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INTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE Alimentation et Précarité Lutter contre l’insécurité alimentaire : L’exemple du Secours Populaire Français en Ile De France Mémoire préparé sous la direction de Mme Wanda CAPELLER Présenté par Déborah MOUGIN Année universitaire 2014-2015

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INTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE

Alimentation et Précarité

Lutter contre l’insécurité alimentaire : L’exemple

du Secours Populaire Français en Ile De France

Mémoire préparé sous la direction de Mme Wanda CAPELLER

Présenté par Déborah MOUGIN

Année universitaire 2014-2015

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Table des matières

Introduction ................................................................................................................................ 2

I) Une sociologie des « mangeurs précaires » ...................................................................... 10

A) Santé et habitudes de consommation des populations précaires ............................... 10

1) Comparaison entre les recommandations PNNS et la consommation effective des

ménages précaires ............................................................................................................. 10

2) L’alimentation et la santé : des données inséparables ............................................... 15

3) Alimentation et lien social ......................................................................................... 17

B) Les foyers en situation d’insécurité alimentaire : de nombreuses variables pour des

profils variés ......................................................................................................................... 22

1) La stabilité du logement : un critère majeur permettant la sécurité alimentaire ........ 22

2) Bénéficiaires ou non-bénéficiaires de l’aide alimentaire : de multiples profils pour

des modalités de gestion différenciées de l’alimentation : ............................................... 29

II) L’aide alimentaire au Secours Populaire : une action emblématique et essentielle difficile à

mettre en place ......................................................................................................................... 34

A. Les ressources de l’association .................................................................................. 34

1) Les fondements du mouvement ................................................................................. 34

2) Les ressources disponibles pour l’exercice de la solidarité ....................................... 39

B. Comment améliorer l’aide alimentaire? Les limites des distributions telles que

proposée aujourd’hui ............................................................................................................ 44

1) L’utopie des orientations générales du SPF en matière d’aide alimentaire ..................... 44

2) Le point de vue des personnes accueillies .................................................................... 49

Conclusion ................................................................................................................................ 53

SOURCES ................................................................................................................................ 55

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 58

Liste des Annexes ..................................................................................................................... 61

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2

Introduction

Dans sa présentation du Plan contre la Pauvreté et pour l’Inclusion Sociale, le

gouvernement a défini le 3 mars 2015 les directions dans lesquelles s’engager : parmi les

propositions, les Actions 40, 41 et 42 s’organisent autour de la lutte contre l’insécurité

alimentaire et le gaspillage. Ainsi, l’action 40 a pour objectif d’ « Améliorer la coordination et

la mise en réseau des acteurs : services de l’État, associations, collectivités locales,

producteurs et fournisseurs de denrées » ; l’action 41 propose d’ « Améliorer le service rendu

aux bénéficiaires de l’aide alimentaire notamment en rendant les lieux plus accessibles » ; et

l’action 42 de « développer des actions de récupération de denrées »1.

Historiquement, la consommation alimentaire en France peut être divisée en quatre

grandes périodes principales2 : jusque dans les années 1780, le pays se trouve en économie de

subsistance, alternant entre pénuries et abondances selon les récoltes ; la denrée de base de

l’alimentation est le blé, moins couteux à produire que les autres. Jusqu’au début du 19ème

siècle, on assiste à une croissance quantitative des aliments disponibles, grâce aux progrès

techniques. La troisième période, de 1880 aux années 1980, se définit par la multiplication des

denrées disponibles, et l’amélioration qualitative de ce qui est consommé. Enfin, la dernière

phase, dans laquelle la France se trouve aujourd’hui, est appelée par Pierre Combris « la

stationnarité structurelle » ; toutes les familles d’aliments y sont consommées, et la

consommation générale se stabilise pour tous les groupes d’aliments. Néanmoins, les facteurs

économiques continuent d’exercer une influence prédominante sur les habitudes alimentaires

de la population.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 a défini ainsi les

objectifs de la politique de l’alimentation « assurer à la population l’accès, dans des

conditions économiquement acceptables par tous à une alimentation sûre, diversifiée, en

quantité suffisante, de bonne qualité gustative et nutritionnelle, produite dans des conditions

durables ».

Or, pour une partie de la population, l’accès à cette alimentation sûre est difficile. En effet,

selon les données de l’INSEE, en 2012, entre 8% et 14% des Français vivent en dessous du

1 Plan pluriannuel contre la pauvreté et l’inclusion sociale, Bilan 2013-2014 et feuille de route 2015-2017, 3

mars 2015

2 Combris, Pierre, 2006, Le poids des contraintes économiques dans les choix alimentaires, conférence à la 46

ème

journée annuelle de nutrition et de diététique

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seuil de pauvreté (les données varient selon le seuil choisi, à 50% ou 60% du revenu médian).

Néanmoins, plus que le taux de pauvreté, le concept de précarité parait plus adapté.

En effet, la précarité est une notion plus complexe, avec de multiples entrées. D’après

Jean-Pierre Poulain et Laurence Tibère, le terme « précarité rend compte de situations de

fragilisations sociales qui se déploient sur un continuum allant de l’intégration à

l’exclusion »3. Les facteurs sont pluriels et multidimensionnels : le fait d’occuper un emploi

est déterminant, mais l’intérêt et la reconnaissance sociale de cet emploi est également pris en

compte, tout comme le fait d’occuper un logement stable, ou l’intégration sociale de

l’individu. L’élément le plus central, d’après Maryse Bresson est « l’incertitude quant à

l’avenir »4. L’auteure s’attache à mettre en évidence les processus de précarisation au sein de

la société. Son approche est la même que celle qui a permis de définir la précarité dans l’avis

adopté par le Conseil économique et social (CES) français en février 1987, sur la base du

rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » présenté par Joseph

Wresinski : « La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de

l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles,

familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte

peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives.

Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence,

qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer des responsabilités

et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible ».

Cette définition a notamment été reprise par l’Organisation des Nations-Unies (ONU), en

particulier dans les travaux de la Commission et du Conseil des Droits de l’Homme sur les

droits de l’Homme et l’extrême pauvreté.

Or, cette précarité mène à l’insécurité alimentaire. La notion d’ « insécurité alimentaire »

s’est construite en opposition à celle de « sécurité alimentaire ». Cette dernière a été définie

pour la première fois en 1974 lors du Sommet Mondial de l’Alimentation, à Rome : « la

capacité en tout temps d’approvisionner le monde en produits de base, pour soutenir la

croissance de la consommation alimentaire, tout en maitrisant les fluctuations et les prix ».

Cependant, cette définition ne prend pas en compte l’individu ni ses particularités.

3 POULAIN, Jean-Pierre et TIBERE, Laurence, Alimentation et Précarité, considérer la pluralité des situations,

in Anthropology of Food, Sept 2008

4 BRESSON, Maryse, Sociologie de la précarité, Paris, Armand Collin, collection Sociologie 128,, 2007

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C’est en 1992 que Kathy L Radimer, propose une définition de l’insécurité alimentaire, après

avoir réalisé une enquête auprès de femmes souffrant, ayant souffert ou ayant peur de souffrir

de la faim5. En cherchant à créer des outils pour mesurer l’insécurité alimentaire des ménages,

dans les pays développés comme dans les pays en développement, K. Radimer permet une

approche plus qualitative de la notion d’insécurité alimentaire (« la disponibilité limité ou

incertaine d’aliments adéquats nutritionnellement et sûrs, ou une capacité limitée ou

incertaine pour acquérir les aliments appropriés par des moyens socialement acceptables »).

Son approche permet une différenciation entre l’insécurité alimentaire quantitative et

l’insécurité alimentaire qualitative, malgré une grande subjectivité (son questionnaire repose

sur le ressenti des personnes interrogées).

Ce nouveau paradigme a inspiré le Sommet de l’Alimentation de 1996, qui a modifié la

définition qu’il avait proposé précédemment (cette deuxième version est toujours d’actualité

aujourd’hui) : « la sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps,

ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre

et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur

permettre de mener une vie saine et active »). L’indicateur le plus souvent utilisé pour

mesurer l’insécurité alimentaire se nomme le « USDA Food Sufficiency Indicator », et se

compose d’une seule question, à laquelle 4 réponses sont possibles :

Parmi les quatre situations suivantes, quelle est celle qui correspond le mieux à la

situation actuelle de votre foyer ?

1) Vous pouvez manger tous les aliments que vous souhaitez

2) Vous avez assez à manger, mais pas tous les aliments que vous souhaiteriez

3) Il vous arrive parfois de ne pas avoir assez à manger

4) Il vous arrive souvent de ne pas avoir assez à manger

Les 3 dernières réponses correspondent à des situations d’insécurité alimentaire ; dans ces

cas, il est possible d’utiliser un second formulaire, comprenant 18 questions, pour affiner

5 RADIMER, K.L., « Understanding hunger ans developing indicators to assess it in women and children »,

Journal of Nutrition Education, 1992

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l’analyse6. La définition retenue de l’insécurité alimentaire par la FAO est « l’impossibilité

ou la peur de ne pas avoir accès à tout moment à une alimentation suffisante, saine et

nutritive ».

Grâce à l’étude INCA 2 (Etude individuelle nationale des consommations alimentaires)7,

il a été possible d’évaluer la prégnance de l’insécurité alimentaire en France, qui s’élève à

12,2% de la population interrogée. Néanmoins certains auteurs pensent que ce pourcentage,

déjà élevé, a été sous-évalué : en effet, certaines personnes ont dû être exclues de l’enquête

(personnes illettrées, ou ne parlant/comprenant pas assez bien le français, …), et ce fait biaise

les résultats8. A titre de comparaison, l’insécurité alimentaire est estimée à 9 ,6% au Canada,

et à 12,6% aux Etats-Unis.

L’existence de l’aide alimentaire découle directement de cette insécurité alimentaire. Les

premières formes de soutien alimentaire remontent à la Grèce Antique : « La plupart du

temps, en cas de crise alimentaire le peuple comptait en fait avant tout sur une solidarité

familiale ou de voisinage, mais plus rarement sur l’aide publique ou privée. Pourtant cette

dernière, plus connue sous le nom d’évergétisme, lequel désigne la générosité manifestée par

des particuliers sous forme de dons (…), en nourriture en particulier, existe bel et bien. »9 .

Alain Clément a montré que les formes de soutien alimentaire ont évolués selon les époques :

(de la charité chrétienne au Moyen-Age au Moyen-Age, jusqu’ au droit à la subsistance

reconnu par l’Etat 18ème

siècle …). Dans la société française contemporaine néanmoins, la

pénurie n’est plus le principal facteur d’insécurité alimentaire ; l’insuffisance en terme

monétaire pour une partie des ménages en est la cause majoritaire10

. La protection sociale

mise en place par l’Etat-Providence ne suffit pas à garantir l’accès à l’alimentation pour tous.

6 10 questions portent sur les raisons de l’insécurité alimentaire, et les questions 11 à 18 s’intéressent plus

particulièrement à la situation des enfants de moins de 17 ans.

7 AFSSA, étude individuelle nationale des consommations alimentaires 2 (INCA 2), 2006-2007, rapport publié

en septembre 2009

8 DARMON N., BOCQUIET A, VIEUX F, CAILLAVET F, « L’insécurité alimentaire pour raisons financières

en France », in Les Travaux de l’observatoire, 2009

9 CLEMENT A, « De l’évergétisme antique aux Restos du coeur : état et associations dans l’histoire du secours

alimentaire », Revue internationale de l'économie sociale : Recma, n° 279, 2001, p. 26-43. URI:

http://id.erudit.org/iderudit/1023752ar

10 DARMON N., BOCQUIET A, VIEUX F, CAILLAVET F, « L’insécurité alimentaire pour raisons financières

en France », in Les Travaux de l’observatoire, 2009

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C’est donc le secteur associatif qui a pris le relai de l’Etat, pour venir en aide aux populations

démunies.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 a donné la

première définition de l’aide alimentaire dans le droit français. Il est donc maintenant précisé

dans le code Rural, Article 230-6 que « L’aide Alimentaire a pour objet la fourniture de

denrées alimentaires aux personnes les plus démunies. Cette aide est apportée tant par l’Union

Européenne que par l’Etat ou toute autre personne morale. ». D’après l’avis 72 du Conseil

National de l’Alimentation du 22 mars 2012, cette aide doit chercher à « répondre à des

situations d’urgence, offrir une alimentation diversifiée, de qualité et en quantité suffisante,

d’inciter la personne démunie à prendre soin d’elle, dans un processus de « renarcissisation »,

éviter le gaspillage en valorisant les invendus et les surproductions de denrées consommables

[et] constituer un outil d’inclusion sociale voire économique »11

.

On distingue plusieurs formes d’aides alimentaires, chacune apportant des réponses et des

problèmes différents. La forme d’aide la plus répandue est la distribution de colis

alimentaires. Il est en général conçu « pour subvenir aux besoins d’une famille pour une ou

deux semaines, et permettre de faire des repas complets »12

; cependant, ce format s’adresse

aux personnes ayant la capacité de transformer les aliments, laissant de côté les individus les

plus exclus. La distribution de repas chauds est la forme la plus connue du grand public,

notamment grâce à la médiatisation des Restos du Cœur. Si les associations proposant ce

dispositif permettent de cibler les personnes ne pouvant pas faire cuire ou conserver les

aliments, d’autres points faibles émergent, comme le manque de convivialité lors de la prise

des repas, au vu du trop grand nombre de personnes concernées13

. On trouve également des

distributions de bons d’achats d’urgence, pour lesquels les associations forment des

partenariats avec des grandes surfaces locales. Le problème majeur de cette configuration est

le sentiment de stigmatisation que les personnes peuvent ressentir lors de leur passage en

caisse. C’est l’exemple de cette femme, bénéficiaire de l’aide alimentaire du Secours

Populaire, croisée en distribution.

11

Conseil National de l’Alimentation, Avis n°72, « Aide Alimentaire et Accès à l’alimentation des populations

démunies en France », adopté à l’unanimité le 22 mars 2012, p11

12 Idem, p45

13 AMINASTI C et TERROLLE D, L’alimentation des sans-abris, entre autonomie et dépendance,

Anthropology of food, sept 2008

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« Avant, j’allais un peu à la croix rouge, mais plus maintenant. Avec leurs

chèques14

, la, chaque fois que je passais en caisse, c’était l’horreur. Si je

prenais un peu de chocolat avec le chèque, j’avais l’impression que la caissière

me jugeait, genre j’aurai du prendre que de la salade. Ici, j’ai moins de choix,

mais en sortant, je fais semblant de sortir d’un supermarché normal, personne

ne sait que je suis venue. » (Femme, bénéficiaire du Secours Populaire de Paris)

Enfin, les épiceries sociales ou solidaires représentent la dernière tournure que peut prendre

l’aide alimentaire. Les personnes accédant à l’épicerie sociale peuvent choisir les produits

qu’elles veulent, mais ne payent que de 10% à 20% du prix total de leur panier. Si cette aide

permet de favoriser l’autonomie alimentaire des bénéficiaires, il est nécessaire de faire

attention à ne pas créer une solidarité à double vitesse, les personnes ne pouvant payer 20%

du prix étant mise à l’écart dès le début (alors que ce sont les personnes sans ressource qui ont

le plus de mal à se nourrir).

En 2012, l’INSEE estimait à 5,4% le taux de bénéficiaires de l’aide alimentaire dans la

population française.

Alors que règne l’abondance, et que nos supermarchés sont pleins, certains foyers sont en

situation d’insécurité alimentaire : environ 12% de la population n’a pas accès en quantité ou

en qualité suffisante à la nourriture.

Les associations d’aide alimentaire, et plus particulièrement le Secours Populaire

Français, représentent-elles un rempart contre l’insécurité alimentaire ?

A partir de ces définitions et de ces premières réflexions, quelques hypothèses peuvent

être dégagées :

1. Depuis la crise financière de 2008 et avec la flexibilité du travail toujours plus

importante, la précarité augmente. Cette précarité entraine des risques de pénuries

alimentaires au sein des foyers, ou menace leur équilibre nutritionnel.

2. Toutes les personnes en insécurité alimentaire ne recourent pas à l’aide alimentaire

(sinon, ce ne serait pas 5,4% mais 12,2% de la population qui seraient bénéficiaires).

3. L’alimentation ne représente pas seulement des calories et un équilibre nutritionnelle ;

elle est également facteur d’intégration et de lien social, multidimensionnelle.

14

La Croix Rouge distribue des « Chèques d’accompagnement personnalisé », permettant d’acheter des produits

en grandes surfaces. Leur utilisation est fléchée (Les chèques ne peuvent servir que pour les fruits et légumes /

l’alimentation générale / les produits d’hygiène, …)

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4. Bien qu’incomplète, l’aide alimentaire peut être un facteur de stabilisation pour les

ménages précaires.

Pour vérifier ces hypothèses et construire l’enquête de terrain, plusieurs points

méthodologiques ont été utilisés. L’enquête de terrain pour ce travail a ainsi été composée de

plusieurs étapes :

1) L’observation participante :

De nombreuses heures ont été passées dans les centres de distribution du Secours

Populaire en Ile-de-France ; ces heures ont permis de parler directement avec les bénévoles,

les responsables de structure et les bénéficiaires de l’aide alimentaire, et d’observer les

comportements de chacun.

2) La réalisation de questionnaires auprès des bénéficiaires, dans le cadre d’une analyse

des besoins des bénéficiaires du Secours Populaire :

Le secours Populaire d’Ile-De-France a décidé de réaliser une grande enquête, visant à

améliorer les denrées proposées lors des distributions. Pour ce faire, 513 questionnaires ont

été réalisés dans 25 structures locales de l’association. Les structures enquêtées ont été tirées

au sort, avec une pondération selon le nombre de bénéficiaires accueillies par cette structure

en 2014. Le nombre de questionnaires réalisés par structure dépendait lui aussi du nombre de

personnes accueillies.

Il est à noter que 169 de ces questionnaires ont été réalisés par l’auteur de travail, mais

que les données chiffrées annoncées dans le document prennent en compte l’intégralité des

questionnaires saisis dans le cadre de l’enquête.

En marge des questionnaires, il a été possible de discuter plus avant avec les bénéficiaires

acceptant de répondre. Ces entretiens informels effectués pendant la passation des

questionnaires permettent un apport plus qualitatif.

3) La participation à des réunions d’information concernant la mise en place d’une

épicerie solidaire à Nanterre :

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L’intérêt de ces réunions réside dans le fait qu’une partie de la population en insécurité

alimentaire ne se rend pas aux distributions ; les réunions d’information organisées par la ville

de Nanterre ont donc permis d’échanger et d’interroger des personnes en insécurité

alimentaire mais non-bénéficiaires de l’aide alimentaire

4) Des entretiens avec des professionnels et des bénévoles travaillant dans des

associations d’aide alimentaire ou travaillant sur la thématique de l’accès à l’alimentation

pour les personnes en situations d’insécurité alimentaire

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de dresser un profil du « mangeur

précaire », afin de déterminer ses spécificités par rapport à la population générale. Pour

mesurer l’impact et l’efficacité de l’aide alimentaire, l’exemple du Secours Populaire Français

et de ses actions en Ile de France seront ensuite étudiés.

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I) Une sociologie des « mangeurs précaires »

Depuis le milieu des années 1990, de plus en plus de chercheurs et de nutritionnistes

s’intéresse au rôle de l’alimentation sous toutes ses dimensions. De nombreuses études

statistiques ont également été menées, permettant de comparer les différences entre la

population générale et les populations précaires.

A) Santé et habitudes de consommation des populations précaires

L’alimentation ne joue pas seulement un rôle dans la survie des individus, elle influence

également de nombreux aspects de leur vie quotidienne. Les différences de mode de

consommation deviennent dès lors un point crucial à étudier.

1) Comparaison entre les recommandations PNNS et la consommation effective des

ménages précaires

Pour pouvoir identifier les habitudes des populations précaires, il est nécessaire d’avoir

des points de comparaison dans la population générale, pour identifier ce qui relève du

panorama nutritionnel français dans son ensemble et ce qui est spécifique aux publics

précaires.

1.1 Panorama du suivi nutritionnel de la population française générale

Lancée en 2001, le PNNS (Programme National Nutrition Santé) est la première politique

publique se focalisant sur l’alimentation. Le Programme, initialement prévu pour 5 ans, a été

reconduit en 2006 puis en 2011. L’objectif de cette politique est de modifier en profondeur les

comportements alimentaires de la population, pour pallier aux carences les plus courantes et

aux maladies chroniques (cholestérol, diabète, …) les plus répandues, repérées par le Haut

Comité de la santé Publique en 200015

. Ce programme emploie le mot « nutrition » ; ce

dernier doit être compris comme englobant trois aspects distincts. Ainsi, le terme « nutrition »

prend en compte les questions relatives à l’alimentation (nutriments, aliments, déterminants

sociaux, culturels, économiques, sensoriels et cognitifs des comportements alimentaires), à

15

Haut comité de la santé publique. Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France. 2000. ENSP.

Avis et Rapports. 275 p.

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11

l’état nutritionnel et à l’activité physique16

. Sans nécessairement connaître l’existence du

PNNS, une grande partie de la population a cependant reçu ces messages et les a intégrés à

leurs modes de vie (« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour » ;

« Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » ; « Pour votre santé, évitez de

manger trop gras, trop sucré, trop salé » …). L’objectif du PNNS est l’instauration et la

compréhension sur le long terme de ce socle de repères nutritionnels quotidien.

Pour mesurer les impacts du PNNS sur la population, et évaluer la répercussion de ce

programme sur les consommations alimentaires, plusieurs études ont été réalisées auprès de la

population française. L’ENNS (Etude Nationale Nutrition Santé, 2006)17

est une enquête

permettant de mesurer l’état nutritionnel de la population générale ; elle a été créée

concomitamment au PNNS, pour mesurer l’impact des campagnes de sensibilisation sur les

individus (3115 adultes et 1675 enfants tirés au sort aléatoirement en France métropolitaine).

Une seconde enquête nationale, INCA 2 (Etude individuelle nationale des

consommations alimentaires 2 )18

a été réalisée sur la même période (2006-2007), abordant le

thème des consommations alimentaires et des apports nutritionnels ; l’intérêt de cette étude est

liée à la réalisation d’INCA1 sur la période 1999-2000, qui permet de réaliser des

comparaisons et de montrer les évolutions relatives à la nutrition (2624 adultes et 1455

enfants, avec un cahier de consommation sur une semaine, permettant d’obtenir des

informations sur 118 823 repas et prises alimentaires). Enfin, les baromètres « Nutrition Santé

» organisent depuis 1992 le suivi des comportements, des connaissances et des perceptions en

matière d’alimentation et d’activité physique de la population. A ce titre, le « Baromètre

Nutrition Santé 2008 » 19

est particulièrement intéressant car il représente l’étude la plus

récente en ce qui concerne les évolutions des connaissances nutritionnelles des Français.

Les données recueillies par ces études permettent de mettre en évidence certaines

évolutions depuis 2001, date de lancement du premier programme PNNS.

16

Site internet du PNNS : http://www.mangerbouger.fr/pnns/le-pnns-c-est-quoi.html

17 Étude nationale nutrition santé ENNS, 2006, Situation nutritionnelle en France en 2006 selon les indicateurs

d’objectif et les repères du Programme national nutrition santé (PNNS)

18 AFSSA, étude individuelle nationale des consommations alimentaires 2 (INCA 2), 2006-2007, rapport publié

en septembre 2009

19 Escalon H., Bossard C., Beck F. dir. Baromètre santé nutrition 2008. Saint-Denis, coll. Baromètres santé, 2009

: 424 p.

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12

Ainsi, 43% des adultes consomment des fruits au moins 5 fois par jour ; néanmoins,

l’ENNS montre que la consommation des fruits et légumes augmentent avec l’âge (seulement

20% des 18-29 ans, contre 65% des 55-74 ans).Le pain, les céréales, les pommes de terre et

les légumes secs doivent être pris « à chaque repas selon l’appétit » selon le PNNS : la moitié

des adultes suivent cette recommandation ; cependant, ici, ce n’est pas l’âge mais le sexe qui

détermine la prise en quantité suffisante ou non de cette famille d’aliments (60% des hommes

et 38% des femmes suivent le repère). Les viandes, les produits de la pêche et les œufs

doivent être consommés une à deux fois par jour (avec un minimum de deux fois par semaine

pour le poisson) ; ce repère est suivi par plus de la moitié de la population, mais on remarque

que 30% des hommes le dépasse en ce qui concerne la consommation de viande.

Concernant la consommation des 3 produits laitiers par jour, seuls 29% des adultes

suivent les recommandations édictées par le Ministère de la Santé. Les séniors et les enfants

sont plus proches des repères. On remarque également une baisse de la consommation

d’alcool (de 27% pour les femmes et 9% pour les hommes) entre 1998 et 2006.

Enfin, le Baromètre Santé Nutrition 2008 nous a permis d’observer une augmentation

des connaissances nutritionnelles globales, testées grâce à une série de questions

« VRAI/FAUX ». En connaissant les repères journaliers, les individus ont deux fois plus de

chances de suivre les recommandations concernant leur état nutritionnel.

1.2 Comparaison population générale / populations précaires

Néanmoins ces études pointent aussi des différences de consommation selon des facteurs

économiques ou selon les diplômes.

Ainsi, en réalisant la synthèse des travaux liés à l’évolution de la compréhension des

messages diffusés dans le cadre du PNNS, Katia Castetbon a souligné le fait que «trois

campagnes sur cinq auraient concerné davantage les plus favorisés »20

. Ces campagnes

touchent en effet les personnes qui sont déjà sensibilisées au lien entre alimentation et santé ;

de même, « bien que les ouvriers soient deux fois plus nombreux à trouver des informations

20

Castetbon K, Lafay L, Volatierb JL, Escalonc H, Delamaire C, Chauliac M, Ledéserte B et Hercberg S, Le

Programme National Nutrition Santé (PNNS) : bilan des études et résultats observés, in Cahiers de nutrition et

diététique 46, 2011, pp 11-25

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nouvelles dans les messages sanitaires du type PNNS, ils sont aussi deux fois et demi plus

nombreux à les trouver culpabilisants, et cinq fois plus à les trouver anxiogènes. »21

Cette culpabilité à la suite des messages du PNNS s’est retrouvée lors de la réalisation

des questionnaires en centre de distribution. Une bénéficiaire a ainsi répondu que ses enfants

consommaient des fruits frais 2 fois par semaine ; elle a aussitôt ajouté spontanément :

« On sait bien qu’on devrait en manger plus, mais on n’a pas les moyens,

avec 5 enfants. On sait bien que c’est bon pour la santé, mais à part faire les fins

de marchés … Je connais tout le monde dans mon quartier, j’ai fait la fin du

marché une fois, et le lendemain, les enfants se sont fait insulter à l’école …

Alors tant pis pour les 5 fruits, on mange des haricots verts et des petits pois,

c’est déjà bien. » (Femme, 43 ans, bénéficiaire du Secours Populaire, centre de

distribution de Paris).

Les populations précaires ont donc connaissance des repères, mais ne pouvant pas les

atteindre pour des raisons financières, ressentent l’obligation de se justifier.

« Mais à quoi il sert, Madame, votre questionnaire ? Du poisson, on nous

dit d’en manger deux fois par semaine ; moi, je voudrai en manger tous les

jours, mais c’est cher, beaucoup trop cher ! Et ici, on me donne que du poisson

pané, je n’aime pas ça … Que voulez-vous que je vous dise ? Oui, je mange du

poisson, seulement une fois par mois, et qu’est-ce que vous allez y changer ? »

(Femme, retraitée, bénéficiaire du Secours Populaire, centre de distribution de

Champigny).

Des écarts de consommation sur certains produits sont notables. C’est notamment le

cas pour la consommation de produits tels que les fruits, les légumes et le poisson. La part des

fruits et légumes dans l’alimentation augmente proportionnellement au niveau de revenu22

.

21

Patrick Etiévant, France Bellisle, Jean Dallongeville, Fabrice Etilé, Elisabeth Guichard, Martine Padilla et

Monique Romon-Rousseaux, Les comportements alimentaires. Quels en sont les déterminants ? Quelles actions

pour quels effets ? Synthèse du rapport d’expertise, Expertise scientifique collective INRA, Juin 2010, p47

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(Source : Etabli par l’auteur : Graphique réalisé à partir de l’enquête ENNS, de l’enquête ABENA, et

des données récoltées lors de l’enquête de terrain pour le projet SPF-IDF/DRIAAF )

A partir de l’étude SPF-IDF/DRIAAF, il a été possible de créer ce graphique, qui permet

une comparaison des fréquences de consommation de la population générale (ENNS), de la

population se rendant en structure d’aide alimentaire (ABENA), et de la population accueillie

dans les Secours Populaire d’Ile De France. Les résultats ABENA et les résultats DRIAAF

suivent la même répartition : les bénéficiaires de l’aide alimentaire sont généralement des

petits consommateurs de fruits et légumes (moins de 3,5 portions par jour – 80% selon

ABENA, 71% selon notre enquête), et les bénéficiaires suivant les repères du PNNS sont

sous-représentés lorsque l’on compare aux données ENNS (46% de la population générale

22

DARMON N., BOCQUIET A, VIEUX F, CAILLAVET F, « L’insécurité alimentaire pour raisons financières

en France », in Les Travaux de l’observatoire, 2009

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suit les recommandations, contre 7% des bénéficiaires ABENA et 13,5% des bénéficiaires du

Secours Populaire en Ile de France).

2) L’alimentation et la santé : des données inséparables

Les écarts de consommation mentionnés entrainent des conséquences sur la santé des

personnes en situation d’insécurité alimentaire.

2.1 Les maladies chroniques

D’après l’étude ABENA, un quart des bénéficiaires de l’aide alimentaire interrogés ont

déclarés avoir renoncé à des soins médicaux au cours de l’année écoulée, majoritairement

pour des raisons financières23

. Les inégalités sociales en matière de santé se creusent entre les

différents groupes sociaux, et ce constat est d’autant plus paradoxal que l’offre de soins et le

développement de la prise en charge des patients croit de façon régulière.

Plusieurs facteurs explicatifs ont été mis en lumière pour expliquer ces disparités, malgré

l’instauration de la Couverture Maladie Universelle (CMU) en 2000. Ainsi, on repère des

« problèmes de concrétisations des droits à la protection sociale »24

. Cette concrétisation est

ainsi difficile pour les étrangers bénéficiant de l’Aide Médicale d’Etat, mais également pour

une partie de la population ne connaissant pas les démarches administratives à accomplir pour

pouvoir bénéficier de l’intégralité de leur droit à l’accès à la santé.

Ces inégalités de santé sont mises en évidence par les chiffres et les statistiques.

D’après l’étude ENNS sur la population générale, 31% des adultes présentent une

hypertension artérielle. A partir de la même méthodologie, l’étude ABENA a montré que

42,9% des bénéficiaires de l’aide alimentaire présentaient de l’hypertension artérielle. En

continuant à comparer ces deux études, on remarque également que 15,7% de la population

générale suit un traitement hypotenseur lorsque la maladie est avérée, contre à peine 5% des

bénéficiaires de l’aide alimentaire.

23

GRANGE D, CASTETBON K, GUIBERT G, VERNAY M, ESCALON H, DELANNOY A, FERON V,

VINCELET C, Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire, Etude ABENA 2 2011-

2012 et évolutions depuis 2004-2005, mars 2013, p53

24 PARIZOT A, CHAUVIN P, Quel accès aux soins pour les plus démunis, in La Santé, un enjeu de société,

éditions Sciences Humaines, 2010, p179

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De même, les problèmes d’anémie ont été repérés chez 4,5% des Françaises, alors que

9,9% des femmes se rendant en distributions alimentaires étaient concernées.

L’hyperglycémie (marqueur du diabète) suit la même variation que l’anémie, à savoir qu’elle

est deux fois plus présente dans les populations défavorisées que dans la population générale

(4,5% contre 8,8%).

Néanmoins, les contraintes paraissent peser plus fortement sur les populations déjà

fragilisées : se nourrir correctement est un défi lorsque les moyens sont limités, les interdits

du médecin posent alors une contrainte supplémentaire.

« Je vous ai déjà dit que j’avais du diabète, pourquoi me demandez-vous

si je mets du sucre dans mon café ? Déjà qu’arrêter de prendre mon carré de

chocolat la soir c’est dur, vous n’allez pas arrêter de me le rappeler ! Je ne

mange plus ce que je veux ! » (Femme, bénéficiaire du Secours Populaire,

centre de distribution de Melun)

Enfin, les deux études s’intéressent également à la perception qu’ont les individus de leur

état de santé. Une question à 5 modalités a ainsi été posée à la population générale, puis aux

bénéficiaires interrogés par l’équipe d’ABENA (« Comment percevez-vous votre état de

santé ? Très bon / bon / moyen / mauvais / très mauvais ») : 50,6% des hommes et 59,3% des

femmes bénéficiaires ont indiqué ne pas se percevoir en bonne santé (modalités « moyen »,

« mauvais » et « très mauvais »), alors que cette part tombe à 30% des hommes et 34% des

femmes dans la population générale.

2.2 Précarité et obésité :

Dans la population générale, près de 49% des adultes sont classés en surpoids ou obèse,

selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé (c’est-à-dire avec un Indice de

Masse Corporelle supérieur ou égal à 25). Néanmoins, le lien entre précarité et obésité semble

se dessiner au fur et à mesure des études menées. Ainsi, d’après le rapport de l’ONPES de

2001 : « L’augmentation générale de l’obésité infantile, prédictive de l’obésité adulte, est

significativement plus importante parmi les enfants scolarisés en Zep. 17,3 % de ceux-ci

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présentent une surcharge pondérale contre 13,3 % hors Zep.»25

. Depuis 15 ans, l’enquête

nationale ObÉpi analyse tous les trois ans la prévalence du surpoids et de l’obésité en France.

Cette enquête a montré que « la prévalence de l’obésité augmente avec l’appréciation des

difficultés financières. Le taux d’obésité est en-dessous de la moyenne nationale chez les

individus se déclarant « à l’aise », et passe à 30% chez les individus disant « ne pas y arriver

sans faire de dettes ». »26

Comme mentionné précédemment, la consommation de sucres est plus développée chez

les personnes précaires. Or, le facteur prix n’est pas l’unique cause de ce mode de

consommation. En effet, lorsque l’environnement est défavorable, les corps gras, salés ou

sucrés sont privilégiés, tant pour l’apport calorique que pour le côté « valorisant » de celui qui

les offre.

« A quelle fréquence consommez-vous des pizzas, des crêpes, des tartes salées ?

- Si c’était seulement pour moi, je n’en mangerai jamais, ce n’est pas bon pour la ligne

(rires). Mais pour les enfants, j’en fais deux, trois fois par semaine. Ils rentrent de l’école, ils

ont faim, je leur fais plaisir comme ça ! Et comme je ne peux pas vraiment leur donner autre

chose … » (Femme, bénéficiaire du Secours Populaire, centre de distribution de Paris)

Néanmoins, concernant le problème du surpoids, Gabriel Tavoularis montre que « le

modèle alimentaire français est un rempart contre l’obésité ».27

3) Alimentation et lien social

Les différences de consommation n’entrainent pas seulement des problèmes physiques.

La prise de repas est un fait social structurant, présent dans plusieurs dimensions de la vie

sociale (commensalité des repas, présence du religieux par les interdits alimentaires, …). Des

25

Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, Rapport 2001-2002, p66

26 6ème édition de l’enquête nationale ObÉpi-Roche, Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et

l'obésité ; enquête réalisée par INSERM / KANTAR HEALTH / ROCHE. Réalisée de janvier à mars 2012.

27 TAVOULARIS G et MATHÉ T, Le modèle alimentaire français contribue à limiter le risque d’obésité,

CREDOC, Consommation et modes de vie centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de

vie N° 232, Septembre 2010

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difficultés à s’alimenter entrainent des effets sur l’ensemble des liens sociaux des personnes

dans cette situation.

3.1 : Des pratiques alimentaires spécifiques

Jean-Pierre Poulain définit la notion de « modèle alimentaire » comme « des ensembles

sociotechniques et symboliques qui articulent un groupe humain à son milieu, fondent son

identité et assurent la mise en place de processus de différenciation sociale interne. Ils sont un

corps de connaissances technologiques, accumulées de génération en génération, permettant

de sélectionner des ressources dans un espace naturel, de les préparer pour en faire des

aliments, puis des plats, et de les consommer. Mais ils sont en même temps des systèmes de

codes symboliques qui mettent en scène les valeurs d’un groupe humain participant à la

construction des identités culturelles et aux processus de personnalisation.»28

. Le modèle

alimentaire français actuel repose ainsi sur plusieurs concept : les trois repas par jour (hors

gouter), pris en commun, et à trois services, composés d’une entrée d’un plat et d’un dessert.

Les repas sont aussi traditionnellement une manière de transmettre son savoir d’une

génération à l’autre, et le goût des aliments est l’un des points essentiels en France.

On constate ainsi certaines tendances chez les populations en situation de précarité. Par

exemple, les repas sont simplifiés. L’étude « Alimentation hors-repas et corpulence » a

démontré que 42% du public précaire ou en précarisation simplifiait les normes du repas de

midi (c’est-à-dire que le repas ne se compose que d’un plat unique, ou d’un plat suivi d’un

item), contre 32% de la population générale29

. De plus, la prise des repas se fait de façon plus

régulière devant la télévision (à l’exception du repas du soir, pour lequel les écarts se

réduisent).

On peut également remarqué que 63% des foyers les plus démunis prennent leurs repas

en commun, contre 85% des foyers des déciles supérieurs30

. Ce pourcentage s’explique d’une

28 Poulain JP, Manger Aujourd’hui, Attitudes, normes et pratiques, Ed. Privat. Paris. 2002, p25

29 POULAIN JP et TIBERE L, Alimentation et Précarité, considérer la pluralité des situations, in Anthropology

of Food, Sept 2008

30 Atallah B, Zouini N, Atallah A, Mulot S, Siarras S, Kancel M, et al. Précarité, solitude et déprime: trois

facteurs d’obésité chez la femme guadeloupéenne. Alimentation, Société & Précarité 2006

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part par les tensions présentes dans les foyers, et d’autre part par le temps social qui prend

d’autres formes dans les milieux défavorisés.

« - Et votre fils, il mange plusieurs yaourts dans la journée ?

- Je ne peux pas vraiment vous répondre … Le midi, je sais qu’il aime bien en prendre

un de temps en temps, mais le soir, je ne sais pas. Je fais des ménages dans des

entreprises, je commence à travailler à 18h, et quand je rentre, il a déjà mangé et il est

devant la télé. Je suppose qu’il aime ça, mais savoir s’il n’en prend qu’une fois ou si

c’est deux fois par jour, je ne peux pas savoir ! » (Femme, bénéficiaire du Secours

Populaire, centre de distribution de Paris)

Parmi les habitudes divergentes, on retrouve également le manque d’envie de cuisiner.

Que ce soit pour des raisons d’horaires à l’instar de ce qui a été dit dans le témoignage

précédent, par la perte de rythme quotidien (si l’enfant mange ou non à la cantine par

exemple), ou par l’absence « de compétences pratiques pour cuisiner »31

(absence de

transmission des savoirs dans les familles issues de l’immigration), les familles, et notamment

les mères de famille ont des difficultés à faire la cuisine pour l’ensemble de son foyer, et

préfère donc se tourner vers des plats déjà préparés, des sandwich, … « Le fait d’« avoir du

temps » ne constitue pas une motivation »32

.

Les repas pris à l’extérieur sont, de même, un « marqueur des inégalités de

consommation »33

. La part de ce poste représente 30% des dépenses alimentaires des deux

déciles les plus favorisés, ce qui est plus du double de ce qui peut être observé dans les deux

déciles les plus pauvres. Ces écarts sont également visibles, même si dans des proportions

moindres, lorsque les statistiques sont réalisées avec comme modalité le niveau d’étude ou les

catégories socio-professionnelles.

31

POISSON D « L’alimentation des populations modestes et défavorisées. Etat des lieux dans un contexte de

pouvoir d’achat difficile ». www.lemangeur-ocha.com . Mise en ligne : 19 novembre 2008

32 DELESTRE F., MEYER K. Pauvreté, désintérêt nutritionnel et obésité. Médecine et nutrition, 2001, vol. 37,

No 6, pp. 267-281

33 CAVAILLET F, LECOGNE C, NICHELE V, « La consommation alimentaire : des inégalités persistantes

mais qui se réduisent », INSEE, Dossier La consommation alimentaire,2009

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3.2 : Le rôle de l’alimentation dans les interactions sociales

Lors de la passation des questionnaires, il était régulier que les familles en situation

d’insécurité alimentaire mentionnent le fait que les enfants « passaient en premier ».

« Et votre fils qui mange à la cantine, est-ce qu’il consomme des pâtes à la même

fréquence ?

- Oui.

- On ne prend en compte que les repas qui sont pris à l’intérieur de votre

maison, donc normalement, les fréquences doivent être plus basses …

- Quand il est à l’école, je ne mange pas, ou alors, juste un morceau de pain que

je trempe dans le café ; sinon, il a plus rien quand il rentre. Alors oui, les fréquences

sont les mêmes, quand il n’est pas là, je me prive » (Femme, bénéficiaire du Secours

Populaire, centre de distribution de Paris)

Le rapport d’ATD Quart-Monde le transcrit ainsi : « Ils ont alors l’impression d’être

responsables de cette situation et de ne pas remplir leur rôle et cette souffrance morale peut se

traduire en agressivité.»34

Cette dimension renvoie au rôle nourricier des parents, que

certaines familles ont du mal à remplir. L’alimentation n’est dès lors plus seulement un

moyen de survie, elle recouvre d’autres dimensions, à la fois religieuses (par les interdits), ou

sociales.

L’un des problèmes rencontrés par les populations défavorisées est le fait de ne pas

pouvoir recevoir d’invités chez eux. Ainsi, les « ménages dont les moyens financiers ne leur

permettent pas de recevoir des amis ou des parents, pour boire un verre ou pour un repas »

représentent 9% des ménages dans la population générale, mais touche 20% des ménages du

premier quartile35

.

34

Ramel M, Boissonnat H, Sibue de Caigny C, Zimmer MF, SE NOURRIR LORSQU’ON EST PAUVRE,

Analyse et ressenti de personnes en situation de précarité, Rapport du Mouvement ATD Quart-Monde, Mars

2014

35 B. Seys, J.-M. Hourriez J.-P. Hays, S. Dumartin, Indicateurs avancés de pauvreté à partir des enquêtes

permanentes sur les conditions de vie, INSEE, Série des Documents de Travail de la DIRECTION DES

STATISTIQUES DEMOGRAPHIQUES ET SOCIALES Département des prix à la consommation, des

ressources et des conditions de vie des ménages, 2001

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Les populations d’origine étrangère se trouvent confrontés à un autre problème, celui de

l’appropriation des modes de consommation français.

« Et pour les légumes frais, quelle est votre source d’approvisionnement principale ?

- J’en prends un peu ici, mais bon … Non, c’est plutôt de l’achat, pour les tomates et le

manioc.

- Vous n’en prenez pas beaucoup en distribution ?

- Le problème, c’est que … Regardez, aujourd’hui, j’ai pris ça. On m’a dit que c’était

des endives. C’est bien, c’est joli, c’est vert. Mais ça se mange comme de la salade, ou

comme des épinards ? Je n’ai jamais vu ça avant ! Si je veux faire des bons plats avec

des légumes, il faut que je connaisse le légume ! Donc j’achète sur les marchés. »

(Femme, bénéficiaire du Secours Populaire, centre de distribution de Boulogne

[entretien en anglais])

On retrouve également l’importance de consommer des produits provenant du pays

d’origine lorsque l’on évoque les chocs liés à l’émigration.36

Se regrouper pour continuer à

consommer des aliments traditionnels devient alors une source de stabilité. Ainsi, une

bénéficiaire témoigne :

« A quelle fréquence consommez-vous du couscous, du blé, … ?

- Couscous, une fois par semaine !

- Vous n’êtes pas la première à me répondre aussi rapidement sur cette question !

- C’est normal, le couscous, c’est sacré dans la famille ! Normalement, on devrait

en manger le vendredi, mais ici, les enfants sont à l’école, et le couscous, il faut

être plein pour le manger, donc maintenant, on le fait le dimanche. On fait un

énorme plat, tout le monde s’assoit autour de la table, et on pioche tous ensemble.

Les gens que je connais qui n’ont pas d’enfants, ils le font le vendredi, mais une

fois par semaine, c’est couscous ! » (Femme, bénéficiaire du Secours Populaire,

centre de distribution d’Asnières)

36

Sall M., « Vivre le Fouta à Mantes-la-Jolie - De la déterritorialisation à la reterritorialisation des pratiques

alimentaires chez les migrants originaires de la vallée du fleuve Sénégal », Revue Hommes et migrations. Article

issu du N°1283, janvier-fevrier 2010 : Cuisines et dépendances.

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B) Les foyers en situation d’insécurité alimentaire : de nombreuses variables pour des

profils variés

1) La stabilité du logement : un critère majeur permettant la sécurité alimentaire

La question du logement est majeure puisque l’accès et le maintien dans un logement

décent et pérenne est aujourd’hui compromis. De plus, les taux d’efforts des ménages les plus

pauvres dépassent aujourd’hui les 50% en Île-de-France37

. Particulièrement alarmant, ce

chiffre s’additionne à celui du constat fait en termes d’assignations pour non-paiement des

charges 13 locatives où, chaque année, 30 000 foyers sont assignés avec un recours à la force

publique pour plus de 15 000 d’entre eux38

. Or, le logement joue un rôle non-négligeable

dans la capacité des personnes à cuisiner et se nourrir.

1.1 Etat des lieux du logement en Ile-De-France :

Accentuée par les problématiques d’Île-de-France, la situation de surpeuplement des

logements franciliens prend une ampleur considérable, atteignant des taux records : 19% des

logements sont concernés par le surpeuplement contre 9 % sur le plan national.

Il semble important de souligner qu’il n’y existe aucune typologie de ménage qui ne soit

pas concernée par les problèmes de logement. Bien entendu, cela touche particulièrement les

ménages à faibles ressources pour qui les accidents de vie ont des conséquences très

importantes sur le montant et la stabilité des revenus. Le développement massif de nouvelles

formes d’emploi accentue la présence de contrats facteurs de pauvreté et de précarité. Ainsi,

la perte du travail n’est plus la variable inconditionnelle à la perte du logement, en démontre

le témoignage des personnes à la rue où un tiers d’entre elles déclarent pourtant travailler.39

37

D'après l'Insee, le taux d'effort est égal au rapport entre la dépense en logement d'un ménage et son revenu. Cet

indicateur permet de mesurer le poids de la dépense liée à l'occupation du logement sur le budget des ménages et

le pouvoir « solvabilisateur » des aides.

38 D’après la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement d’Ile-de-France

39 C’est ce que soulignait dès 2001 l’enquête sans-domicile de l’INSEE

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L’accessibilité du logement se voit réduit par la faiblesse de l’offre de logement à prix

réellement abordable. Il devient de plus en plus difficile de trouver des petits logements à

loyer accessible en Île-de-France. L’analyse de la situation des personnes accompagnées par

le Secours populaire français d’Île-de-France est flagrante : 56,8%40

des personnes accueillies

par l’association sur la région sont propriétaires ou locataires, le reste correspond à du

logement précaire et non stable. L’exclusion dont sont victimes les personnes en difficulté se

traduit également au travers de l’élaboration des dossiers de demande. Ainsi, la demande de

garanties apparaît être un obstacle supplémentaire aux conditions d’accès au logement pour

les personnes en situation de précarité et/ou de pauvreté. En atteste Patrick, maître d’hôtel en

réinsertion professionnel :

« Je vis chez une amie. Comme elle n’a qu’une seule pièce, je dors par terre dans la

cuisine, depuis huit mois. Auparavant, j’étais dans la rue ou à l’hôtel. Je m’accroche et

j’essaye désespérément d’obtenir un logement. Je ressens beaucoup d’injustice et me rends

compte que c’est très facile de tomber très bas… J’espère qu’après tous les papiers que l’on

me demande, je vais finir par m’en sortir et me stabiliser. »41

En 2009, faute d’adresse personnelle, 77 900 franciliens avaient recours à une

domiciliation administrative42

par le biais d’une association ou, plus rarement, d’un centre

communal d’action sociale (CCAS). Il s’agit généralement de personnes seules, dont :

- 23 200 vivent dans des conditions de vie très précaires. En errance, elles jonglent entre

les squats et les structures d’hébergement de très courtes durées.

- 33 000 sont hébergées chez un tiers, dont 40,2% à Paris. Rappelons que ce chiffre n’est

pas significatif de l’ampleur du phénomène puisque les personnes hébergées chez un tiers

n’ont pas systématiquement recours à une domiciliation administrative. En effet, une note de

la Mission d'information sur la pauvreté et l'exclusion sociale en Ile-de-France estimait à 50

000 le nombre de personnes hébergées chez un tiers en 2003.

- 21 700 sont logées dans un hôtel financé par les politiques publiques. 43

40

Données extraites du logiciel Atrium, base de données du Secours populaire français

41 2000, le dire pour agir, édité par Hélène Amblard, Secours populaire français, Éd. Graphein, 2000

42 IAU, Note Rapide, n°498 « La domiciliation administrative des Franciliens sans domicile fixe », mars 2010

43 A ces personnes s’ajoutent les 7 800 familles appartenant aux gens du voyage pour lesquelles la domiciliation

administrative est liée à un mode de vie.

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24

Occupant les logements les plus insalubres et les plus énergivores, les ménages à bas

revenus voient leurs conditions de vie se dégrader de manière exponentielle.

« Avec mon mari et mon petit garçon, nous vivons dans un très petit studio.

C’est en rez-de-chaussée, avec une baie en verre épaisse que la lumière ne traverse

guère. La douche et les toilettes sont sur le palier. Il y a beaucoup d’humidité, pas

d’aération et mon bébé commence à avoir de l’asthme. » 44

(Femme, bénéficiaire

du Secours Populaire)

Face à cette situation préoccupante, les associations de solidarité dénoncent les

problèmes de logement des personnes reçues dans leurs permanences d’accueil. Ainsi, elles

mettent en lumière les difficultés de paiement des fluides pour lesquelles les conséquences

sont importantes. Privés d’eau, de gaz ou d’électricité, ils déploient toutes leurs énergies à

faire face aux créances.

Les maraudes organisées sur Paris recensaient environ 5 000 personnes sans-abri. Un

chiffre plausible à l’égard des 2 230 000 ménages franciliens ayant des capacités financières

insuffisantes au regard du logement45

. D’après l’enquête de l’IAU sur les ménages éligibles à

un logement social, 85 700 personnes étaient sans domicile fixe en Ile de France en 2009.

Les constats des associations sur les problématiques d’hébergement sont variés.

Contrairement aux idées communément admises, la propreté des hôtels laisse à désirer et

entraine de graves conséquences sur les conditions de vie des occupants. Par ailleurs, la

possibilité de cuisiner au sein des hôtels n’est pas systématique, augmentant ainsi le coût de

l’alimentaire pour les ménages résidants. Les propos recueillis par le Secours populaire au

sein de l’initiative Le dire pour agir sont révélateurs de situations inacceptables.

44

2000, le dire pour agir, édité par Hélène Amblard, Secours populaire français, Éd. Graphein, 2000

45 D'après l'enquête de l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme (IAU) sur les ménages éligibles à un logement

social en 2010.

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25

« Je n’arrive pas à avoir un logement et je vis dans un hôtel avec mes trois

enfants, dans une petite chambre de 8m2. Je n’ai pas le droit de cuisiner, alors mes

enfants n’ont jamais de nourriture chaude. » (Femme, hébergée avec ses trois

enfants, bénéficiaire du Secours Populaire)

Bien que les conditions de certains hôtels soient à déplorer, de nombreuses personnes se

retrouvent actuellement sans abris. Il n’existe pas de définition officielle dans les textes de loi

français concernant la population sans-abris. D’après l’INSEE, « une personne est donc dite

sans-domicile si elle dort dans un lieu non prévu pour l’habitation ou si elle est prise en

charge par un organisme fournissant un hébergement gratuit ou à faible participation. Ces

organismes peuvent fournir des places dans des structures collectives, des chambres d’hôtel

ou des appartements ordinaires. Ces hébergements peuvent être proposés pour des durées

différentes : d’une nuit à quelques jours, voire plusieurs semaines ou plusieurs mois. »46

.

Pour ceux et celles dans cette situation, les délais d’attente téléphonique du Samu

social sont extrêmement longs. Estimé à plus d’une heure, le numéro 115 est souvent laissé de

côté au profit de la débrouillardise puisqu’aucune réponse ne leur est accordée. Les places

disponibles sont en deçà des réels besoins et les personnes en charge de la réponse

téléphonique ne sont pas assez nombreuses répondre une demande de la sorte.

Régulant 30% à 40 % des places d’urgence, le SAMU-Social dispose de 5 300 places

chaque nuit. En 2010, 35 000 personnes ont fait appel au service au moins une fois et 21 300

personnes ont été hébergées au moins une nuit.47

Cependant, l’analyse ne comptabilise pas les

appels qui n’aboutissent pas au 115, soit parce qu’ils sont pré-décrochés par un message

préenregistré48

; soit parce qu’ils sont dissuadés. De fait, lorsque le nombre d’appels 115 en

cours est supérieur à la capacité technique de prise d’appel fixé par le limiteur, l’appelant

entend un message du type « Toutes les lignes de votre correspondant sont occupées, merci

de renouveler votre appel ultérieurement ».

46

Insee, Opération statistique : Enquête auprès des personnes fréquentant les lieux d'hébergement ou de

restauration gratuite / Sans-domicile 2001

47 D'après l’observatoire du SAMU-Social de Paris, auditionné par la Commission Santé, affaires sociales et

cadre de vie du CESER

48 Message d’accueil diffusé dans l’attente que la ligne se libère, qui présente les missions du 115 et/ou dissuade

les appels polluants

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26

Le parc d’hébergement apparaît être insuffisant, comme le démontre le recours massif

aux chambres d’hôtels, jouant ainsi un rôle complémentaire à l’absence de places

d’hébergement. En novembre 2012, le responsable de la Direction Régional et

interdépartemental de l’hébergement et du Logement (DRHIL) faisait état d’un besoin de plus

de 21 000 places d’hébergement49

.

Toutefois, le nombre de dispositifs d’hébergement fermés durant la journée tend à

diminuer au profit de la création d’hébergement continu. Ce fait, dénoncé depuis de

nombreuses années par les associations spécialisées sur cette activité, participait à augmenter

l’errance des personnes hébergées.

Vivre dans de telles conditions n’est pas chose facile. Les personnes se retrouvant dans

ces situations ont souvent le sentiment de ne pas être reconnues, ni traitées avec les mêmes

droits accordés à tous. On remarque ainsi une scolarisation plus faible pour les enfants des

personnes hébergées à l’hôtel puisque cette décision dépend du bon vouloir des municipalités.

La question se pose alors de savoir comment s’approvisionner et se nourrir lorsque le

logement ne permet pas de stabilité, de conservation ou de stockage des aliments.

1.2 Comment se nourrir sans être équipé

De plus en plus, les pouvoirs publics s’emparent des problématiques liées aux sans-abris,

et tentent d’apporter de nouvelles solutions. Ainsi, la mairie de Paris a créé un guide 50

sur les

manières de cuisiner lorsque l’on possède seulement une bouilloire ou un micro-onde, et que

l’équipement est insuffisant pour préparer les aliments de manière classique. Ce guide

s’adresse donc à des personnes hébergées en hôtel ou possédant un logement stable mais

insuffisamment équipé. L’adjoint au maire le décrit comme « le résultat d’une collaboration

entre les services départementaux, les partenaires associatifs et les familles hébergées dans

des conditions précaires. »

49

Audition de Jean-Martin Delorme, Directeur de la DHRIL, au sein de la commission Ville, habitat et cadre de

vie du CESER

50 http://labs.paris.fr/commun/pdf/Livret_Cuisiner_Malin.pdf

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27

Ce guide peut être particulièrement utilisé par les personnes vivant dans un logement

précaire ou hébergés à l’hôtel, qui font face a des difficulté d’accès à l’équipement nécessaire

pour faire cuire ou conserver les aliments.

« Avez-vous accès à un équipement vous permettant de faire cuire ou chauffer les

aliments ?

- On peut répondre « oui » et « non » en même temps ?

- Normalement, une seule réponse est valable … Pourquoi ne pouvez-vous pas

choisir entre « oui » et « non » ?

- Normalement, je n’ai pas le droit de cuisiner, le propriétaire de l’hôtel où je

suis l’a interdit. Mais il gère deux hôtels, donc il n’est pas tout le temps là : le

mardi, le jeudi et le dimanche, je sors un petit réchaud, et je fais chauffer du

poisson, des œufs ou de la viande pour mes repas du jour, et pour le reste de la

semaine … Enfin, pas beaucoup de poisson quand même, parce que ça sent

fort, donc j’ai peur que le propriétaire s’en rende compte et me demande de

partir. » (Homme, hébergé à l’hôtel par le 115, bénéficiaire du Secours

Populaire, centre de distribution d’Argenteuil)

Cependant, les problématiques ne sont pas les mêmes en ce qui concerne les populations

SDF, qui n’ont aucun accès à la conservation ou le stockage des aliments. Daniel Terrolle

qualifie l’alimentation de ces personnes comme « protéiforme », « comprenant un domaine

d’autonomie alimentaire et un domaine de dépendance alimentaire (soumise au don

institutionnel) »51

. L’autonomie alimentaire s’inscrit dans une démarche « de débrouille »,

composée de l’argent de la manche, mais aussi du glanage (les fins de marchés pour récupérer

des fruits et des légumes par exemple), ou différentes manières de manger sur place (finir les

plateaux dans les fast-food, consommation dans les supermarchés, …).

Le domaine de la dépendance alimentaire s’articule autour du don institutionnel, et donc

de l’activité des municipalités et des associations. Certaines mairies mettent en place des

restaurants sociaux, accessibles après s’être fait délivré un ticket par le service social de

rattachement. Cependant, la démarche doit venir des personnes vivant dans la rue, qui n’ont

51

TERROLLE D, Du mirage de l’urgence sociale à la réalité anthropologique du terrain : un bilan de recherches

sur les sans-abris sur plus d’une décennie, Les Cahiers de l’actif n344/345, 2005

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28

parfois pas une connaissance suffisante du système pour commencer les formalités

administratives. De plus, les populations sans-abris étant mobile, les dossiers sont à refaire à

chaque changement de service social de rattachement.

Concernant les associations, toutes ne sont pas adaptées ce public spécifique. La

distribution de colis alimentaire, nécessitant une transformation des aliments, ne convient

qu’en petite proportion aux besoins des SDF. Ces structures tentent parfois d’améliorer leur

offre : ainsi, Nicole Desnos, responsable de l’antenne du Secours Populaire de Clichy

explique que « la plupart de nos bénéficiaires viennent deux fois par mois. Pour les personnes

vivant à la rue, nous avons mis en place une distribution par semaine. Ils ont la même quantité

de produits que les autres, seulement, ils sont mieux répartis, parce que sinon, pour le

transport, c’est trop compliqué. Et on leur distribue aussi plus souvent les produits de la

ramasse, les sandwich, les produits qui peuvent se consommer vite. Mais c’est sûr, même si

on aide, on a du mal à accueillir les gens qui sont dehors, ils nous demandent des choses

impossibles ! »52

.

D’autres structures se sont spécialisées dans l’accueil de ce public particulier, en

proposant des repas chauds, ce qui correspond mieux à la demande des sans-abris. La plus

connu est bien évidemment les Restos du Cœur, qui ont servi 130 000 000 de repas en 2013-

201453

, mais il en existe de nombreuses autres. Néanmoins, de nombreuses critiques sont

émises : parmi les principales, on retrouve les fermetures en cours d’année54

ne permettant

aucune continuité dans l’accès à des repas, mais aussi la qualité des produits (parfois

difficilement identifiables55

) ou la qualité de l’accueil (car le nombre de personnes accueillies

est trop élevées pour permettre une véritable création de lien social comme il est

communément admis).

L’équilibre alimentaire de ces publics extrêmement précaires est donc extrêmement

préoccupant. Mais s’ils sont les plus visibles et les plus identifiables, les foyers en insécurité

alimentaire sont beaucoup plus nombreux, et leurs profils sont largement diversifiés.

52

Entretien avec Nicole Desnos, responsable de l’antenne de Clichy du Secours Populaire, juin 2015

53 Site officiel des Restos du Cœur : http://www.restosducoeur.org/content/dates-et-chiffres-cl%C3%A9s

54 TERROLLE D, Du mirage de l’urgence sociale à la réalité anthropologique du terrain : un bilan de

recherches sur les sans-abris sur plus d’une décennie, Les Cahiers de l’actif n344/345, 2005

55 AMINASTI C et TERROLLE D, L’alimentation des sans abris, entre autonomie et dépendance,

Anthropology of Food, sept 2008.

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29

2) Bénéficiaires ou non-bénéficiaires de l’aide alimentaire : de multiples profils pour des

modalités de gestion différenciées de l’alimentation :

L’enquête menée par Fors-Recherche Sociale en 201356

a permis d’identifier quatre

profils type de ménages en insécurité alimentaire. Parmi ces 4 profils, deux représentent des

gestionnaires n’ayant pas recours à l’aide alimentaire. La gestion des ressources se fait donc

différemment selon le choix des ménages de recourir ou non aux structures associatives d’aide

alimentaire.

2.1 : Le non-recours à l’aide alimentaire

Certains foyers en insécurité alimentaire ne peuvent pas recourir à l’aide alimentaire pour

des raisons purement techniques : ainsi, les foyers en milieux ruraux ne bénéficient pas du

maillage pourtant important des associations distribuant des denrées.57

Ce non-recours peut aussi être lié à une méconnaissance des structures dans leur villes : il

peut s’agir d’une méconnaissance du réseau associatif, mais aussi d’une vision erronée de

cette aide, qu’il pense réservée à des publics extrêmement précarisés, où seules des aides

d’urgence sont distribuées. Ces personnes ne se sentent alors pas concernées par les

dispositifs qu’ils pensent mis en place.

Néanmoins, le non-recours à l’aide alimentaire peut également être volontaire : les deux

catégories sociales les plus concernées sont les étudiants et les retraités : devenir bénéficiaire

serait honteux, et signe de déclassement social. Cette représentation négative de l’aide

alimentaire incite ces individus à se tourner vers d’autres formes de solidarité (solidarité

familiale notamment). Il existe un problème d’identification du public, appelé « les

56

Benjamin Badia, Florence Brunet, Audrey Carrera, Pauline Kertudo et Florence Tith Avec la collaboration de

France Caillavet, INEGALITES SOCIALES ET ALIMENTATION Quels sont les besoins et les attentes en termes

d’alimentation des personnes en situation d’insécurité alimentaire et comment les dispositifs d’aide alimentaire

peuvent y répondre au mieux ? Rapport final, Décembre 2014, p64

57 Idem, page 61

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30

populations invisibles »58

; il s’agit des personnes que les travailleurs sociaux ne rencontrent

pas (personnes âgées en milieu rural par exemple), ou que ces travailleurs peuvent rencontrer,

sans en identifier les problèmes liés à l’alimentation.

Pour pallier à ce problème, plusieurs initiatives ont vu le jour, comme dans la ville de

Nanterre, qui a mis en place une enquête de terrain visant à identifier les foyers se trouvant en

insécurité alimentaire. En effet, à partir des années 1980, la mairie a commencé à distribuer

des colis dans le cadre du plan précarité-pauvreté. Dans les années 2000, le projet s’est

modifié, car la mairie a considéré que ses colis n’étaient pas adaptés, que le dispositif était

trop lourd, et que le temps d’attente était bien trop important. Cette modification a entrainé

une réorientation des bénéficiaires de la mairie vers les Restos du Cœur. Cependant, avec le

nouveau dispositif, on enregistre une baisse du nombre de bénéficiaires touchés, d’où la

nécessité d’une évaluation. Cette évaluation s’est faite sous la forme de deux enquêtes, l’une

envers les bénéficiaires effectifs et la seconde vers les bénéficiaires potentiels.

Des réunions de consultation avec les citoyens ont été proposées pour exposer les

résultats. Lors de cette restitution des résultats, un étudiant de l’université de Nanterre

s’exprimait ainsi :

« L’aide alimentaire comme [celle] des Restos du cœur, c’est pas pour moi ! Je

suis étudiant, vu le prix des loyers sur Paris, c’est normal de galérer, je ne suis

pas le seul, et il y a des gens qui galèrent plus que nous … C’est pour ça, une

épicerie sociale, ça serait pas mal, on paye, mais moins cher, ce n’est pas de

l’assistanat comme les autres associations ! » (Homme, étudiant en insécurité

alimentaire, non-bénéficiaire de l’aide alimentaire, Nanterre)

Cette intervention résume parfaitement les résultats de l’enquête menée, qui estime que

33% de la population enquêtée (surtout en mairie de quartier) est en situation de précarité

alimentaire. Parmi ces foyers identifiés en situation d’insécurité alimentaire, 32% ne veulent

pas bénéficier de l’aide alimentaire. Les deux raisons principales avancées concernant ce refus

58

Benjamin Badia, Florence Brunet, Audrey Carrera, Pauline Kertudo et Florence Tith Avec la collaboration de

France Caillavet, INEGALITES SOCIALES ET ALIMENTATION Quels sont les besoins et les attentes en termes

d’alimentation des personnes en situation d’insécurité alimentaire et comment les dispositifs d’aide alimentaire

peuvent y répondre au mieux ? Rapport final, Décembre 2014, p64

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31

d’accéder au réseau associatif sont le sentiment de gêne ou de honte (77%), et l’idée que

d’autres individus ont plus besoin d’aide qu’eux (12%).

Certains foyers n’ont donc pas recours à l’aide alimentaire. Néanmoins, 5,4% de la

population française en sont des utilisateurs. Est-il possible de définir le profil du bénéficiaire

de l’aide alimentaire ?

2.2 : Existe-t-il un profil type du bénéficiaire de l’aide alimentaire ?

Grâce aux enquêtes menées ces dernières années, notamment INCA 259

, il a été

possible de montrer que « les personnes appartenant à un foyer alimentaire pour raisons

financières sont en majorité des femmes, plutôt jeunes, devant souvent assumer seules les

dépenses du foyer »60

.

Néanmoins, comme nous l’avons vu plus tôt, toutes les personnes en insécurité

alimentaire ne recourent pas à l’aide alimentaire. En ce qui concerne les bénéficiaires de

l’aide alimentaire, l’établissement d’un profil spécifique est plus complexe. La grande

majorité des rapports réalisés à ce jour pointe la diversité des profils, tant au niveau des âges

que des contextes de vie. On peut ainsi trouver dans les centres de distributions des retraités

comme des ménages sans papiers, des SDF comme des individus ayant un travail en CDI et

ne recourant à l’aide alimentaire que ponctuellement.

Cependant, de nouvelles enquêtes apportent des précisions et permettent désormais

d’esquisser les grands traits caractéristiques des bénéficiaires de l’aide alimentaire.

Réalisée en 2010, une enquête commanditée par la Fédération des Banques Alimentaires

montre que la part des personnes salariées ou retraitées représente 25% des bénéficiaires, et

que 70% d’entre eux touchent moins de 1000 euros par mois.61

Cela ne signifie pas que les

59

AFSSA, étude individuelle nationale des consommations alimentaires 2 (INCA 2), 2006-2007, rapport publié

en septembre 2009

60 DARMON N., BOCQUIET A, VIEUX F, CAILLAVET F, « L’insécurité alimentaire pour raisons financières

en France », in Les Travaux de l’observatoire, 2009

61 L’aide alimentaire, un complément budgétaire indispensable ! Baromètre 2010 des Banques Alimentaires,

enquête réalisée par CSA, novembre 2010

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32

foyers touchant plus que cette somme sont en situation de sécurité alimentaire : pour pouvoir

aider au maximum les personnes les plus démunies, la plupart des associations d’aide

alimentaire ont mis en place un critère de sélection des bénéficiaires, le « reste à vivre ».Ce

reste à vivre s’obtient en prenant en compte toutes les ressources du foyer (salaires,

allocations familiales, aides diverses), et en en soustrayant les dépenses (loyers, crédits, eau,

gaz, électricité, téléphonie, …). Le reste à vivre par jour et par personne est le principal critère

pour être admis en tant que bénéficiaire ; cependant, le seuil à partir duquel est accepté une

personne ou un foyer dépend de chaque structure, selon la capacité d’accueil de celle-ci. Le

mode du calcul du reste à vivre est commun à toutes les associations. Les bénévoles

accueillant les personnes venant s’inscrire dans la structure de distribution alimentaire

prennent en compte la totalité des ressources (salaires, allocations, aides, …), et la totalité des

dépenses (plan de surendettement, loyer, factures de téléphone, eau et gaz, …). LA différence

ainsi calculée permet de savoir avec combien d’euro une famille doit vivre. En moyenne, sur

la région Ile de France, le reste à vivre des bénéficiaires du Secours Populaire est de 3,50 euro

par jour et par personne (ce reste à vivre correspond à ce qu’il reste à une famille pour se

vêtir, se nourrir, et les loisirs).

L’étude ABENA, qui a également été réalisée dans une dynamique socio-

anthropologique, permet de mettre en évidence d’autres déterminants communs aux

bénéficiaires de l’aide alimentaire.

Ainsi, selon les structures fréquentées (l’étude a différencié les associations distribuant

des repas et celles distribuant des denrées), entre une personne sur deux et une personne sur

trois n’avaient aucun diplôme ou certificat d’étude (SOURCE !). Sur la même thématique,

l’étude a soulevé le fait que « des différences dans les niveaux de formation étaient observées

selon les pays de naissance des usagers : 23,8% des personnes nées en Europe de l’Est avaient

un diplôme de 2e ou 3e cycle universitaire ou de grande école contre 7,2% pour celles nées en

France métropolitaine ».

En dehors de ces critères sociologiques, l’étude ABENA a identifié trois grands profils

pour les bénéficiaires de l’aide alimentaire, selon leur degré de dépendance. On retrouve ainsi

les sans-papiers ou les SDF, qui sont entièrement dépendante de l’aide alimentaire ou des

divers moyens d’entraides et source gratuite. La seconde catégorie se compose des personnes

pour lesquelles l’aide alimentaire représente une assistance : l’aide alimentaire est

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33

indispensable pour leur équilibre alimentaire, mais les personnes peuvent compléter ce qui

leur est donné par des achats dans des magasins discount. Enfin, la dernière catégorie prend

en compte les personnes pour qui l’aide alimentaire représente un soutien : la majeure partie

de leur alimentation vient de l’achat, mais l’aide alimentaire leur permet d’économiser sur ce

secteur, et leur permet de dépenser plus pour des produits d’entretien ou des dépenses

quotidiennes.

L’enquête de terrain menée sur les structures d’aide alimentaire du Secours Populaire en

Ile de France permet également de mesurer cette dépendance.

Ainsi, sur l’ensemble des questionnaires, tous produits et tous publics confondus, 43% du

public interrogé indiquent acheter majoritairement les denrées citées, 39% privilégient les

sources d’approvisionnement non commerciales (associations, glanage, amis famille ou

voisins, services sociaux, ...), et 18% ne s’approvisionnent pas.

Ainsi, de nombreux ménages en insécurité alimentaire ou en situation de précarisation ont

recours à l’aide alimentaire pour tenter de subvenir aux besoins nutritionnels et caloriques de

leur personne ou de leur famille. Le rôle des associations est alors de proposer une offre

permettant de satisfaire une partie de leurs besoins, et de leur assurer une certaine sécurité

alimentaire, l’Etat étant défaillant sur ces thématiques. L’analyse d’une association d’aide

alimentaire, en l’occurrence, celle du Secours Populaire est alors intéressante dans la mesure

où leurs actions ont pour but de réduire l’insécurité alimentaire. On peut ainsi se demander

comment cette dynamique se met-elle en place, et quelles sont les limites de l’aide proposée.

Achat 43,2%

Autre source 38,6%

Je ne m'en

procure pas

18,2%

N : 20992

Tout public

Source : Etabli par l’auteur.

Graphique réalisé à partir des

données de l’enquête de terrain

pour le projet DRIAAF

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II) L’aide alimentaire au Secours Populaire : une action emblématique et essentielle

difficile à mettre en place

Le Secours Populaire est majoritairement connu pour deux de ses actions : les départs en

vacances, et l’aide alimentaire. Si le sujet de l’aide alimentaire est aussi bien connu du grand

public, c’est parce que l’association emploie une grande partie de ces ressources à cette

thématique, bien qu’elle soit moins médiatisée que celle des vacances.

A. Les ressources de l’association

Pour comprendre comment le Secours Populaire tente de limiter l’insécurité alimentaire, il

parait essentiel de mettre en rapport les moyens engagés et les ressources dont dipose

l’association.

1) Les fondements du mouvement

L’association étudiée tire une partie de sa force des fondements historiques de sa

création, et permet de mieux comprendre son engagement actuel.

1.1 Historique du Secours Populaire Français : Du communisme à l’Humanisme 62

Crée en 1945, le Secours populaire français est une association française régie par la loi

du 1er juillet 1901 qui œuvre pour la promotion de la solidarité et contre l’exclusion sociale

des personnes défavorisées. Sa devise est la suivante : «Tout ce qui est humain est nôtre». En

effet l’association se propose de soutenir dans l’esprit de la déclaration universelle des Droits

de l’Homme, au plan matériel, sanitaire, médical, moral et juridique les personnes et leurs

familles victimes de l’arbitraire, de l’injustice sociale, des calamités naturelles, de la misère,

de la faim, du sous – développement, ou des conflits armés.

Cependant, pour bien comprendre son fonctionnement actuel, il convient de parler du

prédécesseur de cette association : le Secours Rouge International (SRI), créé en 1925. Ce

dernier a été fondé pour venir en aide aux militants de la IIIe Internationale victimes de la

répression, ainsi qu’aux victimes du fascisme. Pour cela, il a développé de nombreuses

62

BRODIEZ, Le Secours populaire français 1945-2000: du communisme à l'humanisme, Paris, Sciences

Politiques les presses, 2006.

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35

activités, telles que l’organisation de départs en vacances pour les orphelins de guerre,

initiative qui inspirera les Journées des Oubliés des Vacances (JOV) du Secours Populaire.

Deux ans plus tard est créée une section française du SRI, née de la volonté de mettre en place

un mouvement assimilé à la Croix Rouge, mais qui serait une Croix Rouge du peuple. Puis

l’association prend le nom de Secours Populaire de France et des colonies en 1936. Malgré ce

changement de nom, l’association est alliée au Secours Rouge de la Russie. La liaison

politique avec les communistes reste particulièrement visible. Sans surprise, l’organisation est

donc interdite sous le régime de Vichy, même si l'activité continue dans la clandestinité.

Malgré la mort de nombreux responsables de l’association, fusillés ou morts en camps de

concentration, elle réapparaît en 1944 au moment de la libération. En novembre 1945, les

membres du Secours Populaire de France et des colonies et de l’Association des Victimes du

Nazisme se regroupent et créent le Secours Populaire Français, organisation beaucoup plus

axée sur les problèmes français jouissant d’une indépendance politique.

Pour agir au quotidien, être au plus proche des « personnes aidées », l'association lance

dès 1977 son processus de décentralisation. La démarche découle d'une volonté de mieux

connaître la personne aidée afin de renforcer la pertinence des actions menées.

Grand mouvement décentralisé, le Secours populaire d’aujourd’hui est un espace de

liberté regroupant 97 fédérations départementales et professionnelles, ainsi qu’un peu plus de

600 comités.

Une fédération du Secours populaire est une structure départementale. Elle agit comme

un relais chargé d'animer, de coordonner, de développer les actions de solidarité et d'assurer

leur financement. Chaque fédération se compose de tous les comités et antennes locales d’un

même département. Un comité départemental, élu par le congrès départemental, assure la vie

de la fédération. Ce comité départemental veille au respect des orientations et est accompagné

dans sa démarche par une commission financière, un secrétariat, un trésorier et un secrétaire

général.

Un comité est, quant à lui, une structure locale, qui regroupe des bénévoles sur un

quartier, une commune, un ou plusieurs cantons, un lieu de travail ou d'études. Il agit dans le

sens des orientations de l'association pour animer, coordonner, développer des actions de

solidarité et assurer leur financement par le biais de l'appel aux dons et la mise en place

d'initiatives permettant la participation financière des donateurs à la solidarité.

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36

Enfin, l’antenne du SPF est un groupe de personnes (au moins deux) qui exerce une

activité de solidarité au nom du Secours populaire sur leur lieu de vie, de travail ou d'études,

en relation avec un comité, une fédération ou même directement avec l'association nationale

(siège national) du Secours populaire. L'activité doit être régulière.

En ce qui concerne le fonctionnement, tous les deux ans, les orientations du Secours

populaire sont décidées et votées en congrès national. Elles sont préparées par des rencontres

avec les collecteurs dans les antennes, les assemblées générales des comités et les congrès

départementaux. Ces moments statutaires donnent lieu à de multiples échanges avec les

partenaires de l’association (collecteurs, bénéficiaires de l'aide, pouvoirs publics, décideurs

économiques), tant en France qu'à l'étranger. Les directions, élues à tous les niveaux par les

collecteurs eux-mêmes, suivent, durant deux ans, la mise en œuvre des orientations.

Au total, le Secours populaire regroupe 97 fédérations et un peu plus de 600 comités sur

toute la France. On note actuellement le développement des structures régionales, avec la

mise en place dans chaque région d'un conseil régional.

Afin de coordonner et d'impulser le mouvement sur le plan national, les structures élues

par le Congrès (conseil d'administration et son secrétariat, comité national, bureau national,

commission financière) se réunissent régulièrement plusieurs fois par an.

Notre enquête s’intéressant à la situation sur la région de l’Ile-De-France, il parait

pertinent de faire un point sur l’importance de la vie régionale du Secours Populaire sur ce

territoire donné. Décentralisé, le Secours populaire français constitue une fédération

d’associations juridiquement autonomes, tant sur le plan départemental que local. Cette

organisation favorise la proximité nécessaire au développement d’actions de solidarité

appropriées et efficaces dans une temporalité toujours plus restreinte.

Le Conseil de région Ile de France et ses huit fédérations départementales coordonnent

182 lieux d’accueil. Parmi eux, 159 apportent une réponse au besoin alimentaire des

personnes en difficulté. Interlocuteur naturel de la région, le Conseil de région du Secours

populaire Île-de-France apporte un soutien financier aux divers projets organisés par les huit

fédérations.

1.2 Le bénévolat : un atout déterminant dans les luttes menées par le Secours Populaire

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37

Jusqu’en 1960 les principaux acteurs de l'association sont encore de fervents militants

communistes. La séparation effective avec le parti débute en 1960 : peu à peu le militantisme

laisse place à une autre forme d'engagement plus ancré dans le social que le politique: le

bénévolat.

Les années 1980 furent marquées par un véritable boom de l'associatif. Cet essor découle

en partie de l'incapacité de l'État providence à répondre à la crise et à l'appel que fait celui-ci

aux associations de solidarité. Faisant l'hypothèse d'une large participation sociale, celui-ci ne

prévoit pas une ligne budgétaire pour financer le développement de postes salariés. Le

bénévolat devient alors une nouvelle forme de ressource humaine qui fait face au manque de

financement. Pour beaucoup de militants communistes, le bénévolat est apparu comme un

moyen plus pragmatique d'agir pour leurs convictions idéologiques, notamment celle de

l'entraide. L'associatif s'est présenté comme une «véritable terre d'accueil pour des militants

communistes souhaitant conserver une socialisation militante»63

. Pour E. Reynaud, «cette

militance résout la tension entre la propension à militer et les désillusion à l'égard des partis

ou syndicats. Les droits de l'homme, comme l'humanitaire constituent la dernière valeur à

laquelle ces militants peuvent se référer sans avoir le sentiment de trahir leur engagement

précédent»64

. Le militant s'est transformé en «bénévole-militant», et les valeurs de

l'engagement sont passées du communisme à l'humanisme. Aujourd'hui, l'association est

reconnue par les français comme l'une des premières associations humanitaires nationale.

Cette dernière revendique sa position apolitique dans la lutte contre la pauvreté et la

promotion de la solidarité. Une solidarité « populaire » qui existe par et pour des « hommes

du peuple ». L'éducation populaire est l'un des autres grands principes de l'association:

promouvoir la solidarité par des personnes qui « donnent de leur temps » pour aider les « plus

démunis ». La notion d'engagement - même sous une autre forme - reste l'un des piliers de

l'association. Ainsi le « copain » (bénévole) a remplacé le « camarade », mais la volonté d'être

au plus près des personnes aidées est restée la même. En effet, le champ d'action n'a pas

changé depuis 1945, il reste celui de l'urgence du quotidien. Et malgré quelques évolutions,

les actions sont restées les mêmes: les colis alimentaires, les vacances, les loisirs, etc.

63

BRODIEZ, Le Secours populaire français 1945-2000: du communisme à l'humanisme, Paris, Sciences

Politiques les presses, 2006.

64 REYNAUD, Le militantisme moral, Paris, Gallimard, 1980.

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38

D’après Brigitte Berlan, bénévole au Secours Populaire depuis 22 ans et présidente du

Conseil de Région sur l’Ile-De-France pour l’association depuis 4 ans, 15 800 personnes sont

bénévoles sur la région francilienne65

; ces bénévoles offrent à l’association l’équivalent de

807 temps plein en heures de bénévolat66

.

En recoupant les informations fournies par Brigitte Berlan et Elodie Coduys (chargée de

l’animation du réseau des bénévoles au sein du Secours Populaire, à l’échelle nationale), les

bénévoles sont présents sur majoritairement deux types de secteurs : la recherche de moyens

et de financement, et l’application même de la solidarité.

Néanmoins, l’implication des bénévoles ne prend pas toujours la même ampleur. Certains

peuvent travailler pour l’association plusieurs jours par semaines (notamment pour maintenir

les permanences d’accueil, s’occuper du suivi de certaines familles, …), tandis que d’autre ne

participent qu’à quelques évènements ponctuels au cours de l’année, comme les collectes dans

les grandes surfaces, ou les évènements rassemblant un grand nombre de bénéficiaires et

demandant plus d’encadrement, comme la Journée des Oubliés des Vacances.

Lorsque l’on demande à des bénévoles leurs motivations concernant leur engagement,

plusieurs réponses sont fréquemment entendues 67

:

- La première vient de la part des bénévoles qui sont retraités, et qui souhaite donner de

leur temps pour continuer à se sentir « utile ».

« J’ai toujours travaillé, toute ma vie. Au moment de la retraite, je ne savais

plus quoi faire, je me sentais inutile. Ma sœur, qui était bénévole depuis quelques

années, m’a proposé de venir à une distribution alimentaire. J’ai su alors que je

pouvais continuer à aider les gens, et à faire quelque chose de mes journées »

(Femme, bénévole à la structure de Boulogne)

- Les étudiants présents sur les structures ont le même raisonnement, bien que ce dernier

soit aussi complété par des attentes concernant leur futur emploi

65

Entretien avec Brigitte Berlan, réalisé en juin 2015

66 Calcul basé sur le cumul des heures de bénévolat déclarées par chaque fédération départementale dans leurs

rapports d’activité 2014

67 43 bénévoles rencontrés au cours de l’enquête DRIAAF ont été interrogés sur leur motivation et leur rôle dans

l’association. Entretiens informels.

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« Je suis étudiant à la fac, mes horaires sont assez souples. Le temps qu’on a

maintenant, on ne l’aura plus pendant 40 ans, quand il faudra travailler, alors

autant aider les autres maintenant ! Et sur le CV, ca fait toujours bien de dire

qu’on est bénévole, alors je n’ai vraiment rien à perdre à être ici ! » (Homme,

bénévole en structure d’accueil de Paris)

- Enfin, une des spécificités du Secours Populaire est d’attirer des bénévoles qui

cherchent à fuir tout symbole religieux.

« Le Secours Catholique, le Secours Islamique, même la Croix Rouge ! Ce

qu’ils font, c’est certainement très bien, ils aident les gens, mais juste le nom,

ça me bloque. Je suis athée, je refuse d’être bénévole si c’est pour faire du

prosélytisme ! » (Femme, bénévole à la fédération du Val De Marne)

Parallèlement à ces fondements historiques, l’association doit rechercher des ressources

pour pouvoir remplir les objectifs qu’elle s’est fixée.

2) Les ressources disponibles pour l’exercice de la solidarité

2.1 : Les ressources financières et matérielles

Une des conséquences de la professionnalisation de l’association est la nécessité de

trouver des moyens d’agir sur le terrain, et de rémunérer les salariés. Les dons financiers des

particuliers représentent 35% des ressources de l’association pour la région Ile De France68

, et

25% des ressources si l’on se place à l’échelle nationale69

. Ces dons peuvent provenir de

personnes ayant fait la démarche de s’inscrire comme donateur, mais aussi de collectes

organisées et médiatisée (les dons sont alors plus ponctuels). Les donateurs peuvent fléchés

leurs dons, qui sont alors affectés au poste demandé (Père Noël Verts, Journée des Oubliés

des Vacances, …). Concernant les dons qui ne sont pas affectés, la Cour des Comptes écrit

que :

68

Rapport d’activité de la région Ile De France du Secours Populaire, 2014

69 Rapport et bilan d’activité du Secours Populaire Français, 2014

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« la générosité publique non affectée est réputée être utilisée de la façon suivante :

- pour l’Association nationale, elle est réputée couvrir en premier lieu les frais de

fonctionnement, puis les frais de recherche de fonds (hors charges liées à la recherche de

subventions et autres concours publics) et, en dernier lieu, les missions sociales à l’étranger et

les missions sociales en France, dans la limite des fonds disponibles ;

- pour les autres structures, elle est réputée couvrir d’abord les missions sociales à

l’étranger, puis les missions sociales en France, suivies des frais de recherche de fonds et, en

dernier lieu, les frais de fonctionnement dans la limite des fonds disponibles. »70

Une autre partie des fonds provient de la participation des personnes accueillies pour les

activités du Secours populaire. En effet, pour éviter tout assistanat et responsabiliser les

personnes accueillies, la politique du Secours Populaire est de demander une participation

financière pour avoir accès aux animations proposées ; cette participation varie et est fixée à

l’intérieur de chaque structure locale (par exemple, dans la structure de Montcalm à Paris, le

prix est fixé à 1,50 euro par personne, alors que le prix d’un colis dans la structure de

Villeneuve le Roi pour une personne seule peut monter jusqu’à 4,50 euro). Néanmoins, ces

ressources ne représentent que 4% des ressources totales des différentes fédérations de la

région Ile De France71

.

Des subventions pour des projets particuliers sont également accordées par des institutions

publiques ou des collectivités territoriales. Ces subventions sont le résultats d’appel à projet,

et doivent servir à réaliser une action spécifique : Par exemple, Brigitte Berlan explique qu’«

En ce moment, le Secours participe à un appel à projet de la DRHIL72

, qui cherchent à

améliorer la prise en charge des personnes hébergées à l’hôtel. Nous menons déjà de

nombreuses actions pour l’accompagnement de ces personnes, mais la subvention de la

70

Cour des comptes, Le secours populaire français (exercices 2007 à 2010) - décembre 2012, p.57

71 Moyenne réalisée à partir des rapports d’activité 2014 de 6 fédérations départementales de l’Ile de France. Les

deux autres Fédérations (le 93 et le 78) n’ayant pas encore diffusé leurs rapports d’activité 2014, il n’était pas

possible de prendre en compte l’ensemble du territoire avec des données récentes.

72 Direction Régionale et Interdépartementale de l'Hébergement et du Logement.

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DRHIL nous permettrait d’amplifier ces actions, de les améliorer, et d’avoir une enveloppe

plus conséquente pour ce thème précis »73

.

Cependant, les dons financiers ne représentent qu’une petite partie des ressources de

l’association, la majorité provenant de la solidarité matérielle. D’après Thomas Marinier,

responsable Solidarité de la Fédération des Hauts de Seine «La solidarité matérielle est la base

de tout notre travail. L’idée, c’est que peu importe ce qui arrive à l’association, au niveau

local, tout ce qu’on a créé peut survivre grâce à la solidarité matérielle »74

.

La solidarité matérielle comporte trois volets. Le premier est la solidarité matérielle humaine,

c’est-à-dire le bénévolat, évoqué plus tôt. Le second se compose de la solidarité matérielle en

nature (dons de vêtements, de nourriture, de meubles, …). Le dernier volet comprend les

mises à disposition (place de spectacle, prêt de locaux ou de camions, …). L’intégralité de

cette solidarité matérielle est cotée, selon les prix officiels pour les locaux ou les moyens de

transport, ou par un commissaire au compte. En effet, il est important d’avoir des traces

financières de ces dons pour comprendre certaines dépenses : « Partons du principe qu’une

personne déménage, et nous offre ces meubles. Dans la journée, un bénéficiaire nous appelle

pour nous demander un matelas pour son fils. Pour le lui livrer, nous devons utiliser notre

camion. Sans cote de ce qui nous a été donné, comment justifier l’emploi du camion ? »75

. Les

dons en solidarité matérielle représentent plus de 41 millions d’euro en Ile de France pour

l’année 201476

, soit plus du triple de toutes les ressources financières perçues cette même

année (un peu plus de 12 millions). De plus, Brigitte Berlan précise que « cette solidarité

matérielle est souvent sous-estimée. On manque de moyens pour tout comptabilisé, les flux

étant parfois très rapide ». Certaines fédérations ont aussi pris le parti de ne pas faire coter

certaines marchandises récupérées : Thomas Marinier explique que « Dans notre département,

nous ne cotons pas les vêtements. Entre un tee-shirt qui nous est donné mais qui pourrait

presque faire office de serpillière, et un costume trois pièces à peine porté, comment coter

l’aide vestiaire ? ».

73

Entretien avec Brigitte Berlan, réalisé en juin 2015

74 Entretien avec Thomas Marinier, responsable solidarité de la Fédération 92, réalisé en mai 2015.

75 idem

76 Rapport d’activité du Secours Populaire pour la région Ile de France, 2014

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Les ressources du Secours Populaires sont donc multiples. Il est donc intéressant de voir

comment ces dernières sont utilisées pour l’aide alimentaire.

2.1 Focus sur l’aide alimentaire : quelles ressources disponibles ?

Beaucoup de solidarité matérielle s’exerce dans le domaine de l’aide alimentaire. Par

exemple, Thomas Marinier souligne que « sur les 14 structures du département, 11 ont des

locaux mis à disposition par la mairie. A Bezons, les frigos, congélateurs, l’électricité, tout est

fourni par la municipalité ».

Plusieurs sources d’approvisionnement sont possibles :

• le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et le Programme national d’aide

alimentaire (PNAA), mettant à disposition des denrées de base et des produits transformés. Il

s’agit de la source d’approvisionnement la plus importante, comme le montre ce graphique,

créé à partir des chiffres fournis par Thomas Marinier pour le département des Hauts de

Seine.

Source : Etabli par l’auteur. A partir des données fournies par Thomas Marinier.

Ce graphique montre que la moitié des produits distribués proviennent du FEAD, mais

que certaines structures, comme Antony, distribuent presque exclusivement des denrées

venant de ce programme. Les produits proposés ici sont des produits de première nécessité,

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conservables longtemps : le lait, la farine, le sucre, l’huile, conserves de légumes ou de plats

cuisinés, biscuits, …

• les collectes alimentaires auprès des particuliers, réalisées dans les grandes surfaces,

permettent de demander aux personnes présentes dans le magasin de participer à l’association,

et de petits tracts à l’entrée permettent de préciser quels types de produits sont le plus

importants. Elles permettent de recevoir des produits ciblés selon les besoins des structures, si

les stocks diminuent, tout en faisant de la communication et améliorent la visibilité de

l’association.

• des partenariats avec des industriels, la grande distribution, les producteurs locaux.

Cette source d’approvisionnement est particulièrement efficace à l’échelon local. Chaque

structure démarche les potentiels partenaires sur leur ville. Ainsi, à Clichy, Nicole Desnos met

en avant le partenariat créé avec Monoprix et Prêt-a-Manger, qui permet à la structure de

récupérer plus de produits frais, de façon régulière. Certains de ces partenariats se mettent en

place à l’échelle départementale, comme par exemple avec ANDES (Association Nationale de

Développement des Epiceries Solidaires) ; l’accord prévu entre les associations permet

d’approvisionner toutes les structures des Hauts-de-Seine en fruits et légumes.

• l’achat de produits : Chaque structure locale dispose d’un petit budget qui lui est propre,

venant des subventions des mairies locales et de la participation des bénéficiaires. Ces

ressources sont la plupart du temps réinvesties dans l’achat de produits alimentaires

difficilement trouvables sans partenariat spécifique (les œufs par exemple, qui ne sont pas

fournis par le FEAD).

En France, en 2014, plus de 1 600 000 personnes ont reçu un soutien alimentaire, dont

plus de 150 000 en Ile De France.

L’aide alimentaire mobilise donc de nombreuses ressources, et est l’une des principales

actions de l’association. Néanmoins, plusieurs constats montrent que l’aide distribuée

aujourd’hui peut encore être améliorée.

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B. Comment améliorer l’aide alimentaire? Les limites des distributions telles que

proposée aujourd’hui

Les problèmes relatifs à l’aide alimentaire sont de deux ordres : tout d’abord, les

orientations générales et les objectifs du Secours Populaire paraissent difficilement

atteignables. Ensuite, il est intéressant de s’intéresser au point de vue des bénéficiaires sur

l’aide fournie par l’association.

1) L’utopie des orientations générales du SPF en matière d’aide alimentaire

1.1 : La vision de l’aide « telle qu’elle devrait être » selon les convictions du Secours

Populaire

Les orientations du SPF en matière d’aide alimentaire, comme de toutes les autres

aides proposées reposent sur la lutte contre l’assistanat, le respect de la dignité et la

citoyenneté.

Le Secours Populaire cherche à instaurer une dimension généraliste à l’aide

alimentaire. Ainsi, la réponse à l’aide alimentaire est inconditionnelle: « les aides matérielles,

c’est la raison d’être du Secours ! »77

. Lorsque des personnes sont dans une situation

intenable, mais qu’elles ne sont pas encore inscrites dans une des structures, chaque

Fédération départementale peut ainsi délivrer des aides d’urgence, sous forme d’un colis

alimentaire permettant deux à trois jours de repas complets.

Cependant, l’accent est mis, à chaque degré de centralisation (de l’Association Nationale aux

responsables de structures) sur l’importance d’aller vers une solidarité plus globale, où la

personne n’est pas un estomac à remplir, mais bien une personne dans sa globalité qu’il faut

savoir appréhender. Dans la structure de Nanterre, l’équipe a mis en place un slogan, qu’ils se

répètent lorsque les distributions deviennent compliquées à la vue du nombre de bénéficiaires

qu’ils doivent accueillir : « On ne distribue pas que des conserves ; on distribue des sourires ».

Cette phrase devient alors le symbole même de la politique de l’association.

77

Entretien avec Brigitte Berlan, juin 2015

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L’accompagnement est également un sujet de réflexion permanent au sein de

l’association, qui traverse tous ses secteurs d’activité, mais qui est particulièrement mis en

œuvre lors des distributions alimentaires. A travers cet accompagnement, orienter les

personnes accueillies sont orientées vers toutes les solidarités que peut proposer l’association

(vacances, accès à la culture...) ;

L’aide alimentaire doit aussi permettre d’engager le dialogue avec les personnes présentes,

pour une meilleure connaissance de la santé des personnes. Il s’agit de même d’un prétexte

pour aborder la nutrition, l’équilibre alimentaire, l’accès aux sports complémentaire à une

meilleure santé physique.

Une seconde orientation souhaitée par le Secours Populaire est que l’éducation

populaire soit la démarche au fondement de l’action. « Se reconnaître comme issus de

l’éducation populaire, c’est souhaiter favoriser l’émancipation des personnes pour une sortie

durable de la précarité ; c’est refuser la charité, mettre sur le même pied d’égalité les

bénévoles et les personnes accueillies et respecter la dignité de chaque personne »78

C’est dans cette optique qu’est demandée une participation financière des personnes

accueillies, comme mode de valorisation et de lutte contre l’assistanat. « Pour aller plus loin,

créer du lien social, développer des activités de remobilisation sociale, permettre aux

personnes accueillies de participer aux actions de solidarité c’est aussi lutter contre

l’individualisme. C’est un investissement sur l’avenir. Les résultats de nos actes solidaires ne

sont pas visibles immédiatement à l’image d’une distribution alimentaire, mais tout aussi

essentielle dans la construction de la personne » 79

De par cette démarche, les témoignages des personnes éprouvant des difficultés à accéder à

une alimentation suffisante et équilibrée, sont valorisés. Ils peuvent mener à une meilleure

compréhension du public par les pouvoirs publics : depuis les municipalités qui n’ouvrent pas

forcément les restaurations scolaires aux enfants en domicile non stables (camps de roms,

bidonvilles, hôtels, …), jusqu’aux ministères en témoignant de la réalité de la vie des gens.

La collecte est aussi un principe fondateur du SPF, pour assurer une aide alimentaire

selon les postulats précédents (denrées adaptées aux besoins culturels comme nutritionnels

78

Entretien avec Brigitte Berlan, juin 2015

79 idem

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46

pour faire le lien à des problématiques de santé) ; il est donc nécessaire de distribuer d’autres

denrées que celles obtenues par le biais du FEAD.

Les collectes passent par les ramasses et les dons, qui sont quotidiens par le bais de

partenariat avec les enseignes de la grande distribution, rendus possibles par les avantages

importants pour les grandes surfaces à donner (reçu fiscal, pas de coût de destruction) ; la

même logique est perceptible en ce qui concerne les dons en nature, puisqu’il existe une

possibilité de défiscalisation des dons alimentaires agricoles pour les producteurs sous forme

de crédit d’impôt si leurs produits ne sont pas imposable.

Si ces collectes sont si importantes aux yeux de l’association, c’est qu’elles permettente

d’assurer l’indépendance du Secours Populaire « On part du postulat que 50% collecte, 50%

FEAD, on est encore dans l’indépendance. Si on passait à 0% collecte, 100% FEAD ce serait

un véritable danger pour l’indépendance, d’autant plus que le PEAD, c’est-à-dire l’ancienne

version du FEAD a bien failli s’arrêter en 2013. Il faut rester vigilant »80

Néanmoins, ces grands principes directeurs sont mis à mal lorsqu’ils sont confrontés à

la réalité du terrain.

1.2 : De la difficulté d’atteindre les objectifs visés

Tout d’abord, il est à noter que malgré de nombreuses sources de financement, les

moyens financiers sont limités. Il est intéressant de noter qu’en comparant les bilans

d’activités 2009 et 2014, les frais de fonctionnement n’ont pas augmenté ; ils ont même

diminué (14,6 millions en 2009 contre 14,4 millions d’euro en 2014). Dans le même laps de

temps, les dépenses pour ses « missions sociales » (vacances, aide alimentaire ou

vestimentaire, …), ont augmenté (de 40,1millions en 2009 à 56,1 millions d’euro en 2014).

L’augmentation des dons encourage donc l’exercice direct de la solidarité. Cependant, ces

sommes sont encore insuffisantes, et les antennes et comités locaux manquent encore de

moyens financiers. Ceci est d’autant plus vrai que le nombre de bénéficiaires de l’aide

alimentaire du Secours Populaire augmente chaque année.

80

Entretien avec Brigitte Berlan, juin 2015

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Ainsi, la responsable de la structure de Nanterre explique que :

« Avant, nous n’ouvrions qu’une fois par semaine, le jeudi. Mais le nombre de

personnes à accueillir à chaque distribution devenait insensé ! Donc on a réuni les

bénévoles, et on a décidé d’ouvrir deux fois par semaine, pour répartir les gens et

pouvoir voir et parler un peu avec tout le monde … Au début, c’était beaucoup

mieux, mais en à peine un an, on est revenu aux chiffres de l’ancienne

fréquentation, entre 500 et 600 personnes en une journée ! » (Le nombre de

bénéficiaires à l’antenne de Nanterre est passé de 1 518 en 2012 à 2938 en 2014)81

.

Cette augmentation du nombre de bénéficiaires bloque de nombreuses possibilités par

exemple d’achat, si l’on souhaite que toutes les personnes accueillies par l’association puisse

y avoir accès.

« Le FEAD, il ne nous fournit pas tout. Parfois, nos bénéficiaires préfèreraient

avoir du beurre plutôt que de l’huile. Mais on ne peut pas se permettre d’acheter

du beurre pour tout le monde, donc c’est compliqué pour nous de nous en

procurer. » (Bénévole dans la structure du Secours Populaire de Boulogne)

Les moyens logistiques sont également des freins à la bonne réalisation des objectifs

fixés. Ainsi, le manque d’espace ou de salles, qui doivent parfois être partagés avec d’autres

associations, ne se prêtent pas aux activités de distributions alimentaires. Par exemple, à Evry,

les locaux sont excessivement réduits comparés au nombre de personnes accueillies : les

distributions ne peuvent s’effectuer que le samedi, sur un créneau horaire de deux heures,

pour une moyenne de 180 familles venant chercher leurs colis

« La mairie nous met la salle à disposition, donc on peut pas dire grand-chose.

Mais c’est clair que notre distribution doit être la plus rapide du département !

Comme on ne peut absolument pas échanger avec les bénéficiaires à ce moment-

là, on essaye d’organiser d’autres temps consacrés à l’écoute et la parole, mais

c’est beaucoup plus dur à mettre en place » (Bénévole au centre de distribution de

la structure d’Evry)

81

Source des chiffres : Entretien avec Thomas Marinier, mai 2015

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Dans ces conditions, l’aide alimentaire perd de sa valeur comme « porte d’entrée vers la

solidarité » 82

La décentralisation de l’association peut être considéré comme une force (être au plus proche

du terrain), mais représente aussi une faiblesse : en effet, chaque structure peut avoir sa propre

vision de l’aide alimentaire. Certaines ne distribuent qu’une fois par mois un colis très

conséquent, d’autres préfèrent proposer de plus petits colis une fois par semaine. De même,

certains comités ou antennes ont fait le choix de ne pas distribuer de produits frais, car la mise

en place du dispositif est plus compliqué (possibilité de conserver les aliments au frais sur le

lieu de distribution, camions réfrigérés pour le transport, …). Ces choix peuvent être liés aux

spécificités du local, mais aussi à la vision qu’ont les bénévoles de leur rôle.

« Je considère que nous devons avant tout être là pour le lien social. Les

bénéficiaires, qu’on leur donne de la viande ou non, ce n’est pas très grave,

du moment qu’on parle avec eux. On distribue ce qu’on a, c’est déjà bien »

(Bénévole dans la structure de Villeneuve Le Roi)

Le manque de coordination entre les différentes associations alimentaires soulève également

un certains nombres de question. En effet, les Restos du Cœur (principalement) ne sont pas

ouverts toute l’année, et fonctionne sous forme de « Campagnes » : cumulées, ces campagnes

représentent entre 4 et 6 mois d’ouverture par an. Or, à la fermeture des Restos du Cœur, le

Secours Populaire doit faire face à une augmentation drastique des demandes :

« Avez-vous accès à d’autres moyens d’entraide ? D’autres associations par

exemple ?

- Je vais au Restos du Cœur, mais en ce moment, ils sont fermés. Je vais la-bas,

parce que même si la qualité est moins bonne, en quantité, c’est clairement

mieux ! Maintenant qu’ils sont fermés, c’est beaucoup plus dur, donc je viens

plus souvent ici. » (Femme, bénéficiaire du Secours Populaire, centre de

distribution d’Asnières)

82

Entretien avec Brigitte Berlan, juin 2015

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Cet afflux discontinu peut proposer des problèmes dans la gestion des stocks disponibles. De

même, le manque de coordination des associations d’aide alimentaire, qui luttent pourtant

toutes contre l’insécurité alimentaire, ne permet pas de mutualisation des partenariats ou des

biens qui pourraient être partagés (les camions réfrigérés pour organiser les collectes et les

ramasses par exemple).

Enfin, bien que limitant l’insécurité alimentaire des personnes accueillies, les colis

distribués par le Secours Populaire ne reprèsente qu’un soutien, et non une aide globale

permettant d’assurer un accès à une nourriture saine en quantité suffisante sur l’année. Ainsi,

Valérie Dalbard, chargée de projet sur l’aide alimentaire en Ile De France explique que

« Depuis quelques années, l’évolution du colis alimentaire, avec ses produits frais issus de la

ramasse, des dons de producteurs et d’industriels, ses subventions dédiés utilisées à bon

escient offre des denrées plus variées, nutritionnellement de meilleure qualité. La

comparaison actuelle du colis alimentaire 2014 du Secours populaire des Hauts de Seine avec

la référence en ce domaine, le colis alimentaire équilibré défini par Nicole Darmon83

, nous

incite à continuer dans cette voie. ». Cependant, les chiffres qui ressortent indiquent que, par

année, le Secours Populaire offre à ses bénéficiaires 84 repas complets, soit 28 jours de

soutien alimentaire total84

.

Ces données montrent qu’il peut exister un décalage entre les représentations de l’aide

alimentaire faite par les bénévoles et celles de l’aide alimentaire du point de vue des

bénéficiaires. C’est pourquoi qu’en dehors de ces problèmes, qui sont internes à l’association,

l’enquête de terrain a révélé que les personnes accueillies émettent également un certain

nombre de critiques vis-à-vis de l’aide qui leur est proposée.

2) Le point de vue des personnes accueillies

L’étude organisée dans le cadre du projet DRIAAF comporte une question ouverte en

fin de questionnaire : « Avez-vous autre chose à ajouter concernant l’aide alimentaire

disponible au SPF ? ». Cette question est pertinente dans la mesure où elle est large : les

83

Darmon N. , « Recommandations pour un colis d'aide alimentaire équilibré », in Information diététique, 2008

84 Entretien avec Valérie Dalbard, juin 2015

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personnes accueillies ne sont pas influencées par la formulation, et les réponses qui en

découlent mettent en évidence ce que les bénéficiaires considèrent essentiel.

Avant de s’intéresser aux critiques de l’aide alimentaire faites par les personnes

accueillies, il est important de souligner le fait que sur les 513 questionnaires, 56,7% d’entre

eux comportaient une remarque positive : « Merci les bénévoles ! », « Ca nous aide

beaucoup », …

2.1) Les attentes envers les produits distribués

Les produits distribués par le Secours Populaire ne satisfont pas totalement les personnes

accueillies. Ainsi, l’une des remarques qui revient le plus souvent concerne les dates de

péremption de ce qui est proposé.

« Les gens qui distribuent, ils sont gentils, mais des fois, ils me forcent à prendre

des gâteaux qui sont périmés. Ils disent que ça ne pose pas de problème de

santé. Mais moi, j’ai des enfants, je ne veux pas leur donner des trucs périmés,

on sait jamais ce que ça peut leur faire ! » (Femme, bénéficiaire du Secours

Populaire, centre de distribution de Paris)

En effet, les dons des grandes surfaces sont régulièrement des produits qui

approchent de leur date limite de consommation : le temps nécessaire au transport et à la

livraison des produits concernés dans les centres de distribution implique une

distribution des produits qui périment le jour même ou le lendemain de la distribution.

La quantité de denrées distribuée est aussi un facteur de mécontentement :

« Ils veulent nous aider, mais regardez, ils ne nous ont donné que deux litres

de lait aujourd’hui, et la prochaine distribution est dans deux semaines ! Avec

3 enfants, deux litres de lait, ca permet un jour, peut-etre deux, mais pas plus !

Au Restos, on en a plus ! » (Femme, bénéficiaire du Secours Populaire, centre

de distribution de Melun)

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La comparaison avec les Restos du Cœur revient régulièrement dans les témoignages

des familles. Les deux associations ne fonctionnant pas de la même manière, les comparaisons

peuvent se faire sur une grande variété de critères (la qualité, l’accueil, les conditions

d’inscription, …).

Certains produits sont aussi distribués en trop grande quantité d’après les bénéficiaires. La

farine par exemple, dans les familles ne cuisinant que peu, est trop importante, car présente à

chaque distribution.

Les produits confessionnels, notamment la viande halal, sont un autre point de clivage entre

les bénéficiaires et les bénévoles. Ainsi, l’enquête montre que 10,5% des personnes

interrogées dans le département de l’Essonne souhaiteraient bénéficier de produits halal. Or,

la politique du Secours Populaire en ce qui concerne ces produits spécifiques consistent à ne

pas en distribuer, pour ne pas créer de communautarismes et ne pas briser le pied d’égalité sur

lequel se placent tous les bénéficiaires. Certaines familles ont conscience du problème que

peut poser la viande halal, mais propose un système de contrepartie :

« On sait que la viande halal est dure à trouver, et qu’en plus, c’est juste pour une

partie des gens qui viennent ici. On ne peut pas demander aux bénévoles de ne

distribuer que ça ! Mais le problème, c’est que nous, du coup, on n’a pas de

viande, et on n’a pas plus que les autres sur les autres aliments. Si on ne prend

pas de viande, ils pourraient nous donner des œufs ou du poisson

supplémentaires, sinon, c’est pas très juste. » (Homme, bénéficiaire du Secours

Populaire, centre de distribution de Grigny)

Finalement, concernant les produits proposés, il est intéressant de noter que 9,5% des

personnes interrogées au cours de l’enquête évoquent les produits d’hygiène et d’entretien.

Ces produits, bien que non-alimentaires, sont cependant distribués au même moment que les

denrées consommables. Alors qu’un questionnaire dure une demi-heure, pendant laquelle les

habitudes alimentaires sont demandées, lorsque la dernière question est posée, les produits

d’entretien sont très souvent mentionnés.

Toutefois, les produits ne sont pas les seuls composants des critiques concernant l’aide

alimentaire : l’organisation des distributions est également visée.

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2.2) Les critiques autour de l’organisation des distributions

Ainsi, le temps et les conditions de l’attente pour récupérer les colis distribués sont

régulièrement désapprouvés. Beaucoup de locaux de distribution n’ont pas de salle d’attente,

forçant les bénéficiaires à attendre dehors. En plus de ne pas être protégé des caprices du

climat (qu’il s’agisse de la canicule ou de la neige), il peut être dégradant pour ces personnes

d’être exposées dans la rue, soumis aux regards des passants.

Régulièrement, il arrive aux structures de ne pas avoir suffisamment de denrées à donner dans

leurs locaux les jours de distribution : les premiers arrivés ont donc plus de chances de

pouvoir s’approvisionner en grande quantité. Pour cette raison, de nombreuses personnes se

rendent sur les lieux de la distribution bien avant le début de celle-ci. Des stratégies se mettent

en place, et il est fréquent, pour une distribution commençant à 9h, d’avoir dès 7h de longues

files de caddie, déposés très tôt et attachés les uns aux autres, garant de l’ordre des passages.

Bien que les structures tentent d’organiser des créneaux horaires (par ordre alphabétique par

exemple), il est difficile de les faire respecter.

Cette attente pose problème, car le comportement des bénéficiaires comme des

bénévoles en ressentent les effets.

« Ils nous disent qu’il n’y a pas de favoritisme, mais regardez, elle, elle passe toujours

avant ! On nous dit que c’est parce qu’elle est malade, mais moi aussi, et je n’ai pas de

traitement spécial ! c’est du favoritisme, j’en ai marre d’attendre autant à chaque fois ! »

(Femme, bénéficiaire du Secours Populaire, centre de distribution d’Asnières)

Les fréquences de distribution sont également remises en cause dans certaines

localités. Ainsi, certaines structures ne distribuent qu’une fois par mois ; d’autres ont instauré

un système de carte, valable uniquement 4 mois par an, pour permettre à tous les bénéficiaires

d’avoir accès à une aide correcte en quantité au moins à un moment de l’année. Les

bénéficiaires souhaitent des distributions plus rapprochées dans le temps :

« A chaque fois que l’on vient, on repart avec des sacs énormes ! C’est bien,

mais toutes les deux semaines, ou toutes les semaines, ca serait quand même

plus pratique. La, il faut gérer le stock, faire des prévisions pour pouvoir tenir à

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la fin du mois. Et puis, les produits frais, on les mange la première semaine,

mais pour la suite, on fait comment pour les fruits et les légumes ? » (Femme,

bénéficiaire du Secours Populaire, centre de distribution d’Asnières)

Ces fréquences espacées de distribution met également à l’égard les contraintes de transport

des personnes se rendant sur les lieux de distribution. L’exemple du centre de distribution de

Paris est à ce titre particulièrement intéressant. Pour des raisons logistiques, un seul centre de

distribution alimentaire existe sur l’ensemble du département de Paris (75). Situé rue

Montcalm, dans le 18ème

arrondissement, l’accès est malaisé. Lors des refus de répondre aux

questionnaires, l’une des principales raisons était le manque de temps :

« J’en ai pour une heure et demi de transport pour rentrer chez moi, et je dois

aller chercher ma fille à l’école, désolée. » (Femme, bénéficiaire du Secours

Populaire, centre de distribution de Montcalm)

Mis en relation avec la taille des colis, supérieur à la moyenne car distribué

moins fréquemment, le transport devient une véritable problématique. Certaines

personnes doivent renoncer à certains aliments, trop lourd ou volumineux, car elles

savent que le trajet de retour sera compliqué.

Conclusion

L’objet de ce travail de recherche était de déterminer si l’aide alimentaire proposé par le

Secours Populaire était un rempart contre l’insécurité alimentaire. Pour ce faire, il était tout

d’abord nécessaire de dresser un portrait du « mangeur précaire », c’est-à-dire de la personne

n’ayant pas accès à une alimentation saine nutritivement en quantité suffisante. Les habitudes

de consommation, la santé et les liens sociaux des individus touchés par ce phénomène

présentent des caractéristiques spécifiques lorsque la comparaison est faite avec la population

française dans son ensemble. Les foyers se situant en insécurité alimentaire ne sont pas

homogènes ; le logement, le positionnement géographique, le choix d’avoir recours ou non à

l’aide alimentaire sont autant de variables à prendre en considération lorsque l’on évoque

cette réalité sociale.

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Le Secours Populaire Français se positionne alors comme une barrière face à l’insécurité

alimentaire. Depuis sa création, l’association lutte pour la dignité humaine. Cette lutte peut

être menée aujourd’hui seulement grâce aux fondements même de l’association,

historiquement constituée pour combattre l’injustice et les inégalités sociales, et qui s’est peu

à peu transformée, grâce à la force de ses bénévoles. Néanmoins, l’aide alimentaire proposée

par le Secours Populaire affiche plusieurs points faibles. Ces faiblesses trouvent leur source

tout autant au sein même de l’association, de par son organisation, que dans les critiques des

destinataires de l’aide, mises en exergue grâce à l’enquête de terrain.

Le Secours Populaire présente donc un frein, plus qu’un rempart, à l’insécurité

alimentaire. Les personnes accueillies par l’association peuvent y trouver certains produits

auxquels elles n’auraient pu avoir accès sans l’association (viande, poisson, gâteaux, …) mais

aussi des produits de première nécessité (sucre, farine, huile, …), ce qui permet de réduire le

budget consacré à l’alimentation et de consacrer les ressources ainsi épargnées à d’autres

postes. De plus, l’aide alimentaire représente une « porte d’entrée » vers les autres activités

proposées par le Secours Populaire (sorties et loisirs, aide vestimentaire, …).

Malgré le lien social que cela apporte, force est de constater que l’aide alimentaire

proposée n’éradique pas l’insécurité alimentaire des personnes accueillies. Les fréquences de

distributions parfois espacées, les contraintes en matière de transport, la difficile adaptation

des personnes issues de l’immigration à s’approprier les produits proposés et la taille des colis

sont autant de facteurs permettant d’affirmer que les seules distributions ne suffisent pas à

assurer l’accès à une nourriture saine en quantité suffisante pour un foyer.

Le développement de nouveaux partenariats, notamment pour les produits frais (fruits et

légumes, poisson, viande, …), ainsi que l’amélioration des conditions d’accueil sont des

points d’amélioration essentiels à souligner.

Il est également important de souligner, comme le fait Brigitte Berlan que « L’aide

alimentaire parfaite est une aide alimentaire inexistante car sans raison d’être ». Le réel

problème se trouve en amont des associations d’aide alimentaire, car lorsque 12% de la

population d’un pays se situe en situation d’insécurité alimentaire, le droit à l’alimentation,

qui est un droit de l’homme reconnu par le droit international qui protège le droit de chaque

être humain à se nourrir dans la dignité, est distinctement bafoué.

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SOURCES

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surpoids et l'obésité ; enquête réalisée par INSERM / KANTAR HEALTH / ROCHE.

Réalisée de janvier à mars 2012.

CAVAILLET F, LECOGNE C, NICHELE V, « La consommation alimentaire : des inégalités

persistantes mais qui se réduisent », INSEE, Dossier La consommation alimentaire,2009

Étude nationale nutrition santé ENNS, Situation nutritionnelle en France en 2006 selon les

indicateurs d’objectif et les repères du Programme national nutrition santé (PNNS) , 2006

GRANGE D, CASTETBON K, GUIBERT G, VERNAY M, ESCALON H, DELANNOY A,

FERON V, VINCELET C, Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide

alimentaire, Etude ABENA 2 2011-2012 et évolutions depuis 2004-2005, mars 2013.

L’aide alimentaire, un complément budgétaire indispensable ! Baromètre 2010 des Banques

Alimentaires, enquête réalisée par CSA, novembre 2010

Insee, Opération statistique : Enquête auprès des personnes fréquentant les lieux

d'hébergement ou de restauration gratuite / Sans-domicile 2001

SEYS B., HOURRIEZ J.-M., HAYS J.-P, DUMARTIN S., « Indicateurs avancés de pauvreté

à partir des enquêtes permanentes sur les conditions de vie », INSEE, Série des Documents de

Travail de la direction des statistiques demographiques et sociales Département des prix à la

consommation, des ressources et des conditions de vie des ménages, 2001

RAPPORTS

AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments), étude individuelle nationale

des consommations alimentaires 2 (INCA 2), 2006-2007, rapport publié en septembre 2009

BADIA Benjamin, BRUNET Florence, CARRERA Audrey, KERTUDO Pauline et TITH

Florence, avec la collaboration de CAILLAVET France, INEGALITES SOCIALES ET

ALIMENTATION Quels sont les besoins et les attentes en termes d’alimentation des

personnes en situation d’insécurité alimentaire et comment les dispositifs d’aide alimentaire

peuvent y répondre au mieux ? Rapport final, Décembre 2014

Conseil National de l’Alimentation, Avis n°72, « Aide Alimentaire et Accès à l’alimentation

des populations démunies en France », adopté à l’unanimité le 22 mars 2012

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Cour des comptes, Le secours populaire français (exercices 2007 à 2010) - décembre 2012,

Haut comité de la santé publique. Pour une politique nutritionnelle de santé publique en

France. 2000. ENSP. Avis et Rapports. 275 p.

Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), Rapport 2001-2002

ETIEVANT Patrick, BELLISLE France, DALLONGEVILLE Jean, ETILE Fabrice,

GUICHARD Elisabeth, PADILLA Martine et ROMON-ROUSSEAU Monique, Les

comportements alimentaires. Quels en sont les déterminants ? Quelles actions pour quels

effets ? Synthèse du rapport d’expertise, Expertise scientifique collective INRA, Juin 2010

RAMEL Magali, BOISSONNAT Huguette, SIBUE DE CAIGNY Chantale, ZIMMER Marie-

France, SE NOURRIR LORSQU’ON EST PAUVRE, Analyse et ressenti de personnes en

situation de précarité, Rapport du Mouvement ATD Quart-Monde, Mars 2014

Rapports d’activité du Secours Populaire pour les 6 fédérations de la région Ile de France,

2014 (Rapports d’activité des départements des Yvelines (78) et Seine-Saint-Denis (93)

indisponibles)

Rapport et bilan d’activité du Secours Populaire Français, 2009

Rapport et bilan d’activité du Secours Populaire Français, 2014

Plan pluriannuel contre la pauvreté et l’inclusion sociale, Bilan 2013-2014 et feuille de route

2015-2017, 3 mars 2015

ENTRETIEN

Entretien avec Brigitte Berlan (juin 2015) : B. Berlan est actuellement présidente du

Conseil de Région du SPF Ile de France. Au cours de ses 22 ans de bénévolat, au sein de

structures locales et de fédérations, elle a rencontré de nombreux bénévoles, et s’est intéressé

à tous les pans de l’association (responsable de la solidarité monde au sein d’une fédération,

organisations de collectes, d’événements, de départs en vacances, …). Son rôle est

aujourd’hui de coordonner et d’apporter un soutien aux 8 différentes fédérations composant la

région francilienne.

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Entretien avec Elodie Coduys (juillet 2015) : responsable de l’animation de réseau des

bénévoles au sein de l’Association Nationale du SPF. Sa fonction lui donne accès à des

données sur les besoins de bénévoles sur le terrain, les motivations incitant les personnes à

donner de leur temps pour l’association, …

Entretien avec Valérie Dalbard (mai 2015) : Chargée de projet sur l’aide alimentaire pour la

région francilienne. Son parcours de bénévole commence à l’antenne de Nanterre, mais sa

formation de nutritionniste la fait très vite travailler sur des projets portant sur l’amélioration

de l’aide alimentaire, en prenant notamment en compte les besoins nutritionnels et caloriques

des personnes accueillies.

Entretien avec Thomas Marinier (mai 2015) : Ancien directeur de la Fédération des Hauts-

de-Seine (92), il est aujourd’hui responsable de la solidarité (notamment alimentaire) sur ce

département. Son rôle est de coordonner l’ensemble des structures locales et de répondre à

leurs besoins.

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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

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Sciences Politiques les presses, 2006.

POULAIN Jean-Pierre, Manger Aujourd’hui, Attitudes, normes et pratiques , Ed. Privat.

Paris. 2002

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ARTICLES

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l’histoire du secours alimentaire », in Revue internationale de l'économie sociale : Recma, n°

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journée annuelle de nutrition et de diététique

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SITES INTERNET

Site internet du PNNS : http://www.mangerbouger.fr/pnns/le-pnns-c-est-quoi.html

Site officiel des Restos du Cœur : http://www.restosducoeur.org/

Site officiel du Secours Populaire Français : https://www.secourspopulaire.fr/

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Liste des Annexes

Annexe 1 : Graphiques complémentaires issus de l’enquête de terrain

Annexe 2 : Présentation du questionnaire réalisé dans les structures d’aide alimentaire du

Secours Populaire

Annexe 1 : Graphiques complémentaire issus de l’enquête de terrain

Suivi de terrain de l’enquête : 1169 personnes ont été sollicitées. Parmi ces personnes,

30% ont refusé de participer (par manque de temps, par refus de divulguer des informations

considérées trop personnelles, par manque d’intérêt ou sans raison précise). 26% n’étaient pas

éligibles, soit parce qu’elle venait pour la première fois (et ne connaissaient donc pas le

système de distribution), soit parce qu’un membre de la même famille avait déjà été enquêté,

soit parce que la personne sollicitée ne parlait ou ne comprenait pas suffisamment le français.

Langue 18%

1ère distribution 6%

Déjà enquêté 2%

Manque de temps

22%

Trop personnel 1% Pas interressé

4% Sans raison

3%

Equipé avec enfants

29%

Equipé sans enfant

12% Non-équipé avec

enfants 2%

Public non-équipé sans

enfant 2%

Refus 347 30%

Public enquêté

513 Q 44%

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En ne prenant en compte que le public enquêté, 22% des bénéficiaires vivent dans un

logement non-stable (foyers, hôtels sociaux, squatts, SDF, …) , mais seulement 6,4% ne sont

pas suffisamment équipé ( On entend par suffisamment équipé les ménages pouvant faire

cuire, chauffer et conserver les aliments). Néanmoins, il ne faut pas oublié que 18% de la

population sollicitée n’a pas pu être interrogée à cause de la barrière de la langue.

Ce graphique montre la première source d’approvisionnement selon le type de produits

(tous publics confondus). Ainsi, les fruits et légumes, la viande, le poisson et les oeufs sont

majoritairement achetés, alors que les produits de type FEAD (huile, sucre, farine, conserves,

gâteaux secs, …) sont à presque 50% perçus via divers moyens d’entraide (SPF, autres

associations, amis et familles en soutien, services sociaux, glanage, …)

Logt stable équipé 76,8% Logt stable Non

équipé cuisson 0,4%

Logt stable Non équipé

conservation 1,0%

Logt précaire équipé 17,0% Logt précaire

Non équipé cuisson

1,2%

Logt précaire Non équipé

conservation 1,8%

Logt précaire Non équipé cuisson et

conservation 2,0%

Logement stable 78%

Logement précaire

22%

0%

20%

40%

60%

80%FEAD

Ramasse

Viande poissonœuf

Fruits etLégumes

SPF

Achat

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Questionnaire Analyse des besoins des bénéficiaires Projet SPF-IDF/DRIAAF 2013-2015

Questionnaire Analyse des besoins des bénéficiaires Projet SPF-IDF/DRIAAF 2013-2015

Plusieurs réponses possibles

Resto du Cœur, Croix Rouge, Secours catholique, autre association

Service Social, Epicerie sociale

Famille, Amis, Voisinage

Glanage

Refus de répondre

B7 : Quelles sont vos contraintes en matière de transport des denrées distribuées au SPF? Un seule réponse

Je dois utiliser un véhicule pour venir à la distribution

Je dois utiliser un caddie pour venir à la distribution

Je dois m'organiser sans véhicule ni caddie

Refus de répondre

B8 : Avez-vous autre chose à ajouter concernant l’aide alimentaire disponible au SPF?

____________________________________________________________________________________________

Je vous remercie pour votre collaboration et le temps que vous

avez bien voulu m’accorder

B6 : Mis à part le SPF, pouvez-vous avoir accès à d'autres moyens d'entraide pour vous

approvisionner en nourriture (achats exceptés)?

____________________________________________________________________________________________

____________________________________________________________________________________________

____________________________________________________________________________________________

____________________________________________________________________________________________

____________________________________________________________________________________________

Date : /_ _/_ _/_ _ / Durée d'enquête: /_ _/ minutes

Environnement familial et social

A1. Nom : ___________________________ A2. Prénom : ______________________

A3. Structure SPF de référence : ___________________________________________________

A4.Avez-vous des enfants à charge ? Oui Non Refus de répondre

A4a.Si oui, combien ? |__|__| Refus de répondre

A4b.Si oui, combien déjeunent à l'extérieur? |__|__| Refus de répondre

A4c.Si oui, combien ont moins de 3 ans ? |__|__| Refus de répondre

A5.Quel type de logement occupez-vous ? Une seule réponse

Appartement, maison (propriétaire, locataire ou hébergé par un proche)

Caravane, baraque

CHRS, foyer, maison relais, appartement thérapeutique

Hôtel accessible via Samu Social, 115 ou autre dispositif

Sans domicile fixe, squat, voiture

Autre (précisez)  : _____________________________________________________

Refus de répondre

Equipement du foyer

A6.Avez-vous accès à un équipement pour vous permettre de cuire ou de chauffer vos aliments?

Oui Non Refus de répondre

A7.Avez-vous accès à un équipement pour vous permettre de conserver vos aliments?

Oui Non Refus de répondre

Aidez-nous à améliorer l’aide alimentaire disponible au SPF !

Merci de nous faire connaître vos besoins, vos souhaits concernant les denrées distribuées.

Votre opinion nous est précieuse et ce questionnaire ne vous prendra que quelques minutes.

Vos réponses et les informations recueillies sont traitées de manière anonyme et confidentielle.

Seul le résultat statistique global sera diffusé en interne au SPF

Note pour le chargé d’enquête : La suite du questionnaire ne pourra être administrée que si la personne

interrogée remplit les critères correspondant à la grille de quotas définie pour la structure SPF enquêtée.

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Questionnaire Analyse des besoins des bénéficiaires Projet SPF-IDF/DRIAAF 2013-2015

Aliments Achat Autre source

Je ne m’en

procure pas Aliments

Nombre

de fois

par jour

Nombre

de fois

par

semaine

Nombre

de fois

par mois jamais

Refus de

répondre

Nombre

de fois

par jour

Nombre

de fois

par

semaine

Nombre

de fois

par mois jamais

Refus de

répondre

Nombre

de fois

par jour

Nombre

de fois

par

semaine

Nombre

de fois

par mois jamais

Refus de

répondre Aliments Je souhaite les trouver au SPF

Refus de

répondre

Lait Lait Lait

Fromage affiné Fromage affiné Fromage affiné

Yaourt/fromage blanc frais Yaourt/fromage blanc frais Yaourt/fromage blanc frais

Dessert lacté/crème dessert Dessert lacté/crème dessert Dessert lacté/crème dessert

Fruit frais Fruit frais Fruit frais

Fruit sec Fruit sec Fruit sec

Jus de fruits Jus de fruits Jus de fruits

Fruit en conserve Fruit en conserve Fruit en conserve

Légume frais hors pdt Légume frais hors pdt Légume frais hors pdt

Pomme de terre entière Pomme de terre entière Pomme de terre entière

Légume sec Légume sec Légume sec

Légume en conserve, Légume en conserve, Légume en conserve,

Légume en soupe, en purée Légume en soupe, en purée Légume en soupe, en purée

Sucre Sucre Sucre

Miel et sirop Miel et sirop Miel et sirop

Chocolat et confiserie Chocolat et confiserie Chocolat et confiserie

Confiture Confiture Confiture

Chips/apéritifs salés Chips/apéritifs salés Chips/apéritifs salés

Biscuits secs sucrés Biscuits secs sucrés Biscuits secs sucrés

Huile/Margarine Huile/Margarine Huile/Margarine

Beurre Beurre Beurre

Farine Farine Farine

Céréales complètes Céréales complètes Céréales complètes

Couscous/ Semoule/blé Couscous/ Semoule/blé Couscous/ Semoule/blé

Pâtes Pâtes Pâtes

Riz Riz Riz

Pizza, crêpes, tartes salées Pizza, crêpes, tartes salées Pizza, crêpes, tartes salées

Sandwiches Sandwiches Sandwiches

Plats cuisinés Plats cuisinés Plats cuisinés

Salades composées Salades composées Salades composées

Œufs Œufs Œufs

Poisson Poisson Poisson

Viande Viande Viande

Charcuterie et salaisons Charcuterie et salaisons Charcuterie et salaisons

Pain Pain Pain

Biscotte Biscotte Biscotte

Viennoiserie/brioche Viennoiserie/brioche Viennoiserie/brioche

Gâteaux et pâtisseries Gâteaux et pâtisseries Gâteaux et pâtisseries

Café Café Café

Thé/infusion Thé/infusion Thé/infusion

Chocolat à boire Chocolat à boire Chocolat à boire

Si A4c>0 Si A4c>0 Si A4c>0

Aliment Bébé lait maternisé Aliment Bébé lait maternisé Aliment Bébé lait maternisé

Aliment Bébé petits pots Aliment Bébé petits pots Aliment Bébé petits potsAliment Bébé Céréales Aliment Bébé Céréales Aliment Bébé Céréales

Note pour le chargé d’enquête  : cocher une

seule réponse par aliment

Note pour le chargé d’enquête  : Les produits

confessionnels ne sont pas pris en compte

Note pour le chargé d’enquête : Une seule réponse par

aliment, soit un chiffre dans les 3 premières colonnes

soit une croix dans les 2 dernières

Sources d'approvisionnement

Souhaits concernant les denrées

disponibles en distribution

B1.Pour chacun des aliments

suivants, comment vous en

procurez-vous la plus

importante quantité (achat ou

autre) ?

B5.Parmi la liste des aliments suivants,

pourriez-vous cocher 5 aliments

maximum dont vous souhaiteriez

bénéficier grâce à l’aide alimentaire SPF?

B4.En ce moment, pour les repas pris en

votre présence, à quelle fréquence vos

enfants consomment-ils une portion des

aliments suivants?

Habitudes de consommation Enfant

Déjeuner à l'extérieur en semaineHabitudes de consommation Adulte

B2.En ce moment, à quelle fréquence

mangez-vous une portion des aliments

suivants?

Note pour le chargé d’enquête : Une seule réponse par

aliment, soit un chiffre dans les 3 premières colonnes

soit une croix dans les 2 dernières

Habitudes de consommation Enfant

Tous les repas pris en votre présence

B3.En ce moment, à quelle fréquence vos

enfants consomment-ils une portion des

aliments suivants?

Note pour le chargé d’enquête : Une seule réponse par

aliment, soit un chiffre dans les 3 premières colonnes

soit une croix dans les 2 dernières