allociné et le marché mondialisé de la recommandation

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AlloCiné et le marché mondialisé de la recommandation. Quel positionnement face à ses concurrents ? GASULLA Dimitri mai 2011 Table des matières 1 Introduction 1 2 La recommandation, pourquoi et comment ? 2 2.1 La problématique du choix dans les marchés de la culture .......... 2 2.1.1 La gestion des coûts de recherche, une compétence stratégique ... 2 2.1.2 Les usages de la recommandation ................... 4 2.2 Les méthodes utilisées pour produire des recommandations ......... 5 2.2.1 Les systèmes de recommandations basés sur le contenu ....... 5 2.2.2 Les systèmes de recommandations basés sur le filtrage collaboratif . 6 2.2.3 Conclusion : des systèmes perfectibles aux résultats orientés .... 7 3 Le marché de la recommandation et ses acteurs 7 3.1 Les entreprises qui ont développé une activité dans le marché de la recom- mandation .................................... 7 3.1.1 AlloCiné ................................. 7 3.1.2 Amazon ................................. 8 3.1.3 Jinni ................................... 8 3.1.4 GetGlue ................................. 8 3.1.5 Cinemur ................................. 9 3.2 Analyse du fonctionnement des différents systèmes de recommandation .. 10 3.3 Les stratégies des sociétés présentes sur le marché de la recommandation . 10 4 Conclusion, quelles opportunités pour AlloCiné ? 12 Bibliographie 12 1 Introduction Jinni est une société israélienne qui a conclu un important contrat avec Google, une société américaine. Peut-on pour autant en déduire que c’est un signe de la mondialisa- tion des marchés ? Non. Jinni a dès le départ été pensée comme une entreprise adressant un marché international. Les secteurs des technologies de l’audiovisuelles et d’Internet 1

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Un travail prospectif qui rend compte des opportunités d'Allociné dans le marché des systèmes de recommandation. La première partie s'attache à comprendre l'utilité et le foncionnement des systèmes de recommandation. La seconde partie procède à l'analyse des positionnements et stratégies de différentes entreprises déjà positionnées sur ce marché.

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AlloCiné et le marché mondialisé de larecommandation.

Quel positionnement face à ses concurrents ?

GASULLA Dimitri

mai 2011

Table des matières1 Introduction 1

2 La recommandation, pourquoi et comment ? 22.1 La problématique du choix dans les marchés de la culture . . . . . . . . . . 2

2.1.1 La gestion des coûts de recherche, une compétence stratégique . . . 22.1.2 Les usages de la recommandation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2.2 Les méthodes utilisées pour produire des recommandations . . . . . . . . . 52.2.1 Les systèmes de recommandations basés sur le contenu . . . . . . . 52.2.2 Les systèmes de recommandations basés sur le filtrage collaboratif . 62.2.3 Conclusion : des systèmes perfectibles aux résultats orientés . . . . 7

3 Le marché de la recommandation et ses acteurs 73.1 Les entreprises qui ont développé une activité dans le marché de la recom-

mandation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73.1.1 AlloCiné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73.1.2 Amazon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.1.3 Jinni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.1.4 GetGlue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.1.5 Cinemur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

3.2 Analyse du fonctionnement des différents systèmes de recommandation . . 103.3 Les stratégies des sociétés présentes sur le marché de la recommandation . 10

4 Conclusion, quelles opportunités pour AlloCiné ? 12

Bibliographie 12

1 IntroductionJinni est une société israélienne qui a conclu un important contrat avec Google, une

société américaine. Peut-on pour autant en déduire que c’est un signe de la mondialisa-tion des marchés ? Non. Jinni a dès le départ été pensée comme une entreprise adressantun marché international. Les secteurs des technologies de l’audiovisuelles et d’Internet

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sont mondialisés, le processus est achevé. Cela ne veut pas dire que le marché sur le-quel s’est positionnée Jinni est homogène, bien au contraire. La mondialisation dessineun monde où « indéniablement les écarts entre les sociétés se resserrent mais [où] la dif-férenciation des individus et des styles d’existence au sein même des sociétés s’accroît »[LIPOVETSKY(2010), p. 88]. Mais si les individus ne réagissent pas tous de la mêmefaçon, ils sont de plus en plus soumis à des dynamiques similaires.Dans un même communiqué, AlloCiné a récemment annoncé ses intentions d’augmenterson audience à l’international ainsi que le développement de son propre système de re-commandation pour les films et les contenus télévisuels [GONZALES(10 mars 2011)]. Viacette technologie, AlloCiné apporte une solution particulière à un problème que rencontrela majorité des sociétés occidentales : l’explosion du nombre de contenus audiovisuels ac-cessibles. La société française n’est pas la seule à développer une activité dans ce domaine.D’autres entreprises y sont déjà fortement installées et toutes sont mondialisées. En effet,une des particularités des systèmes de recommandation est qu’ils s’appuient sur une largebase de données de films et de metadonnées associées. Or, il existe deux marchés pour lesbases de données de films : le marché asiatique et le reste du monde (occidental, en premierlieu, mais l’Amérique latine est une région au fort potentiel de croissance et qui n’est doncpas à négliger) [FRENCHWEB(23 mars 2011)]. Ce découpage reflète la typologie de laconsommation des contenus audiovisuels des différents pays. En ce sens, la France est unmarché plus difficile à pénétrer que le Canada ou l’Italie en raison du nombre importantde films qui y sont produits et distribués. AlloCiné compte bien s’appuyer sur cet avantage.Le marché de la recommandation est un marché où les acteurs ont développé des techno-logies diverses. Ces choix déterminent un positionnement particulier sur le marché de larecommandation. D’autres solutions sont envisageables. Des acteurs ont adopté une stra-tégie différente de AlloCiné et ont ainsi mis en place des business model ne reposant pas surles mêmes fondamentaux. Ce sont ces différentes approches du marché de la recomman-dation que nous allons analyser, et cela à l’échelle où il se déploie, c’est-à-dire à l’échellemondiale. Nous avons retenu cinq entreprises pour illustrer le faisceau de positionnementexistant : AlloCiné, Jinni, Amazon, Cinemur et GetGlue. Nous analyserons principalementdans un premier temps les techniques adoptées pour calculer les recommandations. Nousdéterminerons leurs pertinences, leurs facilités d’utilisation et de développement. Puis,nous nous en déduirons les stratégies commerciales mises en place par les différentes so-ciétés, chaque système comportant des points faibles et des points forts correspondant àune vision particulière de la recommandation. Mais avant tout cela, il est nécessaire depréciser à quels besoins répond la recommandation et sur quels principes technologiqueselle s’appuie.

2 La recommandation, pourquoi et comment ?

2.1 La problématique du choix dans les marchés de la culture

2.1.1 La gestion des coûts de recherche, une compétence stratégique

Sur Internet, la surabondance de produits se traduit par une surabondance d’informa-tions qui elle-même s’incarne dans ces pages Web référençant des centaines de produits.Si l’on y est généralement rapidement fixé quant à la disponibilité d’un contenu parti-culier, les recherches aux objectifs moins précis se révèlent peu aisées. Par exemple, souscouvert d’un référencement intelligent, il ne faut que quelques instants pour connaître ladisponibilité du Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. En revanche, si on recherche un film

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avec Nicole Kidman, ou une adaptation d’Arthur Schnitzler ou simplement un drame,comment s’assurer de faire un choix qui corresponde à nos désirs ? Ces deux requêtes,rechercher un film précis et rechercher un film qui est susceptible de nous plaire, peuventêtre catégorisées dans deux types de recherche. La première correspond à la recherche dumeilleur prix, la seconde à la recherche de la qualité [LYNCH et ARIELY(2000)].Les problèmes liés à la recherche du meilleur prix sur Internet et dans un site Internetont été résolus par les premiers acteurs du e-commerce apparus à l’époque du bas-débit.Les consommateurs évaluant les produits selon des attributs particuliers, leur permettred’effectuer des recherches en fonction de ces attributs se révéla être une excellente so-lutions. En sélectionnant certains attributs et en comparant plusieurs produits, les sitesInternet font gagner un temps considérable aux consommateurs. Ils réduisent les coûtsde recherche. Ce système a été étendu à l’ensemble d’Internet et a donné naissance auxcomparateurs de prix. Mais ces solutions sont uniquement adaptées à la vente de pro-duits utilitaires dont les critères d’évaluations sont partagés par tous. Ainsi, 30 % desinternautes trouvent « très facile » de comparer sur Internet les prix des produits électro-ménagers ou des produits high-tech [IFOP(avril 2011)]. La proportion tombe à 10 % pource qui concerne les services d’assurance ou les services financiers. Cette difficulté s’expliquepar le fait que les services concernés offrent majoritairement des prestations complexes etdonc difficilement comparables, mais aussi parce que les offres peuvent être personnalisées.Dès lors, les critères d’évaluations ne sont plus partagés par tous, ce qui rend difficile lescomparaisons objectives. Qui plus est, ici, les consommateurs ne recherchent pas le servicele moins cher mais le meilleur service. Ils recherchent avant tout la qualité.Le secteur culturel est confronté à la même problématique. Tout d’abord, un individurecherche d’abord un produit qui lui plaira. Ensuite, rechercher le meilleur prix n’a quepeu d’intérêt compte tenu que les produits d’un même secteur ont un prix sensiblementidentique. Enfin, la question des critères de jugement est également présente. Sur quelscritères significatifs et objectifs peut-on fonder l’évaluation d’un film ? Le nombre d’ac-teurs ? Le nombre d’entrées réalisées en salle ? L’avis des critiques ? L’âge du réalisateur ?L’évaluation d’un produit culturel repose ainsi nécessairement sur des attributs variésdont l’appréciation est subjective. Plus encore, comment exprimer des jugements préa-lables sur des produits culturels qui sont par nature des biens d’expériences, c’est-à-diredes biens dont on ne connaît la valeur réelle qu’après les avoir consommés ? Le secteurculturel étant le lieu d’un nombre indéterminé d’interprétations personnelles, il échappeà toutes hiérarchies objectives, sans pour autant exclure le choix raisonnable.Les coûts de recherche de la qualité d’un produit culturel sont donc, par nature, plusélevés que pour les produits utilitaires. Lorsqu’on ajoute à cela le fait que le nombre deproduit culturel ne cesse d’augmenter, on en déduit que les coûts de recherche suivent logi-quement la même dynamique. Il est nécessaire de prendre en compte un nombre toujoursplus important de produit avant d’effectuer un choix raisonnable. Certes, l’augmentationde la variété des produits disponibles à l’achat est un bénéfice pour le consommateur[BRYONJOLFSSON et al.(novembre 2003)]. Encore faut-il qu’il puisse correctement na-viguer à travers le flot de références. C’est dorénavant cette problématique qui prime.Il s’agit d’appareiller « une offre très différenciée et une demande qui dispose de moyenspuissants pour s’informer et se former » [GENSOLLEN et al.(2004), p. 10]. Le commerce,dans son ensemble, est en train de passer « d’une logique de diffusion à une logique d’appa-riement (matching) » [Ibid., p. 32] et le secteur de la culture ressent tout particulièrementcette évolution. C’est le constat que dresse le président du CNC Eric Garandeau lorsqu’ildéclare que

« (. . .) dans un monde d’« hyper offre » délinéarisé, la démarche des éditeurs

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de contenus audiovisuels est bousculée par deux usages importés de l’Internet :la recherche et la recommandation (. . .). » [GARANDEAU(28 avril 2011), p.2]

2.1.2 Les usages de la recommandation

À ce jour, on dénombre plus de 5000 films disponibles sur l’ensemble des plates-formesfrançaises (soit un nombre qui a été multiplié par trois au cours des trois dernières années)[HUBAC(décembre 2010), p. 8]. Un nombre de contenus qui est largement plus importantsi l’on y ajoute les séries. Dans son rapport, Sylvie Hubac préconise de mettre en place unsystème de soutien automatique à l’intention des éditeurs de service de VOD. Ce soutiendevrait « moins viser l’enrichissement des catalogues que la mise en valeur des œuvrespar l’éditorialisation et l’innovation technologique. » [Ibid., p. 21]. Cette recommandationvise à améliorer la qualité de ces services. En effet, « on ne peut plus se contenter d’unhypermarché de la VOD où les films sont présentés en vrac ou avec des interfaces trèssommaires à peine plus évoluées qu’un vidéoclub, et où de grands auteurs ne sont mêmepas référencés ! » [GARANDEAU(28 avril 2011), p. 7] Une meilleure gestion des coûts derecherche dans le marché de la VOD permettrait également de prévenir une concentrationdes ventes [BRYONJOLFSSON et al.(novembre 2007)].Une des utilisations des systèmes de recommandation sera de structurer les catalogues deVOD tout en rendant la recherche et l’accès aux contenus plus faciles. Mais du point devue du consommateur, la recommandation est d’abord un processus qui permet de réduirel’effort cognitif nécessaire à la prise de décision [HÄUBL et MURRAY(2003), p. 87]. Il estdistingué deux usages de la recommandation, le premier a pour objectif de réduire lenombre d’alternatives qui doivent être considérées lors du choix d’un produit, le secondvise à réduire le nombre d’attributs que le consommateur doit prendre en compte poureffectuer son choix [DUHAN et al.(1997), p. 283]. L’usage que fera le consommateur dela recommandation dépendra de trois facteurs, ses connaissances préalables de la gammede produits considérée, la croyance dans la pertinence de la recommandation qui lui estproposée, le nombre et la qualité des informations disponibles pour faciliter son choix[FITZSIMONS et LEHMANN(2004)].Dans le cas de la recommandation de films, il nous est possible de relever quelques pointsimportants qui influenceront le succès d’un service :

– Pour qu’un consommateur utilise un système de recommandation, il faut qu’il soitpersuadé de la pertinence des résultats produits ;

– Pour être jugé pertinent, un système de recommandation doit s’adapter au niveaude connaissance de l’utilisateur ;

– Un système de recommandation se base sur des attributs pour produire ses résultats,dès lors quels sont les attributs à privilégier pour les contenus audiovisuels ? Cesattributs sont-ils répartis de manière homogène ?

– Quelles sont les informations pertinentes à fournir au consommateur pour l’aiderdans sa prise de décision ?

La description du fonctionnement des systèmes de recommandation nous permettra decomprendre comment ces différentes problématiques sont traitées et comment est-ce qu’ellesparticipent à la production des résultats.

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2.2 Les méthodes utilisées pour produire des recommandations

Les systèmes de recommandations sont assimilables à des agents fonctionnant pourle compte des consommateurs. L’objectif affiché par ces systèmes est d’augmenter la sa-tisfaction des utilisateurs en facilitant les prises de décision et en les orientant vers lesbons produits. Le résultat espéré par les entreprises qui les mettent en place est une aug-mentation du chiffre d’affaires via une consommation plus importante de produit et unefidélisation des clients dont le taux de satisfaction devient plus élevé.Il est distingué trois formes de recommandation [FELFERING et al.(mai/juin 2007)] :

– Les systèmes de recommandations basés sur le contenu (content-based). Cette formede recommandation proposera au client des produits similaires à ceux qu’il a préférédans le passé.

– Les systèmes de recommandations collaboratifs (collaborative filtering). Cette formede recommandation proposera au client des produits que d’autres clients ayant desgoûts similaires aux siens ont préférés dans le passé.

– Les systèmes de recommandations hybrides, mêlant les deux précédentes.Les différents systèmes de recommandation fonctionnent tous sur une base commune, ladéfinition de l’« utilité » d’un produit. Plus l’utilité d’un produit est grande, plus sa recom-mandation pour un consommateur sera probablement pertinente. La définition de cetteutilité est généralement représentée comme une note que l’utilisateur donne (implicite-ment ou explicitement) au produit. Nous pouvons d’or et déjà remarquer que ce principede base des systèmes de recommandation est problématique lorsque les produits traitéssont des biens culturels. En effet, les différentes méthodes de notation reflètent, dans l’ab-solu, l’utilité d’un produit et non pas sa qualité. Plus encore, l’utilité qu’un utilisateuraccorde à un produit n’est pas homogène dans le temps. Si un consommateur habitué àlouer des films d’art et d’essai veut choisir de regarder un blockbuster, il n’a aucun moyende le signifier aux différents systèmes. Ainsi, les recommandations dont il bénéficiera sebaseront sur son profil d’utilisateur et sur les films qu’il a auparavant loués. Elles ne serontdonc pas pertinentes vis-à-vis de la nouvelle gamme de produit et d’attributs associés quisont nouvellement considérés par le consommateur.

2.2.1 Les systèmes de recommandations basés sur le contenu

La recommandation basée sur le contenu repose sur la capacité du système à extrairedes informations sur les produits traités. Ce système est donc naturellement lié aux ou-tils de l’Information Retrieval (IR) (récupération d’information) qui se définit comme lascience de chercher de l’information et d’identifier les metadatas dans toutes sortes dedocuments [ADOMAVICIUS et TUZHILIN(juin 2005), p. 736].Les méthodes de recommandations basées sur le contenu prédisent l’utilité u(c, s) d’unproduit s que donnera un utilisateur c en se basant sur les utilités u(c, si) que l’utilisateurc a assigné aux produits si ∈ S qui sont similaires au produit s. On voit donc bien quela problématique qui se pose pour ces méthodes est la désignation et la sélection des pro-duits qualifiés de « similaires ». Cette qualification passe par l’extraction d’un ensemblede caractéristique propres aux produits traités sous forme de mots clés. Se pose alors laquestion de la sélection de caractéristiques pertinentes pour les produits considérés. Unmoyen fréquemment mis en place pour améliorer la pertinence des recommandations estl’utilisation des profils des utilisateurs susceptibles de contenir leurs goûts, préférences etbesoins [Ibid., p. 736].Les systèmes de recommandations basés sur le contenu possèdent des limites. Cette formede recommandation fonctionne avec pertinence pour les données textuelles pour lesquelles

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l’extraction de mots clés est aisée. En revanche, l’extraction est beaucoup plus difficile pource qui concerne les contenus audiovisuels. Une autre limite de la recommandation baséesur le contenu est qu’elle ne recommande que des contenus similaires. De ce fait, une per-sonne qui n’aura jamais acheté ou noté un produit relevant d’un champ particulier n’aurapas de recommandation orientée vers ce champ. Une personne qui n’a jamais acheté/notéde comédie n’aura pas de recommandation sur les comédies. Ce problème est qualifié sousle terme d’overspecialization. Enfin, une dernière limite est à ajouter à cette forme derecommandation, sans pour autant lui être spécifique : le problème du nouvel utilisateur(new user problem). La recommandation ne fonctionne que si le système dispose de don-née sur le client, ce qui n’est pas le cas au début de la relation. Dans le cas particulierde la VOD, il faut attendre que le système « monte en charge » avant de recevoir desrecommandations pertinentes.

2.2.2 Les systèmes de recommandations basés sur le filtrage collaboratif

À la différence des systèmes de recommandation basés sur le contenu, les systèmescollaboratifs se basent uniquement sur les notes attribuées par les utilisateurs aux pro-duits. Le principe de fonctionnement de cette méthode est que si deux consommateurs ontnoté de façon similaire un certain nombre de produit, alors ils auront un comportementsimilaire sur la notation d’autres produits [LINDEN et al.(janvier/février 2003)]. Ainsi,l’estimation de l’utilité u(c, s) d’un produit s pour un utilisateur c se base sur les utilitésu(cj, s) assignées au produit s par les utilisateur cj ∈ C qui sont similaires à l’utilisateurc [ADOMAVICIUS et TUZHILIN(juin 2005), p. 737].Deux méthodes sont utilisées pour assurer le fonctionnement de cette forme de système.Les techniques « Memory Based » tout d’abord. Elles prennent en compte un ensemblede notes fournies par un client sur plusieurs produits. Le filtrage est ensuite effectué viala construction d’un voisinage, soit sur les clients, soit sur les produits, en se basant surd’autres ensembles de notes d’autres clients. C’est à partir de ce voisinage qu’il est possiblede prédire la note que donnera un client à un produit. Il est également possible d’utiliserdes techniques dites «Model Based ». À la différence des précédentes techniques, elles ap-prennent à identifier des modèles de profils pour faire des recommandations en utilisant lesprincipes de computer learning ou de data mining [MELVILLE et SINDHWANI(2010)].Dans les deux cas, on remarque que la performance de la recommandation dépendra dela définition des caractéristiques qui seront utilisées pour qualifier des clients comme « si-milaires ».Les systèmes de recommandations basés sur le filtrage collaboratif possèdent eux aussi deslimites. Tout d’abord, ils sont très dépendants de la quantité d’informations disponiblessur le profil utilisateur. Or, cette information est souvent incomplète. Ce problème se re-trouve également au niveau des produits. Ainsi, lorsqu’un produit a été récemment ajoutéà la base, très peu d’utilisateurs l’auront noté ce qui produira soit des recommandationspeu pertinentes, soit une notation faible du produit qui ne sera pas recommandé. Un autreproblème est que ces systèmes demande des ressources de calcul très importantes. En effet,en théorie, le calcul s’effectue en analysant la totalité des produits et la totalité des profilsd’utilisateurs. Cependant, plusieurs techniques ont été développées afin de diminuer lenombre d’utilisateurs ou de produits à partir desquels s’effectuent les calculs.

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2.2.3 Conclusion : des systèmes perfectibles aux résultats orientés

La recommandation basée sur le contenu permet de considérer l’ensemble des produitsd’une base et a l’avantage de gagner en pertinence au fur et à mesure que l’utilisateurnote des produits. Qui plus est, elle s’adapte plus rapidement aux changements de com-portement des utilisateurs. Quant aux systèmes basés sur le filtrage collaboratif, ils ontl’avantage de produire des recommandations plus performantes lors des premiers contactsavec l’utilisateur. Ils sont également plus performants sur les larges gammes de produitsaux attributs fortement différenciés.Ainsi, chaque système possède ces forces et ses faiblesses, l’objectif des systèmes de re-commandation hybrides étant de combiner les deux méthodes afin de réduire l’influencedes différents problèmes sur la qualité de la recommandation. Dans l’absolu, il n’est doncpas possible de désigner un système comme meilleur que l’autre, une méthode commeplus performante qu’une autre. La sélection du système doit s’effectuer en fonction de« la quantité d’informations disponibles à propos de l’ensemble des clients, de la quantitéd’informations disponibles à propos du consommateur, de la quantité d’informations dis-ponible à propos des attributs des produits, de la stabilité de la structure des préférences desconsommateurs et des changements dans le marché adressé. » [ARIELY et al.(2004), p.84] Une autre conclusion s’impose, la quantité de données disponibles influence la qualitéde la recommandation, un des domaines stratégiques des systèmes de recommandationsera donc la capacité à produire, extraire et qualifier des données associées aux utilisateurset aux produits.

3 Le marché de la recommandation et ses acteurs

3.1 Les entreprises qui ont développé une activité dans le marchéde la recommandation

3.1.1 AlloCiné

AlloCiné a été fondée en 1991 par Jean-David Blanc et Patrick Holzman. Mais ce n’estque deux années plus tard que la société lance son activité en direction du public, un serviced’information pour le cinéma par téléphone : le 01 40 30 20 10 [ALLOCINÉ(mai 2011)].AlloCiné monte en puissance sur le Minitel avant de se tourner vers Internet en 1997.La société continue par le site son développement en direction des nouveaux moyens decommunication (téléphones portables) tout en cherchant à ajouter de nouvelles activi-tés commerciales à son cœur de métier qui reste l’information sur le cinéma. En 2003,AlloCiné profite de la mauvaise santé financière de Vivendi Universal pour retrouver sonindépendance. La recherche de nouveaux relais de croissance conduit AlloCiné a conclureun partenariat avec Canalplay [LE JOURNAL DU NET(octobre 2009)]. Ainsi, depuis oc-tobre 2009, le portail spécialisé sur le cinéma donne accès à l’ensemble du catalogueCanalplay, soit, à ce jour, plus de 3 500 films et une soixantaine de série.Récemment, la stratégie d’AlloCiné a pris une tournure pour le moins surprenante. Eneffet, Grégoire Lassalle a annoncé sa volonté d’étendre le champ d’activité de l’entrepriseà la télévision et d’investir dans un système de recommandation qui permettra à Allo-Ciné « de passer dans d’autres sphères » [GONZALES(10 mars 2011)]. Ce dernier points’inscrit dans la volonté de la société de poursuivre son développement à l’international,ainsi, le PDG a pour objectif de faire passer le nombre de visiteurs uniques mensuels à 50millions d’ici deux ans. À ce jour, AlloCiné affirme avoir plus de 25 millions de visiteurs

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mensuels sur l’ensemble de ses sites [ALLOCINÉ(2011)].

3.1.2 Amazon

En mai 1997, Barnes & Noble (le libraire le plus important des États-Unis avec trentemille employés et trois milliards de dollars de chiffre d’affaires) lance son site Internet. Sonconcurrent direct : Amazon (cent vingt-cinq employés et soixante millions de dollars dechiffre d’affaires). On ne donnait alors pas cher de la petite start-up fondée quelques an-nées plus tôt. Pourtant, 14 ans plus tard, Amazon est toujours là. L’entreprise a réussi àtraverser la crise de 2001 et celle de 2008. En 2010, le chiffre d’affaires d’Amazon estpassé à 34 milliards de dollars contre 24 en 2009. Quant aux bénéfices, ils ont aug-menté de 28% par rapport à 2009, passant de 902 millions à 1,15 milliard de dollars[MEDIA AMERICA(11 mai 2011)].Ce succès, l’entreprise le doit aux choix controversés de son fondateur, Jeff Bezos, pourqui l’orientation-client est la meilleure stratégie qui puisse exister pour une entreprise réa-lisant du B-to-C [BEZOS(octobre 2007)]. En effet, le principe d’Amazon est de prendresoin des clients [RIVLIN(10 juillet 2005)] afin qu’ils « puissent trouver et découvrir toutce qu’ils pourraient acheter en ligne »[AMAZON(25 janvier 2000)].Mais, fait surprenant, Amazon a annoncé en février 2011 qu’elle se lançait dans la VOD[KRAMER(22 février 2011)]. Accessible sous forme de streaming aux clients souscrivantà l’option Prime, le service de VOD est illimité et entre directement en compétition aveccelui de Netflix.

3.1.3 Jinni

Jinni a été fondée en 2007 par Yosi Glick et Izik Ben-Zaken. Sa principale activitéest le développement et la vente de technologie de recommandation. En décembre 2009,la société israélienne parvient à boucler une levée de fonds de 1,6 million de Dollars[KEE(15 décembre 2009)]. À cette époque, Jinni avait déjà conclu des marchés avec desfournisseurs de technologie tels que SeaChange International et OpenTV. En mai 2010,alors que Google dévoile son projet GoogleTV, on découvre que Jinni apparaît dans laliste des entreprises avec qui la firme de Mountain View a conclu une alliance stra-tégique [WAUTERS(21 mai 2010)]. En septembre de la même année, c’est au tour del’opérateur de télécommunication belge Belgacom d’investir 2 millions de dollars dansJinni [CIARA(10 septembre 2010)]. Conclu sous la forme d’un partenariat stratégique,l’accord a permis à Belgacom d’adjoindre un système de recommandation à ses servicesde télévision et de VOD. En mai 2011, Jinni achève une seconde levée de fonds com-mencée avec l’investissement de Belgacom et porte la somme à 5 millions de dollars[KASTELEIN(10 mars 2011)]. Jinni fournit aujourd’hui les deux tiers des cablo-opérateursaméricains (d’après ses dires, car la société ne peut pas les nommer) en technologie derecommandation.

3.1.4 GetGlue

L’histoire du développement de GetGlue est pour le moins particulière et reflète bienles principes qui dirige sa stratégie. GetGlue est tout d’abord une société éditée par Adapti-veBlue, entreprise new-yorkaise dont le slogan est « Browse Smarter ». Une des premièresréalisations d’AdaptiveBlue a été BlueOrganizer, une extension pour le navigateur Firefox.Fondamentalement, celle-ci permet aux utilisateurs de surfer au travers d’objets plutôt

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que via des pages Webs [SCHONFELD(12 février 2008)]. Ainsi, lorsque qu’un individu re-gardait la fiche d’un film sur IMDB, l’extension lui proposait une série de liens en rapportavec le film consulté (location sur les principaux sites Internet, vidéos sur YouTube, docu-ments liés sur Google, etc.). L’objectif de cette application était de faciliter la découvertede contenus sur le Web et, surtout, la découverte de contenus pertinents pour l’utilisateur.Basée sur des technologies d’analyses sémantiques (Cf. infra), BlueOrganizer permettaitégalement à ses utilisateurs de « classer » les pages Internet consultées et d’y ajouter desdescriptions, de réécrire le Web selon les mots d’Alex Iskold, le fondateur d’AdaptiveBlue[MACMANUS(23 mai 2007)]. BlueOrganizer a évolué au fil du temps vers une simplicitéd’utilisation toujours plus importante et une plus grande pertinence.En novembre 2009, BlueOrganizer devient GetGlue. Ce changement de nom survient lorsdu lancement d’une nouvelle version de l’extension Firefox. L’interface utilisateur (UI) del’application est également modifiée, il est maintenant possible d’effectuer des checkinsdans des objets. Lorsque je regarde tel film, telle émission de télévision, si je lis tel ou-vrage, que je pense à tel sujet, que je bois tel vin, etc. tous les objets de consommation etles idées peuvent se prêter à un check-in, une notation et une critique via le nouveau sitede GetGlue. Le principe est toujours le même qu’au temps de BlueOrganizer, annoter desobjets. Seulement, au lieu de naviguer sur le Web, l’utilisateur navigue sur le site Internetde GetGlue et peut en sortit par un nombre de liens contextuels associés aux objets. Viacette évolution, AdaptiveBlue est parvenue a faire muter un service à l’intention d’une cibletechnophile à un service grand public [MACMANUS(26 septembre 2010)].Après avoir observé que le cœur d’utilisateurs utilisait principalement GetGlue à propos decontenus audiovisuels, et plus particulièrement ceux diffusés à la télévision, la société s’estdavantage spécialisée sur ce segment. Des partenariats ont été conclus avec les principauxstudios et networks. GetGlue met en avant leurs contenus en échange de stickers que lesutilisateurs peuvent gagner ou des bons de réduction pour les produits dérivés. En avril2011, GetGlue a dépassé le million d’utilisateurs [RAO(13 avril 2011)] et génère plus de12 millions de checkins et de notation par mois [VAN GROVE(3 février 2011)].

3.1.5 Cinemur

Cinemur est édité par MFG Labs. Elle a été créée en 2009 par trois professeurs : Pierre-Louis Lions (Collège de France, Dauphine), Jean-Michel Larsy (Dauphine), Olivier Guéant(Sciences Po) et un entrepreneur : Henri Verdier. Le métier de MFG Labs est le traitementet l’analyse de données. L’évolution actuelle des technologies de l’information et de lacommunication (TIC) entraîne une fragmentation et une spécialisation des marchés. Pourune entreprise, la problématique est de réussir à suivre l’évolution de ces marchés, à s’ypositionner et à en tirer des bénéfices. D’après MFG Labs, une entreprise n’est pas assezréactive et possède une structure trop coûteuse pour s’adapter à ces nouveaux marchés.La solution est alors de favoriser les innovations en dehors de l’entreprise. Pour cela, ilconvient de mettre à disposition des développeurs des données, sous la forme d’une API(Application Programming Interface). L’exemple le plus fameux de cette politique est celuide Twitter qui est ainsi parvenue à accélérer son cycle d’innovation. L’API est égalementenvisagée comme un moyen de créer un lien entre les différentes activités d’une entreprise.MFG Labs propose donc de réaliser ce travail d’analyse et de mise en forme de données. Decette manière, les entreprises n’ont pas à rendre publiques leurs données et peuvent toutde même bénéficier d’un nouveau point de vue sur leur business, de nouvelles solutionsde visualisation et de modélisation de leurs données. Enfin, MFG Labs met l’accent surle fait que l’utilisation des données par les utilisateurs passe par la personnalisation via

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l’utilisation des graphes sociaux.MFG Labs travaille sur des projets pour le compte de BNP-Paribas, Hachette et l’Inserm(établissement public).Maintenant que nous avons bien délimité les domaines d’activités et de compétences desdifférentes entreprises, nous pouvons nous attacher à analyser les systèmes de recomman-dation mis en place et, par la suite, comprendre les stratégies adoptées par ces entreprises.

3.2 Analyse du fonctionnement des différents systèmes de recom-mandation

À la lumière de ces descriptions, nous pouvons distinguer deux principaux domainesstratégiques pour les systèmes de recommandation :

– L’extraction de données. Elle détermine tous les autres aspects du système de re-commandation et influence l’orientation du développement du service auquel la re-commandation est attachée. Un système se basant sur le graph social aura intérêtà encourager ses utilisateurs à partager l’application, un système se basant sur lefiltrage collaboratif aura intérêt à augmenter le nombre d’utilisateurs, etc.

– Le contexte d’utilisation. Jinni et GetGlue ont choisi d’adresser ce problème via leurstechnologies d’analyses sémantiques. Deux directions sont envisageables, la person-nalisation grâce à une quantité de données toujours plus importantes et la flexibilitéd’utilisation et de modification des résultats de recommandation par l’utilisateur.

Chaque système décrit précédemment possède ses avantages et ses inconvénients. La partiesuivante visera à les repérer et à en déduire les stratégies des différentes sociétés.

3.3 Les stratégies des sociétés présentes sur le marché de la re-commandation

Quels sont les avantages dont dispose AlloCiné sur le marché de la recommandation ?À première vue ils sont très faibles. Le système mis en place ne bénéficie d’aucune avan-cée technologique significativs et ses résultats sont loin d’être particulièrement pertinents.En effet, dans ses calculs de recommandation, AlloCiné semble apporter beaucoup d’im-portance au réalisateur, au pays de production et à la date de production. Se faisant, larecommandation produite ne sera jamais mauvaise mais elle ne se distinguera pas nonplus. C’est assurément là que réside la force d’AlloCiné, produire une recommandation quiest susceptible de satisfaire le plus grand nombre de personnes possible. Cette stratégieest cohérente avec le modèle de développement poursuivit par la société dont la réussitedépendant en premier lieu du référencement. Ce faisant, AlloCiné ne vise pas une cibleparticulière, elle essaye simplement de capter le flux de personnes qui recherchent desinformations sur un film ou une série.La stratégie d’Amazon comporte des similarités avec celle d’AlloCiné. En effet, IMDB estl’équivalent américain d’AlloCiné. Mais il demeure une question à laquelle nous ne parve-nons pas à répondre, celle de la potentielle synergie d’Amazon et d’IMDB au niveau de larecommandation. Il nous est à ce jour impossible de savoir si la recommandation produitepar Amazon pour son service de VOD utilise les données d’IMDB. A priori, IMDB poursuitla même stratégie qu’AlloCiné tandis qu’ Amazon se positionne davantage vers la person-nalisation des résultats de la recommandation. Nous sommes alors en mesure de mettreen lumière quelques points concernant le rôle de la recommandation dans la stratégie dugéant du e-commerce américain. Tout d’abord, il faut noter qu’Amazon bénéficie d’un

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avantage durable sur tous les autres acteurs du marché de la recommandation : elle est enrelation avec 130 millions de clients à travers le monde [FABER NOVEL(mai 2011), p. 8].Cela lui permet de bénéficier d’un des systèmes de filtrage collaboratif les plus performantsdu monde. Mais surtout, la société n’a pas besoin d’expliquer le fonctionnement de la re-commandation à l’utilisateur, elle n’a pas non plus besoin de lui prouver sa pertinence.Qui plus est, le service de VOD est destiné aux clients premiums d’Amazon, ceux qui ontune utilisation régulière de l’ensemble des services disponibles. Nous pouvons conclureque l’activité de recommandation de films d’Amazon fait partie du cœur de compétencede la société et qu’elle n’a pas intérêt à être différente de celles proposées pour les autresproduits. Il ne faut donc pas s’attendre à des innovations disruptives de la part d’Amazon,ni à ce que son système de recommandation soit disponible à la vente.Jinni apparaît comme le leader du marché de la recommandation et son système est consi-déré comme étant le plus performant. Son avantage concurrentiel réside dans la technologiequ’elle a su développer. Cette dernière lui permet de répondre efficacement aux problé-matiques de la recommandation des films, mais elle apporte également les bases à undéveloppement vers d’autres types de contenus audiovisuels. Par exemple, ceux qui serontproposés au sein de Google TV. Jinni est sans aucun doute à l’origine d’une nouvelle façonde penser la découverte des films qui influence l’ensemble du secteur. En donnant la possi-bilité à son système de s’adapter au contexte d’utilisation du consommateur, elle modifiela grille des attributs que ce dernier évalue pour choisir un film. Mais pour le moment lesystème reste compliqué à utiliser et ne répond qu’au seul besoin d’une recherche active.Conscient de ce problème, Jinni semble orienter sa stratégie vers l’acquisition d’une plusgrande compétence dans la réalisation d’UI. Une autre solution est pourtant envisageablepour apporter des solutions à cette problématique par le traitement d’un nouveau typede données, les données « sociales ».Cinemur et GetGlue ne s’y sont pas trompées, en agrégeant des données issues des graphsociaux des individus pour créer des recommandations, on arrive forcément à des résultatsdifférents des méthodes de recommandation traditionnelles. Ces deux sociétés sont mieuxpositionnées pour répondre à la problématique d’un recherche passive. Premièrement, ledesign des applications a été pensé pour en faciliter au maximum l’utilisation. Deuxième-ment, les recommandations sont produites en un clic pour Cinemur et dès l’ouverture del’application pour GetGlue. Un autre point important à prendre ne compte est la nature dela recommandation. Puisqu’elle prend en comte des données sociales, il est possible d’endistinguer deux régimes d’utilisation selon la provenance des données. En effet, les « weak-tie sources, which are more likely to have greater expertise, appear to be conductive to theflow of information, whereas strong-tie sources, which have a personal relationship withthe decision maker, are more conductive to the flow of influence. » [DUHAN et al.(1997),p. 284] Nous pouvons donc aisément en conclure que GetGlue apporte de l’information àson utilisateur tandis que Cinemur le met en relation avec des sources d’influences.Si ces deux entreprises occupent un positionnement similaire, elles n’en demeurent pasmoins foncièrement différentes en ce qui concerne les stratégies de développement adop-tées. Cinemur est avant tout une application qui sert à démontrer les capacités de MFGLabs dans le traitement de données et dans la réalisation d’interface innovante. Il semblepeu probable que Cinemur dispose de moyens qui lui permettrait de toucher une largeaudience. D’après nous, cette application est une vitrine grâce à laquelle MFG Labs ven-dra ses compétences à des acteurs de l’audiovisuel et des télécommunication. L’avenir deGetGlue est tout autre. Tout d’abord, la recommandation n’est plus une des principalesorientations de développement de la société américaine. Aujourd’hui GetGlue tente d’aug-menter l’engagement de son audience et de la monétiser. Elle est assurément l’une des

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sociétés les mieux positionnées pour remporter le marché émergeant du multi-tasking liéaux contenus audiovisuels.

4 Conclusion, quelles opportunités pour AlloCiné ?Le marché de la recommandation sur lequel se positionne AlloCiné est loin d’être un

marché mature, mais plusieurs entreprises qui y sont présentes ont déjà pris beaucoupd’avance sur la société française. Néanmoins, AlloCiné peut miser sur le marché françaispour continuer à mettre au point son système 1. Mais à l’heure actuelle et étant donné lesperformances de sa solution, nous ne pensons pas qu’AlloCiné soit en mesure d’affronterle marché international de la recommandation. Sa stratégie se tournera donc davantagevers une offre de services plus large comprenant la fourniture de données ou de contenus.Une autre voie de développement pour AlloCiné réside dans l’amélioration de son systèmede recommandation. En effet, la société dispose d’un formidable écosystème de donnéesqu’elle n’utilise pas encore. L’analyse sémantique permettrait de traiter les nombreuxblogs de critiques hébergés par AlloCiné. Une plus grande personnalisation et flexibilité del’outil de recommandation s’intégrerait parfaitement au sein de l’espace Mon AlloCiné.Selon nous, le système de recommandation d’AlloCiné n’est pas ce qui permettra à lasociété « de passer dans d’autres sphères ». En revanche, c’est un premier pas vers undomaine d’activités qui s’apprête à jouer un rôle plus que déterminant dans l’économiedu cinéma et de l’audiovisuel. En ce sens, cela ne rend que plus visible la volonté d’AlloCinéde ne pas rester un simple site Internet.

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