administration d'un placebo antalgique et authenticité de

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Delattre Ludivine Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation soignant-soigné UE 3.4.S6 Initiation à la démarche de recherche UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles Directrice de mémoire : Christine Le Friant Galan Promotion 2014-2017 IFSI CHU DE NANTES 27/04/2017

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Page 1: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Delattre Ludivine

Administration d'un placebo antalgique et

authenticité de la relation soignant-soigné

UE 3.4.S6

Initiation à la démarche de recherche

UE 5.6.S6

Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles

Directrice de mémoire :

Christine Le Friant Galan

Promotion 2014-2017

IFSI CHU DE NANTES 27/04/2017

Page 2: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

« L'intérêt du placebo réside dans le fait qu'il contraint la

science médicale à sortir d'elle-même, il l'irrite par son

efficacité, il lui fait se souvenir du contexte dans lequel

elle travaille» François Roustang (2000)

Page 3: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Remerciements

Je remercie Christine Le Friant Galan pour m'avoir accompagnée tout au long de ce

travail de fin d'étude, toujours avec bienveillance, disponibilité et précieux conseils.

Merci également à ma famille, qui m'a soutenue pendant ces trois années d'étude,

qui ont cru en moi et m'ont encouragée sans cesse.

Merci à tous les soignants rencontrés au cours de mes stages ou de mes entretiens,

qui ont partagé avec moi leurs savoirs et leur riche expérience, qui m'ont encouragée dans

mes projets, donné confiance en moi et aidée dans ce travail.

Merci à mes amis de la formation pour m'avoir accompagnée sur ces trois années

autant dans le travail que dans la détente.

Enfin, un merci particulier à Isabelle et Anne, parce qu'elles sont des personnes

exceptionnelles, qui sont une constante source d'inspiration, de joie et de rire dans mon

quotidien.

Page 4: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Sommaire

1. Introduction...................................................................................................1

2. De la situation d'appel à la question de départ..............................................2

2.1 Description......................................................................................................2

2.2 Motivation, questionnement............................................................................3

2.3 La question de départ......................................................................................4

3. Méthodologie.................................................................................................5

4. De la douleur à la plainte...............................................................................6

4.1 Qu'est ce que la douleur...................................................................................6

4.1.1 Douleur aiguë et douleur chronique..........................................................7

4.1.2 Douleur organique et douleur psychogène................................................7

4.2 Écouter la plainte et y répondre.......................................................................8

5. De la plainte à une réponse possible par un placebo ?..................................9

5.1 Qu'est ce que le placebo ?..............................................................................10

5.1.1 Distinction placebo, effet placebo, effet nocebo................................................11

5.1.2 Comment ça marche ?........................................................................................12

5.2 Analyse soignante de l'administration d'un placebo..................................................14

5.2.1 Rôle des perceptions soignantes de la douleur..................................................14

5.2.1.1 Argument test diagnostic............................................................................15

5.2.1.2 Argument « psy ».......................................................................................16

5.2.1.3 Argument « abus »......................................................................................17

5.2.2 Rôle du contexte institutionnel...........................................................................19

Page 5: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

6. Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation

soignant-soigné................................................................................................20

6.1 Approche conceptuelle de l'authenticité....................................................................20

6.1.1 Définition de l'authenticité.................................................................................20

6.1.2 Attribut de la congruence...................................................................................21

6.1.3 Attribut de la confiance......................................................................................22

6.2 Résultats de l'authenticité de la relation soignant-soigné..........................................23

6.3 En quoi l'administration d'un placebo antalgique peut-elle influencer l'authenticité

de la relation soignant-soigné ? ......................................................................................24

6.3.1 Effet nocebo ou effet placebo sur la relation soignant-soigné?.........................24

6.3.2 La posture infirmière comme facteur déterminant.............................................25

7. Problématisation .........................................................................................27

8. Conclusion...................................................................................................28

9. Références...................................................................................................29

10. Annexes........................................................................................................I

Annexe I : Guide d'entretien.............................................................................II

Annexe II :Retranscription des entretiens.......................................................IV

Annexe III : Grille d'analyse des entretiens.................................................XXI

Page 6: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

1. Introduction

Placebos en intra-veineux ou en comprimés, capsules ou gélules vidées avant

administration...le recours au placebo est décliné à visées variées: antalgique, anxiolytique,

sédative et même anti-hypertensive... Dans certains services hospitaliers, il est

régulièrement utilisé, comme j'ai pu en faire le constat en stage et au cours de discussions

avec mes collègues. Mystérieux au regard de la science, il fait prendre conscience des

capacités inexplorées du corps humain à s'auto-guérir. Cette ressource soulève néanmoins

des questions à la fois juridiques, déontologiques et éthiques. Des interrogations qui sont

appuyées par le fait que cette thérapie semble mal encadrée: aucune consigne

institutionnelle ne guide sa bonne pratique, et les lois restent floues quant à leur utilisation

hors du contexte de la recherche clinique. L'usage du placebo est aussi discret que

controversé. Les médecins ont chacun leur politique d'administration des placebos, lorsqu'

ils font ce choix. Que le placebo dérange ou qu'il interpelle, il est actuellement l'objet de

nombreuses recherches pour évaluer l'ampleur de son efficacité et pour comprendre les

facteurs qui conditionnent son résultat sur le patient. A l'heure ou la médecine voudrait

rendre la population plus actrice de sa santé et de plus en plus autonome dans les décisions

concernant les traitements médicaux, quel sens a le placebo et comment l'administrer ?

Au milieu de cette polémique, il y a l'infirmier qui est parfois dans la position

d'administrer un placebo, que ce soit sur prescription du médecin ou de sa propre initiative

avec accord du médecin. Une position qui pourrait ne pas être très confortable. Est-elle si

facile à adopter ?

L'administration des médicaments et leur connaissance étant au cœur du métier

infirmier, le placebo peut remettre en question certains dogmes de notre profession : le

recueil du consentement du patient, le respect de son autonomie et de sa dignité, ainsi que

le devoir d'information que nous avons auprès d'eux. Le recours aux placebos interroge

également la relation soignant-soigné, dans son authenticité et dans le lien de confiance qui

semblent être deux concepts clé de l'alliance thérapeutique recherchée.

Touchant à l'actualité médicale, l'éthique et la science, ce travail de fin d'étude va

s’intéresser à l'influence de l'administration d'un placebo antalgique sur l'authenticité de la

relation soignant-soigné.

1

Page 7: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

2. De la situation d'appel à la situation de départ

2.1 Description de la situation :

Ma situation se déroule en service de dermatologie. Madame G est entrée depuis

une semaine dans le service pour une angiodermite nécrotique de la malléole gauche. Cet

ulcère est connu pour être particulièrement douloureux. Dès son arrivée, une prise en

charge antalgique est mise en place, à base de morphiniques, ainsi qu'un spray anesthésiant

sur la plaie avant les pansements. De plus une cathéter péri-nerveux est installé sur sa

cuisse gauche, pour endormir les nerfs en amont de la plaie grâce à un anesthésiant. A

chaque tour, une évaluation numérique de la douleur est demandée à madame G.

Cependant, il s'avère très difficile de discerner le vrai du faux dans le discours de cette

patiente. Elle dit n'avoir pas mal à la plaie, mais cependant avoir des douleurs de type

rhumatologiques à l'épaule, puis revient sur ce qu'elle dit « Ah si j'ai mal à la plaie,

finalement je veux bien un médicament ! » Elle exprime qu'elle n'a pas mal quand son

visage semble crispé, et inversement qu'elle a mal quand son visage est apaisé. De plus,

elle n'arrive pas à évaluer clairement sa douleur. Physiquement, si on observe la

communication non verbale de cette patiente, les douleurs semblent bien apaisées : elle

marche facilement, n'a pas le visage crispé en dehors des pansements, elle dort

bien...Cependant son expression du visage est très inquiète, une part d'angoisse jouerait-

elle un rôle majeur dans ses évaluations numériques de la douleur? Ceci est discuté dans

l'équipe, tout le monde est perplexe face aux évaluations de la douleur de madame G et la

réponse antalgique qui lui est administrée. Un anxiolytique est donc introduit dans son

traitement. Madame G semble en effet moins anxieuse depuis la prise de cet anxiolytique.

Pourtant lors des évaluations de la douleur, elle demande encore des antalgiques. Un soir,

alors qu'elle avait déjà eu tout ce qu'il était possible de lui donner comme antalgique sur sa

prescription, l'infirmière de nuit décide de lui administrer un placebo. Il se présente sous

forme d'un comprimé rose assez gros. Le résultat est positif : madame G est très satisfaite

de ce nouveau comprimé et dit que cela a bien soulagé sa douleur. Le lendemain, je suis

du soir. A nouveau au tour de 20h, madame G cote sa douleur à 7 et grimace. Je ne peux

plus lui donner de paracétamol à cause d'une cytolyse hépatique diagnostiquée la veille,

2

Page 8: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

mais je peux lui administrer une interdose d'antalgique de palier 3. Je préviens l'infirmière

qui m'encadre, elle me répond d'essayer plutôt le placebo. Mal à l'aise, je propose le

comprimé rose à ma patiente. Je ne savais pas comment le lui présenter car je ne savais pas

ce que lui avait expliqué ma collègue de nuit. Madame G ne le reconnaît pas au début et

m'interroge, j'essaye de cacher ma gêne et j'essaye d'être convaincante : « C'est le même

médicament que vous avez eu quand vous aviez mal hier, celui que ma collègue de nuit

vous a donné», et elle s'écrie « Ah oui, il a été très efficace ! ».

Surprise , je me suis sentie un peu comme une usurpatrice et j'avais un sentiment de

« trahison ». Néanmoins le placebo antalgique était en effet plus efficace que tous les

autres antalgiques mis en place depuis le début de son hospitalisation.

2.2 Questionnement et motivation pour ce choix :

Cette situation a fait émerger les questionnements suivants :

– Il s'agit d'une patiente cohérente et consciente, ne devons-nous pas recueillir son

consentement pour tout soin ? Avais-je respecté son autonomie et son droit à

l'information ?

– Cet acte était-il légal ? Quelle est la législation qui encadre le placebo et la pratique

infirmière ?

– Aurions-nous pu mettre d'autres solutions en place avant de lui administrer le

placebo ? A quel moment décider d'administrer un placebo? Quels sont les critères

pour valider cette décision ? Quel est le dilemme éthique que pose cette situation ?

– Un placebo peut-il être efficace si le patient en est informé ? Comment fonctionne

le placebo ? Quelles sont les indications thérapeutiques du placebo, ses effets

indésirables et ses précautions d'emploi ? Peut-il nuire à la santé du patient ?

– Le placebo peut-il influencer la relation de confiance soignant-soigné ? L'effet

placebo est-il influencé par cette même relation de confiance ? L'infirmier reste t-il

authentique lors de cette administration ?

– Comment concilier mes valeurs/principes éthiques, professionnels et

déontologiques avec l'administration de ces médicaments ? Qu'en est-il de ma

responsabilité infirmière ?

3

Page 9: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

A l'issue de mon stage, j'ai continué à réfléchir à cet épisode car, pour la première

fois dans ma pratique professionnelle, je me suis sentie mal à l'aise sur un ordre moral. Ma

première question a été : « Est-ce éthique ? » Voici le dilemme: le placebo a un puissant

effet antalgique sur cette patiente ce qui représente donc un bénéfice important pour elle,

mais, en lui donnant, je lui mens, ce qui représente une atteinte à son droit à l'information,

à son consentement et à son autonomie.

En outre, j'ai choisi cette situation car elle m'a beaucoup interrogée. J'aimerais

mieux comprendre les enjeux relationnels et éthiques lors de l'administration d'un placebo.

2.3 La question de départ :

Parmi les thématiques qui se sont détachées de mon questionnement, le concept

d'authenticité est interrogé. Je choisis donc d'orienter mon travail pour répondre à la

question suivante :

En quoi l'administration d'un placebo antalgique prescrit peut-elle influencer

l'authenticité de la relation soignant-soigné ?

J'inscris ma recherche dans le cadre des placebos à visée antalgique, car au cours de

mes premières investigations et de ce que j'ai observé, cette indication justifie le plus

souvent le recours au médicament placebo. En effet, nous verrons en quoi le caractère

complexe de la douleur peut inviter à administrer ce traitement.

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Page 10: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

3. Méthodologie :

De la situation d'appel, j'ai dégagé un questionnement dans lequel plusieurs

thématiques se sont détachées. J'ai choisi d'orienter ma recherche sur la question de

l'impact de l'administration d'un placebo antalgique sur la relation soignant-soigné. Mon

travail est une analyse thématique qui traite la question à travers l'exploration des concepts

suivants : douleur, placebo ( effet placebo, effet nocebo), authenticité, confiance, relation

soignant-soigné. Pour cette phase conceptuelle, je me suis appuyée sur la lecture

d'ouvrages et d'articles de recherches ( cf bibliographie ). Puis après avoir étudié ces

concepts théoriques, j'ai effectué des entretiens exploratoires auprès de trois infirmières

diplômées d'état. L'analyse de ces savoirs théoriques et empiriques, ainsi que le vécu des

infirmières m'a permis de construire le raisonnement qui va être argumenté tout au long de

ce travail. Cela m'a amenée à poser des hypothèses et une question de recherche.

Les infirmières interrogées lors des entretiens exploratoires exercent dans des

services très différents les uns des autres : l'infirmière A est consultante dans l'équipe

mobile de la douleur et est spécialisée dans les prises en charges antalgiques, son

expérience est riche car elle a exercé dans de multiples services avant de se consacrer aux

consultations douleurs. Au regard de son parcours, elle a une expertise poussée des soins

relationnels. L'infirmière B exerce au service des urgences, où la prise en charge antalgique

est également omniprésente. L'infirmière C exerce dans une structure de géronto-

psychiatrie. Il s'agit donc de soins de longue durée, où le relationnel prend une autre

dimension. Ces trois approches étaient donc complémentaires.

Les limites de ces entretiens sont le faible échantillon d'infirmières interrogées.

C'est pourquoi les différents thèmes ne sont peut-être pas exploités dans leur entier. De

plus, le sujet soulevant des débats éthiques, leurs opinions étaient parfois contradictoires, et

il était difficile de traiter leurs informations de façon neutre et objective.

Pour répondre à ma question de départ, je vais premièrement exploiter le concept de

la douleur pour en comprendre la complexité et les enjeux de sa prise en charge. Après

avoir développé en quoi le placebo représente une potentielle réponse à la plainte de la

douleur, j'analyserai son influence sur l'authenticité de la relation soignant-soigné. Pour

finir, je dégagerai des hypothèses et une question de recherche.

5

Page 11: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

4. De la douleur à la plainte :

4.1 : Qu'est ce que la douleur ?

« Pas d'idées générale sur la douleur.

Chaque patient fait la sienne, et le mal varie,

Comme la voix du chanteur, selon l'acoustique de la salle. »

Alphonse Daudet, La Doulou (1930)

Ces quelques vers résument toute la complexité du concept de douleur, car elle

s'exprime en effet sous des formes très différentes, subjectives, multifactorielles , variantes

et changeantes selon chacun. On peut donc dire que chaque douleur est unique et cela peut

expliquer pourquoi elle donne temps de fils à retordre au corps médical. En effet, malgré

les nombreux outils d'évaluation et les nombreux traitements de la douleur, il est parfois

difficile de la soulager de façon satisfaisante, ce qui peut se répercuter sur le plan physique,

psychique, social et même professionnel des personnes qui en souffrent.

L'International Association for the Study of Pain (IASP) propose en 1979 la

définition suivante : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle

désagréable en lien avec un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un

tel dommage ». L'expression « expérience » renvoie en effet à un vécu subjectif et

individuel. Le soignant, qui est extérieur à cette douleur, va donc difficilement pouvoir

accéder à une pleine compréhension de la sensation du patient. Comme l'appuie

l'infirmière A au cours de notre entretien, le patient a sa propre expertise de sa maladie et

de sa douleur, à laquelle nous n'avons pas accès. De plus les adjectifs « sensorielle et

émotionnelle » admettent que des émotions accompagnent ces sensations physiques et vont

influencer la façon dont elles sont ressenties et vécues. L'infirmière A souligne l'importance

de questionner les émotions associées à la douleur car cela va bien sûr orienter la prise en

charge thérapeutique et relationnelle. D'après C. Chauffour-Ader et M-C Daydé (2012, p.

33), les émotions prédominantes en douleur aiguë sont la peur et l'inquiétude. Tandis que

lorsque la douleur persiste au long court, elle peut faire naître de la tristesse. C'est pourquoi

la douleur chronique peut être associée à un syndrome dépressif. La reconnaissance de ces

6

Page 12: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

émotions va permettre de mieux comprendre et aborder la plainte du patient, et de trouver

d'autres stratégies thérapeutiques que les antalgiques ( médicamenteux ou non ) pour une

prise en charge plus globale et efficace. Exemple : la prise en charge de l'angoisse par des

anxiolytiques peut diminuer la douleur, comme cela a été essayé dans ma situation d'appel.

On observe également le recours aux exercices de respiration pour apaiser, etc. (infirmière

A).

4.1.1 Douleur aiguë et douleur chronique :

Comme je viens de l'évoquer, on distingue la douleur aiguë de la douleur chronique.

La durée dans le temps est l'un des critères principaux sur lesquels on se base pour les

discerner. Une douleur ponctuelle et arrêtée dans le temps va donc être qualifiée de douleur

aiguë tandis qu'on qualifie une douleur qui dure plus de trois mois comme chronique.

Néanmoins, comme l'explique C. Chauffour- Ader et M-C Daydé (2012, p.54 ) on ne peut

pas qualifier une douleur de chronique, si elle dure car sa cause persiste : ce sera alors une

douleur aiguë qui persiste. Tandis que si la cause première a été traitée mais que la douleur

persiste quand même, elle devient alors en elle-même la pathologie et il s'agit bien de

douleur chronique. Elle relève d'un mécanisme biopsychosocial bien plus complexe que la

douleur aiguë qui, elle, est généralement causée par une lésion tissulaire ( traumatisme

brutal ou progressif). Selon la Société Française d'Étude et de Traitement de la Douleur

( SFEDT, n.d. ), la douleur aiguë a une finalité de signal d'alarme, tandis que la douleur

chronique perd cette finalité, elle est en elle même la maladie. Dans le cadre d'une douleur

aiguë, la prise en charge sera alors le traitement de la cause organique associé aux

antalgiques. Tandis que pour la douleur chronique, elle « doit être appréhendée selon un

modèle bio-psycho-social, sa prise en charge reposant d’abord sur une démarche

évaluative puis sur un traitement, souvent multi-modal, dont l’objectif est réadapatif . »

4.1.1.1. Douleur organique et douleur psychogène :

Si on reprend la fin de la définition de la douleur par l'IASP : « (…) en lien avec un

dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un tel dommage. », on mesure

un facteur important : il n'y a pas toujours de lésion qui justifie la douleur. Et pourtant, elle

est bien existante. C. Chauffour-Ader et M-C Daydé ( 2012, p.33) aident à analyser cette

7

Page 13: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

définition : la lésion peut ne pas être visible au premier examen clinique ( « réelle ou

potentielle »), ou bien elle peut ne pas exister ( « ou décrit en termes d'un tel dommage »).

Ainsi, cette dernière notion induit le concept de douleurs psychogènes : « qui trouvent leur

origine dans des dysfonctionnements psychiques. La plainte somatique se substitue à une

plainte psychologique qui ne peut se dire. ». Il est donc possible que le patient exprime une

émotion plus profonde à travers sa plainte douloureuse, comme de la peur, de l'angoisse ou

de la tristesse.

On verra plus tard que cette notion de douleur psychogène joue un rôle dans

l'utilisation de médicaments placebo, c'est pourquoi il est important de l'expliquer

préalablement pour mieux comprendre ce phénomène.

4.2 Écouter la plainte et y répondre :

La douleur est le quotidien de nombreux patients. Ces plaintes sont banales dans la

vie professionnelle d'une infirmière et pourtant il n'est pas toujours aisé d'y apporter une

réponse adaptée. Notre rôle est défini en ces termes dans le décret n°2016-1605 du 25

novembre 2016 portant sur le code de déontologie des infirmiers :

« Art. R. 4312-19. – En toutes circonstances, l’infirmier s’efforce, par son action

professionnelle, de soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son

état et l’accompagne moralement. L’infirmier a le devoir, dans le cadre de ses

compétences propres et sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole

thérapeutique, de dispenser des soins visant à soulager la douleur. »

Par ailleurs, le droit des patients quant à la prise en charge de la douleur est énoncée

dans la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades : "toute personne a le

droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toutes

circonstances prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé

mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne

jusqu’à la mort." (article L 1110-5)

A ce jour, la prise en charge de la douleur représente un objectif prioritaire. Selon le

Ministère des Affaires sociales et de la Santé (n.d.) : « L'évaluation et la prise en charge

de la douleur constituent un véritable enjeu de santé publique en tant que critère de

qualité. » Dans cette optique, depuis 1998, les plans de lutte contre la douleur sont lancés à

8

Page 14: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

l'échelle nationale et quatre se succèdent. Le dernier projet est le plan 2013-2017 détaillé

dans la Conférence nationale de santé- avis du 17.09.13 sur le projet de programme

national douleur ( 2013-2017). Les moyens jusqu'ici mis en place au cours de ces plans de

lutte contre la douleur sont entre autres des formations pour les soignants, l'instauration des

équipes mobiles de la douleur au sein des centres hospitaliers, l’approfondissement des

outils d'évaluation et de traitement de la douleur.

Dans la formation infirmière, initiale ou continue, l'accent est mis sur l'évaluation et

la prise en charge de la douleur. Si on reprend la définition de la douleur de l'IASP ( 1979),

toute plainte douloureuse du patient doit être considérée comme une douleur, que l'on ait

des doutes sur l'existence d'une lésion tissulaire ou non, que l'on pense l'avoir déjà traitée

ou non. Le soignant doit accueillir la plainte de façon neutre et bienveillante et tout mettre

en œuvre pour soulager cette douleur, même si certains paramètres peuvent échapper à sa

compréhension.

5. Le placebo, une réponse possible à cette plainte ?

Après l'analyse du concept de la douleur, il est plus facile de comprendre pourquoi

l'antalgie est l'indication principale d'un médicament placebo. La douleur est en effet

influencée par d'autres facteurs que la simple lésion tissulaire, comme le facteur

émotionnel, environnemental, social, culturel...sur ces autres facteurs, le placebo va

pouvoir agir et changer les paramètres psychiques qui entrent en compte dans la perception

de la douleur. Les trois infirmières que j'ai interrogées témoignent de l’efficacité quasi

systématique des placebos dans le cadre de l'antalgie. Selon Jean-François Marmion

( 2009, p. 21), plus de 80% des sujets selon les études sentent diminuer ou disparaître la

douleur après l'administration d'un placebo antalgique. Cette efficacité justifie t-elle son

utilisation, au regard des enjeux éthiques et relationnels énoncés précédemment ? Avant

d'aborder la sixième partie qui considérera directement l'impact de l'administration d'un

placebo sur l'authenticité de la relation soignant-soigné, je souhaite développer comment,

quand et pourquoi ce médicament est administré.

9

Page 15: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

5.1 Qu'est ce que le placebo ?

Selon Philippe Duval (2015, p.20 ), étymologiquement, placebo signifie « je

plairai » en latin. Ce serait donc un traitement pour plaire au patient ou pour répondre à

son désir de recevoir un soin, si on le prend au sens strict de son étymologie. Aujourd'hui,

on peut néanmoins étayer son rôle et mieux le comprendre. D'après l'institut de bioéthique

de Zürich (2009), plusieurs typologies de placebos sont à distinguer :

• placebo pur : « substance ou méthode inerte (sucre, solution salée). »

• placebo impur : « substance ou méthode avec effet physique ou pharmacologique

connu, mais dont l'action n'est pas démontrée comme probante dans ce dosage ou

cette situation spécifique. »

• intervention placebo : « intervention simulant un effet thérapeutique ou

diagnostique simulé dont l'effet spécifique ne peut encore être démontré. »

Un placebo est donc un traitement théoriquement inefficace, et qui pourtant dans la

pratique a obtenu des résultats. Difficile d'appuyer cette affirmation par des chiffres, car on

ne peut pas encore évaluer l'effet placebo de façon satisfaisante. D'après Sébastien Tubau

(2011), l'effet placebo serait évalué autour de 30% pour n'importe quel traitement, et peut

atteindre 60-70% pour les céphalées et les dépressions. Ces chiffres font écho aux études

de Henry K Beecher, en 1955 et de H. Haas et ses collègues en 1959 :

« H.K Beecher étudie 1052 patients issus de quinze études et obtient toutes

pathologies confondues une moyenne de 32% d'effet placebo. Ces résultats sont confirmés

par H.Haas, quelques années plus tard, à partir de 1400 cas issus de 96 articles. Il trouve lui

aussi une moyenne de l'ordre de 30% (…) les améliorations dans le domaines de la douleur

pouvant aller jusqu'à 60%. » ( Jean Brissonet, 2015, p.35)

De nombreux paramètres peuvent biaiser les résultats, comme la guérison

spontanée. Néanmoins, la situation que j'ai décrite en première partie peut témoigner d'une

étonnante efficacité là ou d'autres traitements actifs avaient échoué. De nombreuses

anecdotes viennent appuyer cette théorie. Sans parler de celles lues dans la littérature pour

mes recherches, les trois IDE interviewées ont chacune relaté des expériences où les

médicaments placebo ont fait leurs preuves. Par exemple, l'infirmière A raconte qu'un

patient s'était fait prescrire des patchs de Fentanyl transdermique ( antalgique palier 3) par

10

Page 16: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

son médecin. A la consultation suivante, il décrivait qu'il était très soulagé par ce

traitement, qu'il n'était plus algique. En auscultant son patient, le médecin s'est rendu

compte qu'il avait appliqué les patchs sans les ouvrir, ce qui les rendait complètement

inefficace... et pourtant, le patient était soulagé, rien qu'en étant convaincu d'avoir reçu un

traitement puissant.

Les chiffres énoncés ci-dessus correspondent à l'effet placebo, à ne pas confondre

avec le placebo. Ces différents concepts étant étroitement liés, il convient donc de les

démêler.

5.1.1 Distinction placebo, effet placebo et effet nocebo :

Nous avons vu précédemment que le placebo est la substance ou la méthode

inactive ou non prouvée comme probante. Selon Philippe Duval (2015, p.21) « l'effet

placebo désigne quant à lui l'ensemble des effets non inhérents à la substance active d'un

médicament et qui participe à l'amélioration de l'état du patient ». Cet effet placebo peut

donc être étendu non seulement à l'objet placebo ( traitement inactif) mais aussi à tous les

traitements actifs ( médicamenteux ou non ), à l'environnement, aux interactions...en

somme, à tout ce qui fait lien dans la relation du patient avec ce qui lui est extérieur. Selon

J-F Marmion (2009, p.21) , l'aspect du placebo, son prix, son nom, sa voie d'administration

jouent un rôle dans l'effet placebo. Par exemple la voie injectable fonctionne mieux que la

gélule, ainsi que le fait de porter un nom compliqué comme « Paracylxeromytynxol »

plutôt que « dodo-ronflette » (pour les somnifères ). La couleur compte aussi : bleu pour

les somnifères, rouge pour les excitants, blanc pour les analgésiques, marron pour les

laxatifs. Le goût a plus d'effet de préférence si il est amer plutôt que sucré, ainsi que le prix

doit être de préférence élevé. De même, si il est recommandé par un docteur, cela aura plus

d'effet que par une infirmière dont l'autorité médicale est moindre. Autant de facteurs qui

ajoutent à la crédibilité d'un médicament efficace, selon la représentation sociale que l'on

s'en fait. « L'industrie pharmacologique a en tout cas pleinement intégré l'effet placebo

dans la commercialisation de ses produits, dont les détails ne sont pas laissés au hasard »

ajoute J-F Marmion.

L'effet nocebo, c'est le revers de la médaille. Étymologiquement il signifie « je

nuirai » (J-F Marmion, 2009, p.22). Selon Patrick Lemoine, qui s'est intéressé de très près

11

Page 17: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

au placebo et en a publié le livre « Mystères du placebo » ( 1996), un patient sur quatre en

serait sujet. Il explique que l'effet nocebo peut aller jusqu'à intoxiquer, créer des effets

secondaires ou même créer une accoutumance à un produit complètement neutre comme le

placebo. Ce phénomène est favorisé par l'anxiété : « faire tester un produit neutre à des

patients sans leur préciser de quoi il s'agit, ni quels effets ils peuvent produire,

déclencherait des symptômes ex nihilo dans plus de 80% des cas. » (propos recueillis par J-

F Marmion, 2009, p.22) Il mentionne une étude italienne qui affirme qu'entendre un

discours désobligeant ou menaçant majore le taux de cholécystokinine, hormone impliquée

dans la perception de la douleur. Une étude florentine démontre qu' un « médicament pour

la prostate provoque l'impuissance chez 31% des hommes auxquels on a exposé les

désagréments possibles sur leur libido, mais 9,6% chez ceux qui n'en sont pas avertis » ( P.

Lemoine, 2009). De la même manière que l'esprit peut convaincre le corps d'aller mieux

(effet placebo), il peut créer l'effet inverse. A l'instar de l'effet placebo, l'effet nocebo n'est

pas propre qu'au médicament placebo mais à toutes les autres thérapeutiques. Il fonctionne

de la même manière que l'effet placebo, et serait également très influencé par le discours

médical qui accompagne le traitement, ainsi que son contexte d'administration, son aspect,

etc. Si on devait le définir : « il s'agit d'un effet négatif qui va annuler ou réduire les effets

pharmacologiques d'une substance. (…) Il n'est pas lié au médicament pris, mais

principalement à l'attente du patient, découlant lui même de l'attente du médecin vis-à-vis

du traitement qu'il prescrit. » ( propos de P. Lemoine, recueillis par J-F Marmion 2009,

p.22 ). Cette définition appuie sur un point qui semble crucial concernant le placebo, l'effet

placebo et l'effet nocebo : tout se joue autour des attentes du patient, de la façon dont il est

conditionné à répondre au traitement. Il semble que quelque chose se trame au sein même

de la relation soignant-soigné.

5.1.2 Comment ça marche ?

Nous avons déjà amorcé des clés de compréhension pour saisir le fonctionnement

du placebo, de l'effet placebo et de l'effet nocebo. Néanmoins, il est compliqué de dépasser

le stade des hypothèses. La science explique difficilement avec exactitude les mécanismes

psychologiques et biologiques engendrés par le phénomène placebo. Des facteurs ont été

clairement identifiés : le contexte de prescription et les croyances du médecin et du

12

Page 18: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

malade. La confiance soignant-soigné semble être un point clé. Il faut que le patient soit

convaincu par le traitement et par les compétences du soignant, et cela implique de la

confiance .

Biologiquement, John Levine et ses collaborateurs (1978) nous mettent sur le

chemin du rôle des endorphines, qui sont des substances endogènes ( produites par notre

propre corps). Elles sont sécrétées par le cerveau. Lorsque l'on prend un antalgique

placebo, les espoirs placés dans ce traitement augmentent la sécrétion d'endorphines. Ces

hormones sont analogues à la morphine. Les morphiniques et les antidépresseurs activent

les même régions cérébrales que leur placebo. Selon J-F Marmion (2009, p. 23) :

« notre humeur, notre moral, notre anxiété modifient notre système immunitaire ou

endocrinien...aussi bien pour l'atténuation de la douleur que pour la disparition d'une

verrue, le placebo servirait d'accélérateur à des processus de guérison spécifiques gérés par

le cerveau, qui produit naturellement, mais en quantité moindre, les éléments nécessaires à

notre rétablissement ( antalgiques, antibiotiques...). »

Par ailleurs, tous les sujets ne répondent pas de la même manière au placebo. On va

distinguer les placebo-répondeurs des placebo-résistants. Cette aptitude à coordonner ses

ressources conscientes et inconscientes pour s'auto-guérir dépendrait apparemment d'un

facteur génétique ce qui explique pourquoi tout le monde ne répond pas de la même

manière au placebo. Kathrin Hall et Ted Kaptchuk nomment « placebome » l'ensemble

des dispositions génétiques concernées. Patrick Clervoy (2015, p. 55) explique leurs

travaux :

« Ils ont recensé les paramètres biologiques engagés dans le phénomène placebo.

Sur les quatre voies possibles : dopaminergiques, sérotoninergiques, opioïde et opioïde

endogène, ils font remarquer que la diversité des réponses placebos chez les patients est

corrélée aux variations de la voie dopaminergique. Cinq gènes codant des enzymes et leur

localisation chromosomique ont été identifiés. (…) Elle émet l'hypothèse que l'aspect

variable de la sensibilité au placebo entre une personne et une autre est lié au

polymorphisme du gène codant la cathecol-O-méthyltransférase. Les gènes incluent deux

substances : la valine ( VAL) et la méthionine( MET). Les personnes dont le gène associe

les séquences MET/MET ont de meilleures dispositions pour répondre à un effet placebo ;

alors que celles dont le gène associe la séquence VAL/VAL sont plus réfractaires. Nous

savons que les premières ont un taux de dopamine disponible nettement supérieur aux

13

Page 19: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

secondes. L'explication de ces différences est probablement dans cette variation de

dopamine disponible .»

5.2 Analyse soignante de l'administration d'un placebo antalgique :

Les placebos sont administrés dans des contextes particuliers, bien souvent pour des

patients jugés « difficiles ». C'est ce qui ressort dans toutes mes lectures de recherche ainsi

que dans mes entretiens exploratoires et dans ma propre expérience. Le placebo répond à

une plainte qui n'est souvent pas prise au sérieux, ou qui rend les soignants perplexes. Dans

cette partie, nous allons analyser quel rôle joue la perception soignante de la douleur et du

placebo, ainsi que le rôle du contexte institutionnel dans l'administration d'un placebo

antalgique, en s'appuyant particulièrement sur l'analyse des entretiens exploratoires ( cf

annexes) ainsi que sur les articles de recherches de Wälti-Bolligera, M. (2011), « Placebo

et soins professionnels, réflexions et positionnement infirmier », et de Baty, C., Fondras, J.

C., Abitbol, G., Bloch, F., Cesselin, F., Hamdam, O., ... & Zerbibi, E. (2004), « L’utilisation

de placebos dans le traitement de la douleur: résultats d’une enquête préliminaire en milieu

hospitalier. »

5.2.1. Rôle des perceptions soignantes du placebo et de la douleur

Les études menées au sein de ces articles de recherches montrent une conception

parfois erronée et péjorative de l'effet placebo par les soignants, ce qui explique pourquoi

les placebos sont utilisés majoritairement pour les patients dont on remet la plainte en

question. Nous verrons par la suite comment cela peut se répercuter ou non sur la relation

soignant-soigné, et plus particulièrement sur l'authenticité de cette relation et le lien de

confiance.

En effet la méconnaissance des mécanismes du placebo invite les soignants à

penser que l'effet placebo n'existe que pour les douleurs psychogènes , tandis que pour les

« vraies » douleurs, dont la lésion tissulaire est attestée, la croyance est que cela ne sera pas

efficace. Nous avons pourtant démontré que l'effet placebo peut se manifester autant pour

les problèmes organiques que psychologiques, car le corps se modifie biologiquement

après administration d'un placebo et déclenche des mécanismes d'auto-guérison.

14

Page 20: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Il convient de préciser que je ne souhaite pas faire de généralité en parlant des

soignants, et que ce qui va être avancé sont des hypothèses et non des vérités attestées.

Au cours de mes recherches j'ai rencontré des avis très divergents sur le placebo et

l'effet placebo, et nos discussions ont montré des connaissances plus ou moins

approfondies de ces traitements. Cela montre qu'on ne peut pas faire de généralités sur les

pratiques d'administration de placebos, ainsi que sur les connaissances et les perceptions

soignantes qui y sont associées. Je note également que la formation au diplôme d'état

infirmier ne propose pas de cours sur le phénomène placebo, bien que l'on soit pourtant

quelquefois amené à l'administrer. Pour ces raisons, les placebos et l'effet placebo sont

peut-être sous-estimés ou méconnus... dans tous les cas, mal encadrés.

Voici les trois principales situations qui peuvent motiver l'administration d'un

placebo antalgiques :

5.2.1.1. L'argument du test ou du diagnostic :

Dans cette situation, le placebo est administré soit pour dépister un terrain « psy »,

soit pour vérifier si la douleur est réelle ou pas. La « réalité » de la douleur, est le centre du

problème. Selon Jean-Claude Fondras ( 2015, p.75) :

« Une idée simpliste voudrait qu'une « vraie douleur » soit une douleur produite par

une lésion organique évidente. Contre ce type de douleur, le placebo serait inefficace donc

illégitime. (…) Inversement, une autre idée simpliste voudrait que le placebo ait un intérêt

dans des douleurs à composante psychogène qui seraient ainsi de « fausses douleurs ». La

vraie douleur, serait celle d'une maladie bien visible, volontiers grave, elle mériterait alors

un « vrai médicament ». La « fausse douleur », de son côté pourrait recevoir un autre

traitement sous forme d'un faux médicament ».

Ici, on espère avoir la preuve d'une douleur attestée. Comme le souligne l'auteur, les

soignants peuvent avoir une conception erronée de la douleur. Il y aurait plusieurs degrés

de « légitimité » de la douleur. La lésion tissulaire attesterait la réalité de la douleur tandis

que seraient infériorisés la composante psychogène et les autres facteurs qui influent dans

le ressenti de la douleur.

L'infirmière B explique administrer principalement le placebo dans le cadre du test.

Le contexte du service des urgences n'y est probablement pas anodin. En effet, c'est un

15

Page 21: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

service de diagnostic : il s'agit de connaître rapidement la cause du problème et la suite de

la prise en charge. Savoir si la douleur est d'origine organique ou non est donc très

important. Elle mentionne les situations de personnes dépendantes aux drogues qui

réclament de la morphine. Dans ces situations, administrer un placebo permet de savoir si

une douleur réelle se cache derrière la demande ou si cela est réclamé à cause de

l'addiction. De même, elle explique, à l'instar de l'infirmière C, qu'il arrive que la plainte du

patient ne soit pas cohérente avec les signes cliniques ( pas de faciès douloureux,

tachycardie, sueurs, ou mouvements altérés...), dans ce cas, administrer un placebo permet

de savoir si la plainte est sérieuse ou non, ou si il s'agit uniquement d'anxiété. Le résultat

positif d'un placebo sera donc interprété comme la confirmation des soupçons.

Si le placebo fonctionne bel et bien dans tous les cas, cette administration pose

problème car le résultat aboutirait à un faux diagnostic.

5.2.1.2. L'argument « psy » :

Dans cette situation, il ne s'agit plus de soupçonner le patient, mais d'attribuer la

plainte au caractère angoissé, anxieux, insomniaque, psychosomatique, hypocondriaque,

ou hystérique du patient ( C. Baty et al. 2004 ). Ici, le seul but du placebo est de faire du

bien, de soulager, apaiser et/ou rassurer. L'infirmière B et l'infirmière C relatent également

avoir administré des placebos dans cette intention. Cela fait écho à ma propre situation

d'appel. Une fois que le premier placebo est efficace, la continuité de son administration se

justifie par cette indication. On pense en effet avoir diagnostiqué un terrain « psy ».

L'intention est réellement bienveillante, et il n'y plus de méfiance du soignant comme pour

les situations du test diagnostic.

Dans cette indication, le placebo prend peut-être la place d'alternatives moins

« nocives » pour la relation soignant-soigné. Quand cela est possible, les trois infirmières

disent préférer privilégier le relationnel plutôt que d'administrer un placebo. Les solutions

qu'elles envisagent sont l'écoute, l'hypnose...des techniques qui tournent autour de la

relation ou d'alternatives non médicamenteuses. L'infirmière A ajoute qu'il est important de

questionner les émotions associées à la douleur pour adapter le traitement au plus près des

besoins du patient. Par exemple, s'il est anxieux, on peut associer un anxiolytique au

traitement antalgique.

16

Page 22: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Des avis contraires se manifestent dans les entretiens, au sujet de la bienfaisance de

cette indication. L'infirmière B va par exemple expliquer que dans tous les cas, le placebo

ne peut pas faire de mal, dans le sens où, n'ayant aucun principe actif, il ne peut pas nuire.

Pourtant nous avons vu qu'il peut provoquer un effet nocebo. Le contexte du service des

urgences peut expliquer ce raisonnement, car la prise en charge ne dure que très peu de

temps, rarement plus d'une journée. On ne peut donc pas créer d'effet d'accoutumance au

placebo, et un traitement plus adapté est très rapidement mis en place. C'est sur la relation

que des effets négatifs sont appréhendés, comme l'infirmière B le fait également remarquer.

5.2.1.3. L'argument « abus » :

Dans cette situation, le placebo est utilisé pour éviter un surdosage ou une

surconsommation. Cela s'applique notamment dans le cadre d'un traitement à base de

morphiniques. Les morphiniques peuvent effectivement entraîner une accoutumance voire

une dépendance, ainsi que de nombreux autres effets indésirables ( constipation, nausées,

hallucinations, etc...). Lors des traitements antalgiques, on craint également l'insuffisance

hépatique qui peut survenir au long terme, ou moyen terme si le foie est déjà fragilisé par

une autre pathologie.

Cet argument fait écho à ma situation d'appel. La patiente présentait une

insuffisance hépatique due à une très forte consommation d'antalgiques de palier 1 et 3

dans un contexte de plaie chronique ( ulcère). Cela a alarmé les soignants sur sa

surconsommation de médicaments, ses plaintes nombreuses et répétées n'étant jamais

soulagées de façon satisfaisante.

De plus, la situation « abus » peut consister à considérer la plainte comme abusive

et infondée. On estime que le patient réclame plus que ce dont il n'aurait réellement besoin.

Cela peut conduire le soignant à une « fatigue mentale» face aux plaintes répétées. Le

placebo semble représenter une alternative qui permet de soulager le patient, sans donner le

sentiment au soignant de le faire surconsommer un médicament potentiellement nocif à

fortes doses.

Ce cas de figure admet le soupçon d'une composante psychogène à la plainte. Si les

doses prescrites ne suffisent pas, ici le soignant pense que les plaintes sont exagérées ou

anormales. L'infirmière C invoque cet argument également :

17

Page 23: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

« J'ai aussi déjà donné des placebos antalgiques après avis médical sur une patiente

extrêmement demandeuse, ayant des troubles cognitifs importants et des antécédents

psychiatriques. La patiente demandait à peu près toutes les minutes qu'on s'occupe d'elle

(...) les demandes étaient inadaptés et, si ça n''était pas un antalgique, c'était autre chose.

Les placebos fonctionnaient pour elle, elle avait l'impression d'être écoutée et je pense que

ça la rassurait. »

L'indication dans le cadre d'un « abus », peut révéler une prise en charge qui est

globalement inadaptée ou incomplète. Premièrement, on peut questionner les outils

d'évaluation de la douleur. Est ce que mon outil est adapté à la personne ? Quels outils

utiliser pour évaluer de façon fiable la douleur ? Dans un second temps, ce cas de figure

indique peut-être que le traitement est inapproprié. En effet, si les doses prescrites ne

suffisent pas pour soulager la douleur, il serait nécessaire de revoir le traitement antalgique

( essayer une autre thérapeutique ou modifier la posologie). Ce raisonnement est appuyé

par l'infirmière A :

« C'est à nous de trouver les leviers, même si parfois les situations sont

compliquées. Il y a quelque chose dans la prescription ou dans l'éducation thérapeutique

qui doit être amélioré alors. Bien sûr, il y a des mésusages, mais je ne crois pas que le

placebo soit la clé pour une solution. Par exemple, si c'est de l'angoisse, on va pouvoir

proposer au patient des médicaments pour apaiser. Si c'est de la fatigue on va plutôt

favoriser le sommeil... on va creuser plus loin la cause qui crée la complication et on va

travailler avec le patient. »

Ses propos mettent en lumière le pouvoir de l'éducation thérapeutique. Si on relie

les connaissances relatives à l'effet placebo et son discours, on peut émettre cette

hypothèse : il possible de potentialiser les effets d'une substance active en expliquant au

sujet son action et en l'informant des effets positifs attendus. Alors, en plus de l'action

chimique du médicament, il est possible que son efficacité soit augmentée grâce aux

mécanismes neurobiologiques que le patient va faire fonctionner, par la force de sa

conviction. « On fait de la communication thérapeutique, en leur disant que c'est un

médicament qui devrait les soulager », « on les guide », complète l'infirmière B, en

parlant cette fois ci des placebos. Si cela fonctionne pour les placebos, cette technique peut

être d'autant plus exploitée pour les traitements actifs. Le concept de communication

thérapeutique consiste à « conditionner » le sujet à recevoir les effets attendus du

18

Page 24: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

médicament. Le terme « conditionner » est ici utilisé dans une intention bienveillante, et

non pas au sens de la manipulation.

5.2.2 Rôle du contexte institutionnel :

Outre les arguments soignants mis en avant pour justifier l'administration d'un

placebo, il semble que le contexte institutionnel joue un rôle dans cette décision.

Lors de ma recherche d'entretiens infirmiers, j'ai contacté des cadres de différents

services pour leur soumettre le thème de mon travail de fin d'étude et leur demander d'en

informer leurs équipes infirmières. Certains m'ont répondu que le placebo n'était pas

administré dans leurs services car ce n'était pas leur politique de soins. En effet, il semble

que cette pratique soit répandue dans certaines unités ou structures et pas dans les autres.

Rappelons que l'infirmière doit avoir la prescription du médecin pour donner ce

médicament. Donc dès lors qu'un médecin se positionne contre cette thérapeutique,

l'ensemble des patients de l'unité qu'il prend en charge en seront dispensés. Selon deux des

infirmières interrogées ( la troisième ne se prononce pas), l'usage du placebo fait souvent

l'objet d'une concertation d'équipe.

En discutant avec les infirmiers d'un service de psychiatrie intra-hospitalier, cela a

été confirmé. Voici l'anecdote qu'ils m'ont relatée : un médecin de garde avait prescrit des

placebos antalgiques à une patiente. Cette pratique n'était pas courante dans le service mais

les infirmiers qui étaient alors en charge de la patiente ne s'y sont pas opposé. Le

médicament a été efficace. Le médecin référent, à sa reprise de service, a découvert cette

prescription et a été très mécontent. Il a immédiatement remplacé les placebos par de vrais

antalgiques. Cet épisode aurait déclenché des débats houleux au sein de l'équipe médicale

et paramédicale, ainsi que des tensions entre les deux médecins.

Deux des infirmières qui ont participé aux entretiens évoquent également le facteur

de la charge de travail. Elles reconnaissent en effet qu'il existe des alternatives à

l'administration d'un placebo antalgique, telles que l'entretien relationnel, l'écoute, les

exercices de respiration et autres moyens non médicamenteux. Cependant, cela demande

du temps dont elles ne bénéficient pas toujours. On peut donc émettre l'hypothèse que la

charge de travail donnée aux infirmières peut favoriser le choix d'administrer un placebo.

L'une d'elle précise que cela permet aussi à la personne de se sentir écoutée et rassurée.

19

Page 25: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

D'après C.Baty et al. ( 2004), la nuit est un contexte qui favorise le recours aux

placebos. Les patients seraient pendant la nuit plus douloureux, anxieux, seuls, ou

insomniaques. De plus, « l'infirmière ne dispose pas de prescripteurs ou d'autres

interlocuteurs. Elle peut se déclarer anxieuse ou démunie, situation propice à utiliser le

placebo comme gage d'attention porté au plaignant, plutôt que rien ».

Enfin, les institutions ne disposent pas toutes des mêmes recours pour la prise en

charge de la douleur. Il existe en effet des Équipes Mobiles de la Douleur ( EMD) et des

Équipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP), le Comité de Lutte contre la Douleur, des

formations individuelles, la disponibilité d'un psychologue pour consulter dans les

services... autant de moyens qui permettent une prise en charge meilleure de la douleur.

Ces moyens sont malheureusement développés de façon inégale sur l'ensemble des lieux de

soins.

6. Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation

soignant-soigné

Nous avons démontré que la relation soignant-soigné joue un rôle dans l'effet

placebo. Cependant, cette même relation est-elle mise en danger par l'administration d'un

placebo ? Puisque cela implique à priori le mensonge, qu'en est-il de l'authenticité de la

relation soignant-soigné ? Il convient de se pencher sur la signification du concept

d'authenticité, de le relier à son rôle dans la relation, à la posture soignante et enfin au

placebo.

6.1 Qu'est ce que l'authenticité ?

6.1.1. Définition de l'authenticité

D'après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (n.d.),

l'authenticité est « une valeur profonde dans laquelle un être s'engage à exprimer sa

personnalité. » Cette définition implique d'être dans un rapport de vérité avec soi même et

20

Page 26: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

avec les autres. Cela rejoint les propos des trois infirmières interrogées : « être soi même

et laisser l'autre être lui-même » (infirmière A), « ne pas mentir » ( infirmière b).

Selon Margot Phaneuf (2002) « Il s’agit de la capacité de l’aidant(e) de demeurer

strictement lui/elle-même au cours de la relation avec l’aidé. Grâce à l’authenticité, la/le

soignant(e) reste transparent(e), spontané(e) et ouvert(e), ne cherche pas à présenter une

façade artificielle et ne se prétend pas être l’expert(e) de la situation de l’autre. »

Les trois infirmières interrogées ont rejoint ces définitions avec leurs propres mots.

Pour chacune d'elles, l'authenticité semble être importante et faire partie intégrante de leurs

valeurs professionnelles. Elles l'expriment explicitement et implicitement à travers le ton

employé et l'implication dans l'élaboration de leurs réponses. De plus, pour elles

l'authenticité ça serait aussi : accepter ses limites et ses faiblesses, ne pas jouer un rôle ou

faire semblant d'être quelqu'un que l'on n'est pas, respecter l'autre dans son individualité,

respecter l'expertise de chacun.

La troisième infirmière mentionne : « être en accord avec ses actes, savoir

pourquoi on les fait ». En approfondissant la recherche, cette définition semble convenir au

concept de congruence, étroitement liée avec l'authenticité.

6.1.2. Lien avec la congruence

« Une personne authentique manifeste un certain degré de congruence entre ce

qu’elle pense, ressent et exprime. La congruence est la manière d’être de l’infirmière qui

manifeste une certaine adéquation entre ce qu’elle ressent, ce qu’elle pense, ce qu’elle dit

et ce qu’elle fait, et entre son comportement verbal et son comportement non verbal. En

agissant ainsi, elle crée une harmonie entre ses émotions, ses pensées et ses actions. Cette

harmonie interne lui permet d’exprimer ce qu’elle pense de manière thérapeutique ou de

faire ce qu’elle croit approprié afin de faciliter une prise de conscience chez l’aidé ou une

évolution de la relation qu’elle entretient avec lui. » ( Margot Phaneuf, 2002)

Puisque les valeurs de l'infirmier sont impliquées dans la prise de position face au

placebo, on peut questionner également la congruence de l'infirmier par rapport à ses

valeurs éthiques ( relatives aux règles morales ) et déontologiques ( règles et devoirs

moraux d'une profession) . Si la congruence est un attribut de l'authenticité, alors il faut

21

Page 27: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

aussi comprendre l'authenticité de la relation soignant-soigné comme le respect des valeurs

du soignant et du soigné.

L'authenticité de la relation renvoie bien à la nature de la relation elle-même. Elle

questionne sa qualité à travers le respect de l'être de chacun, avec ses valeurs, ses

croyances et son expertise.

6.1.3. Lien avec la confiance

Margot Phaneuf ( 2002) ajoute à propos de l'authenticité : « Cette capacité est

essentielle à l’établissement du climat de confiance et de simplicité nécessaire à la

création d’une saine alliance thérapeutique entre l’aidant(e) et l’aidé. » Elle fait donc le

lien avec le concept de confiance. Dans le phénomène placebo, nous avons démontré que

la confiance du patient envers son soignant est primordiale. Selon le Centre National de

Ressources Textuelles et Lexicales ( n.d.) la confiance est la « croyance spontanée ou

acquise en la valeur morale, affective ou professionnelle d'une autre personne, qui fait que

l'on est incapable d'imaginer de sa part tromperie, trahison ou incompétence. » En effet,

sans cette croyance, le mécanisme placebo s'annule.

Cette phrase pointe le problème moral de l'administration d'un placebo. La

confiance du patient y est « trompée », car il pense prendre une substance active qui ne l'est

pas. L'infirmière A explique que cette pratique est très nocive pour la relation de confiance

soignant-soigné : « Quand le patient comprend la supercherie, il ne va pas être bien ! C'est

une vision à très court terme. Je règle là le problème, mais dans 24h ou 48h qu'est ce qu'il

en adviendra ? » En effet, lorsqu'il apprend le stratagème, il comprend qu'on lui a menti.

Comment peut-il alors faire confiance à tout le reste de la prise en charge ? Comment peut-

il croire les informations données et suivre nos conseils ? L'infirmière B qui travaille aux

urgences, explique que le patient n'est pas toujours informé d'avoir reçu un placebo. Doit-

on lui dire ou non ?

Cette question pointe le problème du médicament placebo : il est commercialisé et

prescrit, malgré les lois relatives au droit à l'information du patient. De plus, d'après le

nouveau code de déontologie infirmière remis à jour 25/11/2016 : : « Art. R. 4312-10 :

L’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme

salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.

22

Page 28: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Toute pratique de charlatanisme est interdite »

Cet article ne définit pas précisément ce qui est considéré comme du charlatanisme.

Pour respecter cette règle de notre code de déontologie, il semblerait pertinent de définir

officiellement le placebo, de reconnaître son efficacité avérée ou non, et de l'encadrer

juridiquement. Lors de mes recherches, je n'ai pas trouvé de documents officiels encadrant

cette prescription, sauf dans le cadre de la recherche clinique ( on cherche à montrer

l’efficacité d'un médicament actif, en analysant les résultats d'un échantillon qui reçoit des

placebos et un échantillon qui reçoit le médicament actif). Dans cette situation, la personne

est informée des conditions et signe une charte de consentement. En ce qui concerne

l'utilisation des placebos dans le traitement de la douleur, la loi laisse planer le mystère.

6.2 Résultats de l'authenticité de la relation soignant-soigné :

Si on reprend les propos de Margot Phaneuf ( 2002) « Cette capacité est essentielle

à l’établissement du climat de confiance et de simplicité nécessaire à la création d’une

saine alliance thérapeutique entre l’aidant(e) et l’aidé. », elle met en lumière le concept

capital de l'alliance thérapeutique.

L'alliance thérapeutique c'est une « collaboration active, où le patient et le soignant

travaillent ensemble, basée sur une appréciation partagée des problèmes et un accord sur

les solutions possibles. » ( CUNGI.C, 2009). La collaboration implique la participation

active du patient. Il s'agit d'un lien entre le soignant et le soigné ou chacun s'engage à

travailler ensemble pour soigner le patient. Pour cela, le soignant doit établir un climat de

confiance avec le patient, et cela passe par l'investissement mutuel de toutes les ressources

disponibles pour aider à la guérison. Il y a les ressources de la médecine, et surtout les

ressources du patient lui-même. Selon Carl Rogers ( n.d.) « Tout individu possède le

potentiel pour trouver sa propre réponse à ses difficultés ». Or, le soigné est fragilisé par la

blessure ou la maladie, et requiert l'aide du soignant pour y faire face. L'alliance

thérapeutique permet de mobiliser les ressources du patient tout en lui apportant une aide et

un accompagnement bienveillant.

Le rôle du principe d'authenticité dans la relation soignant-soigné est donc de

favoriser l'alliance thérapeutique. C'est grâce à cette alliance qu'on obtient un projet de

23

Page 29: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

soins au plus proche des besoins du soigné, et qu'il devient acteur de sa santé.

L'histoire de la médecine montre une évolution dans le lien soignant-soigné. Nous

avons évolué d'une médecine « paternaliste », où le patient s'en remet complètement au

corps médical et paramédical, à une médecine où le patient à un droit d'information, de

décision et d'action. Nous l'aidons, le conseillons, l'informons et l'accompagnons, mais

c'est lui qui est acteur de son projet de soins. En somme, l'alliance thérapeutique favorise

l'autonomie du patient. Aujourd'hui, le respect de l'autonomie de la personne soignée est un

principe fondamental de notre profession.

6.3 En quoi l'administration d'un placebo antalgique prescrit peut-elle

influencer l'authenticité de la relation soignant-soigné ?

6.3.1. Effet placebo ou nocebo sur la relation soignant-soigné?

Les trois infirmières interrogées se rejoignent dans leurs réponses à cette question :

l'authenticité est dans l'intention. Si l'intention est authentique et bienveillante, alors la

relation l'est aussi. L'infirmière B explique « En fait, on est authentique dans le sens où on

essaye vraiment de les aider, on espère vraiment que ça les soulage : l'intention est

authentique. » On peut appuyer ces propos avec ceux de l'infirmière C : « Si j'ai bien

compris avec le médecin que c'est la solution la meilleure pour un patient dans une

situation donnée, je serais plus authentique dans l'administration car je serais en accord

avec cette action. »

Donc, si l'on considère que le placebo représente un bénéfice pour le patient, et que

cela est animé par une intention réellement bienveillante, alors la qualité de la relation

soignant-soigné est préservée. Le bien-être du patient reste la finalité de ce soin. Lors de

l'administration d'un placebo, le patient est respecté dans ses croyances et ses valeurs, c'est

d'ailleurs ces dernières qui activent l'effet placebo. Le placebo apporte un sentiment

d'écoute et rassure, comme le relate l'infirmière C. Il soulève cependant d'autres questions

éthiques, relatives à au respect de l'autonomie par exemple. Néanmoins, ce que l'on peut

retenir, c'est qu'il est important de rester en accord avec ses principes lors de tout soin, et

que la bienveillance doit accompagner nos intentions et nos actes.

24

Page 30: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Selon notre code de déontologie (25/11/2016) :

« Art. R. 4312-33. – Dans le cadre de son rôle propre et dans les limites fixées par

la loi, l’infirmier est libre du choix de ses actes professionnels et de ses prescriptions qu’il

estime les plus appropriés. « Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter

ses actes professionnels et ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité et à la

sécurité des soins. « Il tient compte des avantages, des inconvénients et des conséquences

des différents soins possibles. »

Par cette loi, l'infirmier(e) a le droit, et même le devoir, de faire les soins qu'il/elle

juge appropriés. Devant la prescription d'un placebo, il a le droit de refuser ou d'accepter

d'administrer ce médicament. Ainsi, il peut rester en accord moral avec ses actes, et soigner

toujours dans un intention positive.

Pour conclure sur ce sujet et appuyer l'analyse précédente, voici les propos de

l'infirmière A :

« Est ce qu'on est toujours authentique ? Est ce qu'on a besoin d'être toujours

authentique ? Est ce que l'authenticité dans le soin c'est important ? Est ce que au fond, ce

qui ne compte pas plutôt c'est l'intention positive ?(...) Le placebo, il ne vaut mieux pas

que le patient le sache si on veut que ça marche. C'est l'intention positive, quoi. Est ce

qu'on peut être un bon soignant sans être authentique 100% du temps ? Moi je crois que

oui. (…) Dans l'authenticité il y a aussi une question de valeur. C'est à dire, est ce que je

suis en accord avec mes valeurs ? Si je suis en accord avec ce que je fais par rapport à

mes valeurs, je suis authentique. »

La relation soignant-soigné peut subir un effet nocebo lors de l'administration d'un

placebo, quand le patient sent dans la posture du soignant que lui même n'est pas en accord

avec ce médicament. Tandis que s'il sent le soignant convaincu de la bienfaisance de ce

médicament, alors ce sera un effet placebo.

6.3.2. La posture professionnelle comme facteur déterminant

« Comme son nom l'indique, la posture professionnelle regroupe les savoirs

professionnels (connaissances, concepts, valeurs, expériences...), les pratiques

professionnelles (comportements, rôles...) et la posture (attitude, opinions...). Pour la

définir autrement, la posture professionnelle est l'acquisition de nombreuses valeurs,

25

Page 31: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

associant savoir, savoir-être et savoir-faire. Le soignant est dans un processus d'évolution

constant et ininterrompu qui lui permet de se construire et de progresser dans sa relation

avec la personne soignée. » Christelle Corcelle, 2012.

D'après cette définition, la posture professionnelle est donc un tout ( connaissances,

valeurs, expérience, comportement, attitude, opinion). Je pense qu'elle répond au besoin

profond de chacun de donner du sens à son métier, d'être cohérent entre nos valeurs, notre

discours et nos actes. Elle va se manifester à travers l'image et l'être ( savoir-être, savoir

faire) que l'on renvoie à nos patients, nos collègues et à nous même.

Cette posture professionnelle a un impact direct sur nos soins et la relation

soignant-soigné. Elle est comprise par le patient, à travers notre communication verbale et

non verbale. Lors de l'administration d'un placebo, c'est la posture professionnelle qui va

finalement influencer ou non l'authenticité de la relation soignant-soigné. Selon l'infirmière

A « il ne faut rien changer. Il faut mettre en avant la posture dans laquelle on est d'avoir

une intention positive. » L'infirmière C explique : « Il faut être convaincu soi-même que

cela peut fonctionner. Être assuré, expliquer le produit comme si c'était réellement utile,

éviter au plus possible de mentir en rentrant dans des détails compliqués. Plus insister sur

l'effet que ça doit avoir car cela n'est pas un mensonge. ». L'infirmière B appuie : « Il ne

faut pas leur mentir non plus, de toute façon ils le sentiront bien, (…) on sera tous pas bien

et ça n'améliorera pas la relation. Il faut leur dire « on essaye de vous aider », c'est une

réalité, on essaye. »

Pour conclure sur cette partie, c'est donc la posture professionnelle qui détermine le

résultat placebo ou nocebo sur la relation soignant-soigné lors de l'administration d'un

placebo antalgique. Étant une novice en soins infirmiers, je pense que j'ai été dérangée par

le fait d'administrer un placebo antalgique car j'ai besoin de m'affirmer davantage dans ma

posture professionnelle. La relation avec ma patiente a été détériorée, non parce qu'elle ne

me faisait plus confiance, mais parce que je ne me faisais plus confiance : je n'étais pas

convaincue de la bienfaisance de mon acte et je suis entrée dans un rapport avec la patiente

qui me mettait mal-à-l'aise. La relation était devenue fausse. Désormais, je connais mieux

le phénomène du placebo et ses effets. Si je suis à nouveau en face de cette prescription, je

saurai comment me positionner, selon la situation et les enjeux qu'elle soulève.

26

Page 32: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

7. Problématisation

Mon raisonnement m'a amenée à formuler une réponse possible à la question de

départ. Nous avons compris le phénomène du placebo, puis analysé son fonctionnement

pour traiter le symptôme complexe qu'est la douleur, ainsi que ses situations

d'administration et l'influence qu'elle peut avoir sur l'authenticité de la relation soignant-

soigné. Ce raisonnement a abouti aux hypothèses suivantes :

La relation soignant-soigné reste authentique dès lors que chacun est dans la

sincérité de ses intentions et en accord avec ses croyances, valeurs et actions. L'authenticité

de la relation est dans les limites du soin : le bien du patient est la finalité de tout soin et il

n'est donc pas toujours pertinent de questionner cette authenticité. C'est plutôt l'intention

positive et la juste posture professionnelle qui créé une relation soignant-soigné de qualité,

grâce à l'obtention de la confiance du patient.

Nous avons différencié le placebo de l'effet placebo. Ce dernier présente un intérêt

plus congruent avec le respect de l'autonomie du patient et son droit à l'information.

L'effet placebo est en réalité présent non seulement dans les médicaments placebos mais

aurait sa part d'efficacité dans tous les traitements ( difficile à évaluer mais qui serait de

30% selon certaines études ). En se penchant sur les mécanismes de l'effet placebo, nous

avons montré que la relation soignant-soigné serait elle-même source d'effet placebo. En

effet, la conviction du soignant et son « discours thérapeutique » positif jouent un rôle

majeur dans le phénomène du placebo. On peut donc émettre également l'hypothèse que

l'effet placebo serait le reflet de la qualité de cette relation et du lien de confiance. D'après

Sebsatien Tubau (2011) « c'est le rapport humain qui possède en lui-même tous les

germes de la guérison ». Il semble qu'il y ait une carte à jouer avec la « communication

thérapeutique ». Ainsi , l'éducation thérapeutique, que l'on pratique déjà au quotidien,

favorise non seulement l'autonomie du patient, mais active peut-être aussi l'effet placebo.

Comment potentialiser l'effet placebo d'un traitement antalgique par le pouvoir de

la relation soignant-soigné?

27

Page 33: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

8. Conclusion

« le médecin se prescrit lui-même, et il n'y a pas de posologie au remède médecin »

Michaël Blint

Le phénomène du placebo éclaire la différence entre le soin et la guérison : les

médecins, infirmiers et autres soignants ne guérissent pas le patient, ils le soignent. C'est le

patient qui se guérit, nous l'aidons et l'accompagnons seulement. J'ai souvent entendu, au

cours de mes stages, ces propos soignants concernant les patients résignés ou peu

coopératifs : « on ne peut pas le sauver si lui-même n'en a pas envie ». Désormais cette

phrase prend sens. Même si cela peut être frustrant pour le soignant, nous avons besoin que

le patient veuille guérir, et qu'il y croie. C'est lui qui a les plus grandes ressources. Ce

travail m'a permis de mieux comprendre l'importance de la posture professionnelle dans le

soin, ainsi que la force d'une relation soignant-soigné de qualité. En effet, au delà de

l'alliance thérapeutique, il semble que cette relation aide le patient à mobiliser ses

ressources et à se guérir. On lui donne confiance en nous, et en lui. Puis, inconsciemment,

son corps répond. En tant que future infirmière, j'accorderai beaucoup d'importance à

expliquer, informer et éduquer les personnes soignées à leur santé, car c'est eux qui

réalisent le travail de guérison, pas nous. Notre rôle se limite à apporter les moyens,

accompagner, soutenir, aider et conseiller. Le placebo et l'effet placebo n'ont pas encore

révélé tout leur mystère, mais ils nous montrent que les rapports humains sont un soin à

part entière.

28

Page 34: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Références:

● Ouvrages :

1. Lemoine, P. (1996). Mystère du placebo (Le). Odile Jacob. Consulté le 15/11/2016

2. Formarier, M., & Jovic, L. (2012). Les concepts en sciences infirmières. Mallet conseil. Consulté le

15/11/2016

3. Blay, M. (Ed.). (2006). Dictionnaire des concepts philosophiques. Larousse. Consulté le 15/11/2016

4. MARGOT, P. (2002). Communication, entretien, relation d’aide et validation. Consulté le

12/03/2017

5. Chauffour-Ader, C., & Daydé, M. C. (2008). Comprendre et soulager la douleur. Wolters Kluwer

France. Consulté le 20/03/2017

6. Muller, A., Metzger, C., Schwetta, M., & Walter, C. (2011). Soins infirmiers et douleur. Elsevier

Masson. Consulté le 20/03/2017

● Articles :

1. Wälti-Bolligera, M. (2011). Placebo et soins professionnels, réflexions et positionnement

infirmier. In Bioethica Forum (Vol. 4, No. 2, pp. 51-55). Consulté le 15/11/2016

2. Baty, C., Fondras, J. C., Abitbol, G., Bloch, F., Cesselin, F., Hamdam, O., ... & Zerbibi, E. (2004).

L’utilisation de placebos dans le traitement de la douleur: résultats d’une enquête préliminaire en

milieu hospitalier. Douleur et analgésie, 17(1), 17-23. Consulté le 15/11/2016

3. Demarez, J. P., & Jaillon, P. (2009). Éthique, réglementation et placebo. La Lettre du

pharmacologue, 23(1), 13-19. Consulté le 15/11/2016

4. Philippe Duval, Osterman G.,Aulas J-J., Brissonet J., Gross J-F., Benedetti F., Lemoine P., Clervoy P.,

Rutherford B., Lejeune C., Boussageon R., Fondras J-C., Janssen T., Crocq L., Queneau P. et Cady S.

(2015). Dossier : Qu'est ce qui guérit ? L'effet placebo. Sciences Psy, 5 (1), 21-107. Consulté le

27/03/2017

5. Jean-François Marmion (2009). Le placebo, pourquoi il soigne. Sciences Humaines n°210, 20-25.

Consulté le 27/03/2017

● Sites internet :

1. http://www.cnrd.fr/Actualites-et-recommandations.html

2. http://leplacebo.unblog.fr

3. https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/poulain.pdf

4. https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/placebo_clud_lourdes_cbc.pdf

5. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/confiance

6. http://rechercheensoinsinfirmiers.com/2014/05/03/les-sept-concepts-de-la-relation-daide/

29

Page 35: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

7. http://www.sfetd-douleur.org/definition

8. http://social-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/article/la-

douleur

9. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_proj_prog_douleur_1709_env_av_260913_rel_jol.pdf

10. http://www.ifsi-ifas-lorient.fr/download/1346914598.pdf

11. http://espacerenaissance.files.wordpress.com/2011/03/dessin_placebo-ee327.jpg

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Page 36: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Annexes

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Page 37: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Annexe I

Guide d'entretien

• Le placebo antalgique prescrit :

➢ Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?

➢ Dans quelle situation faites-vous recours au placebo ?

▪ Pour vous, quels sont les critères réunis pour administrer un placebo ?

▪ ex : le patient est angoissé ? le patient est cohérent/délirant ? Le patient

demande un médicament mais n'a pas de prescription ? La cause de la

douleur est organique ou psychogène ? )

➢ A quelle fréquence avez-vous recours au placebo ?

➢ Que ressentez-vous pendant l'administration d'un placebo ? Changez-vous votre

posture professionnelle et comment ?

➢ Que surveillez-vous après l'administration d'un placebo ?

➢ Quels sont les résultats immédiats généralement obtenus de par votre

expérience après l'administration d'un placebo antalgique ?

➢ Pensez-vous qu'il y ait des alternatives au placebo ? Y avez-vous eu recours?

Cela a t-il eu les mêmes résultats ?

• Authenticité de la relation soignant/soigné :

➢ Comment définissez-vous l'authenticité ?

➢ Que représente pour vous ce concept dans votre métier ? Comment intégrez-

vous l'authenticité à votre posture infirmière ?

➢ Comment pensez-vous que l'authenticité de l'IDE influence la relation soignant-

soigné ?

➢ Comment conciliez-vous l'administration d'un placebo avec l'authenticité?

• Relation de confiance soignant-soigné :

32

Page 38: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

➢ Au regard de votre expérience et de votre posture infirmière, l'administration

d'un placebo fait-elle évoluer ou changer la relation soignant-soigné ?

▪ En quoi cela peut-il altérer ou renforcer le lien de confiance avec le patient ?

➢ Quelle posture adoptez-vous lors de l'administration d'un placebo pour

maintenir ou instaurer ce lien de confiance ?

• Questions générales :

➢ Pouvez-vous m'expliquer votre parcours ?

➢ Depuis combien de temps officiez-vous dans ce service ? Pourquoi avez-vous

choisi ce mode d'exercice ?

33

Page 39: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Annexe II

Retranscription des entretiens

• Infirmière A de l'équipe mobile de la douleur :

Moi : Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?

IDE : Ben euh, d'abord, je n'aime pas trop les placebos. Cette pratique là comme ça

euh...c'est juste euh.... Un placebo en fait c'est euh, pour moi quelque chose de très positif,

l'effet placebo. C'est à dire que effectivement quand on administre un médicament, et bien

il y a des fonctions psychiques qui se mettent en route qui euh.. plus ou moins importantes

selon les situations etc, ou au contraire, cet effet placebo c'est quelque chose qu'on va

pouvoir exploiter pour améliorer l'antalgie. Ce n'est pas quelque chose de forcément

négatif. Faut savoir que on est tous sensible au placebo, et donc l'effet placebo, dans

l'efficacité d'un médicament, il est de 10% - 90%.

– 90% c'est la part de l'effet placebo ?

– Et bien oui, ça peut ! Par exemple je me souviens quand j'avais fait mon DU

douleur, le médecin avait été chez un patient auquel il avait administré des patchs

de fentanyl transdermiques. Et à la consultation suvante, il revoit le patient qui lui

dit « oh lala depuis vos patchs ça va beaucoup mieux ». Le médecin il dit « très

bien, déshabillez-vous je vais vous examiner ». Et là, et bien il voit que le patient et

bien il n'a pas bien mis ses patchs de fentanyl en fait. Il n'avait pas, ouvert le patch.

Depuis 15 jours, il mettait les patchs sans que ça fonctionne ! En fait, il a mis en

route un effet placebo, c'est à dire que le médecin, en lui disant ça, il l'a déjà guérit

en lui disant « jvais vous donner un médicament efficace et très très bien pour ce

que vous avez, et ça va aller comme ça ». Et du coup, l'effet placebo, il existe bah je

pense pas que avec les antalgiques mais avec plein d'autres indications parce qu'il

est associé bah je pense à des croyances, à ce qu'il va comprendre de ce qu'il lui

arrive, de ce qu'on lui fait, et euh je pense que n'importe qui d'entre nous, pourrait,

dire que une douleur baisse avec un comprimé, une gélule euh...une fausse gélule !

N'importe qui ! C'est pas réservé à une spécificité de patients. C'est pas réservé, et

c'est ça qui est très agaçant dans cette façon de faire, c'est vraiment qu'on dit celui

34

Page 40: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

là voilà, rien ne fonctionne on va lui donner un placebo. C'est vraiment que le point

que vous avez mis en exergue. Ensuite, voilà, quelque part, on vérifie, que le

patient est bien sérieux dans sa plainte. Je trouve que c'est insupportable.

– D'accord. Du coup, pour vous, dans quelle situation on pourrait faire recours au

placebo ? Sur quels critères on se base au niveau de la situation du patient ou de ses

symptômes pour prescrire un médicament placebo ?

– Dans mon parcours d'équipe mobile j'ai croisé des prescriptions de placebos, que

ça soit par bouche ou même en intraveineux des fois hein ! Y en a qui disent bah

oui on va vous faire de la morphine en intraveineuse et voilà... bah en fait c'est de

l'eau. Euh....au fond, est ce qu'on est beaucoup plus avancé ? Moi je ne sais pas en

quoi ça fait euh... en quoi ça fait avancé le schmilblick. Je ne saurais pas trop

répondre à cette question en fait. Est ce qu'il y a vraiment une indication ? Moi je

ne crois pas. Peut-être que, en effet dans les situations ou l'infirmière elle ne peut

donner le prochain médicament que dans quatre heures par exemple, elle dit bah là

oui faut attendre quatre heures, et là à ce moment le patient veut absolument

quelque chose et là ça pourrait nous aider mais bon... l'infirmière du coup elle peut

distribuer à ce moment là...mais à un moment donné, on est obligé d'expliquer au

patient... enfin ce n'est pas prendre le patient au sérieux quoi. Dans l'esprit du

prescripteur ou de la personne qui donne le placebo, voilà : il met en doute la

plainte du patient. Et c'est une façon de vérifier... moi non franchement ya même

pas d'indications. Fin je ne sais pas...je ne crois pas ! Et franchement je vais vous

dire ce que j'ai vu. On met une seringue de physio, une seringue de physio et une

PCA de moprhine. Et on dit bah oui bah le patient il est content comme ça. Sauf,

que ça dure que quelques heures que le patient il est content ! Et quand il comprend

la supercherie, ah bah à un moment donné il ne va pas être bien ! A un moment

donné je trouve que... je trouve que c'est un truc qui est terrible!C'est une vision à

très court terme. C'est à dire, voilà, ya une plainte, je dois la satisfaire, donc

comment je peux faire je n'y arrive pas, donc euh...je propose un placebo on verra

bien. C'est de la vision à court terme. Je règle là le problème. Mais dans 24h ou

dans 48h qu'est ce qu'il en adviendra ?

– Donc si j'ai bien compris, vous, dans vos consultations douleur, vous ne prescrivez

35

Page 41: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

jamais ce recours là quoi.

– Non ! Jamais, non. A vrai dire, les placebos, les médicaments placebos, je ne sais

pas ce qu'il y a écrit dessus, je ne sais pas si on pourrait. Je sais qu'en hospitalier

voilà, il y en a de plusieurs couleurs euh... Je ne sais pas si on pourrait les prescrire

en dehors de l'hôpital. Je ne crois pas. En tout cas nous on ne fait jamais ça.

– Qu'est ce que vous surveillez après l'admnistration d'un placebo ?

– C'est juste l'EVA quoi. C'est la douleur. Et puis ya l'effet nocebo aussi. Quand le

patient il n'est pas satisfait du médicament et qu'il va faire le rejet d'autres

antalgiques derrière voilà quoi.. Et qu'on aura beau lui expliquer les effets du

médicament et tout bah rien n'y fait le patient il ne reviendra pas de dessus. Moi,

franchement, je militerai pour utiliser l'effet placebo pendant l'administration des

médicaments. C'est à dire que le rôle de l'infirmier ou de l'infirmière dans un

service, moi je vois trop de trucs décapsulés dans un petit bocal là... le patient, alors

qu'il savait très bien se débrouiller chez lui, il arrive à l'hôpital et il ne sait plus

quels sont ses médicaments. Il dit bah voilà je prends ce qu'on me donne. Alors

c'est vrai ya le patient qui se met un peu tranquillement dans une position un peu

passive, et puis ya aussi le fait que le médicament n'est très souvent pas expliqué.

Pourquoi tel médicament a changé ou, y avait tel médicament à la maison mais

aujourd'hui ya ça. Et je trouve qu'il y a vraiment un travail à faire dans

l'accompagnement du patient et donc dans une forme d'éducation thérapeutique. Et

souvent par exemple même le paracétamol, bah les patients ils disent bah je prends

ça chez moi et c'est vrai que c'est banalisé le paracétamol comme médicament ! Il

est en vente libre et tout le monde en a chez soi, en prend un peu tout le temps...et

moi je dis souvent, le paracétamol c'est un super médicament, et là j'appuie

vraiment sur l'effet placebo, sur le levier, pour dire bah détrompez-vous, peut-être

que vous le prenez comme ça à la maison, mais ça va marcher aussi dans cette

situation là. Au contraire l'effet placeboi c'est quelque chose qui doit nous aider et

renforcer notre confiance hein, plutôt que tu vois le prendre comme quelque chose

va bah briser la confiance. Je trouve.

– Donc si je reprends ce que vous dites, plutôt que d'administrer un placebo, il

faudrait plutôt optimiser le pouvoir placebo de chaque médicament dans le discours

36

Page 42: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

qu'on donner à chaque dispensation :

– Exactement ! Voilà moi je trouve que voilà. On sait que ça existe, mais ce n'est pas

l’apanache d'une partie de la population, ou de profils voilà de gens un peu plaintifs

voilà...ce n'est pas l'apanache que de gens comme ça, c'est l'apanache de tout le

monde ! Tout le monde peut répondre à un placebo. C'est ma vision.

– Quelles alternatives vous proposeriez à la place de ce recours là ?

– Je pense à tout ce qui est autour de la conversation. C'est à dire voilà, faire exprimer

au patient ou la patiente cette douleur là maintenant. Est ce que la dernier

médicament a été efficace ? Combien de temps ? Est ce qu'il y a eu d'autres choses

qu'elle a expérimenté elle-même à la maison qui ont pu la soulager ? Quelles

émotions peuvent être associées à la douleur hein ? C'est vrai que c'est intéressant

de travailler si c'est de l'anxiété euh... bah je comprends que ça soit utiliser dans ces

cas là. Je pense que c'est la seule indication qu'on pourrait éventuellement justifier

c'est ça. C'est votre situation ou on était dans une impasse de thérapeutiques

antalgiques. Moi j'aurais tenté une approche plutôt autour des émotions associées à

la douleur, en en fonction de ça, soit c'est quelque chose de très inquiétant qui

inquiète aussi l'infirmière et dans ce cas là vaut mieux appeler le médecin de garde

tant pis, et si ça inquiète beaucoup la patiente mais peut-être moins l'infirmière. Je

resterais sur du non-médicamenteux, du froid, du chaud, de la conversation des

choses comme ça. Essayzr de la détendre, de la respiration...des choses comme ça.

Après je conçois que dans certaines situations c'est compliqué. Mais le placebo ça

reste quelque chose qu'est assez facile finalement. C'est assez facile voilà. Moi je

prioriserais plutôt favoriser la relation plutôt que de la perdre.

– Pour vous, qu'est ce que l'authenticité ?

– L'authenticité, c'est que le patient soit lui-même, et que moi je puisse être moi-

même aussi. Donc, qu'il puisse exprimer des choses si il a besoin de les exprimer, et

que moi je sois aussi en capacité de dire les choses. Par exemple bah là

effectivement je vous ai donné un médicament il y a une heure, ça ne semble pas

tout à fait efficace, qu'est ce qu'on peut faire euh ? Qu'est ce que je peux faire là,

maintenant ? Je pense que c'est ça pour moi l'authenticité, chacun peut...et puis

aussi ya la place de chacun aussi. C'est à dire que moi voilà, je suis soignante, j'ai

37

Page 43: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

des connaissances en santé, sur sa maladie, les traitements possibles, leur efficacité

etc, je connais bien l'hôpital, j'ai de l'expérience professionnelle, dans mon domaine

donc j'ai des connaissances que lui n'a pas voilà, ça pourrait me donner, ça pourrait

me mettre en position de supériorité...mais en même temps, il y a lui, qui vit les

choses de façon spécifique de son côté, qui vit sa maladie, qui la connaît, il a son

expertise à lui aussi à laquelle nous on n'a pas forcément accès. C'est quand même

lui qui connaît son corps, les manifestations habituelles...donc je pense qu'il faut

quand même être prudent, voilà....essayer, autant que faire se peut, dans ce monde

qui n'est pas toujours idéal hein, avec des patients qui parfois en effet se mettent

dans un position un peu de passivité, qui sont là « je m'en remets à vous, faites ce

qui est bon pour moi » et même temps, dans une certaine authenticité c'est

considérer l'autre comme un individu à part entière avec son expertise, l'expertise

de son corps et de ses sensations et ça on n'a pas nous, tout soignant qu'on est. En

matière de douleur euh, on doit être vraiment à l'écoute des gens, on voit bien que

ya un ptit peu de tout, ya des gens qui sont très précis dans la description de leur

douleur, qui décrivent bien où, comment, quelle intensité, et d'autres ça va être

moins clair. Par exemple un monsieur qui avait été hospitalisé en pneumo, qu'avait

du mal à respirer et tout ça, puis finalement il avait un cancer de l'oesophage, mais

en fait dans sa façon de décrire...fin...il était certainement expert, mais dans sa

façon de décrire ses douleurs, ses sensations bah ça n'a cessé de mettre les

soignants sur des mauvaises pistes, des fausses pistes.

– C'est à dire ?

– Bah en fait c'était pas clair, c'était une plainte digestive puis une plainte de douleur

à la jambe puis autre chose, enfin on ne savait plus trop quoi. Mais bon quand

même c'est le patient qui reste expert et l'authenticité c'est aussi être à l'écoute de

cette expertise et que chacun ...chacun soit soi-même. Et si le patient il n'a pas

envie de me parler et bien voilà je n'insiste pas, c'est aussi ça l'authenticité c'est ne

pas forcer l'autre à être ce qu'il n'est pas.

– Comment pensez-vous que l'authenticité va influencer la relation soignant-soigné ?

– Ya peut-être un truc dans l'authenticité c'est aussi la disponibilité à l'autre quoi.

C'est que voilà on s'être engueulé avec ses collègues, avoir des soucis personnels

38

Page 44: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

etc et se présenter dans la chambre du patient avec peut-être un manque de

disponibilité du au fait qu'on est préoccupé par ailleurs, l'authenticité là ça voudrait

dire qu'on explique au patient bah là je suis indispo, et même temps si je dis ça je

suis authentique et même temps voilà ça peut influencer ma relation dans le

mauvais sens ou je vais perdre un peu le lien avec mon patient. La disponibilité à

l'autre ça va dans l'autre sens aussi. Par exemple hier j'ai été voir une dame pour

une consultation douleur et elle était extrêmement nauséeuse, ça n'allait pas bien du

tout...bon...elle était indisponible pour d'autres choses ce n'était pas le bon

moment... pour être authentique faut débloquer un peu ce truc là....peut-être que

j'embrouille un peu les choses non ?

– Non non je trouve que ça a du sens je vois là où vous voulez en venir.

– Bon ce qui est sur c'est que la relation dans notre profession, c'est quand même

quelque chose de très important. Souvent les professionnels, ils ont choisi un métier

comme ça, pour ça. C'est vraiment quelque chose d'important, après...ça s'apprend.

Quand on est professionnel bah on peut avoir un carcan un ptit peu de professionnel

c'est à dire euh...bah moi la première d'ailleurs hein. Je vais m'abriter derrière cette

carapace un peu parfois. C'est de dire euh ah oui vous avez mal blabla, vous n'avez

pas trop le moral, bah oui mais moi je suis infirmière donc bah je n'ai pas

forcément trop le temps non plus. Je ne vais pas questionner ou ouvrir des portes

que je ne saurais pas forcément refermer derrière.Parfois l'authenticité c'est euh...est

ce que je peux dire des choses sur moi ? Au patient ? Est ce que c'est professionnel

de livrer mes propres soucis ? Ya un truc dans l'authenticité, sans doute dans la

limite du soin, de la relation soignant-soigné qui limite l'authenticité. C'est à

débattre !

– D'accord. Pour en finir sur l'authenticité, est ce que pour vous c'est possible de la

concilier avec l'administration d'un médicament placebo ? Ou pas ?

– Je ne sais pas...peut-être que dans l'authenticité, alors ya aussi le non verbal. Ya ce

qu'on dit, ya ce qu'on montre...ya une certaine posture. Je pense qu'il faut faire

attention à ça, parce que c'est vrai que le corps dit beaucoup de choses en fait

hein...par exmple si je suis pressée, le fait que je ne vienne pas m'assoir dans la

chambre du patient, la rapidité de mes gestes, et bah le patient il va comprendre que

39

Page 45: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

je suis préssée sans que j'aie à lui dire. C'est authentique aussi. Après voilà, moi-

mêl par exemple quand je vais dire que le paracétamol c'est un super médicament,

j'ai besoin moi-même d'être convaincue par ce que je dis. Pour ça j'ai du mal à

donner un placebo, ça me dérange parce que je ne suis pas convaincue. C'est

difficile là d'être authentique. Je pense qu'il y a des choses dans l'authenticité qui

sont du non verbal et que ça peut nous trahir. Donc pour moi ce n'est pas

compatible. Après voilà...est ce qu'on n'a toujours besoin d'être authentique ? Est ce

qu'on est toujours authentique ? Est ce que l'authenticité dans le soin c'est

important ? Et est ce que derrière finalement ce qui ne compte pas plutôt ça serait

l'intention positive ? C'est peut-être aussi qu'il faut interroger. De la même manière

que ce n'est pas forcément bon pour la relation de parler de ses problèmes perso

pour justifier son indisponibilité, alors que c'est ça être authentique, bah le placebo

vaut mieux pas que le patient le sache si on veut que ça marche. C'est l'intention

positive quoi. Est ce qu'on peut être un bon soignant sans être authentique 100% du

temps ? Moi je crois que oui. Ya des situations ou on va exécuter des

tâches....finalement dans l'authenticité ya aussi peut-être une question de valeur.

C'est à dire est ce que je suis en accord avec mes valeurs ? Si je suis en accord avec

ce que je fais par rapport à mes valeurs, bah voilà, je suis authentique ya pas de

problème. Mais si je ne suis pas en accord, ya toutes les chances que...bah faut se

connaître quelque part.

– Au niveau de la relation de confiance soignant-soigné, l'administration d'un placebo

la fait-elle évoluer ou changer ? Tout à l'heure vous disiez que ça finirait forcément

par se savoir et que ça ruinerait la relation de confiance c'est ça ? Est ce que vous

voulez compléter ou rajouter quelque chose ?

– Bah je pense que selon la posture adoptée, la confiance peut être maintenue. Dans

le non verbal et le verbal, si dans ma posture le patient sens que c'est bon pour lui, il

ne va pas perdre confiance. Souvent comme la vérité ne lui ai jamais dite ce lien de

confiance peut rester tel quel. Si l'infirmière n'a pas de problème avec ça il n'y a pas

d'impact. Après pour moi c'est plutôt une question d'éthique mais bon.

– Justement quelle posture adoptez-vous pendant l'administration d'un placebo pour

maintenir ce lien de confiance ?

40

Page 46: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

– Bah faut rien changer je pense. Faut mettre en avant la posture dans laquelle on est

d'avoir une intention positive. Après moi comme je vous ai dit je ne suis pas trop

pour et je l'ai peu fait donc je ne peux pas trop vous dire. Pour moi on doit faire

avec le patient, pas contre lui ou dans son dos. C'est à nous de trouver les leviers,

même si parfois on va être dans des situations compliquées avec déjà beaucoup

d'antalgiques à côté mais qui ne suffisent pas. Ya quelque chose dans la prescription

ou dans l'éducation thérapeutique qui doit être améliorée alors. Bien sur il y a des

mésuages, mais je ne crois pas que le placebo ça soit la clé pour une solution. Par

exemple si c'est de l'angoisse, on va pouvoir proposer plutôt d'autres médicaments

pour apaiser etc, si c'est de la fatigue et bien on va favoriser le sommeil, enfin voilà,

on va aller creuser plus loin la cause qui créé la complication et on va travailler

avec le patient. Avec sa volonté et son consentement bien sur.

– Pour vous il faudrait donc faire un meilleur usage des médicaments plutôt que de

donner des placebos.

– Ouais ! Je pense qu'il y a quelque chose à faire avec l'effet placebo, en orientant et

en conseillant le patient vraiment on peut améliorer considérablement sa

satisfaction et l'efficacité des traitements. C'est ça qu'il faut retenir. Mais bon c'est

intéressant de s’intéresser au placebo ! Parce que bah moi aussi je suis un peu

euh.. .j'ai étudié un peu ça mais plutôt dans le sens comment exploiter ça plus que

ça n'est fait aujourd'hui ? Et du coup je pense que c'est plutôt ça mon

questionnement aujourd'hui. C'est vraiment intéressant de comprendre et d'exploiter

le pouvoir du conscient et de l'inconscient ! Donc oui c'est peut-être un peu plus

chronophage de bien expliquer au patient ses traitements et pourquoi il les prend,

mais ça lui sera aussi beaucoup plus bénéfique et à la maison je pense qu'il saura

beaucoup gérer sa maladie et ses douleurs et donc revenir moins souvent à l'hôpital.

Souvent je vois les patients, je vois les cupules avec parfois les médicaments qui

ont été triés, mais bon je ne vois pas le temps ou on leur explique. Donc ouais je

pense qu'il vaudrait mieux optimiser ça.

– Moi aussi c'est une observation que j'ai faite en stage. Et parfois les médecins

prescrivent des choses sans même les expliquer au patient, et parfois sans non plus

l'expliquer à l'infirmière, ce qui fait que parfois elle ne va même pas pouvoir

41

Page 47: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

expliquer elle-même au patient, pourquoi il a ce médicament.

– Ouais ! Alors là on soulève une autre pierre c'est la question du lien entre le

médecin et l'infirmière qui donne, c'est à dire que, devrait y avoir plus de

concertation aussi. Que l'infirmière puisse demander bah il prenait ça, t'as changé

ça dans la prescription pourquoi et qu'est ce que je vais lui dire...alors que souvent

c'est fait de façon mécanique et du coup au bout de la chaîne c'est le patient à qui

personne ne va expliquer les changements dans son traitement. Donc ouais ya peut-

être aussi quelque chose à travailler là-dessus. A la fois qui touche à l'effet placebo

et à l'éducation thérapeutique.

– Du coup pour contextualiser un peu l'entretien, pouvez-vous m'expliquer votre

parcours d'infirmière ?

– J'ai passé mon diplôme d'état en 1985, ensuite j'ai exercé un petit peu dans les

services de chir et en post-bloc, puis par le hasard j'ai fait du bloc opératoire. En 90

j'ai fait ma formation d'infirmière anesthésiste et en 2003 du coup j'ai fait mon DU

douleur. Pendant dis ans à peu près j'ai fait de l'anesthésie et de l'équipe mobile

douleur et puis jusqu'en 2013 où là j'ai quitté l'anesthésie et j'ai fait de l'équipe

mobile douleur et des consultations douleur. Entre temps je me suis formée à

l'hypnose et aux thérapies brèves.

– C'est quoi ?

– C'est un petit peu tout qui tourne autour d'une approche solutioniste pour aider le

patient à voir un petit peu les choses différemment, je ne suis pas psychologue

mais... en tout cas cette formation là m'a apporté beaucoup de choses en terme de

savoirs..savoir-êtres ? Je ne sais pas...en terme d'entretien infirmier.

Infirmière B des urgences :

Moi : Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?

IDE : Alors, c'est un...une thérapeutique non active, qui permet de soulager un patient,

euh...voilà.

– D'accord. Dans quelle situation faites-vous recours aux placebos ?

42

Page 48: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

– Alors j'ai du...c'est....on a quand même pas mal de toxicos chez nous, ou d'addict

aux drogues, et quand on a doute, sur le fait que leur douleur est réelle ou pas, ou si

viennent, parce que généralement c'est des patients qui viennent réclamer de la

morphine, donc nous le placebo il est vraiment utiliser à cette, dans ce cadre de là,

pour savoir si il s'agit d'une douleur réelle ou si c'est juste le fait de se dire « j'ai de

la morphine et du coup je me sens mieux ». Ya ça, et euh, parfois, aussi c'est arrivé

pour des patients qui demandaient des médicaments pour les détendre. Patients

hyper anxieux, on leur dit oui on va vous donner quelque chose et du coup...après

nous ça reste en...nous c'est en IV, on n'a pas de médicaments, en fait de comprimés

placebos aux urgences. Vraiment, en fait on fait....on fait des seringues d'eau en fait.

Sérum phy ou eau PPI.

– C'est prescrit généralement ou c'est votre initiative ?

– C'est en accord avec le médecin. Voilà on leur dit et vraiment c'est en accord bien

sur avec le médecin. Après...prescription je sais pas parce que je ne suis pas sure

que y ait des prescription euh...c'est plus en accord verbal avec le médecin. Après,

pour autant, je pense que c'est tracé sur l'ordinateur, on doit marqué....voilà, pour

savoir si ça a été efficace aussi. Dès fois ça...ça n'a pas d'effet non plus hein...

– Donc à quelle fréquence vous avez recours aux placebos vous ?

– Alors, c'est pas hyper régulier...pff, mais par exemple il y en a eu un ya deux

semaines tu vois....euh, je ne sais pas. Déjà le problème c'est que moi je suis à

temps partiel donc je ne suis forcément pas tout le temps là, après je dirais aller

euh, une fois tous les deux mois ou on te pose la question et ou tu le fais quoi.

Après ça c'est que moi, sachant qu'on est une méga grosse équipe aux urgences.

D'emblée sur des grosses douleurs on a tendance à donner de la morphine, et après

quand on se dit euh...ça ne colle pas. En fait la clinique ne colle pas, ou ils ne sont

pas tachycardes alors qu'ils sont censés être hyper douloureux et qu'ils réclament de

la morphine, en fait ya pas de cohérence entre le discours du patient et les signes

cliniques. C'est plus là ou on va tenter le coup et on va se dire, bah c'est plus ça en

fait.

– D'accord. Est ce que c'est efficace quand vous donner les placebos généralement ?

– Ouais. Ouais, c'est ça qu'est surprenant, en fait. Surtout, bah en fait, c'est ça qu'est

43

Page 49: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

un peu frustrant tu vois ! C'est compliqué du coup euh..la communication derrière.

Tu dis au patient bah vous êtes soulagés c'est très bien, mais parfois le médecin il

va dire bah on ne vous a pas vraiment donné la dose euh... ou parfois ils ne le disent

même pas hein...bah très bien vous êtes soulagés...voilà.

– D'accord, ok. Quand vous administrez un placebo, quelle posture professionnelle

vous adoptez et comment ? Est ce que vous avez un certain ressenti ?

– Non, c'est, alors c'est un peu le même discours. Vous leur dites, alors.. ce qu'on fait

ici, c'est vraiment pour la douleur qu'on s'en sert le plus, alors on leur dit : « jvais

vous donner un médicament contre la douleur, peut-être que ça ne suffira pas, on

verra si on vous donne quelque chose d'autres mais on va laisser à ce médicament

là son temps d'action et après on verra pour une alternative. Donc c'est le même

discours que pour la morphine ou un autre antalgique. Je vous passe quelque chose,

si ça ne va pas mieux on reavisera. Mais ça devrait vous soulager. Après, on fait de

la communication thérapeutique aussi hein. En leur disant, ça devrait vous soulager,

c'est un médicament qui devrait vous soulager vous allez voir vous allez ressentir

des choses... donc on dirige aussi un peu mine de rien. Mais voilà, après...c'est la

même posture je pense que quand on donne sciemment une thérapeutique plus

active.

– D'accord. Est ce que vous pensez que il y aurait des alternatives peut-être au

placebo ?... ou non ?

– J'en sais rien. J'en sais rien parce que le problème c'est que souvent c'est utilisé pour

les patients qui ne sont pas en mesure de communiquer euh... qu'on une

communication verbale, euh, tu vois sur leur ressenti réel..euh, c'est une vraie

douleur en fait ce qu'ils ont hein, jpense que c'est une douleur qu'ils ressentent

vraiment, sauf que ce n'est pas des douleurs physiques qui peuvent être traitées par

un médicament. Voilà. A partir de là euh je sais pas. J'avoue que le placebo il... c'est

un peu ce qu'ils disaient en règle générale sur l'homéopathie pour les gamins quoi.

T'en a plein qui critiquent, qui disent voilà c'est du pipo et tout...mais en même

temps ça ne fait pas de mal. Voilà c'est plus..ça ne peut pas faire de mal. Donc à la

limite ça ne peut être que un truc positif. Après une alternative euh... je ne sais pas.

Moi je trouve que c'est quand même un choix, pas mal. Après le problème c'est que

44

Page 50: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

ici ça prendrait du temps une autre alternative. Ça serait un moment d'écoute ou de

l'hypnose...je pense que l'hypnose c'est un truc qui pourrait marcher sur les trucs

comme ça, mais sauf que ça prend du temps, et nous ici on n'a pas ce temps là.

Donc euh...

– ça s'entend bien sur. Alors après j'ai fait deux thèmes, un sur l'authenticité de la

relation soignant-soigné et un autre sur la relation de confiance. Comment vous

définissez vous l'authenticité ?

– Euh...ne pas mentir ? Ne pas euh...être clair en fait et dire les choses en... en

appelant un chat un chat.

– D'accord ok.

– Et clairement du coup la relation n'est plus du tout authentique !

– Voilà alors du coup au final la question c'est comment vous conciliez

l'administration d'un placebo avec l'authenticité de la relation soignant-soigné ?

– Bah en fait...je crois que c'est très psycho, fin très psy en règle générale. C'est parce

que leur dire qu'on ne va pas leur donner une thérapeutique active c'est les mettre

en échec d'emblée. C'est l'effet même du placebo c'est leur dire on va vous donner

quelque chose pour vous soulager et du coup ça va marcher. Donc en fait tu les

diriges vers hein...et leur dire que tu ne vas pas leur donner ce qu'ils demandent, au

final, et bah ça va les mettre dans de la frustration, donc augmente la douleur, et ça

a un effet boule de neige. En fait, on est authentique vraiment dans le sens on

essaye vraiment de les aider, on leur dit, on va vous donner quelque chose, on

espère vraiment que ça les soulage. C'est vrai ! Certes ce n'est pas le médicament

que eux veulent, car ils estiment que ce n'est pas celui là qui leur fait du bien, mais

ça reste une...on est authentique dans le sens ou on veut aider quand même.

– L'intention est authentique quoi.

– C'est ça, l'intention est authentique. La thérapeutique n'est pas celle demandée par

le patient. En même temps le patient qui...c'est pas à lui de choisir sa thérapeutique

logiquement non plus, ça c'est du domaine médical quoi. Ouais je dirais que

l'intention est authentique c'est pas mal ça !

– Au niveau de la relation de confiance soignant-soigné, au regard de votre

expérience et de votre posture infirmière, l'administration d'un placebo fait-elle

45

Page 51: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

évoluer ou changer la relation soignant-soigné ?

– Je pense que nous on a un regard différent quand même. Parce que après... pareil, je

reste dans le contexte des urgences ou on a pas forcément le temps de faire de la

psychologie ou de l'accompagnement, et que du coup on a l'impression, ou que

certains ont l'impression, des fois de perdre son temps avec quelqu'un qui n'a pas de

réelles douleurs physiques alors que d'autres en ont et que du coup on n'a pas le

temps d'aller faire de la morphine ou un autre médicament à quelqu'un d'autre. Je

pense que consciemment, ou inconsciemment, ça fait changer la relation soignant-

soigné, parce qu'on a l'impression que eux ne sont pas authentiques avec nous.

Et...l'authenticité elle marche dans les deux sens, donc du coup que eux là on a

l'impression que c'est bon quoi. Arretez c'est de l'eau qu'on vous a donné, à un

moment donné, d'un coup vous avez plus mal...donc tu vois ça marche dans les

deux sens. N'oublie pas que logiquement, on est censé avoir confiance en nos

patients aussi.

– D'accord je comprends...Bon je pense que vous avez répondu un peu déjà à cette

question : quelle posture adoptez-vous pendant l'administration d'un placebo pour

maintenir ou instaurer ce lien de confiance ?

– C'est toujours un peu la même chose hein, tu vois tu dis les choses hein. Tu dis que

tu leur donnes quelque chose qui est censé les aider. Après, t'en a qui vont

demander ce que c'est. Après tu leur répond un peu ce que tu veux. T'en a jpense

qui veulent de la morphine, qui viennent pour ça en fait et du coup tu leur dis qu'on

essaye autre chose. Tu ne leur dis pas forcément ce que c'est. Après faut pas leur

mentir non plus hein, de toute façon ils le sentiront bien et euh... tu vois tu seras

agacé enfin on sera tous pas bien et c'est toujours la même chose. Cela n'améliorera

pas la relation mais euh...ouais c'est leur dire « on essaye de vous aider ». C'est une

réalité, on essaye.

– Voilà je pense c'est bon concernant le placebo j'ai l'essentiel. Maintenant j'ai des

questions plus sur vous pour remettre dans un contexte.

– Ouais !

– Euh est ce que vous pouvez m'expliquer votre parcours ?

– Je suis diplômée depuis 2004 euh...un parcours surtout d'urgences euh... un gros

46

Page 52: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

moment que je ne fais quasiment que ça. Pendant un an, un an et demi ou j'ai boué

pas mal, j'ai fait pas mal d'intérim et là je suis aux urgences depuis 2006.

– pourquoi ce choix des urgences ?

– Euh bah j'ai commencé infirmière pompiers pendant mes études d'infirmière, et du

coup c'est ça qui m'a donné envie. Parce que ça bouge, tu vois de tout, tu...euh, j'ai

fait de la cancéro un peu pendant mes études d'infirmière et je revenais en pleurs

tous les soirs à la maison, je m'attachais trop aux patients. L'avantage ici, et

l'inconvénient, c'est qu'on n'est là que sur un court temps, et que...on a des histoires

dures aussi hein mais voilà, c'est plus facile de s'en détacher. On en connaît pas leur

vie de famille, leur vie personnelle... voilà quoi.

– Bon, merci !

Infirmière C en service de géronto-psychiatrie :

Moi :Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?

IDE : C'est un produit qui peut ressembler à un traitement médicamenteux mais qui en

réalité ne possède pas les molécules chimiques reconnues de ces traitements

médicamenteux. Ils n'ont donc pas d'action rééelle (au sens qu'ils n'ont pas les molécules

nécessaires pour induire une réaction chimique) mais peuvent avoir un effet psychologique

voire psychosomatique.

Moi : Dans quelle situation faites-vous recours au placebo ?

IDE : Dans ma pratique je l'ai très peu utilisé. La première fois était sur une patiente

schyzophrène connue (elle est restée 1an et demi dans mon service) très angoissée par

moment, ayant des début de troubles cognitifs. Cette situation s'est déroulée il y a un

certain temps déjà, mais de ce que je me rappelle de la situation : le médecin avait

sucessivement prescrit des antalgiques de palier 1, 2, 3, nous faisions des échelles

numériques de la douleur à chaque administration, et la patiente avait des antalgiques

palier 3 (morphiniques) prescrit en si besoin. Elle avait tendance à le réclamer sans avoir

de faciès douloureux, elle cotait sa douleur à 8 systématiquement (avant ou après

l'administration des traitements, quels que soient les paliers), il y avait parfois des pleurs

associés mais nous avions beaucoup de mal à dicerner si c'était lié à une douleur ou plutôt

47

Page 53: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

à des angoisses (car même le fait de prendre une tension artérielle pouvait la faire pleurer,

car le fait de la toucher était extremement angoissant pour elle). Sur avis médical nous

avons donc essayé de lui donner de l'eau sucrée en lui disant que c'était de la morphine, et

cela fonctionnait parfois. J'ai aussi déjà donné des placebo antalgiques après avis médical

sur une patiente extrêmement demandeuse, ayant troubles cognitif importants (troubles

mnsésiques, troubles du jugement...) + antécédents psychiatriques (anxiéte et depression)

en secteur d'URCC (Unité de réadaptation cognitivo comportementale), la patiente

demandait à peu près toutes les minutes qu'on s'occupe d'elle, ce qui est un peu compliqué

lorsqu'on a un service à gérer. Je précise que les demandes étaient inadaptés et que si c'était

pas un antlagique qu'elle réclamait, c'était autre chose. Les placebo focntionnait pour elle,

elle avait l'impression d'être écoutée et je pense que ça la rassurait.

Moi : A quelle fréquence avez-vous recours au placebo ?

IDE : Très peu. C'est exceptionnel.

Moi : Que ressentez-vous pendant l'administration d'un placebo ? Changez-vous votre

posture professionnelle et comment ?

IDE : Je ne me sens pas très à l'aise d'avoir à mentir à un patient. J'essaye d'avoir l'air

assurée et naturelle afin que le patient soit confiant avec le produit.

Moi : Que surveillez-vous après l'administration d'un placebo ?

IDE : Je surveille si ça a bien l'effet escompté, la diminution de la douleur dans mon cas :

échelle numérique ou EVA, posture du patient (position antalgique ou non...), échelle

algoplus, faciès...

Moi : Quels sont les résultats immédiats généralement obtenus de par votre expérience

après l'administration d'un placebo antalgique ?

IDE : Le patient se sent écouté et rassuré. Sa demande vis à vis de la douleur disparaît. Si

ça ne disparaît pas il faut que le médecin soit appelé pour mettre en place d'autres actions.

Moi : Pensez-vous qu'il y ait des alternatives au placebo ? Y avez-vous eu recours? Cela a

t-il eu les mêmes résultats ?

IDE : Pour des patients angoissés ou ayant des troubles cognitifs les alternatives sont de

mettre en place des actions relationelles plus importantes, d'en parler avec le psychiatre, la

psychologue, les collègues...

Moi : Comment définissez-vous l'authenticité ?

IDE : Le fait d'exprimer quelque chose en accord avec soi même, ses valeurs, ce que l'on

48

Page 54: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

pense.

Moi : Que représente pour vous ce concept dans votre métier ? Comment intégrez-vous

l'authenticité à votre posture infirmière ?

IDE : Pour être authentique dans le soin, il faut comprendre l'acte qu'on réalise et être en

accord complet avec. Si le médecin me demande d'administrer un traitement mais que je ne

comprend pas pourquoi, la posture hostile que j'aurais vis à vis de cela ne sera pas

rassurant pour le patient. Je pense que pour être authentique il faut savoir ce que l'on fait et

pourquoi, il faut donc questionner le médecin si jamais on ne comprend pas pourquoi il

prescrit tel ou tel médicament.

Moi : Comment pensez-vous que l'authenticité de l'IDE influence la relation soignant-

soigné ?

IDE : Ça l'influence parce que dans la communication le langage paraverbal est important.

Si l'IDE n'est pas authentique, ne croit pas en ce qu'il fait, le patient va le ressentir. S'il

comprend que l'IDE lui ment, la relation sera dégradée car il n'y aura plus de confiance.

Moi : Comment conciliez-vous l'administration d'un placebo avec l'authenticité?

IDE : J'ai du mal à la concilier mais si j'ai bien compris, avec le médecin, que c'est la

solution la meilleure pour un patient dans une situation donnée, je serais plus authentique

dans l'administration car je serait en accord avec cette action.

Moi :Au regard de votre expérience et de votre posture infirmière, l'administration d'un

placebo fait-elle évoluer ou changer la relation soignant-soigné ?

IDE : J'ai peu d'expérience donc ce ne sera pas représentatif. Pour moi la relation n'a pas

changé car le patient a pensé que le placebo a fait son effet. La confiance était toujours

présente, je pense. Le patient s'est senti écouté. Il faut allier ça avec tout le travail

relationnel derrière, présence, bienveillance, écoute active, questionnement pertinent pour

permettre aux patients d'exprimer leur problématiques...

Moi : Quelle posture adoptez-vous lors de l'administration d'un placebo pour maintenir ou

instaurer ce lien de confiance ?

IDE : Il faut être convaincu soi-même que cela peut fonctionner je crois. Etre assuré,

expliquer le produit comme si ça était réélement utile, éviter au plus possible de mentir en

rentrant dans des détails compliqués. Plus insister sur l'effet que ça doit avoir car cela n'est

pas un mensonge.

Moi : Pouvez-vous m'expliquer votre parcours ?

49

Page 55: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

IDE : Diplomée en 2013 puis depuis 3an et demi je travaille dans un clinique privée, dans

laquelle j'ai travaillé 6 mois en gérontopsychiatrie, et depuis j'alterne entre le service de

SSR gériatrique et l'URCC.

Moi : Depuis combien de temps officiez-vous dans ce service ? Pourquoi avez-vous choisi

ce mode d'exercice ?

IDE : À la base je voulais faire de la psychiatrie, mais au vu des circonstances

économiques (pas beaucoup de postes dans la région d'où je viens), j'ai pris ce qui était

libre (c'était une création de poste). Finalement la gériatrie m'a énormément plu car c'est

assez complexe surtout en tenant compte des intrication neurologiques / psychiatriques, et

c'est une spécialité de l'établissement dans lequel je travaille.

50

Page 56: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Annexes III

Grille d'analyse

Thème Sous-thème IDE 1

Le

médicament

placebo

Définition « L'effet placebo c'est quelque chose de très positif, mais le

placebo pour moi c'est une pratique insupportable. On

peut exploiter l'effet placebo pour améliorer l'antalgie, on

est tous sensible au placebo, et donc l'effet placebo dans un

médicament, il serait de 90%. » Elle raconte l'exemple d'un

patient à qui on avait prescrit des patchs de fentanyl. Il les

avait mal mis en oubliant de d'ouvrir les patchs, ce qui les

empêchaient donc de fonctionner, mais cela il l'ignorait. A

la consultation suivante, le patient dit que ça va beaucoup

mieux ! « En fait il avait mis en route un effet placebo,

c'est à dire que le médecin, en lui disant « je vais vous

donner un médicament efficace et très très bien pour ce

que vous avez, et ça va aller beaucoup mieux comme ça »,

il l'a déjà guérit en fait ».

Situation

d'administrati

on et

fréquence

« Est ce qu'il y a vraiment une indication ? Moi je ne crois

pas. (...) Le placebo n'existe pas que pour les antalgiques

mais pour plein d'indications je pense. Parce qu'il est

associé à des croyances, à ce qu'il va comprendre de ce

qu'il lui arrive, de ce qu'on lui fait...n'importe qui d'entre

nous pourrait dire qu'une douleur baisse avec une fausse

gélule. Ce n'est pas réservé à une spécificité de patients,

c'est ça qui est très agaçant dans cette façon de faire. (…)

Quelque part, on vérifie que le patient est bien sérieux

dans sa plainte. (…) Dans mon parcours d'équipe mobile,

j'ai croisé des prescriptions de placebos, que ça soit par la

bouche ou en intra-veineuse. (…) Au fond, est ce qu'on est

beaucoup plus avancé ? Je ne sais pas en quoi ça fait

51

Page 57: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

avancé le schmilblick. Peut-être, en effet dans les situations

ou l'infirmière ne peut donner le prochain médicament que

dans quatres heures et que le patient veut absolument

quelque chose...mais à un moment donné, on est obligé

d'expliquer au patient...enfin ce n'est pas prendre le patient

au sérieux. Dans l'esprit du prescripteur qui donne le

placebo, il met en doute la plainte du patient. C'est une

façon de vérifier. Quand le patient comprend la

supercherie, il ne va pas être bien ! C'est une vision à très

court terme. Je règle là le problème, mais dans 24h ou 48h

qu'est ce qu'il en adviendra ? »

Résultats et

surveillance

« on surveille l'EVA, la douleur. »

Ressenti

pendant

l'administrati

on et

changement

de posture

éventuelle

« Je militerais pour utiliser l'effet placebo pendant

l'administration des médicaments. Je vois trop de trucs

décapsulés dans un petit bocal là...le patient, alors qu'il

savait très bien se débrouiller chez lui, il arrive à l'hôpital

et il ne sait plus quels sont ses médicaments. Il prend ce

qu'on lui donne. Alors c'est vrai qu'il se met un peu dans

une position passive, et il y a aussi le fait que le

médicament n'est très souvent pas expliqué. Et je trouve

qu'il y a vraiment un travail à faire dans

l'accompagnement du patient et donc dans une forme

d'éducation thérapeutique. Par exemple la paracétamol

c'est banalisé. Moi je dis souvent « le paracétamol, c'est un

super médicament, détrompez-vous, peut-être que vous le

prenez comme ça à la maison, mais ça va marcher aussi

dans cette situation là. » Et là j'appuie sur l'effet placebo,

sur le levier. »

Alternative

possible

envisagée

« Il faudrait plutôt optimiser le pouvoir placebo de chaque

médicament dans le discours qu'on donne pendant la

dispensation. Ce n'est pas l'apanache de profils un peu

52

Page 58: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

plaintifs, c'est l'apanache de tout le monde ! Tout le monde

peut répondre à un placebo. C'est ma vision. »

« Il y a tout ce qui est autour de la conversation : faire

exprimer au patient cette douleur là maintenant. Est ce que

le dernier médicament a été efficace ? Combien de temps ?

Est ce qu'il y a eu d'autres choses expérimentées à la

maison qui ont pu la soulager ? Quelles émotions peuvent

être associées à la douleur ? (…) Dans une situation

d'impasse comme la votre, je resterais dans du non

médicamenteux. Du froid, du chaud, de la

conversation...des choses comme ça. Essayer de détendre,

de la respiration...Le placebo c'est la solution facile quoi.

Moi je prioriserai plutôt la relation plutôt que de la

perdre. »

Authenticité

de la relation

soignant-

soigné

Définition et

rôle dans la

relation

« L'authenticité, c'est que le patient soit lui-même, et que

moi je puisse être moi-même aussi. Donc qu'il puisse

exprimer les choses si il a besoin de les exprimer, et que

moi aussi je sois en capacité de dire les choses. Et puis il y

a la place de chacun aussi. C'est à dire que moi, je suis

soignante (…) j'ai des connaissances et de l'expérience que

lui n'a pas. Ça pourrait me mettre en position de

supériorité. En même temps, lui il vit les choses de façon

spécifique de son côté, il vit sa maladie, il la connaît, il a

son expertise aussi à laquelle on n'a pas forcément accès.

(…) l'authenticité c'est considérer l'autre comme un

individu à part entière avec son expertise, l'expertise de

son corps et de ses sensations, et ça on ne l'a pas nous,

tout soignant qu'on est. Etre à l'écoute de cette expertise

et que chacun soit soi-même. Et si le patient n'a pas envie

de me parler et bien je n'insiste pas, c'est aussi ça

l'authenticité, c'est ne pas forcer l'autre à être ce qu'il

53

Page 59: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

n'est pas.(...)

Ya peut-être un truc dans l'authenticité qui est dans la

disponibilité à l'autre aussi (…) se présenter dans la

chambre du patient avec peut-être un manque de

disponibilité dû au fait qu'on est préoccupé par ailleurs,

l'authenticité là ça voudrait dire qu'on explique au patient

bah là je suis indispo, et en même temps si je dis ça, ça

peut influencer la relation dans le mauvais sens, je vais

peut-être perdre un peu le lien avec mon patient.

Ce qui est sur, c'est que la relation dans notre profession,

c'est quand même quelque chose de très

important...après, ça s'apprend. Parfois on peut avoir

notre carcan de professionnel, une carapace derrière on va

pouvoir s'abriter « vous avez mal, vous n'avez pas le

moral, je suis infirmière donc je n'ai pas trop le temps non

plus », c'est à dire que je ne vais pas aller questionner

ouvrir des portes que je ne saurai pas forcément refermer

derrière. Est ce que c'est professionnel de dire des choses

sur moi ? De livrer mes propres soucis ? Ya un truc dans

l'authenticité, sans doute dans la limite du soin, de la

relation soignant-soigné. »

Comment

concilier

placebo et

authenticité

Dans l'authenticité, ya aussi le non verbal, il y a une

certaine posture. Il faut faire attention à ça aussi parce que

le corps dit beaucoup de choses en fait. Par exemple si je

suis pressée, le fait que je ne m'assois pas dans la chambre,

la rapidité de mes gestes, le patient va comprendre sans

que j'ai à lui dire. C'est authentique aussi. Après moi-même

quand je vais dire que le paracétamol c'est un super

médicament, j'ai besoin d'être convaincue par ce que je dis.

Pour ça j'ai du mal à donner un placebo, ça me dérange

oarce que je ne suis pas convaincue. C'est difficile là

54

Page 60: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

d'être authentique. Je pense qu'il y a des choses dans

l'authenticité qui sont du non verbal et qui peuvent nous

trahir. Donc pour moi ce n'est pas compatible. Après

voilà...est ce qu'on est toujours authentique ? Est ce

qu'on a besoin d'être toujours authentique ? Est ce que

l'authenticité dans le soin c'est important ? Est ce que au

fond ce qui ne compte pas plutôt c'est l'intention

positive ? De la même manière que ce n'est pas forcément

bon pour la relation de parler de ses problèmes perso pour

justifier son indisponibilité, alors que c'est ça être

authentique, le placebo vaut mieux pas que le patient le

sache si on veut que ça marche. C'est l'intention positive

quoi. Est ce qu'on peut être un bon soignant sans être

authentique 100% du temps ? Moi je crois que oui. (…)

Dans l'authenticité il y a aussi une question de valeur.

C'est à dire, est ce que je suis en accord avec mes

valeurs ? Si je suis en accord avec ce que je fais par

rapport à mes valeurs, je suis authentique, ya pas de

problème.

Relation de

confiance

soignant-

soigné

Impact de

l'administrati

on d'un

placebo sur la

relation de

confiance

« L'effet placebo, c'est quelque chose qui doit nous aider

à renforcer notre confiance tu vois, plutôt de le prendre

comme quelque chose qui va briser la confiance.(...)

Je pense que selon la posture adoptée, la confiance peut

être maintenue. Dans le verbal et le non verbal, si le

patient sent que c'est bon pour lui, il ne va pas perdre

confiance. Souvent, comme la vérité ne lui ai jamais dite

ce lien de confiance peut rester tel quel. Si l'infirmière n'a

pas de problème avec ça, il n'y a pas d'impact. Après pour

moi, c'est plutôt une question d'éthique. »

Posture

adoptée pour

« Je pense qu'il ne faut rien changer. Il faut mettre en

avant la posture dans laquelle on est d'avoir une

55

Page 61: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

maintenir la

relation de

confiance

intention positive. Après moi, comme je vous l'ai dit, je ne

suis pas trop pour donc je ne peux pas trop vous dire. Pour

moi on doit faire avec le patient, pas contre lui ou dans

son dos. C'est à nous de trouver les leviers, même si

parfois les situations sont compliquées. Il y a quelque

chose dans la prescription ou dans l'éducation

thérapeutique qui doit être améliorée alors. Bien sur il y a

des mésusages, mais je ne crois pas que le placebo soit la

clé pour une solution. Par exemple si c'est de l'angoisse,

on va pouvoir proposer au patient des médicaments pour

apaiser, si c'est de la fatigue on va plutôt favoriser le

sommeil..enfin voilà, on va aller creuser plus loin la cause

qui créé la complication et on va travailler avec le patient.

Avec sa volonté et son consentement.

Je pense qu'il y a quelque chose à faire avec l'effet

placebo, en orientant et en conseillant le patient on peut

améliorer considérablement sa satisfaction et l'efficacité

de ses traitements. Ça m’intéresse plutôt dans le sens,

comment exploiter ça plus que ça ne l'est fait aujourd'hui ?

C'est vraiment intéressant de comprendre et d'exploiter le

pouvoir du conscient et de l'inconscient ! Donc oui c'est

peut-être un peu plus chronophage de bien expliquer au

patient ses traitements et pourquoi il les prend, mais ça lui

sera aussi beaucoup plus bénéfique et à la maison je pense

qu'il saura beaucoup mieux gérer sa maladie et ses

douleurs et donc revenir moins souvent à l'hôpital. Donc

oui, je pense qu'il faudrait optimiser ça.

On peut soulever une autre pierre aussi, c'est le question

du lien entre le médecin et l'infirmière qui donne c'est à

dire qu'il devrait y avoir plus de concertation aussi.

Parfois l'infirmière n'a même pas d'informations sur les

56

Page 62: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

changements de prescription et donc n'est pas en mesure

d'expliquer au patient. C'est fait de façon mécanique et au

bout de la chaîne il y a le patient. Donc oui il y a peut-être

quelque chose à travailler là-dessus, à la fois qui touche à

l'effet placebo et à l'éducation thérapeutique. »

Thème sous-thème IDE 2 IDE 3

Le médicament placebo

Définition « thérapeutique non active

qui permet de soulager un

patient »

« c'est un produit qui peut

ressembler à un traitement

médicamenteux mais qui en

réalité ne possède pas les

molécules chimiques

reconnues de ces traitements

médicamenteux. Ils n'ont

donc pas d'action réelle ( au

sens qu'ils n'ont pas les

molécules nécessaires pour

induire une réaction

chimique) mais peuvent

avoir un effet psychologique

voire psychosomatique.

Situation

d'administrati

on et

fréquence

Utilisé beaucoup avec les

patients toxicomanes qui

réclament de la morphine,

pour vérifier si la douleur

est réelle ou bien si c'est

simplement pour être rassuré

par le fait d'avoir eu de la

morphine.

Ou bien pour détendre les

patients hyper anxieux qui

réclament des

« Dans ma pratique je l'ai

très peu utilisé. La première

fois était sur une patiente

schizophrène connue, ayant

des débuts de troubles

cognitifs, très angoissée par

moment.Cette situation s'est

déroulée il y a un certain

temps déjà, mais de ce que

je me rappelle de la

situation : le médecin avait

57

Page 63: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

médicaments.

Quand il y a des

incohérences entre la

clinique du patient et son

discours. Ex : il dit être très

douloureux, mais n'est pas

tachycarde. Quand la

« clinique ne colle pas ». Il

s'agit d'un moyen de vérifier

si le patient est vraiment

douloureux.

Les placebos sont

administrés principalement

en IV aux urgences

« seringues d'eau ».

Toujours en accord avec le

médecin et tracé sur le

logiciel de soins.

Impossible de dire la

fréquence, mais pour elle

seule qui est à temps partiel,

environ une fois tous les

deux mois.

successivement prescrit des

antalgiques de palier 1, 2, 3,

nous faisions des échelles

numériques de la douleur à

chaque administration, et la

patiente avait des

antalgiques palier 3

(morphiniques) prescrit en si

besoin. Elle avait tendance

à le réclamer sans avoir de

faciès douloureux, elle

cotait sa douleur à 8

systématiquement (avant ou

après l'administration des

traitements, quels que

soient les paliers), il y avait

parfois des pleurs associés

mais nous avions beaucoup

de mal à discerner si c'était

lié à une douleur ou plutôt

à des angoisses (car même

le fait de prendre une tension

artérielle pouvait la faire

pleurer, car le fait de la

toucher était extrêmement

angoissant pour elle). Sur

avis médical nous avons

donc essayé de lui donner de

l'eau sucrée en lui disant que

c'était de la morphine, et

cela fonctionnait parfois.

58

Page 64: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

J'ai aussi déjà donné des

placebo antalgiques après

avis médical sur une

patiente extrêmement

demandeuse, ayant troubles

cognitif importants (troubles

mnésiques, troubles du

jugement...) + antécédents

psychiatriques (anxiété et

dépression) en secteur

d'URCC (Unité de

réadaptation cognitivo

comportementale), la

patiente demandait à peu

près toutes les minutes qu'on

s'occupe d'elle, ce qui est un

peu compliqué lorsqu'on a

un service à gérer. Je précise

que les demandes étaient

inadaptés et que si c'était

pas un antalgique qu'elle

réclamait, c'était autre

chose. Les placebo

fonctionnait pour elle, elle

avait l'impression d'être

écoutée et je pense que ça la

rassurait. »

Résultats et

surveillance

C'est généralement efficace.

Elle évoque la frustration

que cela lui procure.

Pas efficace

systématiquement mais

souvent. « Je surveille si ça

a bien l'effet escompté, la

59

Page 65: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

diminution de la douleur

dans mon cas : échelle

numérique ou EVA, posture

du patient (position

antalgique ou non...),

échelle algoplus, faciès...Le

patient se sent écouté et

rassuré. Sa demande vis à

vis de la douleur disparaît.

Si ça ne disparaît pas il faut

que le médecin soit appelé

pour mettre en place

d'autres actions. »

Ressenti

pendant

l'administrati

on

« c'est compliqué la

communication derrière »

quand il faut dire au patient

qu'il a eu un placebo. Parfois

les médecins ne le disent

même pas. Pendant

l'administration même,

méfiance envers le patient «

l'authenticité ça va dans les

deux sens » Sentiment que le

patient n'est pas honnête

dans sa plainte. « on a

l'impression des fois de

perdre son temps avec

quelqu'un qui n'a pas de

réelles douleur physiques

alors que d'autres en ont et

que du coup on n'a pas le

« Je ne me sens pas très à

l'aise d'avoir à mentir à un

patient. J'essaye d'avoir l'air

assurée et naturelle afin que

le patient soit confiant avec

le produit. »

60

Page 66: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

temps d'aller faire de la

morphine ou un autre

médicaments à quelqu'un

d'autre »

Pas de changement de

posture, même discours que

pendant l'administration d'un

autre médicament. « on fait

de la communication

thérapeutique, en leur

disant c'est un médicament

qui devrait vous soulager ».

Alternative

possible

envisagée

« on n'a pas le temps de

faire de l'accompagnement

ou de la psychologie ». «

après le problème c'est que

ça prendrait trop de temps

une autre alternative. Ça

serait un moment d'écoute

ou de l'hypnose (…) sauf

que nous on n'a pas ce

temps là. » « Le placebo ça

ne peut pas faire de mal, ça

ne peut être que un truc

positif ».

« Pour des patients

angoissés ou ayant des

troubles cognitifs les

alternatives sont de mettre

en place des actions

relationelles plus

importantes, d'en parler

avec le psychiatre, la

psychologue, les

collègues... »

Authenticité de la relation soignant-soigné

Définition et

rôle dans la

relation

« ne pas mentir. Être clair

et dire les choses en

appelant un chat un chat. »

« Pour être authentique dans

le soin, il faut comprendre

l'acte qu'on réalise et être en

accord complet avec. Si le

médecin me demande

d'administrer un traitement

61

Page 67: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

mais que je ne comprend pas

pourquoi, la posture hostile

que j'aurais vis à vis de cela

ne sera pas rassurant pour

le patient. Je pense que pour

être authentique il faut

savoir ce que l'on fait et

pourquoi, il faut donc

questionner le médecin si

jamais on ne comprend pas

pourquoi il prescrit tel ou tel

médicament. Ça l'influence

parce que dans la

communication le langage

paraverbal est important. Si

l'IDE n'est pas authentique,

ne croit pas en ce qu'il fait,

le patient va le ressentir. S'il

comprend que l'IDE lui

ment, la relation sera

dégradée car il n'y aura plus

de confiance. »

Comment

concilier

placebo et

authenticité

« leur dire qu'on ne va pas

leur donner une

thérapeutique active c'est les

mettre en échec d'emblée,

l'effet même du placebo c'est

leur dire que ce qu'on leur

donne va les soulager et du

coup ça va marcher. Donc

on les dirige. Leur dire que

« J'ai du mal à la concilier

mais si j'ai bien compris,

avec le médecin, que c'est la

solution la meilleure pour un

patient dans une situation

donnée, je serais plus

authentique dans

l'administration car je serais

en accord avec cette

62

Page 68: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

tu ne vas pas leur donner ce

qu'ils demandent, ça va les

mettre dans de la

frustration, donc

augmenter la douleur, et ça

va avoir un effet boule de

neige. En fait, on est

authentique dans le sens où

on essaye vraiment de les

aider, on espère vraiment

que ça les soulage :

l'intention est authentique.

La thérapeutique n'est pas

celle demander par le

patient, mais cette décision

revient au domaine médical

et ce n'est pas à lui de

choisir logiquement. »

action. »

Relation de confiance soignant-soigné

Impact de

l'administrati

on d'un

placebo sur la

relation de

confiance

« consciemment ou

inconsciemment, ça fait

changer la relation

soignant-soigné, parce

qu'on a l'impression que

eux ne sont pas

authentiques avec nous

(…) l'authenticité elle

marche dans les deux

sens ». Cette phrase traduit

un l'impression que le

patient veut duper

l'infirmière. « N'oublie pas

J'ai peu d'expérience donc

ce ne sera pas représentatif.

Pour moi la relation n'a pas

changé car le patient a

pensé que le placebo a fait

son effet. La confiance était

toujours présente, je pense.

Le patient s'est senti écouté.

Il faut allier ça avec tout le

travail relationnel derrière,

présence, bienveillance,

écoute active,

questionnement pertinent

63

Page 69: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

que logiquement, on est

censé avoir confiance en nos

patients aussi ».

pour permettre aux patients

d'exprimer leur

problématiques...

Posture

adoptée pour

maintenir la

relation de

confiance

« tu ne leur dis pas

forcément ce que c'est.

Après, faut pas leur mentir

non plus, de toute façon ils

le sentiront bien, tu seras

agacé, on sera tous pas bien

et ça n'améliorera pas la

relation. Il faut leur dire

« on essaye de vous aider »,

c'est une réalité, on

essaye. »

« Il faut être convaincu soi-

même que cela peut

fonctionner je crois. Être

assuré, expliquer le produit

comme si ça était réellement

utile, éviter au plus possible

de mentir en rentrant dans

des détails compliqués. Plus

insister sur l'effet que ça doit

avoir car cela n'est pas un

mensonge. »

Thème Sous-

thème

Lien avec notion ou

concept

Réflexion personnelle

Ajout théorique

Le médicament

placebo

Définition Il s'agit d'une thérapeutique

« non active ». Il peut se

présenter sous différentes

formes comme l'IDE 2 le

fait remarquer avec les

seringues d'eau. Dans la

littérature, on observe

également que les formes

injectables peuvent être en

effet plus efficaces. Les

infirmières ne citent pas le

fait que l'effet placebo des

placebos est dépendant

également de sa couleur,

A travers le discours des

IDE et notamment de

l'IDE 1, on distingue déjà

le placebo de l'effet

placebo. L'IDE 3 va en

parler sous les termes

d' « effet psychologique

voire psychosomatique »,

que l'on peut relier à la

définition d'effet placebo.

Notion que la simple

prescription médicale, le

médecin lui-même fait

effet placebo outre la

64

Page 70: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

son prix, sa forme...

Néanmoins l'IDE 2

approuve l’efficacité des

seringues d'eau.

Notion que le placebo est

dans le but de soulager de

soulager un patient.

prise de la thérapeutique

active ou non. Dans le

discours des trois

infirmières, on observe

déjà des dissensions, l'une

affichant clairement son

hostilité au médicament

placebo, les autres restant

dans la neutralité. Cela

confirme que cette

pratique fait débat et peut

mettre dans une position

inconfortable certaines

IDE vis à vis de leur

principes.

Situation

d'adminis

tration et

fréquence

On distingue plusieurs

situations d'administrations

notamment pour les

infirmières 2 et 3. Il y a la

remise en question de la

plainte. En effet, le placebo

sert alors de vérification de

la plainte lorsque celle ci

n'est pas claire ou n'est pas

cohérente avec les signes

cliniques. On remet en

doute la plainte du patient.

La deuxième situation est

celle de l'apaisement des

angoisses. Dans ces cas, on

sent le patient angoissé et

J'observe chacune des

infirmières relient

l'administration des

placebos avec des patients

qu'on pourraient dire

« difficile » . L'IDE 1

identifie clairement le

problème et souligne que

pourtant tout le monde est

réceptif au placebo et

présente de l'effet placebo,

mais qu'on donne ce

médicament surtout à un

profil particulier de

patient : anxieux,

incohérent dans son

65

Page 71: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

le placebo est là pour

apaiser, il signifie que la

plainte a été écoutée et

entendue, donc on fait

semblant de donner un

antalgique pour en fait

avoir un effet anxiolytique.

La troisième situation est

celle de l'abus. Le/la

patient(e) réclame un

médicament, en a déjà eu

beaucoup, il y a une très

grosse demande, le placebo

sert donc à « éviter les

abus » de médicaments.

Ces trois situations, on les

retrouve également dans

l'article « Utilisation des

placebos dans le traitement

de la douleur, résultats

d'une enquête préliminaire

en milieu hospitalier », qui

décrit exactement cela.

discours, « plaintif ».

La notion de « pas le

temps » est également

évoqué. Dans le cas des

patients très demandeurs,

le placebo représente une

solution rapide. L'IDE 3

souligne que lorsqu'on a

un service à gérer, il est

parfois compliqué de

trouver une autre solution

car elle serait

chronophage. Seule une

IDE 2 semble très à l'aise

avec l'administration des

placebos. Pour elle, il

s'agit bien surtout d'une

technique de test

diagnostic et de gain de

temps dans sa pratique.

Résultats

et

surveillan

ce

Le placebo est

« généralement efficace »

ou « souvent efficace »

dans le cadre de la douleur

selon les IDE 2 et 3. Cela

est appuyé par les

différents articles, qui

complètent néanmoins

Pour l'efficacité, les IDE

témoignent qu'elles

accompagnent

l'administration d'un

discours particulier. Elles

vont « conditionner » le

patient à répondre

favorablement au placebo

66

Page 72: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

qu'un patient n'est pas

systématiquement réceptif

ou de la même manière, il

y aurait un rôle du contexte

général et de

l'environnement qui appuie

cette efficacité ou non. Il

est très difficile de prédire

l'éfficacité d'un placebo, et

d'en déterminer les

facteurs.

en faisant elle même

preuve de conviction et

d'intention positive ( cf

IDE 1, 2 et 3). Il y a donc

quelque chose qui semble

se jouer dans la relation

même, qui favoriserait

l'effet placebo.

Ressenti

pendant

l'administ

ration

Dans les trois discours, on

ressent un malaise plus ou

moins appuyé relatif à

l'administration des

placebos. L'IDE 1 prend

clairement position contre

et qualifie son ressenti vis-

à-vis de cela par

« insupportable », l'IDE 2

témoigne d'un certain

malaise lorsqu'il s'agit de

lac communication avec le

patient après

l'administration : lui ou

non, et comment ? L'IDE 3

exprime l'expression « pas

à l'aise » mais appuie sur

l'importance d'avoir de

l'assurance pour que ça soit

efficace.

Parmi les trois discours, il

y a une gêne qui intervient

à différentes temporalités

de l'administration d'un

placebo : pendant et/ou

après. En effet, c'est le

mensonge au patient qui

dérange, même si cela est

justifié par l’efficacité du

médicament. Il y a

visiblement un réel

enthousiasme pour l'effet

placebo mais le

médicament placebo lui-

même met mal à l'aise et

pose question à toutes les

infirmières en terme de

communication.

Comment avoir l'un sans

l'autre ?

67

Page 73: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Alternativ

e possible

envisagée

Dans les trois discours, le

relationnel est mentionné.

Tout ce qui est de l'ordre de

la conversation, de l'écoute,

aller questionner les

émotions reliées à la

douleur. En effet, dans la

définition de la douleur, il

y a le rôle des émotions

associées qui vont jouer un

rôle. Et si on soulage ces

émotions on peut peut-être

modifier la sensation

douloureuse.

Bien que pour les trois

infirmières le relationnel

semble l'alternative la plus

évidente, deux d'entre elles

soulignent le manque de

temps. Par ailleurs, il

semble qu'il y a une carte à

jouer avec un

accompagnement plus

rapproché, une forme

d'éducation thérapeutique.

L'IDE exprime qu'on peut

appuyer l'effet placebo

d'une substance active en

la réexpliquant au patient

et en « vantant » ses

qualités et son efficacité.

En effet, c'est une notion

que l'on retrouve dans mes

recherches théoriques.

L'effet placebo est dans

toutes les thérapeutiques

mais dépend beaucoup

de la façon dont elles

sont présentées et

administrées, du

contexte, de

l’environnement général

et de la qualité de la

relation soignant-soigné.

Le relationnel semble

68

Page 74: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

avoir une importance

capital dans la réponse

qu'un patient va donner

à n'importe quelle

thérapeutique, active ou

non active. Dans quelle

mesure, cela est

impossible à déterminer,

mais pourtant les trois

témoignages le

soulignent par

expérience ainsi que

articles auxquels je me

suis référée dans mes

recherches théoriques.

Authenticité de la

relation soignant-

soigné

Définition

et rôle

dans la

relation

« être soi même et laisser

l'autre être lui même »,

« ne pas mentir », respecter

l'autre dans son

individualité, respecter

l'expertise de chacun, le

patient avec son sensations

et sa propre expertise de sa

maladie, l'infirmière avec

ses connaissances et son

expérience propre

également. Respect mutuel

de l'expertise de chacun.

« disponibilité à l'autre ».

Etre en accord avec ses

actes, savoir pourquoi on

Pour chacune des

infirmières, l'authenticité

semble être très

importante, semble faire

partie intégrante de leurs

valeurs professionnelles.

Elles l'expriment

explicitement et

implicitement à travers

leur ton et l'implication

dans l'élaboration de leurs

réponses. L'authenticité ça

serait aussi respecter ses

faiblesses comme le dit

l'IDE 1, ne pas être

quelqu'un que l'on n'est

69

Page 75: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

les fait. Ceci résume les

trois discours des IDE.

Dans la définition du

concept on peut relier avec

l'attribut de congruence, de

transparence, de vérité.

pas, faire semblant d'avoir

des compétences que l'on

n'a pas.

L'IDE 1 fait remarquer que

l'authenticité est dans la

limite du soin. Parfois,

pour le bien du patient, on

peut l'écarter. Les IDE

relient l'authenticité à la

vérité. Mais elles

soulignent que on peut être

authentiques dans la vérité

de ses intentions, la vérité

de ses convictions et de sa

posture soigante.

Comment

concilier

placebo et

authentici

Pour cette question je n'ai

pas de références

littéraires. Je me base

seulement sur les entretiens

exploratoires.

Les trois IDE soulignent

que l'authenticité se situe

dans la vérité de ses

intentions. On est

également authentique si

nos actes sont en accord

avec nos valeurs. En

l’occurrence, l'intention

c'est la volonté de soulager

le patient, et cette volonté

elle est authentique. On

peut donc être authentique

en administrant un

placebo, si cela ne dérange

pas l'administrateur sur le

plan éthique et qu'il le fait

70

Page 76: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

dans une réelle intention

positive.

Relation de

confiance soignant-

soigné

Impact de

l'administ

ration

d'un

placebo

sur la

relation

de

confiance

Idem que ci-dessus. Le travail relationnel

d'écoute, de bienveillance,

fait qu'on peut maintenir le

lien de confiance, que

celui-ci n'est pas

forcément impacté par

l'administration d'un

placebo. Si le patient se

sent écouté et sent

l'intention positive de

l'infirmière, alors la

confiance est maintenue.

C'est l'avis des IDE 1 et 3.

Néanmoins, l'IDE 2 pense

que le lien de confiance est

modifié dans le sens plutôt

du soignant. L'efficacité

du placebo peut confirmer

les doutes envers la plainte

du patient et donc rendre

le soignant frustré et

méfiant.

Posture

adoptée

pour

maintenir

la relation

de

confiance

Idem que ci-dessus. Ne rien changer dans la

posture que celle arborée

d'habitude. « Mettre en

avant la posture dans

laquelle on est d'avoir une

intention positive. » Être

convaincu soi-même que

71

Page 77: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

cela peut fonctionner, ne

pas s'enfoncer dans le

mensonge mais plutôt

appuyer la vérité de ses

intentions qui est celle de

soulager la douleur.

Notion de discours

thérapeutique. « Il y a

quelque chose à jouer dans

l'éducation thérapeutique »

( IDE 1).

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Page 78: Administration d'un placebo antalgique et authenticité de

Résumé

Énigmatique au regard de la science, le médicament placebo soulève la question dela capacité du corps à s'auto guérir par la force du conscient et de l'inconscient.Aujourd'hui, il est encore impossible d'évaluer correctement ses pouvoirs thérapeutiques,d'où le malaise qui ébranle le corps médical quant à son utilisation. Son usage se fait doncdiscret et soulève des débats.

Au milieu de cette polémique, il y a l'infirmier qui est parfois dans la positiond'administrer un placebo, que ce soit sur prescription médicale ou de sa propre initiativeavec accord du médecin. Cette position peut être inconfortable, comme je peux entémoigner, car c'est en effet la situation qui a appelé ce thème de recherche. J'ai administréun placebo antalgique chez une patiente douloureuse. Cet épisode a entraîné unquestionnement riche et de nombreuses recherches. Mon travail de fin d'étude est uneanalyse thématique de la question suivante : en quoi l'administration d'un placeboantalgique prescrit peut-elle questionner l'authenticité de la relation soignant-soigné ?

Le but de ce travail est de comprendre les enjeux relationnels lors del'administration d'un placebo, ainsi que le ressenti soignant face à cette pratique malencadrée.

Reposé sur des recherches théoriques et le recueil de données empiriques lorsd'entretiens avec trois infirmières, ce travail examine la question en suivant leraisonnement clinique de l’apparition du symptôme à la réponse thérapeutique, jusqu'àl'analyse de la posture professionnelle et son impact relationnel. Ainsi, la notion dedouleur est d'abord abordée, ce qu'elle représente et les objectifs de prise en charge. Puis ilest examiné la question d'une possible réponse placebo à cette plainte douloureuse, avantde confronter cette réponse placebo avec la notion d'authenticité de la relation soignant-soigné. Pour finir, la problématisation met en évidence les hypothèses suivantes ainsiqu'une question de recherche :

La relation soignant-soigné reste authentique dès lors que chaque parti est dans lasincérité de ses intentions et en accord avec ses croyances, représentations et valeurs.L'authenticité est dans les limites du soin : le bien du patient est la finalité de tout soin et iln'est donc pas toujours pertinent de questionner cette authenticité.

L'effet placebo est en réalité présent non seulement dans les médicaments placebosmais aurait sa part d'efficacité dans tous les traitements ( difficile à évaluer mais qui seraitde 30% selon certaines études ). La relation soignant-soigné serait d'ailleurs elle-mêmesource d'effet placebo et inversement, l'effet placebo serait le reflet de la qualité de cetterelation et du lien de confiance. Comment optimiser l'effet placebo d'un traitementantalgique par le pouvoir de la relation soignant soigné?

Mots clefs : placebo, douleur, authenticité, confiance, congruence, relationnel.

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