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Aguirre, der Zorn Gottes

UN FILM DE WERNER HERZOGAllemagne - 1972 - 1h33 - Couleur - Format Image : 1:1,37 - Son Mono - Visa n° 44034

Scénario : Werner Herzog, d’après le journal du moine Gaspar de CarvajalProduction : Werner Herzog Filmproduktion

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs – Festival de Cannes 1973Première sortie française : 26 février 1975

Equipe techniqueImage : Thomas Mauch

Son : Herbert PraschMontage : Beathe-Mainka-Jellinghaus

Musique : Popol Vuh

Interprétation Don Lope de Aguirre : Klaus Kinski

Inez de Atienza : Helena RojoPedro de Ursua : Ruy Guerra

Gaspar de Carvajal : Del NegroDon Fernando de Guzman : Peter Berling

Flores de Aguirre : Cecilia RiveraPerucho : Dany Ades

et 270 villageois de la Coopérative de Lauramarca

MADADAYO FILMS87 bis rue de Paris - 93100 MontreuilTel : 01 42 87 32 92 - Fax : 01 48 12 21 20Mail : [email protected] : http://www.virb.com/madadayo

Contact presse Jean-Bernard Emery

Tel : 01 55 79 03 43 - 06 03 45 41 84Mail : [email protected]

Web : www.cinepresscontact.com

AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU

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RÉÉDITION EN COPIES NEUVES (VO)SORTIE LE 9 JUILLET 2008

UNE QUÊTE DE CINÉMAPour son sixième long métrage, le réalisateur allemand Werner Herzog a choisi

une histoire dont le point de départ lui a été donné par un livre d’enfants : les

aventures d’un noble espagnol perdu en Amazonie lors de la conquête. S’il

lui donne l’apparence d’une chronique réaliste tenue par un moine durant une

expédition dans la forêt, la quasi-totalité du récit est une fiction entièrement écrite

par Herzog. L’essentiel d’Aguirre ne réside pas dans le scénario.

Le cinéaste, cultivant un goût pour les expériences extrêmes, filme l’action sur

les lieux mêmes où elle est censée se dérouler : dans les contreforts des Andes,

au nord ouest du Pérou, au cœur de la forêt amazonienne et sur les fleuves Rio

Urubamba (prés du Machu Picchu), Rio Huallaga et Rio Nanay. Le tournage se

confond alors avec l’épopée des conquistadors et devient, sept semaines durant,

une véritable aventure pleine de dangers, où les hasards - la rencontre avec le

joueur de flûte indienne Hombrecito, la perte imprévue d’un canon - et les conflits

- la mégalomanie de Klaus Kinski étant à l’origine de la plupart d’entre eux - sont

intégrés à l’action. Le caractère de chronique, de carnet de bord, n’en prenant

ainsi que plus de vérité.

Il est difficile de concevoir Aguirre sans Kinski : par son regard inquiétant, sa

démarche conquérante, son jeu d’acteur reste inégalable. Ecorché vif, il fut

l’interprète fétiche des films d’Herzog. Nosferatu, fantôme de la nuit (1978),

Woyzeck (1979) et surtout Fitzcarraldo (1982) - la production la plus ambitieuse

et commerciale du cinéaste - sans oublier Cobra Verde (1987) et Mon ennemi

intime (1999) documentaire dans lequel Herzog revient, après la mort de Kinski,

sur leur collaboration et leurs querelles.

L’HISTOIREEn 1560, une troupe de conquistadors espagnols descend de la montagne à

la recherche de l’Eldorado. Mais l’équipée s’enlise dans les marais. Une plus

petite expédition est alors constituée, placée sous la conduite de Pedro de Ursua

et de son second, Lope de Aguirre, qui devra reconnaître l’aval du fleuve sur

des radeaux. Aguirre, aventurier ambitieux et brutal, manœuvre habilement pour

proposer à ses compagnons un nouveau chef, le falot Fernando de Guzman,

promu solennellement « empereur du Pérou et de l’Eldorado »…

«PELICULA O MUERTE»

SOUVENIRS DE TOURNAGEVous avez déclaré que vos films

naissent souvent de visions,

d’images, de décors. Vous écrivez

ensuite l’histoire qui doit s’insérer

dans ce cadre.

Je n’étais jamais allé au Pérou avant

de tourner Aguirre. J’avais imaginé les

extérieurs, leur atmosphère, avec une

grande précision. C’était très curieux.

Tout était exactement comme je l’avais

imaginé. Les extérieurs n’avaient pas

le choix. Il fallait qu’ils se plient à mon

imagination, qu’ils se soumettent à

mon idée. C’est ce qui s’est produit.

Les paysages ont répondu à mon

appel.

Pourquoi avez-vous choisi le

Pérou ?

D’abord, l’histoire s’y déroulait. Cela

aurait aussi bien pu être la Bolivie ou

la Colombie. Mais j’ai choisi le Pérou

parce qu’il me fallait un affluent de

l’Amazone et des Indiens. J’ai descendu

la plupart des affluents de l’Amazone

parce qu’il me fallait trouver des rapides

dangereux et spectaculaires, mais

pas au point d’interdire un tournage.

J’ai donc descendu le rio Huallaga,

le rio Urubamba et le rio Ukayali, et

bien d’autres encore. Finalement, j’ai

trouvé des rapides très dangereux et

spectaculaires, qui auraient tout juste

toléré le passage de 150 personnes

en radeaux. Les préparatifs furent

extrêmement longs. Il n’y avait aucun

village près des rapides. J’en ai donc

fait construire un pour environ 450

personnes. ... / ...3

Lope de Aguirre naît près d’Onate au pays basque

espagnol vers 1510 et meurt à Barquisimeto (actuel

Venezuela) en 1561. Issu d’une famille de notaire mais

peu fortuné, il part pour Séville - principal port vers le

Nouveau Monde - où il devient dresseur de chevaux.

C’est lors du retour triomphal d’Hernando Pizarro, frère de Gonzalo et Francisco

Pizarro, vainqueur au Pérou du dernier empereur inca Atahualpa, qu’il se persuade

de l’existence des fabuleux trésors indiens. Il embarque pour l’Amérique en 1534.

A Cuzco, il s’occupe à nouveau de dresser des chevaux et participe à la fondation

de La Plata. En novembre 1542 le Pérou, devenu vice-royauté espagnole grâce

au roi Charles 1er désireux d’administrer toute l’Amérique du Sud, est en pleine

guerre civile. Celle-ci oppose les partisans des deux conquistadors Francisco

Pizarro et Diego de Almagro.

Lope de Aguirre se place lui, du côté du premier vice-roi du Pérou, Blasco Nunez,

venu en 1544 pour appliquer les Nouvelles Lois interdisant de capturer, forcer à

travailler ou voler les Indiens. Ces lois ne font que provoquer le mécontentement

et de nouvelles révoltes des conquistadors à Lima. Aguirre tente en vain de libérer

le vice-roi prisonnier de Gonzalo Pizarro et prend la fuite tout en recrutant des

hommes pour lutter contre celui-ci. A la fin de la guerre civile qui s’achève avec la

défaite de Gonzalo Pizarro en janvier 1546, il se trouve alors au Nicaragua.

En 1551 au Pérou, Aguirre est arrêté par le juge Francisco de Esquivel pour avoir

violé les lois sur la protection des Indiens. Il est jugé, condamné et fouetté en

public. Humilié et assoiffé de vengeance il traque pendant trois ans Francisco de

Esquivel, de Quito à Cuzco, et finit par le tuer. Il participe ensuite au soulèvement

de Cuzco (1552) puis à celui de La Plata (1553) et se voit condamner à mort pour

le meurtre d’un général mais il profite d’une amnistie graciant les opposants qui

décident de se ranger sous la couronne d’Espagne.

En 1559 comme d’autres soldats et mercenaires, accompagné de sa fille métisse

Elvira, il rejoint l’expédition fluviale menée par Pedro de Ursua, parti pour

conquérir et gouverner les nouveaux territoires d’Omagua et d’Eldorado, riches

de fabuleux trésors. Lancés sur le fleuve Maranon, des centaines d’espagnols,

d’indiens et quelques esclaves noirs finissent par rejoindre le fleuve Amazone. Au

bout d’un an, plusieurs embarcations sont perdues, aucune découverte n’est faite

et les hommes épuisés et mécontents, renversent Pedro de Ursua et finissent par

l’assassiner. A la tête de la mutinerie Aguirre nomme pour le remplacer, Fernando

de Guzman : « Prince du Pérou, de la Terre Ferme et du Chili ».

Comme d’autres opposants, il ne tarde pas à le faire assassiner et avec ses

partisans (qu’il appelle ses « maranones ») il suit le cours du fleuve Orénoque et

rejoint l’océan Atlantique massacrant de nombreux Indiens sur son passage. Il se

fait proclamer par ses soldats « Prince du Pérou, de la Terre Ferme et du Chili »

et décide de reconquérir ce qui lui est dû : la vice-royauté du Pérou.

LOPE DE AGUIRRE « EL LOCO », UN CONQUISTADOR FOU (1510 – 1561)Vous étiez si nombreux ?

Il y avait tous les figurants. 270 Indiens

des montagnes. Nous avons nommé

le village « Pelicula o muerte », le film

ou la mort. (...)

Combien de mois de tournage ?

Sept semaines exactement. Mais le

temps du tournage proprement dit fut

encore plus court, environ six semaines.

Nous avons perdu une semaine pour

transporter toute l’équipe et le matériel

d’une rivière à l’autre : une distance

d’environ 1600 km. Des montagnes,

nous sommes allés jusqu’à Quitos,

dans la plaine près de l ‘Amazone. Il

fallait tout transporter.

Pour la dernière partie du film...

Nous avons tourné sur le Rio Nanay.

Nous avons perdu beaucoup de

temps parce que nous n’avions qu’un

tout petit hydravion sur les six qui nous

avaient été promis. Le transport fut très

difficile à organiser. Il fallait tout faire

petit à petit, par exemple un voyage

spécial pour le cheval tout seul. C’était

extrêmement dur.

Vous avez tourné dans l’ordre

chronologique ?

Oui, presque tout le film, parce que

la chronologie est liée au rythme. Ce

qui m’intéressait, par exemple, c’était

comment un grand mouvement arrive

au point mort. Ou aussi, comment des

gens, une armée entière, se déplacent

dans une direction et puis, vers la fin

du film, il n’y a plus de direction du

tout. ... / ...

«PELICULA O MUERTE»

4

Werner Herzog s’amuse aujourd’hui de ce que la relation de l’épopée d’Aguirre

par le moine Gaspar de Carvajal, qui accompagne le film en voix off, ait été

pure invention de cinéaste, laissant entendre que très peu de textes relatant cet

épisode auraient traversé les siècles. Or, s’il n’en a lui-même lu - et voulu retenir

- que des bribes, notamment la lettre de Lope de Aguirre à Philippe II d’Espagne,

Herzog n’en a pas moins emmené son équipe et ses spectateurs sur les pas

de personnages bien réels, héros de nombreux récits, pour la plupart mémoires

en défense composés par des repentis craignant la justice royale après la mort

du renégat, maintes fois copiés et traduits depuis le 16e siècle, du plus connu

et complet : la relation de Francisco Vasquez, aux Chroniques de Toribio de

Ortiguera qui évoque en 1565, soit quatre ans seulement après la mort de Lope

de Aguirre, l’adoption par celui-ci du surnom « La Ira de Dios » (1).

... / ...

Aussi, le rythme, le temps, la vitesse

de la rivière et l’enlisement progressif

sont-ils extrêmement importants. C’est

pourquoi j’ai voulu tourner dans l’ordre

chronologique. C’était relativement

simple à faire. Au début, il y a toute

une armée, presque mille personnes,

j’étais bien content d’en finir au bout

d’une semaine !

Ensuite, tout allait mieux parce que

nous n’étions plus qu’un petit groupe.

Nous passions d’une rivière à une

autre. Notre chronologie suivait celle

du film. (...)

Vous avez pris d’énormes risques.

Il est évident, par exemple, que

vous avez tourné dans les rapides,

sans tricher. En voyant le film, on

tremble pour l’équipe.

Oui, c’est un avantage. Dans les films

d’Hollywood, par exemple, on voit

que le danger n’est pas vrai. Mais

dans ce film, au contraire, c’est réel

et on ressent que c’est authentique.

Et la plupart des risques, il faut être

honnête, c’est moi et l’opérateur qui

les avons courus. Nous étions les

seuls sur le radeau obligés de nous

déplacer partout. Les autres étaient

attachés par des cordes au radeau.

Si quelqu’un avait été emporté par

une vague, nous aurions pu le sauver.

Mais non pas l’opérateur et moi, il était

impossible de nous attacher, nous

devions être partout en même temps.

Il y avait des rameurs sur les

radeaux ? ... / ...

«PELICULA O MUERTE»En 1561 il adresse sa célèbre lettre au roi d’Espagne, Philippe II et fait régner

la terreur parmi ses hommes. Il part pour le Panama et, lors de sa traversée du

Venezuela, est abandonné par ses « maranones » à qui la couronne d’Espagne

promet l’amnistie. Isolé à Barquisimito et cerné par les armées royales, il

poignarde sa fille et tombe sous les balles espagnoles le 27 octobre 1561. Son

corps découpé en morceaux sera envoyé dans plusieurs villes du Venezuela, sa

tête exposée au pilori et ses habitations détruites.

Extrait de la lettre de Don Lope de Aguirre à Philie II d’Espagne

«Lorsque j´étais jeune, j´ai traversé l´océan jusqu´à la terre du Pérou pour conquérir la gloire la lance à la main et afin de remplir mon devoir de gentilhomme. Durant vingt-quatre années, je vous ai rendu de grands services, en soumettant les Indiens, en m´emparant de villes, et en me battant maintes fois en votre nom, en offrant toujours le meilleur de ma force et de mon habileté, sans jamais requérir de vos officiers la moindre aide, comme cela peut être vérifié dans vos mémoires royales. À présent, je crois fermement, très excellent Roi et seigneur, que pour moi et mes compagnons, vous n´avez jamais été rien d´autre qu´un tyran cruel et un ingrat.(…) Puisse Dieu faire que nous obtenions avec nos armes la récompense qui nous est due en droit, mais que vous nous avez déniée. --- Lope de Aguirre, fils de vos loyaux vassaux basques, et à présent rebelle jusqu´à la mort contre vous et votre ingratitude.”

(1) : Lire la postface de Bernard Emery à la Relation du voyage et de la rébellion d’Aguirre, d’après le manuscrit de Francisco Vasquez, Ed. Jérôme Millon, 1989.

(2) : Werner Herzog, Emmanuel Carrère, Edilig, 1982.

Ces écrits ont d’ailleurs largement documenté un autre long métrage, El Dorado,

tourné par Carlos Saura quinze ans plus tard, dans lequel Omero Antonutti

reprend le rôle immortalisé par Klaus Kinski. Mais c’est un autre film qui apparaît

en surimpression quand on replonge dans les moiteurs d’Aguirre : Apocalypse

Now (1979). A ce propos - et après avoir d’ailleurs souligné que le premier long

métrage de Werner Herzog, Signes de vie, était déjà une histoire de soldat perdu

- Emmanuel Carrère cite cette réserve sibylline du cinéaste allemand : « Aguirre

est fondamentalement un film où l’on descend la rivière et Apocalypse Now un

film où on la remonte »... (2)

LA IRA DE DIOS : LA COLÈRE DE DIEU.

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WERNER HERZOG« Un pianiste se forme dès l’enfance. Un cinéaste à n’importe quel âge.

C’est très facile. J’ai lu dans un dictionnaire quinze pages sur le fonctionnement des caméras, des laboratoires. On apprend à s’en servir en quelques jours.

Le reste, on le trouve tout seul. »

Werner Herzog, de son vrai nom Werner H. Stipetic, est né le 5 septembre 1942

à Munich, d’une mère biologiste d’origine yougoslave et d’un père qu’il a peu

connu. Il grandit dans un village retiré de Haute-Bavière, où enfant il dit n’avoir

jamais vu film, télévision ou téléphone. Adolescent autodidacte, il effectue seul

plusieurs voyages : à quinze ans, il part en Grèce sur les paysages de son grand-

père (archéologue helléniste) et à dix-huit ans au Congo, alors en pleine crise

politique mais la maladie l’oblige à s’arrêter au Soudan. En 1961 son baccalauréat

en poche, il poursuit des études d’histoire, de littérature et de théâtre à Munich,

puis à l’aide d’une bourse part à l’université de Pittsburgh aux Etats-Unis qu’il

abandonne vite pour voyager au Mexique. De retour en Allemagne, après avoir

travaillé plusieurs mois de nuit comme soudeur dans une aciérie, il peut enfin

produire et réaliser son premier court-métrage : Héraklès (1962). Suivent Jeu

dans le sable (Spiel im Sand, 1964) et La Défense sans pareil de la forteresse

Deutschkreutz (Die beisspiellose Verteidigung der Festung Deutschkreutz,

1966) deux courts métrages, qu’il continue de produire lui-même comme ensuite

tout les autres films ou documentaires de sa carrière avec la société qu’il fonde :

la Werner Herzog Filmproduktion.

Durant l’été 1967, il tourne en même temps un court-métrage, Dernières paroles

(Letzte Worte) et son premier long métrage, un projet de longue date, Signes

de Vie (Liebenszeichen). Ce premier film devient la véritable matrice de l’œuvre

de Werner Herzog. Il marque le début d’une collaboration artistique et technique

plusieurs fois renouvelée : avec Beate Mainka-Jellinghaus (jusqu’en 1984, elle

participe au montage de tout ses projets, fiction ou documentaire, courts, moyens

ou longs métrages) ; avec Thomas Mauch (il est jusqu’au milieu des années 80,

avec Jörg Schmidt-Reitwein, l’un des fidèles directeurs de la photographie de

Herzog) et Florian Fricke (précurseur de la musique ambiante avec son groupe

Popol Vuh, il compose nombre de musiques originales pour son ami Werner

Herzog). Commenté par une voix off, Signes de Vie impose aussi la thématique

herzogienne : une histoire individuelle en marge de l’histoire collective, la révolte

contre la société, la mince frontière entre la réalité et l’imaginaire et le rapport

privilégié de l’homme à la nature.

... / ...

Oui. Mais eux aussi étaient attachés.

On les voit dans le film, ce sont des

Indiens. Il y avait quatre radeaux au

départ, avec une dizaine de personnes

sur chacun. L’opérateur et moi étions

sur l’un d’eux, et on voit les trois autres

par-dessus les têtes des rameurs.

Les gens sont attachés aux radeaux

par des cordes aux poignets, on s’en

aperçoit si on regarde avec soin. En

effet, la première fois que je suis passé

sur les rapides, notre radeau s’est

brisé en deux. Je suis resté avec deux

personnes sur une moitié ; l’autre,

avec les rameurs, est partie à la dérive

et s’est fait prendre par un tourbillon. Il

leur a fallu deux jours pour s’en sortir.

Notre moitié de radeau s’est arrêtée

sur le rivage, 3 km plus loin. C’est ce

qui nous a sauvés. J’ai compris qu’il

fallait prendre quelques précautions...

Nous avions des radeaux très solides,

construits par les Indiens les plus

experts de la région, et nous avions les

meilleurs rameurs. Mais il faut avouer

que, de toute façon, ils étaient ivres,

ce jour-là, et personne n’aurait pu les

contrôler. Mais ils s’en sont bien tirés.

Vous avez tourné cette scène en un

jour ?

Oui. Mais l’un des radeaux fut pris

dans un tourbillon pendant presque

dix jours. Une nuit, la crue l’a brisé

en plusieurs morceaux et il a fallu en

construire un autre.

Et ce qu’on voit dans le film, c’est

un vrai tourbillon ? ... / ...

«PELICULA O MUERTE»

7

... / ...

Oui, bien sûr. Le débit de la rivière était

tellement rapide, si incroyablement

violent, les vagues si hautes, et le

radeau allait à contre-courant ! On

peut voir le rocher, d’environ 15 mètres

de haut, sur le rivage. La nuit, nous

jetions des cordes aux acteurs sur

ce radeau, ils les attachaient autour

de leur poitrine et nous les tirions,

de l’autre rive. Le lendemain matin,

le radeau se débattait toujours dans

le tourbillon. Ces gens-là étaient les

plus courageux. Ils ont mérité plus

d’argent et l’admiration de tous. Ils

étaient tellement fiers chaque soir et

ils vomissaient parce que le radeau

avait tourné toute la journée. Le soir,

on les tirait de là, et le matin on les

remettait sur le radeau. C’était très

dur. Le radeau tournait sans cesse,

parfois il remontait le courant sur 20

mètres, puis il revenait. Aucun moyen

de l’en sortir.

Le premier plan du film est saisissant.

On se demande constamment où

peut se trouver la caméra ; ça semble

si dangereux. Quelque part sur la

montagne à pic ?

Oui, sur un côté de la montagne en

face. Nous avons filmé de là, à une

altitude de 3 000 mètres. C’est encore

la jungle, et le rocher était à la verticale

à nos pieds. Les Incas avaient creué

un immense escalier en zigzag dans

le rocher, nous l’avons utilisé pour

ces 900 personnes qui sortaient des

nuages. Ils réapparaissent en montant,

sur une crête étroite, et de chaque

côté, c’est le précipice de 600 mètres

sur la rivière Urubamba ! ... / ...

«PELICULA O MUERTE»

8

Tourné sur l’île grecque de Cos et en Crète, Signes de Vie est né de ses voyages

de jeunesse et d’un épisode historique connu de Herzog. Le film est la chronique

de Stroszek, un soldat allemand blessé, réduit à l’inaction dans un fort isolé de

Méditerranée et dont l’équilibre mental inquiète les habitants de l’île. Présenté

au Festival de Berlin, il obtient un Prix Spécial. Son second long métrage, Fata

Morgana (1968 - 70) - fiction ou documentaire ? - est un poème en trois parties

(la création, le paradis et l’âge d’or). Soutenu par un commentaire dit par Lotte

H. Eisner et reprenant le Popol Vuh (le texte sacré maya des Indiens Quichis)

le projet relève de l’écriture automatique et s’attache à filmer les mirages des

paysages désertiques de l’Afrique et de ses habitants (Sahara, Kenya, Tanzanie,

Niger, Haute Volta et Mali). Montré à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs,

comme Les Nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein

angefangen, 1969 - 70) Fata Morgana établit la réputation singulière du cinéma

de Werner Herzog.

Les Nains aussi ont commencé petits (tourné sur une île des Canaries) est

accueilli diversement par le public ou la critique. Entièrement interprété par des

nains qui se révoltent contre leur internement dans un asile, le film peut déconcerter

tout comme le sujet des deux documentaires suivants à la fois différents et

complémentaires : L’Avenir bouché (Behinderte Zukunft, 1970) sur des enfants

handicapés et Le pays du silence et des ténèbres (Land des Schweigen und der

Dunkelheit, 1970-71) sur une femme sourde et aveugle s’occupant de personnes

handicapées comme elle.

La reconnaissance internationale vient en 1972 avec Aguirre, la Colère de Dieu

(Aguirre der Zorn Gottes) nouvelle entreprise extravagante, dans laquelle Werner

Herzog décide de tourner sur les lieux mêmes de l’action du sujet de son film :

au Pérou, pour mettre en scène le destin d’un conquistador perdu et fou, parti

à la recherche de l’Eldorado à travers la forêt et les rivières amazoniennes. Il

confie le rôle titre à Klaus Kinski. Avec Aguirre, Herzog apparaît comme un des

réalisateurs du renouveau du cinéma allemand, au même titre que Fassbinder,

Von Trotta, Wenders ou Schlöndorff dans les années 70.

Ses films suivants continuent d’illustrer sa fascination pour les personnages

exceptionnels et les projets atypiques. L’Enigme de Kaspar Hauser (Jeder für

sich und Gott gegen alle, 1974) prix du Jury au Festival de Cannes, relate une

histoire vraie. Celle d’un jeune homme du 19e siècle enfermé depuis l’enfance qui

va découvrir le monde sous la conduite d’un professeur.

Comme pour Kinski en parfaite osmose avec Aguirre, c’est l’occasion pour Herzog

d’une rencontre avec un comédien hors norme et pourtant non professionnel.

Il choisit pour tenir le rôle de Kaspar Hauser, Bruno S. lui-même enfant traîné

pendant vingt ans de maisons de correction en asiles, qui s’avère idéal pour

incarner un enfant enfermé pendant dix-sept ans dans une cave.

Dans Cœur de Verre (Herz aus Glas, 1976) Herzog met en scène un personnage

légendaire de Bavière célèbre pour ses visions apocalyptiques et fait tourner ses

comédiens sous hypnose.

La Ballade de Bruno (Stroszeck, 1977) entraîne Herzog et son comédien Bruno

S. de Berlin au Wisconsin. Sorti de prison, Bruno Stroszeck essaie de trouver le

bonheur et sa place dans la société, accompagné de son ami et d’une prostituée

(Eva Mattes), ils partent faire fortune aux Etats-Unis.

La fin des années 70 est l’occasion pour Herzog de retrouver celui qui devient au

prix d’une collaboration mouvementée, son acteur fétiche : Klaus Kinski.

Comte Dracula, aux côtés d’Isabelle Adjani et Bruno Ganz dans Nosferatu,

le Fantôme de la nuit (Nosferatu, Phantom der Nacht, 1978, tourné en

Tchécoslovaquie). A nouveau soldat fou dans Woyzeck (1978, tourné en

Tchécoslovaquie). Riche fanatique déterminé à construire un opéra au cœur de la

forêt amazonienne, ayant pour compagne Claudia Cardinale, dans Fitzcarraldo

(1982, tourné au Pérou et au Brésil à Manaus, Prix de la Mise en scène au Festival

de Cannes). Et convoyeur d’esclaves dans Cobra Verde (1987, tourné en Bolivie

et au Ghana).

... / ...

Des eaux tumultueuses, sauvages.

C’est un endroit incroyable.

Avec tout cela, pas d’accident ?

Non. J’ai fait prendre beaucoup de

précautions, et quand tout le monde a

été en place, je leur ai parlé. Je suis

monté trois fois sur la montagne !

Pour moi, ce genre de travail doit

être athlétique. J’engage tout mon

corps dans la réalisation de mes

films. A l’écran, vous pouvez juger de

l’altitude, de la rigueur de la pente. J’ai

parlé avec tout le monde, brièvement,

quoi faire, comment agir. Je n’utilise

jamais de mégaphone, ni de viseur.

Je déteste les metteurs en scène qui

font cela. Je fais tout avec mes mains.

Ce fut très, très difficile à tourner. Il

pleuvait tellement que nous avons

commencé à deux heures du matin

pour transporter tous les gens, les

chevaux, les cochons, les lamas, sur

la montagne. Et les canons, que nous

avions forgés nous-mêmes.

Quel était le sentiment de l’équipe,

des acteurs, des Indiens dans un

tournage si difficile ? La solidarité,

l’idée de contribuer à quelque chose

d’important, ou au contraire la peur,

la méfiance, la révolte ? J’ai entendu

des histoires assez curieuses. Vous

auriez fini le tournage un fusil à la

main...

Pour la plupart, ce sont des rumeurs,

la vérité déformée. Il y avait avec

nous presque l’entière population d’un

village indien de la langue ketchua, les

Indiens de la montagne. ... / ...

«PELICULA O MUERTE»

9

Herzog sur le tournage de Fitzcarraldo

... / ...

Ils avaient le sentiment très précis que

ce qu’ils faisaient était très important

pour tous les Indiens, qu’on allait

expliquer les mauvais traitements

reçus, les privations, l’impérialisme,

la misère profonde. Ils en étaient très

conscients, aussi exécutaient-ils les

tâches les plus dures. Un jour, nous

tournions dans les marais. Ils traînaient

de très lourds canons, certains d’entre

eux étaient dans la boue jusqu’aux

hanches. Quand j’ai dit : « Ça suffit

pour aujourd’hui », ils ont répondu :

« Pourquoi ne pas continuer,

puisqu’on y est ? ». Ils avaient le

sentiment qu’il y avait quelque chose

de plus important que leur situation

personnelle à ce moment-là. Il y a

eu des problèmes avec Klaus Kinski,

qui interprète Aguirre. Kinski, tout le

monde le sait, est un hystérique, et

c’est peut-être l’acteur le plus difficile

du monde entier. Un jour, sur scène,

il a failli tuer un autre acteur. Dans

une autre pièce, un acteur ne faisait

pas exactement ce que voulait Kinski ;

alors, il l’a poignardé si furieusement

avec son épée de bois que le pauvre

homme en a eu pour trois mois

d’hôpital. Sur le tournage, Kinski avait

l’habitude de m’insulter tous les jours

pendant deux heures. Il criait d’une

voie aiguë devant tout le monde. Et

c’était très drôle, parce que je restais

silencieux. Et les Indiens avaient très

peur, ils chuchotaient, ils se serraient

les uns contre les autres, les épaules

voûtées. ... / ...

«PELICULA O MUERTE»

10

Quelques années plus tard Werner Herzog revient sur sa relation d’amour et de

haine avec Klaus Kinski dans le documentaire d’archives et de témoignages, Mon

Ennemi intime (Mein liebster Feind, 1999).

Herzog et Kinski sur le tournage de Cobra Verde

Filmographie sélective des documentaires de Werner Herzog.

1974 La Grande extase du sculpteur sur bois Steiner

(Die grosse Ekstasse des Bildschnittzers Steiner)

1976 How much wood would a woodchcuk chuck ?

1976 La Soufrière

1980 Huie’s Sermon (Huie’s Predigt)

1984 Ballad of the little Soldier (Ballade vom kleinen Soldaten)

1989 Wodaabe (Wodaabe - Die Hirten der Sonne)

1990 Bokassa (Echos aus einem düsteren Reich)

1991 Jag Mandir

1991 Lessons of Darkness (Lektionen in Finsternis)

1995 Mort à cinq voix – Gesualdo (Tod für fünf Stimmen)

1997 Little Dieter needs to fly

2003 Wheel of Time

2004 The White Diamond

2005 Grizzly Man

Car depuis plus de trente ans, en marge de ses films de fiction comme ceux

qui suivirent : Le Pays où rêvent les fourmis vertes (Wo die grünen Ameisen

traümen, 1983) ; Cerro Torre, le cri de la roche (Schrei aus der Stein, 1991) ;

Invincible (2001), The Wild blue yonder (2005) et Rescue Dawn (2006) Werner

Herzog n’a de cesse de réaliser des documentaires.

Il vit actuellement entre Munich et Los Angeles.

... / ...

Vers la fin du tournage, ils m’ont

dit : « Nous avons peur, nous avons

toujours eu peur, mais pas de ce fou de

Kinski qui hurle tant ». Ils avaient peur

de moi parce que j’étais silencieux.

A propos de l’incident dont a parlé

la presse à scandale, voici comment

les choses se sont passées. Kinski

avait insisté pour que je renvoie des

gens de l’équipe sans raison. Il les a

insultés et a exigé leur départ. Et j’ai

refusé en lui expliquant qu’il avait tort,

que c’étaient d’excellents techniciens,

qui travaillaient très bien. Alors il m’a

dit qu’il s’en irait. J’ai répondu que

c’était impossible, que je le fusillerais

et qu ‘avant d’atteindre le versant

de la rivière, il aurait six balles dans

la tête. Je n’étais pas armé, mais il

savait pertinemment que je l’aurais

fait. Alors, il a eu très peur, il a crié

« Police ! Police ! » en pleine jungle

sans le moindre village à 650 km à la

ronde ! Je lui ai fait comprendre qu’il

ne me faudrait pas cinq secondes pour

décider que le film était plus important

que nos sentiments personnels et

nos vies privées et qu’il n’en mourrait

pas. Je lui ai dit que je supporterais

tout, toutes sortes d’humiliation, mais

pas cela. Chaque jour, il pouvait le

constater, il pouvait voir que pendant

des semaines je ne dormais qu’une ou

deux heures par nuit. Et il continuait

encore à m’insulter. Je restais

complètement silencieux et détendu.

Je lui ai dit calmement qu’il ne partirait

pas, que je mettrais ma menace

à exécution, et il savait que j’étais

sérieux. ... / ...

«PELICULA O MUERTE»

12

KLAUS KINSKI« Je ne le juge que devant la caméra : c’est l’acteur le plus fascinant que je connaisse. »

Werner Herzog

Nikolaus Karl Günther Nakszynski est né le 18 octobre 1926 à Zappot, près de

Danzig alors en Allemagne (devenu aujourd’hui Soppot, près de Gdansk en

Pologne). Son père ancien chanteur d’opéra de second rang, devenu apothicaire

décide d’installer sa famille de quatre enfants à Berlin dans un misérable

appartement. Enfant, il exerce des petits métiers sordides, commet différents

larcins et se fait régulièrement renvoyer du lycée. Mobilisé à dix-sept ans, déserteur

et blessé par les Anglais en Hollande, il passe seize mois en prison dans l’Essex

où il fréquente la troupe de théâtre pénitentiaire. Une vocation est née. Libéré

en 1946, sur ses papiers il se déclare acteur, de retour à Berlin il prend le nom

de Kinski. De cachets en tournées avec des petites troupes, il accepte tous les

rôles et finit par se faire remarquer. Il joue La Machine à écrire de Cocteau,

Mesure pour mesure de Shakespeare ou Les Revenants d’Ibsen. Avec La Voix

Humaine, monologue de Cocteau il affiche complet, fait scandale et connaît des

problèmes avec la censure en incarnant travesti, le rôle d’un femme désespérée.

A la fin des représentations il passe quelques semaines à l’hôpital psychiatrique

de Berlin.

A sa sortie, on lui propose son premier rôle au cinéma dans Morituri (de Eugen

York 1948) puis il disparaît pendant trois ans, errant en France de Paris à Marseille.

De retour à Berlin, il accepte à nouveau un petit rôle dans le film qu’Anatole

Litvak tourne pour la Fox, Le Traître (1951). S’il pense exercer son métier sur

les planches de théâtre, Klaus Kinski admet que travailler pour le cinéma est

une manière moins fatigante et plus rapide de gagner de l’argent. Il n’y retourne

qu’en 1955 avec Louis II de Bavière de Helmut Kaütner et Hanussen de O.W.

Fischer.

Le rôle d’Aguirre (1972) et son réalisateur Werner Herzog consacrent

définitivement le talent de Klaus Kinski aux yeux du public et de la critique.

Tout comme le rôle de Karl Zimmer, l’acteur fou de L’important c’est d’aimer

(Andrezj Zulawski 1975) si proche de sa personnalité, ou les quatre autres

films tournés avec Herzog (Nosferatu et Woyzeck, 1978 ; Fitzcarraldo, 1982

et Cobra Verde, 1987) qui donnent une autre ampleur à la carrière de Klaus

Kinski. Car en marge de ces films, ce sont encore des films populaires (western

: Un Génie, deux associés, une cloche de Damiano Damiani, 1975 ; policier :

Mort d’un pourri de George Lautner, 1977 ; érotique : Madame Claude de Just

Jaeckin, 1977) ou des séries B des années 80 (comme Venin de Piers Haggard,

1980 ; Androïde de Aaron Lipstadt, 1983 ; Créature de William Malone, 1984)

qui continuent de s’ajouter à une filmographie riche de plus de cent cinquante

films. Son dernier film Paganini, Klaus Kinski l’interprète et le réalise, quelques

mois avant de mourir d’une crise cardiaque le 23 novembre 1991, à Lagunitas

en Californie

... / ...

Alors, pendant les dix jours qui ont suivi,

il s’est comporté très correctement.

(...)

Le bateau sur l’arbre, vers la fin du

film, on ne sait pas si c’est réel ou si

c’est une hallucination...

Je voulais un bateau qui fasse carton-

pâte comme dans un film d’Hollywood.

Mais, en vérité, c’était un vrai bateau,

qui pesait des tonnes. Nous avons fait

construire un énorme échafaudage

de 30 mètres de haut, tout autour

de l’arbre. Il a fallu 35 ouvriers et

une semaine de travail pour hisser

le bateau, que nous avions découpé

en cinq parties, montées séparément

dans l’arbre, et rassemblées là-haut.

C’est un vrai bateau, et il est toujours

là, aujourd’hui encore, dans l’arbre, au

Pérou. Dans le film, il semble irréel.

Pour obtenir cet effet, j’ai attendu le

moment juste pour tourner. Pendant

la saison des pluies, il y a presque

chaque jour des nuages très sombres

qui s’amoncellent à peu près une heure

avant l’orage, la pluie et les éclairs.

J’ai attendu ce moment-là, les nuages

presque noirs, au fond derrière l’arbre ;

cela crée une atmosphère étrange.

Il me fallait ces quinze minutes, je

savais qu’elles arriveraient et je les ai

attendues. (...)

Les dizaines de petits singes, à

la fin du film, venaient-ils d’eux-

mêmes sur le radeau ou a-t-il fallu

les mettre en place ?

Ce sont des animaux sauvages.

Pendant des mois, des Indiens en

capturaient pour nous, ... / ...

«PELICULA O MUERTE»Son physique et son jeu le condamnent à des seconds rôles du cinéma allemand

populaire dans des polars ou des films semi-horrifiques les« krimis ». Il collectionne

les rôles de gangster, de tueur sadique, de traître, de fou ou d’officier nazi.

Dans les années 60, il retrouve à plusieurs reprises les réalisateurs allemands

de série B : Alfred Vohrer, Rudolph Zehetgruber ou Joseph Gottlieb et commence

aussi à s’expatrier en Italie (autre pôle du cinéma populaire) en jouant dans les

westerns spaghetti ou les « gialli » de Mario Camerini, Damiano Damiani ou

Duccio Tessari. En 1965, il incarne un bossu mémorable pour Sergio Leone dans

Et pour quelques dollars de plus et un anarchiste fou dans la superproduction

produite par la MGM et Carlo Ponti, Docteur Jivago réalisée par David Lean.

En Italie, il refuse les propositions de Fellini, Visconti (Ludwig) ou Pasollini

(Porcherie) et préfère enchaîner les série B. Une dizaine rien qu’en 1969, avec

entre autres : Les Nuits de Dracula de l’espagnol Jess Franco, Et le vent

apporta la vengeance de Anthony Dawson ou Le Grand silence de Sergio

Corbucci (premier film qui attire l’attention sur lui en France).

13

physique de la nature : elle est là, et il semble qu’Aguirre a osé la défier et qu’elle se venge.

Effectivement, c’est vrai. Mais ce n’est pas sa seule fonction dans le film. Je ne pense pas en vos termes. J’ai le

sentiment physique de ce qu’est un tourbillon, un rapide, une jungle. Pour moi, tout cela se définit en contact, en terme

de corps humain. C’est un travail d’athlète. C’est la raison, par exemple, pour laquelle j’ai moi-même descendu tous

ces rapides. Je voulais ressentir le contact physique d’un rapide et, quand j’ai su ce que c’était, j’ai pu tourner le film.

C’est un sentiment purement tactile, corporel. Je préférerais perdre la vue plutôt que de perdre une jambe. Le jour où

je perdrai une jambe, je cesserai de faire des films. Il le faudra absolument. (...)

Entretien réalisé par Simon Mizrahi in WERNER HERZOG de Emmanuel Carrère, Edilig, 1982

... / ...

mais finalement ils les ont tous vendus

à un Américain. Il nous a fallu voler

ces 350 singes à l’aéroport. Ils étaient

déjà sur un avion qui allait partir pour

les Etats-Unis. Nous sommes entrés à

la douane en disant : « Nous sommes

vétérinaires, montrez-nous les papiers

de vaccination pour les singes ! ».

Nous savions qu’il n’y avait pas de

vétérinaire dans la ville et qu’il n’existait

aucune loi de ce genre. Mais nous

hurlions tellement fort que l’homme a

fini par admettre qu’il n’y avait pas de

papiers.

Alors, nous lui avons dit : « Descendez

immédiatement les singes de l’avion »,

nous les avons mis dans notre camion

et nous sommes partis. Nous avons

été obligés de les voler, littéralement.

La scène finale était très difficile à

tourner, parce que ces singes nous

mordaient jusqu’au sang. J’étais sur

le radeau, et quelques singes, pris de

panique, me mordaient partout sur le

corps. Je ne pouvais pas crier, parce

que le son était en direct. C’était un

cauchemar.

La nature est présente partout

dans le film, constamment,

dès le début. On a le sentiment

«PELICULA O MUERTE»

15

Musicien de formation classique, pionnier du moog, Florian Fricke, sans

conteste l’âme de Popol Vuh qui ne survécut pas à sa mort en 2001, était un

critique musical et réalisateur de courts métrages très actif dans le Munich des

sixties quand Werner Herzog lui confia, en 1968, le rôle d’un pianiste dans son

premier long métrage, Signes de vie.

La bande originale de Aguirre fut le premier résultat d’une fructueuse

collaboration entre Herzog et Popol Vuh qui signa ensuite les partitions de

Cœur de verre (1976), Nosferatu (1978), Fitzcarraldo (1982) et Cobra Verde

(1987). Outre son amitié avec Fricke, on peut penser que Werner Herzog ne fut

pas insensible au nom du groupe, Popol Vuh étant à l’origine une bible maya

dont la version qui nous est parvenue date, comme l’épopée de don Lope de

Aguirre, des années 1550 et qui débute ainsi : «C’est le récit montrant comment

tout était en suspens, tout était calme, en silence; tout immobile, tout vibrait, et

vide était l’étendue du ciel.»

Source principale : Au-delà du rock

La vague planante, électronique et expérimentale allemande des années 70,

Eric Deshayes, Ed. Le mot et le reste, 2007.

Popol Vuh fut fondé en 1969,

à l’aube des années qui virent

la scène allemande larguer les

amarres du rock anglo-américain,

avec des groupes sans leader

(Klaus Schulze excepté) ni

guitar hero, aux compositions

essentiellement instrumentales,

alliant synthétiseurs et musiques du

monde, dont une part se dissoudra

POPOL VUH

dans le new age : Kraftwerk, Can, Tangerine Dream, Amon Düül, Ash Ra Temple

furent d’autres fleurons de cette Kosmische Muzik, plus péjorativement baptisée

Krautrock par les médias anglais.

LA PRESSE

Méditation tourmentée et pessimiste sur les limites du pouvoir et l’inanité de toute aventure humaine, Aguirre est

admirablement servi par une direction d’acteurs sobre et efficace, une interprétation particulièrement homogène et une

très belle photographie qui donne à cette dérisoire quête d’un impossible Graal des colorations shakespeariennes aussi

insolites que fascinantes.

Frantz Gévaudan, Cinéma 73, juillet-août 1973

Film désespéré dans lequel la défaite est inscrite dès les premières images et les premières mesures d’une musique

pathétique et irréelle, Aguirre fait venir à la bouche le goût amer de ce quasi-suicide, de cette poursuite mécanique de

la mort. De même que le soldat de Signes de vie, l’aventurier chimérique d’Aguirre s’enfonce lentement dans la folie, et

Herzog le filme tel un insecte perdu entre le soleil et les planches du cercueil.

Jean-Luc Douin, Télérama, février 1975

Les partis pris narratifs des films historiques traditionnels sont ici abolis. La fiction ne consiste que dans une très mince

trame de gestes, de voix, d’événements qui, décrochés d’un discours historique, sont offerts à l’œil et à l’oreille pour

qu’ils en jouent, en tant que signifiants. Dans le film d’Herzog, cette jouissance du signifiant est conçue littéralement

comme une folie, un abandon halluciné à la splendeur et à l’étrangeté de signifiants erratiques.

Jean-Pierre Oudart, Cahiers du Cinéma, juillet-août 1975

Aguirre est-il fou ? Cette histoire est-elle vraie ? Ces images sont-elles de pures inventions ? Le fantasme d’Eldorado

ne masque-t-il pas une quête plus profonde ? L’idée de Pouvoir ou de Puissance ou de Possession ne sert-elle pas

de dérivatifs face à l’idée de mortalité ? Et le comble de la folie n’est-il pas de refuser son corps pour son esprit et de

croire que son esprit seul est la vie ? Paranoïa, mégalomanie ? Peut-être.(…) Il faut arriver à l’essentiel. Les films de

Herzog, tous ses films, permettent à celui qui veut bien les « lire » pour ce qu’ils sont d’être totalement libre. C’est une

folie. Peut-être. Mais l’extase hystérique et préférable à la non-existence authentique.

Noël Simsolo, Ecran 75, avril 197516

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AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEUAguirre, der Zorn Gottes

UN FILM DE WERNER HERZOG

RÉÉDITION EN COPIES NEUVES (VO)SORTIE LE 9 JUILLET 2008