alimentation des chiens en soins intensifs par s.j. delaney, a.j

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Responsable des Éditions Scientifiques, Communication, Groupe Royal Canin Responsable des Programmes de Recherche en Nutrition, Centre de Recherche Royal Canin Directrice de Communication Scientifique, Royal Canin USA Pascale Pibot Vincent Biourge Denise Elliott Nutrition Encyclopédie de la Clinique Canine Close window to return to IVIS Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien.

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Page 1: Alimentation des chiens en soins intensifs par S.J. Delaney, A.J

Responsable desÉditions Scientifiques,

Communication, Groupe Royal Canin

Responsable des Programmes de Recherche

en Nutrition, Centre deRecherche Royal Canin

Directrice deCommunication

Scientifique,Royal Canin USA

Pascale Pibot Vincent Biourge Denise Elliott

NutritionE n c y c l o p é d i e d e l a

Clinique Canine

Close window to return to IVIS

Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien.

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Alimentation des chiens en soins intensifs

Sean DELANEYBS, MS, DVM, Dipl ACVN

Andrea FASCETTIDVM, PhD, DiplACVIM, Dipl ACVN

Denise ELLIOTTBVSc (Hons) PhDDipl ACVIM, Dipl ACVN

1 - Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455

2 - Indications pour l’alimentation assistée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455

3 - Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 456

4 - Choix du type d’alimentation assistée : arbre décisionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459

5 - Alimentation entérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459

6 - Alimentation parentérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466

7 - Complications liées à l’alimentation entérale ou parentérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472

Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475

Informations nutritionnelles Royal Canin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 476

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La médecine humaine et les modèles animaux ont montrétous les bénéfices à attendre d’une alimentation adaptée

en période de soins intensifs : amélioration de la fonction immunitaire et de la cicatrisation des plaies, accélération de laréponse au traitement, récupération plus rapide et diminution de la mortalité. Malgré ces bénéfices, les besoins nutritionnelsdes chiens hospitalisés sont souvent ignorés parce que les aspectsmédicaux et chirurgicaux sont considérés comme prioritaires.L’objectif du support nutritionnel est de fournir l’énergie et les nutriments dans des proportions optimales pour le chien hospitalisé afin d’obtenir une efficacité maximale.

Alimentation des chiens en soins intensifs

Sean J. DELANEYBS, MS, DVM, Dip ACVNSean Delaney détient une Licence en zoologie de l’Université de Californie à Santa Barbara, ainsi qu’un Master en Nutrition et un

Doctorat en Médecine vétérinaire de l’Université de Californie à Davis. Il a obtenu un diplôme du Collège Américain de Nutrition

Vétérinaire suite à un Résidanat effectué à l’Université de Californie à Davis dans le domaine de la Nutrition clinique. Il enseigne

actuellement la Nutrition clinique des petits animaux à l’hôpital de la faculté de Médecine vétérinaire de cette même université.

Il est par ailleurs le fondateur du Davis Veterinary Medical Consulting, Prof. Corp., société spécialisée dans l’assistance et le conseil

nutritionnels auprès du secteur des aliments pour animaux de compagnie.

Andrea J. FASCETTIVMD, PhD, Dip ACVIM & ACVNDiplômée de l’école de Médecine vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie, Andrea Fascetti a fait son internat et son résidanat de

Médecine à l’Animal Medical Center de la ville de New York. Elle détient un doctorat de l’Université de Californie à Davis et est

Diplomate du Collège Américain de Médecine Vétérinaire Interne et du Collège Américain de Nutrition Vétérinaire. Andrea Fascetti est

actuellement Professeur agrégé à la faculté de nutrition de l’Université de Californie à Davis. Elle dirige par ailleurs le service de nutrition

de l’hôpital de la faculté de Médecine vétérinaire de cette même université. Ses recherches portent actuellement sur le métabolisme des

oligo-éléments chez le chien et le chat, l’amélioration des aliments pour animaux de compagnie, et la biodisponibilité et le métabolisme

de la taurine chez le chien.

Denise A. ELLIOTTBVSc (Hons) PhD Dipl. ACVIM, Dip ACVNDenise Elliott obtient son doctorat de Médecine vétérinaire avec mention à la faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de

Melbourne en 1991. Après un internat en Médecine et Chirurgie des petits animaux à l’Université de Pennsylvanie, Denise effectue un

résidanat de Médecine Interne des petits animaux et de Nutrition clinique à l’Université de Davis (Californie). Elle bénéficie d’une bourse

universitaire en Médecine rénale et en hémodialyse. Denise devient membre du Collège Américain de Médecine vétérinaire Interne en

1996, et du Collège américain de Nutrition vétérinaire en 2001. Elle obtient son PhD de Nutrition à l’Université de Davis en 2001,

pour ses travaux sur l’analyse de l’impédance bioélectrique à multifréquence chez les chats et les chiens en bonne santé. Denise occupe

actuellement la fonction de Directrice de la Communication scientifique dans la filiale Royal Canin aux USA.

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La malnutrition est probablement sous-estimée chez les chiens hospitalisés. Elle se traduit surtout parun apport protéique et/ou énergétique insuffisant pour soutenir le métabolisme tissulaire, et elle peutnuire à la prise en charge médicale ou chirurgicale d’un chien hospitalisé (Remillard & coll, 2001). Cer-tains chiens sont susceptibles d’être carencés en protéines et/ou en énergie en raison d’une diminutionde la consommation alimentaire.

Une étude récente a été réalisée à partir du suivi de 276 chiens pendant un équivalent de 821 journéesd’hospitalisation dans quatre grands hôpitaux vétérinaires des États-Unis. Elle a montré que dans 73 %des cas, les animaux hospitalisés présentent un bilan énergétique négatif (Remillard & coll, 2001), soitune couverture énergétique inférieure à 95 % du BEB (besoin énergétique de base), lui-même évaluéà partir de la consommation spontanée lors du retour à la maison.

Trois causes majeures ont été identifiées :- dans 22 % des cas, les conseils d’alimentation sont mal formulés ou mal transcrits- dans 34 % des cas la diète est préconisée- dans 44 % des cas, les chiens refusent leur aliment.

Au final, l’étude a montré que l’ingéré énergétique a une influence positive et significative sur le pro-nostic.

1 - PhysiopathologieUn jeûne simple signifie la privation de nourriture chezun chien en bonne santé ; le jeûne devient complexequand l’anorexie est une conséquence de la maladie. Lacapacité de l’organisme à réagir à un état d’inanitionest altérée chez un sujet malade. Le jeûne chez un chienen bonne santé ne constitue donc pas un bon modèlepour le chien malade et anorexique. De nombreusesmaladies peuvent accroître les besoins énergétiques etnutritionnels par rapport à ce qui est requis pendant unjeûne simple (Tableau 1).

Chez un chien physiologiquement stressé, il y a pro-duction accrue des catécholamines, de glucocorti-coïdes et de glucagon. Bien qu’il ne soit pas encore pos-sible d’évaluer les besoins nutritionnels spécifiquespour les différents types de jeûne complexe, cet état jus-tifie la mise en place d’une nutrition assistée.

Il n’existe pas de données suggérant des facteurs de risque spécifiques nécessitant la mise en place d’unenutrition assistée. La sévérité de la maladie est le seul facteur commun parmi les chiens ayant besoind’une assistance nutritionnelle.

Indépendamment de la prédisposition raciale à des maladies impliquant une nutrition assistée, aucunerace n’est plus susceptible qu’une autre d’avoir besoin d’un support nutritionnel.

2 - Indications pour l’alimentation assistéeCertains cliniciens estiment utile de disposer d’indicateurs pour déterminer quand il faut mettre enplace une alimentation assistée. Idéalement, un biomarqueur spécifique, sensible, et facile à mesurerdevrait être disponible. Malheureusement il n’en existe toujours aucun de fiable (De Bruijne, 1979; Fascetti & coll, 1997). Cependant certaines recommandations trouvées dans la littérature à propos desparamètres à suivre chez le chien peuvent servir de guides pour déterminer quand l’alimentation assis-tée devrait être instaurée (Remillard & coll, 2001).

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TABLEAU 1 - INFLUENCE DU JEÛNEET DU STRESS SUR LE MÉTABOLISME

Jeûne Stress physiologique

Activation des médiateurs

Synthèses protéiques

Catabolisme

Néoglucogenèse

Dépense énergétique

Niveau de malnutrition

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Premier critère : la durée de l’anorexie avant la consultation ou la durée prévisible de l’anorexie

Les chiens anorexiques pendant trois à cinq jours sont déjà dans un état de jeûne et, sur la base des quo-tients respiratoires humains (QR), ils utilisent principalement les tissus musculaire et adipeux commesubstrat énergétique (Owen & coll, 1979). Il n’y a pas de stock de protéines dans l’organisme; dès lors,tout catabolisme se traduit par la perte de protéines fonctionnelles. Il est primordial, pour assurer uneprise en charge efficace des chiens en phase critique, de minimiser ou d’éliminer ce catabolisme.

Il est parfois difficile de savoir clairement quand a débuté une anorexie en fonction des conditions d’en-vironnement du chien à la maison, et du mode d’alimentation utilisé.

- Il est difficile d’évaluer la consommation alimentaire des chiens qui résident dans une famillepossédant plusieurs chiens nourris à volonté.

- Les propriétaires peuvent sous-estimer la durée de l’anorexie, ou surestimer la consommationdu chien.

Pour faire face à cette difficulté, le praticien doit s’efforcer de quantifier le volume alimentaire que l’ani-mal consomme. À partir de cette information, l’apport calorique approximatif du chien est estimé etcomparé à ses besoins énergétiques (voir paragraphe 5B pour leur estimation).

Il est encore plus difficile d’anticiper la durée d’une période d’anorexie. La progression de la maladieest imprévisible même si beaucoup se comportent de manière relativement prévisible. Dans les cas oùexiste une forte probabilité que le chien ne mange pas volontairement, il faut planifier une assistancenutritionnelle. Il est recommandé d’anticiper ce besoin potentiel lorsque les chiens sont anesthésiéspour des examens complémentaires ou pour un traitement. Dans ce cas, le fait de mettre en place simul-tanément une sonde d’alimentation pendant l’intervention est une stratégie thérapeutique en phasecritique. Cela permet d’augmenter le nombre de chiens susceptibles de recevoir une assistance nutri-tionnelle.

Autres critères : l’indice corporel, la modification du poids et l’albuminémie

Ces deux critères cliniques et cette valeur biologique peuvent servir d’indicateurs pour confirmer lebesoin d’une assistance nutritionnelle.

- Les chiens présentant un indice corporel inférieur à 3 sur une échelle de 9 points (Laflamme &coll, 1994) ou inférieur à 2 sur une échelle de 5 points (Edney & Smith, 1986) doivent être consi-dérés comme présentant un mauvais état nutritionnel et une alimentation assistée est à envi-sager immédiatement (Figure 1).

- Une réduction du poids supérieure à 5 ou 10 % non due à une déshydratation montre égale-ment que le chien a besoin d’une assistance nutritionnelle rapide.

- Enfin, une hypoalbuminémie due à un déficit de production hépatique est un indicateur fiablepour justifier une intervention nutritionnelle.

3 - Examens complémentairesAnamnèse alimentaire

Pour chaque chien, il faut des informations les plus précises et complètes possibles sur l’historique durégime alimentaire ; celles-ci peuvent s’avérer très utiles pour déterminer la durée et le degré de l’ano-rexie. Il convient d’interroger soigneusement les propriétaires non seulement à propos de la marque etdu type d’aliment offert, mais aussi à propos des quantités distribuées et de la fréquence des repas. Lesdétails doivent permettre de déterminer la prise calorique journalière totale et la comparer aux besoinscaloriques théoriques. La détermination de la consommation alimentaire est souvent compliquée parle fait que de nombreux propriétaires ont abandonné le régime habituel du chien pour passer à de nou-veaux aliments pour inciter leur animal à manger. Les aliments récemment introduits ont souvent untaux d’humidité et/ou un taux de matières grasses plus élevés. La perte des points de repères habituels

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Si une anorexie dure ou est susceptible de durer au minimumtrois à cinq jours, elle doit entraîner une prise en charge nutritionnelle(alimentation par voie entéraleou parentérale).

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rend difficile l’interprétation d’une perte de poids spontanée. Il existe une propension naturelle à assu-mer que la consommation alimentaire est adéquate puisqu’elle sous-entend un meilleur pronostic pourle client, et permettrait d’éviter au vétérinaire d’imposer une alimentation assistée coûteuse. Cepen-dant, il importe d’être le plus objectif possible.

Heureusement, grâce à internet, l’accès aux données relatives à la densité énergétique des aliments estdevenu plus aisé. De nombreux sites web de fabricants d’aliments pour chiens donnent les concentra-tions énergétiques de leurs produits (en kilocalories par unité de volume ou de poids), alors qu’elles nesont pas toujours présentes sur les étiquettes. En outre, des monographies sur les aliments s’obtiennentfacilement chez de nombreux fabricants. Les données relatives à la densité énergétique des ingrédientsutilisés en alimentation ménagère peuvent s’obtenir à partir du site du ministère de l’Agriculture desÉtats-Unis (www.nal.usda.gov). Le site du premier auteur de ce chapitre (www.balanceit.com) synthé-tise également des informations utiles à propos des aliments industriels et des rations ménagères. Cesoutils, associés à une anamnèse alimentaire précise et complète, permettent de confirmer et de mieuxévaluer le degré et la durée de l’anorexie présentée par le chien.

Poids corporel

La détermination du poids du chien, ajusté en fonction de son état d’hydratation, est un paramètre cli-nique important. Cependant, pour un chien en soins intensifs qui a besoin d’une assistance nutrition-nelle, sa valeur est réduite, sauf si des relevés de poids récents sont disponibles. Les comparaisons nedoivent être faites que sur la base de mesures faites sur la même balance, puisqu’il peut exister des varia-tions d’une balance à l’autre.

Chaque chien doit être pesé quotidiennement pendant l’hospitalisation. Un soutien nutritionnel déci-dé seulement lorsque le chien a perdu du poids alors qu’il était hospitalisé, constitue une stratégie

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FIGURE 1 - NOTATION DE L’INDICE CORPOREL EN 5 STADES

Stade 1Émaciation : pas de tissu adipeux apparent.Côtes et vertèbres lombaires très visibles.

Fonte musculaire évidente.

Stade 2Maigreur : peu de graisse de couverture.

Côtes et vertèbres lombaires facilement palpables et éventuellement visibles. Légère fonte musculaire.

Stade 3Condition corporelle idéale : bon équilibre

entre masse grasse et masse maigre.

Stade 4Excès de poids : dépôts graisseux visibles sur les côtes et les vertèbres lombaires.

Taille peu visible.

Stade 5Obésité massive : dépôts graisseux

très importants sur les côtes et les vertèbres lombaires. Taille non visible.

Un indice corporel inférieur à 2 justifie la mise en place d’un support nutritionnel.Une perte de poids supérieureà 10 %, un jeûne de plus de 3 jours et une hypoalbuminémie sontd’autres critères permettantd’évaluer l’état nutritionnel du chien.

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médiocre de prise en charge. Idéalement, un chien hospitalisé doit garder un poids relativement stablevoire prendre du poids pendant son hospitalisation. Un gain de poids est cependant à interpréter avecprudence dans la mesure où la plupart des chiens prennent du poids lors de la réhydratation. La peséequotidienne vise à s’assurer que l’alimentation est correcte. Une perte de poids régulière chez un chienhospitalisé constitue pour le clinicien un signe clair que sa gestion nutritionnelle n’est pas adéquate oun’est pas instaurée suffisamment tôt.

Indice corporel (IC)

L’évaluation clinique de la composition corporelle se limite à utiliser un système de grille pour évaluerl’état d’embonpoint, grâce à des repères visuels et tactiles (Laflamme, 1994). Bien que le système denotation de la condition corporelle présente des limites (ex : incapacité à quantifier la masse maigre),il nécessite un entraînement minimum mais pas de préparation ni d’équipements spéciaux.

Des méthodes expérimentales plus précises permettent de déterminer la composition ducorps: par exemple l’utilisation de la DEXA (Dual Energy X-ray Absorptiometry), l’impédancebio-électrique et la dilution d’un isotope stable. Ces méthodes sont cependant technique-ment et économiquement lourdes : leur utilisation n’est donc intéressante que pour larecherche.

Dès lors, l’utilisation d’un indice corporel est la méthode la plus pratique pour quantifier lacomposition corporelle d’un chien (Figure 1 et voir chapitre 1). C’est aussi un excellentoutil pour transmettre un “tableau de référence de l’animal” à des collègues travaillant ausein de la même clinique ou à des vétérinaires auxquels le chien est référé. Bien que des modi-fications subtiles étalées sur plusieurs jours puissent ne pas être détectées par le clinicien,même le plus expérimenté, l’utilisation de l’IC donne un aperçu de l’état nutritionnel global du chien que la seule pesée ne détecte pas. Dès lors, il doit être utilisé comme unemesure de la condition physique “chronique” alors que les modifications quotidiennes dupoids sont des indicateurs de condition en phase “aiguë”.

Le poids corporel et l’IC ne varient habituellement pas suffisamment vite pour permettre desévaluations et des ajustements quotidiens, ils sont plutôt un indicateur de la réponse à longterme d’un animal à la nutrition assistée.

Albuminémie

La production quotidienne d’albumine représente environ 50 % de la synthèse globale des protéines.Une consommation inadéquate de protéines alimentaires altère cette production. Cependant, commela demi-vie de l’albumine est d’environ 8 jours chez le chien, il faut souvent plusieurs jours pour que lestatut albuminique reflète un changement nutritionnel (Kaneko & coll, 1997). Un exemple de ce déca-lage est donné dans un article de De Bruijne (1979). Dans son étude, aucune modification de l’albu-minémie n’est détectée chez des chiens en bonne santé subissant un jeûne simple pendant 21 jours.Une autre étude faite sur 105 chiens hospitalisés a montré que l’albuminémie à l’admission a une valeurprédictive statistiquement significative pour l’évolution clinique (Michel, 1993). Une baisse de l’albu-minémie est due soit à une production diminuée, soit à une production très importante de protéinesinflammatoires, soit encore à des pertes excessives. Une albuminémie normale ne signifie pas qu’il faillearrêter l’alimentation assistée.

Autres biomarqueurs

Actuellement, il n’existe aucun signe clinique isolé ni aucun marqueur biochimique qui aide à déter-miner l’état nutritionnel. La numération leucocytaire et la créatine kinase chez le chat, et des protéinestelles que la protéine C réactive, la pré-albumine, la transferrine et la protéine transportant le rétinolchez l’homme ont été étudiées en tant que marqueurs de l’état nutritionnel. Néanmoins, tous ces bio-marqueurs sont influencés par de nombreux autres facteurs qui rendent leur interprétation difficile

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Beauceron à la pesée - Un poids corporel quia été enregistré des années ou même des mois

auparavant ne peut être utilisé pour déterminerune perte de poids accidentelle.

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(Phang & Aeberhardt, 1996; Fascetti & coll, 1997). À l’heure actuelle, les meilleurs outilsd’évaluation de l’état nutritionnel d’un chien sont :

- une anamnèse médicale et alimentaire complète- des examens cliniques- la mesure du poids corporel- une comparaison de l’indice corporel actuel à une référence préalable- le bilan sanguin de routine.

4 - Choix du type d’alimentationassistée : arbre décisionnel

Les nutriments peuvent être administrés de deux manières : par voie entérale ou paren-térale. C’est au clinicien qu’il incombe de déterminer la meilleure stratégie concernantla nutrition assistée (Figure 2).

La nutrition parentérale ne devrait être utilisée que si l’alimentation entérale est impos-sible. L’alimentation parentérale est plus compliquée à mettre en œuvre, plus onéreuse etelle est associée à un risque septique non négligeable.

5- Alimentation entéraleL’alimentation entérale représente la meilleure alternative lorsque l’animal le permet. Lorsque l’in-testin peut fonctionner, il faut l’utiliser ; cela favorise le fonctionnement physiologique des entéro-cytes et prévient le risque de translocation bactérienne. L’impact de la nutrition entérale précoce aété récemment étudié chez des chiens atteints de parvovirose (Mohr & coll, 2003) ; par rapport à deschiens ne recevant rien per os, les chiots nourris par voie entérale ont présenté une convalescenceplus rapide, un meilleur gain de poids et la fonction barrière de l’intestin était améliorée. Ces résul-tats suggèrent que l’amélioration clinique est sans doute plus rapide avec l’alimentation entérale.Pour la mettre en œuvre, différentes techniques sont utilisables : alimentation par voie naso-œso-phagienne, œsophagienne, gastrique ou jéjunale.

Les différents types de sonde d’alimentation entérale

L’appétit d’un chien hospitalisé est très irrégulier. Si l’aliment n’est pas bien consommé spontanément,la pose d’une sonde naso-œsophagienne, œsophagienne, gastrique ou jéjunale s’impose.

> Sondes naso-œsophagiennes

Ce type de sonde convient très bien à une durée d’alimentation n’excédant pas unesemaine pour un chien hospitalisé. Les sondes naso-œsophagiennes nécessitent peu dematériel spécialisé et sont donc peu onéreuses.

Des sondes de 3 à 8 F sont en général retenues. Pour un chien, la longueur optimale de lasonde naso-œsophagienne équivaut à la distance entre le bout du nez et la 7e côte.

Un gel anesthésique local est appliqué à l’extérieur de la sonde qui est ensuite passée parle méat ventral jusqu’au sphincter de l’œsophage. La sonde est fixée en la suturant à lanarine, un ou deux autres points peuvent être nécessaires sur la face et la tête.

Les contre-indications de cette technique concernent les chiens présentant un trauma-tisme sérieux de la face incluant les narines, des vomissements à répétition, un état deconscience altéré ou des anomalies anatomiques ou fonctionnelles du larynx, du pharynxou de l’œsophage.

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Pesée d’un chiot West Highland White TerrierLa nutrition entérale précoce permet de luttercontre la perte de poids et donc de minimiser leseffets du catabolisme lors de maladie virale telleque la parvovirose (Mohr & coll, 2003).

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La plupart des chiens tolèrent la mise en placed’une sonde naso-œsophagienne sans tranquillisation préalable.

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1. Le chien couvre-t-il ses besoins énergétiques au repos (BER = 70 x [poids corporel en kg]0,75) avec la consommation alimentaire spontanée?

Oui. Une assistance nutritionnelle n’est probablement pasindiquée. Continuer l’alimentation normale par voie orale.

Non. Une alimentation assistée est indiquée.

2. Le chien présente-t-il des vomissements, une diarrhée incoercible, est-il anesthésié, est-il incapable derecevoir une sonde d’alimentation, est-il atteint de pancréatite sévère et ne peut-on lui mettre en place

une sonde de jéjunostomie, ou vient-il de subir une gastrectomie et/ou une entérectomie?

Oui. L’alimentation par voie parentérale est probablement indiquée.

Non. L’alimentation entérale est probablement plus indiquée.

3. Une voie veineuse (via la veine jugulaire,saphène, etc.) est-elle en place ou peut-elle être

mise en place?

Oui. Il faut utiliser une solution parentérale

administrée par voie centrale.

Non. Il faut utiliser une solution parentérale administrée

par voie périphérique.

4. Le chien est-il urémique,risque-t-il de le devenir ou souffre-t-il d’encéphalose

hépatique lorsqu’il reçoit un régime comportant plus de 15 %de calories d’origine protéique?

Oui. Alimenterpar voie

parentéralecentrale avecune solution àteneur réduiteen protéines.

5. Le BER du chien doit-il être assuré exclusivement par

l’administration de lasolution parentérale

périphérique?

Non. Utiliser unesolution parentérale

périphérique àteneur "normale"

en matièresgrasses.

Oui. Utiliser une solution parentérale périphérique pauvre en matières grasses administrée à un niveau inférieur au BER

et reconsidérer la situation si une partie de l’alimentation peut se faire par voie entérale.

Non. Envisager d’utiliser une solution

parentérale périphérique riche

en matières grasses.

Oui

6. Le chien est-ilhyperlipidé-

mique?

Non. Alimenterpar voie

parentérale centrale avecune solution

à teneur "normale"

en protéines.

FIGURE 2 - ARBRE DÉCISIONNEL POUR BIEN CHOISIR LE TYPE DE SUPPORT NUTRITIONNEL À METTRE EN PLACE

7. Le chien peut-il être anesthésié?

Voir Tableau 1

Oui Non

8. Le chien souffre-t-il de pancréatite et/ou l’estomac

et le duodénum doivent-ils êtrecourt-circuités?

9. Le chien pèse-t-il plus de 15 kg?

Oui. Mettreen place

une sonded’alimentationnaso-oesopha-

gienne ounaso-gastrique

de 8 Fr.

10. Prévoit-on que le chien aura besoin dela sonde d’alimentation pour plus de 2 ou

3 mois, et/ou présente-t-il une fonctionœsophagienne anormale?

Non. Mettreen place

une sondenaso-œso-phagienne

ou naso-gas-trique de 5 Fr.

Non. Mettre en placeune sonde

naso-œsophagienne de5 Fr.

Non

Oui. Mettre en place une sonde de

gastrostomie de 18 à 24 Fr soit

chirurgicalement, soitendoscopiquement.

Oui. Envisager de mettreen place une sonde de

jéjunostomie de 5 à 8 Fr.

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L’inconvénient majeur réside dans le fait que leur faible diamètre impose de donner les aliments sousforme liquide. Il existe un risque de fausse-déglutition si la sonde est positionnée malencontreuse-ment dans la trachée ou si le chien la rejette. Pour limiter ce risque, le positionnement correct de lasonde devrait toujours être vérifié avant l’alimentation de l’animal.

> Sondes d’œsophagostomie

Les sondes d’œsophagostomie sont indiquées pour les chiens qui ont besoin d’une assistance nutri-tionnelle à moyen terme. Ces sondes sont généralement bien tolérées et peuvent être facilementmises en place avec un équipement minimum. La seule vraie complication concerne le risqued’infection à l’endroit de sa pose. Des soins méticuleux de la plaie chirurgicale sont requis pour lemaintien de la sonde. Ce type de sonde est indiqué pour les chiens souffrant de lésions mandibulaire,maxillaire, nasale, pharyngienne, et/ou inaptes à saisir et ingérer leur nourriture.

Le chien est légèrement anesthésié, placé en décubitus latéral, et une préparation aseptique de la régioncervicale gauche est réalisée. Une sonde urinaire en caoutchouc, en plastique ou en silicone de 5-12 Frpeut être mise en place.

L’extrémité de la sonde d’œsophagostomie est placée à la partiemoyenne de l’œsophage. La partie extérieure de la sonde est fixée aucou par une suture en papillon ou un lacet chinois.

L’alimentation par le tube peut commencer une fois que le chien estbien réveillé de l’anesthésie. L’aliment doit être présenté sous formede bouillie liquide : il peut s’agir d’un aliment sec ou humide mixéavec de l’eau ou d’une solution prête à être utilisée.

La plaie guérit par formation d’un tissu de granulation dans les deuxsemaines qui suivent l’enlèvement de la sonde.

> Sondes gastriques

Les sondes de gastrostomie sont disponibles en plusieurs tailles : lessondes 18-20 Fr conviennent pour les petits chiens et les sondes24 Fr s’adaptent aux chiens plus grands. Les sondes existent enlatex ou en silicone. Divers modèles sont disponibles (Figure 3).Différents adaptateurs d’alimentation peuvent être fixés à la sonded’alimentation. Un dispositif en Y est préférable parce qu’il pré-sente une double voie :- une voie pour le cathéter par lequel on administre les aliments

lorsque le tube est en place depuis au moins 24 h- une voie pour les seringues à extrémité Luer utilisées pour les médi-

caments oraux.

Aux États-Unis, des sondes gastriques “low profile” sont maintenantdisponibles, permettant à la fois la procédure initiale et la procédurede remplacement. Elles sont positionnées au niveau de la paroi ducorps de l’estomac (Figure 4). Les sondes gastriques de ce type sonten silicone et semblent provoquer moins d’inflammation au niveaude l’ouverture. Un adaptateur d’alimentation est fixé à l’extrémité dudispositif pendant l’alimentation.

Trois techniques sont possibles pour la mise en place d’une sondeœsophagienne :- en utilisant une aiguille

par voie percutanée- via un abord chirugical

de l’œsophage- en passant la sonde par voie

rétrograde, grâce à un introducteurde sonde percutanée Eld.

FIGURE 3 - DIFFÉRENTS TYPESDE SONDES GASTRIQUES

Les sondes gastriques existent en plusieurstailles et en plusieurs modèles. Elles sonten latex ou en silicone. Le modèle le pluscourant de sonde gastrique est un cathéterchampignon de type Pezzar en latex. Lessondes en silicone durent de 6 à 12 mois et sont moins irritantes au site d’insertionque les sondes en latex. Les sondes gastriques “low profile” sont chères, mais elles résistent au moins 12 mois.

FIGURE 4 - ILLUSTRATION D’UNE SONDE GASTRIQUE“LOW PROFILE”APRÈS SA MISE EN PLACE

L’acceptation d’une sonde “low profile” par le chien et le propriétaire est bien meilleure que pour une sonde traditionnelle, dans la mesure où le chien présente un aspectnormal, sans un long tube fixé au corps ou sans qu’il soit nécessaire de le recouvrir d’un pansement chaussette.L’extrémité en champignon est conçue comme une valve anti-reflux qui empêche le reflux du contenu gastrique.

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Les sondes en latex classiques (Figure 5) sont moins onéreuses mais s’usent vite.Les sondes en silicone peuvent résister 6 à 12 mois et sont moins irritantes ausite d’insertion.

> Sondes jéjunales

L’alimentation par cette voie ne se justifie que lorsque l’estomac ou le duodé-num doivent être court-circuités. La sonde se pose après avoir effectué une laparotomie et une entéropexie. Les aliments utilisés par cette voie doivent êtrestériles. La forme liquide s’impose car la solution est administrée directementdans le jéjunum, à l’aide d’une sonde de 5 à 8 Fr de diamètre.

Alimentation entérale par sonde : aspects pratiques

De l’eau est introduite par la sonde d’alimentation 12 à 18 heures après la miseen place initiale (sauf en cas d’alimentation par voie œsophagienne où aucundélai n’est nécessaire), et l’alimentation peut démarrer dans les 24 à 36 heuresaprès la pose. En général, un quart à un tiers du besoin calorique quotidien est administré le premier jour, correspondant au besoin énergétiqueau repos (BER*).*BER = 70 x (poids corporel en kilos)0,75 = kilocalories par jour.

En l’absence de complication, la quantité d’aliment administrée est progressivement augmentée pourcouvrir le besoin calorique total vers le 3e ou le 4e jour, au plus tard le 7e jour en cas de jeûne prolongé.

Le volume total d’aliment est distribué en quatre à six repas de même importance qui ne doivent pasdépasser la capacité stomacale du chien (de 5 mL au début à 15 mL/kg/repas ensuite). La solution nutri-tive est administrée à température ambiante et injectée lentement, en 5 à 15 minutes (Figure 6). À lafin de l’administration, le tube doit être rincé avec 5 à 10 mL d’eau tiède.

Par rapport à l’alimentation entérale intermittente, l’alimentation intra-gastrique continue ne paraîtpas avoir d’effet positif sur le gain de poids et le bilan azoté chez les chiens en bonne santé (Chandler& coll, 1996). En revanche, elle est mieux supportée par les animaux qui présentent un risque de sur-charge digestive.

De petits repas fréquemment administrés sont généralement mieux tolérés que des repas plus impor-tants et plus espacés. Si le propriétaire est capable de continuer à fractionner la ration quotidienne,ce type d’alimentation est recommandé. Sinon, il faut habituer progressivement le chien au rythmede distribution que le propriétaire pourra respecter. Avec le temps et l’adaptation à la procédure d’ali-mentation assistée, la fréquence des repas peut être réduite pour arriver à deux à trois repas par jourseulement.

Avant chaque repas, il convient d’aspirer le contenu gastrique résiduel à l’aide d’une seringue. Si plusde 50 % du volume précédemment administré sont encore présents, le contenu doit être réinjecté dansl’estomac et la procédure d’alimentation est décalée jusqu’au repas suivant. Une aspiration fréquentedu repas précédent suggère un retard de vidange gastrique et justifie une prise en charge médicale (parexemple, l’administration de 1 mg de métoclopramide 20 à 30 minutes avant l’alimentation, par voieSC ou IM).

La plupart des médicaments oraux doivent être administrés avant l’aliment, à l’exception des chéla-teurs de phosphates qui doivent être mélangés directement à l’aliment.

Le positionnement de la sonde doit être vérifié chaque jour pour détecter un déplacement éventuel,une douleur, une rougeur, une odeur ou un écoulement anormal (Figure 7). L’ouverture doit être net-toyée quotidiennement à l’aide d’une solution antiseptique. Il ne faut pas laisser de résidu alimentaireau voisinage de la plaie.

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FIGURE 5 - ILLUSTRATION D’UNE SONDE GASTRIQUECLASSIQUE APRÈS SA MISE EN PLACE

Les sondes en latex sont peu onéreuses mais elles doivent généralement être remplacées dans les 8 à 12 semaines.

Le bon positionnement de la sondede gastrostomie doit être vérifiée

à l’endoscope.

L’aliment est mélangé avec la plus petite quantité d’eaunécessaire pour pouvoir être administré à la seringue. Si l’aliment est une bouillie,l’embout de la seringue doit êtresuffisamment large pour éviterl’obstruction.

FIGURE 6ALIMENTATION ENTÉRALE

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Couverture des besoins nutritionnels

> Hydratation

L’eau est l’un des quatre macronutriments de base et, en cas de carence,c’est elle qui provoque les effets préjudiciables les plus immédiats. Dèslors, la nutrition assistée dans sa forme élémentaire consiste à fournir auxchiens hospitalisés de l’eau à volonté et/ou un liquide administré par voieparentérale. Malheureusement, il existe une tendance à n’administrerque le minimum et à ne pas apporter d’autre support nutritionnel. La flui-dothérapie de réhydratation doit être considérée comme une composantede la nutrition assistée et non comme une nutrition assistée complète.

> Couverture des besoins énergétiques

Les besoins énergétiques de la plupart des chiens hospitalisés nécessitantune alimentation assistée sont proches de ceux du besoin énergétique aurepos (BER), ce besoin étant calculé en utilisant l’équation citée plushaut (Remillard & coll, 2001).

Bien que cette équation ne réponde pas toujours à toutes les situations individuelles, elle sert de pointde départ pour réduire au minimum la probabilité de suralimentation ou de sous-alimentation du chien.Chez la plupart des chiens, la couverture du BER se traduit par une stabilité du poids et un maintiende l’IC du chien pendant plusieurs semaines d’hospitalisation.

La densité énergétique du régime doit être maintenue la plus élevée possible pour limiter le volume dechaque repas. Il convient de sélectionner soigneusement le volume et le type de liquide utilisé pourdiluer l’aliment de base. Il faut souligner l’importance qu’il y a à trouver un équilibre entre la densitéénergétique et la viscosité d’un l’aliment présenté sous forme de bouillie. Même une faible augmenta-tion de la densité énergétique peut avoir un impact important sur la fréquence et le volume des repas.Ceci peut influencer de manière significative le succès du programme alimentaire et la capacité de cou-vrir les besoins énergétiques de l’animal.

C’est la matière grasse qui fournit la quantité maximale d’énergie, mais c’est également elle qui a l’effetde dilution le plus marqué sur les nutriments. Augmenter la matière grasse revient à diminuer la quan-tité totale ingérée et donc l’apport en nutriments essentiels. Le fait d’utiliser de l’eau ne modifie pas laconcentration en nutriments sur la base de l’apport énergétique global, mais diminue par contre laquantité de calories par unité de volume. L’eau peut servir de diluant dans la plupart des cas mais unsirop de sucre peut être utilisé chez le chien pour augmenter la densité énergétique d’une bouillie touten diminuant la viscosité de l’aliment. D’une manière générale, le fait d’augmenter le taux d’humiditéde l’aliment jusqu’à 80 % permet d’obtenir, après passage au mixer, une bouillie qui est à la fois relati-vement dense sur le plan énergétique (selon le régime) et facile à administrer. L’aliment mixé est ensuiteadministré à l’aide d’une sonde d’alimentation de 12 Fr ou plus (Figure 8).

> Équilibre des sources énergétiques

Les substrats énergétiques sont les protéines, les matières grasses et les glucides. La couverture énergé-tique étant généralement assurée par la combinaison de ces trois catégories de nutriments, la discus-sion reste ouverte sur l’équilibre nutritionnel optimal. Certains pensent que tous ces nutriments ontuniquement pour objectif d’apporter de l’énergie jusqu’à ce que le BER du chien soit couvert. D’autressont d’avis que certains substrats contribuent à l’épargne protéique, même lorsque les besoins caloriquesdu chien ne sont pas satisfaits.

• Matières grassesLes régimes riches en matières grasses sont habituellement bien acceptés et bien tolérés. À volume égal,les matières grasses apportent à peu près deux fois plus de calories que les protéines et les glucides, per-mettant un apport énergétique supérieur chez des chiens consommant peu. Bien qu’elles améliorent

FIGURE 7 - DÉPLACEMENT DE LA SONDE GASTRIQUEHORS DE L’ESTOMAC, DANS LE TISSU SOUS-CUTANÉ

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Cette situation est une urgence chirurgicale car elle peut entraînerune péritonite septique.

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l’appétence et l’acceptation d’un régime, l’augmentation soudaine du taux de matières grasses de l’ali-mentation semble être l’une des causes les plus régulières et les moins reconnues de troubles gastro-intestinaux, de pancréatite en particulier.

Beaucoup de régimes commerciaux très digestibles fournissent souvent jusqu’à 30 % des calories à partir des matières grasses. L’utilisation de ces aliments devrait se limiter aux chiens non-suspects d’intolérance aux matières grasses.

Lorsqu’un un chien hospitalisé commence à être réalimenté, le fromage blanc ou du poulet sans la peauavec du riz sont fréquemment recommandés. Ces aliments sont appétents, très digestibles et consti-tuent d’excellentes alternatives aux régimes riches en matières grasses.

• Acides aminésLes acides aminés administrés par voie entérale, tels que la glutamine, auraient un effet d’épargne pro-téique. Une étude étaye le bénéfice potentiel de la glutamine sur la base de la cinétique de la leucinedans l’ensemble de l’organisme (Humbert & coll, 2002). Malheureusement, il n’y a pas de preuves cliniques en faveur du fait qu’un chien supportera une solution entérale d’acides aminés en quantitésuffisante pour satisfaire ses besoins énergétiques, lorsqu’il ne supporte pas un aliment complet. Cepen-dant, l’administration d’un produit de ce type par voie entérale à vitesse constante (même à un niveauinférieur au BER du chien en couvrant le reste des besoins énergétiques par voie parentérale), peuts’avérer tout à fait intéressante pour réduire le risque d’atrophie des villosités et de translocation bac-térienne (Qin & coll, 2002; Kotani & coll, 1999).

1. Le diamètre de la sonde d’alimentation est-il inférieur à 12 Fr?

4. Le chien présente-t-il une intolérance aux matières grasses?

NonOui. Choisir un aliment en conserve mixé pauvre

en lipides.

3. Le chien est-il urémique, risque-t-il de le devenir ou souffre-t-il d’une encéphalopathie hépatique lorsqu’il reçoit un régime comportant

plus de 15 % de calories d’origine protéique, mais supporte-t-il les matières grasses?

Non. Envisager des produits entérauxliquides présentant

une densité énergétiqued’au moins 1 kcal/ml.

Oui. Choisir un régimeliquide pauvre

en matières grasses,contenant 20 %

ou moins de calories d’origine lipidique et unedensité énergétique d’au

moins 0,75 kcal/ml.

2. Le chien présente-t-il une intolérance auxmatières grasses (vidange gastrique retardée

ou risque de pancréatite)?

NonOui

Oui. Choisir un aliment en conservemixé pauvre en matières grasses.

Non. Choisir un régime à haute densitéénergétique riche en protéines et très vraisemblablement riche en matières

grasses.

FIGURE 8 - ARBRE DÉCISIONNEL POUR FACILITER LE CHOIX D’UN ALIMENT À ADMINISTRER PAR SONDE ENTÉRALE

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Complications de l’alimentation entérale

Pour les chiens en phase critique, la majeure partie du suivi a pour but d’éviter des complicationsspécifiques liées à la nutrition assistée.

> Complications chirurgicales

Une lacération splénique, une hémorragie gastrique, un pneumopéritoine, un déplacement de la sondevers la cavité péritonéale et une péritonite ont été rapportés comme étant des complications possiblesmais rares de la mise en place d’une sonde d’alimentation assistée.

Il faut repérer une possible intolérance du chien à l’égard de la sonde. Celle-ci peut se manifester pardes éternuements, des bâillements, des vomissements et/ou une cellulite au niveau du site de mise enplace de la sonde, selon le type utilisé. Le risque majeur associé à la pose d’une sonde est l’infection ausite d’introduction.

Des soins méticuleux de la plaie chirurgicale sont indispensables pour maintenir la sonde en place. Leslésions au site d’insertion (écoulement, douleur, gonflement, érythème, formation d’un abcès et ulcération) peuvent être prévenues grâce à une hygiène stricte de la plaie et en empêchant le chien dese lécher. Des emplâtres tièdes contenant une solution antiseptique, placés au niveau de l’insertion,limitent les problèmes et accélèrent la cicatrisation.

Un arrachage intempestif de la sonde par le chien constitue indubitablement la complication la plusproblématique: une étude a montré qu’elle survient dans environ 20 % des cas, ce qui souligne bien àquel point il est important de fixer la sonde grâce à un pansement chaussette (Figure 9) (Elliott & coll,2000).

Le retrait de la sonde par le chien demande à être traité en urgence s’il a lieu avant que des adhérencessoient en place. Dans la plupart des cas, une nouvelle sonde peut être mise en place à travers l’ouver-ture existante en utilisant un cathéter guide. Il faut vérifier radiographiquement que le remplacements’est fait de manière appropriée, après injection d’un produit de contraste iodé. Si la sonde est restéeen place moins de sept jours ou s’il y a des signes de péritonite ou de fuite du produit de contraste radio-graphique, une laparotomie exploratoire est nécessaire pour corriger la situation. L’utilisation de sondesgastriques “low profile” réduit la fréquence de cet accident.

> Obstruction de la sonde

Périodiquement, les sondes sont obstruées par les aliments. Pour lever l’obstruction, il faut masser l’extérieur de la sonde tout en effectuant simultanément des cycles de rinçage et d’aspiration avec unepetite seringue contenant de l’eau. Les autres techniques possibles sont : l’administration de solutionscarbonatées (ex : soda à base de cola), de solutions d’enzymes pancréatiques pendant 15 à 20 minutesou l’utilisation prudente d’un cathéter en polyuréthane pour forcer le passage. Le dernier recours consisteà enlever et remplacer la sonde.

> Pneumonie par aspiration

Le risque de pneumonie par aspiration chez le chien en phase critique lors d’alimentation entérale estréel, surtout en cas de vomissements, ou lorsque le chien est en décubitus latéral, tranquillisé ou anesthésié. Elle peut aussi être directement liée à l’administration d’aliment dans la trachée si la sondenaso-oesophagienne est mal positionnée. Pour prévenir le risque de pneumonie d’aspiration, la sur-veillance de la température, du rythme respiratoire et l’auscultation font partie des examens quotidiensà pratiquer.

Une sonde longue doit impérativement être protégée du risque d’arrachage par le chien.Les mesures de sécurité comprennent la fixation de la sonde à la paroi abdominale, la pose d’un pansement chaussette et le port d’une collerette par le chien.

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FIGURE 9 - FIXATIONDE LA SONDE

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Après l’alimentation par voie entérale, le contenu de l’estomac constitue un excellent réservoir de sub-stances inductrices de pneumonie, en raison de leur acidité et de leur charge microbienne élevée.Cependant, il convient de noter qu’un homme produit jusqu’à 63 ml par heure de salive chargée debactéries (McClave & Snider, 2002). Donc, il est très vraisemblablement exagéré de supposer que toutle matériel aspiré provient de l’estomac. Le rôle de l’alimentation entérale dans le développement dela pneumonie par aspiration est controversé chez l’homme (McClave & Snider, 2002). Le fait que leschiens aient une position horizontale plutôt que verticale est susceptible de jouer un rôle important.

> Surcharge digestive

La surcharge gastrique est une complication fréquente de l’alimentation entérale chez l’homme (Davies& coll, 2002). Elle peut provoquer de simples nausées voire des vomissements.

Le nombre total de calories journalières à distribuer dicte le volume du repas individuel. La surestima-tion des besoins énergétiques d’un chien augmente le risque d’intolérance au volume. En médecinehumaine, une surévaluation initiale du besoin énergétique pour l’alimentation entérale se traduit sou-vent par le fait que le patient reçoit finalement moins de calories par jour en raison de l’inappétenceou de l’intolérance au volume (McClave & Snider, 2002).

Il existe un débat concernant la valeur prédictive du résidu stomacal (contenu gastrique résiduel mesu-ré par aspiration avant le repas suivant) pour éviter ce risque chez l’homme (McClave & Snider, 2002).Le volume résiduel ne dépend pas seulement du volume du repas distribué puisque la vitesse de vidan-ge gastrique joue également un rôle. Cependant, cela semble constituer un bon indicateur de la tolé-rance au volume administré.

Une diarrhée osmotique peut apparaître avec n’importe quelle forme d’alimentation entérale, en par-ticulier lorsque des régimes complexes sont administrés sans transition, trop rapidement ou à une tem-pérature trop élevée ou trop basse.

> Syndrome de réalimentation

Un syndrome de réalimentation peut se produire après une alimentation assistée par voie entérale,comme l’ont montré des études réalisées chez le chat et chez l’homme (Solomon & Kirby, 1990; Justin& Hohenhaus, 1995).

Durant le jeûne, l’organisme privilégie les concentrations extra-cellulaires de nombreux électrolytesaux dépens des concentrations intracellulaires. Ce phénomène peut ensuite induire un flux vers l’in-térieur de la cellule lorsque le glucose est apporté, et par voie de conséquence, quand l’insuline est ànouveau produite par le chien lors de la réalimentation. Ce flux peut entraîner une baisse importantedes concentrations sériques en électrolytes (potassium et phosphore surtout), et éventuellement mettreen danger la vie du chien. Ainsi, par exemple, la kaliémie est maintenue en cas de déplétion intracel-lulaire en potassium. Lorsque la glycémie augmente en réponse à l’alimentation, l’organisme libère del’insuline qui pompe le glucose et le potassium dans le sang vers l’intérieur de la cellule. Il en résulteune kaliémie rapide et sévère. Des phénomènes d’hypomagnésiémie et surtout d’hypophosphatémieont également été rapportés (Figure 10) (Justin & Hohenhaus, 1995; Macintire, 1997). L’hypophos-phatémie pourrait être responsable d’hémolyse de troubles cardiaques et neurologiques (Justin & Hohen-haus, 1995).

6 - Alimentation parentéraleL’alimentation par voie parentérale est coûteuse et techniquement délicate à mettre en oeuvre. Elle estréservée aux cas où le tube digestif doit absolument être laissé au repos, pour des raisons médicales ouchirurgicales, ou lorsque le chien doit rester couché.

L’intolérance vis-à-vis de l’alimentationentérale est habituellement liéeà un volume excessif du repas qui dépasse la capacité stomacale.La fréquence à laquelle les proprié-taires peuvent administrer les alimentspar sonde est en général limitée.L’inconfort du chien, le risque de diarrhées et de vomissementspeuvent être minimisés en :- réduisant le volume total

(en augmentant la fréquence des repas ou en augmentant la densité énergétique)

- en ralentissant la vitesse d’administration

- en proposant l’alimentà température ambiante

- en diminuant l’osmolarité de l’aliment

- en prenant en charge simultané-ment les troubles hydro-électroly-tiques et acido-basiques.

Pour prévenir un syndrome de réalimentation, il convient de prendre les trois mesures suivantes :(1) Réintroduire lentement les ali-

ments chez les animaux qui ontété sous-alimentés pendant des périodes prolongées (plus de 5 jours)

(2) Fournir une supplémentation adéquate en potassium,en phosphore et éventuellementen magnésium

(3) Surveiller de près les électrolytespendant les 24 premières heuresde la réalimentation.

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Aspects pratiques

> Préparation

Tous les éléments de la ration sont soigneusement mélangés dans une poche stérile, en respectant l’ordresuivant : glucose puis acides aminés puis lipides. L’introduction des lipides en dernier évite le risque dedéstabilisation de l’émulsion à cause de la solution glucidique. La poche est ensuite réfrigérée et soncontenu est utilisé en moins de 48 heures, en la connectant au système de perfusion.

> Mise en place des cathéters

Le chien est anesthésié ou seulement tranquillisé s’il est déjà affaibli. Le site d’injection est pré-paré de manière chirurgicale (Figure 11).

À cause de leur richesse en glucose eten acides aminés, les solutés pour ali-mentation paren térale sont souventtrès hypertoniques. Leur administra-tion doit donc se faire via un cathétercentral, placé dans la veine cave crâniale (abord jugulaire – Figure 12)ou caudale (abord par la veine saphène).Le débit important de ces veines permetune dilution rapide du mélange admi-nistré.

Figure 12 - Le débit important de la veine cave crâniale permet une dilution rapide du mélange administré par voie parentérale.

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FIGURE 10 - MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES DE L’HYPOPHOSPHATÉMIEAPRÈS UN JEÛNE PROLONGÉ

Glucose

Insuline

Énergie

Cellule

Phosphore

Réalimentation après un jeûne

Afflux de glucose disponible

Augmentation de la sécrétion d’insuline

Activation de la glycolyse et du métabolisme énergétique

Mobilisation massive de phosphore vers les cellules

Risque d’hypophosphatémie

Figure 11 - Mise en place d’un cathéter central par voie jugulaire.

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> Vitesse d’administration

La vitesse d’administration des solutions parentérales est limitée par trois facteurs principaux : levolume de liquide, son osmolarité et le risque de troubles métaboliques.

> Volume de liquide

Le volume de liquide constitue rarement un problème majeur, sauf chez les chiens présentant une sur-charge liquidienne ou lors d’oligurie/anurie, en cas d’insuffisance cardiaque congestive, d’insuffisancerénale aiguë ou de stade terminal d’insuffisance rénale chronique. Lorsque le volume de liquide est lefacteur limitant, il faut s’efforcer d’augmenter la densité énergétique de la solution en augmentant laconcentration de l’émulsion lipidique si c’est possible.

> Composition électrolytique

La composition électrolytique et le volume d’eau de la solution parentérale peuvent être ajustés pourpermettre de l’utiliser comme un soluté de réhydratation classique et de diminuer le volume total àadministrer. L’utilisation d’une solution à osmolarité élevée augmente le risque de thrombophlébite(Roongpisuthipong & coll, 1994). La vitesse d’administration aussi est importante: ainsi, une solutionprésentant une osmolarité de 650 mOsmol/l administrée par cathéter périphérique à la vitesse norma-le est bien tolérée (Chan & coll, 2000a; 2002,). Par contre, des études chez l’homme ont montré quele même soluté administré au double de la vitesse normale ne l’est pas aussi bien (Kuwahara & coll,1998). Une solution présentant une osmolarité de 1300 mOsmol/L peut être tolérée si elle est admi-nistrée à la moitié de la vitesse normale.

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AJUSTEUR DE PERFUSION (POUR LES SOLUTÉS DE RÉHYDRATATION SEULEMENT)

Il existe des logiciels qui permettent de régler le débit de perfusion en nombre de gouttes/15secondes,et de connaître la durée de la perfusion selon le poids de l’animal, le volume totalà perfuser et le débit horaire souhaité (en mL/kg/h).

Étape 1: Poids de l’animal

1h 23min

359,0 mL/h

30 gouttes/15 secondes

500 mL

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10 mL/kg/h

Étape 2: Volume à perfuser

Étape 3: Débit de perfusion souhaité(10 mL/kg/h recommandé)

Étape 4: Estimation de la durée de perfusion

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> Troubles métaboliques

Les complications métaboliques couramment associées à la nutrition parentérale sont :- l’hyperglycémie- l’hyperlipidémie- le syndrome de réalimentation.

Une hyperglycémie peut être associée à l’administration rapide d’un soluté contenant du glucose quidépasse la capacité du pancréas à répondre à l’hyperglycémie et à sécréter des quantités appropriéesd’insuline. L’hyperglycémie est souvent évitée en réduisant la vitesse de perfusion et/ou en adminis-trant de l’insuline (Tableau 2).

Un état d’hyperlipidémie peut se développer lorsque la capacité du chien à métaboliser les graissesadministrées est saturée.

Le syndrome de réalimentation renvoie à des modifications électrolytiques associées au transportde glucose aux cellules lors de la réintroduction d’aliment après une anorexie prolongée (voir plushaut). Pour minimiser la plupart de ces complications, il faut assurer un suivi soigneux et utiliser unprotocole de sevrage.

S’il se produit des cas d’anomalies électrolytiques lors de la réalimentation, il est recommandé de réduire la vitesse d’administration de la solution et/ou d’en arrêter progressivement l’administration,tout en corrigeant simultanément les anomalies électrolytiques. Dès que celles-ci ont disparu, l’admi-nistration peut être reprise ou accélérée pour satisfaire les besoins énergétiques.

TABLEAU 2 - PROTOCOLE DE RÉGULATION DE LA GLYCÉMIE

Protocole GlycémieAu début, commencer la perfusion à 1/4 à 1/3 de la vitesse cible et habituer le chien selon les conseils ci-des-sous, en augmentant la vitesse par paliers de 1/3 à 1/4 de la vitesse cible. La décroissance se fait sur le mêmerythme lorsqu’on arrête la perfusion. Il est recommandé de contrôler la vitesse d’administration toutes les4 heures jusqu’à ce que l’on soit à 100 % de la vitesse cible.

Un contrôle plus strict de la glycémie peut être obtenu si on le souhaite, mais cela peut s’avérer plus difficile à réaliser.

Glycémie (mg/dL) Mesures

< 70 mg/dLou 4 mmol/L

Possibilité de problème avec la mesure, le mode d’administration, la solution et/ou le chien.Vérifier qu’on administre bien la solution correcte et que le chien n’a pas d’autre raison de devenir hypoglycémique. Envisager d’augmenter la vitesse d’administration et/ou la concentration de glucose dans la solution.

< 250 mg/dL ou 14 mmol/L

Augmenter la vitesse de perfusion jusqu’à 100 % de la vitesse cible si le chien est en phase d’adaptation. Continuer à la vitesse actuelle si l’on est déjà à 100 %de la vitesse cible.

250-300 mg/dL ou 14-17 mmol/L

Maintenir la vitesse de perfusion actuelle pendant la période d’habituation. Continuer à la vitesse actuelle si l’on est déjà à 100 % de la vitesse cible. Réduire la vitesse d’administration si cette glycémie se maintient à un niveau élevé lors de trois ou quatremesures réalisées à intervalles de 4 heures ou si le glucose urinaire est à plus de 1+ sur une bandelette de test urinaire.

> 300 mg/dL ou 17 mmol/L

Réduire la vitesse de perfusion. Si la vitesse cible ne peut être atteinte sans dépasserune glycémie > 300 mg/dl, envisager l’une des 3 solutions suivantes :1. adopter la vitesse de perfusion la plus élevée que l’animal peut tolérer.2. ajouter de l’insuline normale à la solution de nutriment (1 unité/10 g de dextrose).3. diminuer la teneur en dextrose de la solution.

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Couverture des besoins nutritionnels

(Tableau 3)

2 - SÉLECTIONNER LA RÉPARTITION DES APPORTS CALORIQUES SOUHAITÉESUR LA BASE DU % DE L’ÉNERGIE MÉTABOLISABLE (% EM)*

Protéines (% EM) Matières grasses (% EM) Glucides (% EM)

Niveau réduit 8-10 20 0-18

Niveau normal 16-18 30-58 20-50

Niveauaugmenté

20-22 60-80 Contre-indiqués

* Une seule catégorie de nutriments à la fois peut être en proportion réduite ou élevée. Donc, les deux autres catégories de nutriments doivent être dans les limites normales si la troisième est faible ou élevée. L’exception à cette règle est la création d’une solution riche en matières grasses.

% sélectionné d’EM d’origine protéique …%

% sélectionné d’EM d’origine lipidique …%

% sélectionné d’EM d’origine glucidique …%

TOTAL (DOIT ÊTRE = 100%) …%

3 - CALCULER LES BESOINS CALORIQUES QUOTIDIENS DU CHIEN HOSPITALISÉ

S’ils doivent être administrés par voie périphérique (pas en utilisant une solution riche en matières grasses)

1/2 BER = 35 x (… poids corporel en kg)0,75 = … kcal/jour

S’ils doivent être administrés par voie périphérique (en utilisant une solution riche en matières grasses) ou centrale

BER = 70 x (… poids corporel en kg)0,75 = … kcal/jour

4 - CALCULER LE VOLUME QUOTIDIEN DE CHAQUE MACRONUTRIMENT

… % d’EM protéique x … kcal/jour = … ÷ … kcal/mL pour la solution d’acides aminés = … mL

… % d’EM lipidique x … kcal/jour = … ÷ … kcal/mL pour la solution d’émulsion lipidique = … mL

… % d’EM glucidique x … kcal/jour = … ÷ … kcal/mL pour la solution de glucose = … mL

TOTAL ml = … mL

TABLEAU 3 - FICHE TECHNIQUE - ALIMENTATION PARENTÉRALE CHEZ LE CHIEN

1 - DÉTERMINER SI LA SOLUTION DOIT ÊTRE ADMINISTRÉEPAR VOIE PÉRIPHÉRIQUE OU CENTRALE

Pour la voie périphérique, utiliser une solution de glucose à 5 %. Pour la voie centrale (chez un chien, via uncathéter jugulaire), utiliserune solution de glucose à 50 %.

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5 - CONTRÔLER L’OSMOLARITÉ

… mL de solution d’acides aminés x … mOsmol/mL de solution d’acides aminés = … mOsmol

… mL de solution d’émulsion lipidique x … mOsmol/mL de solution d’émulsion lipidique = … mOsmol

… mL de solution de glucose x … mOsmol/mL de solution de glucose = … mOsmol

TOTAL mOsmol = … mOsmol

(… Total mOsmol ÷ … Total mL) x 1000 = … mOsmol/L)Si mOsmol/L > 750 mOsmol/L & la solution à administrer par voie périphérique, augmenter le % d’EM lipidique.Si mOsmol/L > 1400 mOsmol/L & la solution à administrer par voie centrale, augmenter le % d’EM lipidique.

6 - CALCULER LA DENSITÉ ÉNERGÉTIQUE GLOBALE DE LA SOLUTION

… mL de solution d’acides aminés x … kcal/mL de solution d’acides aminés = … kcal

… mL de solution d’émulsion lipidique x … kcal/mL de solution d’émulsion lipidique = … kcal

… mL de solution de glucose x … kcal/mL de solution de glucose = … kcal

TOTAL kcal = … kcal

(… Total kcal ÷ … Total mL) x 1000 = … kcal/L)

Si kcal/mL < 0,4 kcal/mL & la solution à administrer par voie périphérique (sans utiliser une solution riche en matières grasses), vérifier les calculs puis éventuellement augmenter le % d’EM lipidique.Si kcal/mL < 0,7 kcal/mL & la solution à administrer par voie périphérique (en utilisant une solution riche en matières grasses), vérifier les calculs puis éventuellement augmenter le % d’EM lipidique et/ou le % d’EM protéique.Si kcal/mL < 0,9 kcal/mL & la solution à administrer par voie centrale, augmenter le % d’EM lipidique et/ou vérifier les calculs.

8 - CALCULER LA QUANTITÉ DE COMPLEXE VITAMINES B À AJOUTER À LA SOLUTION

a. Il existe une importante variation dans les produits disponibles. En donner suffisamment pour répondre

aux besoins suivants :

b. Concentrations et caractéristiques recommandées pour les différentes catégories de nutriments

Thiamine solution à 0,29 mg/1000 kcal mOsmol/mL kcal/mL g de protéine/mL

Riboflavine solution à 0,63 mg/1000 kcal Solution d’acides aminés à 8,5 % sans électrolytes 0,78-0,88 0,34 0,085

Acide pantothénique solution à 2,9 mg/1000 kcal Solution d’émulsion lipidique à 20 % 0,27 2,0

Niacine solution à 3,3 mg/1000 kcal Solution de glucose à 5 % 0,25 0,17

Pyridoxine solution à 0,29 mg/1000 kcal Solution de glucose à 50 % 2,52 1,7

Vitamine B12 solution à 0,006 mg/1000 kcal REMARQUE: Il existe un débat concernant la quantité d’acides aminés disponible pour la synthèse des protéines si le besoin énergétique au repos (BER) du chien n’est pas satisfait.Certains cliniciens couvrent le BER du chien exclusivement à partir des matières grasses et des glucides, et calculent les besoins en protéines séparément. La contribution énergétiquedes protéines est incluse ici dans les calculs de solution parentérale pour être cohérent avec lesméthodes acceptées d’évaluation des régimes oraux/entéraux. Pour déterminer le nombre degrammes de protéine par 100 kcal, le calcul suivant peut être fait :

…mL de solution d’acides aminés x … g de protéine par mL de solution d’acides aminés = … g de protéine

(… g de protéine x … Total kcal)x 100= … g de protéine/100 kcal

La supplémentation en vitamines liposolubles ou en oligo-éléments ne paraît pas indispensable. À moins qu’il n’y aitune carence spécifique manifeste, le risque de développerune carence cliniquement significative en deux à troissemaines est hautement improbable..

c. Recommandations standards pour les chiens sur une base par g de protéine/100 kcal

Niveau réduit < 4,0 g/100 kcal

Niveau normal 4,0-8,0 g/100 kcal

Niveau augmenté > 8,0 g/100 kcal

7 - CALCULER LA QUANTITÉDE POTASSIUM

ET DE PHOSPHOREÀ AJOUTER

À LA SOLUTION

Taux de potassium souhaité … mEq/Lx (… Total mL ÷ 1000)= … mEq de K à ajouter

Taux de phosphore souhaité … mEq/Lx (… Total mL ÷ 1000)= … mEq de P à ajouter

Une supplémentation en phosphoredoit être envisagée avec prudencechez les chiens atteints d’insuffisancerénale. La supplémentation en potassium doit refléter le statut potassique du chien.

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> Le glucose

Un clinicien a souvent tendance à préférer le glucose dans les solutions utilisées comme fluides de maintenance, pensant ainsi apporter une certaine assistance nutritionnelle. Lors d’administrationparentérale, la concentration en glucose est cependant plafonnée à 5 % à cause du risque de throm-bophlébite due à une solution hyperosmolaire. Un chien ne couvre qu’un tiers de son BER lorsqu’onlui administre cette solution à la vitesse normale d’entretien. Le glucose à 5 % est supposé favoriserl’épargne protéique mais certains travaux ont montré que cet effet est insuffisant pour prévenir un bilanazoté négatif (Chandler & coll, 2000b).

> Les acides aminés

La même étude (Chandler & coll, 2000b) a permis de constater que la perfusion d’une solution d’acidesaminés à 5 % se traduit par un bilan azoté positif moyen chez trois chiens en bonne santé. Cependant,l’efficacité de cette approche thérapeutique demande à être confirmée chez un nombre plus importantde chiens dans un état catabolique avant d’être recommandée.

> Les matières grasses

Le soluté idéal pour l’administration parentérale serait une solution à haute densité énergétique et àfaible osmolarité. Certains prônent donc l’utilisation des émulsions lipidiques: une émulsion lipidiqueà 20 % peut fournir 2 kcal/ml avec une osmolarité de 268 mOsmol/L. Bien que le rapport kcal/osmo-larité de cette solution soit idéal, il subsiste une inquiétude concernant l’administration excessive dematières grasses. Une accumulation intravasculaire de lipides chez des enfants prématurés souffrant dedysfonctionnement hépatique, qui recevaient des émulsions a en effet été rapportée (Levene & coll,1980; Puntis & Rushton, 1991; Toce & Keenan, 1995).

L’utilisation d’émulsions apportant jusqu’à 80 % du BER à partir des lipides semble bien tolérée par deschiens non hyperlipidémiques mais cette observation n’a été faite que sur un nombre limité de cas. Lapossibilité de couvrir 100 % du BER d’un chien à partir des lipides doit être étudiée de manière plusapprofondie et ne peut encore être recommandée.

7 - Complications liées à l’alimentation entérale ou parentérale

Thrombophlébite

Les solutions hyperosmolaires augmentent le risque de thrombophlébite. Pour les vaisseaux périphé-riques, il est recommandé que les solutions ne dépassent pas 600 à 750 mOsmol/l (Chandler & coll,2000a; 2002). La vitesse à laquelle les milliosmoles (mOsmol) sont administrées semble être aussiimportante que l’osmolarité de la solution. Une solution contenant 650 mOsmol ne doit pas être administrée deux fois plus rapidement que la vitesse normale dans le but d’augmenter la quantité decalories apportée aux chiens par unité de temps. Cette limitation se traduit par la nécessité d’utiliserdes émulsions parentérales avec un rapport énergie/milliosmole élevé, ou de ne couvrir qu’une partiedu besoin énergétique du chien par cette voie. L’utilisation de cathéters en polyuréthane paraît mieuxtolérée pour la nutrition parentérale périphérique. La solution doit être administrée dans des vaisseauxpériphériques non-utilisés précédemment à cet effet (Chan & coll, 2002).

Septicémie

Les solutés de nutrition parentérale représentent un milieu idéal de culture pour les bactéries : pourminimiser le risque d’infection, ces solutés doivent être préparés et administrés dans des conditionsd’asepsie parfaites.

Cas d’un chien de 20 kg; son besoinénergétique au repos correspond à :70 x (20)0,75 = 660 kcal.

Un litre de soluté glucosé à 5 %apporte 200 kcal. Il faudrait donc 3,3 L pour couvrir son BER quotidien,soit un volume bien supérieur à celui nécessaire pour assurer la simple hydratation du chien.Un tel volume risque 0de provoquerune thrombophlébite.

LES PROTOCOLES DE SUIVIDE L’ALIMENTATION

PARENTÉRALE DOIVENTCOMPORTER AU MOINS

LES MESURES QUOTIDIENNESSUIVANTES :

- Poids corporel- Température- Pouls- Fréquences respiratoire

et cardiaque- Auscultation thoracique- Contrôle de la sonde- Glycémie et/ou glucosurie

toutes les 4 heures pendantla période d’adaptation

- Hématocrite et évaluation du sérum pour la lipémie ou l’ictère

- Potassium et phosphore dans les 12 à 24 heures qui suivent le début de l’administration

- Urémie et albuminémie dans les 24 heures qui suivent le début de l’administration,puis tous les deux à trois jours.

Il est également recommandé de mesurer le magnésium ionisé(lorsque c’est possible) dans les 24 heures qui suivent le début de l’alimentation, de réaliser une numération formule et une batterie de tests biochimiquestous les deux à trois jours.En fonction du cas, des radiographiesdu thorax et l’analyse des triglycé-rides sériques peuvent être intéres-santes.

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Une fois en place, le cathéter et la tubulure doivent être préservés de tout risque de contamination etêtre réservés à cet usage exclusif. Les médicaments ne doivent pas être administrés par cette voie etaucun prélèvement de sang ne doit être fait par ce cathéter.

Hyperglycémie

En médecine humaine, l’administration d’insuline exogène chez des patients hyperglycémiques en soinsintensifs permet de contrôler la glycémie. Le taux de mortalité est alors diminué, grâce à une réductionde la défaillance multi-organique secondaire au choc septique (Van den Berghe, 2002).

L’effet semble dû au maintien d’une glycémie normale plutôt qu’à l’effet bénéfique de l’insulineproprement dite, puisque, chez l’homme, une augmentation de l’administration d’insuline présente unecorrélation positive avec les décès (Finney & coll, 2003). Chez les sujets diabétiques, l’hyperglycémieest responsable de l’affaiblissement la fonction immunitaire en perturbant la phagocytose des leuco-cytes polynucléaires, en altérant le chimiotactisme, la phagocytose et le “killing” intracellulaire (Wat-ters, 2001). Ceci pourrait en partie expliquer l’incidence plus faible de choc septique chez les chiensqui reçoivent 50 % de leur BER par voie parentérale périphérique (Chan & coll, 2002), comparée à lafréquence rapportée dans deux études rétrospectives de nutrition parentérale totale réalisées par Reuter & coll (1998) et Lippert & coll (1993). Bien que la sélection des chiens joue probablement unrôle clé dans la probabilité de développer un choc septique, il est possible que l’incidence plus faiblede l’hyperglycémie associée à l’utilisation de la nutrition parentérale soit également importante.

Atrophie des villosités et translocation bactérienne

Les entérocytes dépendent très largement des nutriments présents dans la lumière intestinale commesources d’énergie (Ziegler & Young, 1997). Dès lors, l’énergie disponible pour les entérocytes est réduitelors du recours à l’alimentation parentérale. Cette réduction se traduit par une dégénérescence cellulaire et une atrophie des villosités, qui augmentent la perméabilité intestinale.

La perte de l’intégrité de la muqueuse aggrave le risque de voir des bactéries intestinales passer dansla circulation sanguine, phénomène appelé translocation bactérienne (Steinberg, 2003). Il existe undébat quant à savoir si et quand elle se produit, mais chez l’homme, elle a habituellement lieu aprèsune période prolongée d’alimentation parentérale et peut ne pas être aussi significative que les essaissur rongeurs ne l’indiquent (Alpers, 2002).

Les moyens de prévenir au mieux l’atrophie des villosités et la translocation bactérienne sont actuel-lement étudiés. Si quelques essais chez l’homme et chez l’animal ont montré l’intérêt d’une perfusionde glutamine, d’autres études n’ont rien mis en évidence (Buchman, 1999; Marks & coll, 1999).De plus, il faut tenir compte de contre-indications éventuelles, telles qu’une insuffisance rénale ouhépatique (en particulier un état d’encéphalose hépatique).

Iléus paralytique

Un iléus paralytique est une séquelle fréquente de l’anorexie, surtout chez les chiens recevant une ali-mentation parentérale. L’alimentation entérale peut diminuer ce risque dans la mesure où les signauxhormonaux et neurologiques sont rétablis par la présence de nutriments dans la lumière intestinale.L’iléus paralytique ne se produit pas systématiquement. Chez de nombreux chiens, les réflexes péristal-tiques normaux se maintiennent, car des pressions élevées sont générées pendant les états de jeûne(Heddle & coll, 1993). Ces observations ont des implications pour les chiens qui ont subi une inter-vention chirurgicale intestinale.

L’habitude de mettre l’intestin au repos pour éviter une fuite à travers les sites d’entérotomie ou d’entérostomie pourrait donc s’avérer erronée. Ces éléments militent en faveur d’une alimentationentérale précoce après une intervention chirurgicale abdominale majeure plutôt qu’une nutritionparentérale (Braga & coll, 1998; 2002).

Une fois en place, le cathéter et la tubulure doivent être préservés de tout risque de contamination parvoie intra-veineuse.

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Conclusion- Une alimentation assistée est indiquée chez les chiens présentant une anorexie prolongée, une perte

de poids récente non liée à la déshydratation, une mauvaise condition physique et une hypoalbumi-némie que l’on ne peut corriger.

- Une alimentation assistée peut améliorer la fonction immunitaire, la cicatrisation des plaies, laréponse au traitement, le temps de convalescence et de survie.

- Le choix de la voie d’administration et du régime utilisés pour l’alimentation assistée doit être basésur la tolérance du chien et la prévention des effets secondaires indésirables.

- Il se peut que l’administration de macronutriments simples ne soit pas adéquate pour répondre auxbesoins énergétiques et nutritionnels du chien, et ils peuvent n’avoir qu’un effet d’épargne protéiquelimité.

- La vitesse d’administration de l’alimentation assistée doit être compatible avec la nécessité de cou-vrir le besoin énergétique au repos du chien sans augmenter le risque de surcharge digestive ou decomplications métaboliques telles que l’hyperglycémie, l’hyperlipidémie et le syndrome de réalimen-tation.

- Le suivi des chiens sous assistance nutritionnelle vise à prévenir les complications indésirables et àfavoriser la réussite du traitement

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Références

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Informations nutritionnelles Royal Canin

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L’alimentation en période d’hospitalisation fait partie intégrante du traitement. La malnutrition retarde la convalescence du chien.

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• Idéalement, un chien doit garder unpoids stable pendant une périoded’hospitalisation (voire prendre dupoids si nécessaire). Une pesée quoti-dienne est impérative. L’alimentationassistée s’impose pour une périodede jeûne (réelle ou prévue) supérieu-re ou égale à 3 jours.

• La voie entérale est de loin la meilleure solution pour l’alimenta-tion assistée : elle évite l’atrophie des villosités intestinales et permetune récupération plus rapide.Lorsque l’alimentation entérale estimpossible, la durée de mise au reposde l’intestin doit être réduite auminimum.

• Le besoin énergétique d’un chienhospitalisé peut être comparé à celuid’un chien au repos. Sa valeur estestimée au minimum à :

70 kcal/kg (Poids Corporel)0,75.

Il faut cependant tenir compte desvariations individuelles pouvant faireaugmenter ce besoin de 30 %.

• Priorité doit être donnée à laconcentration énergétique du régime,afin de limiter les volumes de repas.L’idéal consiste à pouvoir associer den-sité énergétique élevée et suspensionfacile dans l’eau.

• L’apport protéique doit être suffi-sant pour maintenir une balanceazotée positive. 30 à 50 % des calories

totales apportées par les protéinespermettent de lutter contre la pertede masse maigre.

• Attention aux solutions trop richesen glucose qui peuvent favoriser unehyperinsulinémie et une hyperglycé-mie. Ne pas dépasser 10 à 25 % descalories totales sous forme gluci-dique.

• Le bilan hydro-électrolytique doitêtre très surveillé chez un animal ensoins intensifs : en particulier lesvaleurs du potassium, le phosphoreet le magnésium. Des solutés deréhydratation permettent de corri-ger certaines carences en électro-lytes.

Points clésà retenir à propos de :

L’alimentation des chiens en soins intensifs

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AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES DIFFÉRENTS TYPES D’ALIMENTATION ENTÉRALE OU PARENTÉRALE

TYPE D’ALIMENTATION AVANTAGES INCONVÉNIENTS INDICATION

Alimentation à la main- Simplicité- Absence de stress

pour le chien

- Long- Applicable dans certains cas

seulement

Alimentation de très courtedurée

Utilisation d’orexigènes Peu de manipulations Hépato-toxicité possibleAlimentation de courte durée (2-3 jours)

Alimentation par voie naso-œsophagienne

- Sonde facile à poser- Technique non invasive- Tranquillisation minime- Peu de complications

- Sonde pas toujours bien tolérée- Collerette obligatoire- Alimentation liquide

Alimentation jusqu’à 2semaines

Alimentation par voie œsophagienne

- Mise en place facile et rapide de la sonde

- Pas de collerette obligatoire- Pas d’irritation nasale- N’empêche pas le chien

de manger

- Équipement spécial requis

- Anesthésie générale obligatoire

- Risque d’infection au site d’insertion

Plusieurs semaines d’alimentation assistée

Alimentation par voie gastrique

- Sonde facile à maintenir en place

- Peu de complications

Plusieurs mois d’alimentation assistée

Alimentation par voie jéjunale

Shunt du pancréas et d’unepartie du tube digestif

- Anesthésie générale obligatoire- Mise en place délicate

de la sonde- Soins intensifs requis- Solutions nutritionnelles purifiées

Pathologie du duodénum ou de l’intestin grêle

Alimentation par voie parentérale

Permet un soutien nutritionnel lors de chirurgie digestive ou d’affection digestive grave

- Coût- Surveillance constante- Risques majeurs : troubles

métaboliques, thrombophlébite,septicémie, atrophie des villositésintestinales, iléus paralytique

Toute situation où le tube digestif doit être au repos

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L’intensification de la néoglucoge-nèse accélère le catabolisme de laglutamine chez un animal stressé. En présence de ce besoin accru, lasynthèse musculaire risque d’êtreinsuffisante et la concentration sanguine en glutamine chute. Mêmesi elle ne fait pas partie de la liste des

acides aminés indispensables, la glu-tamine peut donc le devenir danscertaines situations.

La glutamine exerce de multiplesfonctions : elle participe à maintenirl’équilibre acido-basique, c’est unprécurseur des bases puriques etpyrimidiques, elle régule certaines

synthèses hépatiques, participe auxprocessus de détoxification…

La glutamine est un substrat particu-lièrement important pour les cellulesqui se divisent rapidement, commecelles du tube digestif et du systèmeimmunitaire.

La glutamine est utilisée par les cellules de la muqueuse intestinaleproduisant des immunoglobulines A.Un faible apport associé à unedemande forte chez des animaux enphase critique peut affecter l’intégritéde la barrière intestinale, avec pour

conséquence un risque accru detranslocation bactérienne et d’infec-tion systémique.

Bien que la glutamine soit recom-mandée pour prévenir l’atrophie desvillosités intestinales (250 à 500 mg/kg/

jour), elle n’est pas systématique-ment incorporée dans les solutés denutrition parentérale car les prépara-tions à usage intraveineux sont diffi-ciles à obtenir (Elliott, 2004).

Gros plan sur :

LA GLUTAMINE

Elliott D – Parenteral nutrition. ScientificProceedings WSAVA – FECAVA 2004 ;HVMS World Congress, Rhodes (Greece).

Référence

H

O

C

N

FORMULE CHIMIQUE DE LA GLUTAMINE

Page 28: Alimentation des chiens en soins intensifs par S.J. Delaney, A.J