acquittements en série au procès orsoni

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02/07/2015 00:13 Acquittements en série au procès Orsoni Page 1 sur 2 http://abonnes.lemonde.fr/corse/article/2015/07/01/acquittements-en-serie-au-proces-orsoni_4665806_1616678.html Acquittements en série au procès Orsoni LE MONDE | 01.07.2015 à 10h54 | Par Luc Leroux (Marseille, correspondant) La cour d’assises des Bouches-du-Rhône a prononcé, mardi 30 juin, un acquittement général en faveur de Guy Orsoni et de ses coaccusés, jugés depuis le 11 mai, pour deux assassinats et une tentative de meurtre commis en 2009 en Corse-du-Sud. Elle les a aussi acquittés du délit d’association de malfaiteurs en vue de commettre ces meurtres. Les motivations du verdict tiennent en peu de mots : « La cour d’assises n’a pas été convaincue. » Après six années d’une enquête de grande ampleur, dans un dossier tentaculaire de 77 000 pages, après l’audition à la barre d’une centaine de témoins, les condamnations prononcées portent sur des délits connexes : association de malfaiteurs en vue de fournir des faux papiers à quatre accusés à l’époque en fuite, dégradation d’une caméra de la police ou port d’arme. Sous le coup de la récidive, Guy Orsoni, 31 ans, est condamné à huit ans de prison et ses coaccusés à des peines allant d’un à cinq ans. On est très loin du cumul des 166,5 années de prison requises par l’avocat général contre les douze accusés, dont 30 ans de réclusion avec une mesure de sûreté aux deux tiers contre Guy Orsoni. « Les cartouches du chasseur » Son père, Alain Orsoni, a été condamné à un an de prison pour menaces de mort. Dans la chambre de Thierry Castola, abattu à la sortie d’un bar de Bastelicaccia le 3 janvier 2009, les enquêteurs avaient découvert un écrit rageur rédigé par l’ancien chef nationaliste : « Le gibier n’a pas coutume de payer les cartouches du chasseur qui veut le tuer ! (…) S’il le faut, j’enlèverai la race ! » La peine prononcée est couverte par la détention provisoire effectuée en 2009. Figure de proue de ce procès, Alain Orsoni s’est borné à déclarer au Monde : « Mon fils a pris huit ans de prison pour rien. » A la cour, il avait livré son projet de partir avec lui pour ouvrir un casino à Leon au Nicaragua. Sa propre condamnation n’était pas un enjeu pour celui que l’accusation a dépeint comme un parrain ayant rallumé une guerre de clans, à son retour en Corse en 2008. « Son propre sort lui importait peu, a souligné son avocat M Jean-Félix Luciani. Il était prêt à l’échanger contre celui de son fils. » Lire aussi : A Vero, Orsoni se veut moins parrain que « papoune » (/societe/article/2015/05/13/a-vero-orsoni-se-veut-moins-parrain-que-papoune_4632745_3224.html) En dépit d’une condamnation qualifiée d’« exagérée et d’immodérée pour une association de malfaiteurs mineure », M Hervé Témime et Martin Reynaud, défenseurs de Guy Orsoni, ont fait part de leur « immense satisfaction pour ces acquittements spectaculaires. Guy Orsoni était la cible de cette procédure et cette décision est pleine de courage ». La défense a durement critiqué la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, chargée des plus importants dossiers criminels insulaires. Les avocats ont pointé les déductions tirées de dépositions de témoins sous X ou l’usage démesuré de gardes à vue de simples témoins. « Lorsque la JIRS a été créée, le procureur de la République de Marseille avait dit que c’était une machine de guerre, a commenté M Eric Dupond-Moretti, défenseur de Jérémy Capitta, acquitté de deux assassinats. Ce soir, la JIRS machine de guerre ne se confond pas avec la justice. » Une accusation fragile Ce procès marathon a mis en lumière les failles d’une accusation qui se savait fragile. Une accusation dénoncée comme « mouvante » tant sur le mobile avancé que sur l’implication des accusés dans les faits. Présenté comme le point de départ de cette série de meurtres, le conflit financier entre Alain Orsoni et les fils Castola sur le partage de dividendes tirés de sociétés de jeux en Amérique centrale a peu à peu été supplanté par l’idée d’une vengeance Les 77 000 pages du dossier Orsoni, en mai 2015 à la cour d'assises d'Aix-en-Provence. Arnold Jerocki pour Le Monde e es e

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Acquittements en série au procèsOrsoniLE MONDE | 01.07.2015 à 10h54 | Par Luc Leroux (Marseille, correspondant)

La cour d’assises des Bouches-du-Rhône a prononcé, mardi 30 juin, un acquittementgénéral en faveur de Guy Orsoni et de ses coaccusés, jugés depuis le 11 mai, pour deuxassassinats et une tentative de meurtre commis en 2009 en Corse-du-Sud. Elle les a aussiacquittés du délit d’association de malfaiteurs en vue de commettre ces meurtres. Lesmotivations du verdict tiennent en peu de mots : « La cour d’assises n’a pas étéconvaincue. »Après six années d’une enquête de grande ampleur, dans un dossier tentaculaire de 77 000pages, après l’audition à la barre d’une centaine de témoins, les condamnations prononcéesportent sur des délits connexes : association de malfaiteurs en vue de fournir des fauxpapiers à quatre accusés à l’époque en fuite, dégradation d’une caméra de la police ou portd’arme. Sous le coup de la récidive, Guy Orsoni, 31 ans, est condamné à huit ans de prisonet ses coaccusés à des peines allant d’un à cinq ans. On est très loin du cumul des166,5 années de prison requises par l’avocat général contre les douze accusés, dont 30 ansde réclusion avec une mesure de sûreté aux deux tiers contre Guy Orsoni.« Les cartouches du chasseur »Son père, Alain Orsoni, a été condamné à un an de prison pour menaces de mort. Dans lachambre de Thierry Castola, abattu à la sortie d’un bar de Bastelicaccia le 3 janvier 2009,les enquêteurs avaient découvert un écrit rageur rédigé par l’ancien chef nationaliste : « Legibier n’a pas coutume de payer les cartouches du chasseur qui veut le tuer ! (…) S’il lefaut, j’enlèverai la race ! » La peine prononcée est couverte par la détention provisoireeffectuée en 2009. Figure de proue de ce procès, Alain Orsoni s’est borné à déclarer auMonde : « Mon fils a pris huit ans de prison pour rien. » A la cour, il avait livré son projet departir avec lui pour ouvrir un casino à Leon au Nicaragua.Sa propre condamnation n’était pas un enjeu pour celui que l’accusation a dépeint commeun parrain ayant rallumé une guerre de clans, à son retour en Corse en 2008. « Son propresort lui importait peu, a souligné son avocat M Jean-Félix Luciani. Il était prêt à l’échangercontre celui de son fils. »

Lire aussi : A Vero, Orsoni se veut moins parrain que « papoune »(/societe/article/2015/05/13/a-vero-orsoni-se-veut-moins-parrain-que-papoune_4632745_3224.html)

En dépit d’une condamnation qualifiée d’« exagérée et d’immodérée pour une associationde malfaiteurs mineure », M Hervé Témime et Martin Reynaud, défenseurs de Guy Orsoni,ont fait part de leur « immense satisfaction pour ces acquittements spectaculaires. GuyOrsoni était la cible de cette procédure et cette décision est pleine de courage ». La défensea durement critiqué la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, chargée desplus importants dossiers criminels insulaires. Les avocats ont pointé les déductions tirées dedépositions de témoins sous X ou l’usage démesuré de gardes à vue de simples témoins.« Lorsque la JIRS a été créée, le procureur de la République de Marseille avait dit quec’était une machine de guerre, a commenté M Eric Dupond-Moretti, défenseur de JérémyCapitta, acquitté de deux assassinats. Ce soir, la JIRS machine de guerre ne se confondpas avec la justice. »Une accusation fragileCe procès marathon a mis en lumière les failles d’une accusation qui se savait fragile. Uneaccusation dénoncée comme « mouvante » tant sur le mobile avancé que sur l’implicationdes accusés dans les faits. Présenté comme le point de départ de cette série de meurtres, leconflit financier entre Alain Orsoni et les fils Castola sur le partage de dividendes tirés desociétés de jeux en Amérique centrale a peu à peu été supplanté par l’idée d’une vengeance

Les 77 000 pages du dossier Orsoni, en mai 2015 à la cour d'assises d'Aix-en-Provence. Arnold Jerocki pour Le Monde

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conduite par Guy Orsoni, à l’insu d’un père contre lequel un projet d’assassinat avait étédéjoué par la police en août 2008. L’évolution au fil de l’instruction du nombre d’auteursprésents sur l’assassinat de Sabri Brahimi, exécuté en plein centre d’Ajaccio le 29 janvier2009 – quatre sur deux motos puis six sur trois motos – est de nature à avoir désappointé lacour. « Ce n’est pas le bonneteau. Ici, le hasard n’intervient que pour le tirage au sort desjurés », avait glissé la défense. Francis Castola, frère de Thierry Castola, cible de tirs alorsqu’il roulait à moto sur une petite route de montagne, a lui-même parlé d’un « guet-apensimprovisé », son passage à cet endroit étant totalement imprévu.Le parquet général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence dispose de dix jours pour faireappel de cet acquittement général. L’affaire Orsoni est un dossier emblématique pour lesmagistrats de la JIRS de Marseille. Selon certains observateurs, ce verdict pourrait marquerun virage dans la politique de cette juridiction. Dans des affaires très contestées, sanspreuves évidentes, la tentation semble d’orienter ces dossiers vers le tribunal correctionnelpour n’y juger que le délit d’association de malfaiteurs en vue de commettre un meurtre.