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Le sel Le sel dans TOUS SES ÉTATS Alimentation et Santé Professeur Tilman B. Drüeke Bernard Moinier VRAI/FAUX sur un aliment trop critiqué

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Le selLe sel

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Alimentation

et SantéAlimentation

et Santé Professeur Tilman B. Drüeke Bernard Moinier

Professeur Tilman B. Drüeke Bernard Moinier

24,90 € www.edpsciences.org

978-2-7598-1706-1

9 782759 817061

Le sel dans TOUS SES ÉTATSVRAI/FAUX sur un aliment trop critiqué

Le sel (chlorure de sodium) compte de nombreuses applications car, à maints égards, c’est une substance minérale indispensable aux êtres vivants. En raison de la place qu’il occupe dans leur alimentation, ni l’homme ni les animaux ne peuvent s’en passer. En effet, il contribue à la fois à la conservation des aliments, à leur sécurité et à leur acceptabilité. Aussi joue-t-il, à ce titre, un rôle irremplaçable dans la plupart des secteurs de l’industrie alimentaire. Il entre dans nombre de préparations culinaires. On en trouve la trace dans les livres de cuisine. Il en faut si peu pour exciter le plaisir gustatif… « De la nourriture nécessaire, il fait une nourriture agréable ».

Les empêcheurs du bien-vivre et tous ceux qui peinent à jouir veulent en interdire l’ajout, boucher les trous de la salière et vouer cette substance à l’exécration. Au gré d’études observationnelles ou interventionnelles choisies à dessein, ils avancent la preuve de son implication dans diverses pathologies ou dysfonctionnements. Bien que leurs conclusions soient fragiles, ils cherchent à promouvoir une politique de restriction sodée à l’échelle de la population générale…

Cet ouvrage se présente en trois parties : tout d’abord, il situe le sel dans son contexte général (ressources, exploitation, économie…) puis aborde les diffé-rentes pathologies liées à une sur- ou sous-consommation du sel chez l’Homme avant de traiter les aspects pratiques du sel (étiquetage, réglementations, recommandations…).

Ce livre intéressera à la fois les lecteurs du domaine médical et nutritionnel ainsi qu’un large public désireux de connaitre, preuves scientifiques à l’appui, ce qu’est la consommation de sel et comment elle peut affecter la santé des hommes.

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Bernard Moinier a été pendant près de 25 ans le secrétaire général de l’European Salt Producers’ Association et le délégué général du Comité des Salines de France.

Le professeur Tilman B. Drüeke est un néphrologue de réputation interna-tionale. Il y a exercé la médecine pendant 40 ans et dirigé un laboratoire de recherche. Il est maintenant directeur de recherche émérite de l’Inserm.

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elProfesseur Tilman B. Drüeke Bernard Moinier

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VRAI/FAUXsur un aliment trop critiqué

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Le selCollection Alimentation et Santé dirigée par le Dr H. Robert

La collection Alimentation et Santé fait le point des connais-sances actuelles sur des aliments utilisés quotidiennement par les consommateurs.

Destinée aux professionnels de la nutrition mais également à un public plus large soucieux de son alimentation, chaque ouvrage présente un aliment dans sa globalité, de son élaboration aux conséquences de sa consommation sur la santé. Sans parti pris et appuyée par des études médicales sérieuses, cette collection per-met également de rétablir certaines contre-vérités ou idées reçues largement diffusées auprès du public.

Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-1706-1

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2016

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Le selSommaireIntroduction ............................................................................................................................ V

1re Partie : Des salins à la salière ............................................. 1

1. Aux origines du sel .................................................................................................................. 2

2. Regards sur le sel dans l’histoire ............................................................................... 5

3. Géographie : l’univers « sel » ...................................................................................... 7

4. Les techniques de production ................................................................................... 12

5. Production ........................................................................................................................................ 28

6. Les principaux débouchés du sel ........................................................................... 34

7. Regards sur le monde actuel ..................................................................................... 47

2e Partie : Sel et santé .................................................................................... 51

1. Composition chimique du sel (chlorure de sodium) .......................... 52

2. Rôles physiologiques du sel (chlorure de sodium) ............................. 53

3. Les perturbations de l’équilibre hydrosodé ................................................... 85

4. Sel, hypertension artérielle et risque cardio-vasculaire .................. 89

5. Le sel dans d’autres pathologies ? ......................................................................... 119

6. Prévention des carences en micronutriments ........................................... 131et de la carie dentaire ........................................................................................................ 131

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3e Partie : Le bon usage du sel alimentaire ... 153

1. Définition de la qualité alimentaire du sel ..................................................... 154(Codex Alimentarius) ........................................................................................................... 154

2. Teneur en sodium/ sel des aliments ...................................................................... 159

3. Étiquetage nutritionnel ........................................................................................................ 169

4. Sels présents sur le marché ........................................................................................... 171

5. Autres sels supplémentés (sel nitrité) ................................................................... 182

6. Substituts du sel ........................................................................................................................... 184

7. Juste ce qu’il faut en cuisine ou à table .......................................................... 186

Conclusion générale ........................................................................................ 191

Contacts utiles .................................................................................................................. 193

Annexe

Réglementation relative au sel ...................................................................................... 195

Bibliographie ....................................................................................................................... 201

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Le selIntroductionle chlorure de sodium est un sel parmi d’autres mais il est tellement familier qu’on l’appelle généralement le sel. Certes, il n’est pas unique mais il est indispensable. Il l’est à la fois pour la survie de l’homme et de nombreuses espèces et pour ses innombrables applications. Les Américains le qualifient de produit aux 14 000 usages. Pour y satisfaire, l’homme recourt à trois tech-niques de production : agricole (marais salants ou salins), minière (gisements de sel gemme) et ignigène (salines).

En raison de son utilité, les Anciens le tiennent pour divin (1, 2). Ils pressentent qu’il est nécessaire à la vie grâce à diverses observations portant sur les animaux. Il faut attendre le xxe siècle pour que, avec l’évolution de la médecine, son rôle important dans les régulations physiologiques et son incidence sur certaines maladies soient analysés de manière approfondie et commencent à être mieux connus. Désormais, l’accent est mis davan-tage sur ses effets potentiellement négatifs que sur son action positive dans les fonctions normales de l’organisme où il est déterminant. La recherche s’oriente plutôt vers son implication dans divers états pathologiques que son importance majeure dans le maintien d’un bon état de santé chez les sujets sains. Peu averti des questions médicales, le public ne retient qu’une approche partielle et simplificatrice du thème « sel et santé ». La perception largement négative du sel est stimulée par des campagnes régulièrement menées par un petit nombre de scientifiques. Il est communément admis que la consommation de sel contribue à la survenue d’une pression artérielle élevée. Le public l’exprime à sa manière : « le sel donne de la tension ».

Tout au long de ce siècle, les chercheurs s’affrontent. Des études plus sophistiquées en matière d’épidémiologie et d’intervention permettent de multiplier les hypothèses. Cependant, les conclusions s’opposent tandis que certains s’obstinent à prendre la partie (sel et pression artérielle) pour le tout (sel et santé publique). À la fin du siècle, l’intervention de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des autorités nationales compétentes rend le débat plus âpre. Des recommandations de restriction sodée généralisée sont émises sur des bases scientifiques incertaines. C’est pourquoi de nombreux experts s’insurgent contre une politisation incompatible avec la sérénité qui devrait faciliter l’application des mesures de prévention de masse.

Leur agacement tient notamment au déni d’un effet global de l’en-semble des nutriments sur la santé ce qui, en matière de nutrition, est

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particulièrement grave. Pourquoi isoler le sodium des autres nutriments, notamment le calcium, le magnésium et le potassium d’autant que ce ne sont pas des nutriments que l’on ingère mais des aliments que l’on mange en combinant satiété et plaisir ?

Par ailleurs, comme le sel a été choisi par l’OMS en tant que vecteur effi-cace pour les micronutriments dont l’ingestion est déficitaire comme l’iode et le fer – d’où risque d’arriération mentale et anémie – ou dont l’apport peut être bénéficiaire comme le fluor – hygiène bucco-dentaire –, les professions de santé relèvent une contradiction entre ce choix et la volonté de réduire les ingesta sodés, c’est-à-dire le sel alimentaire dont disposent les ménages et les industries alimentaires et qui est effectivement absorbé par l’organisme.

Si une mesure doit être prise en faveur de la population générale, c’est la promotion du sel iodé dont l’utilisation doit être ouverte non seulement aux ménages mais encore aux entreprises de l’industrie agro-alimentaire.

Cet ouvrage vise à rappeler des notions parfois oubliées, faire un sort aux contre-vérités et redonner confiance en une substance minérale dont l’orga-nisme se suffit de peu mais dont il a absolument besoin. Il faut être conscient qu’une réduction généralisée des apports sodés risque de se révéler néfaste en termes de santé publique. On ne saurait confondre le cas de certains patients dont la sensibilité au sel est avérée et les standards de la population générale qui doivent être fondés sur une approche globale de la nutrition.

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1. Aux origines du selAux origines du sel, on découvre la mer, « la mer toujours recommencée ». Il faut entendre par là l’élément liquide qui entoure les terres et qu’on réper-torie sous les termes d’océans et de mers, accompagnés d’un qualificatif. Par exemple, océan Atlantique, mer Méditerranée, mer Noire ou mer Rouge. Pour l’essentiel, le sel des océans provient de l’érosion des sols et de la disso-lution des sédiments sous l’action de la pluie et des courants. En pratique, la salinité est mesurée indirectement par la conductivité électrique.

La salinité des océans s’est accrue au fur à mesure de l’évaporation par phases successives au cours des ères géologiques. Elle interpellait les Anciens et pour certains, il importait de comprendre d’où venait le sel. C’est une des préoccupations d’Aristote (3). Pour d’autres, le plus simple était de recourir à la mythologie pour apporter une explication.

1.1. Mythologie

L’importance du sel est patente dès les temps anciens et, partout dans le monde, les hommes en font un des ingrédients de leurs mythes fondateurs au même titre que l’eau et le soleil ; la vie en dépend et les prêtres (ou les poètes) leur associent des dieux porteurs de sens. Le mythe est un renseignement relatif à une connaissance diffuse.

À Babylone, on oppose Apsou et Tiamat qui personnifient l’eau douce et l’eau salée. Au commencement du monde celles-ci sont mêlées dans un tout unique. À cette vision d’une masse d’eau première répond plus prosaï-quement la notion de « soupe primitive » développée par le physicien John Haldane (1892-1964). L’hypothèse suivante a été émise.

Les radiations en ultra-violets (UV) venant du Soleil (la source d’énergie principale) auraient brisé les molécules simples de l’atmosphère initiale et libéré des radicaux très réactifs qui rapidement se combinèrent pour for-mer des molécules plus complexes et plus lourdes. Les éclairs (décharges électriques), ainsi que les volcans, ont fourni une source énergétique addi-tionnelle. Avec la condensation des vapeurs d’eau et la formation, dans la haute atmosphère, de nuages qui retombent en pluie, toutes ces nouvelles molécules ont été précipitées à la surface de la planète, surtout dans les océans. Ces nouvelles molécules sont composées de carbone-hydrogène- oxygène-azote, donc des molécules organiques. C’est à ce bouillon que le sel aurait donné toute sa saveur…

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Hésiode donne d’utiles indications au sujet de la naissance d’Aphrodite. On y apprend que le sel résulte de la cristallisation du sperme d’Ouranos que Cronos a émasculé. Du sexe flottant dans l’eau sourd une blanche écume (aphros) et en elle prend corps la belle déesse. Elle est dite Haligénée, née du sel, et personnifie le pouvoir générateur de cette substance. Ce mythe associe l’appétence que les animaux manifestent pour ses cristaux et les fonctions de copulation, de gestation, de parturition et de lactation. Le sel est associé au culte et aux rites qui s’y rapportent. À l’époque classique, Aphrodite est figurée tenant un petit sac de sel. Lors des aphrodisies très suivies à Corinthe, Athènes et autres lieux, les participants le portent. Actuellement, les légers cristaux de sel qui se forment à la surface d’un cristallisoir sont dénommés en Grèce « aphrina ». Il s’agit de la fleur de sel.

Dans l’énumération des cadeaux que, pour leurs noces, Nérée offre à Pelée, le père d’Achille, et à Téthys, la déesse de la mer, le sel divin est men-tionné par Ptolémée Hephaestion. L’offrande du sel est un signe d’ouverture à la réalité cosmique. Aussi, n’est-ce pas par hasard que la géologie trouve parfois son inspiration dans la mythologie.

1.2. Géologie (quelques rappels)

La Téthys est une mer chaude qui borde un continent unique, la Pangée. Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, on assiste à une extension de la zone aride que caractérisent de nombreux dépôts de sel et de gypse. Ils sont dits « évaporites » puisque leurs dépôts résultent de l’évaporation de l’eau dans laquelle ils sont dissous. À la glaciation survenue à la fin du Carbonifère succède une transgression de l’eustatisme (variation du niveau de la mer). On appelle transgression une avancée des eaux marines par rap-port aux terres. Les transgressions coïncident souvent avec un réchauffement climatique. Les lagunes très peu profondes deviennent des playas, étendues d’eau temporaires où se déposent des évaporites. Au Permien, les conditions sont extrêmes dans ces lagunes. Les gisements de sel d’une considérable puissance qui se trouvent dans le sous-sol (Amérique du Nord, Allemagne, Russie, Afrique du Sud) témoignent d’une évaporation intense. Les énormes dépôts salifères du Zechstein (260-230 millions d’années ou Ma) réagissent aux poussées tectoniques alpines en formant des dômes de sel ou diapirs repérables en Allemagne, en Espagne ou en Roumanie. Lorsqu’une couche de sel très puissante (épaisseur de 500 à 900 m) se trouve enfouie à plus de 2 000 m dans un bassin sédimentaire, le sel qui est extrêmement plastique, a tendance à remonter vers la surface en déformant les terrains subjacents.

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Le deuxième niveau du Trias correspond à une transgression de la mer du Nord qui se traduit par une vaste étendue d’eau salée d’une faible pro-fondeur. Les contours de cette mer germanique diffèrent peu de ceux d’une mer antérieure formée au Permien. Le climat devient très sec et cette mer s’évapore. Se constituent alors les gîtes salifères du Keuper (230-220 Ma) exploités ultérieurement en Allemagne et en Lorraine. Il est à noter que, dans cette région, le sel ne donne nulle part naissance à un dôme de sel.

À l’ère quaternaire, de très grands glaciers se développent à partir d’une calotte dite inlandsis qui s’étend au nord de l’Eurasie, et dans les chaînes de montagne (Pyrénées, Alpes, Apennins, Himalaya). Sous le poids des glaciers (lors des phases de glaciation continentales), les Alpes subissent un affaisse-ment qui est vraisemblablement accentué par une dissolution des évaporites.

Dès l’Antiquité, de nombreux savants et philosophes se sont intéressés au sel. Sa composition chimique n’a été établie qu’en 1807 par Sir Humphry Davy qui obtint de la soude caustique par électrolyse. Les principales caractéristiques du chlorure de sodium (4) sont rappelées au début de la seconde partie.

La salinité des eauxLa salinité des océans est variable dans l’espace. Un litre d’eau de mer

pèse en moyenne 1,028 kg en raison de la présence de sels dissous, du chlorure de sodium essentiellement. Il contient environ 35 g de sel, ce qui représente une salinité de 35. Elle atteint 39 en Méditerranée, 44 dans la mer Rouge, et jusqu’à 275 dans la mer Morte. L’eau de mer contient 96,5 % d’eau et 3,5 % de substances diverses (dont 3,0 % de chlorure de sodium, 0,3 % de sulfate, 0,1 % de magnésium, et divers autres sels à l’état de trace).

En 1978, l’UNESCO a défini une unité de mesure de la concentration des sels dissous dans l’eau : la « practical salinity unit » (psu). Elle correspond à un ratio de conductivité par rapport à une référence. C’est donc une unité sans dimension. La salinité (S) d’un échantillon d’eau est donnée par le rapport K de la conductivité électrique de cet échantillon d’eau de mer à 15 °C et à la pression atmosphérique normale, avec la conductivité d’une solution de chlorure de potassium (KCl) dans laquelle la fraction en masse de KCl est 0,0324356, à la même température et même pression. Si ce rapport K est égal à 1, on dit que la salinité est de 35. L’unité de base, soit un psu, correspond à un gramme de sel par kilogramme d’eau.

La crise de salinité messinienneLa salinité est aussi variable dans le temps. C’est pourquoi il convient

d’évoquer un évènement géologique original correspondant à des épisodes de chasse et de remplissage successifs de la mer Méditerranée qui se sont

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produits à la fin du Miocène, il y a près de 6 Ma. Les phases d’assèchement sont d’origine tectonique, favorisées notamment par la fermeture progres-sive du détroit de Gibraltar. Le rééquilibrage eustatique avec l’Atlantique est perturbé et ralenti. Il en résulte une baisse de son niveau de plus de 1 000 mètres. Cet événement se produit probablement sur plusieurs mil-lénaires. Des arrivées d’eau de mer provenant de l’océan Atlantique ali-mentent les bassins d’évaporation à plusieurs reprises. Il s’ensuit des dépôts massifs d’évaporites visibles sous la forme de diapirs (dômes de sel). La remise en eau se produit au début du Pliocène, c’est-à-dire il y a 5,3 Ma. En moins d’un siècle, les bassins de la Méditerranée se seraient remplis, entraînant une chute du niveau global des océans de l’ordre d’une quinzaine de mètres et une salinité importante aux points de dissolution des diapirs. Une relative-ment récente mobilisation du sel qui est extrêmement plastique, entraîne la formation de ceux-ci, susceptibles d’être attaqués par les eaux souterraines ou de surface au fur et à mesure de leur montée au jour (dissolution du sel et formation d’un cap rock). Il y a quelque 20 000 ans, le niveau de la mer était d’environ 100 m inférieur à ce qu’il est actuellement.

2. Regards sur le seldans l’histoirel’histoire du sel se confond avec la géologie. En fait, le sel n’a pas d’histoire. Mais c’est une pierre blanche dans l’histoire de l’homme. Le sel est impli-qué dans des pratiques cultuelles et des applications variées où il se révèle indispensable depuis des temps immémoriaux (5).

Pline l’Ancien assure que « le sel est indispensable à la vie ». Ses appli-cations pratiques sont, en effet, nombreuses. Dès la Préhistoire, les éleveurs (instruits par les animaux qui le recherchent dans la nature) veillent à en disposer autant que nécessaire car il contribue à la bonne santé des animaux et à la qualité des produits laitiers. La notoriété de la Via Salaria traduit l’importance qu’avaient les salins d’Ostie pour l’alimentation du bétail dans l’arrière- pays. Le sel entre dans le traitement des peaux et, chez les Égyptiens, la momification des corps. Il garantit la palatabilité des aliments (saveur et texture). Par delà les plaisirs de la table, il est à la base de maintes salaisons. En raison de son efficacité pour conserver viande et poisson, leur production connaît un remarquable essor au fur et à mesure que la population augmente

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autour de la Méditerranée. On recourt au sel pour rendre l’eau potable et les vins médiocres plus agréables à boire. La fabrication de produits de beauté ne va pas sans sel (stabilisation des corps gras). Le sel est largement répandu dans la composition des remèdes. Il est employé comme auxiliaire technologique dans le traitement des métaux non-ferreux. Deux hommes ne peuvent se dire amis qu’après avoir consommé bien des boisseaux de sel (6).

La période qui va de la Révolution française à la Première Guerre mon-diale (1914-1918) est fertile en changements qui modifient la physionomie de la profession salinière jusqu’alors tournée presqu’exclusivement vers des activités alimentaires (cuisine, salaisons, pêche, alimentation du bétail). Avec l’ouverture du secteur de la chimie minérale, le sel se révèle être une matière première stratégique pour la production de carbonate de soude qui a déjà plusieurs applications industrielles (savonneries, fabrication du verre, métal-lurgie). On recourt au procédé Leblanc d’abord, au procédé Solvay ensuite (réaction liée à la décomposition du bicarbonate d’ammoniaque et du chlo-rure de sodium). En 1903, la production mondiale atteint 1 776 000 tonnes, dont 276 000 en France. Désormais, le procédé Solvay l’emporte. Dans ce pays, 250 000 tonnes environ sont obtenues suivant ce procédé alors que le procédé Leblanc y est devenu marginal.

Sachant qu’il faut utiliser de 1,6 à 2,1 tonnes de sel pour fabriquer une tonne de carbonate de soude, et compte tenu de l’importance croissante de ses applications, on mesure l’impact que de telles innovations ont sur l’écono-mie du sel, notamment en Lorraine. Sa production y passe de 23 000 tonnes à 158 800 tonnes en moins d’un siècle. L’essor des chemins de fer contribue à un nouvel équilibre du marché qui se développe sur l’axe Rhin-Rhône au détriment des marais salants atlantiques. La perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine à l’issue de la guerre de 1870 (traité de Francfort, 1871) pousse l’administration française à ouvrir « de nouvelles facilités aux concessionnaires des mines et à procurer à l’industrie les ressources dont elle a besoin ». Après extraction, le concessionnaire est libre de disposer du sel à sa guise. On assiste à la multiplication des salines dans les vallées de la Meurthe et du Sânon tandis que les salines de la région annexée entrent dans l’union douanière de l’empire allemand (Zollverein). La surcapacité s’accompagne de rivalités d’où la crise traversée à la fin du xixe siècle.

Au xxe siècle, nombre d’entreprises disparaissent au gré des regroupe-ments. Les économies d’échelle, l’évolution des principaux secteurs-clients et la politique européenne accélèrent le phénomène de concentration à partir des années 1980. La mondialisation déplace les perspectives de croissance vers d’autres continents que l’Europe. Un seul exemple : la Chine produit aujourd’hui près de 80 millions de tonnes de sel…

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Le selDes salins à la salière

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3. Géographie : l’univers « sel »on trouve du sel presque partout dans le monde. La Terre en renferme des réserves considérables. Les réserves de sel dissous dans l’eau des océans, des mers, des lacs et des fleuves salés assurent un potentiel extraordinaire. Le volume de l’eau de mer est estimé à 1 370 millions de km3. À raison d’une concentration moyenne de 30 g/L, cela représente en masse 40 000 millions de millions de tonnes.

3.1. La mémoire du sel

Le sel a investi le langage. Dans nombre de régions du monde, les halo-nymes, c’est-à-dire les toponymes liés aux activités salinières, témoignent d’une intégration culturelle des métiers du sel entreprise de longue date. Le simple examen d’une carte permet d’identifier les régions où les res-sources en sel ont été exploitées et le sont parfois encore. La Seille est une rivière salée. Elle coule dans le Saulnois où Marsal garde le souvenir des anciennes salines. Sur un axe nord-sud, on rencontre Saulnot, Salins, Lons-le-Saulnier. Dans les Pyrénées, Salies-de-Béarn et Salies-du-Salat (au cœur du Comminges) renvoient le même écho de sal, salis, le sel en latin. Moriez viendrait de muria qui désigne la saumure.

On peut faire le même exercice dans d’autres langues ayant la même racine : Salisbury en Angleterre ou Salzburg en Autriche. Dans les pays de langue allemande, la trace du sel est révélée par Hall qui vient du grec ἅλς. Hallstatt est un site éponyme d’une culture florissante grâce au sel au pre-mier âge de fer. Dans les Balkans, Tuzla vient du mot turc « tuz » qui désigne le sel et que l’on retrouve dans Tuz Gölü, le grand lac salé d’Anatolie où le sel forme une croûte facile à exploiter. En russe, le sel se dit соль (sol) et divers sites sont associés à sa production. Par exemple, Solikamsk (littéralement sel de Kama). Melah est commun à l’hébreu et à l’arabe. Kef el melah renvoie à une montagne de sel près de Laghouat (Algérie). Hadjer el melah (Pierre-de-Sel) constitue une halte au débouché du passage que s’est frayé l’oued Melah dans le djebel Sahari, piémont du massif des Ouled Naïl.

Bien des langues du monde sont saupoudrées, sinon saturées de ce sel omniprésent et de mots qui, parfois, se déclinent longuement (salade, sau-cisse, saupiquet, saugrenu)… Un propos salé fait image et se révèle piquant

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au propre comme au figuré. Son auteur est un homme d’esprit que les Espagnols qualifient volontiers de « muy salado ».

3.2. Comportements

La plupart des pays du monde disposent de ressources en sel. Les condi-tions d’exploitation varient en fonction de leur superficie, de leur climat, de leur expansion démographique, de leur développement économique et de leur positionnement sur le marché mondial. Quelques exemples permettent d’apprécier comment ils réagissent à la demande. Celle-ci évolue dans le temps, dynamisée par la révolution industrielle ou inchangée quand la tradi-tion l’emporte sur le progrès… Sur la longue durée, on assiste à de singuliers bonds technologiques comme en témoigne l’évolution de la production de sel au Japon.

L’ouverture du Japon sur le monde se traduit par l’introduction des équipements (triple effet) et des techniques (échange d’ions) permettant de produire en grand du sel ignigène (thermo-compression, évaporation sous vide) (10). Les producteurs développent simultanément des dispositifs de gra-duation (shijoka) permettant de faire appel à une main-d’œuvre moindre. En 1905, un monopole du sel est instauré. En 1971, la production est répartie entre sept sociétés qui ont recours à la membrane échangeuse d’ions pour concentrer la saumure et aux multiples effets pour l’évaporer sous vide. Le Japon fournit un bon exemple de son sens de l’innovation technologique et du réalisme commercial. En 2005, la consommation de sel atteint 9,4 Mt dont 85 % de sel importé par l’industrie chimique à partir des marais salants où elle a investi en Australie et au Mexique.

L’évolution de l’homme est-elle concevable dans l’ignorance du sel ? D’aucuns prétendent que le sel est un poison auquel les peuples primitifs ne sont pas exposés. Ainsi, en irait-il des Yanomami qui vivent dans la forêt amazonienne entre le Brésil et le Venezuela (11). Ces hommes seraient repré-sentatifs d’une « société première », d’une « vie naturelle », bref d’un milieu épargné par l’industrialisation. Ils ne seraient pas exposés aux accidents car-diovasculaires car leur alimentation est pauvre en sel. En effet, ils n’utilisent que celui qu’ils retirent des cendres de certains végétaux. Ils fabriquent un condiment à base de saumure qui témoigne d’une sensibilité minimale à la saveur salée. D’après l’étude Intersalt, leurs ingesta sodés sont inférieurs à 1 g/j pour un indice de masse corporelle de 21 et une pression artérielle de 10-6 cmHg. Toutefois, leur espérance de vie est brève (12). On ne peut donc pas vérifier quels sujets pourraient développer une augmentation de leur pression artérielle avec l’âge…

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Chez d’autres Aborigènes, du sel est produit à la manière des ancêtres (pratiques liées au sacré et au prestige). En Papouasie-Nouvelle-Guinée, divers groupes ethniques exploitent des sources salées à grand labeur dans la région des Hautes-Terres (Irian Jaya) (13). Les indigènes procèdent au trempage des végétaux dans une eau plus ou moins concentrée en sel, recueillie dans un bassin rudimentaire. Là où la salinité est médiocre, les fibres végétales sont brûlées. Avec leurs cendres, ils fabriquent des pains de dimensions modestes. La fréquentation de sources fortement salées donne lieu à l’implantation durable d’un groupe ou à l’organisation par les hommes d’expéditions répé-tées pour obtenir du sel et le conditionner sous forme de pains de plusieurs kilogrammes. Ces indications sommaires ne doivent pas faire oublier que ce processus d’obtention du sel est décliné de maintes manières, chaque groupe ayant ses méthodes et ses habitudes transmises par les Anciens.

La consommation de sel chez ces montagnards est réduite (entre 3 et 4 g/j). Dans les régions plus accessibles, les autorités font la promotion du sel iodé sans que cette mesure entraîne une augmentation des ingesta sodés. En fait, ce sel traditionnel est assez peu consommé, et l’est plutôt comme un médicament. Outre sa valeur curative, il apparaît comme un bien associé à des rites de propitiation et de socialisation (14). L’étude ethno-archéologique de ces populations autonomes et bien adaptées à leur milieu permet de construire un modèle interprétatif ouvrant le champ des possibles au sujet de la quête du sel dans les sociétés néolithiques européennes.

3.3. Techniques et paysages du sel

Les paysages du sel attirent le regard qu’il s’agisse des champs de sel du Japon, des aménagements salicoles du littoral atlantique (de la Normandie au Portugal), des « jardins à sel » de Papouasie, des salines continentales d’Es-pagne, des micro-salins de Gozo (Malte) ou des grands lacs salés (Turquie, États-Unis, Bolivie). Les salines de Maras, près de Cuzco (Pérou) s’opposent par leur aspect au salar d’Uyuni (Bolivie) comme les deux infinis. Ici, l’eau salée qui sourd à flanc de montagne est récupérée et canalisée vers une dentelle d’innombrables bassins où elle s’évapore tandis que le sel cristallise au soleil. La production varie de l’un à l’autre (capacité de 120 à 200 kg/mois). Là, avec une superficie de 10 582 km2, le salar constitue une immense réserve de sel solaire. Elle est estimée à quelque 60 milliards de tonnes. La récolte de sel est de l’ordre de 25 000 tonnes/an.

Plus extraordinaire encore est le lac Assal (Djibouti) (15) qui se trouve dans une vaste dépression à 157 m en dessous du niveau de la mer. C’est un immense dépôt de sel. On distingue une lagune d’une superficie de 54 km2

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où des sels sont en dissolution et une sorte de banquise de sel gemme qui l’entoure (61 km2). Son alimentation est pérenne, assurée par des sources qui jaillissent des failles et des infiltrations d’eau de mer le long des fissures qui sont dues aux mouvements de magma sous l’écorce terrestre (rift).

Aliment nécessaire aux hommes et aux animaux, le sel d’Assal est depuis toujours convoité par les caravaniers qui alimentent les échanges entre la côte et l’arrière-pays éthiopien. Au xxe siècle, de multiples projets voient le jour en vue de l’exploitation industrielle des ressources de cette dépression. Les missions géologiques se succèdent à Djibouti. Le projet est longtemps caressé d’une centrale hydraulique, puis d’une unité géothermique. L’exploitation des ressources salines fait rêver les entrepreneurs. Certaines études privi-légient l’évaporation des saumures saturées plutôt que l’extraction du sel (20 m d’épaisseur moyenne sur 60 km2). La tendance s’inverse en 1998 et les concessionnaires entreprennent bientôt d’exploiter le sel brut. Les exporta-tions représentent 130 000 tonnes en 1999. D’aucuns regrettent cette option prise au détriment de l’exploitation touristique et de son environnement.

La relation « techniques/paysages » mérite qu’on s’y attarde. Y incitent certains ouvrages comme la thèse de géographie de Sarah Réault-Mille sur les marais salants charentais (16). Elle vient à point pour relancer une réflexion engagée en son temps par Charles Esprit Le Terme. Celle-ci devrait permettre de trouver des réponses aux questions que pose la strate salicole (travail régulier du sol, maîtrise des eaux douces et salées, qualité du sel) dans les systèmes de production actuels. Comment le littoral charentais a-t-il été construit et quelle part l’aménagement des marais salants y a-t-il pris ? Les techniques de production du sel par évaporation solaire ont, nonobstant les variations climatiques, des constantes spécifiques et déterminantes en ce qui concerne les relations de l’homme avec le milieu. Comment des modes de production différents (saliculture, aquaculture, ostréiculture, agriculture) ont-ils interprété harmonieusement un même milieu ? La question déborde le cadre de la Charente Maritime. Le moment n’est-il pas venu de faire un sort à l’opposition factice entre « naturel » et « industriel ». Y a-t-il une seule activité humaine qui n’ait jamais porté atteinte à la nature ? On ne peut que donner quitus à la constatation faite par Hocquet (17) à propos des marais salants voisins : « Il faut peu de réflexion pour proclamer que le marais de Guérande est un marais naturel. Il n’est pas de paysage plus construit par l’homme ».

Déjà artificiel lorsqu’il est aménagé, le marais salant l’est encore plus du fait de sa morphologie et de la gestion des eaux qui lui est associée. La poldérisation du littoral est synonyme d’acculturation géographique. Ce que le milieu naturel aurait été ne sera jamais qu’une approximation en regard du temps géologique. Les mesures prises en vue d’une valorisation

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productive répondent à des contraintes que le milieu impose autant que le marché. On ne récolte jamais du sel dans le même marais salant. Le risque est que les activités dont il est le cadre incitent à une « esthétisation » du paysage, autrement dit les fantasmes d’une société urbanisée qui a perdu le sens de la nature.

3.4. Dessalement de l’eau

Dessaler l’eau de mer de manière à la rendre consommable est désormais pratiqué à l’échelle industrielle. Les deux procédés les plus couramment utilisés sont la distillation et l’osmose inverse.

La distillation consiste à évaporer l’eau de mer, soit en utilisant la chaleur des rayons du Soleil, soit en la chauffant dans une chaudière. Seules les molécules d’eau s’échappent, laissant en dépôt les sels dissous et toutes les autres substances contenues dans l’eau de mer. Il suffit alors de condenser la vapeur d’eau ainsi produite pour obtenir de l’eau douce. L’osmose inverse nécessite, quant à elle, de traiter au préalable l’eau de mer en la filtrant et l’épurant afin de la débarrasser des éléments en suspension et des micro- organismes qu’elle contient. Le procédé consiste ensuite à exercer sur cette eau salée une pression suffisante pour la faire passer à travers une membrane semi-perméable. Seules les molécules d’eau traversent la membrane, et on obtient ainsi une eau douce potable.

Des évaporateurs « multiple effet » permettent, comme dans les salines ignigènes, de limiter la dépense énergétique des systèmes précédents en utilisant la chaleur produite lors de la condensation de la vapeur d’eau pour évaporer l’eau de mer.

Si le dessalement n’est pas envisagé à grande échelle en France, il pro-gresse sensiblement dans d’autres pays. Selon l’Association internationale du dessalement (IDA), il y aurait actuellement près de 16 000 usines en activité dans le monde, attestant d’une croissance de plus de 5 % en 2010-2011. Les principaux pays y ayant recours sont les pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), l’Espagne, les États-Unis et la Chine. L’eau ainsi obtenue est destinée à la consommation humaine et aux applications industrielles. Parmi les critiques formulées par leurs détracteurs figurent l’importance des coûts énergétiques et des rejets salins. Toutefois, ceux-ci peuvent être recyclés par la chimie minérale.

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4. Les techniques de productionBien qu’elles comportent des vAriAntes dans l’espace et des aménagements dans le temps, les techniques de production de sel (chlorure de sodium) peuvent être ramenées à trois : une technique agricole (évaporation natu-relle), une technique minière (extraction), une technique ignigène (évapora-tion artificielle). Afin d’éviter une approche par trop réductrice, on se réserve la possibilité d’évoquer quelques cas particuliers pour montrer l’ingéniosité des hommes qui les ont développées. Actuellement, près de 40 % de la pro-duction mondiale de sel est assurée par sa récolte dans les marais salants ou les lacs salés, 26 % par l’exploitation directe (mine sèche) de gisements de sel gemme et 34 % par l’extraction en dissolution.

4.1. Agricole – Marais salants ou salins(évaporation naturelle)

Le sel qui est récolté dans les marais salants ou salins (salinae) provient non seulement de ceux qui sont aménagés sur des littoraux où les conditions climatiques et pédologiques sont favorables mais encore des lacs salés ou des plans d’eau salés construits en vue d’une exploitation naturelle des sources salées. Aussi, l’expression « sel solaire » semble-t-elle parfois plus exacte que « sel de mer ». D’ailleurs, le sel extrait des mers fossiles n’est-il pas aussi d’origine marine ?

Même dans un salin sis au bord de la mer, du sel peut être obtenu à partir d’autres sources que l’eau de la mer. En effet, il peut être, en totalité ou partie, alimenté en saumures continentales. Un saumoduc les y conduit à partir de cavités (sel en dissolution). Des marais salants peuvent également être amé-nagés en bordure d’un lac salé ou d’un chott. Un chott est une étendue d’eau salée, aux rivages changeants, située dans les régions semi-arides (Afrique du Nord). Certains géologues préfèrent le terme de sebkha. Il est alimenté en eau de façon discontinue lors des rares pluies. Il s’y dépose des masses plus ou moins importantes de sels quand ces sites sont l’objet d’une évaporation intense après la chute des pluies et le lessivage des terrains circonvoisins (impluvium). Cette évaporation accumule des sels ou des saumures qui sont parfois exploitables encore que leur utilisation soit compliquée parce que ces sels coexistent dans des proportions variables et que les insolubles peuvent être importants en volume.

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Les salins méditerranéensLa production de sel solaire par évaporation naturelle sous l’action du

soleil et du vent comporte deux phases complémentaires :�� la concentration de l’eau en sel jusqu’à l’obtention d’une saumure saturée. Colas (24) considère que la saturation est effective à partir de 260 g/litre pour l’eau de mer. L’évaporation de l’eau affecte 90 % de son volume ;�� la cristallisation du sel à partir de cette saumure qui perd encore 7 % d’eau ; 3 % subsistent dans les eaux mères.

Pour produire 1 kg de sel, l’évaporation de 37 kg d’eau de mer est nécessaire.

Lorsque l’eau de mer s’évapore dans un salin, divers sels se déposent successivement en fonction de leur degré de saturation, le sel proportion-nellement majeur étant le chlorure de sodium. Le sulfate de sodium (gypse) précipite avant cristallisation du chlorure de sodium. Celle-ci est interrom-pue pour éviter les effets des sels magnésiens : au-delà d’une teneur de 40 g/l, le sel serait amer et déliquescent.

Description d’un salinLes deux phases évoquées précédemment se déroulent comme suit : la

concentration dans les partènements, la cristallisation dans les tables salantes. Des bassins sont aménagés en marge de celles-ci pour constituer des réserves de saumure. On dispose ainsi de saumures permettant d’éviter une baisse de la concentration en cas de pluies, ou d’assurer un début de campagne plus serein en termes de qualité.

Les partènements sont de grands bassins que l’eau de mer parcourt pour arriver aux cristallisoirs à l’état de saumures saturées. Ils sont généralement aménagés en tirant parti des étangs littoraux ou en regroupant d’anciens marais salants (Aigues-Mortes). Ils comportent des digues et sont équipés de martelières (vannes). L’eau est pompée à la mer mais généralement ses mou-vements se font par gravité. Dans le plus vaste des salins de la Méditerranée (Salin-de-Giraud), les partènements représentent une superficie de quelque 10 000 ha.

Les tables salantes ou cristallisoirs sont d’une superficie moindre, encore que, désormais, la surface unitaire dépasse 10 ha en relation avec les moyens mécaniques mis en œuvre pour la récolte. De forme rectangulaire, elles sont séparées par des cairels garnis de planches pour éviter le contact de l’eau avec la terre. Ces tables sont ceinturées de rigoles ; les unes y conduisent la saumure saturée, les autres en évacuent les eaux mères ou les eaux pluviales. Le fond des tables salantes est nivelé et compacté. En effet, le sel doit se

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