actes sociotopes jp ferrand

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Partie 1 :

intervention de Jean-Pierre Ferrandconseil en environnement

«Réussir la Ville dense en l’ouvrant sur la nature» - Les Actes - Décembre 2009

actes:Mise en page 1 10/11/2009 15:46 Page 9

Bonjour mesdames et messieurs. Al’heure où, en France, on com-mence à débattre beaucoup de latrame verte et bleue, et de la ma-nière de la mettre en place, ducontenu à lui donner, de ses objec-tifs aussi, il est certainement très in-téressant pour nous de nous ouvrirà des réalisations étrangères en lamatière puisqu’il y a des pays en Eu-rope qui ont déjà acquis une expé-rience et, de ce fait, nous pourronscertainement nous en inspirer, tirerprofit de leur retour d’expérience.

Parmi ces pays, il y a évidemment,vous vous en doutez, la Suède. Cen’est pas le seul pays à être enpointe, mais c'est l'un d'eux, et il y adonc un certain nombre de raisonspour lesquelles il est utile, au-jourd’hui, de s’intéresser à l’exemplesuédois lorsque l’on travaille sur latrame verte et bleue. Alors pourquoiparler de la Suède aujourd’hui ?

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Tout d’abord, parce que c’est unpays qui a une tradition ancienne deplanification de l’urbanisme, doncqui a déjà eu le temps d’intégrer ceschoses là dans sa planification. Maisc’est aussi un pays qui a une tradi-tion culturelle un peu différente dela nôtre, tradition culturelle que l'onappellera germano-nordique si vousvoulez, tradition dans laquelle la na-ture n’est pas l’antithèse de la ville,mais la nature est considérée commeun élément constitutif de la ville. Etévidemment, c’est une donnée quichange un certain nombre de chosespar rapport à la tradition latine danslaquelle nous sommes, qui est unetradition d’antagonisme entre laville et la nature.

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Une autre raison de s’intéresser à laSuède, c’est que dans ce pays, il y adepuis 1996 -donc ça fait déjà 13ans- une loi qui oblige les collectivi-tés locales à intégrer une trameverte - là-bas on appelle cela, une«structure verte»- dans tous leursdocuments de planification urbaine.C’est une politique qui est laissée àl’initiative des communes, mais danslaquelle les régions ont une possibi-lité – ce n’est qu’une possibilité –d’intervenir. L’état, lui, n’intervientpas dans la mise en place de la struc-ture verte en Suède. Dans le cas deStockholm, la structure verte a étéidentifiée à l’échelle régionale –c’est le document que l’on voit enbas à droite – et cette structure vertea été affinée, précisée, argumentéefinement, à l’échelle de la com-mune. C’est ce que nous allons voirdans quelques instants.

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Une autre raison encore de s’intéres-ser à la Suède, c’est que la politiquedes structures vertes est, dès le dé-part, mais de plus en plus au-jourd’hui, conçue comme étantindissociable des politiques de den-sification urbaine. Et ça, c’est unsujet qui bien sûr nous concerne di-rectement aujourd’hui. C’est unsujet sur lequel, en Suède, on tra-vaille beaucoup actuellement. Et jesignale au passage - on y reviendratoute à l’heure - qu’AlexanderStåhle vient de soutenir une thèseentièrement tournée vers les liensentre la densification urbaine et lapréservation d’espaces ouverts – onreviendra sur ce concept aussi. Doncc’est une question d’une brûlanteactualité, à la fois en Suède et cheznous.

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Et enfin, en ce qui concerne nonpas la Suède de façon généralemais plus précisément le cas deStockholm, c’est un territoire sur le-quel depuis longtemps, grâce autravail mené par Alexander Ståhleet son collègue Anders Sandberg,les services de l’urbanisme ont dé-veloppé une approche multifonc-tionnelle de la structure verte.

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Je tiens à insister sur ce point, parceque la structure verte en Suède, etspécialement à Stockholm, n’est pasconçue comme étant uniquementde l’écologie : il y a aussi des utilisa-tions par les gens et ça c’est très im-portant et, pour ce qui me concerne,c’est quelque chose qui m’a séduitdepuis longtemps et qui m’a parusuffisamment intéressant pour êtreà l’origine de tout un travail de for-mation sur ce sujet.




Alors nous allons regarder rapidement com-ment on travaille aujourd’hui la structure verteà Stockholm. Et je rappellerai pour commencer

que, pour AlexanderStåhle et Anders Sand-berg, dans les années90, la structure verted’une agglomérationne pouvait certaine-ment pas se limiter àdes fonctions écolo-giques, même si évi-demment les aspectsécologiques présen-tent une importanceprimordiale. Ils ontconsidéré que, dansune grande ville, lastructure verte devaitaussi pouvoir jouer etcontinuer durable-

ment à jouer un rôle au bénéfice de l’ensemblede la population, parce que la structure vertepermet les contacts entre les villes et la natureet offre d’innombrables services aux gens. C’estla raison pour laquelle la notion écologique de

biotope devait, pour ces chercheurs, trouverson pendant à l’égard de la population. Etc’est pour cette raison qu’a été élaboré, parAnders Sandberg et Alexander Ståhle, leconcept de «sociotope». Le concept de socio-tope, appliqué à notre domaine, a véritable-ment pris naissance en Suède, grâce auxtravaux de ces deux personnes. Et le sociotope,donc le pendant du biotope mais pour lesgens qui vivent là, dans une région détermi-née, se définit comme étant un lieu, quelleque soit sa taille, tel qu’il est vécu et pratiquéquotidiennement par les gens qui y vivent,dans un environnement culturel donné. Sa-chant que, bien entendu, la nature des rela-tions que les gens entretiennent avec leurenvironnement est conditionnée aussi par desfacteurs culturels, parce que les habitants deStockholm n’ont pas la même manière d’utili-ser les espaces naturels que des gens d’espacesruraux ou d’autres villes dans le pays et - a for-tiori - dans notre pays, nous n'avons pas lemême rapport quotidien avec ce que l’on ap-pelle la «natur », qui d’ailleurs peut faire l’ob-jet d’interprétations différentes.


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Alors, le sociotope, ce n’est pas forcément un es-pace vert. Le sociotope peut être aussi un espacedur, un espace construit puisqu’il peut s’agir aussibien de places urbaines, de quais le long d’une ri-

vière, ou bienentendu de lamer – ça nous in-téresse aussibeaucoup à Lo-rient. En fait, lesociotope estfondé sur unenotion qui porteun nom enSuède, mais quin’est pas évi-dente à traduireen français – et làon voit bien lespetits problèmesde décalage cul-turel qu’il peut y

avoir. Le sociotope est basé sur la notion de«friyta», qui se traduit en anglais par la notion«d’open space», que l'on traduit en français par«espace ouvert». Le problème c’est que quand enFrance, on parle d’espace ouvert, on ne voit pasforcément directement à quoi cela correspond.Tout simplement parce qu’en France, on a ten-dance à privilégier l’approche juridico-foncière,

c’est-à-dire : Est-ce un espace public ? En fait enSuède, la question primordiale n’est pas de savoirsi c’est public, la question est de savoir si les gens yvont. Donc on fait prévaloir l’usage effectif par lesgens par rapport au statut juridique, ce qui estaussi une autre différence culturelle, on peut peut-être voir une différence entre un certain pragma-tisme nordique et un certain juridisme bien dechez nous. Ce qui est intéressant, c’est d’analyserla manière dont les gens utilisent un espace, quelque soit son statut, analyse qui s’effectue par untravail d’observation, d’enquête qui est basé sur leprotocole très élaboré, faisant intervenir des socio-logues, le cas échéant, et s’adressant à différentescatégories d’usagers. Donc on va s’intéresser à lamanière dont enfants, adolescents, adultes, per-sonnes âgées utilisent ou n’utilisent pas un espace,en fonction de leurs besoins propres, de leurs at-tentes et aussi de leurs contraintes, de leurs diffi-cultés spécifiques. Je voudrais d’ailleurs dire àpropos de cette question de statut juridique et deréalité des usages, que ça peut nous amener àconsidérer en France qu’un terrain privé, qui estemprunté - de fait - par des gens d’un quartierHLM pour aller faire leurs courses au centre com-mercial le plus proche, cet espace-là, même étantprivé, peut avoir beaucoup plus d’intérêt socialqu’un itinéraire de randonnée dûment balisé, of-ficiel etc… sur lequel passent une demi-douzainede personnes tous les dimanches.


Alors ces travaux d’observation,d’analyse, d’identification des socio-topes se traduisent évidemment encartographie par la production decartes sur lesquelles il peut être pos-sible de superposer à la fois les va-leurs écologiques des espacesouverts, ici sous forme de teintesverte et jaune, et les valeurs sociales,qui sont indiquées par des hachuresainsi que des lettres codes, qui per-mettent d’identifier, au premiercoup d’œil, quels sont les usages so-ciaux prédominants pour un espaceurbain ou périurbain déterminé. Cetravail de synthèse entre les aspectsécologiques et les aspects sociauxdes espaces naturels ou semi natu-rels, peu importe, urbains ou périur-bains, est quelque chose de trèsefficace et qui me semble particuliè-rement intéressant.


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Une fois que ces cartes sont élaborées, on dis-pose alors d’un matériau d’une très grande uti-

lité, à la fois pourélaborer des plansd’urbanisme, pour éla-borer des projets ur-bains, pour mettre enplace des plans de ges-tion pour des espacesnaturels, qui peuventêtre aussi des grandsespaces naturels pu-blics ou encore desparcs et des jardins.Lesquels d’ailleurssont conçus pours’adapter au mieuxaux besoins des habi-tants, besoins qui évo-luent, par exemple,avec la démographie.

Ce travail permet d’adapter un jardin public àl’évolution de la population qui vit aux alen-

tours. Cela n’a l’air de rien, mais ça demandequand même un travail d’analyse et de ré-flexion. Cela permet aussi de faire des étudesd’impact plus efficaces et plus intelligentesparce qu’intégrant la dimension des vocationssociales des espaces de nature, notamment au-tour des villes, avec le problème des effets decoupure qui peuvent être générés par desaménagements, qui débordent des continuitésnaturelles. Et je dois dire que c’est quelquechose qui mériterait d’être mieux traité par lesétudes d’impact aujourd’hui en France. Et letravail des sociotopes permet, par la démarchepréalable d’analyse, d’associer les habitants àdes décisions qui concernent leur environne-ment de tous les jours. Et ça, c’est très intéres-sant aussi, parce que cela permet deredynamiser la démocratie locale, en faisantparticiper les gens, tous les gens, quels quesoient leur statut social et leur âge, à des déci-sions qui les concernent de près.


La méthode de travail sur les socio-topes est présentée dans un docu-ment très clair qui s’appelle le«manuel des sociotopes». Il a étéécrit en suédois par AlexanderStåhle et Anders Sandberg, puisédité par les services d’urbanisme dela ville de Stockholm. C’est un ou-vrage d’une très grande richesse quinous a paru mériter d’être traduit.Et qui vient d’être traduit grâce autalent de Françoise et de Tom Heide.C’est un document qui présente uneextrême utilité pratique pour que,dans chaque commune, il soit juste-ment possible de mettre en œuvrela méthode des sociotopes.


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Et bien sûr, dans n’importe quellecommune, chacun peut commencerà cartographier, par exemple, ce quesont les espaces ouverts. Et pour mapart, à mes moments perdus, j’aicommencé à faire ce travail dans mapropre commune et à regarder ceque sont ces espaces auxquels lesgens peuvent aujourd’hui accéder.Et si sur une carte, vous mettez lesespaces ouverts et sur une autrecarte les principales coupures quiempêchent les gens d’accéder com-modément à ces espaces ouverts -tels que les grands axes routiers dif-ficiles à traverser, par les enfants parexemple - vous vous apercevez que,quand on trace un rayon de 500mautour d’un gros quartier HLM, ilpeut y avoir des difficultés pratiquesd’accès de la population qui vit là àdes espaces ouverts de qualité et ça,c’est un travail très simple à faire etqui pose des tas de questions très in-téressantes, parce que cela nousamène aussi à avoir envie de pren-dre des décisions pour contrebalan-cer les situations négatives que l’onpeut ainsi constater.




Alors nous sommes allés à Stockholm, nousen avons déjà parlé. Nous sommes au moins17 personnes dans cette salle à avoir fait ledéplacement et nous avons pu visiter de trèsintéressantes réalisations concrètes dans dessituations très diverses, aussi bien des grosquartiers HLM avec une importante popula-tion d’immigrés, que des quartiers plus chics,un peu bobos éventuellement… On a vrai-ment eu un aperçu très vaste des choses.


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Grâce à ce déplacement en Suède, nous avons eul’occasion de faire connaissance avec AlexanderStåhle, d’apprécier son travail, non seulement sur lefond, mais aussi dans la forme, dans la capacité de

conviction, dans lasimplicité des argu-ments utilisés, dontvous allez avoir uneidée dans quelquesinstants. AlexanderStåhle, en dépit deson jeune âge, adéjà une expériencetrès riche puisqu’il atravaillé au sein desservices d’urbanismede la ville de Stock-holm pour mettreen place la structureverte et les socio-topes. Il a créé et di-rige un bureau

d’études qui s’appelle «Spacescape», qui est un bu-reau d’études en urbanisme et en paysage, qui tra-vaille aujourd’hui sur des grosses opérationsd’urbanisme en Suède, y compris avec des équipesinternationales. Son travail mérite, à mon avis, d’êtredavantage connu en France, bien sûr, parce qu’il estd’une grande actualité, aussi parce que je trouvequ’il repose sur des conceptions humanistes et géné-reuses, qui consistent tout simplement à penser auxgens, au confort, au bien-être quotidien des gens.

C’est une démarche aussi qui ne renie pas les am-biances urbaines, c’est-à-dire que Alexander Ståhleest quelqu’un qui aime la ville, qui aime la villedense, la ville avec de l’animation. Sa démarche neconsiste pas à vouloir verdir la ville artificiellement,si on peut dire, en y apportant de la verdure pourfaire joli et pour la dédensifier. Au contraire, sa dé-marche est de dire que si l'on veut avoir une vraieville compacte, dense et vivante, il faut aussi avoir àcôté du vert. Son travail débouche aussi sur une mul-titude d’applications pratiques, nous allons le voir etson travail permet, enfin, de redynamiser la démo-cratie locale. Il y a beaucoup d’élus ici. J’ai la convic-tion que son travail permet aussi de donner un coupde fouet quelquefois à des projets communaux, àdes projets municipaux, qui seraient un peu vacil-lants, ça peut arriver. Donc je pense que se remettredans ces choses là peut donner de nouvelles ambi-tions, de nouvelles énergies pour travailler locale-ment. Et enfin, et ce sera ma conclusion, le travaild’Alexander Ståhle nous rappelle qu’il y a des valeursuniverselles. Parce que je sais bien qu'on pourra direque c’est loin la Suède, la géographie n’est pas lamême, il y a plus de nature, les cultures ne sont pasles mêmes… Tout ça, c’est bien gentil, mais pournous, en France, ce n’est pas pour nous… Je ne mé-connais pas l’intérêt de ces objections, mais je vou-drais rappeler que tous les gens sur cette terre ontles mêmes aspirations : des besoins de bouger, desbesoins de santé, des besoins de se rencontrer, desbesoins de découvrir, de s’émerveiller, de faire desgalipettes dans l’herbe, que sais-je…

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Et le travail d’Alexander Ståhle nousrappelle le caractère universel de cesvaleurs et nous rappelle qu’une po-litique d’urbanisme intelligentepeut avoir pour objectif, tout sim-plement, d’offrir de meilleuresconditions pour que les gens soientcontents.


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Je ne commenterai pas la chanson

de Pierre Perret, mais je trouve que

cette chanson a beaucoup de choses

à nous dire sur le sujet qui nous oc-

cupe aujourd’hui. Merci de votre at-

tention.




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