une issue à cette impasse qui les rassemble : la rue ! Ils rejoignent ce mouvement, avec le coura- ge de « s’exposer », pour dénoncer et rendre visible l’inacceptable situation d’exclusion dans laquelle se trouvent des milliers de per- sonnes, afin de mettre au grand jour « ces pauvres que certains ne veulent plus voir ». Les allées François-Verdier, d’ordinaire ré- servées à la promenade des Toulousains, se transforment en un véritable lieu de vie, condensé de notre société et concentré d’humanité chargé d’émotions distillées, sans retenue aucune, parfois prêt à exploser. Avec les bénévoles à l’initiative du mouve- ment, une cinquantaine de personnes ap- prennent à gérer leur nouveau quotidien (cuisine, vaisselle, tours de garde, etc.) sou- mis aux difficultés humaines, sanitaires et climatiques. Ils mettent en place des réu- nions pour faire le point sur les avancées et organisent régulièrement des événements (manifestations, concerts, pique-niques, etc.) pour provoquer des rencontres et se faire entendre. Ils s’approprient le lieu, investissent la rue sous une autre forme et personnalisent, chacun à leur manière, leurs tentes. À travers ce mouvement, des sans domi- cile fixe 1 (SDF) se sont exprimés aux yeux de tous. Certains ont essayé, pour un mo- ment, d’y retrouver une raison de vivre, d’autres ont poursuivi leur route. Tous ont pu se sentir utiles et retrouver une part de dignité. Ils ont rencontré des « bien logés ». Les « bien logés » ont regardé ces naufragés de notre société. Les Enfants de Don Quichotte ont-ils favorisé une prise de conscience ? Pour combien de temps ? Audrey Guerrini www. audreyguerrini.com 1 Cette appellation est arrivée dans le langage au milieu des années 1980. Loi DALO Adoptée le 5 mars 2007, la loi sur le Droit au logement opposable (dite DALO) est mise en œuvre depuis le 2 janvier 2008. Fin octobre, seu- lement 50 600 demandes de logement avaient été déposées au titre du DALO (chiffres minis- tère du Logement) alors que 600 000 ménages rentrent dans les critères de la loi, soit 1 300 000 personnes. Face à une procédure opaque et complexe, aux retards pris par l’administration dans le trai- tement des dossiers, à l’absence des logements néanmoins attribués par la justice à des fa- milles… un collectif national, auquel participent les Enfants de Don Quichotte et une trentaine d’associations, propose depuis le 23 octobre animations et débats sur le DALO dans toute la France, ainsi qu’une aide pour la constitution et le suivi administratif des dossiers. www.infodalo.fr · www.daltoulouse.org 2 janvier 2007, Toulouse Les Enfants de Don Quichotte plantent leurs tentes aux allées François-Verdier Stef

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Portfolio Friture n°7

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Page 1: Allons enfants sans droits fondamentaux

Friture 7

SD F

26

Portfolio

Allons enfants, Sans Droits Fondamentaux !

Je rentre dans leur univers, je ne connais pas la rue, je ne les connais pas ces gens que je croisais jusqu’alors au coin d’une rue ou d’un feu tricolore, le temps d’une clope et d’un sourire.Ce jour-là, je m’y arrête. Je ne sais pas en-core que je vais revenir dans ces allées pen-dant cinq mois et rentrer, au fil des jours, dans l’intimité des hommes et des femmes qui s’y sont installés.Ils viennent, certains de loin, mais qu’im-porte, ils sont à la fois partout et nulle part chez eux. Parcours d’abîmés, tous marqués par la dureté de la vie, leurs histoires, cha-cune singulière, leur laissent des blessures à moitié refermées.Et pourtant, ils sont là, avec leur honte de faire la manche et un reste de dignité d’être encore des Hommes, avec leur amour de l’autre plus que d’eux-mêmes et leur haine aussi, de tout, de rien. Au ventre, la peur et une lueur d’espoir d’ar-river, peut-être enfin, à trouver une issue à cette impasse qui les rassemble : la rue !

Ils rejoignent ce mouvement, avec le coura-ge de « s’exposer », pour dénoncer et rendre visible l’inacceptable situation d’exclusion dans laquelle se trouvent des milliers de per-sonnes, afin de mettre au grand jour « ces

pauvres que certains ne veulent plus voir ».Les allées François-Verdier, d’ordinaire ré-servées à la promenade des Toulousains, se transforment en un véritable lieu de vie, condensé de notre société et concentré d’humanité chargé d’émotions distillées, sans retenue aucune, parfois prêt à exploser.

Avec les bénévoles à l’initiative du mouve-ment, une cinquantaine de personnes ap-prennent à gérer leur nouveau quotidien (cuisine, vaisselle, tours de garde, etc.) sou-mis aux difficultés humaines, sanitaires et climatiques. Ils mettent en place des réu-nions pour faire le point sur les avancées et organisent régulièrement des événements (manifestations, concerts, pique-niques, etc.) pour provoquer des rencontres et se faire entendre. Ils s’approprient le lieu, investissent la rue sous une autre forme et personnalisent, chacun à leur manière, leurs tentes.

À travers ce mouvement, des sans domi-cile fixe1 (SDF) se sont exprimés aux yeux de tous. Certains ont essayé, pour un mo-ment, d’y retrouver une raison de vivre, d’autres ont poursuivi leur route. Tous ont pu se sentir utiles et retrouver une part de dignité.

Ils ont rencontré des « bien logés ». Les « bien logés » ont regardé ces naufragés de notre société. Les Enfants de Don Quichotte ont-ils favorisé une prise de conscience ? Pour combien de temps ?

Audrey Guerriniwww. audreyguerrini.com

1 Cette appellation est arrivée dans le langage au milieu des années 1980.

Loi DALOAdoptée le 5 mars 2007, la loi sur le Droit au logement opposable (dite DALO) est mise en œuvre depuis le 2 janvier 2008. Fin octobre, seu-lement 50 600 demandes de logement avaient été déposées au titre du DALO (chiffres minis-tère du Logement) alors que 600 000 ménages rentrent dans les critères de la loi, soit 1 300 000 personnes.Face à une procédure opaque et complexe, aux retards pris par l’administration dans le trai-tement des dossiers, à l’absence des logements néanmoins attribués par la justice à des fa-milles… un collectif national, auquel participent les Enfants de Don Quichotte et une trentaine d’associations, propose depuis le 23 octobre animations et débats sur le DALO dans toute la France, ainsi qu’une aide pour la constitution et le suivi administratif des dossiers.

www.infodalo.fr · www.daltoulouse.org

2 janvier 2007, ToulouseLes Enfants de Don Quichotte plantent leurs tentes aux allées François-Verdier

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À Troll, qui nous a quittés trop tôt

››› Dernière minuteLa réquisition du 42 rue Anatole-France (Toulouse), avec le concours du DAL, a été rendue publique le 03/01/09 (vidéo : http://tvbruits.org/spip.php?article1104).Les occupants de cet immeuble, vide depuis 2004 et occupé depuis le 20/12/08, sont des sans-abri, des jeunes en galère qui ont constitué l’association La Hutte ô Piafs, et des familles sans logis. Ils souhaitent obtenir de la mairie et de la propriétaire la transformation de ce bâtiment, en bon état, en logements sociaux et en lieu d’accueil pour précaires et grands précaires.Quand l’état ne joue plus son rôle et ne fait pas appliquer la loi de réquisition, le mouvement populaire se doit d’agir et de s’y substituer.