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Concours du second degré – Rapport de jury Session 2008 AGRÉGATION EXTERNE ESPAGNOL Rapport de jury présenté par Monsieur Bernard DARBORD Professeur à l’Université de Paris X Nanterre Président de jury Les rapports des jurys des concours sont établis sous la responsabilité des présidents de jury Secrétariat Général Direction générale des ressources humaines

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Concours du second degré – Rapport de jury

Session 2008

AGRÉGATION EXTERNE ESPAGNOL

Rapport de jury présenté par Monsieur Bernard DARBORD Professeur à l’Université de Paris X Nanterre

Président de jury Les rapports des jurys des concours sont établis sous la responsabilité des présidents de jury

Secrétariat Général

Direction générale des ressources humaines

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Agrégation externe d’espagnol Concours session 2008

Rapport général du jury

I. INTRODUCTION I.1 Composition du jury Directoire : M.Bernard DARBORD, Professeur à l’Université Paris X Nanterre, Président. M. Reynald MONTAIGU, Inspecteur Général de l’Education Nationale, Vice-Président. Mme Sylvie BAULO, Maître de conférences à l’Université Toulouse II, Responsable administrative. Membres du jury : M. Karim BENMILOUD, Professeur à l’Université Montpellier III. Mme Marie-Hélène BEYSSON, Professeur de Chaire Supérieure, Lycée Ozenne de Toulouse. M. Olivier BIAGGINI, Maître de conférences à l’Université Paris III. M. Christian BOIX, Professeur à l’Université de Pau. Mme Tereza CAILLAUX DE ALMEIDA, Professeur agrégée au Lycée Henri Loritz de Nancy. Mme Marie-Claude CHAPUT, Professeur à l’Université Paris X Nanterre. M. Renaud CAZALBOU, Maître de conférences à l’Université de Toulouse II. M. Pierre CORDOBA, Maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV). Mme Carla FERNANDES, Professeur à l’Université Lyon II. M. Pierre GAMISANS, Maître de conférences à l’Université de Toulouse II. M. Jean-Louis GUEREÑA, Professeur à l’Université de Tours. M. Ludovic HEYRAUD, Professeur agrégé à l’Université Montpellier III. Mme Solange HIBBS-LISSORGUES, Professeur à l’Université Toulouse II. Mme Sylvie IMPARATO-PRIEUR, Maître de conférences à l’Université Montpellier III. Mme Christine LEROY, Professeur de Chaire Supérieure, Lycée Thiers de Marseille. Mme Corinne MENCE-CASTER, Professeur à l’Université de La Martinique. M. Philippe MEUNIER, Professeur à l’Université de Saint-Etienne. Mme Françoise MOULIN-CIVIL, Professeur à l’Université de Cergy-Pontoise. Mme Florence OLIVIER, Professeur à l’Université Paris XII. Mme Karine PERISSAT, Maître de conférences à l’Université Toulouse II. Mme Mercè PUJOL BERCHE, Professeur à l’Université Lille III. Mme Evelyne RICCI, Maître de conférences à l’Université de Bourgogne. Mme Begoña RIESGO, Maître de conférences à l’Université Lyon II. M. Ricardo SAEZ, Professeur à l’Université de Haute-Bretagne. Mme Isabelle SOUPAULT, Professeur à l’Université de Provence. M. Emmanuel VINCENOT, Maître de conférences à l’Université de Tours.

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Mme Elodie WEBER, Maître de conférences à l’Université Paris VII. I.2. Bilan global de la session 755 candidats se sont inscrits au concours 2008. 398 d’entre eux ont composé

à l’écrit, soit 52,72% des inscrits. Le jury a retenu 106 admissibles, en vue de pourvoir les 48 postes.

La moyenne des admissibles était de 8,98/20. Celle du dernier admissible était de 7,11/20.

Parmi ces 106 admissibles, on comptait un docteur et vingt certifiés. 104 admissibles ont effectivement participé aux épreuves orales. La moyenne

des épreuves orales a été de 5,77/20. Celle des 48 admis a été de 8,89/20. Moyenne générale des trois derniers admis (46èmes ex-aequo) : 6,86/20. Les rapports des épreuves du concours (options comprises) permettront une

appréciation plus précise du déroulement de celles-ci. Les candidats au concours 2009 sont invités à suivre les conseils de méthode qui y sont contenus.

Un regard sur les notes attribuées montre que le jury a cherché à sélectionner

les meilleurs : c’est l’esprit du concours. Le jury utilise donc toute la gamme des notes de 0 à 20. Une mauvaise note n’est pas infamante. Elle ne fait que marquer l’infériorité de la prestation par rapport à d’autres.

Le concours de l’agrégation sélectionne les meilleurs, se fondant sur les

qualités de base de la discipline : la composition, l’exposé de synthèse, l’analyse du document, la mise en perspective critique du savoir, indispensables qualités de l’enseignant et du chercheur. L’agrégation évalue au fond l’essentiel de ce que notre université s’applique à enseigner à ses étudiants. Par là-même, elle propose à l’enseignement du second degré des maîtres de grande qualité. Elle est également un encouragement à entamer une carrière d’enseignant-chercheur, si cette voie est préférée. Quoi qu’il en soit, une expérience pédagogique au sein de l’enseignement du second degré est une expérience souhaitable.

Comme chaque année, le jury a pu lire et entendre d’excellentes prestations. Il

n’a eu aucun mal à attribuer les 48 postes offerts. Certes, l’écart est grand entre le premier et le dernier agrégé. Celui-ci mérite amplement le concours. Celui-là a atteint ce niveau d’excellence auquel conduisent, depuis toujours, nos écoles, nos lycées, nos universités.

Plus que jamais, il faut rappeler que le travail de préparation doit être

méthodique. Le candidat, au long de l’année de préparation, doit avant tout repérer ses lacunes, afin de les combler. Il est également important de dire que notre discipline reste une philologie : une approche de textes (ou autres documents) inscrits au programme. Il convient donc de lire et de relire les œuvres. Les textes, surtout les plus grands, se découvrent progressivement.

Le jury apprécie la pertinence de l’analyse, la correction de l’expression (en

espagnol et en français), la culture générale. Il apprécie également le sens de la communication (à l’écrit comme à l’oral), en un mot la présence.

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Les rapports ci-dessous contiennent des conseils nés de l’expérience. Que dire de ces candidats qui ne se penchent sur les épreuves orales (linguistique et options) qu’une fois passées les épreuves écrites ? C’est là une ces questions de méthode dont nous parlions au début de ces lignes.

Au nom de ses collègues, le Président du jury remercie les autorités qui ont

permis le bon déroulement de ce concours, en nous accueillant dans leurs locaux : Monsieur le Recteur de l’Académie de Toulouse, Monsieur le Président de l’Université de Toulouse II Le Mirail, Monsieur le Conseiller d’Education auprès de l’Ambassade d’Espagne, Monsieur le Directeur du Colegio Federico García Lorca à Paris.

II. Tableau récapitulatif des différentes épreuves1

Epreuves d’admissibilité

Durée Coefficient Composition en espagnol

7h 2

Traduction

6h 3

Composition en français

7h 2

Epreuves d’admission

Durée de la

préparation Coefficient Durée de

l’épreuve (explication +

entretien)

Ouvrages fournis

Explication de texte littéraire en espagnol

2 h 3 45 mn (explication : 30

mn max; entretien : 15 mn max)

-Le texte au programme -L'ouvrage -Dictionnaire unilingue indiqué par le jury

Leçon en espagnol

5 h 3 45 mn (explication : 30

mn max; entretien : 15 mn max)

Civilisation : aucun ouvrage. -Littérature : le/les ouvrages

Explication linguistique en français

1h30 2 45 mn (explication : 30

mn max; entretien : 15 mn max)

-Le texte -L'ouvrage -Le Breve diccionario etimológico de la lengua castellana de J. Corominas

1 Des modifications ont été introduites par un arrêté du 28 juillet 2005. Elles sont appliquées depuis le concours 2007. On se reportera au rapport 2007 et au site du Ministère http://www.education.gouv.fr, rubrique « Concours, emplois et carrières ».

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-Un dictionnaire latin-français -Le Diccionario de la lengua Española (RAE)

Option a (catalan)

1h 1 45 mn (explication : 30

mn max; entretien : 15 mn max)

-Photocopie du passage -Dictionnaire

Option b (latin)

1h 1 45 mn (explication : 30

mn max; entretien : 15 mn max)

-Photocopie du passage -Dictionnaire

Option c (portugais)

1h 1 45 mn (explication : 30

mn max; entretien : 15 mn max)

-Photocopie du passage -Dictionnaire

III. BILAN DES EPREUVES ECRITES (ADMISSIBILITE) III.1 Composition en français Rapport établi par Monsieur Ricardo Saez, Professeur à l’Université Rennes II.

Avant d’aborder la question proprement dite de la correction de l’épreuve de composition en français, qu’il nous soit permis d’exprimer notre sincère gratitude à tous les membres de la commission. Le rapport ici présenté est le fruit d’une réflexion collective animée par Madame Isabelle Soupault et Ricardo Saez.

1) Remarques générales: De propos délibéré, nous ne reprendrons que de manière allusive les remarques

de fond et de forme revenant en propre à l’exercice de dissertation non que celles-ci se révèlent, à nos yeux, périphériques mais parce que nous risquons de sombrer dans la redite inutile pour deux raisons essentielles. La première des raisons se soutient d’elle-même. En effet, les différents rapports rédigés, année après année, reviennent tous obsessionnellement sur la spécificité de la dissertation avec un sens remarquable de la pédagogie de sorte qu’il est très difficile d’innover dans la mesure même où le candidat affronte toujours les mêmes obstacles méthodologiques et les mêmes interrogations scientifiques auxquels les différents jurys et commissions apportent très sensiblement les mêmes réponses. La seconde tient à l’évidence même. On n’aura pas la naïveté de penser qu’il faut attendre le concours du Capes et/ou de l’agrégation pour mesurer la place, à tous égards, centrale que se doit d’occuper la dissertation dans la formation universitaire des candidats. Aussi nul ne saurait prétendre nourrir quelque chance réelle de succès s’il n’a pas assimilé, au préalable, les fondements identificateurs de l’exercice qui se déclinent, à nos yeux, dans une triple successivité d’interdépendance logique : une langue correcte et aisée, ajustée, dans son lexique et sa syntaxe, à la production d’une argumentation étayée sur des connaissances probantes tirées des œuvres au

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programme, sollicitées à bon escient afin de pouvoir construire une armature conceptuelle qui structure, dans sa totalité, le traitement du libellé offert à l’intelligence et à la sensibilité des candidats. Cette triple exigence recoupe les phases interactives et superposées de l’évaluation des copies et par là même les résultats qui s’ensuivent. On n’insistera jamais assez sur la préparation, en amont, à la dissertation au cours des études aussi bien secondaires que supérieures. Cette épreuve, injustement décriée, n’est pas exempte de vertus, celles, d’ailleurs, dont l’enseignant s’appuiera tout au long de sa vie : savoir rédiger, savoir réfléchir, savoir argumenter, savoir conclure tout en continuant à chercher car le véritable professeur est celui qui n’a jamais fini d’apprendre. Il n’est pas celui qui sait mais celui qui cherche comme l’a excellemment écrit Lucien Febvre.

2) Résultats de la session 2008. Si l’on s’en tient à la session 2008, on observe, au plan quantitatif, les

renseignements suivants. En effet, de cet ensemble chiffré, il ressort que sur les 755 candidats inscrits, 412 parmi eux se sont présentés à l’épreuve de composition en français obtenant une moyenne de 04.39. Pour ce qui est de la moyenne des 106 candidats, déclarés admissibles à subir les épreuves orales, celle-ci se situe à hauteur de 08.61, ce qui, en termes d’affichage, montre l’excellente tenue d’un concours fondé sur le mérite intellectuel. Mais moyenne n’étant pas répartition, on procédera au détail des notes figurant dans le tableau reproduit ci-dessous:

Notes Nombre de présents Nombre d’admissibles < 1 >=1 et <2 >=2 et <3 >=3 et <4 >=4 et <5 >=5 et <6 >=6 et <7 >=7 et <8 >=8 et < 9 >= 9 et <10 >= 10 et <11 >= 11 et <12 >= 12 et <13 >= 13 et <14 >= 14 et <15 >= 15 et <16 >= 16 et <17 >= 17 et <18 Absents Copie blanche

54 48 64 51 53 32 13 22 21 14 9 7 8 3 2 6 4 1 342 1

1 0 3 6 9 6 7 14 11 11 8 6 8 3 2 6 4 1 0 0

Pour un débat de fond portant sur les volets linguistique, méthodologique et

scientifique, on renvoie aux rapports des années précédentes. Nous nous sommes livré, pour notre part, à celui de la dissertation en langue étrangère, établi lors de la session

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2006. On y trouvera des observations et des recommandations qui sont toujours d’actualité sur lesquelles nous reviendrons, d’un mot, dans le présent rapport.

3) Impératifs de langue. De l’avis des membres de la commission qui a eu à connaître des quatre cent

douze copies corrigées, dont certaines remarquables, la partie proprement linguistique trahit un certain nombre d’insuffisances au rang desquelles on mentionnera quelques maladresses que l’on a quelque scrupule à reproduire ici. L’orthographe est assez malmenée. Aussi trouve-t-on des mots tels bourrot, satyre, conexions, faire parti, il a pri ou prit, il a permi, abscente, retourd, quand à lui, il va de soit, il refflète, antihéro…On pourrait, sans problème, étoffer une telle liste mais la finalité de notre propos n’est pas d’accabler le candidat mais de l’aider, si possible, à s’améliorer. Elle prouve, tout simplement, sur un plan élémentaire, le flottement et l’inexactitude des propriétés de langue que l’on ne saurait mettre uniquement sur le compte du stress même si celui-ci joue incontestablement mais pas au point d’expliquer les erreurs grossières dont se voient entachées nombre de copies. Aussi certains candidats doivent s’interroger sur la maîtrise par trop défectueuse de l’orthographe qu’ils ont l’illusion d’avoir assimilée. On relèvera également une quasi-totale absence en matière d’accord des participes passés devenus trop souvent des formes pures et simples d’infinitif. S’ajoutent à ces imperfections, barbarismes, solécismes, hispanismes (le mot salvation pour salut, par exemple alors qu’il figurait dans le libellé de la dissertation) qui montrent, sur le vif, l’impréparation d’un nombre élevé de candidats au concours. De tels écueils engendrent, la plupart du temps, une expression laborieuse et confuse dans laquelle la trame de la dissertation glisse vers son propre anéantissement. En outre, on fera état - nouveau signe des temps ou dérive sociologique du langage- d’une accentuation non seulement capricieuse, voire fantaisiste mais parfois inexistante. On attire l’attention des futurs candidats sur une réelle qualité de langue où la richesse lexicale se conjugue à la précision conceptuelle afin d’échapper à un manque de relief en matière de rédaction qui finit par rendre monotone la lecture d’un nombre important de copies. On ne peut que déplorer une certaine indigence en ce qui concerne l’expression française. On illustrera une telle considération par l’emploi fréquent de verbes tels avoir, être, faire, donner, voir, répétés à satiété dans une sorte de discours standard et banal. Pour faire bref, on aura souci de mettre les ressources linguistiques au service de l’expressivité de la pensée et de l’esprit.

4) Présentation du sujet. C’est précisément d’esprit dont il fallait faire preuve pour disserter avec fruit et

profit sur le libellé tiré d’un ouvrage de réputation mondiale que l’on doit à Thomas Pavel, intitulé La Pensée du roman, dans lequel le critique hongrois a couché sur le papier, à propos de la matière picaresque, un axe de lecture formulé de la sorte:

« Grâce à l’accumulation persévérante d’épisodes, la vie de Lazare de Tormes

comme celle de don Pablo[s] de Ségovie effectuent une plongée sans retour dans un monde dont la laideur finit par ne plus renvoyer à la beauté absente, ni la bassesse à la générosité temporairement oubliée. La conception chrétienne de la chute de l’homme, comme ses sœurs néoplatonicienne et stoïcienne, juxtapose l’abjection de la condition sublunaire et le souvenir de la grandeur perdue qui contient la promesse du salut. Dans le picaresque amoral, ce souvenir et cette promesse font défaut […] Ballottés par la

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Fortune, ces picaros ne comprennent guère le sens de leur dérive: dans cet univers à proprement parler inhabitable, le destin de l’homme est de tromper ses semblables, de rire et de prendre la fuite ».

Il était demandé aux candidats de s’interroger sur cette lecture des deux textes du

programme et sur la légitimité de leur association considérée dans ce que Thomas Pavel nomme « une version amorale du picaresque ».

On ne saurait, toutefois, comprendre, au sens étymologique du terme, le sens et la

portée d’une telle grille de lecture, qui induit une interprétation de la littérature picaresque, que si l’on mène, au préalable, tout un travail d’intellection de la citation elle-même et de mise à distance critique de celle-ci. En effet, les catégories d’analyse ici mobilisées se doivent d’être interrogées puis problématisées si nous nous efforçons de saisir une définition de ce qui constitue, pour Thomas Pavel, le socle d’un genre narratif prémoderne appelé le roman picaresque.

Afin d’éclairer la citation retenue, qui a constitué la pierre de touche aussi bien

pour les candidats que pour les membres de la commission, il est de bonne méthode de la contextualiser. Si celle-ci se trouve, en effet, au chapitre II qui a pour titre: La science de l’imperfection (p. 97- 105), elle est cependant préfigurée à la p.31 par l’idée que Le Lazarille de Tormes raconte « la misère de la vie dépourvue d’héroïsme et de noblesse ». Dès le départ, Thomas Pavel institue de la sorte un rapport antithétique au roman idéal, aux Ethiopiques, c’est-à-dire à Théagène et Chariclée et à L’Amadis de Gaule dont les héros sont invulnérables à l’adversité car inscrits dans un univers de beauté dont ils sont les représentants emblématiques des plus hautes valeurs morales. Si l’on déroule la pensée de Thomas Pavel, celle-ci progresse en affirmant que dans la chaîne historique des métamorphoses des genres narratifs en prose, il est un genre nouveau qui a fait son apparition au XVIe siècle liant l’imperfection et le manque de dignité pour déboucher, est-il précisé, sur « une réflexion sérieuse, voire pessimiste » de l’homme. Et Thomas Pavel de poursuivre « le genre littéraire qui a effectué cette conversion a été le roman picaresque, aussi bien dans sa forme espagnole que dans son hypostase anglaise; le picaresque français ayant développé une vision plus sereine de la vie morale » (p.100).

Si La vie de Lazare prend place, d’une part, dans une tradition qui remonte à

L’Âne d’or d’Apulée, au Satiricon de Pétrone et au personnage du trickster, cette figure du farceur, du rusé, dépourvu de tout scrupule, qui traverse la littérature orale (cf., Paul Radin, The Trickster. A study in native american Mythology (1956), elle décrit, d’autre part, le récit d’un monde, posé sur temps et espace, où règnent « l’effritement de l’ordre moral et des liens de fidélité entre les hommes » (p. 102). Aussi se fondant sur de telles prémisses, Thomas Pavel dégage-t-il une typologie articulée sur deux cas de figures picaresques : « d’un côté le picaro qui accepte l’amoralité de sa condition sans éprouver des remords et de l’autre le picaro moralisateur qui déplore la bassesse de sa propre vie au nom d’une norme supérieure qu’il ne parvient pas à respecter » (p.102). A la version morale appartiennent La vie de Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán, Moll Flanders et Lady Roxana de Daniel Defoe dans laquelle le protagoniste préconise d’imiter son attitude repentante dans l’optique du rachat de sa conduite et du salut de son âme. Le Lazarille et le Buscón se situent, quant à eux, dans la version amorale dans laquelle le héros, on dira plutôt l’antihéros (cet héroe revesado ‘héros inversé’ dont parle Pedro Salinas) n’exprime aucune nostalgie de l’idéal ni aucun remords.

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5) Travail liminaire: A) Questionnement sur les concepts: Aperçue dans le souffle qui la suscite, la perspective de lecture proposée par

Thomas Pavel pour stimulante et pertinente qu’elle puisse apparaître n’en contient pas moins une conception schématique et réductrice de la densité et de la complexité des deux œuvres inscrites au programme de la session 2008. C’est pourquoi pour nous introduire à la matérialité du libellé, il convient de commenter brièvement les termes mêmes sur lesquels prend appui la citation avant de nous interroger sur la légitimité de l’association du Lazarille et du Buscón envisagée sous l’angle d’attaque « d’une version [et d’une vision] du picaresque ». On a conscience que l’accumulation des références d’ordre philosophique a pu déstabiliser, voire dérouter plus d’un candidat introduisant une difficulté supplémentaire dans la compréhension du sujet. L’allusion implicite au Guzmán de Alfarache, glissée dans la seconde phrase, permettait au candidat de rétablir le maillon manquant des mises en écriture des modalités picaresques sans le développer outre mesure mais en l’identifiant comme l’autre versant de la production espagnole qui s’étend de l’année 1554 à l’année 1646, c’est-à-dire du Lazarille, toujours en quête d’auteur, à Estebanillo González. Pour ce qui a trait à l’association des deux œuvres au programme, celle-ci devait faire apparaître obligatoirement une analyse contrastive dégageant les similitudes et les divergences en fonction de la perspective choisie.

Il fallait, donc, au plan du contenu de la citation, se demander, dans un premier

temps, si l’on pouvait suivre l’orientation imprimée par Thomas Pavel au fragment reproduit ci-dessus pour en montrer les limites et asseoir par là même les critères de validité interne des fondements de pensée ainsi que des notions utilisées. Il n’était pas interdit de se rendre actif et réactif face à des affirmations quelque peu catégoriques. Ainsi, peut-on associer La vie du Lazarille et le Buscón, récits éloignés pourtant par plus d’un demi-siècle (1554-1604)? (Il est admis que l’année 1604 voit la première rédaction du Buscón ; 1626 étant l’année de publication). Convient-il de valider l’assertion, selon laquelle, l’une et l’autre effectuent « une plongée sans retour dans un monde dont la laideur finit par ne plus renvoyer à la beauté absente »? Si oui, à quel niveau, à quel degré, par quels moyens? De quelle laideur s’agit-il, d’une laideur morale, d’une laideur physique, des deux à la fois? Lazare et Pablos sont-ils étrangers, comme semble l’accréditer Thomas Pavel, au domaine de la morale? Doit-on se satisfaire d’un tel regard posé sur deux des trois grandes productions fondatrices du « roman » picaresque espagnol tout en soulignant combien le terme « roman » était, en l’espèce, anachronique?

En outre, les deux pícaros sont-ils aussi ballottés qu’on le prétend par la Fortune,

cette puissance énoncée par Thomas Pavel sous forme d’une entité suprême distribuant, sans règle apparente, bonheur et adversité? Que faut-il entendre par dérive? Si le terme s’applique incontestablement à Pablos qui va connaître une cascade d’échecs mais, également et surtout, une rupture irréversible avec l’instance judiciaire puisqu’il commet un meurtre (homicide) devenant un hors-la loi moral, social et racial (on recense deux cas de délinquance dans la picaresque espagnole, le premier dans Le Buscón, le second dans La ingeniosa Elena de Jerónimo Salas Barbadillo), Lazare est soumis, pour sa part, à une trajectoire bien différente. En effet, au fur et à mesure de la

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progression du récit, il ne mendie plus, il ne vole plus. Il a même réussi matériellement. En effet, il est parvenu à se chausser et à s’habiller. Il a quitté l’état de misère. Il s’est hissé sur le plan social non seulement parce qu’il a intégré l’univers du salariat mais parce qu’il a obtenu, fût-elle le plus vile et infâme des métiers, une charge royale: celle de crieur public. Par ailleurs, toute l’extraordinaire ambiguïté du double moi du Lazarille, celui du personnage narrateur et celui de l’auteur anonyme, le jeu subtil de ce double registre, devait inviter le candidat à la prudence. Enfin, quelle attitude adopter face « au destin de l’homme » qui est « de tromper ses semblables, de rire et de prendre la fuite”? Cette triple énumération, comment opère-t- elle? Epuise-t-elle la substance et la finalité des deux œuvres? Valider donc le plan de lecture retenu par Thomas Pavel, n’est-ce pas s’engager dans un dialogue gommant le traitement spécifique des deux œuvres car au-delà des liens de parenté, des filiations de fond et de forme, Quevedo a bénéficié d’une autre médiation: celle du Guzmán. Aussi si Le Buscón est adossé aux modèles du Lazarille et du Guzmán, il ne fallait pas oublier, comme l’a souligné Raimundo Lida, « que supone esos modelos, los imita, los parodia y se aleja de ellos espectacularmente » dans la mesure où Quevedo, lecteur perspicace des deux ouvrages cités, ne se sent nullement corseté par une poétique non écrite du genre démontrant par là même la plasticité de ce qui a été qualifié au XIXe siècle de « roman picaresque », notion forgée par Eugenio de Tapia en 1840.

B) Questionnement sur les mots-clés La citation exigeait également l’observation des champs lexicaux nommés et le

repérage de certaines associations sémantiques permettant de cerner le sujet dans toute son étendue. Il fallait relever en priorité: accumulation d’épisodes (technique d’enfilage du récit). Amoralité vs promesse de salut. Le terme amoralité, précédé d’un alpha privatif, signifie, tout simplement, « étranger au domaine de la moralité »; l’amoralisme étant « une conception philosophique de la vie étrangère à toute considération de valeur morale ». La notion d’amoralité a perturbé les candidats. Dans cet ordre d’idées, il fallait également accorder attention et réflexion 1/ à vie des héros = plongée sans retour/ dérive ; 2/à Fortune=dérive incomprise. 3/à monde= inhabitable, laideur, bassesse, abjection ; 4/ à destin du pícaro= tromper, rire et fuir.

La commission a été sensible aux tentatives de définition des deux adjectifs présents dans le libellé, à savoir: « ses sœurs néoplatonicienne et stoïcienne »

6) Proposition de plan Tout ce questionnement, enraciné dans une réflexion liminaire des notions et des

mots-clés du sujet, devait permettre de bâtir un plan cohérent. Le plan ici exposé et proposé n’est pas exclusif mais complémentaire de bien d’autres. Il n’a aucune valeur d’universalité ou de modèle. La commission de composition en français n’est prisonnière d’aucun dogme ou dogmatisme: elle trouve son mouvement en marchant. Elle évalue sur pièces ayant constamment souci et diligence de classer les candidates et les candidats avec justice et justesse au terme d’une double correction. C’est donc avec un esprit libre et constructif que la commission a élaboré une problématique susceptible d’embrasser les différentes phases du plan de dissertation. Il est impératif pour la clarté

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du débat de rédiger une introduction en bonne et due forme qui annonce l’architecture de la question traitée et les différentes phases de l’argumentation.

Le plan suggéré par la commission repose sur trois points d’ancrage, les uns aux

autres liés. Pour ce faire, on partira, tout d’abord, de la matrice commune aux deux œuvres dans ses aspects structurels et thématiques. On abordera, ensuite, la dynamique propre à chacune des œuvres saisies dans l’évolution des traitements et la distorsion du moule primitif pour aboutir, enfin, à deux univers esthétiques et éthiques où seront étudiées les particularités de l’écriture et la dimension (a)morale au sein desquelles Le Lazarille et Le Buscón trouvent leur radicale et définitive explication.

7) Introduction En guise d’introduction, il fallait bien souligner la difficulté de dégager une unité

formelle des récits picaresques. On sait d’expérience et point d’accident, combien est confuse la notion de roman ou récit picaresque. D’ailleurs, tous les grands spécialistes de la question, Marcel Bataillon, Francisco Ayala, Pablo Jauralde Pou, Michel Cavillac, Francisco Rico, Fernando Lázaro Carreter… ont été unanimes à mettre l’accent sur le manque d’homogénéité idéologique, sur la facture protéiforme des récits, sur un genre tenu pour indéfinissable. Il y a lieu toutefois d’observer que ces récits se fondent aux plans thématiques et narratifs sur un nœud de convergences : universalité du mal, péché originel, extraction sociale privée d’honneur ou marquée du sceau de l’infamie, êtres de papier livrés à l’errance des chemins, valets d’un ou plusieurs maîtres promus, dans l’ordre de la fiction, au rang de narrateurs sous la modalité discursive de la pseudo autobiographie afin de mettre en évidence, à l’aide d’un tel artifice, la crise profonde des valeurs sur lesquelles repose une société d’ordres (sociedad estamental) essentiellement conservatrice, rétive à la mobilité sociale, arc-boutée et repliée sur elle-même. Aussi le recours « au picaresque amoral » est à saisir dans la gamme de ses diverses modalités et à considérer avec une échelle de gravité relative. Nul doute qu’il permet d’embrasser l’universelle abjection de la condition humaine.

A) Matrice commune qui fonde l’association entre les deux œuvres ici

envisagées S’il est incontestable que l’accumulation d’épisodes est commune au roman de

chevalerie et au roman d’aventures, celle-ci est largement dépassée par l’auteur anonyme du Lazarillo au profit d’une cohérence romanesque d’une grande intelligence et efficacité. En effet, les sept « traités » sont subordonnés au caso et disposés selon une structure spéculaire soulignée par tout un réseau de symétries, de parallélismes de construction et d’échos internes culminant dans un climax qui trahit le contrôle parfaitement exercé sur l’écriture par le double narrateur. C’est bien de « una obra pensadísima », comme l’a qualifiée Francisco Márquez Villanueva, qu’il s’agit. Il suffisait pour illustrer cette partie de mettre en rapport le chapitre 1 et le chapitre VII, les résurgences des motifs : l’eau ( le titre , le début du récit avec la naissance parodique du protagoniste à même la rivière, l’eau dont il sait faire son alliée à la fin du premier chapitre, les prostituées au bord du Tage, la cruche d’eau ( chapitre III), le chapitre VI lorsqu’il entre au service du chapelain de la cathédrale de Tolède, qui s’adonne à des pratiques mercantiles interdites par le droit canon, pour le compte duquel il vend l’eau dans la ville), le vin ( l’épisode cruel de la cruche de vin, la grappe de raisin, la prophétie de l’aveugle (que si un hombre en el mundo ha de ser bienaventurado con

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vino, que serás tú, p.43) que l’on retrouve à la fin lorsque Lazare crie les vins de l’archiprêtre. Mais également le motif du vol et de la justice (le père, la mère et le parâtre, chapitre I et l’allusion au chapitre VII « acompañar los que padecen persecuciones por justicia y declarar a voces sus delitos: pregonero, hablando en buen romance, p.129). Dans cet ordre de spécularité on pouvait penser à associer molinero et pregonero (quatre syllabes chacun, même terminaison) par lesquels s’ouvrent et se ferment les épisodes du récit. On pouvait invoquer aussi arrimarse a los buenos, la casilla, le vol du sac (fardel) et la huche à pain (el arca, el arcaz, el arcón).

Quant à Quevedo, il reprend le principe du récit par épisodes tel qu’il est énoncé

dans l’ensemble des trois livres mais de façon globale. En effet, le Livre II marque une pause (Diego Coronel disparaît pendant treize chapitres, on assiste à un défilé de figures et de types mais le narrateur-protagoniste ne progresse pas). On remarque inversement une accélération après le chapitre VII du Livre III. On retrouve aussi chez Quevedo le recours aux repères symétriques (chapitre II Livre I -l’épisode du rey de gallos, la chute- et le chapitre VII Livre III (chute également de cheval sous le regard de doña Ana et de don Diego Coronel) mais également des scènes de beuveries, de bastonnades, de vols, d’usurpations d’identité, de simulation d’identité, le jeu, les cartes… Bref, la trame narrative n’obéit pas à la même logique interne que celle observée dans Le Lazarillo.

Un autre élément de similitude est à chercher également dans les facéties (libro de

burlas) qui lient les deux œuvres : d’ailleurs les premiers lecteurs ont interprété les deux œuvres comme des facéties : Buscón, « libro de burlas » p. 92, p.148 « declararon la burla », p.157 « conté la burla », p.160 « no se ha acabado de solemnizar la burla » et Le Lazarille p.27, p.44 « las malas burlas que el ciego burlaba de mí », « con este postrer juego que me hizo afirmélo más »…On assiste à une réécriture de la farce traditionnelle : rapines, larcins pour obtenir la nourriture (chapitres I et II, vols de l’aveugle, vol dans la huche à pain du curé de Maqueda, vols de Pablos à Alcalá, p. 157-158)…

En ce qui concerne la tromperie, celle-ci constitue la base du comportement du

pícaro. Si elle peut s’expliquer, au départ, par nécessité pour la survie (Lazarillo, vols de nourriture), elle évolue cependant vers une systématique dans le cas de Pablos comme c’est, notamment, le cas p.149-161 à Alcalá. A ce premier niveau d’appréhension, il convient d’ajouter que la tromperie (burla, traza, maña, habilidad, industria, embustes…) dénonce plus largement un monde fondé sur les apparences illustré de manière emblématique par l’écuyer du traité III du Lazarillo et par don Toribio Rodríguez Gómez de Ampuero y Jordán au chapitre V du second Livre du Buscón. A cet égard, le thème du vêtement comme moyen utilisé par le pícaro pour se déguiser et tromper méritait un développement tant il est aisé de le repérer dans la trame narrative des deux ouvrages. Les exemples sont nombreux. On pouvait solliciter, à titre indicatif, les chapitres I et II du Livre III (confrérie des chevaliers d’industrie, p.219-238) rythmés par la présence du lexique de la tromperie (apariencia, p.220, así no lo echan de ver, p.221, hacíase soldado, p. 222, los mentises acostumbrados,p.222, de la sotanilla me hicieron ropilla de luto de paño, p.225, era caballero de alquiler, como mula, p.226, y otras mentiras deste modo, p.231, contándole mil embustes, p.232, …) Le lien était tout trouvé pour mettre en rapport les passages cités avec l’écuyer du traité III du Lazarillo. En effet, l’écuyer et ses signes extérieurs d’honorabilité ne sont au fond que tromperie et culte rendu à la religion des apparences. Celle-ci se marque dans la

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matérialité textuelle des indices vestimentaires et d’une gestuelle, soigneusement étudiée, ajustée aux circonstances:

« … un escudero que iba por la calle con razonable vestido, bien peinado y compás en orden»,p. 72, « que me parescía, según su hábito y continente, ser el que yo había menester», p.73, « y comienza a limpiar y sacudir sus calzas y jubón y capa…peinóse y púsose la espada en el talabarte», p.81, « Y súbese por la calle arriba con gentil semblante y continente, que quien no lo conociera pensara ser muy cercano pariente al Conde de Arcos…», p. 82. Sur ce point précis, il fallait également convoquer, montrant par là les symétries internes du récit, le traité VI du Lazarillo, plus particulièrement le fragment où Lazare adhère à l’idéologie des apparences affichée par l’écuyer. On se devait de relever l’impact et le mimétisme exercés par l’écuyer sur son ancien valet. En effet, celui-ci, la ressemblance est frappante, s’habille comme son ancien maître : «… compré un jubón de fustán viejo… un sayo raído… una capa que había sido frisada, una espada de las viejas primeras de Cuéllar », p. 127. Lazare quitte le circuit de la production et du salariat car il constate que les effets vestimentaires cités accréditent son statut de « hombre de bien ». En témoigne l’attaque de la dernière phrase par laquelle se clôt le traité VI: « Desque me vi en hábito de hombre de bien», expression répétée, à plusieurs reprises, au traité III. On rappellera pour la circonstance la page 99 « no sientes las cosas de la honra en que el día de hoy está el caudal de los hombres de bien» qui souligne, si besoin était, les filiations qui lient l’écuyer et le jeune Lazare. (La critique a bien mis l’accent sur l’importance structurelle de ce qu’on peut qualifier de tribut payé aux apparences comme expédient récurrent de la tromperie).

Une analyse plus approfondie conduit pourtant à affirmer que la tromperie s’étend

non seulement aux aspects vestimentaires et aux marques gestuelles. Elle prend une signification de portée plus générale car elle structure l’ensemble des rapports humains. On en veut pour preuve le mensonge de l’aveugle pour obtenir un gain supérieur qui s’en trouve aggravé à l’échelle de l’écuyer qui cherche un grand seigneur susceptible de le protéger comme on peut le remarquer dans le court extrait suivant : « sabría mentille tan bien como otro y agradarle a las mil maravillas…nunca decirle cosa con que le pessase… ser muy diligente en su persona…p. 104-105 dont il est une réplique dans le Buscón aux pages 210, 212 et 215 : « es la lisonja llave maestra, que abre a todas las voluntades en tales pueblos », « Es nuestra abogada la industria… » et « ¿ Qué diré de mentir ? Jamás se halla verdad en nuestra boca ».

En ce qui concerne le rire, on mentionnera l’omniprésence d’un tel terme décliné

dans une triple modalité lexicale: reir, risa et son augmentatif risada dans l’écriture et l’action romanesque. Le nombre d’occurrences dans le Buscón est assez exceptionnel tant il scande les différents moments du récit. En effet, on signalera quelques échantillons: « Diole al maestro tan risa de mi simplicidad », p. 109, « yo no pude tener la risa», p.121 ,«fue tanta la risa », p. 148, « Yo movido a risa», p.172, « No se ha visto cosa digna de risa» p. 173… Une telle observation de nature quantitative exige de la part du lecteur une approche qualitative. Dans cette perspective, il eût été pertinent de noter la dualité du rire: le rire du pícaro lui-même qui s’amuse et le rire aux dépens de ce dernier que les autres prennent pour cible. C’est cette réversibilité qui devait retenir l’attention des candidats. Sans prendre toute la mesure et le sens bien codé du rire, on décrira néanmoins quelques unes de ses manifestations. On retiendra, tout d’abord, le rire dans lequel le pícaro se complaît dans une action mauvaise, « Busqué nuevas trazas de holgarme… me sucedieron cosas graciosísimas », p.156 du Buscón, le rire, ensuite, qui opère comme élément de communion aux aventures des protagonistes,

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« Más con tanta gracia y donaire recontaba el ciego mis hazañas…no se las reír » (Lazarillo, p. 41), le rire, enfin, naturel et spontané face à l’abjection mise en relief venant renforcer, de la sorte, l’humiliation et contribuant à la dégradation et la chosification des personnages. On fera état de quelques moments-clés où l’on passe du rire généré par le plaisir et le bonheur de raconter à la souffrance et à l’humiliation. Revient forcément en mémoire le fragment suivant : « Contaba el mal ciego a todos cuantos allí se allegaban mis desastres, dábales cuenta una y otra vez así de la del jarro como de la del racimo, y agora de lo presente. Era la risa de todos tan grande, que toda la gente que por la calle pasaba entraba a ver la fiesta » (Lazarillo p. 41) dont le contrepoint est glissé à la p.70, «Ahí tornaron de nuevo a contar mis cuitas y a reírlas, y yo, pecador, a llorarlas» (Lazarillo, p. 70). Pour ce qui est du Buscón, le candidat avait presque l’embarras du choix, p.143 (la pluie de glaires sur Pablos), p.146 (l’épisode du lit conchié) « Yo lloraba de enojo y ellos decían adrede: -Más va en vuestra² salud que en haberos ensuciado». On pouvait prendre appui sur les pages 61-62 de l’introduction de Domingo Ynduráin qui a bien recadré l’indignatio et la turpitudo auxquelles restent rattachés le rire, sa fonction et son sens. Il fallait éviter de tomber, par une sorte de réflexe conditionné en raison de lectures hâtives de Bakhtine, dans un rire qui serait, chez Quevedo, assimilé à l’exaltation du corps. Si l’apport bakhtinien fonctionne pour l’univers de Rabelais, héritier, pour une part, de la culture verbale verte et grasse du Moyen Âge finissant, il fallait, au moins, débattre de son opérativité lorsqu’il est appliqué au Buscón de Quevedo.

La troisième notion dont il fallait rendre compte dans le rapprochement commun

des deux œuvres se borne à la fuite après la tromperie et le rire. Elle marque, en règle générale, dans la construction du récit classique le dénouement (desinit) des épisodes traditionnels. Aperçue sous ce jour, la fuite justifie pleinement la place qu’elle occupe au terme du premier traité du Lazarillo succédant à la bourle cruelle du pilier à Escalona qui a démontré non seulement l’inversion des rôles maître-valet mais également l’évolution du personnage vers une intelligence supérieure puisque Lazare a réussi, par la ruse et la persuasion, à endormir la vigilance de l’aveugle accomplissant de la sorte la mutation annoncée p.23 « que el mozo del ciego un punto ha de saber más que el diablo ». Mais la fuite met en évidence aussi la preuve de la lâcheté, le manque de decorum et de dignité de l’écuyer qui a perdu tout soupçon de bravoure chevaleresque en prenant la fuite sans avoir, par ailleurs, payé ses dettes. La fuite dans l’a/immoralité fait irruption lorsque Lazare adopte non seulement l’habit de l’écuyer mais aussi l’idéologie des classes oisives ou déchues en décidant d’adopter un mode de vie qu’il a critiqué au préalable.

La fuite prend également une connotation extrêmement précise dans le Buscón car

pour parvenir à la réalisation des prétentions nobiliaires affirmées à maintes reprises « mas yo, que siempre tuve pensamientos de caballero desde chiquito », p.100, « como siempre tuve altos pensamientos», p.107, Pablos doit de s’arracher à son milieu, c’est-à-dire, quitter le domicile de ses parents « … quedé como muerto, determinado de coger lo que pudiese en breves días, y salirme de casa de mi padre », p. 108 afin de les fuir « para huir de ellos », p.166. Il faut attendre la rencontre avec son oncle, le bourreau de Ségovie, et l’abandon du bouge de celui-ci (p. 205) pour qu’intervienne la rupture définitive. Celle-ci est consignée dans la lettre que Pablos rédige à l’attention de son oncle dans laquelle il exprime la raison qui le conduit à rompre avec sa famille: « No pregunte por mí, porque me importa negar la sangre que tenemos », p.206. Une telle volonté se heurte cependant à un déterminisme social, moral et racial qui rive Pablos à

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sa radicale infamie. La mort de son père tel un vulgaire délinquant, la prison de sa mère dans les geôles de l’Inquisition de Tolède et un héritage frauduleux (hacienda escondida) vont marquer sa destinée de « pícaro embustero y mal nacido », p. 271. L’argent frauduleux, à hauteur de 400 ducats, doit être vraisemblablement de l’argent cachée car tout condamné par l’Inquisition voyait ses biens mis sous séquestre. Ainsi donc l’argent accroît le caractère délictueux des parents. La fuite de Pablos, familiale, géographique et identitaire est, bien évidemment, une fuite illusoire et impossible car elle opère telle une spirale qui conduit celui-ci au crime, à une fuite irréversible, celle d’un hors-la-loi.

Parvenu à la fin de cette première partie, le candidat, afin de ménager une

transition logique pouvait faire observer l’accélération de la fuite dans le dernier chapitre ainsi qu’une tendance accusée, chez Quevedo, à la distorsion de la matrice initiale.

B) Spécificité des deux œuvres Lazarillo versus Buscón Pour aborder cette seconde partie, on rappellera l’écart chronologique (1554/1604/

1626) qui sépare les deux ouvrages. On intégrera également à la réflexion menée sur le Buscón le constat que Quevedo est un lecteur et un admirateur critique du Lazarillo et du Guzmán. Le rapport qu’il a noué avec les deux récits ne peut être que réactif et sélectif. Aussi car le récit picaresque est un récit en devenir, en raison même des métamorphoses et variations qu’il a connues, il convient de l’envisager dans le processus dynamique qui le suscite et le fonde (cf., Fernando Lázaro Carreter). Il sera donc plus facile, replacés dans un tel contexte, de mieux saisir les emprunts pratiqués par Quevedo aux deux grandes œuvres antérieures. Considérons aussi qu’entre les deux œuvres s’installe toute une systématique de l’exagération et une finalité différente tant il est vrai que, tissé de filiations et fécondé de ruptures, le Buscón n’a eu de cesse d’altérer l’héritage de ses deux illustres prédécesseurs. En tout cas, il n’appartient pas de façon univoque à ce qu’il convenu d’appeler le genre picaresque. Force est donc d’affirmer que si le Buscón respecte, dans ses grandes lignes, les traits dominants de la typologie qui revient en propre au récit picaresque (la confession imaginaire du gueux, le moi pseudo autobiographique, l’univers de la marginalité et du vol, le rapport valet-maître), il en subvertit les modèles qui l’ont précédé. En effet, le lecteur est rapidement désorienté par la structure du Buscón. Celle-ci recourt à l’insertion des formes brèves extérieures qui devient un moteur de l’écriture du récit. C’est une sorte de récit polygénérique (un texto de textos) que Quevedo installe au fil des pages. Au nombre des formes qui sont annexées au tissu d’écriture du Buscón, on relève les premáticas,( 2, III), les lettres burlesques et parodiques, les jácaras, les avisos de corte,( 6, II), la présence de la matière excrémentielle tirée des farces médiévales et des traditions universitaires, le défilé des types et des figures, les châtiments grotesques, la description de scènes de banquets répugnants ou de prison…qui, tout en étoffant le socle référentiel du récit picaresque, rendent moins visible la matrice protogénérique du Lazarillo, partiellement reprise dans le Guzmán.

Toutefois bien que coulés dans un tel cadre, des thèmes communs, sous la plume

de Quevedo, manifestent une tendance à l’hyperbole au point de les rendre divergents. Si Lazare vient de l’inframonde social, des classes privées d’honneur (natus parentibus humilibus), Pablos est marqué, quant à lui, du triple sceau d’une infamie indélébile sur le plan social, moral et racial. En témoignent les généalogies de la mère et du père et le

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prénom juif qui l’identifie, à tout jamais, le fils (nomen est omen, ‘le nom est présage’). En revanche, il n’existe dans le Lazarillo aucun discours raciste; ses origines sont basses mais aucunement maculées comme le montrent la saveur malicieuse des prénoms Antona et Tomé (Mi hija Antona, uno la deja y otro la toma). Tomar, ce que fait d’ailleurs Tomé ne renvoie pas seulement au vol mais aussi à la sexualité puisque le verbe « tomar » signifie « couvrir une femme » tel est le sens de ce verbe dans la poésie amoureuse espagnole (que todas las niñas/nacen en tomar,/ que las que no toman/ después llorarán,/ el no haber tomado/en su verde edad ). Si Lazare est un fils du ruisseau, Pablos est un bâtard « concebido a escote », p.108 dont la mère est judéoconverse, sorcière et prostituée et le père, également judéoconvers, voleur, barbier et porté sur la dive bouteille. En outre, la référence à Ségovie, lieu de naissance de l’antihéros, accuse, par une triple allitération en s « Yo, señor, soy de Segovia », p.95, les conditionnements ségrégatifs qui frappent Pablos.

Au nombre des divergences, on remarquera aussi la variation introduite par le

Buscón en ce qui concerne un élément structurel qui tient au rapport maître-valet. En effet, si Lazare est au service de neuf maîtres, Guzmán de cinq, Pablos, quant à lui, ne servira qu’un seul. (La pícara Justina aucun). Quevedo atténue par là le relief du maître tant et si bien que Don Diego Coronel, le maître de Pablos, disparaît du champ narratif pendant treize chapitres. Dans cet ordre d’idées, on mentionnera que Lazare et Guzmán sont poussés à l’errance et à la mendicité en raison de leur pauvreté. En effet, Lazare, qui est orphelin, est confié par sa mère à un aveugle qui vit de la charité publique, de l’aumône. Guzmán déclare, pour sa part: « el mejor medio que hallé fue probar intentar la mano para salir de la miseria, dejando mi madre y tierra» (chapitre 2, Livre I). Tel n’est pas le cas de Pablos puisque celui-ci se déplace d’Alcalá à Ségovie pour toucher un héritage, il est vrai, frauduleux qui se monte à 400 ducats. C’est bien l’abjection et l’infamie du milieu qui sont à la source de l’itinérance de Pablos.

On remarque également un traitement quelque peu divergent dans le thème

caractéristique de la faim. Si celle-ci occupe une place importante aussi bien dans le Lazarillo et le Guzmán, elle tend á disparaître dans le Buscón au profit des épisodes dans lesquels, situés dans un cadre urbain et non plus rural, dominent la vide profondeur des apparences et le mensonge régnant à la cour. Au-delà de ces considérations, on soulignera l’approche, concrète et vraisemblable dans le cas du Lazarillo qui manque de tout, dont on comprend la quête obsessionnelle de la nourriture et le plaisir pris à boire et à manger qui se transforme dans le Buscón en une double polarité: celle de l’absence et de ses excès. A ce propos, on pouvait illustrer ce point par les séquences relatives à la nourriture dans le Buscón. Le repas chez Cabra « Cenaron y cenamos mucho y no cenó ninguno», p.123, « cenamos mucho menos, y no carnero, sino el nombre del maestro: cabra asada», p.123, s’oppose au repas chez Flechilla «vino la olla y comímela en dos bocados casi toda», p.231. Etait aussi à considérer, de façon plus générale, l’autre versant du traitement de la nourriture proprement répugnant, macabre allant jusqu’à la dégradation de l’être humain et l’anthropophagie où éclate la démesure et l’hyperbole. A cet égard, le chapitre IV du Livre II de la beuverie chez l’oncle constitue un exemple qu’il fallait utiliser.

Dans cette analyse contrastive, il nous semble pertinent de s’attacher au statut de

la caricature dans les deux œuvres. Méritent, de ce point de vue, attention et réflexion le curé de Maqueda et dómine Cabra mais également l’écuyer indigent de Tolède et le hidalgo pauvre et déchu qu’est Don Toribio. On a pris le parti de retenir les deux

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ecclésiastiques comme champ d’observation. S’il est vrai que comparaison n’est pas raison et que Cabra se trouve dans la dépendance chronologique du curé de Maqueda, l’un et l’autre sont pourtant issus d’un même moule, véritable locus communis de la littérature traditionnelle qui a fait du portrait de l’avare un exercice de style où se sont illustrés les auteurs satiriques depuis l’Antiquité jusqu’à Quevedo lui-même. Une lecture des deux chapitres consacrés aux deux ecclésiastiques montre, cependant, à partir d’une même matrice, une diversification, une évolution et une portée divergentes de la caricature. Si l’auteur anonyme du Lazarillo ne quitte jamais les traits identificateurs de la caricature, il sait, en revanche, les doser par la présence d’une parfaite sobriété et économie de moyens destinés à souligner, de manière précise et concise, la ladrerie pathologique du curé de Maqueda : « No digo más, sino que toda la laceria del mundo estaba encerrada en éste : no sé si de su cosecha o estaba anejado con el hábito de clerecía », p.47. 0n trouve le même mécanisme dans l’absence de lard alors qu’un tel l’aliment était la nourriture de base des populations rurales, ce qui accuse la caricature de l’ecclésiastique dépourvu, par ailleurs, de la vertu théologale de la charité. Mais la caricature devient plus subtile dans la seconde partie du traité au cours de laquelle le prêtre est soumis à une caricature comique, ironique et ridicule, eu égard à son comportement digne d’un personnage d’une farce de Lope de Rueda : « mi solícito carpintero», p. 61, «matador de culebras» p. 69 et à sa grandiloquence hors de propos : « -Agora, donos traidores ratones, conviéneos mudar propósito, que en esta casa mala medra tenéis », p.61. Tout autre est la tonalité de la caricature du dómine Cabra qui, sous prétexte d’une exemplaire frugalité, prétend cacher l’avarice la plus monstrueuse. A la sobriété des moyens succèdent l’accumulation baroque et l’énumération juxtaposée des traits caricaturaux du régent de grammaire de Ségovie.

Il appartenait aussi au candidat de faire cas d’autres dissemblances. Si les deux

œuvres prennent le récit à la source (opus ab initiis incipiendum est) et non in medias res, on ne trouve aucune finalité annoncée dans le Buscón alors que dans le Lazarillo, comme le prologue l’indique, tout le récit est subordonné au caso. « Y pues Vuestra Merced escribe se le escriba el caso muy por extenso, parecióme no tomalle por el medio sino del principio », p.11, ce qui justifie l’ambition de l’écriture, la progression construite du récit et lui donne par là même sa totale cohérence. Rien de tel dans le Buscón à propos duquel la critique, hormis Jenaro Talèns, a souligné l’absence d’architecture et de construction comme l’a fait très justement remarquer Fernando Lázaro Carreter lorsque celui-ci s’est appuyé sur les incongruités et les oublis pour démontrer « la falta absoluta de esfuerzo constructivo ». On se souvient du verdict sans appel de Francisco Rico : « libro genial…y pésima novela picaresca » En outre, Quevedo déproblématise le pícaro. Il en fait un personnage privé d’intériorité et de densité humaine. Il n’est plus celui qui démythifie les valeurs sur lesquelles repose la société où il vit. Aussi, a-t-il vidé de tout son poids moral la profondeur spirituelle du Guzmán. Il a supprimé chez Pablos les apartés réflexifs contrairement aux nombreux soliloques du Lazarillo. Si Lazare, ingénu au départ, apprend la duplicité et finit par assumer avec cynisme et opportunisme l’a/immoralité mise en pratique par ses différents maîtres, Pablos, en revanche, n’évolue pas. Il s’enferme dans son choix d’une ambition démesurément grotesque: devenir rien moins que caballero et non hidalgo. On observera le saut qualitatif de pregonero à caballero. Mais comment peut-on penser intégrer les rangs de la noblesse lorsqu’on porte en soi un rêve impossible contenu dans l’oxymore dénonciateur et accusateur don Pablos ? Face à l’échec, Pablos assume, sans paraître en questionner les fondements, un mode de vie orienté délibérément vers le Mal dont le meurtre et le départ aux Indes marquent l’aboutissement.

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Restait à prendre en considération, enfin, le yo double du narrateur qui superpose

les voix de l’auteur sans nom et sans visage et du personnage-narrateur du Lazarillo oublié chez Quevedo qui brouille, à dessein, les pistes au profit de la voix de l’auteur mal dissimulée derrière le récit pseudo autobiographique. Il s’ensuit une perte de la force dialogique par l’éviction du destinataire (Vuestra Merced), comme il était de mise dans le Lazarillo transgressant de la sorte le cadre normé du récit picaresque mais montrant également le peu de crédibilité qu’attache Quevedo à l’instance narrative qui n’est autre qu’un anonyme pío lector, p.298, puis no te fíes, hombre , p.29, finalement un lecteur tout court Y si fueras pícaro, lector, p. 301.

C/ Esthétique et éthique

La troisième partie porte sur la facture littéraire et le contenu moral des deux

œuvres. On posera comme point de départ que le Buscón, en dépit de toutes ses attaches

avec la poétique du genre picaresque, est fils de la liberté. En effet, celle-ci débouche sur un univers verbal propre- « la plus prodigieuse réussite verbale du genre picaresque »- écrira Marcel Bataillon, qui se traduit par une esthétique de la déformation et par l’émergence d’une langue personnelle toute traversée et nourrie de virtuosité, d’audace créatrice, de traits saillants, fondée sur des rapprochements conceptuels insolites et surprenants imprimant à l’acte d’écriture la force régénératrice de l’esprit, ce « gran engendrador », comme l’a si bien caractérisé Juan Huarte de San Juan dans les années 1570. On ne reprendra pas ici les jeux de mots envahissants, les dilogies, les polysémies, les bifurcations sémantiques, les ténébreuses affinités et correspondances, les labyrinthes lexicaux, notionnels et conceptuels d’un maniement singulier des ressorts et des ressources les plus cachées du discours, on se permettra cependant de dire qu’il était réducteur d’enfermer Quevedo dans les seuls mécanismes linguistiques mis en œuvre par le conceptisme. Il est évident que la maîtrise linguistique de l’auteur du Buscón déborde le cadre borné et normé du seul conceptisme. C’est pourquoi pour éviter un tel schématisme, il nous semble qu’il fallait ouvrir le récit de Quevedo à la totalité de l’arsenal rhétorique et donc à la gamme profuse de ses composantes. Pour ce faire, il n’était pas dénué d’intérêt de convoquer l’art du portrait, en particulier, celui de Cabra tel qu’il est écrit et inscrit aux pages 116-118 du Buscón. Dans ce tourbillon verbal qui déferle sur le portrait de Cabra le fragmentant en parties inconnexes, Quevedo déploie toute la puissance générative de la langue. On en veut pour preuve les subordonnées causales (porque), les réitérations (con una nuez… con dos piernas…), les effets d’hyperbole et de renchérissement ( tan salida…tan hundidos,…que era tanto el asco », la double substantivation qui juxtapose (clérigo cerbatana) des éléments dissemblables faisant surgir une métaphore qui fait du dómine Cabra un être filiforme et dangereux, ce qu’il est, en réalité, pour ses pensionnaires et pour Pablos et don Diego Coronel. On y adjoindra les analogies (largo como avestruz…las manos como un manojo de sarmientos), le zeugma (desde cerca parecía negra y desde lejos azul), les oppositions et antithèses (largo en el talle, la cabeza pequeña) rehaussées par une dilogie (largo), les polysyndètes et les asyndètes qui associent et fragmentent un rythme continu et entrecoupé dans lequel Quevedo fait respirer les mots, les termes privatifs (sin pelo… sin ceñidor), les parallélismes de construction (unos, otros…por no gastar…por no gastar las sábanas), le statut de

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l’épithèse qui dépassent le seul ludus verborum. En matière précisément de jeu verbal, on pouvait revenir sur « la nariz entre Roma y Francia » pour en extraire toute la fine perversité. Problématisant les lectures sur ce passage, il fallait plonger dans les marges silencieuses de la langue pour se rendre compte de toute la finesse linguistique de Quevedo car « entre Roma y Francia » revient à dire que Cabra avait un très long nez en raison de la distance séparant les deux villes mettant ainsi en avant les ascendances juives dont Quevedo souligne les marques physiques. La fin du portrait concentre, portés à leurs paroxysmes, les signes identitaires de l’avarice. Le tout est couronné par l’introduction de deux néologismes, protomiseria/archipobre) construits sur deux préfixes savants (proto-archi) concentrant de façon lapidaire et laconique, presque aphoristique, le degré suprême de l’abjection.

Pour ce qui touche à la morale du Lazarillo, celle-ci est présente dans le

mouvement d’écriture et de construction qui structure le petit ouvrage. En effet, conçu au départ comme une suite d’historiettes, en raison de ses rapports avec folklore, le Lazarillo est pourtant très vite détaché de son socle initial pour être détourné par l’ambiguïté et une polysémie qui correspondent, dans une parfaite mise en abyme, au double discours et au double regard qui parcourent et éclairent le récit. Il fallait, parvenu à ce stade de la dissertation, préciser les positions respectives des auteurs par rapport aux déterminismes biologique et social ainsi qu’au libre-arbitre: atavisme ignominieux de la naissance, d’un côté, éducation corruptrice, de l’autre. Or malgré l’immoralité sacrilège de l’archiprêtre concubinaire qui utilise son bénéfice ecclésiastique pour acheter son plaisir sexuel, Lazare, qui a pleinement conscience qu’il est un mari cocu et consentant, n’en affiche pas moins un optimisme relatif. Dans la morale de compromis qu’il adopte, il n’est pas plus indigne que ses maîtres qui sont pourtant des membres d’un clergé surreprésenté qui spolie le pauvre, un clergé antiévangélique et indigne comme le montre ce passage-clé du Lazarillo « no nos maravillemos de un clérigo ni fraile porque el uno hurta de los pobres y el otro de casa para sus devotas, cuando a un pobre esclavo el amor le animaba a esto », p.19. D’ailleurs, le lecteur est prévenu depuis le prologue où le personnage narrateur avoue « no ser más sancto que mis vecinos », p.8. Dans les deux cas, il y a intervention d’un choix personnel de l’individu: l’un apprend, réfléchit, critique et progresse, l’autre s’enfonce dans la fatalité d’un déclassé social, moral et racial qui le mène à la rupture et au Mal. Il y a tout lieu de remarquer une trajectoire morale asymétrique: un traitement inversé de deux conceptions morales de l’être.

S’ils sont ballottés l’un et l’autre par la Fortune, sorte d’entité suprême qui

distribue alternativement fortunas y adversidades conjointement associées, leur comportement est loin de se charger cependant du même sens. On ne passera pas sous silence, tant le lien spéculaire est manifeste, le titre et la dernière phrase du Lazarillo dans lesquels figurent le terme en la cumbre de toda buena fortuna , repris par antiphrase dans une connotation hautement ironique venant souligner l’opportunisme matérialiste qui explique le cynisme de Lazare, devenu pregonero, si proche de molinero, prêt à assumer toutes les contre-valeurs sur lesquelles repose la société les détournant à son profit personnel et justifiant ses choix. Dans le Buscón, le récit met en place un monde où règnent, le mensonge, la corruption, la vénalité, l’abjection, voire l’ignominie d’une nature humaine profondément amorale. A cet égard, les scènes coprophiles et excrémentielles qui se succèdent dans l’accumulation des épisodes constituent un échantillon de la conception physiologique de l’être humain incapable du moindre élan de solidarité envers son semblable car étranger à la raison. L’homme est

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un loup pour l’homme. Il n’est aucune scène, dans le Buscón, comparable à celle au cours de laquelle le jeune valet partage son maigre repas avec l’écuyer dans le Lazarillo. On atteint le paroxysme de l’ignominie lorsque allusion est faite dans le Buscón à l’anthropophagie, même si celle-ci est totalement fictive, imaginaire, sous la forme de pasteles de a cuatro qui recouvre une dilogie macabre « a cuatro » contenant la chair du père de Pablos qui vient d’être exécuté (mis en quartiers) par son propre frère sans la moindre émotion comme le montre la froideur de la phrase ici reproduite Hícele cuartos, y dile por sepultura los caminos, p.163. Dans un tel univers, le protagoniste principal est irrémédiablement condamné car il n’y a jamais, contrairement au Guzmán, de repentir obstinado pecador, p. 308. La fin se clôt donc par une référence à la théologie du rachat que Pablos a constamment refusée. Dès lors, c’est un pessimisme extrême et un désabusement radical qui s’imposent comme résultat d’une trajectoire confrontant le lecteur non seulement à la vanité mais au néant de l’existence humaine.

Conclusion Le corrigé ici proposé, avec ses imperfections et ses maladresses, invitait à

nuancer les angles de lecture forgés par Thomas Pavel. S’il est fondé de valider la conception amorale de la picaresque- on ne trouve nulle trace de repentir dans les deux cas étudiés-, une telle constatation ne devait pas neutraliser cependant les différences entre les deux œuvres. En effet, l’association du Lazarillo et du Buscón, que l’on peut tenir pour globalement légitime, s’avère, de toute évidence, quelque peu sommaire au terme de la problématique ici retenue. C’est pourquoi, afin de fuir tout discours de surface, il était nécessaire de restituer la subtilité et la finesse de la vision de l’auteur anonyme du Lazarillo et le désenchantement profond et amer de Quevedo.

Si la commission a voulu privilégier, en priorité, un questionnement qui vise à

dégager la facture et le traitement littéraires des deux ouvrages, il va de soi qu’elle a pleinement conscience de ne pas avoir accordé une place plus marquée au contexte socio-historique ainsi qu’aux spécificités culturelles espagnoles dans lesquelles est ancré le récit picaresque. Elle a eu souci de ne pas diluer l’univers de la création, saisi dans la singularité de ses voix, dans une sorte de sociologie affadie de la littérature menant, dans de nombreux cas, à un mélange ou, pire encore, à la confusion des genres ; le contexte ne devant jamais se substituer ou ruiner le texte, le grain d’écriture qui donne expression et sens durable aux œuvres. A ce propos, les développements d’ordre historique portant sur le débat relatif à la mendicité et à la portée réelle des statuts de pureté de sang ont été le plus souvent plaqués. En outre, rares sont les copies qui maîtrisent l’opérativité sociale des phénomènes historiques invoqués. Pour la clarté du propos, on se permet de renvoyer le lecteur à la p.84-85 de Las culturas del siglo de oro de Ricardo García Cárcel pour ce qui concerne les statuts de pureté de sang et à l’ouvrage de Félix Santolaria Sierra, El gran debate sobre los pobres en el siglo XVI. Domingo de Soto y Juan de Robles, 1545, Barcelona, Ariel, 2003, en ce qui a trait à la controverse Soto-Robles.

Enfin, il était, à tous égards, pertinent, de s’interroger sur le modèle du Guzmán

de Alfarache, archétype de la version moralisatrice de la picaresque, oublié par ses successeurs au profit des caricatures de héros pervers, dont la complaisance dans le péché permet de mieux servir la dénonciation envers une société corrompue et de s’attaquer au dénigrement d’un monde en proie à la bassesse sans que soit réellement envisagé le problème de la nature fondamentalement mauvaise de l’homme.

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Il n’était pas interdit de clore l’exercice de dissertation en se référant à l’évolution

sensiblement différente du « genre » en Espagne et en Angleterre et en mentionnant les prolongements à la fois thématiques et structurels du modèle picaresque dans La familia de Pascual Duarte de Camilo José Cela.

III.2 Composition en espagnol Rapport établi par Marie-Claude Chaput, Professeur à l’Université Paris X Nanterre

Sujet « En parte la reciente historiografía sobre el ideario feminista se ha planteado

deshacer una de las identificaciones más enraizadas en el pensamiento contemporáneo acerca de este movimiento social : la vinculación del feminismo con la lucha por el sufragio de la mujer. Esta desafortunada asociación ha dado pie a que el feminismo —como teoría y práctica— aparezca no solamente como un proyecto de poca envergadura, sino también como incapacitado para teorizar toda problemática de la mujer que caiga fuera de la lucha por sus derechos políticos y legales. […] Basándonos en esta importante reelaboración, podríamos entender la historia del feminismo como la narrativa de los modos en que las mujeres han analizado su situación de diferencia, desigualdad y subordinación, a la vez que la manera en que han luchado para cambiarla. Tendríamos, ahora, que hablar de “feminismos” y no de “ feminismo”. »

Apoyándose en el caso de la España de los años 1868-1978, se explicitará,

discutirá y valorará este punto de vista polémico formulado por Alda Blanco (A las mujeres : Ensayos feministas de María Martínez Sierra, Logroño, Instituto de Estudios Riojanos, 2004, introducción, p. 17)

Sur 755 candidats inscrits, 417 ont composé : les notes se répartissent sur une

échelle qui va de 0,5 pour la plus basse à 15 pour la plus haute. La moyenne des admissibles à l’épreuve est de 09 et la note du dernier admissible est 02. Il y a eu de bonnes copies mais il n’y en a pas eu d’excellentes (voir les tableaux joints).

Certains candidats ont su tirer parti de leurs connaissances même si le sujet par son ampleur n’a pas été traité de manière aussi satisfaisante pour toutes les périodes mais c’est la règle du jeu. Des lacunes ou des erreurs expliquent que la note la plus élevée soit un 15.

Voici le détail des notes : Notes Nombre de présents Nombre d’admissibles < 1 >=1 et <2 >=2 et <3 >=3 et <4 >=4 et <5 >=5 et <6 >=6 et <7 >=7 et <8

83 48 35 46 43 35 29 13

0 0 1 4 9 6 10 6

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>=8 et < 9 >= 9 et <10 >= 10 et <11 >= 11 et <12 >= 12 et <13 >= 13 et <14 >= 14 et <15 >= 15 et <16 >= 16 et <17 >= 17 et <18 Absents Copie blanche

16 16 19 7 4 10 6 7 0 0 336 2

10 12 16 7 3 10 6 6 0 0 0 0

Nous invitons les candidats à lire les rapports des années précédentes : les mêmes

remarques et conseils reviennent sur la technique de la dissertation, un exercice qui répond à certaines règles, qui demande une réflexion sur un thème précis et qui suppose un entraînement régulier. Il permet de tester non seulement les connaissances mais aussi la capacité du candidat à se les approprier, à les organiser et à problématiser dans une langue claire, riche et correcte.

Il ne s’agit pas de proposer ici un corrigé ou un plan modèle mais de rappeler certains éléments méthodologiques et de souligner certaines erreurs tant sur le fond que sur la forme.

Le sujet était vaste et pouvait être abordé de différentes façons. Quelques très rares candidats ignoraient tout de la question et ont rempli parfois une copie entière ou plus de banalités sur la condition de la femme à travers les âges, ce qui ne répond pas à l’exercice demandé et vaut zéro. Il est préférable dans ce cas – et je renvoie ici aux conseils de Françoise Etienvre dans son rapport de l’année dernière sur la composition en français – d’analyser le sujet et d’élaborer un plan logique. Ces cas sont marginaux, la plupart avait des connaissances, parfois trop, mais déséquilibrées, incertaines et pas toujours bien utilisées. La citation portait sur l’ensemble de la question au programme (1868-1978), il ne fallait pas privilégier une période plutôt qu’une autre, sauf en justifiant ce choix. Si les débuts de l’émancipation des femmes par l’éducation sont assez bien connus jusqu’à la fin du XIXe ainsi que la Seconde République, la dictature de Primo de Rivera et la dernière période chronologique (Guerre, franquisme, début de la transition) ont été parfois à peine évoquées. Souvent la dissertation s’accélère à partir de la Guerre civile comme si le droit de vote d’abord puis la fin des espérances démocratiques avec le franquisme – qui voit cependant le retour de mouvements féministes dans les années 60 – bloquaient la réflexion. Or cela était justement au cœur de la problématique que suggérait la citation d’Alda Blanco.

Remarques préliminaires : Une sélection et une organisation logique étaient indispensables en tenant compte

des deux dates et des deux auteurs, María Lejárraga et Alda Blanco : un regard contemporain sur une féministe qui a écrit et participé activement à la vie politique espagnole des premières quarante années du XXe siècle avant de connaître l’exil. Une dissertation n’est pas un sujet de cours. Remplir des pages et des pages en mettant bout

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à bout des connaissances (noms de personnalités, dates, événements) même exactes sur la période est inutile.

Au préalable, une lecture attentive du sujet était indispensable, il fallait ensuite sélectionner les connaissances, dégager des axes afin d’élaborer une problématique et organiser le travail en fonction de celle-ci. On ne saurait trop répéter qu’un tri rigoureux des connaissances est impératif. La période était à considérer sous l’angle de la spécificité du « féminisme » espagnol sous son double aspect théorique (production d’un discours féministe) et pratique avec ses implications dans la vie associative, politique et sociale. Il fallait définir le terme « féminisme » et commenter son emploi au pluriel. Si le début de l’émancipation des femmes débute au XVIIIe, on ne parle pas alors de féminisme, le terme se généralise au XXe, « le siècle des féminismes » selon le titre d’un ouvrage collectif publié en 2004. Les dictionnaires l’associent à la lutte pour l’égalité des droits entre hommes et femmes avec souvent une connotation polémique.

Attention à l’introduction, trop souvent négligée ou maladroite. Malgré les avertissements des rapports antérieurs, de trop nombreux candidats se contentent de recopier le sujet ou de le répéter sans en détacher les mots clés et les dates. Dans ce cas l’emploi pluriel de « féminismes » et la critique du seul droit de vote comme conquête finale devaient servir à dégager une problématique en tenant compte de la spécificité de l’histoire d’Espagne pendant ces quatre vingt dix années. Il s’agissait ensuite de procéder à une démonstration ; peu importe que le plan comporte deux ou trois parties, qu’il soit thématique ou chronologique, l’essentiel est qu’il soit logique, qu’il y ait un fil conducteur, un lien entre les parties, de façon à déboucher sur une conclusion qui soit tout à la fois un bilan et une ouverture. Pas plus que l’introduction, la conclusion n’est à négliger, elle est la preuve des qualités de la dissertation… ou de ses défauts. Veillez également à ne pas tout mettre sur le même plan et à détacher certains éléments.

L’implication de María Lejárraga (ou Martínez Sierra du nom de son mari) dans la vie politique de la Seconde République, après l’obtention du droit de vote en 1931, demandait de réfléchir sur les antécédents depuis 1868 et l’évolution des revendications. Il fallait tenir compte de la condition juridique, économique et sociale des femmes afin de dépasser la vision réductrice dénoncée par Alda Blanco qui limite le féminisme à la seule lutte pour le suffrage. Sur la place spécifique du vote, le candidat devait rappeler le déficit démocratique de la Restauration, le discrédit lié au turno et l’impact de l’anarchisme et anarcho-syndicalisme qui explique que le droit de vote n’était pas une priorité et qu’en 1931 sa reconnaissance par les Cortes s’inscrit dans un contexte de démocratisation général.

Cette démonstration devait s’appuyer sur des exemples précis et des citations qui souvent ont fait défaut.

Avoir en tête une chronologie était indispensable, les changements politiques

déterminent les formes de revendications : - Le Sexenio qui marque une ouverture mais avec de faibles répercussions pour les

femmes. - La Restauration (1875-1930), un période longue qui suppose de nuancer (en

1881, avec le turno, le gouvernement de Sagasta reconnaît un certain nombre de droits qui ne concernent pas spécifiquement les femmes mais dont elles ont pu profiter (liberté de presse, d’association, de réunion) ; la reconnaissance tardive du suffrage universel masculin (1890) explique que les femmes n’aient pas orienté leurs revendications vers ce qui ne pouvait apparaître dans un tel contexte comme une priorité.

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- La IIe République qui ouvre une période de liberté et de conquêtes sociales dans lesquelles s’inscrit le droit de vote.

- La Guerre (1936-1939), étape décisive pour les femmes - Le Franquisme (1939-1975) à ne pas prendre comme un bloc homogène - La Transition, la date butoir indiquée était 1978 mais le candidat devait

souligner que tout n’était pas réglé par la Constitution de 1978. Fautes de langue Les candidats doivent veiller à employer une langue riche et variée. C’est trop

rarement le cas. En outre de nombreuses fautes ont pu être observées. Il ne s’agit pas ici de faire un relevé systématique ; on peut comprendre qu’un certain nombre de coquilles ou de dérapages soit le résultat des tensions le jour du concours mais cela ne justifie pas des fautes d’accord et des erreurs de conjugaison. Elles sont lourdement sanctionnées.

Les quelques exemples suivants, une liste volontairement courte, soulignent les lacunes et les négligences qui pénalisent fortement une copie quand cela se répète au fil des pages. Revoyez la grammaire, les conjugaisons et relisez-vous, c’est indispensable.

Les accents ne sont pas facultatifs ! Ils permettent de distinguer certains mots et certains temps et modes : le passé simple, cantó par exemple…. Il est inadmissible qu’ils soient totalement ignorés dans certaines copies.

Confusion entre divisar et dividir ; favorecer souvent remplacé par un gallicisme, evolucionar, reivindicaciones, également.

Femenino, feminista à retenir pour le sujet ! Concordance des temps obligatoire, l’imparfait dans la proposition principale

entraîne le subjonctif imparfait dans la subordonnée. Les prépositions (A = mouvement : estudiar en casa et non pas a ; emploi abusif

de de par imitation du français : es imposible entender….)… L’apocope : el primer libro mais el primero de octubre… Cette liste ne prétend pas être exhaustive, elle veut mettre en garde les candidats

qui sont invités à être très vigilants, à combler leurs lacunes et à relire leur copie. Les erreurs Le bilan que l’on peut faire à partir des copies fait ressortir qu’à part quelques

rares candidats qui visiblement n’avaient pas travaillé et qui ont disserté sur la femme en général sans aucune référence au sujet et à l’histoire des femmes, la plupart avaient des connaissances mais pas toujours très sûres : les noms retenus approximativement, les erreurs de dates, l’absence de citations, leur inexactitude ou leur mauvaise utilisation sont gênantes. L’essentiel n’est pas de retenir les dates mais placer une personnalité féministe au XIXe alors qu’elle appartient au XXe signifie une erreur de compréhension sur un mouvement qui connaît une évolution très nette après la Première Guerre mondiale.

Il n’y a pas de longueur idéale, cela dépend de la manière de rédiger de chacun, toutefois l’on peut dire qu’une copie simple rendue au bout de sept heures paraît légère

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pour aborder le sujet et 26 pages supposent qu’on a écrit sans avoir pris le temps de se poser des questions ni de se relire.

Attention aux maladresses, les parties et les sous-parties du plan n’ont pas à être annoncées matériellement, le correcteur doit s’en apercevoir sans cela ! Inutile également de mettre des notes à la fin ou en bas de page pour ce type d’exercice. Les candidats doivent se réapproprier les cours en les enrichissant de lectures personnelles. Il est souhaitable que ne figurent pas des noms de préparateurs dans les copies ce qui pourrait être interprété comme une remise en cause de l’anonymat sauf s’il s’agit d’articles ou d’ouvrages publiés. Dans ce cas, les sources doivent être indiquées.

Eléments à retenir pour traiter le sujet Ce sujet de civilisation exigeait de repérer et de tenir compte au préalable de la

date de publication de l’ouvrage (2004). L’auteur de l’introduction au livre de María Lejárraga (1874-1974), Alda Blanco, professeur aux Etats-Unis, s’inscrit dans la gender history. La citation ne propose pas une analyse du texte de María Martínez Sierra mais une réflexion sur l’historiographie, les féminismes et le suffrage qui n’apparaît que comme un fragment de luttes plus vastes sur le chemin de l’égalité des droits. Le ton polémique invitait à une double réflexion sur cette personnalité complexe et son rôle dans les années 1920-1939, en Espagne, à partir de l’historiographie ; autrement dit une réflexion sur l’histoire des femmes, son écriture et sur l’une de ses figures marquantes même si ce n’est pas la plus connue. Son cas renvoie à la situation de la femme de cette époque. Son mari avait signé ses écrits "féministes", notamment La mujer moderna, en 1920, une date à retenir car elle marque une étape à partir de laquelle le droit de vote va être revendiqué comme une priorité notamment par les républicains et les socialistes tout comme la création d’associations. La Asociación Nacional de Mujeres Españolas plutôt libérale avait été créée en 1919. María Lejárraga s'est engagée tôt dans le combat "suffragiste" peu présent jusque-là en Espagne en raison de l’analphabétisme et du contexte peu démocratique de la Restauration. Elle est suivie par Carmen de Burgos et la Cruzada de Mujeres Españolas qui, en 1921, exigent des Cortes l’égalité des droits.

Des seules revendications éducatives, on est passé au plan politique ce qu’il fallait souligner.

Institutrice, écrivaine, María Lejárraga, élue députée du PSOE dans les deuxièmes Cortes républicaines (1933-1936), témoigne de l’engagement politique et social des premières « féministes » aux côtés de la République. Attention, ignorer la biographie de María Lejárraga n’était pas un obstacle pour dégager une problématique à partir de la citation qui ne portait pas sur sa vie et son œuvre. Cela a été le cas de bonnes copies.

Le candidat ne pouvait ignorer que le sujet était posé de manière polémique, contestant d’emblée la réduction des luttes des femmes au seul droit de vote acquis tardivement et de manière éphémère dans un pays où le suffrage masculin a été lui-même longtemps injuste et discrédité par le turno. Les luttes des femmes ont dû passer par d’autres voies. Les clichés sur le retard de la société espagnole étaient à éviter : en Europe, l’Espagne est un des premiers pays à avoir accordé le droit de vote aux femmes (après la Nouvelle Zélande, en 1893, l’Australie, en 1902, la Finlande, en 1906, le Danemark, en 1908). Cependant, la seule conquête du droit de vote n’est qu’un aspect de la lutte pour l’égalité des droits : l’égalité juridique, économique, éducative. Il fallait donc tenir compte des mesures qui, dans ces trois domaines, ont précédé ou accompagné le droit de vote et détacher la spécificité espagnole face au monde anglo-saxon où il a été la priorité. On ne trouve pas les « excès » des suffragettes et celles que

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l’on considère féministes se revendiquent rarement comme telles. Elles ont longtemps intégré la priorité du rôle traditionnel de la femme, mère avant tout.

Le ou les féminismes, étai(en)t donc à considérer dans le contexte général de l’Histoire des femmes et de l’Histoire : après une ouverture pendant le Sexenio, le déficit démocratique a frappé à nouveau l’ensemble de la société et donc davantage les femmes.

Contrairement aux pays anglo-saxons, le féminisme n’est pas associé en Espagne à des idées progressistes : au début du XXe siècle, le terme est récupéré par la droite comme moyen d’attirer les femmes afin de les contrôler.

Les six années de régime démocratique de 1868 à 1874 ont ouvert une brèche vers la liberté pour l’ensemble de la société, mais les femmes ont continué à être considérées comme mineures et sont restées sous la dépendance de leur père ou mari. Cependant, la prise de conscience que leur ignorance est un obstacle à la bonne éducation de leurs enfants et donc préjudiciable au progrès de l’ensemble de la société, a conduit aux initiatives masculines des « krausistes » comme les conférences dominicales organisées en 1869 à l’Université de Madrid, par Fernando de Castro sur l’éducation de « la femme » où est intervenue Concepción Arenal (La mujer del porvenir). Ce premier accès à l’Université et à l’éducation, même si c’est le dimanche, avec le franchissement d’un seuil jusque-là interdit, a été un pas décisif. Malgré des hauts et des bas liés aux vicissitudes politiques, la marche vers des conquêtes plus larges ne s’est plus arrêtée.

Education et accès au travail sont souvent liés. La fondation de la Escuela Normal de Institutrices (1869) marque une étape.

Rappeler la dépendance des femmes dans la société bourgeoise depuis la Révolution libérale institutionnalisée par le Code civil et le Code pénal était également indispensable. Les premières initiatives qui ont permis l’évolution notamment dans le secteur éducatif sont venues des hommes, notamment les krausistas et Fernando de Castro pendant le Sexenio puis par les enseignants et les proches de la Institución Libre de Enseñanza (ILE), même si parallèlement des femmes commençaient à prendre leur destin en mains : militantes ouvrières, maçonnes, républicaines, libertaires (Clara Claramunt, 1862-1931) ou intellectuelles (Concepción Arenal,1820-1893 ; Emilia Pardo Bazán, 1852-1921). Elles ont pris le relais avec des exigences d’égalité des droits en matière d’éducation et de critique des codes civil et pénal. Leur rôle dans la deuxième partie du XIXe a été décisif. Elles ont mené leur vie de manière semblable à leurs homologues masculins mais ont dû lutter contre les discriminations. Convaincues que seule l’éducation pouvait changer le destin des femmes, elles ont participé activement aux Congrès pédagogiques et l’évolution des demandes permet d’observer, en 1892, la progression vers des revendications plus égalitaires. Il était indispensable de s’appuyer sur des exemples précis afin de montrer la complexité du problème.

Le modèle imposé aux femmes était El ángel del hogar et certaines l’ont défendu face à un féminisme radical. Nous voyons apparaître un « féminisme catholique réformiste» qui se propose de former et d’éduquer pour améliorer l’efficacité de la femme dans son rôle traditionnel. Pour défendre leur idéal, elles prennent la parole, écrivent des articles de presse, des romans, dirigent des revues, destinées aux femmes il est vrai, transgressant ainsi timidement le rôle de mère et d’épouse cantonnée à l’espace privé. María del Pilar Sinués de Marco (1835-1893) défend dans ses publications et sa revue l’idéal de El ángel del hogar. Elle propose, suivie par d’autres comme Concepción Gimeno de Flaquer (1850-1919, La Ilustración de la mujer) des exemples dans des écrits à visée didactique et moralisatrice. María de Echarri (1875-1955) va plus loin et obtient le vote d’une loi qui permet aux vendeuses de s’asseoir en l’absence de clients (1912, ley de la silla), mesure destinée à protéger la maternité.

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Cependant, les femmes qui sortent de l’espace privé restent des exceptions au XIXe et elles le font à travers des espaces de sociabilité comme l’Ateneo de Señoras de Faustina Sáez de Melgar ou la presse (Concepción Arenal, La Voz de la Caridad ; Faustina Sáez de Melgar, La Mujer, "Revista de instrucción general para el bello sexo") ; d’autres interviennent dans des associations ouvrières (AIT, Guillermina Rojas). Malgré ces réserves, par la contestation du système juridique et du discours de la science qui était venu cautionner son infériorité (ridiculisé par Concepción Arenal), la question "féminine" s’est posée avec force, même si les avancées réelles sont encore mineures jusqu’à la Première Guerre Mondiale.

La Restauration constitue une période longue et complexe, le premier turno libéral de 1881 et les suivants ont entraîné un certain nombre de changements structurels dont ont bénéficié également les femmes (liberté de presse, d'association et de réunion) tandis que les régressions dans le suffrage "universel" masculin (jusqu'en 1890) les ont affectées aussi indirectement :

- Du point de vue juridique, la situation légale des femmes telle qu’elle est présentée dans le Code Civil de 1889 était très discriminatoire, ce que dénoncent Concepción Arenal et Emilia Pardo Bazán. Il a fallu attendre les premières associations des années 20 -ANME, Cruzada de Mujeres Españolas- pour que soit proposée dans leurs programmes la réforme de cette législation.

- Du point de vue du marché du travail, on assiste à une diversification des emplois accessibles aux femmes et à une régulation qui vise à empêcher les discriminations. Elles accèdent à de nouvelles professions, essentiellement dans le domaine de l'éducation et de la santé, mais les résistances restent tenaces, elles sont reléguées à des postes subalternes (Emilia Pardo Bazán est bien Professeur d'Université en 1916 mais à titre personnel, donc exceptionnel).

- Les « institutionnistes" (Institución Libre de Enseñanza, ILE) et leurs « disciples » ont eu une influence décisive, par des revues, par des congrès pédagogiques ou dans la pratique avec la généralisation de l'enseignement féminin, primaire puis secondaire et la fin des différences salariales entre instituteurs et institutrices en 1883.

- Le mouvement "féministe" s’est ensuite structuré davantage, parfois relayé par des hommes (Adolfo Posada, Feminismo, 1899, un des premiers à officialiser l’emploi du terme en Espagne), avec des appuis dans la franc-maçonnerie et la libre pensée (Rosario de Acuña, 1851-1923 ; Belén Sárraga, 1873-1945).

- Au XXe siècle, et surtout après la Guerre de 1914-1918, les premières associations féministes et non pas féminines (confusion faite par plusieurs candidats), font leur apparition, recrutant essentiellement dans le monde de la bourgeoisie et de la classe moyenne émergente (Concepción Gimeno de Flaquer, Centro Ibero-Americano de Cultura Popular Femenina; Asociación Nacional de Mujeres Españolas, ANME, de Celsia Regis et María Espinosa, Cruzada de Mujeres españolas de Carmen de Burgos….)

- Dans ce cadre, la question du suffrage féminin se pose ouvertement. C’est un homme qui propose l'établissement du droit de vote pour les femmes (1907), mais les associations féministes citées en ont fait une priorité, que ce soit María Lejárraga ou Carmen de Burgos (qui organise en 1920 la première manifestation "suffragiste").

L’évolution observée entre 1868 et l’après-guerre de 1914 est liée aux transformations de la société. L’industrialisation contraint un nombre de femmes croissant à travailler. Attention aux remarques qui tendraient à confondre travail et libération de la femme. Les femmes du peuple ont toujours travaillé, cantonnées à des postes inférieurs (domesticité, industrie, travail à domicile). Ce que l’on peut observer

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comme un phénomène nouveau, c’est l’accès au travail de la petite et moyenne bourgeoisie dans des professions considérées comme conformes au rôle de mère sociale : institutrice ou infirmière. Les femmes sont cependant victimes d’importants écarts salariaux.

Avec Clara Claramunt s’est concrétisé un « féminisme » ouvrier qui a son origine dans les mouvements libre penseurs, républicains et anarchistes. Elle a été la première à s’élever contre la double journée et l’absence de solidarité des hommes même parmi les anarchistes qui avaient un discours égalitaire. Attention, il ne fallait pas tomber dans des anachronismes et il fallait tenir compte des mentalités à la fin du XIXe. L’hostilité des ouvriers au travail des femmes n’avait pas les mêmes causes que celle des traditionalistes : dans une situation sociale critique, les femmes étaient perçues comme exerçant une concurrence déloyale et dangereuse pour l’emploi des hommes. Clara Claramunt est la première à prendre conscience de la spécificité du combat des femmes et a tout fait pour les convaincre de la nécessité de créer leurs propres organisations. Ainsi ont été créées la Sociedad Autónoma de Mujeres, en 1889, et la Sociedad Autónoma de Trabajadoras de Barcelona, en 1891.

Là aussi attention à la simplification : Soledad Gustavo, autre grande figure de l’anarchisme à l’époque, n’a pas les mêmes positions et défend des organisations mixtes.

Après les premiers pas vers l’éducation qui ont été le fait d’une minorité au XIXe,

sont apparus différents féminismes : catholique réformiste, ouvrier. Devant le conservatisme des militants anarchistes (égalitaires dans la théorie mais non dans la pratique) et socialistes les femmes ont dû s’organiser. Plusieurs candidats ont cité le socialiste Luis Pereira et son article paru dans El Socialista du 29 avril 1910 sous le titre « ¿ Quién nos coserá los calcetines ? » représentatif des positions de l’époque et des résistances que l’on retrouve pendant la Guerre où peu de femmes ont réussi à échapper au rôle traditionnel de cantinière ou d’infirmière.

On peut parler de féminisme au sens où on l’entend habituellement au XXe siècle et plus particulièrement à partir de la Seconde Guerre Mondiale. Après avoir remplacé les hommes partis au front, les femmes prennent conscience de leurs capacités et même si un retour en arrière partiel s’opère entre les deux guerres, il ne durera pas. C’est aussi à partir de là que le droit de vote apparaît comme la nécessaire reconnaissance de l’égalité des droits. Bien que l’Espagne soit restée neutre, elle a ressenti les mêmes effets et certaines femmes peu favorables au droit de vote – l’état d’ignorance et l’analphabétisme faisaient craindre un choix imposé par leur confesseur – se sont ralliées à cette demande comme Carmen de Burgos dont la vie libre correspond à l’image du féminisme telle qu’a pu l’imposer en France Simone de Beauvoir.

La création de la Residencia de señoritas de Madrid en 1915, dirigé par María de Maeztu, s’est attachée à donner un niveau culturel équivalent à celui des étudiants de la Residencia de Estudiantes et si au début elle ne forme que des institutrices, très vite, les jeunes filles qu’elle accueille s’orientent vers d’autres formations. En 1910, elles ont la possibilité de s’inscrire à l’Université sans autorisation. Les premières femmes diplômées, médecins, avocates, ont accéléré le processus même si elles sont encore peu nombreuses. Elles ont joué ensuite un rôle décisif pendant la II République.

Le Lyceum Club, en 1926, a été également un lieu de prise de conscience culturel et politique et les sarcasmes vis-à-vis de ses membres ont certainement contribué à une évolution « féministe ». Quelques femmes s’affichent alors sous cette étiquette ainsi Clara Campoamor participe aux Congrès féministes internationaux (1926-1928)

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- Il était important de souligner les contradictions- au moins apparentes- de certaines décisions concernant les femmes pendant la dictature du général Primo de Rivera (1923-1930) : le Statut Municipal de 1924 leur a accordé un droit de vote, limité aux élections municipales et aux femmes juridiquement "émancipées". Sous réserve d'être majeures – plus de 25 ans –, de savoir lire et écrire et d’être cabezas de familia, elles pouvaient également être élues conseillères municipales (3 femmes élues à Madrid et première femme maire dans un village d'Alicante). De même dans l'Assemblée Nationale Consultative (qui n'était pas un vrai parlement doté de pouvoirs législatifs) de 1927, 13 femmes (sur 385 sièges) sont élues indirectement par des mairies et diputaciones. Ces droits, octroyés par paternalisme dans un cadre dictatorial, n’en sont pas moins une première possibilité offerte aux femmes de participer à la vie politique. Il était important – comme pour la dernière phase du franquisme – de noter que les dictatures ne signifient pas un coup d’arrêt définitif à l’évolution.

La IIe République était mieux connue des candidats, toutefois les enjeux n’ont pas toujours été bien perçus. Avril 1931 ouvre un nouvel espace de libertés mais cette fois pour les Espagnols et Espagnoles et leur combat ne semblait pouvoir être que commun pour défendre les acquis du nouveau régime et diminuer l'influence de l'Eglise.

A l’heure de la démocratie, le vote féminin semblait acquis : dès le mois de mai 1931, un décret modifiait la loi électorale rendant éligibles (et non électrices) les femmes : 3 ont été élues députées; un autre décret du mois d'octobre leur reconnaissait le droit de vote dans toutes les élections, droit inscrit en décembre suivant dans la Constitution (art. 36).

Quand les députés accordent le droit de vote aux femmes grâce à l’intervention décisive de Clara Campoamor aux Cortes, beaucoup n’étaient pas favorables dans un pays où l’anarcho-syndicalisme était très implanté et ceux qui appuyaient la République craignaient l’influence de l’Eglise et un vote réactionnaire (beaucoup à droite ont voté en sa faveur pour ces raisons-là). L’erreur – dénoncée par Alda Blanco – serait de voir dans l’obtention du droit de vote une fin en soi et non une étape. L’affrontement lors des débats entre Clara Campoamor qui le défend résolument et Victoria Kent qui s’y oppose par crainte de fragiliser la République a attiré les sarcasmes des autres députés. Margarita Nelken qui les rejoint en décembre partageait les mêmes doutes.

Attention de ne pas tomber dans une vision simpliste qui attribuerait la victoire de la droite de l’automne 1933 au premier vote des femmes, ce qui justifierait a posteriori la frilosité des opposants : l’usure du pouvoir du premier bienio, l’absence d’une réponse rapide au problème agraire, la répression sauvage de Casas Viejas et la campagne qui a suivi à droite contre Manuel Azaña, l’abstention des anarcho-syndicalistes, ont pesé lourd dans cette défaite.

En 1933, six femmes ont été élues aux Cortes et cinq en 1936, des chiffres bien modestes.

Il fallait donc élargir et ne pas limiter les conquêtes au seul droit de vote. La Constitution de 1931 reconnaît l’égalité juridique (art. 25 et art. 40 pour le droit au travail), le droit au divorce (qui n’a pas été vécu comme une libération par les femmes dont beaucoup ne travaillaient pas), le mariage civil, l’abolition de la prostitution réglementée (1935) et l’éducation mixte. Autant de signes incontestables de changement même s’ils sont moins spectaculaires que l’accès au suffrage.

Parallèlement et preuve que le droit de vote n’a pas tout réglé, des femmes anarchistes, Lucía Sánchez Saornil (1895-1970), Mercedes Comaposada (1901-1994), Amparo Poch y Gascón (1902-1968) ont créé la revue puis l’association Mujeres libres (1936), qui se sont développées surtout pendant la guerre. En tant qu’anarchistes, elles rejetaient le terme féministe associé à la classe moyenne américaine (la bourgeoisie

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combattue) mais la guerre a imposé d’autres priorités. Les miliciennes ont dans un premier temps et en nombre réduit revendiqué une place égale à celle des hommes avant d’être renvoyées pour la plupart à l’arrière-garde mais certaines ont joué un rôle important aux côtés des hommes.

D’autres organisations ont privilégié la lutte commune hommes/femmes : à gauche, la Asociación de Mujeres Antifascistas, communiste, tout comme les personnalités les plus en vue Dolores Ibarruri pour les communistes et Federica Montseny pour les anarchistes.

Le féminisme ne s’est donc pas exprimé que par la revendication du droit de vote et il a pris des formes diverses en fonction du contexte (alternance de régimes « démocratiques » et conservateurs, voire dictatoriaux). L’ensemble des citoyens étant privés des droits les plus élémentaires, les femmes comme toujours dans ces cas-là ont eu encore moins de libertés. La dictature franquiste a mis un coup d’arrêt brutal à cette évolution par le retour au foyer annoncé par Franco (illusoire pour les femmes du peuple) ou l’exil : « El Estado en especial prohibirá el trabajo nocturno de las mujeres. Regulará el trabajo a domicilio y libertará a la mujer casada del taller y de la fábrica ».

Le féminisme a été associé à la lutte antifranquiste et il a suivi les étapes et l’évolution du régime depuis l’influence dans l’après guerre de la Phalange jusqu’à celle des technocrates de l’Opus Dei. Pilar Primo de Rivera et la Sección femenina, chargées de former les femmes selon le schéma traditionnel, n’ont jamais remis en cause la politique de genre pratiquée par le régime. Seule Mercedes Formica, perçue comme une personnalité « dissidente », semble avoir échappé à cette entreprise de domestication mais tardivement dans les années 60.

A partir de la fin des années 50 avec la transformation rapide de l’économie et de la société, les femmes aussi ont aspiré au changement et, dans un premier temps, leur combat s’est confondu avec celui pour la démocratie qui semblait le plus urgent. Le nouveau contexte socio-économique les a conduites aux études et au travail avec des luttes plus politiques que dans les étapes antérieures.

Les mouvements féministes des années 60 ont trouvé cette fois-ci un écho en Espagne : le Movimiento Democrático de mujeres (1965) associé à la lutte antifranquiste et des collectifs féministes de réflexion comme el Seminario de Estudios Sociológicos de la Mujer (SESM, 1960)

L’accès à l’éducation est reconnu en 1970 (LGE) Dès le début des années 70, des associations de professionnelles féminines ont été

créées, résultat des transformations et de la timide ouverture qui s’était produite au début des années 60. L’année 1971 marque l’émergence d’une volonté des femmes de participer à part entière à la vie du pays alors que les luttes contre la dictature ont fait passer au second plan leurs propres revendications. En 1971 ont été créées: la Asociación Española de mujeres empresarias et la Asociación Española de mujeres juristas qui marquent un pas important.

Des magazines d’idées comme Cuadernos para el diálogo ou Triunfo (qui publie des articles du Nouvel Observateur) se font l’écho des mouvements féministes dans les pays voisins ce qui ne pouvait que créer les conditions de l’apparition d’un féminisme qui tarderait à s’affirmer comme tel en raison de la situation politique du pays. A partir de 1975, cela devient possible ; en 1977 les femmes votent à nouveau, et on peut considérer que la Constitution de 1978 établit une véritable égalité, même si les luttes des femmes ont souvent pris d’autres chemins.

La Constitution de 1978 reconnaît l’égalité juridique mais ne règle pas tout, la loi sur le divorce est de 1981 et celle sur la dépénalisation de l’avortement de 1983. Tout

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n’est donc pas réglé pour autant avec la lutte pour l’égalité des droits sur le marché de l’emploi.

Certains candidats ont bien su tirer parti de leurs connaissances en nuançant les positions des personnalités masculines ou féminines qui ont joué un rôle capital, entre 1868 et 1978 et en tenant compte du contexte historique, économique, politique et social et de l’évolution des mentalités. Le jury tient à les féliciter et invite à suivre cette voie.

III.3 Epreuve de traduction (thème et version, coefficient 3)

Eléments statistiques :

Nombre de présents : 406 Admissibles : 106 Moyenne des présents : 06.08 Moyenne des admissibles : 09.20

Notes Présents Admissibles <1 20 0 >=1 et <2 24 0 >=2 et <3 36 0 >=3 et <4 37 0 >=4 et <5 42 2 >=5 et <6 38 5 >=6 et <7 49 8 >=7 et <8 47 14 >=8 et <9 40 15 >=9 et <10 32 18 >=10 et <11 29 19 >=11 et <12 19 17 >=12 et <13 5 4 >=13 et <14 3 3 >=15 et <16 1 1 Absents 333 0

Epreuve de version Rapport établi par Monsieur Yves Germain, maître de conférences l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

L'épreuve de version, rappelons-le, est désormais associée à celle de thème au sein d'une seule épreuve de traduction recevant une note commune. Cela ne nous permet plus de discuter de la répartition des notes de version, sur 10, ajoutées à celles du thème pour une note sur 20. On retiendra seulement que les jurys de version et de thème ont été frappés de la proximité très fréquente des notes de l'une et l'autre épreuve, bien plus

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qu'on ne l'imagine généralement. Mais cela ne doit pas surprendre : le défaut de rigueur et l'imprécision des connaissances produisent dans les deux exercices les mêmes effets ; en y remédiant, les candidats contribuent à améliorer leurs résultats dans l'une et l'autre épreuve. Le couplage des deux notes a aussi pour effet de réduire le nombre des zéros éliminatoires, moins pratiqués cette année en version qu'en thème.

L'association des deux épreuves a pour effet de réduire nécessairement la longueur des textes proposés, un effet qui a pu paraître particulièrement frappant en version cette année. Ce texte assez court suffisait néanmoins amplement à évaluer et départager les candidats. Il a pu paraître aussi plutôt facile à première vue, dans la mesure où il n'offrait aucune difficulté globale de compréhension. Les additions de points-fautes des correcteurs ont toutefois vite démenti, pour les correcteurs, cette impression première. Les nuances sémantiques du lexique occupaient une place conséquente dans ce texte tiré d'une nouvelle post-cervantine de Céspedes y Meneses. Mais c'est sur des éléments plus fondamentaux pour la compétence globale des futurs agrégés que se faisait l'évaluation : le rendu du texte dans une syntaxe fluide et cohérente, la maîtrise du système verbal français et de l'orthographe restaient les deux exigences fondamentales sur lesquelles portait l'essentiel de l'évaluation et autour desquelles les copies se différenciaient de façon souvent très nette.

On voit bien là, d'ailleurs, l'erreur de ceux qui, trop souvent, ont tendance à s'étonner de ce que les textes proposés en version d'agrégation soient, de façon majoritaire, des textes de langue classique, et qui voient là un trait d'archaïsme. La composition du jury de version, qui mêle des collègues amenés, dans leur pratique pédagogique, à privilégier qui la version classique, qui la version moderne, permet avec la double correction de procéder à deux formes complémentaires d'évaluation. Pour de futurs agrégés d'espagnol, la connaissance d'un état de langue correspondant à une floraison exceptionnelle des lettres espagnoles n'est évidemment pas superflue, et le texte proposé était à cet égard un bon témoin, sinon de l'élégance de la langue qui n'égalait pas, on en convient, l'élégance de Cervantès ou de Gracián, de la sémantique lexicale de l'époque classique dont les candidats hispanistes doivent avoir quelque idée. Mais on aurait tort de croire pour autant, que les compétences nécessaires à la version moderne sont oubliées dans cet exercice, où elles engagent encore la majeure partie de l'évaluation. Les agrégatifs doivent ainsi veiller à la correction des formes et de l'orthographe, à la rigueur de leur syntaxe française, au rejet des hispanismes dans la construction comme dans le lexique. Loin d'être un archaïsme académique, la version classique est en fait l'occasion d'une double évaluation, presque simultanée, des compétences du traducteur.

Nous proposerons ci-après, successivement un examen par séquences des

difficultés que les candidats pouvaient rencontrer, en donnant une première traduction de chaque séquence, puis une proposition de traduction de l'ensemble du texte. A dessein, la traduction proposée pourra présenter des variantes, car le jury ne prétend nullement proposer un modèle. Il s'agit plutôt de montrer que les correcteurs étaient ouverts à une diversité de solutions, exigeant seulement des candidats une cohérence de leurs choix, et cela va sans dire, le choix d'une seule solution.

Ya referí al principio como don Luis Antonio traía toda su casa, su esposa y

una hija, cuya belleza portentosa aunque entonces la pasé en silencio, ahora que ha de dar tal materia a esta historia no es posible excusarlo.

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Le candidat, qui n'oubliera pas de traduire le titre du passage, devra tout d'abord respecter dans sa traduction un certain nombre d'usages codifiés : il est préférable de conserver la forme espagnole des noms propres et de ne pas chercher à traduire le don (un « Sire Louis Antoine », une « Dame Eléonore » étaient à éviter), qui prendra de préférence une majuscule. En revanche, plus loin, on devait pouvoir traduire Lisboa et l'orthographier convenablement. Devant l'absence de contexte indiqué, à la première ligne, le jury acceptait deux lectures du verbe traer, amener et régir : c'est le premier sens qui convient dans le contexte où Don Luis Antonio, gouverneur destitué d'une place forte portugaise près de Goa, ramène à Lisbonne sa famille, sous la garde de Don Enrique. Ce qui vient juste après ne présente pas de difficulté, qu'il s'agisse de su casa, sa maison ou sa maisonnée, pouvant inclure des domestiques (Autoridades « la familia de criados y sirvientes ») qu'il n'y a pas lieu de mentionner explicitement, de una hija, qui ne pouvait être traduit que par « une fille », car rien ne nous permet de savoir s'il en a ou non d'autres, ce qui exclut aussi bien « sa fille » que « l'une de ses filles » : si le détail ne s'avère pas pertinent dans la suite du passage, c'est néanmoins le genre d'imprécision qui pourrait ensuite peser sur la compréhension et qu'il importe donc d'éviter. Cette série de détails ne saurait faire oublier que la difficulté principale de la phrase tenait dans le rendu d'une syntaxe chargée, qui s'avérait souvent vite fautive dans son rendu français: la concession pouvait être éludée, pour rendre la phrase plus souple, mais il y avait aussi moyen de la conserver, à condition d'éviter maladresses et solécismes qui auguraient mal de bon nombre de copies. On doit aussi être attentif à ha de dar, qui est « elle doit donner » et non « elle va donner ».

« J'ai déjà raconté au début comment Don Luis Antonio amenait avec lui toute sa maisonnée, son épouse et une fille à la beauté prodigieuse qu'alors je passai sous silence, ce que je ne peux plus faire à présent qu'elle doit fournir une telle matière à cette histoire. »

Porque, además de ser digna en todo de alabanza, la fama, que aún hoy dura

en la India, de su hermosura y la que en Lisboa permanecerá por muchos siglos, obliga al más sutil pincel, a la más bien cortada pluma.

La seconde moitié du premier paragraphe présentait plusieurs points

susceptibles d'entraîner une confusion qui s'est souvent manifestée : l'ellipse du sujet de digna (qui qualifiait una hija), l'incise d'une relative entre la fama et de su hermosura, qu'il ne fallait bien sûr pas imiter, la distinction de la renommée à Goa et à Lisbonne, avec le pronom de rappel la que, souvent mal compris. La difficulté était le plus souvent associée au fait qu'on ne comprenait pas ce que disait cette phrase, où le narrateur énonce les motifs qui font des artistes comme des hommes de plume des obligés de cette beauté, tenus d'en rendre compte par une représentation à la hauteur de sa perfection et de sa renommée. Obliga était l'objet de fréquents faux-sens (« me contraint à utiliser »), quand il signifie avec ce qui suit « oblige le pinceau le plus subtil, la plume la mieux taillée », ce qui exclut une relation trop personnelle puisque elle s'impose à tout créateur, un peintre comme un poète ou un narrateur (« m'oblige à user du pinceau » était déjà un contresens). Ce n'est qu'une fois le mouvement de la pensée élucidé que l'on peut entreprendre de traduire. Il fallait encore éviter de relier fama à digna de alabanza ; on pouvait traduire le début par « outre qu'elle était » (outre que, avec l'indicatif), mais il y avait sans doute intérêt à mieux dissocier les deux sujets (« car elle était en tout point digne d'éloge, et en outre la renommée de sa beauté … ». Des détails n'étaient pas à négliger : bien qu'il s'agît de l'Inde portugaise, énoncée au singulier dans le texte, le jury préférait le choix d'un pluriel à un singulier renvoyant à

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une Inde trop contemporaine comme réalité politique ; cortada, appliqué à la plume, ne pouvait être « aiguisée, affûtée », mais bien « taillée ». Une traduction proposée pour cette séquence est ainsi :

« Car elle était en tout point digne d'éloge et en outre, la renommée de sa beauté, qui dure encore aux Indes, et qui persistera à Lisbonne pendant de nombreux siècles, oblige le pinceau le plus subtil, la plume la mieux taillée. »

Era doña Leonor, que así se llamaba este bello sujeto, moza de poca edad,

mas tan gentil de cuerpo, talle y disposición, que cualquiera juzgara sus años por mayores ; y a este modelo seguían las demás facciones, el brío, el donaire y la virtud y la discreción del alma.

Le second paragraphe faisait surtout appel à la connaissance du lexique

classique. Les termes utilisés relèvent sans doute d'une diction convenue, de quasi-automatismes de l'éloge sous la plume d'un auteur qui ne saurait prétendre à une analyse particulièrement fine et élaborée ; leur emploi, néanmoins, obéit à une cohérence qu'il importe de retrouver, sans se fier à de simples automatismes (n'importe quelle acception de donaire, par exemple, était loin de faire l'affaire). Le portrait envisage d'abord cette distinction physique qui fait qu'on lui attribue un âge supérieur au sien (c'est ce que disait gentil, qu'il importait de ne pas banaliser), elle se perçoit dans son corps en général, dans sa figure ou son maintien (talle), dans l'harmonie ou la grâce de son corps (disposición, pour lequel disposition était un faux-sens). Puis, sur le même modèle de perfection - autre nuance envisageable de gentil -, il considère les autres caractéristiques du personnage : c'est le second sens de facciones dans Autoridades, après les traits du visage, qui ne s'appliquait pas ici, puisqu'on mentionne ses qualités ; brío est particulièrement polysémique, comme l'indique Oudin, mais ici le courage ou la vigueur, qui s'appliqueraient à un soldat, étaient impropres : on acceptait grâce, vivacité, prestance. Pour donaire, on acceptait la grâce ou l'esprit ; discreción était la sagesse, et non la discrétion. Brío, donaire pouvaient en partie se recouper : l'important est d'éviter les répétitions, et de garder le nombre de termes employé afin que le correcteur ne soit pas tenu de vous imputer un oubli. A la fin de la phrase, del alma sera rendu en rétablissant un possessif, afin qu'on ne soupçonne pas un hispanisme qu'on serait en droit de sanctionner ; enfin il convient de ne pas placer ce complément de nom en facteur commun aux quatre substantifs qui le précède (le jury acceptait qu'on le relie éventuellement à virtud, mais préfère qu'on le rattache au seul terme qui le précède).

« Doña Leonor - ainsi se nommait cette belle personne - était une toute jeune fille, mais d'une telle perfection de corps, de maintien et de grâce, que quiconque l'aurait jugée plus âgée ; et ce même modèle était suivi par ses autres qualités, sa vivacité, son esprit, sa vertu et la sagesse de son âme. »

De suerte que, si en ésta era admirable, en su cuerpo era peregrina,

formándose de tantas excelencias un divino portento, un asombro de virtud y hermosura ; y aun parece que ni queda exagerado, ni encarecido bastantemente.

Si la première partie du second paragraphe donnait lieu à des faux-sens et des

impropriétés, les fautes devenaient souvent plus sérieuses dans cette seconde partie, par inattention ( de suerte traduit par « par chance »…) ou par une ignorance manifeste du lexique (notamment peregrina) qui a produit plusieurs curiosités qu'il ne nous intéresse pas de relever ici. La première phrase est une variation sur le caractère exceptionnel de la jeune fille, du point de vue de son âme comme de celui de son corps, produisant la

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sensation d'un prodige (portento aussi était malheureusement souvent méconnu). Si le jury ne pouvait que sanctionner les non-sens parfois prodigieux occasionnés par le passage, il a aussi su se montrer tolérant sur la lecture de la fin de cette séquence. Le narrateur estime que son appréciation n'est ni exagérée ni suffisamment louangeuse ; mais on acceptait aussi la lecture, assez peu fréquente au demeurant, qui voyait bastantemente en facteur commun à deux qualificatifs parfois presque équivalents dans la langue classique (encarecer et le premier verbe donné dans Autoridades comme synonyme de exagerar). Une traduction possible de la séquence est la suivante :

« De telle sorte que si elle était admirable par cette dernière, elle était remarquable par son corps, et tant d'excellences formaient un divin prodige, une merveille de vertu et de beauté. Et il semble même que ce portrait, loin d'être flatteur, n'est pas assez élogieux. »

A este dulce espectáculo, monstruo en belleza, tal vez descuidados, y aun

libres, miraron atrevidos los ojos del incauto mancebo, llevando, como siempre acontece, tras del atrevimiento y delito, la pena y castigo de su atrevimiento y libertad.

Dans ce troisième paragraphe, qui lance à proprement parler l'intrigue de la

nouvelle en revenant à l'attitude du jeune Don Enrique, syntaxe et lexique équilibraient leurs difficultés. Compte tenu de la première, le jury admettait les reconstructions, mais à condition que tous les éléments s'y retrouvent. Devant ce type de phrase, les candidats ont toutefois intérêt à ne pas trop remodeler le texte, car des termes en sont vite oubliés, surtout lorsque le lexique suppose une certaine redondance, comme ici avec le champ lexical de l'imprudence et de l'audace (descuidados, incauto, descuido, atrevidos). Libres et libertad devaient être lus avec la connotation négative, d'infraction morale et même ici sexuelle, dont ces termes sont souvent porteurs dans la langue classique : impudiques, impudeur étaient appropriés. Il va de soi que le jury sanctionnait avec une grande rigueur une confusion qui n'avait rien de propre à la langue classique, celle de aun avec un aún, encore trop fréquente et malheureuse à ce niveau. Une traduction possible de cette séquence serait :

« C'est sur ce doux spectacle, d'une beauté inouïe, que l'imprévoyant jeune homme posa des yeux pleins d'audace, peut-être imprudents et même impudiques, ce qui entraîna, comme il advient toujours après l'audace et le délit, le châtiment et la punition de son imprudence et de son impudeur. »

Teníanle sus padres, en Lisboa, casi ya concluído un casamiento con una

prima suya, tan rica como hermosa (…). Y así, con tal empeño, parecíale que ni había causa en el mundo para que sus obligaciones y fe faltasen, ni peligro ni objeto que hiciese su palabra venir a menos. Con tan flaca defensa, que en un instante se desvaneció como humo, contándose, como dicen, por casado y, por el consiguiente, por seguro, dio franca y libre puerta a sus dos ojos y rienda a su inadvertencia y presunción, hallándose, cuando menos pensó y quiso retirarse, precipitado en un abismo de deseos y rodeado de murallas tan fuertes, que juzgó por eterna su prisión y su libertad por irremediable.

Le dernier paragraphe présentait relativement moins de difficultés, sauf peut-

être à la fin. On devait éviter le calque maladroit « lui avaient conclu », pour « lui avaient arrangé », et le contresens consistant à lire ici empeño comme opiniâtreté, obstination, alors qu'il désigne l'engagement pris. On ne pouvait dire en français que ses obligations ou sa promesse lui faisaient défaut, mais que lui ne voyait pas de motif pour

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manquer à celles-ci. Le jury s'est montré plus clément concernant objeto, ici un latinisme signifiant obstacle qui a échappé à la plupart des candidats . Il pouvait se préoccuper d'erreurs plus criantes qui surgissaient ensuite, quand les candidats ne voyaient pas le lien entre por casado et por seguro, et interprétaient le second terme comme un « assurément », ou lorsqu'ils devaient rendre dio franca y libre puerta a sus dos ojos y rienda a… ; l'image de la porte ouverte au regard n'est pas forcément exprimée d'une façon très élégante par l'auteur, mais autant éviter d'aggraver les choses : il fallait bien accepter un littéral « il ouvrit grand la porte à ses deux yeux », mais on pouvait préférer « il laissa toute liberté à ses yeux », « il affranchit pleinement son regard » ; il fallait encore identifier ce dar rienda, et le traiter comme une nouvelle image, différente (lâcher la bride). Un peu plus loin, il convenait de dissocier menos pensó et quiso retirarse : le personnage se retrouve prisonnier de la passion au moment où il s'y attendait le moins, et lorsqu'il voulut se retirer (menos n'est pas ici en facteur commun aux deux verbes). Enfin y su libertad por irremediable apparaît comme un raccourci malheureux, ou l'adjectif signifie en réalité perdida de manera irremediable , à jamais perdue. Le balancement prisión / libertad fait que la liberté est cette fois entendue au sens le plus courant, la liberté d'un être qui va s'en trouver privé par la passion qui l'enferme.

« Ses parents, à Lisbonne, lui avaient déjà presque arrangé un mariage avec une de ses cousines, aussi riche que belle (…). Et ainsi, il lui semblait que par cet engagement, il n'y avait pas de raison au monde pour qu'il manquât à ses obligations et à sa promesse, ni danger ou obstacle qui pût le faire revenir sur sa parole. Pourvu d'une aussi fragile défense, qui partit en fumée en un instant, et se considérant pour ainsi dire comme marié, et par conséquent, en sûreté, il laissa toute liberté à ses yeux et lâcha la bride à son insouciance et à sa présomption, se retrouvant ainsi, au moment où il s'y attendait le moins et voulut se retirer, précipité dans un abîme de désirs et encerclé de murailles si puissantes qu'il jugea éternelle sa prison et sa liberté irrémédiablement perdue. »

Proposition de traduction

Comment naquit l'amour de Don Enrique.

J'ai déjà relaté au début comment Don Luis Antonio amenait avec lui toute sa

maison, son épouse et une fille dont la beauté prodigieuse, bien que je l'aie alors passée sous silence, ne peut plus être tue maintenant qu'elle doit fournir une telle matière à cette histoire. En effet, outre qu'elle était en tout point digne d'éloge, la renommée de sa beauté, qui dure encore aux Indes, et qui persistera à Lisbonne pour plusieurs siècles, oblige le pinceau le plus subtil, la plume la mieux taillée.

Doña Leonor - ainsi se nommait ce bel objet - était une toute jeune fille, mais son corps, sa tournure et ses proportions lui donnaient une telle distinction que quiconque l'eût crue plus âgée ; et ce même modèle était suivi par ses autres qualités, sa vivacité, sa grâce, sa vertu et la sagesse de son âme. De telle sorte que si elle était admirable par cette dernière, elle était remarquable par son corps, et tant d'excellence formait un divin prodige, une merveille de vertu et de beauté. Et il semble même que ce portrait ne soit ni flatteur, ni assez élogieux.

C'est sur ce doux spectacle, d'une beauté inouïe, que l'imprévoyant jeune homme posa des yeux pleins d'audace, peut-être imprudents et même impudiques, ce qui entraîna, comme il advient toujours après l'audace et le délit, le juste châtiment de son imprudence et de son impudeur.

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Ses parents, à Lisbonne, lui avaient déjà presque arrangé un mariage avec une de ses cousines, aussi riche que belle (..). Et ainsi, par cet engagement, il lui semblait qu'il n'y avait point de raison au monde pour qu'il manquât à ses obligations et à sa promesse, ni danger ou obstacle qui pût le faire revenir sur sa parole. Pourvu d'une défense aussi fragile, qui en un instant s'évanouit en fumée, et se considérant pour ainsi dire comme marié, et, par là même, en sûreté, il laissa toute liberté à ses yeux et lâcha la bride à son insouciance et à sa présomption, se retrouvant ainsi, au moment où il s'y attendait le moins et quand il voulut se retirer, précipité dans un abîme de désirs et entouré de murailles si puissantes, qu'il jugea sa prison éternelle et sa liberté à jamais perdue.

Epreuve de thème Rapport établi par Madame Elodie Weber, maître de conférences à l’Université Paris VII

Le texte proposé cette année, d’une longueur semblable à celui proposé l’année dernière, était de nature à tester les capacités de traduction des candidats et leur maîtrise des deux langues. Il comportait un certain nombre de structures élémentaires qu’une bonne connaissance des règles de base de la grammaire espagnole permettait de traduire sans difficultés : plusieurs superlatifs (« l'un des plus aimables séjours », « les nuances les plus fugitives des passions les plus tendres et les plus ardentes »), un sujet impersonnel (« l’on me conseille »), une tournure concessive (« j’ai eu beau protester que j'écrivais... »), une subordonnée relative introduite par dont (« ...dont la réunion forme l'amour »), gérondif à valeur temporelle (« en abandonnant l'Andalousie »), un participe présent (« et laissant apercevoir un cou-de-pied charmant »). Généralement, et hormis le cas d’un certain nombre de copies faibles voire très en dessous du niveau requis par le concours, les candidats ont contourné ces écueils sans trop d’erreurs.

D’un point de vue lexical, le texte ne présentait pas de difficultés majeures. Si l’on ne peut exiger d’un candidat à l’agrégation qu’il connaisse le « cou-de-pied », dont le jury s’est pourtant félicité de trouver des équivalents exacts dans quelques copies (empeine, garganta del pie, cuello de pie), il est en revanche moins admissible que les substantifs « volupté » ou « délicatesse », ou que l’adjectif « mauresque », nécessairement rencontré lors d’études littéraires espagnoles, aient pu donner lieu à des barbarismes.

La difficulté principale du texte résidait sans doute dans sa syntaxe : phrases longues et parfois alambiquées, enchâssement de subordonnées, ruptures de construction. Pourtant, et c’est pour cette raison que ce texte pouvait sembler moins difficile que d’autres proposés par le passé, une traduction littérale, respectueuse de ces méandres, était presque toujours possible. Or, parce que leur maîtrise de la langue espagnole n’est pas assez assurée, de nombreux candidats ont prudemment évité cette traduction littérale, ce qui les a amenés, dans le meilleur des cas, à des inexactitudes ou approximations, dans le pire des cas à une réécriture malencontreuse du texte. Rappelons, au risque de nous répéter d’années en années, que le thème est un exercice qui permet d’évaluer avant tout la solidité des connaissances grammaticales du candidat, tant en français qu’en espagnol, et que seule une maîtrise solide des règles fondamentales de la grammaire espagnole permet à un candidat d’apprécier la

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pertinence d’une traduction littérale. Lorsqu’en plus le candidat démontre un réel talent de traducteur en ajoutant l’élégance à la précision et à la rigueur, sa copie frôle l’excellence, ce qui n’a été constaté que dans un petit nombre de cas. De l’Espagne

Si la préposition « de » ne pouvait être traduite par desde qui conférait à la tournure une interprétation spatiale impossible en français en présence de l’article défini, elle ne pouvait pas non plus être traduite par la préposition de, inapte à rendre le sens de « au sujet de » hérité du latin. Il fallait donc en passer par des prépositions ou locutions prépositives telles que sobre, a propósito de, acerca de etc.

La faute, inadmissible à ce niveau, qui a consisté à faire précéder d’un article défini les toponymes España ou Andalucía (phrase suivante), a été lourdement sanctionnée. L’Andalousie est un des plus aimables séjours que la volupté se soit choisis sur la terre.

Cette phrase ne posait pas de problème important, sauf, peut-être, la traduction des termes « aimable » et « séjour ».

Pour « séjour » dans son acception littéraire (« lieu où l’on séjourne, où l’on demeure pendant un certain temps », Le Robert), on ne pouvait admettre les hypéronymes sitio ou paraje, pas plus que viaje ou paradero. Plus lourdement ont été sanctionnées les traductions par parador ou temporada qui faisaient référence l’un à une réalité touristique absente du texte français, l’autre à une réalité temporelle et non spatiale. Le terme morada (« residencia u hogar, lugar donde se mora » María Moliner), convenait parfaitement.

L’adjectif « aimable» dans son acception vieillie d’« agréable » pouvait être traduit par amable, entrañable, amena, graciosa (selon l’une des acceptions du terme gracia : « Cualidad o don, o conjunto de ellos, que hace amable una cosa o una persona », María Moliner). J’avais trois ou quatre anecdotes qui montraient de quelle manière mes idées sur les trois ou quatre actes de folie différents dont la réunion forme l’amour, sont vraies en Espagne.

Cette phrase, aussi compliquée qu’elle puisse paraître, pouvait recevoir une traduction littérale, à condition que l’on veille à deux détails : la mention du pronom personnel sujet de première personne, yo, devant la forme non discriminante tenía, faute de quoi l’accord pouvait se faire avec le sujet le plus proche (« l’Andalousie ») ; l’accent diacritique sur les formes interrogatives de qué manera ou cómo utilisées pour rendre « de quelle manière ».

Les fautes commises sur la traduction de « dont » (introduction, notamment, d’un article défini entre cuya et le substantif reunión) ont été très lourdement pénalisées.

L’on me conseille de les sacrifier à la délicatesse française.

Pour le sujet indéfini « on », le candidat avait à sa disposition plusieurs tournures (troisième personne du pluriel, passive réfléchie) à l’exclusion de uno.

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Concernant la délicate tournure « sacrifier à », les erreurs commises proviennent de ce que les candidats, d’une manière générale, perdent de vue le sens global du texte, et, ici en particulier, n’ont pas tenu compte de ce qui précède. Le conseil reçu par Stendhal, en sa qualité d’écrivain, est de sacrifier (c’est-à-dire abandonner) ses « trois ou quatre anecdotes » au nom de, en considération de (en nombre de, en aras de) la délicatesse française et non pas au bénéfice de la délicatesse française. Les tournures qui, d’une manière ou d’une autre, évoquaient l’échange (a favor de, por, en beneficio de) ont été sanctionnées. J’ai eu beau protester que j’écrivais en langue française, mais non pas certes en littérature française.

La rupture de construction que présentait la phrase française (une proposition subordonnée de concession sans proposition principale) pouvait être maintenue en espagnol (Por mucho que…). Le jury a pourtant été sensible au fait que certains candidats, gênés, aient tenté de rétablir la logique syntaxique en transformant la proposition subordonnée en une proposition indépendante (En vano protesté…, De nada sirvió que…).

Pour le mode de la subordonnée, dans la mesure où l’obstacle inopérant de la subordonnée était présenté comme réel (« j’ai eu beau protester »), le choix de l’indicatif était tout à fait justifié en espagnol. Néanmoins le subjonctif pouvait aussi se justifier sémantiquement (que je proteste ou non, de toutes façons, quelle que soit ma protestation…).

L’expression « mais non pas certes » où l’adverbe « certes » ne venait que renforcer la négation, pouvait être rendu de diverses façons : pero no, por cierto/pero de ninguna manera/pero de ningún modo/pero en absoluto en literatura francesa. Dieu me préserve d’avoir rien en commun avec les littérateurs estimés aujourd’hui.

Il fallait veiller ici, non seulement à bien utiliser le subjonctif dans l’expression du souhait (Dios me libre/me guarde), mais aussi à ne pas introduire une négation superflue qui inversait le sens de la phrase : dans un contexte négatif (induit ici par le sémantisme du verbe « préserver »), le pronom indéfini « rien », tout comme son homologue espagnol nada, signifie précisément « quelque chose ». Traduire, comme beaucoup de candidats l’ont fait, par Dios me preserve de no tener nada en común con… revenait à déclarer l’inverse de ce qui était dit : « Dieu empêche que je n'aie rien en commun avec… » c’est-à-dire, transposé à l’affirmatif « Dieu fasse que j’aie quelque chose en commun avec… ».

Si les candidats choisissaient de traduire l’adjectif participial « estimés » par une proposition relative avec sujet indéfini (« que l’on estime »), ils devaient éviter une passive réfléchie (que se estiman) trop ambiguë, susceptible d’une interprétation en termes de réciprocité, et lui préférer une véritable tournure impersonnelle ; il fallait alors veiller à faire précéder de la préposition a le pronom relatif complément d’objet dont l’antécédent (« littérateurs ») avait un référent animé : literatores a los que se estima hoy. Les Maures, en abandonnant l’Andalousie, y ont laissé leur architecture et presque leurs mœurs.

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Rappelons que si en français les noms de peuples, d’habitants d’un pays, d’une région s’orthographient avec une majuscule, il n’en va pas de même en espagnol, raison pour laquelle il fallait écrire los moros et las andaluzas.

Le gérondif français, qui exprimait ici une action en concomitance avec celle de la principale (« ont laissé ») devait impérativement être rendu par la tournure al + infinitif. La traduction par un gérondif en espagnol (abandonando) a été sévèrement sanctionnée.

Quant au pronom « y », qui avait pour antécédent le toponyme Andalucía, il devait être traduit, soit par un adverbe de lieu (allí ou ahí à l’exclusion de aquí qui ne fait référence qu’à l’espace de l’énonciation), soit par un complément circonstanciel de lieu introduit par le démonstratif anaphorique (en este lugar) ou par les démonstratifs ese ou aquel, pour les mêmes raisons que ahí et allí.

Puisqu’il m’est impossible de parler des dernières dans la langue de Mme de Sévigné, je dirai du moins de l’architecture mauresque, que son principal trait consiste à faire que chaque maison ait un petit jardin entouré d’un portique élégant et svelte.

Le complément « des dernières », mis pour « les mœurs » exprimé dans la phrase précédente, pouvait recevoir une traduction littérale (de las últimas) ou être traduit par le pronom démonstratif anaphorique (éstas).

D’un point de vue lexical, il est regrettable que des candidats à l’agrégation d’espagnol commettent des barbarismes sur des termes renvoyant à des réalités historiques aussi fondamentales que « mauresque ». Le jury a légèrement sanctionné les adjectifs moro,-a, moruno,-a, peu usuels, leur préférant évidemment l’adjectif morisco,-a.

Pour le « petit jardin », tous les diminutifs ont été acceptés (jardinillo, jardinito, jardincito, jardincillo), de même que l’emploi de l’adjectif pequeño, de préférence postposé au substantif.

Enfin pour « portique » (« Galerie ouverte soutenue par deux rangées de colonnes, ou par un mur et une rangée de colonnes », Le Robert), on pouvait admettre pórtico, qui était la meilleure traduction, de même que porche ou soportal, pourvu que ce dernier soit employé au pluriel (un soportal : « Espacio cubierto que precede a la entrada de algunas casas » María Moliner), ce qui a rarement été le cas. Là, pendant les chaleurs insupportables de l’été, quand durant des semaines entières le thermomètre de Réaumur ne descend jamais et se soutient à trente degrés, il règne sous les portiques une obscurité délicieuse.

Concernant l’adverbe de lieu « là », nous passerons sur les prestations qui ignorent encore que aquí ne peut désigner que l’espace du locuteur. Ahí était préférable à allí dans la mesure où l’adverbe français avait ici une valeur anaphorique (reprise d’un espace évoqué dans la phrase précédente).

L’emploi du substantif « chaleurs » au pluriel pour désigner la période où il fait chaud, pouvait être rendu par le substantif calor, au singulier ou au pluriel, au masculin ou au féminin, ou par bochornos.

Enfin pour l’expression « se soutient à trente degrés », l’emploi des verbes mantenerse, quedarse, permanecer permettait d’éviter un gallicisme malheureux (se sostiene a), pourvu qu’on les construise avec les prépositions adéquates (mantenerse a/en, quedarse en, permanecer en).

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Là vivent et reçoivent les charmantes andalouses à la démarche si vive et si légère ;

Le complément introduit en français par la préposition « à », qui apporte une caractérisation fondamentale, un trait distinctif (la démarche) permettant d’identifier les Andalouses, devait être traduit par la préposition de en espagnol, non par con qui présente ce trait comme accessoire, encore moins par a dont l’emploi est restreint à quelques cas de figure (un pañuelo a cuadro par exemple).

Une simple robe de soie noire garnie de franges de la même couleur, et laissant apercevoir un cou-de-pied charmant, un teint pâle, des yeux où se peignent toutes les nuances les plus fugitives des passions les plus tendres et les plus ardentes ;

C’est en revanche la préposition con qu’il fallait cette fois employer en ce début de proposition, non que la « robe de soie noire » constitue un trait moins distinctif des Andalouses que leur démarche mais plutôt parce que la présence d’un article indéfini s’accommode mal de la vision généralisante et fondamentale portée par la préposition de.

Le participe-présent « laissant » doit être rendu en espagnol par une proposition relative (y que deja asomar/entrever), le gérondif espagnol ne pouvant être employé, comme le participe-présent français, pour déterminer un substantif mais seulement pour exprimer une circonstance.

Quant aux franges, elles garnissent logiquement la robe et non la soie, raison pour laquelle le jury a sanctionné les cas d’accord de l’adjectif participial avec le substantif (un vestido de seda negra adornada con franjas…). Pour le verbe « garnir de », de nombreuses possibilité s’offraient aux candidats, encore fallait-il choisir la préposition voulue : adornado de/con, ornado de, engalanado con, guarnecido con/de. S’agissant d’un vêtement, et non d’un lieu, d’un édifice, d’un objet de céramique ou d’une pâtisserie, le verbe decorar ne pouvait convenir.

Le « cou-de-pied » (« Partie antérieure et supérieure du pied, entre la cheville et las base des os métatarsiens ») semble avoir dérouté nombre de candidats. Si certains, en traduisant par empeine, garganta del pie ou cuello de pie, ont manifesté une connaissance solide des deux langues, d’autres s’en sont honorablement sortis en traduisant par un terme en rapport avec cette partie du corps (tobillo, pie). En revanche, le jury a lourdement pénalisé des traductions absurdes, telles golpe de pie, ou plus loin donde se peinan (pour donde se pintan) qui révèlent, de la part de leurs auteurs, un grave défaut de compréhension du texte français.

Tout aussi lourdement ont été sanctionnées les fautes commises sur la traduction des superlatifs (los matices los más fugitivos), inadmissibles dans un concours de ce niveau.

Tels sont les êtres célestes qu’il m’est défendu de faire entrer en scène.

Cette proposition a donné lieu à de nombreuses fautes d’importance inégale. D’un point de vue lexical, celestial était préférable à celeste, dépourvu de l’idée de perfection contenue dans l’adjectif français. S’agissant de la délicate expression « faire entrer en scène », le jury a accepté toutes les solutions cohérentes (poner en escena, escenificar, hacer entrar en/a escena, hacer salir al escenario, hacer entrar a escena). D’un point de vue grammatical enfin, la tournure résultative « qu’il m’est défendu de

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faire entrer en scène » pouvait être traduite de diverses manières, soit par une passive résultative (a los que me está prohibido), soit par une tournure active impersonnelle excluant le locuteur ( a los que se me prohíbe, a los que me prohíben), l’essentiel, dans les deux cas, étant de ne pas omettre la préposition a devant le pronom relatif « qu’ » (antécédent = los seres), non plus que l’accent graphique sur la voyelle faible [i] de prohíbe/prohíben, voyelle tonique au sein de l'hiatus [oi].

Je regarde le peuple espagnol comme le représentant vivant du moyen âge.

Un manque de réflexion a été responsable d’une erreur fréquente. S’il fallait bien faire précéder le complément d’objet pueblo español de la préposition a, faire précéder de la même préposition le complément el representante vivo revenait à lui donner le même statut grammatical qu’au premier (COD) et à conférer du même coup à la phrase un sens différent : « je regarde le peuple espagnol de la même façon que je regarde le représentant vivant du moyen âge. » Dans cette phrase telle qu’il faut la comprendre, (« je regarde le peuple espagnol comme étant le représentant vivant du moyen âge »), le complément « le représentant vivant » est attribut du complément d’objet « le peuple espagnol » et pour cette raison ne doit pas être précédé de a.

Il ignore une foule de petites vérités (vanité puérile de ses voisins) ; mais il sait profondément les grandes et a assez de caractère et d’esprit pour suivre leurs conséquences jusque dans leurs effets les plus éloignés.

Si le caractère, entendu dans le sens de fermeté, ténacité, détermination, a généralement été bien traduit (carácter, firmeza, entereza), l’« esprit », en revanche, a fait l’objet de nombreux contresens dus à une lecture peu attentive de la phrase. Stendhal faisait bien sûr allusion à l’aptitude intellectuelle, l’intelligence (inteligencia, entendimento), et non à la « réalité pensante » (espíritu), non plus qu’à la vivacité ou à l’ingéniosité (ingenio, agudeza, gracia, chispa). Genio ne convenait ni pour le « caractère » ni pour l’« esprit » dans leur présente acception.

Le caractère espagnol fait une belle opposition avec l’esprit français ;

Ici encore, seule une lecture attentive et minutieuse faisait percevoir qu’ici « caractère » et « esprit » renvoyaient tous deux à la même réalité et pouvaient être traduits par carácter, genio (« Manera de ser de un país o de una época, manifestada en sus creaciones espirituales y en las cualidades y peculiaridades que los hacen distintos de otros »), ou espíritu (« Sentido o tendencia que puede apreciarse en las manifestaciones espirituales de una colectividad humana »).

Quant à l’expression « faire une belle opposition », outre qu’elle ne pouvait être traduite littéralement, sous peine de mener à un gallicisme (hacer una oposición con), elle comportait un adjectif, « belle », qui, s’il avait fait l’objet d’une analyse réfléchie, n’aurait en aucun cas été traduit par bella ou hermosa. L’opposition dont il est question est parfaite, exacte, complète, d’où diverses possibilités en espagnol : se opone claramente, cabalmente, exactamente etc.

Dur, brusque, peu élégant, plein d’un orgueil sauvage, jamais occupé des autres ; c’est exactement le contraste du XVe siècle avec le XVIIIe.

Pour ces trois adjectifs juxtaposés, plusieurs possibilités s’offraient :

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- « dur » : duro, áspero - « brusque » : brusco, adusto, hosco, arisco etc. - « peu élégant » : poco elegante, poco refinado, poco delicado, rudo, tosco, basto etc.

L’orgueil « sauvage » pouvait être rendu par orgullo salvaje, bravío, indómito. Enfin « être occupé de » devait être traduit par preocupado por ou interesado en

et non pas le verbe ocuparse qui ne comporte aucunement l’acception vieillie du verbe français (être préoccupé par).

L’Espagne me semble bien utile pour une comparaison : le seul peuple qui ait su résister à Napoléon me semble absolument pur d’honneur-bête, et de ce qu’il y a de bête dans l’honneur.

Pour l’adverbe « bien », le jury a préféré muy a bien, ce dernier, devant un adjectif ou un adverbe, appartenant surtout à la langue parlée.

Dans la subordonnée relative, l’indicatif était préférable au subjonctif dans la mesure où son antécédent (pueblo) était précédé de l’adjectif único (Cf Bedel § 485).

L’expression « pur de » pouvait être rendue par de multiples tournures : exento de, limpio de, desprovisto de, desnudo de etc.

S’agissant de l’« honneur-bête », une lecture trop hâtive et peu soucieuse d’une compréhension globale du texte a conduit à des traductions farfelues (honor-bestia ou pire, honor-bestial) alors qu’il n’était question que de stupidité (honor-estúpido, honor-tonto) comme le précisait de façon très explicite la fin de la phrase : la traduction de « ce qu’il y a de bête dans l’honneur » par « de lo que hay de estúpido en el honor » exposait à un nombre de points-faute élevé ; on pouvait trouver sans peine des tournures voisines comme de lo que (de cuanto) es estúpido en el honor, de lo que tiene de estúpido el honor, de lo estúpido que contiene el honor etc.

Au lieu de faire de belles ordonnances militaires, de changer d’uniforme tous les six mois et de porter de grands éperons, il a le général no importa.

D’un point de vue syntaxique, il convenait de répéter, comme en français, la préposition de contenue dans les tournures en vez de/en lugar de en début de chaque proposition (en vez de hacer…de cambiar…y de llevar…), faute de quoi l’infinitif cambiar risquait d’être interprété comme injonctif.

D’un point de vue lexical, le terme « ordonnance » pouvait être compris comme prescription, texte législatif (ordenanza) ; il pouvait également faire référence aux cérémonies militaires (faites selon un certain ordre) : desfiles, ceremoniales, ordenaciones convenaient en ce cas.

Enfin, on regrette que de trop nombreux candidats n’aient pas rendu, sans doute parce qu’ils ne l’ont pas perçu, le jeu de mot final sur le terme « général », à la fois adjectif (l’expression « no importa » générale) et substantif (le général dont le nom est « no importa »). A des tournures comme suele decir no importa, usa no importa qui annulaient purement et simplement le jeu de mot, le jury a préféré tiene el/al general no importa.

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Proposition de traduction A propósito de España.

Andalucía es una de las más amables moradas que la voluptuosidad haya escogido en la tierra. Yo tenía tres o cuatro anécdotas que mostraban de qué manera mis ideas sobre los tres o cuatro actos de locuras cuya reunión forma el amor, son verdaderas en España ; me aconsejan que las sacrifique en nombre de la delicadeza francesa. Por más que protesté que escribía en lengua francesa pero de ningún modo en literatura francesa. Dios me libre de tener cosa alguna en común con los literatos estimados hoy.

Al abandonar Andalucía, los moros dejaron allí su arquitectura y casi sus costumbres. Ya que me es imposible hablar de éstas en la lengua de la señora de Sévigné, por lo menos diré de la arquitectura morisca que su rasgo principal consiste en procurar que cada casa tenga un jardinillo rodeado de un pórtico elegante y esbelto. Allí, durantes los calores inaguantables del verano, cuando durantes semanas enteras el termómetro de Réaumur nunca baja y se mantiene a treinta grados, debajo de los pórticos reina une deliciosa oscuridad [...]

Ahí viven y reciben las encantadoras andaluzas de andares tan vivos y tan ligeros ; con un sencillo vestido de seda negra adornado de franjas del mismo color, y que deja asomar la garganta de un pie encantador, una tez pálida, unos ojos donde se pintan todos los matices más fugitivos de las pasiones más tiernas y más ardientes ; tales son los seres celestiales a los que se me prohíbe poner en escena.

Considero al pueblo español como el vivo representante de la edad media. Ignora una cantidad de pequeñas verdades (vanidad pueril de sus vecinos) ; pero

conoce profundamente las grandes y tiene bastante carácter e inteligencia como para seguir sus consecuencias hasta en sus efectos más alejados. El genio español se opone perfectamente al espíritu francés. Duro, brusco, poco elegante, lleno de un orgullo bravío, jamás preocupado por los demás ; es exactamente el contraste del siglo XV con el siglo XVIII.

España me es muy útil para una comparación : el único pueblo que supo resistir a Napoleón me parece absolutamente exento de honor estúpido y de cuanto es estúpido en el honor.

En vez de hacer bellas ordenanzas militares, de cambiar de uniforme cada seis meses y de llevar grandes espuelas, tiene al general no importa.

IV BILAN DES EPREUVES D’ADMISSION (ORAL)

IV.1. Leçon en espagnol (coefficient 3) Rapport établi par M. Jean-Louis Guereña, Professeur à l’Université de Tours

a) Les chiffres

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Moyenne des 104 candidats présents: 4.56 Moyenne des 48 candidats admis: 6.46 Notes sur 20 Candidats présents Candidats admis < 1 >= 1 et < 2 >= 2 et < 3 >= 3 et < 4 >= 4 et < 5 >= 5 et < 6 >= 6 et < 7 >= 7 et < 8 >= 8 et < 9 >= 9 et < 10 >= 10 et < 11 >= 11 et < 12 >= 12 et < 13 >= 13 et < 14 >= 14 et < 15 >= 15 et < 16 >= 16 et < 17

4 13 21 16 16 6 7 3 5 3 0 1 1 3 3 1 1

1 1 5 8 8 4 3 3 2 3 0 1 1 3 3 1 1

Plus basse que celle des années précédentes, tant pour les candidats présents (6.23 en 2006 et 5.62 en 2007) que pour les admis (7.87 en 2006 et 8.55 en 2007), la moyenne de cette année -qui étonnera et alarmera sans doute les candidats du concours 2009- appelle quelles remarques. Elle s'explique tant par le tassement des notes vers le bas de l'échelle (70 notes sont ainsi inférieures à 5, soit plus des deux tiers des 104 candidats effectivement présents) que par la relative absence d'excellentes notes (seulement 2 notes sont supérieures à 15 et aucune à 16, alors qu'il y avait eu 7 notes supérieures à 15 en 2007 et 2 supérieures à 17), voire même de notes simplement moyennes. Les candidats en concluront peut-être à une sévérité accrue du jury ou à une difficulté excessive des sujets présentés. Pourtant, comme par le passé, l'on peut constater qu'à la présente session une mauvaise note en leçon (moins de 2, voire moins de 1) n'a pas empêché totalement la réussite et que toute note supérieure à 9 conduisait à l'admission. b) Sujets proposés Lazarillo y Pablos: ¿personajes novelescos? Relato picaresco y valores ético-sociales en el Lazarillo y en el Buscón Un teatro del cuerpo: Luces de Bohemia, El hombre deshabitado y La casa de Bernarda Alba

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La transgresión en Luces de Bohemia y La casa de Bernarda Alba El arte del silencio en Nocturno de Chile e Interrupciones 2 Orden histórico y norma literaria en Nocturno de Chile e Interrupciones 2 La Iglesia y mujeres (1868-1978) Mujeres y educación (1868-1978) Mujeres y ciudadanía (1868-1978) El realismo en el cine cubano después de 1959 El cine y en el poder en Cuba después de 1959 Incluir y excluir en el cine cubano después de 1959 c) Commentaires Comme lors de la session 2007, et par suite de la suppression de l'épreuve de thème oral, la leçon se déroule totalement en langue espagnole. C'est dire toute l'importance que prennent pour le jury les qualités linguistiques de l'exposé présenté, ce qui explique peut-être les notes relativement basses obtenues par les candidats. Les douze sujets de leçon proposés cette année portaient sur l'ensemble des cinq questions au programme, qu'elles y soient pour la première fois ou pas, en abordant à parts égales les sujets de littérature et de civilisation (y compris le cinéma) domaines qui possèdent leur spécificité et qu'il convient donc d'aborder de manière spécifique, y compris au niveau de la terminologie utilisée (par exemple, celle relative au cinéma et à l'image en général). Quelques libellés ont ainsi paru dérouter certains candidats ("l'art du silence", "la transgression", "inclure et exclure"...). Rappelons tout d'abord les conditions générales de l'épreuve qui alterne un temps (relativement) long, pour ce qui est de la préparation, et un temps (relativement) court, quant au passage du candidat devant le jury. Le candidat dispose tout d'abord d'un total de cinq heures pour préparer sa leçon. S'il s'agit d'une leçon portant sur une question de civilisation, le candidat n'a droit à aucun document (pas de dictionnaire, par exemple). S'il s'agit d'un sujet portant sur une question de littérature, le candidat n’a à sa disposition que l'ouvrage (ou les ouvrages) au programme, dans l'édition indiquée sur le programme publié. Il va de soi que ces cinq heures de préparation doivent être mises à profit au maximum par le candidat pour bien décrypter le sujet, en cerner toutes les dimensions et aussi les limites (ce qui fait bien partie du sujet et ce qui en est exclu). Il importe donc de bien réfléchir au sujet, à tous les termes du libellé qui ont bien entendu leur importance relative (ainsi les interrogations). Préparer une leçon, c'est donc aussi faire des choix pertinents dans le champ des possibles et se contenter de se référer à quelques exemples probants qui auront ainsi l'avantage d'échapper au catalogue qui se veut exhaustif mais qui en fait n’explique rien, tentation dans laquelle tombent très souvent les candidats. L'on ne peut en effet tout dire dans le temps limité de l'exposé. Le passage du candidat devant le jury dure au grand maximum 45 minutes et se déroule en deux phases: l'exposé du candidat -la leçon proprement dite- d'une durée de

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30 minutes à ne dépasser sous aucun prétexte, et l'entretien avec le jury, d'une durée maximale de 15 minutes. Ce qui veut dire concrètement que si l'exposé du candidat n'a duré que 20 minutes, par exemple, le candidat ne passera que 35 minutes devant le jury (20 minutes d'exposé plus 15 minutes de "reprise"). C'est dire que la gestion du temps disponible est primordiale, le candidat devant toujours garder un œil sur sa montre pour organiser au mieux sa prestation et en modifier éventuellement le cours, sans toutefois sacrifier ce qu’il considère comme essentiel. Rappelons à ce sujet que le candidat ne doit pas du tout s'affoler lorsque l'un des membres du jury lui communique qu'il ne lui reste que cinq minutes. Mais cinq minutes ne sont pas cinq secondes et le candidat peut donc les utiliser à bon escient pour terminer son exposé de manière non abrupte. De manière générale, le jury attend des candidats qu'ils lui présentent un exposé bien construit et structuré, ce qui suppose par conséquent l'existence d'une introduction qui pose concrètement le(s) problème(s) posé(s) par le sujet et qui annonce la démarche qui sera (et devra l'être!) suivie, d'un développement qui tente d'y répondre de manière démonstrative et progressive en plusieurs points successifs, et enfin d'une conclusion qui remplisse effectivement cette fonction conclusive et qui ne doit pas être escamotée. Quel que soit le plan choisi par le candidat, l'important est qu'il soit démonstratif et cohérent, la leçon étant en effet une tentative de démonstration face à un auditoire. S'agissant des leçons relatives à une question de civilisation, un plan chronologique est admissible à condition que celui-ci soit réellement problématisé et qu'il ne soit pas prétexte à une simple narration descriptive d'événements divers, de dates, de noms, d'œuvres (de films, par exemple) qui n'explique rien. Les connaissances du candidat, auxquelles le jury sera évidemment sensible, doivent donc être mises au service du traitement d'un sujet spécifique. Le candidat ne doit pas donner l'impression au jury qu'il a simplement tenté d'exposer la totalité des connaissances à sa disposition "en vrac", sans tenter d'y effectuer le moindre tri. Inutile de vouloir éblouir le jury! En général, les candidats montrent d'ailleurs qu'ils possèdent des connaissances suffisantes pour traiter le sujet posé, mais qu'ils ne savent pas toujours organiser leurs connaissances de manière pertinente pour leur permettre d'y répondre de façon satisfaisante. Rappelons que le jury n'attend pas des candidats une érudition exhaustive mais simplement une compréhension générale de la question au programme. Signalons également, et cela vaut d'ailleurs pour tous les sujets, qu'il convient absolument d'éviter de citer des noms d'auteurs d'ouvrages récents portant sur la question, surtout si ceux-ci se trouvent au jury. En ce qui concerne les leçons portant sur la littérature, le jury s'attend à trouver dans les leçons présentées une connaissance fine et raisonnée de l'ensemble des ouvrages sur lesquels elles portent. Encore une fois, les citations (courtes), les allusions à des passages précis de telle ou telle œuvre doivent être toujours en rapport direct avec le sujet concret de leçon qu'il est demandé de traiter et la problématique que le candidat a choisi de mettre en œuvre. Il est donc inutile de tenter de résumer les ouvrages au programme ou de se lancer dans un exposé général sur un courant littéraire ou esthétique, par exemple, même s'il n'est bien entendu pas inutile –bien au contraire- d'y faire allusion de manière synthétique, et toujours en liaison étroite avec le sujet posé.

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Si la plupart des qualités demandées aux candidats peuvent se retrouver dans d'autres épreuves, y compris écrites, la leçon fait partie des épreuves orales. Ce qui signifie ipso facto que le jury sera particulièrement sensible aux qualités de communication du candidat qui, rappelons-le, ne doit pas lire ses notes (même s'il peut bien entendu s'y reporter), et surtout pas d'une voix monocorde, doit regarder le jury (même si celui-ci prend des notes à ce moment-là), et tenter de parler clairement, ni trop vite, ni trop lentement, en ayant toujours conscience, comme nous le soulignions plus haut, du temps qui passe. Comme dans toutes les épreuves orales, une force minimale de conviction est donc requise. Il s'agit, nous le disions d'emblée, d'une leçon exposée en espagnol. Le jury est en droit d'attendre d'un futur professeur d'espagnol une langue correcte, en particulier sur le plan syntaxique mais aussi pour ce qui est de la prononciation (en évitant, autant que possible, tout déplacement d'accent), même si quelques maladresses peuvent être pardonnées. Le niveau de langue est également important. Même s'il s'agit d'une langue orale, elle doit conserver une certaine qualité quant aux choix lexicaux, par exemple. Enfin, l'entretien avec le jury ne doit pas effrayer les candidats. Le jury ne vise pas à "enfoncer" encore un peu plus un candidat malheureux mais à essayer au contraire, de manière constructive, de le rattraper, en valorisant ce qui peut l'être, et dans tous les cas à prétendre nuancer ou compléter, voire rectifier, telle ou telle affirmation excessive ou discutable. Il convient donc de garder la concentration et la lucidité nécessaires pour mener à bien cette dernière partie de l'épreuve. Nous invitons finalement les candidats à préparer l'épreuve de leçon (et à s'y entraîner pratiquement), comme l'ensemble des épreuves orales d'ailleurs, sans attendre les résultats de l'admissibilité. La lecture des derniers rapports pourra leur fournir à ce propos des indications supplémentaires. I.2 Epreuve d’explication de texte. Rapport établi par Monsieur Karim BENMILOUD, Professeur à l’Université Montpellier III Les chiffres Nombre d’admissibles : 106 Nombre de présents : 104. Nombre d’admis : 48. Moyenne des présents : 5,06 / 20. Moyenne des admis : 7,58 / 20. Note maximale des présents : 17 / 20. Note minimale des présents : 0,25 / 20. Note maximale des admis : 17 / 20. Note minimale des admis : 01 / 20. Tableau de répartition des notes :

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Notes Nombre de présents Nombre d’admis < 1 >=1 et <2 >=2 et <3 >=3 et <4 >=4 et <5 >=5 et <6 >=6 et <7 >=7 et <8 >=8 et < 9 >= 9 et <10 >= 10 et <11 >= 11 et <12 >= 12 et <13 >= 13 et <14 >= 14 et <15 >= 15 et <16 >= 16 et <17 >= 17 et <18 Absents

6 17 9 15 10 9 5 9 5 6 2 2 4 2 0 2 0 1 2

0 1 4 5 2 4 3 7 3 6 2 2 4 2 0 2 0 1 0

Les textes proposés Lazarillo de Tormes, Madrid, Cátedra, 2003 [17ème éd.] — “Pues, tornando al bueno de mi ciego [...] la endiablada falta que el mal ciego me faltaba” p. 25-29. — “Pues estando una noche desvelado [...] ratonar el bodigo”, p. 62-65. Francisco de Quevedo, El Buscón, Madrid, Cátedra, 2003 [19ème éd.] — cap. IV, “Echáronnos, en entrando [...] y placer los amigos”, p. 239-241. Ramón del Valle-Inclán, Luces de Bohemia — “La mozuela, con una risa procaz [...] tampoco me niego”, p. 151-156. Federico García Lorca, La casa de Bernarda Alba, Madrid, Cátedra, — “Entra Adela [...] Adela se calma”, p. 177-181 — “No hay alegría como la de los campos [...] este verano interminable”, p. 211-215. Rafael Alberti, El hombre deshabitado — “Sale sigilosa, casi desnuda [...] te lo exigimos, si no...”, p. 240-243. Juan Gelman, Interrupciones 2, Buenos Aires, Seix Barral, (Biblioteca Breve) 1998

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— “Más preguntas”, p. 114-115. — “Siempre la poesía”, p. 134-135. — “Los buñuelos de la tía Francisca”, p. 143-144 Roberto Bolaño, Nocturno de Chile, Barcelone, Anagrama, 2000 — “Cuando el tren llegó a Chillán [...] El señor lo está esperando, dijo el campesino”, p. 16-18. — “Una noche me enteré de que había muerto Neruda [...] afrontar las tareas de la jornada”, p. 99-102. Commentaires Même si les modalités de l’épreuve sont en général parfaitement connues des candidats admissibles, nous les rappellerons à toutes fins utiles. L’explication de texte en espagnol porte sur un extrait tiré de l’une des œuvres inscrites au programme. Seuls les numéros des pages sont signalés sur la photocopie de l’extrait qui est proposé en explication. Pour la préparation de l’épreuve, le candidat dispose d’un exemplaire de l’ouvrage, qu’il emporte avec lui en salle d’interrogation pour son passage devant le jury, mais qu’il ne peut annoter (des marques pages sont à sa disposition). Le candidat dispose également d’un dictionnaire espagnol unilingue, qui doit lui servir à vérifier tous les mots dont le sens est susceptible de lui échapper. Rappelons en effet que, lors de l’entretien, le jury peut demander au candidat de traduire un mot ou une expression tirés du texte, s’il lui apparaît que la littéralité du texte n’a pas été comprise. La raison en est simple : il est vain de prétendre expliquer un texte dont on ne comprend pas le sens premier ou littéral. La durée de préparation est de deux heures, celle de l’épreuve de 45 minutes maximum. La durée de l’exposé du candidat ne doit pas excéder 30 minutes, la reprise ne pouvant dépasser 15 minutes, décomptées à partir de la fin de l’exposé du candidat. C’est en entrant dans la salle d’interrogation que le candidat se voit indiquer par le jury le passage qu’il doit lire. Il pourra lire ce passage à la fin de l’introduction ; au moment où il s’apprête à analyser le passage concerné ; ou à tout autre moment qui lui semblera opportun. L’épreuve peut donc avoir des durées variables, en fonction du temps de parole utilisé par le candidat, ainsi que du temps jugé nécessaire par le jury pour l’entretien. En explication de texte, le temps réglementaire est dans la plupart des cas utilisé dans sa totalité. En tout état de cause, il serait présomptueux de croire que l’on peut faire une bonne explication, tout à la fois rigoureuse et précise, en moins de 20 minutes (lecture comprise), comme certains candidats feignent de le croire. Enfin, à l’inverse, si besoin, le candidat peut être prévenu 5 minutes avant la fin de ses 30 minutes d’exposé, en particulier lorsque le jury pressent qu’il ne mènera pas à terme son explication dans le temps réglementaire. Ensuite, lors de l’entretien avec le jury, le candidat est vivement incité à rester disponible et ouvert aux questions qui lui seront posées, même s’il a le sentiment légitime qu’il a d’ores et déjà accompli une part importante du travail. Bien souvent, le candidat a malheureusement tendance à se relâcher, à considérer qu’il a fait l’essentiel, et que l’entretien est en quelque sorte « facultatif », sans incidence véritable sur la notation. C’est évidemment faux. L’entretien doit être conduit avec la même rigueur et la même exigence que l’explication elle-même. Le jury peut alors demander des

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précisions, suggérer des reformulations, ou, le cas échéant, ouvrir sur d’autres lectures possibles. Dans tous les cas, le candidat doit faire montre de son ouverture et de sa capacité à réagir, sans rester figé sur les interprétations qu’il a déjà données et dont le jury a pris bonne note. En d’autres termes, l’entretien ne doit pas servir à répéter ce qui a déjà été dit, mais à préciser, nuancer ou, le cas échéant, rectifier les maladresses que le jury lui a signalées. Il n’y a donc pas de « question piège » et le candidat a tout à gagner à jouer le jeu de l’entretien. Les résultats chiffrés La lecture du tableau permet de constater que la moyenne de l’épreuve est en légère hausse par rapport à la session précédente. La moyenne des présents s’élève en effet à 5,06/20 en 2008 contre 4,83/20 en 2007. Elle n’atteint pas toutefois la moyenne de l’épreuve obtenue aux deux sessions antérieures, qui était de 6,70/20 en 2006 et de 5,75/20 en 2005. Sur cette épreuve, cette remarque est naturellement valable pour la moyenne des admis, qui est de 7,58/20 contre 7,18/20 en 2007 (9,31/20 en 2006 et 8,76/20 en 2005). Il serait vain de chercher à analyser ces variations d’une année sur l’autre, et ce d’autant plus que les candidats de la session écoulée ne sont pas notés par rapport à ceux des années précédentes, mais uniquement les uns par rapport aux autres au sein d’une même session. On peut néanmoins tirer un certain nombre d’enseignements de la répartition des notes attribuées par le jury aux candidats lors de la session écoulée. Comme l’avaient déjà observé Mme Christine Aguilar-Adan en 2005, Mme Marie-José Hanaï en 2006 et M. Olivier Biaggini en 2007, une note honorable en explication de texte vaut presque admission, puisque, cette année encore, les candidats qui ont obtenu une note égale ou supérieure à 9/20 à cette épreuve ont tous été admis. Inversement, une très mauvaise explication de texte compromet largement la réussite au concours, puisque 85 % des candidats qui ont été sanctionnés par une note comprise entre 0,25/20 et 3/20 ont été recalés. Si besoin était, ces statistiques devraient donc inciter tous les candidats à s’entraîner de façon régulière et rigoureuse à cet exercice rhétorique que constitue l’explication de texte. L’explication de texte a un poids décisif dans l’admission au concours et les candidats ont tout intérêt à se préparer au mieux à cet exercice au cours de l’année, d’abord avec tous les outils qui sont à leur disposition, et ensuite en temps limité, dans les conditions du concours. Un candidat qui s’est préparé méthodiquement et qui connaît bien les œuvres au programme a donc toutes les chances d’obtenir une bonne note, pour peu qu’il sache faire partager au jury une lecture fine et personnelle du passage proposé, sans chercher nécessairement à replacer toute l’information qu’il a accumulée sur l’œuvre dont le passage est extrait. Nous en voulons pour preuve que toute l’échelle des notes a été mobilisée par le jury et que d’excellentes notes ont été attribuées. Remarques méthodologiques S’agissant d’une pratique que les candidats sont censés avoir perfectionnée tout au long de leur cursus universitaire, les candidats sont jugés en fonction de critères très stricts : pertinence de la lecture proposée, clarté de l’explication, qualité de la langue, aptitude à se dégager des éléments de cours et à analyser le passage dans sa spécificité, maîtrise de ces temps forts de l’explication que sont l’introduction et la conclusion, bonne gestion du temps de l’épreuve, etc.

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Si la technique et les étapes de l’explication sont connues des candidats, il n’est cependant sans doute pas inutile de rappeler que cet exercice est un exercice de communication et que l’explication s’adresse d’abord à un auditoire, en l’occurrence le jury. En d’autres termes, on ne fait pas une explication pour soi, mais dans le but clair de la partager avec son auditoire, que l’on essaie donc de convaincre. C’est la raison pour laquelle on ne se lance pas dans une explication sans savoir où l’on va, c’est-à-dire sans posséder un ou plusieurs axes de lecture, un fil conducteur, ou encore une problématique. Rien de plus inutile qu’une « explication » qui se laisse porter par le texte, au gré des paragraphes ou des strophes, sans en montrer l’articulation, la logique ni la cohérence. L’explication dérive alors vers un catalogue de figures ou de tropes et verse dans un pointillisme aussi arbitraire qu’inutile, qui ne peut que laisser de côté les articulations structurant le texte, qui constituent pourtant l’enjeu même de l’explication de texte. Un texte ne se résume pas à une simple suite ou combinatoire de procédés formels ou de figures de style. Par un projet de lecture qui sera clairement annoncé dans l’introduction, le candidat indiquera donc d’emblée où il souhaite conduire le jury dans l’approche du texte proposé. L’introduction devra donc annoncer clairement la cohérence et les axes du développement en caractérisant de façon synthétique le texte étudié. Pour les besoins de l’explication, il est recommandé de proposer un découpage du texte en « parties » ou en « mouvements », à condition que ce découpage soit ensuite justifié par l’explication proprement dite. Mais un découpage en quatre ou cinq mouvements, qui tend à se confondre avec la succession des paragraphes, comme cela est parfois proposé par certains candidats, trahit souvent une explication peu aboutie, qui n’est pas parvenue à dégager les vraies articulations du texte. Concernant la méthode propre à l’explication, il est de très loin préférable que la méthode suivie soit celle de l’explication linéaire, et ce pour au moins deux raisons. D’abord parce que c’est celle qui épouse le mieux la progression du texte ; et ensuite parce que faire un bon commentaire composé en deux heures, en rendant compte des multiples aspects du texte, est largement illusoire. Quant à la linéarité, il est souhaitable qu’elle soit organisée, ou plus exactement subordonnée à des sous-axes qui fédèrent les éléments d’analyse du développement. Autrement dit, il est indispensable que l’énonciation de l’idée (le sous-axe) précède son illustration par la citation du passage. C’est en outre le meilleur moyen d’éviter la paraphrase. Ce ne sont donc pas les phrases du texte qui appellent de façon systématique un commentaire spécifique, au risque de tomber dans la répétition un peu vaine, mais au contraire les idées-clé d’un développement qui sont illustrées par les exemples choisis au fil des mouvements successifs du texte. Commentaires sur les textes proposés Si les précédents rapports pointaient parmi les défauts récurrents un certain « hypertechnicisme » rhétorique, ou encore l’utilisation abusive d’un jargon théorique très spécialisé, le jury aurait plutôt tendance à considérer cette année que les candidats ont surtout péché par insuffisance. Certains candidats ont en effet une vision extrêmement confuse de certains concepts, dont on ne sait si elle relève de l’ignorance du français ou de l’espagnol, ou même des outils fondamentaux de l’analyse. Des notions ou des concepts comme « le comique » ou « l’autobiographie », le vocabulaire d’analyse spécifique pour le théâtre ou la poésie, restent, semble-t-il, des plus flous pour certains candidats. Il est évidemment impossible de faire une bonne explication de texte sans s’appuyer sur un discours théorique et critique clair, précis et maîtrisé.

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De même, trop souvent, les candidats donnent l’impression qu’ils s’acquittent de la lecture comme d’une corvée. La lecture trop rapide, inexpressive, sans aucune pause (même lorsqu’elle est imposée par une didascalie et joue un rôle clé dans la scène étudiée) joue alors en défaveur du candidat, qui donne l’impression de lire quelque chose qu’il ne comprend pas vraiment, même après une assez longue préparation. Mais le jury a particulièrement apprécié certaines lectures vivantes et sensibles en particulier sur La casa de Bernarda Alba. Précisons que faire une lecture expressive implique également de choisir le bon « ton » : même lorsqu’il s’agit de théâtre, on ne lit pas un extrait de La casa de Bernarda Alba de Lorca comme on lit un extrait de El Hombre deshabitado d’Alberti. Tel candidat a ainsi lu le dialogue entre la Tentation et les Cinq Sens comme s’il s’agissait d’un banal échange entre jeunes madrilènes d’aujourd’hui, ce qui n’aidait guère à faire entendre la subtilité du texte d’Alberti. Le jury a également observé que nombre de candidats répartissent mal leurs efforts et passent sous silence des plages entières des textes, moins parce qu’ils manquent de temps que parce qu’ils opèrent une mauvaise sélection des éléments à commenter. Rappelons donc que les candidats sont aussi jugés sur leur capacité à ordonner et à hiérarchiser les éléments qui leur semblent appeler un commentaire. Dans le poème de Gelman, il fallait ainsi développer des trésors d’ingéniosité pour faire d’emblée des « Buñuelos de la tía Francisca » un symbole de lutte politique, de la Tía Francisca une victime de la répression, et du chat noir le symbole même de la dictature. Exemple caricatural d’une explication de texte qui n’a pas su s’émanciper du contexte dans lequel elle était proposée, « La memoria de la dictadura », alors même que le poème réactivait la douceur du souvenir d’enfance et la drôlerie de l’imaginaire enfantin. Bien sûr, dans un second temps, il était possible de montrer que, sur un mode mineur et tendre, ces souvenirs de malchance, drôles ou moins drôles, entraient en résonance avec le présent de la dictature et de l’exil, qui s’inscrivaient dès lors en creux, dans le silence du poème. Face à un texte, il faut savoir raison garder et éviter tout développement qui serait machinal ou « automatique ». Parfois, c’est encore le manque de culture générale qui a fait défaut et diminué les chances des candidats de se sortir de l’épreuve avec les honneurs : dans Nocturno de Chile de Roberto Bolaño, certains ont ainsi commenté l’enterrement de Pablo Neruda en pleine installation de la dictature au Chili comme une manifestation d’admirateurs bruyants (et non comme une manifestation « politique », une épithète que le narrateur se refuse précisément à employer), voire comme une manifestation des Mères de la Plaza de Mayo (!). C’est le même manque de culture générale qui a été à l’origine de contresens fâcheux sur Lautréamont (dont certains candidats ignoraient jusqu’à l’existence), sur Joselito el Gallo, décrit comme un héros des « fêtes espagnoles » (sans qu’il soit fait allusion à son métier de torero), ou encore sur Pénélope, qui est pour certains candidats une figure de la mythologie (et non un personnage de l’Odyssée). Dans d’autres textes, c’est la même confusion qui a ainsi transformé Santa Bárbara en « déesse », la torture en « stratagème », ou « el rengo » en patronyme (« el Señor Rengo »), alors qu’il s’agissait d’un simple adjectif (« cojo »). Dans le cas du texte de Bolaño évoquant l’arrivée du narrateur à Querquén, il va sans dire que l’explication gagnait à s’appuyer sur une solide culture générale contemporaine, en particulier cinématographique, qui permettait de mettre en évidence la dimension hautement parodique du passage proposé. Au-delà de la dimension rythmique du texte (alternance de rythmes binaires, ternaires et quaternaires) et de la permanence du motif du refrain (ici : « quién, quién, quién »), on pouvait donc montrer le jeu parodique avec les grands classiques du cinéma : Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock, Le Bal des vampires de Roman Polanski (pour l’arrivée à Là-bas), ou encore

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L’Exorciste de William Friedkin, puisque le texte s’achevait par la profération d’un nom mystérieux, le véritable nom de Farewell, qui servait de « mot de passe » : Lamarca (comme on dit justement « La marque… du diable »). Si le Lazarillo semble avoir été étudié avec sérieux par les candidats, il est apparu que ceux-ci éprouvaient de grandes difficultés à dépasser le stade des généralités pour proposer de véritables explications de texte, attentives à la lettre, aux jeux formels et rhétoriques, aux répétitions et aux dérivations, ainsi qu’à tout ce qui constitue la matérialité du texte littéraire. Inversement, le Buscón a semblé poser de réelles difficultés de compréhension aux candidats, alors même qu’il s’agissait d’un texte au programme, dont les subtilités et les nuances auraient dû être travaillées pendant l’année de préparation. En tout état de cause, les candidats doivent se garder de répéter les expressions toutes faites, les bribes de cours, ou les développements allusifs où rien n’est démontré. Il est ainsi regrettable que ne soit souvent fournie aucune référence interne ou externe à l’œuvre, voire au genre (on songe ici à ceux qui ont évoqué des « juegos conceptistas » ou bien « la maestría de la lengua » de Quevedo sans n’en livrer aucun exemple, même dans le passage concerné). L’explication n’est pas un vase clos, qui commencerait et finirait en elle-même. Commentaires sur la langue On ne saurait terminer sans rappeler qu’il est impossible de faire une bonne explication de texte en s’appuyant sur une langue fautive. De nombreux déplacements d’accents, qui plus est sur des mots simples ou courants (*atmosfera, *pajaros, *fúturas), font naturellement fort mauvaise impression sur le jury, qui attend que le candidat incarne une norme linguistique pour ses futurs élèves. A partir d’un nombre significatif de déplacements d’accents non corrigés, la note tend à chuter vertigineusement. De même, les barbarismes verbaux ( *había decido pour había dicho , para que *empece au lieu de para que empiece ), la non-maîtrise de la tournure emphatique ( c’est... qui... , c’est que... ), la confusion entre ser et estar et les fautes de prépositions ( llegar *en , aprendió *engañar , una tentativa *por , burlar *el ciego) sont rédhibitoires au niveau de l’agrégation. D’autres erreurs témoignent d’une méconnaissance grave de l’espagnol courant : Lázaro gana *su vida (au lieu de se gana la vida ) ; Lázaro *falta de comida (au lieu de pasa hambre, par exemple) ; la *crucificación (au lieu de la crucifixión ) ; podemos *relevar (au lieu de subrayar ) ; la *envergura (pour la envergadura ) ; *invaír (pour invadir). Conseils En guise de derniers conseils, nous rappellerons que l’épreuve d’explication de texte est bien une épreuve orale, et qu’il ne saurait être question de lire des notes, entièrement rédigées, d’un bout à l’autre de l’épreuve. Les candidats doivent apprendre à acquérir une véritable autonomie par rapport à leurs notes, car, arrivés devant leur classe, ils ne pourront dispenser des cours magistraux à leurs futurs élèves sans leur adresser un regard. Cette année encore, le jury a en vain cherché à croiser le regard de certains candidats, rivés à leurs notes, qui ne se souciaient guère de voir comment leur « discours » était reçu. Ce n’est pas là jouer le jeu de l’épreuve, et ces candidats ont été sévèrement sanctionnés. Comme le rappelait justement M. Olivier Biaggini dans le rapport de la session 2007, « il faut éviter de se lancer désespérément dans la rédaction d’un texte qui serait ensuite lu devant le jury : […] ce serait méconnaître la nature de l’exercice, qui consiste bien en une performance orale. La préparation sert à bâtir

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l’architecture générale de l’explication et à en poser les principaux jalons, mais l’explication reste un discours oral qui ne se réduit pas à cette ébauche et qui, parce qu’il se confronte sans cesse au texte commenté, s’élabore en situation et de façon essentiellement dynamique ». On rappellera aussi que l’explication de texte doit être adaptée à l’auditoire, et que, au niveau de l’agrégation, on ne s’adresse pas à un jury comme à une classe de quatrième (qui ne mérite pas davantage, du reste, qu’on s’adresse à elle avec la naïveté dont font preuve certains candidats). Les candidats sont donc invités à donner le meilleur d’eux-mêmes et à se départir d’une vision stéréotypée et enfantine de certaines réalités littéraires. Après des années passées sur les bancs de l’université, certains ont par exemple du poète une image bien naïve : « a un poeta normalmente no le interesa el sexo » ; « es normal que un poeta hable del cosmos » ; ou encore du rôle de l’auteur (« el engaño de Pablos le da al autor la ocasión de jugar con las palabras ») ; ou du public dans une représentation théâtrale (« el público sabe lo que va a ocurrir… »). L’oral est un exercice de communication entre adultes cultivés et l’agrégation un concours d’excellence académique. On attend donc des agrégatifs qu’ils aient une culture générale solide, une maturité intellectuelle probante, ainsi qu’une présentation correcte (ils seront pour leurs élèves un modèle d’adulte dans les années à venir). On attend également des agrégatifs qu’ils soient conscients des enjeux de ce concours particulièrement sélectif, c’est-à-dire qu’ils prennent au sérieux chacune des épreuves, en donnant à voir le meilleur d’eux-mêmes, au lieu de les vivre parfois comme un pensum dont il faudrait se débarrasser au plus vite. Si la décontraction et la désinvolture dont font preuve certains candidats n’est pas toujours du meilleur goût (rappelons qu’il n’est pas nécessaire de tutoyer le jury par un vosotros insistant et qu’il n’est pas davantage utile de le saluer en adressant un hola à la cantonade pour lui prouver son aisance), le jury est sensible aux qualités d’oral qui devraient être évidentes pour un futur enseignant : clarté, précision et conviction.

IV.3 Explication linguistique en français Rapport établi par M. Christian BOIX, Professeur à l’Université de Pau

Les chiffres

Note minimale : 00.50

Note Maximale : 18.00

Note minimale parmi les admis : 01.00

Note maximale parmi les admis : 18.00

Moyenne des 104 présents : 06.88

Moyenne des 48 admis : 09.35 Notes Nombre de présents Nombre d’admis < 1 >=1 et <2

2 10

0 2

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>=2 et <3 >=3 et <4 >=4 et <5 >=5 et <6 >=6 et <7 >=7 et <8 >=8 et < 9 >= 9 et <10 >= 10 et <11 >= 11 et <12 >= 12 et <13 >= 13 et <14 >= 14 et <15 >= 15 et <16 >= 16 et <17 >= 17 et <18 >=18 et <19 Absents

5 15 8 11 6 4 6 9 5 5 4 2 5 1 3 2 1 2

0 4 1 5 3 3 3 4 3 4 4 2 4 0 3 2 1 0

Les textes proposés

I. Arcipreste de Hita, Libro de buen amor, ed. G.B. Gybbon Monypenny, Madrid, Clásicos Castalia, 1989.

1. Strophes 1244-1249. Lecture et traduction des strophes 1245-1246.

Evolution des formes soulignées : inojo et pieça

2. Strophes 1404-1409. Lecture et traduction des strophes 1406-1407.

Evolution des formes soulignées : braços et onbros

3. Strophes 1429-1434. Lecture et traduction des strophes 1430-1431.

Evolution des formes soulignées : provecho et pies

4. Strophes 1437-1442. Lecture et traduction des strophes 1437-1438.

Evolution des formes soulignées : fanbre et tristeza

II. Lazarillo de Tormes, ed. Francisco Rico, Madrid, Cátedra, 2006

1. p.3, ligne 1 - p.8, ligne 3 (Yo por bien tengo… si fuera verdad?)

Lecture et traduction : p.6, ligne 4 (¿Quién piensa…) - p.8, ligne 3 (… si fuera verdad?)

Evolution des formes soulignées : peligro et perjuicio

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2. p.59, ligne 3 - p.60, ligne 20 (Mas como la hambre creciese… yo nunca empezaba.)

Lecture et traduction : p.59, ligne 3 (Mas como el hambre creciese…) - p59, ligne 12 (… agujeros.)

Evolution des formes soulignées : dubda et hecho

3. p.74, ligne 9 - p.76, ligne 16 (Desque fuimos entrados… muerte venidera.)

Lecture et traduction: p.74, ligne 9 (Desque fuimos entrados…) - p.75, ligne 8 (…para en cámara.)

Evolution des formes soulignées : ciudad et poyo

4. p.82, ligne 12 - p.84, ligne 11 (-Lázaro… lo que por Vós no sufrirán.)

Lecture et traduction : p.82, ligne 12 (-Lázaro…) - p.82, ligne 20 (… le daba de vestir.)

Evolution des formes soulignées : noche et hoy

III. F. García Lorca, La casa de Bernarda Alba, ed. M.F. Vilches, Madrid, Cátedra, 2006.

1. p.189, ligne 1 - p.193, ligne 15 (Habitación blanca… (pausa)).

Lecture et traduction : p.190, ligne 4 (Adela, ¿no vienes?...) - p.191, ligne 5 (…salir de este infierno.)

Evolution des formes soulignées : ojos et oído

2. p.208 , ligne 11 - p.211, ligne 24 (Entran Martirio… una gavilla de trigo.)

Lecture et traduction : p.211, ligne 12 (No hay alegría…) - p.211, ligne 24 (…Una gavilla de trigo.)

Evolution des formes soulignées : ajenos et cuidar

3. p.225, ligne 1 - p. 229, ligne 5 (Silencio digo… su padre fue gañán.)

Lecture et traduction : p.225, ligne 2 (Silencio digo…) - p.225, ligne 15 (… dela familia.)

Evolution des formes soulignées : cuchilla et hijos

4. p.265, ligne 1 - p.267, ligne 14 (Se va cantando… ¡Ranas sin lengua!)

Lecture et traduction : p.267, ligne 4 (Cuando mi vecina…) - p.267, ligne 14 (…¡Ranas sin lengua!)

Evolution des formes soulignées : oveja et sillas

Bilan et conseils

Le jury a été quelque peu déçu cette année en confrontant les résultats de l'an passé aux prestations de la session 2008. Alors même que le concours 2007 avait vu la moitié des

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candidats obtenir une note égale ou supérieure à 09 sur 20, ces derniers ne sont plus qu'un tiers à se hisser à ce niveau en 2008. Les raisons de ce recul ne sont pas toujours faciles à cerner, mais l'impression globale, malgré la présence de prestations de très bon niveau, est celle d'un apprentissage trop fréquemment de dernière minute qui a consisté en une mémorisation scolaire de quelques données de base. L'épreuve consiste, il faut le rappeler, à commenter d'un point de vue linguistique un extrait qui se veut un échantillon d'un état de langue, porteur de spécificités discursives locales (i.e. présentes dans le corpus proposé). La récitation plaquée de tranches théoriques souvent non pertinentes pour le texte considéré ne saurait se substituer à une réflexion fondée sur les cas intéressants qu'il recèle. Encore moins si la conduite de l'exposé montre à l'évidence que ce qui a été appris n'est pas compris : il arrive que des candidats citent à l'appui de leur développement tel ou tel article de tel auteur tout en dénaturant totalement le propos de ce dernier… La préparation du concours de l'agrégation s'accommode difficilement d'un travail à ce point superficiel. On conseillera donc en tout premier lieu aux candidats de considérer que les matières des épreuves orales comptent tout autant que les autres et qu'il vaut mieux s'y préparer dans la durée et la progressivité si l'on veut y obtenir des notes qui ne se transformeront pas en un handicap à l'heure des comptes ultimes fondant le classement des heureux élus.

Au-delà de cette observation générale, venons-en à des conseils plus spécifiques. Rappelons tout d'abord que l'épreuve proprement dite dure au maximum 45 minutes et que les candidats ont 30 minutes maximum pour leur exposé. S'il ne sert à rien de chercher à tout prix à utiliser la totalité de ce temps, le défaut inverse est à éviter : certains candidats expédient en 15 minutes leur prestation et ne traitent qu'un petit nombre d'aspects, alors même que leur approche n'était pas dénuée d'intérêt. En linguistique comme dans les autres épreuves, la gestion du temps est primordiale. En amont de la rencontre avec le jury, il faut également savoir utiliser au mieux le temps de préparation (1h30). Les candidats doivent s'entraîner, durant l'année, à tirer le meilleur parti des documents mis à leur disposition : les dictionnaires (espagnol, latin, étymologique), l'ouvrage dont est tiré l'extrait avec son appareil critique, sont des sources d'information utiles. Le jury a vu des candidats se tromper d'étymon à l'heure d'entamer l'étude de phonétique diachronique, peut-être parce qu'ils ne savaient pas manier le dictionnaire de Corominas. Certains contresens de traduction auraient été facilement évités en recourant aux notes dans le Lazarillo de Tormes ou au glossaire du Libro de Buen Amor. En résumé, il relève de la responsabilité de chacun de se familiariser avec ces outils en cours d'année pour les mettre en œuvre le jour J, pour acquérir des savoir-faire qui permettront de dépasser la stricte récitation d'un savoir désincarné. Enfin, toujours dans cette perspective, la traduction est souvent révélatrice de certains travers. Connaître les finesses d'un état de langue est destiné à comprendre celle-ci dans toute la profondeur de son fonctionnement et donc à être en mesure d'en appréhender le sens avec précision. Le jury est resté perplexe, parfois, devant certaines traductions qui démontraient que l'on peut réciter en détail un cours sur les parfaits forts sans comprendre la lettre du texte et en le traduisant dans un charabia dépourvu de sens en français. Travers d'autant plus gênant lorsqu'il concernait des textes issus des œuvres du programme : il n'y a pas que l'épreuve de linguistique qui requiert de comprendre précisément les textes à commenter ou à partir desquels on prétend disserter. Et toute démarche qui oublie ce premier pas est coupable d'illogisme ou à tout le moins de négligence. En tout cas, l'aide des dictionnaires présents dans la salle de préparation auraient pu suffire à porter remède à ces insuffisances, pourvu qu'on soit rompu à leur utilisation.

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Pour aborder ce qui fait le corps de l'épreuve de l'explication linguistique, rappelons que le jury n'a aucune idée préconçue. Aucun plan spécifique n'est exigé, aucune rubrique n'est absolument obligatoire, sauf bien entendu celle de la « figure imposée » de l'évolution des mots soulignés dans le texte. Pour ces derniers, n'importe quel candidat, même isolé lors de sa préparation, peut trouver dans des manuels courants ou dans le Manual de gramática histórica española de R. Menéndez Pidal le savoir suffisant : d'autant que les mots choisis sont toujours des « cas de figure classiques », dépourvus de pièges, qui illustrent les grandes lois de l'évolution phonétique. Ajoutons également qu'aucune approche théorique n'est imposée pour aborder les points librement choisis : le jury a pour seul critère de jugement la pertinence des phénomènes envisagés dans l'extrait proposé et celle des explications fournies, quelle que soit la démarche empruntée. Mais dans tous les cas cela signifie qu'un agrégé doit posséder des connaissances puisées dans divers domaines constitutifs de la linguistique : graphie, phonétique, phonologie (on s'abstiendra de confondre ces trois domaines au cours des explications), morphologie, syntaxe, sémantique lexicale, démarches pragmatique et conversationnelle, linguistique discursive et de l'énonciation, etc. Pour la construction de l'exposé, on pourra par exemple suivre l'organisation proposée dans le rapport 2007 par Marie-France Delport et nous renvoyons les candidats aux conseils très utiles et précis qu'elle y donne. On pourra également songer à nourrir ce canevas, notamment pour l'œuvre moderne figurant au programme de l'agrégation 2009, de remarques empruntant à des horizons théoriques cités plus haut. L'emploi des pronoms personnels sujets, par exemple, obéit à la logique d'un échange conversationnel et il est pertinent de le montrer, en sus de la simple récitation du caractère facultatif du pronom sujet en espagnol parce que la marque de la personne est contenue dans le verbe. L'insistance et/ou le positionnement dans le face à face interlocutif n'expliquent pas tous les cas non plus : les notions de thème et de rhème, de foyer et de présupposition peuvent éventuellement compléter les bases précitées. En outre, on remarquera que les personnages de La Casa de Bernarda Alba s'affrontent, argumentent et utilisent pour ce faire les ressources pragmatiques de la langue (connecteurs, opérateurs, réévaluateurs, modalisateurs, marqueurs conversationnels, types d'actes de langage, …) : ces dernières ont fait l'objet de nombreux travaux de la part des chercheurs espagnols et français et il serait dommage de s'en priver. De même et pour donner un autre exemple, l'emploi fréquent de proverbes dans le discours des personnages peut donner lieu à une réflexion sur les caractéristiques linguistiques de cette forme discursive. Enfin, comme l'ont d'ailleurs très bien fait certains candidats cette année, on peut étudier les réseaux issus de la configuration des champs lexicaux d'un texte. Ce ne sont là que quelques pistes, non exhaustives et non obligatoires répétons-le, qui sont bien évidemment liées à la pertinence qu'elles peuvent revêtir dans le texte proposé : l'exercice est un commentaire linguistique de texte, il faut bien s'en convaincre. Ce qui revient à dire que l'extrait/corpus que les candidats ont sous les yeux n'est pas à considérer comme une liste de mots dont on pourrait extraire quelques items au hasard pour caser un « topo » qui ne répond à aucune question ou problématique localement fondée. Ainsi, parler de l'assourdissement du XVIe pour expliquer le système phonologique de l'espagnol contemporain n'est guère productif, on pourra s'en passer (alors que ce peut être un aspect intéressant pour des époques antérieures) : mieux vaut s'en tenir aux évolutions qui fondent aujourd'hui sa spécificité, ou à certaines tendances actuelles dans la distribution des phonèmes. En résumé, le maître-mot en la matière est le choix pertinent des phénomènes et ce, quel que soit le niveau linguistique abordé.

Peut-être le programme linguistique de la prochaine session, exclusivement constitué de deux œuvres du programme (La Celestina et La casa de Bernarda Alba), permettra-t-il

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aux candidats de réfléchir, tout au long de l'année de préparation, à cette épreuve qui doit être abordée avec tout le soin nécessaire. Son exigence et sa rigueur ne constituent aucunement un obstacle insurmontable, comme l'ont largement prouvé les bonnes prestations que le jury a pu entendre cette année et comme en attestent les résultats généraux fort satisfaisants des années antérieures. Les futurs candidats doivent simplement s'attacher à suivre une méthode de travail harmonieusement répartie sur l'année et partir du principe que le concours de l'agrégation est un tout (écrit et oral) qui requiert une égale distribution de l'effort, toutes matières confondues.

IV.4.1 Epreuve de catalan (option) Rapport établi par Monsieur Pierre Gamisans, Maître de conférences à l’Université Toulouse II Le Mirail

a/ Les chiffres 29 des candidats qui avaient choisi l’option catalan à l’oral ont été

admissibles. 27 se sont présentés à l’épreuve, 12 d’entre eux ont été admis. La moyenne générale des présents est de 08,45 / 20 ; celle des admis est de 09,77 / 20.

Notes Nombre de présents Nombre d’admis < 1 >=1 et <2 >=2 et <3 >=3 et <4 >=4 et <5 >=5 et <6 >=6 et <7 >=7 et <8 >=8 et < 9 >= 9 et <10 >= 10 et <11 >= 11 et <12 >= 12 et <13 >= 13 et <14 >= 14 et <15 >= 15 et <16 >= 16 et <17 >= 17 et <18 >=18 et <19 Absents

0 0 0 3 2 3 4 1 2 2 2 3 0 1 2 1 1 0 0 2

0 0 0 1 0 1 1 1 2 1 1 0 0 1 1 1 1 0 0 0

b/ Textes proposés

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De l’œuvre au programme Pedra de tartera de Maria Barbal, Barcelone, Ed. La Magrana, 2005, les textes suivants ont été proposés :

1/ P.94 « Tornem a ser al camió. » à p.96 « Silencio y a dormir ».

Commentaire du passage. Lecture et traduction de « Només nosaltres… » à « …de moment ».

2/ P.45 « Eren lluny les llàgrimes… » à p.47 « … ens rescabalava de qualsevol amarra ». Commentaire du passage. Lecture et traduction de « Deixava les coses… » à « …qualsevol amarra ».

3/ P. 74 « Aquells dies, treballs de veure el Jaume. » à p. 75 « …aquí en trobo moltes ! ». Commentaire du passage. Lecture et traduction de « S’havia apuntat… » à « …tot ho faig per bé ».

c/ Remarques La lecture, pour laquelle on rappellera que les modalités régionales sont

admises, a été trop souvent insuffisante ou médiocre. La plupart des candidats a ainsi perdu l’occasion de prendre quelques points qui ont pu s’avérer précieux lors du décompte final pour ceux d’entre eux qui ont mené à bien l’exercice. Pour un grand nombre, s’il est vrai que les règles de base sont généralement connues, le défaut, voire l’absence de pratique de la lecture, handicape les candidats. Le jury, qui n’ignore pas le temps limité imparti à la préparation de l’épreuve dans nos universités, tient toutefois à attirer l’attention des préparateurs sur la nécessité de consacrer régulièrement un espace minime à cet exercice dans le cadre de leur cours. Les erreurs les plus courantes, en catalan oriental (barcelonais), modalité régionale la plus étendue et généralement choisie par les candidats, sont les suivantes :

- les voyelles atones, notamment le « e » ou le « o » sont prononcées comme si elles étaient toniques. A l’inverse le « o » tonique est parfois lu comme s’il était atone.

- la fermeture ou ouverture de « e » ou « o » toniques n’est pas restituée. - les liaisons entre deux mots qui commencent et finissent respectivement par

des voyelles sont souvent mal négociées. On rappellera, à titre d’exemple, qu’un « e » ou un « a » atone en début ou fin de mot, au contact avec une voyelle, tonique ou atone, d’un autre mot, s’amuït [no (e)m diguis, cas(a) oberta].

-le « r » final des infinitifs qui s’amuït, sauf devant les pronoms enclitiques, est prononcé. D’une façon générale les « r » finaux n’ont guère été bien négociés.

- le « s » sonore entre deux voyelles est prononcé sourd. - le « ll » final n’est pas palatalisé. - le « t » final qui s’amuït après un « m » ou un « l » a été prononcé. - le digramme « ny » est mal prononcé en position finale. Quelques candidats ont fait une lecture non seulement correcte mais

expressive : ils en ont été récompensés. La traduction avait pour objet des passages qui présentaient dans l’ensemble

un lexique courant. Cependant, beaucoup de candidats ont été gênés par le caractère oralisant du discours narratif au point de commettre parfois des contresens. On a constaté également des erreurs sur les personnes et les temps verbaux, des maladresses et des faux sens sur des expressions lexicalisées, pourtant courantes et peu nombreuses (par exemple no tinc gana , que de nombreux candidats ont traduit par « je n’ai pas envie »). Dans certains cas le texte est compris mais il y a dans la traduction des

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maladresses et des incorrections, notamment sur certaines expressions lexicalisées, que l’on ne devrait pas rencontrer à ce niveau. Ainsi donc la possibilité offerte aux candidats de bénéficier d’un dictionnaire unilingue catalan pendant le temps de préparation de l’épreuve, pas plus que l’existence, cette année, d’une traduction française de l’œuvre au programme ne doivent les inciter à se dispenser de faire l’effort de s’assurer que le sens de la totalité de la lettre du texte leur est acquis.

Le commentaire implique certaines exigences que l’on rappellera : il

convient de situer précisément le passage proposé dans l’œuvre, ce dont les candidats se sont généralement bien acquittés démontrant par là leur connaissance globale de la trame du roman au programme cette année. Les connaissances sur l’œuvre et sur l’univers culturel dans lequel elle s’inscrit, nécessaires, doivent aider les candidats dans leur analyse mais en aucun cas la remplacer ou les conduire à une lecture monolithique et aprioriste faisant bon marché de la singularité du passage proposé. On leur conseillera également de contrôler leur discours aussi bien quant à son contenu qu’à sa forme : il faut avoir une bonne maîtrise des termes – techniques notamment- que l’on emploie et il convient de s’exprimer dans un français lexicalement, syntaxiquement et phonétiquement (problème des liaisons parfois mal négociées) correct et, si faire se peut, élégant. D’autre part, on ne perdra jamais de vue que l’interprétation du passage soumis à la réflexion du candidat doit se construire sur l’analyse la plus serrée et la plus rigoureuse possible de ce qui constitue la matière même de l’objet à analyser, à savoir l’écriture sous ses multiples aspects (lexique, syntaxe etc. …). On veillera aussi à mettre en rapport, à articuler les différentes observations – toujours justifiées par l’analyse de texte- afin de proposer au jury une interprétation globale, claire et cohérente. Celui-ci a pu récompenser les candidats qui se sont approchés de l’objectif que l’on vient de décrire, mais trop de prestations sont restées superficielles et imprécises dans leurs analyses et dans le maniement des termes utilisés pour les mener à bien : insuffisante attention portée à la lettre du texte, lexique rhétorique mal maîtrisé, sens erroné de certains concepts employés, confusion terminologique dans la description des différentes formes de discours rapporté, élément pourtant omniprésent dans le discours narratif de Pedra de tartera, erreurs d’interprétation du fait d’une compréhension déficiente de la lettre du texte… Telles sont les carences le plus fréquemment relevées.

IV.4.2 Epreuve de latin (option) Rapport établi par M. Pierre Cordoba, Maître de Conférences à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV)

Le nombre de latinistes présents à l’oral au concours 2008 était de 28 sur un total de 106 admissibles, Parmi les candidats déclarés admissibles au terme de l’écrit, il n’y en a donc eu que 26,4 % à choisir l’option de latin. Ce chiffre est en recul sensible par rapport à celui de l’an dernier (33 latinistes sur 107, soit 30,8%). Or le chiffre de 2007 était déjà fort bas par rapport à celui de 2006, où il y avait 41 latinistes pour 111 admissibles, soit 36,9% du total. Il est vrai que le « cru » 2006 était assez exceptionnel (y compris dans certains aspects négatifs) et que si l’on remonte plus loin dans le passé, on constate une évolution en dents de scie : 25,5% en 2003, 33,6% en 2004 et 28,5% en 2005. On évitera donc de sombrer dans le pessimisme : trop d’aléas interviennent dans un concours comme l’agrégation et les chiffres sont trop petits pour en tirer des conclusions valables sur le plan statistique. Sauf si la situation devait se dégrader de façon continue dans les prochaines années, il convient plutôt de se féliciter du fait que

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l’agrégation d’espagnol ne souffre pas vraiment de la baisse des effectifs qui se poursuit dans le secondaire. Cette médaille a cependant son revers : elle signifie que l’agrégation devient de plus en plus « élitiste » puisque les latinistes sont très loin de constituer le tiers des effectifs lycéens. Avoir fait du latin dans le secondaire représente, sans aucun doute, un atout pour les hispanistes. Non seulement parce qu’ils sont, comparativement au nombre de bacheliers, bien plus présents que les autres à l’oral de l’agrégation mais parce qu’ils y réussissent mieux : 18 admis sur 48 en 2008 (soit 37,5% du total), 21 sur 55 en 2007 (38,2%), 17 sur 55 en 2006 (31%), 20 sur 55 en 2005 (36,4%), 23 sur 55 en 2004 (41,8%), 24 sur 83 en 2003 (28,9%). A la seule exception de l’année 2006, dont nous avons déjà signalé qu’elle constitue un hapax dans la série, les résultats finaux sont toujours supérieurs à ce qu’on attendrait d’une répartition « équitable » entre les différentes options : 3,4 points d’écart à l’avantage des latinistes en 2003, 8,2 en 2004, 7,9 en 2005, 7,4 en 2007 et 11,1 en 2008. Il n’y a plus ici d’évolution en dents de scie mais une constante qui semble se confirmer d’une année sur l’autre et qui ne peut avoir qu’une seule explication : les latinistes ont globalement de meilleures notes sur l’ensemble des épreuves. Les résultats détaillés de la session 2008 nous obligent cependant à introduire une importante réserve – qui figurait d’ailleurs déjà dans le rapport précédent. Il convient pour cela d’analyser le tableau suivant :

Notes Nombre de présents Nombre d’admis < 1 2 0

>= 1 et < 2 1 0 >= 2 et < 3 2 0 >= 5 et < 6 3 1 >= 7 et < 8 1 0

>= 10 et < 11 2 2 >= 11 et < 12 3 1 >= 13 et < 14 7 7 >= 14 et < 15 1 1 >= 16 et < 17 1 1 >= 17 et < 18 3 3 >= 18 et < 19 2 2

On constate d’abord que la moyenne de l’épreuve s’établit à 10,45, ce qui est à la fois une note élevée dans le contexte de l’oral et une note stable d’année en année : 10,27 en 2005, 10,36 en 2005, 10,1 en 2007 (avec toujours une exception en 2006 où la moyenne était très élevée : 12,85). On n’en conclura pas pour autant que les latinistes sont favorisés. Car cette bonne moyenne « cache » des résultats extrêmement contrastés selon les candidats. L’écart-type de l’épreuve est en effet cette année de 5,56. Il était de 5,68 l’an dernier. De tels écarts-type sont, de fort loin, supérieur à celui de toutes les autres épreuves de l’oral. Cela signifie que le latin est très « discriminant » : il favorise les meilleurs mais défavorise les plus faibles.

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Qu’en conclure à l’usage des futurs candidats ? D’abord qu’il vaut mieux ne pas choisir le latin si l’on n’a pas un bon niveau de départ. On ne s’improvise pas latiniste en un an à partir de vagues souvenirs d’une initiation au collège, au lycée ou en première année d’université : il faut en avoir fait de façon sérieuse pendant plusieurs années pour avoir une chance. Il semble inutile de s’appesantir sur ce point car l’insistance des différents rapports depuis de longues années a fini par avoir des résultats positifs : la très grande majorité des candidats a « intégré » cette évidence et on n’assiste plus à ces naufrages pathétiques qui étaient autrefois particulièrement nombreux. Il convient en revanche de souligner un autre aspect des choses : il ne suffit pas d’avoir des bases solides en latin – ce qui est aujourd’hui le cas de la très grande majorité des candidats –, il faut aussi travailler le texte au programme de façon régulière et approfondie tout au long de l’année. On n’oublie pas vraiment le latin, les connaissances reviennent facilement. Encore faut-il les faire « revenir » et c’est une opération qu’il est impossible de mener à bien à la va-vite, au dernier moment. Les notes les plus mauvaises (moins de 3 sur 20) ont été attribuées à des candidats qui auraient sans doute obtenir un bien meilleur résultat s’ils avaient consacré le temps nécessaire à bien préparer cette épreuve. Les candidats ont été interrogés sur les passages suivants des Satires de Juvénal :

1. Satire I : vers 45-68 2. Satire 3 : v. 226-248. 3. Satire 10 : vers 90-113

Le déroulement de l’épreuve n’a pas changé et les rapports précédents gardent toute leur actualité : le candidat prépare en une heure, avec le Gaffiot, un passage photocopié d’environ 25 lignes (ou vers). Lorsqu’il se présente devant le jury, on lui indique un bref passage à lire, avant tout afin d’évaluer la cohérence de cette lecture du point de vue du sens. Cette lecture doit donc être aussi expressive et vivante que possible tout en respectant les règles essentielles de la prononciation restituée qu’on rappelle brièvement : la voyelle u se prononce toujours /u/ et jamais /y/, qui doit être réservé à la prononciation du y ; les séquences qu et gu s’énoncent toujours /kw/ et /gw/ ; les occlusives c, g et t se prononcent /k/, /g/ et /t/ en toute position ; la sifflante s est toujours sourde, puisque la sonore z ne sert que dans les emprunts au grec. Le candidat est libre de procéder à cette lecture en ouverture, ou bien après avoir introduit le passage. Après l’introduction, qui doit situer le texte et annonce ses caractéristiques majeures, le candidat doit proposer une traduction personnelle du passage, en s’efforçant d’indiquer la construction des unités de sens qu’il restitue (traduction par groupes organiques de mots) et en veillant à donner au jury le temps de prendre sa version sous sa dictée. Il propose ensuite un commentaire du passage, articulé autour des axes qui lui semblent pertinents. Libre choix est laissé au candidat entre une explication linéaire et un commentaire synthétique. Mais comme la traduction prend, pour des raisons évidentes, une place beaucoup plus importante qu’en catalan ou en portugais et que, arrivés à cette dernière partie de l’exposé, la plupart des candidats disposent de fort peu de temps, l’explication linéaire, si elle n’est pas exclue, est d’une réalisation relativement improbable. Quoi qu’il en soit, une bonne prestation doit laisser la place qu’elle mérite à l’analyse du texte : l’épreuve de latin est aussi une épreuve littéraire (où cette année, comme la précédente, certains aspects historiques ne pouvaient être négligés) et on ne peut espérer obtenir une très bonne note si cette dernière partie est

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sacrifiée et liquidée en deux ou trois minutes. Cela suppose que la traduction soit non seulement exacte mais assez rapide : encore une fois, un tel résultat ne peut être atteint si le candidat n’a pas au départ des bases solides en latin et s’il n’a pas travaillé la totalité du texte tout au long de l’année. Ultime précision à cet égard : le temps dont disposent les préparateurs pendant l’année universitaire ne permet pas en règle générale de traduire tout le texte pendant les heures qui lui sont dévolues – d’autant plus qu’ils doivent aussi donner des indications assez fournies pour le commentaire et qu’ils avancent assez lentement au début. C’est donc aux candidats de pallier cette insuffisance en y consacrant l’effort nécessaire. Avec une édition bilingue, un dictionnaire et une grammaire, ce travail personnel ne peut pas présenter de difficultés majeures pour un latiniste ayant le niveau minimal requis. Il suffit d’accorder le temps qu’il faut à cet aspect de la préparation. Rappelons enfin que, au terme de sa prestation, le candidat est invité à s’entretenir avec le jury, qui va en priorité l’interroger sur sa traduction pour l’aider à l’améliorer. Le jury ne négligera pas pour autant le commentaire si ce dernier est suffisamment développé pour donner lieu à reprise ou si le jury estime que, pressé par le temps, le candidat aurait pu développer certains points qu’il s’est limité à indiquer. Comme dans l’ensemble des épreuves, le jury s’interdit cependant de poser des questions sur des aspects du texte qui n’auraient pas du tout été évoqués par le candidat. Au cours de cette reprise le jury ne posera donc aucune question directe sur la métrique, pas plus d'ailleurs qu'il ne pose de questions directes de grammaire (réciter une déclinaison ou une conjugaison par exemple). S’il est amené à poser une question sur la métrique lorsque le texte est en vers, comme c’était le cas cette année, c’est toujours pour aider le candidat à rectifier une construction fautive (typiquement le Ā long et le Ă bref). Une ignorance sur la métrique ne se rajouterait pas en pareille circonstance à un éventuel contresens. Mais sa connaissance permettrait de rectifier, ce qui est loin d’être négligeable. Par manque de temps et par principe, la reprise s’appuie donc seulement sur ce qu’a dit le candidat. Elle vise à obtenir quelques précisions supplémentaires ou la rectification d’erreurs éventuelles. Mais on ne remet pas en cause la perspective adoptée et on ne cherche pas à aborder au dernier moment des points qui ne l’auraient pas du tout été au cours de l’exposé. Cette règle joue en particulier pour le commentaire. On ne multipliera pas les questions pour faire découvrir au candidat des aspects du texte qui seraient passés totalement inaperçus. Cela signifie qu’un commentaire trop bref, paraphrastique ou se contentant d’énumérer quelques lieux communs sur l’œuvre, ne donnera guère matière à discussion. Il faut donc consacrer une partie relativement importante du temps de préparation à une réflexion un peu approfondie sur le passage à commenter. C’est ce qui semble avoir manqué cette année à des candidats assez nombreux. Le jury a beaucoup insisté lors de rapports précédents sur le fait que la traduction doit être assez rapide pour laisser 12 ou 13 minutes au commentaire. C’est ce qu’ont fait la plupart des candidats. Encore faut-il avoir quelque chose à dire pour « meubler » le temps ainsi dégagé. Or trop souvent des candidats qui disposaient du temps nécessaire pour proposer un commentaire à la fois pertinent et étoffé n’en ont rien fait. Ils ont bouclé l’ensemble de l’épreuve en une vingtaine de minutes, laissant le jury sur sa faim. Il est évident qu’un commentaire ne s’improvise pas plus qu’une traduction. Là encore c’est pendant l’année qu’il aurait fallu préparer de façon convenable cette partie de l’épreuve. Faut-il ajouter que les textes de l’Antiquité classique ont été l’objet, comme tous les autres et depuis fort longtemps, de nombreuses études critiques ? Il ne

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semble pas absurde d’avoir pris connaissance de cette bibliographie – au moins en ce qui concerne les études les plus importantes – avant de se présenter à l’oral. L’œuvre au programme du concours 2009 est Les Métamorphoses d’Apulée. Pour ne pas surcharger les candidats seuls les deux premiers livres ont été retenus. Il n’est évidemment pas interdit de lire l’ensemble de l’ouvrage, au besoin en français, et au moins le Livre III qui raconte la fin de l’épisode sur lequel se clôt le Livre II et la métamorphose du personnage en âne : il est difficile sans cela de comprendre le projet littéraire d’Apulée. Mais sans doute un tel conseil est-il superflu : la simple curiosité des candidats devrait suffire.

IV.4.3 Epreuve de portugais (option) Rapport établi par Madame Tereza Caillaux de Almeida, professeur agrégée de portugais (A cadémie de Nancy).

Les chiffres

Cette année, 49 candidats avaient choisi l'option de portugais. Ils étaient tous présents et 18 d'entre eux ont été admis, dont 9 avec une note supérieure ou égale à 10/20 dans cette option. La moyenne des présents est de 9,14 / 20 et celle des admis de 10,17/ 20. Notes Nombre de présents Nombre d’admis < 1 >=1 et <2 >=2 et <3 >=3 et <4 >=4 et <5 >=5 et <6 >=6 et <7 >=7 et <8 >=8 et < 9 >= 9 et <10 >= 10 et <11 >= 11 et <12 >= 12 et <13 >= 13 et <14 >= 14 et <15 >= 15 et <16 >= 16 et <17 >= 17 et <18 >=18 et <19

0 0 1 1 6 3 2 2 8 4 4 4 8 2 1 2 0 1 0

0 0 1 0 0 0 2 0 5 1 1 2 2 2 0 1 0 1 0

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Textes proposés

Six extraits de l'œuvre de Sophia de Mello Breyner Andresen, Contos Exemplares (Lisboa, Figueirinhas, 36e éd., 2006), ont été proposés aux candidats. D'une longueur variant entre trente-cinq et quarante lignes, ils ont été soumis aux candidats dans un ordre aléatoire :

- p. 45-46 : de “ A casa era grande ” à “ da sua razão ”.

Lecture et traduction de “ A casa era grande ” à “ ficavam roxos ”.

- p. 64-65 : de “ O jantar estava a chegar ao fim ” à “ donos do Mundo ”.

Lecture et traduction de “ O jantar estava a chegar ao fim ” à “ o problema do tecto ”.

- p. 91-92 : de “ A estrada ia entre campos” à “ percorrido de murmúrios ”.

Lecture et traduction de “ Árvores, campos, casas ” à “ da beira da estrada ”.

- p. 111-112 : de “ Mónica é uma pessoa tão extraordinária ” à “ todos os percursos ”

Lecture et traduction de “Mas a santidade é oferecida ” à “ todos os percursos ”.

- p. 133-134 : de “ Era um pouco antes do pôr do Sol ” à “ alegria da terra ”.

Lecture et traduction de “ Não posso repetir ” à “ alegria da terra ”.

- p. 161-162 : de “ Caminhava num país ” à “ o fundo do mar da cidade ”.

Lecture et traduction de “ Desceu pelas ruelas ” à “ os que gemiam ”.

Déroulement de l'épreuve

L'épreuve de portugais comprend trois exercices - la lecture, la traduction et l'explication de texte - et elle se déroule en deux temps : la préparation et le passage devant le jury.

Les candidats disposent d'une heure pour préparer l'ensemble de l'épreuve. Ils peuvent consulter, s'ils le souhaitent, le dictionnaire unilingue Aurélio. En revanche, ils n'ont pas accès à l'ouvrage au programme ; le texte à commenter leur est donné sous forme de photocopie, au bas de laquelle se trouvent signalés les passages à lire et à traduire.

La prestation face au jury dure 45 minutes maximum, à savoir 30 minutes maximum de présentation du travail préparé et 15 minutes maximum d'entretien avec le jury.

Le candidat est invité à annoncer, dès le début de sa prestation, la norme choisie - portugaise ou brésilienne - pour la lecture et pour les citations du texte. Pendant sa présentation, le candidat, dans l'ordre qui lui convient, doit lire et traduire les passages indiqués par les consignes et commenter l'intégralité de l'extrait en suivant la méthodologie, au choix, du commentaire composé ou de l'explication linéaire. A noter que le jury prend la traduction sous la dictée, ce qui implique qu'elle soit lue lentement.

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Au moment de l'entretien, le jury interroge les candidats sur les points de leur prestation qui nécessitent des éclaircissements ou un approfondissement, ce qui permet de rectifier toute maladresse survenue lors de la présentation.

Remarques

1. Lecture

Chaque candidat devait lire un extrait d'une dizaine de lignes, dûment indiqué sur le document de travail. Le jury, en acceptant les normes brésilienne et portugaise, exige toutefois qu'une cohérence soit respectée, ce qui n'a pas toujours été le cas. En effet, certains candidats, dans une même phrase, chuintaient des s finaux et pas d'autres. Parfois aussi, la prosodie ne correspondait pas à celle de la norme annoncée.

Les hispanismes ont été fréquents aussi bien pour le passage signalé que pour les citations du texte. Ils donnent l'impression au jury que le candidat prend le portugais en option pour sa proximité avec l'espagnol mais que la connaissance de cette langue reste très limitée. Pour certains candidats, lorsqu'un effort a été fait dans le sens d'un respect des règles de prononciation, la lecture s'est trouvée hésitante, hachée. Or, une lecture expressive constitue le premier indice d'une bonne compréhension du texte et présage d'un commentaire de qualité. Voici quelques exemples vérifiés par les deux jurys :

• « barrio » au lieu de « bairro », « ahora » au lieu de « agora » et « mismo » au lieu de « mesmo ».

• Le b prononcé comme un v : « vispo » au lieu de « bispo ».

• L'utilisation des articles définis « la » et « el » au lieu respectivement de « a » et « o ».

• Mauvaise prononciation du s intervocalique ou en début de syllabe, que l'on doit sonoriser : « Balta[z]ar », et non Balta[s]ar ; O Dono da « Ca[z]a » et non « O Dono da Ca[s]a ». A noter que le s final est considéré intervocalique lorsque le mot suivant commence par une voyelle. Dans ce cas il devient sonore et donne lieu à un phénomène de liaison : « muito[z] anos », « o[z] espaços ».

De nombreux gallicismes ont été relevés également, tels que :

• L'accentuation des mots paroxytons comme s'ils étaient oxytons : « buxo » et « lado », ont été accentués sur la dernière syllabe et non sur la pénultième.

• La diphtongue ou a été prononcée [u] au lieu de [o] : « poisou », « olhou ».

• Prononciation du m final, alors que sa présence ne sert qu'à nasaliser la voyelle qui le précède : les -am de « gritavam, choravam, gemiam » doivent se prononcer comme la diphtongue -ão de « pão » même si, bien entendu, la syllabe est atone.

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• La conjonction de coordination « e » émise comme son équivalent français alors qu'elle doit être prononcée comme la lettre i.

2. Traduction

Les candidats devaient traduire un passage d'une dizaine de lignes destiné également à la lecture.

L'exercice de traduction, qui rend compte des connaissances du candidat sur la langue portugaise, révèle également son degré de compréhension de l'œuvre. En effet, certaines acceptions d'un mot dépendent du contexte dont l'ignorance ne saurait être palliée par le dictionnaire unilingue. Par ailleurs, cette épreuve requiert une bonne maîtrise de la langue française afin que le rendu soit authentique. Il est conseillé, pendant l'heure de préparation, de reprendre la traduction un peu après l'avoir faite (par exemple, après avoir préparé l'explication de texte). La relecture, distancée du texte d'origine, peut aider les candidats à mieux se rendre compte des inexactitudes en français comme celles-ci :

• Temps verbaux :

o Méconnaissance du plus-que-parfait dans sa forme simple : « subira » traduit par l'imparfait « montait ».

o L'imparfait traduit par le présent : « reuniam » traduit par « réunissent ».

• Lexique :

o Mauvaise traduction, sans aucune logique avec le texte, d'un lexique pourtant courant : « longe de » traduit par « le long de » au lieu de « loin de »

o Méconnaissance du mot « grilheta » (« fers aux pieds ») alors qu'il existe un mot similaire en espagnol classique, à savoir, « grillos ».

o Faux-amis : confusion entre « puxar » (« tirer ») et « pousser » alors que le contexte ne laissait pas de doute quand au sens de l'action ; « o Poente » traduit par « le pont » alors que le terme « Ponant » existe en français ; la couleur violette, « roxo », traduite par « rouge » par influence de l'espagnol.

o Le mot « chiquíssima », qui caractérisait Mónica, hors traduction mais en citation, a donné lieu à un contresens lors de l'explication de texte : le superlatif de « chic » est devenu un diminutif de « chica » et la grande dame a été considérée comme une petite fille timide.

Outre les connaissances de la langue portugaise et de l'œuvre au programme, les candidats doivent faire preuve d'une bonne maîtrise de la langue française pour ne pas commettre des erreurs de style, de registre ou d'expression telles que :

• « ceux qui chargeaient les caisses », « les dockeurs du quai » pour « les dockers ».

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• « les vergers d'orangers » pour « orangeraies ».

• « Dans le petit salon » était plus approprié que « dans une petite salle » pour traduire « para uma pequena sala » puisqu'il s'agissait d'un lieu pour prendre le café après le dîner. La préposition « para » traduite par « vers » était inappropriée car elle donnait plus d'importance au trajet qu'à l'action qui allait se dérouler dans le petit salon.

Un dernier conseil aux candidats, relatif à cet exercice, concerne les éditions de traduction des œuvres au programme, sur lesquelles il est parfois imprudent de s'appuyer. Souvent de bonne qualité, ces traductions sont réalisées dans une autre perspective que celle d'un concours. En effet, leurs auteurs peuvent se permettre de prendre des libertés avec le texte car ils n'ont pas à faire preuve de leurs connaissances comme il est requis pour les candidats.

3. Explication de texte

Dans l'introduction, l'œuvre doit être nommée correctement ainsi que son auteur. Certes, Sophia est appelée ainsi par ses compatriotes comme faisant partie de leurs relations proches ou affectives. Il était possible de garder ce registre pendant l'explication, à condition d'annoncer son nom complet dans l'introduction. De plus, l'auteur a été nommé incorrectement et incomplètement Sophia de Mellio ou Sophia Andersen, au lieu d'Andresen. L'œuvre, Contos Exemplares que l'on devait également évoquer, l'a souvent été avec une prononciation qui rappelait plutôt les Novelas Ejemplares de Cervantes. Il est ensuite nécessaire de situer l'extrait dans l'œuvre de manière équilibrée, ni trop longue ni trop succincte. Par exemple, il était inutile d'évoquer la guerre en Angola sous prétexte que l'auteur avait écrit ces contes en 1962, alors que le passage à commenter n'avait aucun lien avec cette situation. Par contre, dans l'extrait de « Retrato de Mónica », il était indispensable d'évoquer la dictature de Salazar et le contexte socio-politique de l'époque.

Les candidats peuvent choisir la méthode du commentaire ou de l'explication mais, dans les deux cas, ils doivent en présenter un plan autour de quelques axes clairement définis, ce qui n'a pas toujours été le cas cette année. Par ailleurs, il est indispensable également, pour une explication linéaire, d'annoncer le numéro des lignes qui délimitent les différents mouvements du texte, afin que le jury puisse suivre avec rigueur l'explication du candidat. Enfin, il n'est pas acceptable de faire des allers-retours dans le texte alors que l'on a décidé de présenter une explication linéaire.

Certaines thématiques transversales régissaient la lecture de cette œuvre composite et il était difficile de faire une bonne performance sans en tenir compte. L'exemplarité, contenue dans le titre, se déclinait dans chaque conte (ex : la Justice : « O jantar do Bispo ») ainsi que les multiples références à la mer et à la poésie (ex : « Homero »), à la sphère chrétienne (ex : « Os três reis do Oriente », « o Homem ») et au temps qui passe inexorablement (ex : « A viagem »). La lecture des extraits devait être ainsi guidée par des thèmes dominants. Il a donc été surprenant d'entendre des lectures politiques, écologiques et féministes sur l'incipit du conte « A viagem » qui symbolise pourtant de façon très évidente la fuite du temps, le parcours de la vie humaine et la recherche d'un paradis post-mortem. Un candidat désignait ce voyage, dans une vision très contemporaine, comme un lieu de vacances pour que « le couple se ressource ».

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Pour éviter ces contre sens et un discours paraphrastique, il est conseillé de s'attacher au texte, en repérant sa construction grammaticale, le registre de langage, ses répétitions, son appareil stylistique et ses références culturelles implicites. Le genre littéraire apporte également son lot d'éléments particuliers et exploitables. Par exemple, dans ces contes, la signification des noms des protagonistes renvoyait à des archétypes. C'est le cas du conte « Homero », qui renvoie immédiatement, par ce titre, à la création poétique et, par le nom de son protagoniste, « Búzio » (Triton, Buccin), à l'univers maritime qui l'inspire. Nul besoin donc de faire de nombreuses citations de poèmes qui n'avaient aucun lien avec le conte à commenter, erreur qui a été commise par un candidat. Les contes de Sophia étaient riches de poésie que ce discours prêt à l'avance - ce texte/prétexte - ne permettait pas de mettre en évidence. Par contre sur ce même conte, un candidat a fait référence à l'art manuélin sans pouvoir définir, par la suite, de quoi il s'agissait. Cet exemple démontre qu'il n'est pas souhaitable de se référer à des notions qu'en fait on ne connaît pas, qu'elles soient culturelles ou stylistiques. En effet, à plusieurs reprises, les termes « asyndète » et « polysyndètes » ont été employés de manière erronée. Dans un cas, la polysyndète a été justifiée par l'emploi répété de virgules et non, comme il se doit, par une succession de conjonctions de coordination.

Il est encore conseillé aux candidats de soigner leur expression à laquelle le jury accorde une grande importance. Il est en effet du plus mauvais effet d'utiliser des phrases relâchées ou incorrectes telle que « la route, maître de la nature », « l'écriture de l'écrivain », « une sorte de métaphore », « c'est presque une hyperbole », « la pauvreté, tout ça… ».

En conclusion, il n'est plus temps d'évoquer la forme du texte qui a sa place en introduction. Par contre, la mise en perspective de l'extrait dans l'économie de l'œuvre est fort appréciée lorsqu'elle clôture l'explication du texte.