abonnement de soutien: fr. 130.– pages de gauche · baisses d’impôts pour les plus riches. et...

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La financiarisation de l’économie Hans-Rudolph Merz, épicier en chef de la droite, avait le sourire des grands jours en annonçant que les comptes de la Confédération allaient connaître, cette année déjà, une embellie spectaculaire. Sur la base des données recueillies à la mi-2006, les recettes devraient augmenter de 1,4 milliard, tandis que les dépenses devraient baisser de 200 millions. Au total: retour aux chiffres noirs et un excédent de 1,1 milliard au lieu des 600 millions de déficit budgété. Alors, de quoi se réjouir? Pas vraiment. La logique est imparable: la droite au pouvoir prévoit des rentrées fiscales en baisse et des dépenses en hausse, afin de justifier les coupes dans les budgets. Puis, lorsque les recettes se trouvent – comme par hasard – être meilleures que les prévisions, elle pousse les hauts cris à l’idée que cet argent pour- rait être dépensé. Non! nous disent en cœur UDC, PDC et Radicaux, hors de question de revenir sur les coupes effec- tuées; l’argent doit être affecté au service de la dette, ou mieux, servir à baisser les impôts! Ainsi se constitue l’engrenage infini de la politique des caisses vides. Les déficits justifient des coupes dans les prestations, les surplus entraînent des baisses d’impôts pour les plus riches. Et ce, jusqu’à l’asphyxie. Comment faire pour contrer la droite et sa spirale antisociale? En réaffirmant la nécessaire solidarité des membres d’une communauté politique; solidarité qui passe par des impôts justes. C’est ce que demandera une initiative socialiste qui devrait être lancée en septembre. Mais aussi, en réaffirmant la nécessité d’un financement durable des prestations sociales. Hasard du calen- drier, c’est justement ce que propose l’initiative COSA sur laquelle nous vote- rons en septembre. La gauche ne doit pas laisser passer ces occasions. Réd. No 48, septembre 2006 Prix au numéro: Fr. 5.– Abonnement annuel: Fr. 49.– Abonnement de soutien: Fr. 130.– [email protected] www.pagesdegauche.ch Pages de gauche Mensuel d’opinions socialistes éditorial Caisses vides, caisses pleines… Depuis une vingtaine d’années, les pressions croissantes de la bourse sur les entreprises impliquent régulièrement restruc- turations, licenciements ou baisses de salaires. Cette logique finan- cière, sous l’impulsion des investisseurs institutionnels, est deve- nue décisive dans la stratégie des entreprises. Ce changement structurel se traduit par la progression des revenus des actionnaires et des rémunérations des directions d’entreprises au détriment des places de travail, des salaires des employés et du développement économique à long terme. La Suisse n’a pas été épargnée par ces logiques au cours des dernières années. Paradoxalement, les caisses de pension de notre deuxième pilier sont devenues dans ce contexte des acteurs importants du marché boursier en raison de leurs placements en actions. Toute- fois, leur rôle reste encore trop modeste et les investissements durables, incluant des critères écologiques et sociaux, ne sont pas suffisamment développés. > Suite du dossier en pages 5 à 10 dossier Point fort Initiative COSA, votez Oui le 24 septembre! Page 3 International La Suisse et le conflit au Liban. Page 11 Cantons Les notes mettent le feu au bout du lac. Page 13

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La financiarisationde l’économie

Hans-Rudolph Merz, épicieren chef de la droite, avait le souriredes grands jours en annonçant que lescomptes de la Confédération allaientconnaître, cette année déjà, uneembellie spectaculaire. Sur la basedes données recueillies à la mi-2006,les recettes devraient augmenter de1,4 milliard, tandis que les dépensesdevraient baisser de 200 millions. Autotal: retour aux chiffres noirs et unexcédent de 1,1 milliard au lieu des600 millions de déficit budgété. Alors,de quoi se réjouir? Pas vraiment.

La logique est imparable: ladroite au pouvoir prévoit des rentréesfiscales en baisse et des dépenses enhausse, afin de justifier les coupes dansles budgets. Puis, lorsque les recettes setrouvent – comme par hasard – êtremeilleures que les prévisions, elle pousseles hauts cris à l’idée que cet argent pour-rait être dépensé. Non! nous disent encœur UDC, PDC et Radicaux, hors dequestion de revenir sur les coupes effec-tuées; l’argent doit être affecté au servicede la dette, ou mieux, servir à baisser lesimpôts! Ainsi se constitue l’engrenageinfini de la politique des caisses vides. Lesdéficits justifient des coupes dans lesprestations, les surplus entraînent desbaisses d’impôts pour les plus riches. Etce, jusqu’à l’asphyxie.

Comment faire pour contrerla droite et sa spirale antisociale? Enréaffirmant la nécessaire solidaritédes membres d’une communautépolitique; solidarité qui passe par desimpôts justes. C’est ce que demanderaune initiative socialiste qui devraitêtre lancée en septembre.

Mais aussi, en réaffirmant lanécessité d’un financement durable desprestations sociales. Hasard du calen-drier, c’est justement ce que proposel’initiative COSA sur laquelle nous vote-rons en septembre. La gauche ne doitpas laisser passer ces occasions.

Réd.

No 48, septembre 2006

Prix au numéro: Fr. 5.–

Abonnement annuel: Fr. 49.–

Abonnement de soutien: Fr. 130.–

[email protected]

www.pagesdegauche.ch

Pages de gaucheMensuel d’opinions socialistes

éditorial

Caisses vides,caisses pleines…

Depuis une vingtaine d’années, les pressions croissantesde la bourse sur les entreprises impliquent régulièrement restruc-turations, licenciements ou baisses de salaires. Cette logique finan-cière, sous l’impulsion des investisseurs institutionnels, est deve-nue décisive dans la stratégie des entreprises. Ce changementstructurel se traduit par la progression des revenus des actionnaireset des rémunérations des directions d’entreprises au détriment desplaces de travail, des salaires des employés et du développementéconomique à long terme. La Suisse n’a pas été épargnée par ceslogiques au cours des dernières années.

Paradoxalement, les caisses de pension de notre deuxièmepilier sont devenues dans ce contexte des acteurs importants dumarché boursier en raison de leurs placements en actions. Toute-fois, leur rôle reste encore trop modeste et les investissementsdurables, incluant des critères écologiques et sociaux, ne sont passuffisamment développés.

> Suite du dossier en pages 5 à 10

dossier

Point fortInitiative COSA,votez Oui le 24 septembre!

Page 3

InternationalLa Suisse et leconflit au Liban.

Page 11

CantonsLes notes mettent le feu au bout du lac.

Page 13

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2 Humeur Pages de gaucheNo 48, septembre 2006

Il ne se passe pas un mois sans que nosjournaux préférés, le Malsain ou Unique24, nerelatent les affres du service vaudois des auto-mobiles et de la navigation (SAN). Et ce n’est pasprès de s’arrêter, vu que son chef de service,Romain Boichat, qui aime être cité comme«directeur du SAN», semble avoir une curieusestratégie visant à obtenir «l’autonomisation»dudit service. En effet, cet homme pressé aimeque tout aille vite (à tel point qu’il a promis àl’employé formulant la meilleure idée de passerun week-end au volant d’une Porsche). Formépar une école de management réputée, il estétonnant que ce jeune cadre soit totalementincapable de régler des problèmes ayant desrépercussions directes sur les usagers: centraletéléphonique ou facturation par exemple.

Comment expliquer les couacs récur-rents, sinon par une volonté délibérée de décré-dibiliser le service public et de mettre sous pres-sion le personnel? «Si l’autonomisation passe,alors tous les problèmes seront réglés, car jepourrai décider seul et je sais comment faire.Aujourd’hui je n’en ai pas les moyens», répètesans cesse le top manager. Tout porte à croirequ’on laisse pourrir la situation pour convaincrequ’avec le changement de statut, celle-ci s’amé-liorera miraculeusement. Bref, c’est la vieilleméthode de la privatisation à la Thatcher resser-vie à la sauce vaudoise.

Entre ce discours et celui tenu par lechef de département, Charles-Louis Rochat, il ya une autoroute 6 pistes. Ce dernier prétend que«le Conseil d’Etat gardera, conjointement avec

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Abonnement annuel: Fr. 49.–Abonnement de soutien: Fr. 130.–Abonnement réduit (AVS, AI, étudiant-e-s,chôm-euse-eur-s): Fr. 29.–CCP 17-795703-3

Contact par courrier ou à[email protected]

Rédaction et secrétariat:Case postale 7126, 1002 [email protected]

Rédaction:Maurizio Colella (MC), Romain Felli (RF),André Mach (AM), Cyril Mizrahi (CM),Philippe Mivelaz (PhMi), Salima Moyard (SM),Rebecca Ruiz (RR), Mathias Schaer (MS),Jean Tschopp (JT), Julien Wicki (JW).

Comité:Olivier Barraud, Valérie Boillat, MichelCambrosio, Dan Gallin, Lyonel Kaufmann,Pierre-Yves Maillard, Jean-Marie Meilland,Stéphane Montangero, Chantal Peyer, EricPeytremann, Florian Ruf, Géraldine Savary,Alberto Velasco.

Comité de parrainage:Franco Cavalli, Valérie Garbani, StéphaneRossini.

Collaboration permanente:Christian D'Andrès, Grégoire Junod, PhilippMüller, Yves Steiner, Christian Vullioud.

Webmaster:Romain Felli.

Maquette:Marc Dubois, mdvr, Lausanne.

Mise en page:Christian Vullioud, Le Brassus.

Impression:Imprimerie du Journal de Sainte-Croix.

Le poisson pourrit par la tête

le Grand Conseil, un contrôle politique». Quicroire? Peut-être les deux si la notion libérale decontrôle politique s’arrête au pourcentaged’émoluments reversé à l’Etat…

Toujours est-il que Romain Boichat secomporte depuis son arrivée au SAN comme unroitelet. Il n’hésite pas à critiquer tous azimutsles politiques «qui ne comprennent rien aufonctionnement d’une entreprise» et à mettreune pression sans borne sur le personnel. Lesconflits avec les syndicats en sont la preuve.

Mais il y a plus grave: mécontent dularge refus de «l’autonomisation» par lesemployé-e-s lors d’une assemblée du personnel,le chef de service indélicat a mis sur pied un nou-veau vote, à bulletin secret. Et pour récompen-ser les personnes donnant leur avis, tout dépôtdans l’urne était gratifié d’un t-shirt de l’équipesuisse de football. A une méthode qui s’appa-rente à l’achat de voix – payés par qui au fait cest-shirts? – le personnel a répondu par un NONcinglant.

Le SAN est garant de sécurité rou-tière: permis de conduire et expertises des véhi-cules notamment. Il convient de tirer le signald’alarme à temps et de rétablir rapidement laconfiance, avec le personnel et les usagers. Celapasse par un acte fort.

Lorsque le poisson pourrit par la tête,il ne sert à rien de vouloir le refiler plus loin. Ilfaut avoir le courage d’ôter la partie irrécupé-rable pour sauver le reste.

Stéphane Montangero

1 Caisses vides, caisses pleines…2 Le poisson pourrit par la tête3 Initiative pour l’AVS

du 24 septembre4 Australie:

Le syndicalisme en péril 5 à 10 Dossier: La financiarisation

de l’économie11 Proche Orient: Une cohérence

indispensable12 Guns and Roses…12 Les premiers jalons d’une his-

toire à venir: 100 ans de JSS13 A Genève, le débat scolaire fait

rage13 «Sortir l’automobiliste de sa voi-

ture pour le mettre dans un bus»14 La compilation des gorges

rouges 14 Djourou – la corde au cou 15 Page de droite – Humour16 La dernière – Agenda

sommaire

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Pages de gauche No 48, septembre 2006 3Point fort

Initiative pour l’AVS du 24 septembre

sans flexibilisation générale. Laretraite anticipée ne serait possibleque pour les personnes à l’aidesociale, à l’AI ou au chômage.L’adaptation des rentes à l’évolu-tion des salaires et au renchérisse-ment serait supprimée (indicemixte). Ces plans pèseraient trèslourd, comme le montrent les cal-culs du Conseil fédéral. D’ici à 2020,les réductions s’élèveraient à 8 mil-liards de francs par an, soit unebaisse des rentes de 20%. De nom-breuses personnes âgées devraientsolliciter les prestations complé-mentaires dont une bonne partieest financée par les cantons.

FINANCEMENT COMPLÉMENTAIRE

Pour nous il n’est pasquestion de baisser les prestationsde l’AVS et l’indice mixte doit resteren vigueur. Il est important demettre sur pied un financementcomplémentaire à ceux en vigueuractuellement. Avec les bénéfices dela BNS, l’AVS pourra compter surun financement complémentairebienvenu.

L’indépendance de la BNSn’est pas touchée par l’initiativepour l’AVS, les dispositions consti-tutionnelles et légales garantissantcette indépendance ne sont pasmodifiées. Dans les faits, il n’y a pasde différence pour la BNS entre lasituation actuelle, qui attribue unepartie de ses bénéfices nets à laConfédération et aux cantons aveccelle que nous demandons, soit unedistribution entre les cantons et leFonds de l’AVS. Prétendre lecontraire relève soit d’un manqueflagrant d’information, soit d’uneparfaite mauvaise foi.

Cette nouvelle répartitionne crée pas, pour la BNS, de risquesupplémentaire de pressions surson activité ou sa mission dedéfense du franc suisse. Le FondsAVS, comme la Confédérationactuellement, ne sera pas action-naire de la banque et donc pasreprésenté au Conseil de banque,contrairement aux cantons. Il nepourra de ce fait pas faire pression

Par Marlyse Dormond Béguelin,conseillère nationale socialiste.

L’initiative pour l’AVSdemande qu’une partie du bénéficenet de la Banque nationale soit ver-sée au fonds de compensation del'AVS, hormis une part annuelled'un milliard de francs qui est ver-sée aux cantons, ce montant pou-vant être indexé au coût de la vie.

Cette initiative, lancée en2001 et déposée en 2002 avec plusde 116'000 signatures est uneréponse aux attaques de la droitecontre l’AVS. Souvenez-vous, en2000, un certain Christophe Blocheravait même proposé de privatiserl’AVS, pilier de la sécurité socialeSuisse. Devant le tollé qu’a soulevésa proposition, nous n’en avons plusentendu parler, mais ce discours aprovoqué une grande inquiétudedans la population.

L’AVS EST SOLIDEL’AVS fonctionne bien.

Grâce à la croissance économique, ila été possible de financer de plus enplus de rentes sans augmenter lescotisations. Malgré une augmenta-tion de 75 % du nombre de retraitésentre 1975 et 2005, les dépenses del’AVS sont restées entre 6 et 7% duproduit intérieur brut! Cela a étérendu possible par l’augmentationde la productivité, la croissance éco-nomique, l’augmentation dessalaires et du travail des femmes.Les cotisations salariales n’ont plusaugmenté depuis trente ans. En1999, la TVA a été relevée de 1% aubénéfice de l’AVS, mesure large-ment acceptée par le peuple.

Depuis 1980, l’AVS aenregistré quatre années défici-taires, en raison de la faiblesse de laconjoncture économique. Dès 2003,l’AVS a de nouveau fait des béné-fices de l’ordre de 2 milliards parannée (2,3 milliards en 2005).

Malgré cette situationpositive, le Conseil fédéral continueson discours pessimiste et proposeune réduction des prestations del’AVS. L’âge de la retraite devraitpasser à 65 ans pour tout le monde,

sur la politique de la banque et nousn’envisageons pas de changer cettesituation. Cela dit, lorsque l’onapprend que les actionnaires, pure-ment historiques, que sont les can-tons estiment que la BNS ne distri-bue pas une part suffisammentimportante de son bénéfice histo-rique de 2005 (12,8 milliards), nousconstatons que les pressions que lesdirigeants de la BNS semblentcraindre existent déjà, mais ne lestroublent pas outre mesure.

Les résultats financiersdu premier semestre 2006 (environ2 milliards), qualifiés de mauvaispar la BNS, démontrent que notreprojection de 4 milliards de revenusannuels moyens est tout à fait réa-liste. Nos chiffres sont d’ailleursinférieurs puisque basés sur unbénéfice moyen de 3,345 milliardspar année.

UNE CONTRIBUTION SUPPORTABLE

La fortune de la BNS estactuellement d’environ 110 mil-liards de francs. Cette réserve laplace vers le 5ème rang mondialdevant les USA et la Grande Bre-tagne, par exemple. Cette réserve,évidemment intouchable, estconstituée de 29 milliards en or et le

reste en obligations et devises. Deplus, la BNS disposait, au 31décembre 2005, d’un montant de16,5 milliards de francs pour les dis-tributions futures destinées auxcantons et à l’AVS, si notre initia-tive est acceptée. Les cantons, eux,recevront autant d’argent qu’ils enobtenaient lors du dépôt de l’initia-tive, soit un milliard par an.

Notre initiative met enplace un financement complémen-taire de l’AVS qui garantira lesrentes, ne coûtera rien aux actifs niaux jeunes, rien à l’économie ni auxentreprises. Elle retardera de 10 ansle relèvement de la TVA. L’objectifde 1,5 milliard supplémentaire pourl’AVS est supérieur à ce que rappor-terait un point TVA.

Hans Peter Tschudi, per-suadé que le peuple devait s’oppo-ser à tout démantèlement de l’AVS,a déclaré lors du lancement de l’ini-tiative: «La solidarité entre généra-tions doit être renforcée. C’est lebut de l‘initiative «Bénéfices de laBanque nationale pour l’AVS». Ilest dans le plus grand intérêt de cepays et de sa population qu’elleaboutisse.»

En votant OUI le 24 sep-tembre, nous garantissons la péren-nité de l’AVS.

L’initiative COSA permet de consolider le financement de l’AVSsans remettre en cause la politique de la Banque nationale suisse.

politiquement correct

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4 Syndicalisme et monde du travail Pages de gaucheNo 48, septembre 2006

Australie: Le syndicalisme en péril

Par Dan Gallin, Global Labour Institute.

Le 28 juin dernier, troiscent mille travailleurs australiensmanifestaient dans les principalesvilles du pays contre une nouvellevague de législation anti-syndi-cale imposée par la coalition dedroite dirigée par le PremierMinistre John Howard, au pou-voir depuis 1996. C'est la troi-sième manifestation de masse ras-semblant plusieurs centaines demilliers de personnes, après cellesde mai et de novembre dernier.

Bénéficiant de l'expan-sion économique due à l'essor desexportations de matières pre-mières (charbon, gaz naturel,minerais, viande, blé), principale-ment vers le Japon et la Chine, legouvernement Howard a consi-déré que le moment était arrivéd'appliquer son programme idéo-logique: enfin casser le pouvoir dumouvement syndical. L'ensembledes mesures adoptées depuis 1996constitue l'attaque la plus radicalecontre les droits syndicaux et destravailleurs depuis plus d'unsiècle dans un Etat démocratiqueen temps de paix. Le but du gou-vernement est de réduire le mou-vement syndical à l'impuissanceet, si possible, de l'éliminer.

Jusqu'en 1996, les rela-tions de travail en Australie étaientréglées par des conventions collec-tives qui étaient entérinées par destribunaux et avaient ainsi force de

loi. En 1996, le gouvernement mitfin à ce système en introduisant leWorkplace Relations Act (WRA)qui, pour la première fois, faisaitentrer dans la jurisprudence descontrats individuels (AustralianWorkplace Agreements – AWA),sur une base d'égalité avec lesconventions collectives. En outre,le WRA limitait le droit d'accès dessyndicats sur les lieux de travail,imposait des limites draconiennesau droit de grève et donnait le droitaux employeurs de déclarer deslock-outs, y compris des lock-outsindividuels.

Toute grève échappantaux limites étroites du WRA estpassible d'une amende de 110’000dollars australiens pour le syndi-cat et de 22’000 pour les membresindividuels (le dollar australienest à peu près équivalent au francsuisse). En outre, des dommageset intérêts peuvent être réclamésaux syndicats pour tous dom-mages occasionnés lors d'unegrève par des dirigeants syndi-caux, employés ou membres. Encas de non-paiement, le syndicatpourrait être déclaré illégal.

LES EMPLOYEURS EN PROFITENT

Fortement encouragéspar le gouvernement, lesemployeurs ne se sont pas privésde se servir de leur nouveaux pou-voirs. Entre 1996 et 2003, la den-sité syndicale en Australie a chutéde 31,1% à 23%.

Après les élections de2004, qui donnèrent aux partisconservateurs la majorité dansles deux chambres du Parlement,le gouvernement s'est hâté d'in-troduire de nouveaux amende-ments à la législation du travail:le Work Choices Act. Dorénavantles AWAs peuvent être déclarésobligatoires sans négociationspréalables, aux conditions del'employeur, même en annulantdes acquis des conventions col-lectives en vigueur, tels que lecongé parental, les heures sup-plémentaires, les jours de congé,les congés syndicaux, etc. Lesnégociations collectives auniveau d'un secteur (plusieursemployeurs d'un même secteur)sont interdites: ainsi, uneconvention nationale du bâti-ment serait actuellement illégale.Les grèves et les boycotts de soli-darité sont interdits. Un certainnombre de sujets sont exclus detoute négociation.

LA RÉSISTANCE S’ORGANISEL'ensemble de cette

législation a été condamnée par leBIT comme une violation gravedes normes internationales dutravail, mais le gouvernementaustralien n'en a cure. Cependantla résistance s'organise. D'abordau niveau des syndicats: au delàdes manifestations de masse,l'union syndicale australienne(ACTU) mène une campagnequotidienne, autant dans lapresse qu'à la télévision. Dans lesmilieux syndicaux, on envisageune campagne de désobéissancecivile et certains syndicalistessont prêts à aller en prison.

Les églises se mobilisentégalement. L'évêque catholiqueKevin Manning, s'adressant aumois de mai à une assemblée dusyndicat de la police, a dit auxdélégués qu'ils faisaient partiedu mouvement syndical et qu'ilsdevaient se poser des questionssur la moralité d'une législationdont les effets allaient être plusde personnes sans domicile fixe,

plus de chômeurs et plus depauvres. «Une société juste nesaurait attendre de sa policequ'elle fasse appliquer des loisqui compromettent la dignitéhumaine.» Il termina son dis-cours en affirmant que les lois dugouvernement étaient contrairesaux enseignements de la Bibleselon lesquels les travailleurs nedevaient pas être traités commeune marchandise et que larichesse du monde devait profi-ter à tous.

La résistance est aussipolitique. Alors que le gouverne-ment fédéral est aux mains de lacoalition de droite, la plupart desEtats fédéraux sont gouvernéspar le Parti travailliste et ont lepouvoir de légiférer. En 2002,l'Etat d'Australie occidentale aabrogé les lois selon lesquelles lesaccords individuels priment surles conventions collectives et aannulé un grand nombre demesures discriminatoires anti-syndicales.

Le Parti travailliste adéclaré que s'il gagnait les pro-chaines élections (fin 2007), ilabolirait la législation du travaildu gouvernement Howard. Selonun sondage d'opinion de juillet, leParti travailliste était pour la pre-mière fois depuis dix ans en têtedevant la coalition de droite. Enréponse, le porte-parole de laChambre du Commerce et de l'In-dustrie a appelé le patronat à fairesigner un maximum d'AWAspour une durée de cinq ans, pourqu'ils restent valables pendant lapremière période d'un gouverne-ment travailliste.

Pourquoi est-ce que celanous concerne? Ne nous trom-pons pas: l'Australie, comme laNouvelle Zélande dans les années1990, n'est qu'un terrain d'exer-cice et d'expérimentation dans laguerre que le capital transnatio-nal mène contre le mouvementsyndical à l'échelle mondiale, pasdepuis hier, pas seulement là oùles syndicats sont faibles, demainpeut-être chez nous.

La remise en cause des droits des travailleurs est l’attaque la plus radicaledepuis plus d’un siècle dans un pays démocratique en temps de paix.

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Ciba Spécialités chi-miques vient d’annoncer la sup-pression d’un sixième de sesemplois (2'500 sur un total de15'000, dont 2'700 en Suisse).Parallèlement le cours de sonaction progressait de 10%. Com-bien de fois n’a-t-on pas été cho-qué par ce type de logique, révéla-trice de ce que certains ontqualifié de «capitalisme actionna-rial» ou financier? Cette nouvelleère du capitalisme résulte de latransformation de la gestion desentreprises, dans lesquelles lescritères de rentabilité financièresont devenus les principes de basedu fonctionnement des entre-prises. L’objectif vise à maximiserla shareholder value (valeuractionnariale) de celles-ci, à tra-vers la progression du cours desactions et l’augmentation des ver-sements de dividendes.

Le pouvoir croissant dela finance sur les entreprisesremonte au début des années1980 aux Etats-Unis, avec l’affir-mation croissante des investis-seurs institutionnels (fonds d’in-vestissements, fonds de pension,assurances, banques d’investisse-ment) exigeant une meilleurerémunération des capitaux inves-tis. Réduction des coûts, fusionset restructurations sont devenusles leitmotive des stratégies desentreprises en vue de satisfaireprioritairement les intérêts desactionnaires, au détriment de larémunération des employés et dudéveloppement à long terme del’entreprise (investissements etrecherche et développement). Deplus, avec la libéralisation inter-nationale des marchés finan-ciers, cette prédominance de lafinance s’est répandue sur l’en-

Tout pour les actionnaires!

semble de la planète. Il est ainsidevenu de plus en plus difficilepour les Etats d’agir individuelle-ment sans subir la sanction parles marchés.

DES DIRIGEANTS ACTIONNAIRES

En intensifiant la pres-sion des marchés boursiers sur lagestion des entreprises et surleurs dirigeants, l’avènement desinvestisseurs institutionnels asouvent été perçu comme un ren-versement des rapports de pou-voir entre les dirigeants desentreprises et leurs propriétaires(les actionnaires), en faveur deces derniers. S’il est incontes-table que ces pressions se sontaccentuées ces vingt dernièresannées, les dirigeants des entre-prises sont loin d’avoir subi passi-vement ces changements; ils ontaussi contribué activement à

cette évolution et se sont de plusen plus alignés sur les exigencesde rentabilité des marchés finan-ciers. Grassement rémunéréssous la forme d’actions et destock options, les dirigeants desgrandes entreprises sont de plusen plus devenus des actionnaires,ce qui les incite à agir dans leurpropre intérêt.

Au cours des années1990, la Suisse est aussi entrée deplain-pied dans l’ère du capita-lisme financier. L’exemple deMartin Ebner, dans un premiertemps fortement contesté parl’establishment économique tra-ditionnel, a largement contaminéla majorité des élites écono-miques. La mission des dirigeantsd’entreprises consiste à satisfaireau mieux les pressions à la maxi-misation de la valeur actionna-riale. Les exemples de l’entre-prise SAPAL ou encore de la

Boillat (voir p. 7) montrent à quelpoint ce type de logique finan-cière, mise en pratique par desdirigeants appliquant ces critèresde rentabilité, peut aboutir à desaberrations économiques etmettre en danger des entreprisestout à fait viables sur le plan éco-nomique.

En outre, même si la pri-mauté des intérêts financiersconcerne principalement lesgrandes entreprises cotées enbourse, elle se répercute égale-ment sur l’ensemble de l’écono-mie, notamment les PME, quientretiennent des relations desous-traitance avec de grandesentreprises ou qui dépendent descrédits des banques, de plus enplus restrictives dans ce secteurd’activités, jugé insuffisammentrentable.

André Mach

dossier: la financiarisation de l’économie

Pages de gauche No 48, septembre 2006 5Dossier

La logiqueboursière au cœur du capitalisme suisse.

6

Boillat/SAPAL: Des restructu-rations au nomde la finance?

7

Le rôle descaisses depensioncomme actionnaires.

8

Les investis-sementsdurables: une alternativeréaliste.

9

Plus dedémocratie dans les entreprises.

10

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Dossier Pages de gaucheNo 48, septembre 20066

dossier: la financiarisation de l’économie

S’il y a un secteur écono-mique qui a crû fortement durant lesannées 1990, c’est la bourse. Entre 1990et 2000, la valeur globale des actionscotées en Suisse est passée de 204 mil-liards de francs à 1'257 milliards, soitune progression de près de 500% en dixans! Elle est retombée à un peu plus de700 milliards à fin 2003 pour remonterà plus 1'170 milliards à fin 2005, soitplus de 200% du produit intérieur brutsuisse. Dans aucun pays de l’OCDE, lacapitalisation boursière en relationavec le PIB n’atteint des proportionsaussi fortes qu’en Suisse. Cette évolu-tion contraste avec la faiblesse de lacroissance économique durant lamême période. Ce rôle croissant de labourse dans le financement et l’évalua-tion des entreprises est révélateur del’affirmation de ce "capitalisme action-narial" en Suisse, axé sur la rentabilitéimmédiate des capitaux investis.

BOURSE ET RÉMUNÉRATIONDES ACTIONNAIRES

Un moyen relativementsimple de mesurer l’impact de la boursesur les entreprises consiste à analyserd’une part les capitaux récoltés (lors dela cotation en bourse ou lors de l’émis-sion de nouvelles actions) et d’autre

part les rémunérations des actionnairespar les entreprises, sous la forme de ver-sements de dividendes ou à travers lerachat de leurs propres actions par lesentreprises (dans le but de soutenir lecours de leur action). Le graphique ci-dessous fournit des données sur le totaldes émissions d’actions, des versementsde dividendes et des rachats d’actionsen Suisse depuis 1982 jusqu’à l’annéedernière (Source: Vontobel Equity).

Sur cette période, on peutvoir un profond changement des pra-tiques des entreprises et du rôle de labourse en Suisse. Alors que le soldeentre l’apport de capitaux et la rému-nération des actionnaires est positifjusqu’au début des années 1990, ildevient constamment négatif à partirde 1995 (à l’exception de 1998 avecl’introduction en bourse de Swiss-com), et cela dans des proportionsconsidérables. La contribution nettede la bourse au financement desentreprises devient clairement néga-tive à partir de 1995.

Entre 1995 et 2005, l’impactcroissant de la bourse n’a pas servi àdrainer plus de capitaux pour lesentreprises, mais, au contraire, à rever-ser aux actionnaires (en dividendes ouen rachat d’actions), un montant astro-

nomique de plus de 130 milliards defrancs (dividendes + rachats d’actions– émissions d’actions sur la période1995-2005). Les bénéfices des entre-prises sont prioritairement destinés àrémunérer les actionnaires plutôt qu’àfinancer le développement des entre-prises. Une telle évolution favoriseainsi les détenteurs de capitaux et larentabilisation des placements finan-ciers plutôt que le dynamisme et l’in-novation des entrepreneurs. Ceschiffres illustrent le triomphe de lamaximisation de la valeur actionna-riale, préconisée par Martin Ebnerdurant les années 1990…

DES CONSÉQUENCES NÉGATIVES

Une telle modification de larépartition des bénéfices des entre-prises sous l’emprise de la pression desmarchés financiers a au moins troisconséquences dommageables pour ledéveloppement économique.

Tout d’abord, contraire-ment à une idée reçue bien établie, quiveut que la bourse permette de canali-ser l’épargne vers l’investissement desentreprises, favorisant ainsi leurfinancement, la bourse a contribué aucontraire à rémunérer les capitaux pla-

cés plutôt qu’à soutenir l’activité éco-nomique. Cela incite les entreprises àprivilégier la rémunération des action-naires à court terme au détriment desinvestissements ou la recherche etdéveloppement, sources d’innova-tions et de croissance économique àmoyen et long terme.

La prépondérance des mar-chés financiers tend également àaccroître l’instabilité financière, où lamoindre rumeur négative peut profon-dément remettre en cause l’évolutiond’une entreprise. Elle contribue ainsi àune plus grande instabilité sur le planéconomique général. Les soubresautsde la finance affectent ainsi directe-ment l’activité économique réelle.

Enfin, ce nouveau modèlede capitalisme ne fait qu’accroître lesinégalités des revenus. Contrairementà ce que pourrait laisser penser l’enga-gement croissant des caisses de pen-sion sur les marchés boursiers (voir p.8), les ménages qui détiennent, direc-tement ou indirectement, des actionsse concentrent parmi les couchessociales les plus riches, pouvant recou-rir à des conseils financiers sophisti-qués, alors que les revenus modestesne bénéficient que marginalementdes marchés boursiers.

Mettant le doigt sur ces pro-blèmes, deux économistes libérauxfrançais, Patrick Artus et Marie-PauleVirard n’hésitaient pas à intituler leurdernier livre «Le capitalisme est entrain de s’auto-détruire». Alors que les«trente glorieuses» de la périoded’après-guerre, en s’appuyant sur uneprogression régulière des salaires, despolitiques macroéconomiques d’inspi-ration keynésienne et un rôle contrôléde la finance, avaient permis une amé-lioration du niveau de vie du plusgrand nombre, l’instabilité écono-mique actuelle, le chômage et la faiblecroissance rendent plus difficile laperspective de retrouver un tel niveaude développement économique.

André Mach

Logique boursière au cœurdu capitalisme suisseL’impact croissant de la bourse sur les entreprises suisses favorise la rému-nération des actionnaires plutôt que les investissements des actionnaires.

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Pages de gauche No 48, septembre 2006 7Dossier

Par Karl, auteur et modérateur anonymedu blog Une Voix pour la Boillat.

En Suisse, nous vivons sousun régime démocratique dit «libéral».Ainsi, nos lois font la part belle au sensdes responsabilités qu’endosse l’indi-vidu pour que, mû par une certainevertu, il évite de profiter des largessesde leur lettre pour en violer l’esprit.Dans le cas des entreprises, le législa-teur a estimé que le propriétaire sebattait nécessairement pour la survieet le succès de son entreprise, et paspour sa destruction. En effet, si l’onestime que l’entreprise est un moyende production de richesses, via le tra-vail qui y est effectué, on doit alorsestimer que l’objectif du propriétairede cet outil est de maximiser la créa-tion de richesses.

Toutefois, on peut noterdeux cas particuliers. Le premier estcelui où une entreprise choisit de sup-primer l’une de ses parties pour optimi-ser l’ensemble, par exemple via unedélocalisation. Dans ce cas, une sup-pression de richesse au niveau local estcensée générer une quantité derichesses supérieure pour l’ensemblede l’entreprise. Le second cas est celuioù la direction d’une entreprise décidede supprimer des richesses, de manièrelocale comme au niveau de l’ensemble,parce que certains individus, dont ladirection en question, bénéficierontmarginalement de cette suppression,pouvant aller jusqu’à la destruction del’entreprise. Une telle action, si elle esttolérée par notre système juridique, estcontraire à son esprit, et s’assimile à unesorte de rapine. Martin Hellweg, leCEOde Swissmetal, est un exemple dece dernier cas.

9% DE RENTABILITÉJe ne mentionne que Martin

Hellweg car ce dernier a construit, ausein de Swissmetal, un système de pou-voir s’apparentant à une dictature. Lespersonnes s’opposant à lui, même demanière éclairée et constructive, sontautomatiquement licenciées, et seulescelles qui lui renouvellent fréquem-ment leur allégeance sont considérées

comme utiles, ce qui laisse penser qu’ilest seul à connaître la finalité de son pro-jet. La partie visible de l’icebergconsisteen un chiffre: 9% de rentabilité, promisaux actionnaires. La valeur initiale desactions, suite au refinancement opérépar Martin Hellweg en 2003, était de 9francs l’unité (Martin Hellweg en a eu88'000 à moitié prix), et aujourd’hui, elleest d’environ 16 francs. Cependant, biendes commentateurs s’accordent pourdire que cette action est sous-évaluée, etl’objectif du CEO est dès lors de fairemonter le cours.

Ainsi, il propose une straté-gie consistant, en résumé, à étendreSwissmetal via des acquisitions (trèsdouteuses d’ailleurs). De plus, il tue àpetit feu la Boillat, pourtant seuleunité de production véritablementrentable du groupe, en voulant,notamment, fermer sa fonderie. L’undes ses rêves est d’implanter desusines Swissmetal en Asie. Enfin,Martin Hellweg force les travailleursde Swissmetal a accepter des condi-tions de travail toujours revues à labaisse (abandon de la CCT, engage-ment d’intérimaires, etc.). Il s’agitdonc d’une politique à court terme,fondée sur la seule volonté de parve-nir rapidement à ces 9% de rentabi-lité, en faisant fructifier au maximum,et sur peu de temps, les avantagesconcurrentiels du groupe. Si ces 9%étaient atteints, l’action de Swissmetalmonterait à des niveaux garantissant àMartin Hellweg une bonne plus-value, et il pourrait se tresser les lau-riers du sauveur d’entreprise, avant des’en aller avec quelques gratificationssupplémentaires. Une autre hypo-thèse est celle de la vente du groupe àune autre entreprise, lui garantissantelle aussi une fin de mandat dorée.Une dernière hypothèse (qui s’est pro-duite, et pas par hasard, quand il diri-geait Keramik Laufen) est la vente dugroupe à bas prix, alors que ce dernierest dans une situation difficile. Làencore, l’acheteur saurait remercierMartin Hellweg pour ses services.Ainsi, quel que soit le cas de figure,l’action de Martin Hellweg s’avéreraitpayante, mais uniquement pour lui etquelques-uns de ses sbires.

DESTRUCTION INDUSTRIELLEAu niveau industriel, les

choses se passeraient autrement car lesavantages de la Boillat (un savoir-fairede haut niveau et des produitsuniques), dont profitait tout le groupe,ne seraient plus reconduits. Il resteraitune coquille vide. J’ajoute encore queladite stratégie est menée d’unemanière tellement catastrophique quejamais il ne sera possible à Swissmetalde dégager les 9% de rentabilité pro-mis. Les erreurs de management(déplacement de la fonderie de laBoillat sans étude préalable, licencie-ments aberrants, démotivation du per-sonnel, etc.) sont trop graves.

On peut donc conclureque chez Swissmetal, nous assis-tons au sacrifice de la Boillat, puisde l’ensemble du groupe, au nomd’un profit qui ne viendra jamais.Il s’agit là d’une destruction pureet simple de richesses, pour qu’unCEO on ne peut plus malhonnêtearrache quelques centaines demilliers de francs au passage. Unautre profit sera celui de l’usineBusch-Jaeger, concurrente mal-heureuse de la Boillat, qui auraalors supprimé son concurrent, etrécupéré sa clientèle.

www.laboillat.blogspot.com

La Boillat: la finance destructrice de richesses?

dossier: la financiarisation de l’économie

la sapal a 100 ans et toutes ses dents!

Fondée en 1906, la Société Anonyme des Plieuses Auto-matiques Lausanne (SAPAL) souffle ses 100 bougies cette année.Cette société est spécialisée dans les machines d’emballage de pro-duits alimentaires (bonbons, chocolats, bouillons, etc…).

La SAPAL est surtout connue pour le conflit social vécu ily a quelques années lorsque la direction du Groupe SIG avait l’in-tention de fermer l’entreprise d’Ecublens en raison de son manquede rentabilité. Suite à une forte mobilisation, la direction avait dûrevenir en arrière.

Quand on sait que quelques années seulement après cesheurts, la SAPAL se porte bien, a retrouvé les chiffres noirs, réengagedu personnel, forme une vingtaine d’apprenti-e-s et a un carnet decommandes prometteur, même si le maintien de toute usine est tou-jours difficile, on reste songeur. Cela est dû, entre autres, au fait queles nouveaux dirigeants (le groupe BOSCH, fondation non cotée enbourse), ont daigné faire ce que d’autres ne veulent pas: écouter etfaire confiance au personnel. On ne peut qu’avoir une pensée pourles collaborateur-trice-s de tant d’usines, à commencer par la Boillat.

SMo

Info utile: Journée portes ouvertes le 30 septembre pourles 100 ans de l’entreprise.

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dossier: la financiarisation de l’économie

8 Dossier Pages de gaucheNo 48, septembre 2006

Les caisses de pension actionnairesLe poids des caisses de pension sur les marchés boursiers n’a cessé de croîtreces dernières années. Pourtant, leur activisme reste encore modeste.

Parmi les investisseurs ins-titutionnels actifs sur les marchésfinanciers, les caisses de pensionsuisses, de par leurs placements enactions, sont devenues des actricesimportantes sur les marchés finan-ciers. Sur un plan chiffré, les caissesde pension gèrent une fortune colos-sale, qui se montait à 484.2 milliardsde francs en 2004, dernière statis-tique disponible (110% du PIB). Surce montant, les quelque 3'000 insti-tutions de prévoyance détiennentpour 131.3 milliards d’actions; celareprésente le deuxième type de pla-cement le plus important, après lesobligations (175.7 milliards), maisloin devant les placements immobi-liers (69.7 milliards). Une majoritédes actions détenues sont des actionsétrangères (72.1 milliards) contre59.2 pour les entreprises suisses. Lescaisses de pension détiennent ainsiplus de 5% du total de la capitalisa-tion boursière suisse. Il est à noterque la proportion d’actions qu’ellesdétiennent n’a cessé de progresserau cours des quinze dernièresannées.

UNE TROP GRANDE PASSIVITÉMalgré ces chiffres

impressionnants, les caisses de pen-sion sont encore très passives dansleur rôle de propriétaires. Même sil’ordonnance de la Loi sur la pré-voyance professionnelle a été modi-

fiée en 2002, en imposant aux caissesde «définir les règles qu’elles enten-dent appliquer dans l’exercice deleurs droits d’actionnaires», celles-cirestent encore très peu actives. Lepouvoir potentiel des caisses resteainsi bien plus élevé que leurinfluence réelle. En restant silen-cieuses, elles se contentent d’approu-ver tacitement les stratégies desdirections d’entreprises, sansémettre d’avis, ou se limitent à unestratégie d’indice (dans le but dediversifier les risques de placement),qui fait qu’elles abandonnent toutrôle actif d’actionnaires.

UNE REPRÉSENTATION DIFFICILELes employé-e-s sont

représentés paritairement, avecl’employeur, dans les Conseils defondation des caisses qui définissentla stratégie de placement de celles-ci.Ils peuvent donc théoriquementexercer une influence importantesur les choix d’investissement descaisses, notamment des actions. Tou-tefois, le rôle des employé-e-s sur lagestion des placements se heurte àde nombreuses difficultés. En raisonde la complexité de la politique deplacement, l’activité de gestion duportefeuille est souvent déléguée àdes gestionnaires spécialisés enfinance. Ainsi, de nombreuses insti-tutions de prévoyance mandatentune assurance ou une banque pour la

gestion de leur fortune, sans exerceraucune influence sur la politique deplacement de la caisse.

Le récent scandale de lafusion de la banque Swissfirst etBank am Bellevue ont montré à quelpoint les gestionnaires de plusieurscaisses peuvent se comporter demanière scandaleuse et profiter d’in-formations confidentielles pourleurs propres bénéfices plutôt queceux des assuré-e-s.

QUELS INTÉRÊTS DÉFENDRE?Finalement, la question

des objectifs poursuivis par lescaisses soulève également des débatsimportants. Les employé-e-s sontsimultanément propriétaires (demanière indirecte par leur caisse) etsalarié-e-s des entreprises. Il s’agitdonc de concilier à la fois leurs inté-rêts de propriétaires dans la perspec-tive de leur retraite et leur rémuné-ration de salariés. La fortune descaisses, en tant que propriété desemployé-e-s, représente des salairesdifférés; le placement de ces avoirsne saurait donc suivre une pure

logique de rentabilité maximale,comme n’importe quel fonds d’in-vestissement. La politique de place-ment devrait répondre à d’autres cri-tères que la seule maximisation descapitaux investis en tenant comptede leur impact sur l’emploi et surl’environnement pour favoriser undéveloppement durable.

Une telle orientationnécessite un renforcement de l’impli-cation des représentants desemployé-e-s dans la gestion descaisses et leur politique de placement,afin qu’elles donnent une plus grandeimportance aux critères sociaux etenvironnementaux dans leurs activi-tés. Or, les caisses sont encore troppeu nombreuses à recourir à desformes de placement socialement res-ponsables (voir entretien p. 9). Pour-tant, une telle politique de placementpermettrait une meilleure défensedes intérêts des employés, définisdans un sens large, et inciterait lescaisses à jouer un rôle plus actif dansleur choix d’investissement.

André Mach et Daniel Oesch (USS)

l’arpip: une association méconnue

Fondée en 1988, l’Association des représentants dupersonnel dans les institutions de prévoyance (ARPIP) apour principal objectif d’offrir «aides et conseils aux repré-sentants du personnel dans les institutions de prévoyanceprofessionnelle, afin qu’elles puissent assurer une gestionparitaire et efficace dans l’intérêt des assurés».

En raison de la complexité des activités de place-ment des caisses, la gestion paritaire reste avant tout théo-rique. Les représentants du personnel sont souvent dému-nis face aux employeurs qui disposent de moyensd’information beaucoup plus importants. C’est pourquoi laformation des représentants du personnel dans les institu-tions de prévoyance représente un enjeu central.

En regroupant les représentants du personnel et enorganisant des cours de formation, l’ARPIP tente de com-bler les lacunes de la Loi sur la prévoyance professionnelle,qui ne prévoit aucune disposition pour la formation desdélégué-e-s des employé-e-s dans les caisses.

AM

Pour plus d’informations: www.arpip.ch/

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Pages de gauche No 48, septembre 2006 9Dossier

dossier: la financiarisation de l’économie

Entretien avec Roby Tschopp,secrétaire exécutif d’Actarès etprésident de la fondation NEST.

PdG: Comment concilierdeux objectifs à première vue contra-dictoire, promouvoir des activitéssocialement durables et assurer unerentabilité des placements?

RT: Tout d’abord, il est clairque nous ne nous plaçons pas dansune perspective de refus du systèmecapitaliste. Nous nous situons dansson cadre en agissant pour la promo-tion des activités écologiques et socia-lement durables. Deuxièmement, ilfaut bien voir que pour les caisses, il nes’agit pas de faire de la charité, maisd’assurer une certaine rentabilité,dans une perspective de long terme.Parfois, les restructurations d’entre-prises sont nécessaires, il faut l’ad-mettre. Nous devons faire preuve derigueur dans notre politique de place-ment. C’est l’aspect «pillage» d’uneentreprise qui est condamnable.

Quelle est l'importancedes investissements socialementdurables en Suisse?

C’est difficile à quantifier. Ilsreprésentent un peu plus de 1% dumarché des fonds de placement enSuisse, mais leur proportion a progresséplus fortement ces dernières annéesque les placements traditionnels.

Il est possible de distinguerdeux voies différentes en matière deplacements éthiques. Premièrement,il y a l’option de l’actionnariat actif àtravers l’exercice des droits de voteaux assemblées des actionnaires. C’estplutôt la voie suivie par Ethos (voirencadré) qui diversifie ses risquesselon des indices de placements, sanseffectuer de grosses recherche desélection, mais en étant plus présentslors des assemblées. Deuxièmement,il y a l’option de faire des choix d’in-vestissements plus sélectifs des entre-prises dans lesquelles on investit. C’estla voie suivie par NEST qui exige unplus gros travail de recherche et d’ana-lyse, ainsi qu’une gestion active duportefeuille. Cela implique que l’onn’investit pas dans les grosses valeurs

suisses, mais plutôt dans les petites etmoyennes capitalisations. Cetteméthode offre le grand avantage des’appliquer également aux placementsen obligations, et pas seulement auxactions. Au cours des dernièresannées, malgré les plus gros risquesencourus, la politique de placement deNEST a donné de meilleurs résultatsque les indices.

Quels sont les investis-seurs qui utilisent de tels critères?

C’est difficile à dire, mais cesont probablement les caisses de pen-sion qui ont donné plus d’importanceà ce type de placements. Par exemple,la fondation NEST, qui disposait de sapropre fondation d’investissement endéveloppant des critères écologiqueset sociaux, a collaboré avec la banqueRaffeisen, qui a repris et développé cetype de fonds éthiques. Cela a permisd’attirer d’autres investisseurs privés.Même si les grandes banques et lesassurances proposent de plus en plusdes fonds éthiques, leurs choix sontsouvent discutables.

Quelle est leur influence?Elle ne devrait pas être sous-

estimée. A titre d’illustration, un cher-cheur de l’EPF de Zurich a montré que si5% des investisseurs suisses réussis-saient à se coordonner et décidaient deboycotter une entreprise, cela pourraitavoir des effets sensibles sur la valeurboursière de l’entreprise. Donc, le poidsdes investissements durables peut affec-ter sensiblement une entreprise. Il existeune certaine coordination informelleentre les «investisseurs durables», maiscelle-ci pourrait être améliorée.

En soulevant certainsaspects problématiques du comporte-ment d’une entreprise lors d’uneassemblée des actionnaires, on peutégratigner la réputation et l’image del’entreprise, ce qui a été reproché àActarès par exemple. D’autre part, celapeut aussi inciter d’autres investis-seurs à prendre conscience des pro-blèmes soulevés et à modifier leurattitude, en définitive pour le bien del’entreprise.

Enfin, en prenant contactdirectement avec l’entreprise pour

soulever un point, cela peut débou-cher sur des contacts directs avec desmembres de la direction et les sensibi-liser à certains problèmes.

Comment expliquer larelative passivité des caisses de pen-sion et leur réticence à recourir à descritères de durabilité?

Les syndicats ne se sontguère investis dans le gestion dudeuxième pilier. D’un côté, les repré-sentants du personnel sont surtoutpréoccupés d’assurer des rentes satis-faisantes pour leurs assurés sans sesoucier de comment est investie leurfortune et, d’un autre côté, on sentune certaine réticence des milieuxsyndicaux à s’engager plus activementen tant que propriétaires. D’autre part,il ne faut pas négliger les coûts supplé-mentaires d’une politique de place-ments durables en termes de choix desinvestissements ou d’exercice desdroits de vote. Ce qui est aussi un élé-ment dissuasif.

Propos recueillis par la rédaction.

Le rôle croissant des investissements durables

les «investisseurs durables»: quelques exemples

Encore complètement marginaux il y a une vingtaine d’années, les investissementsdurables, intégrant des critères écologiques et sociaux, ont gagné en importance de manièrecontinue. Présentation de quelques acteurs actifs dans ce domaine:

ACTARES: ACTIONNARIAT POUR UNE ÉCONOMIE DURABLE Association à but non-lucratif fondée en 2000, elle ne détient pas directement des

actions, mais exerce les droits de vote que lui ont délégué ses membres selon des critères sociauxet environnementaux et intervient durant les assemblées des actionnaires. www.actares.ch/

ETHOS: FONDATION SUISSE POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLECréée en 1997 à Genève par deux caisses de pension, elles regroupe près de 80 investis-

seurs institutionnels. Elle a pour but de favoriser, dans ses investissements, la prise en comptedes principes de développement durable et de bonne pratique de gouvernement d'entreprise.Gère des fonds de plus d’un milliard de francs, placée en actions ou obligations. www.ethosfund.ch/

NEST: CAISSE DE PENSION ÉCOLOGIQUE ET ÉTHIQUE Fondation collective indépendante, créée en 1983, qui assure le deuxième pilier de plus de

7'000 employés de nombreuses PME. Elle place les avoirs de ses assurés selon des critères écologiqueset éthiques. Gère une fortune d’environ 450 millions de francs, dont un quart investi en actions. www.nest-info.ch/

AM

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dossier: la financiarisation de l’économie

10 Dossier Pages de gaucheNo 48, septembre 2006

Quelles réponses politiques? Plus de démocratie dans l’entreprise

En 2002, en réaction auxdifférents scandales qui ontsecoué plusieurs grandes entre-prises suisses (Swissair, les para-chutes dorés des dirigeants d’ABBnotamment), Economiesuisseadoptait un «code de bonne pra-tique» en matière de gouverne-ment d’entreprises. Tout en préco-nisant quelques élémentspertinents sur la répartition descompétences entre les organes del’entreprise (direction, conseild’administration et assemblée desactionnaires), les recommanda-tions, adoptées par Economiesuisserestent largement insuffisantes.

D’une part, ces règles nesont absolument pas contraignantespour les entreprises. Elle n’ont enrien empêché les excès de rémuné-ration des directeurs et des conseilsd’administration. D’autre part, ellesdonnent très clairement la primautéaux intérêts des actionnaires parrapport aux autres acteurs de l’en-treprise: «Le gouvernement d’en-treprise désigne l’ensemble desprincipes qui, tout en maintenant lacapacité de décision et l’efficacité,visent à instaurer au plus hautniveau de l’entreprise, dans l’intérêtdes actionnaires, la transparence etun rapport équilibré entre les tâches

de direction et de contrôle.» (intro-duction du code). Enfin, elles nedisent absolument rien sur la repré-sentation des employé-e-s.

PLUS DE DÉMOCRATIE DANSL’ENTREPRISE

Dans son programme éco-nomique, adopté en juin dernier, lePSS dresse un constat lucide surl’affirmation de ce capitalismefinancier: «Le cycle de la financedomine le cycle économique. Laconvergence nécessaire entrelogique financière et logique indus-trielle a cédé la place au seul objectifà court terme de la rentabilité ducapital, le shareholder value, sous lapression de la libéralisation mon-diale des marchés financiers. Cettepure logique financière pousse àl’excès. L’entreprise, conçue commeexprimant un intérêt social quitranscende les intérêts particulierset souvent divergents des salariés,des fournisseurs, des clients, desprêteurs et des actionnaires s’esttransformée en outil au service desseuls propriétaires du capital dontle jeu est bien d’obtenir une crois-sance forte des capitalisations bour-sières des entreprises.» (p. 29). Leprogramme économique du PSScomporte quelques pistes à l’éche-lon suisse pour combattre cette pri-mauté des logiques financières, quiméritent d’être développées.

UNE MEILLEURE REPRÉSENTA-TION DES EMPLOYÉ-E-S

En Suisse, la participationdes employé-e-s, pour ne pas parlerde codécision, reste extrêmementrudimentaire. Les revendicationsde la gauche et des syndicats enfaveur de la cogestion dans lesannées 1970 sont restées lettresmortes. Le pouvoir de décision resteconcentré entre les mains des direc-tions d’entreprise et du conseil d’ad-ministration, où les représentant-e-sdu personnel sont absents.

A long terme, plusieurspistes complémentaires doiventêtre envisagées. Doter les entre-prises de commissions du personneldisposant de réels pouvoirs de codé-cision et prévoir une représentationdes salarié-e-s dans les conseils d’ad-ministration des entreprises est loind’être utopique. L’exemple de l’Al-lemagne, qui combine les deux solu-tions et prévoit même une repré-sentation paritaire au sein desorganes de surveillance des grandesentreprises, le prouve. Mais ladémocratisation passe aussi néces-sairement par un renforcement dusecteur public, notamment dans lesactivités stratégiques et de mono-pole, et de l’économie sociale,notamment les coopératives.

Par ailleurs, comme évo-qué dans les pages précédentes,l’implication des employé-e-s et deleurs représentant-e-s dans la ges-tion des caisses de pension peut etdoit être consolidée. De par leur for-tune considérable, les caisses depension sont devenues des actricesimportantes sur les marchés bour-siers. Il est dès lors primordial queles représentant-e-s des employé-e-ssoient plus actifs dans leur politiquede placement et imposent la priseen compte de critères sociaux, envi-ronnementaux et relatifs à la parti-cipation des salarié-e-s, plutôt quede laisser toute latitude à des ges-tionnaires. La Confédération pour-rait très bien imposer, comme celase fait dans d’autres pays, auxcaisses de pension de prendre encompte les critères de développe-ment durable dans leur politique deplacement. De même, les caissesdevraient également s’impliquer entant qu’actionnaires au sein desentreprises pour défendre ces prin-cipes. Ainsi, l’argent des salarié-e-sne sera plus placé au détrimentd’autres salarié-e-s.

Cyril Mizrahi et André Mach

Pour contrecarrer la prépondérance des logiques financières, exigeons le renforcement dela participation des salarié-e-s et une gestion plus démocratique des caisses de pension.

la révision du droit des sa

Bientôt soumise au Parlement par leConseil fédéral, la révision du droit des sociétésanonymes pourrait également contribuer à renfor-cer la transparence des entreprises et réduire l’ar-bitraire des décisions prises en comité restreintpar les principaux dirigeants. Le droit des SA règleles compétences et le pouvoir des différentsorganes des entreprises (direction, conseil d’admi-nistration, assemblée des actionnaires). Toutefois,la place des employé-e-s dans les décisions desentreprises reste absente de la révision.

Quelques points importants sont toutmême en jeu dans cette révision, permettant d’in-troduire des règles plus contraignantes pour lesdirections d’entreprise. Un des enjeux centrauxconcerne la politique de rémunérations des diri-geants et du conseil d’administration. Celle-cidevrait relever de la compétence de l’assemblée desactionnaires, et non des conseils d’administration.Les droits des actionnaires minoritaires devraientégalement être renforcés pour leur permettre demieux contrôler l’activité des dirigeants.

Il conviendrait également d’exiger de lapart des grandes entreprises d’établir des rapportsspécifiques, en plus du rapport annuel, sur la poli-tique de «développement durable» de l’entreprise(critères écologiques et sociaux appliqués par l’en-treprise) et sur la représentation des femmes, enparticulier dans les organes dirigeants.

AM

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Pages de gauche No 48, septembre 2006 11International

Proche Orient: Une cohérence indispensable

taire d’arriver jusqu’aux victimes,la disproportion de l’engagementde l’armée israélienne au Liban,l’inadmissible punition collectiveinfligée aux peuples libanais etpalestinien, il était et est de la res-ponsabilité de chacun de réagir.

LA POSITION DE LA SUISSELe courage politique de

Micheline Calmy-Rey en Suisse etde José Luis Zapatero en Espagnesont à souligner. L’une et l’autreont su donner de la voix pour lerespect du droit humanitaire et,ainsi, donner une dignité certaineà la Suisse et à l’Espagne aumoment où d’autres Etats et res-ponsables politiques montraientleur couardise où l’alignement surles positions belliqueuses desEtats-Unis. L’adoption presqueinespérée de la résolution 1701 parle Conseil de sécurité de l’ONUaprès près d’un mois de guerre nepeut cacher cette réalité.

Micheline Calmy-Rey aclairement marqué les limites del’admissible en rappelant le respectdu droit international et du droithumanitaire et les obligations quecela implique. Elle l’a fait à l’égardd’Israël, mais aussi à l’égard duHezbollah, ce que d’aucunsoublient. Sa cohérence doit êtresoulignée. En effet, seuls les Etatsqui ont une cohérence et qui l’affi-

Par Carlo Sommaruga,conseiller national socialiste.

Les armes se sont tues.Mais à tout moment, la fragile sus-pension des actes de destructionpeut reprendre. La diplomatie doitfaire vite. Mais surtout les acteursmajeurs du conflit et leurs parrainsont l’obligation morale à l’égarddes populations concernées, despeuples de la région et plus large-ment de l’humanité de construireune réelle paix juste et durable.Cette paix ne peut être atteinte quesi chaque Etat et chaque peuple dela région bénéficie de son droitd’exister, de sa dignité, de sa sécu-rité et de sa totale souveraineté.Cela vaut certainement pourIsraël, mais aussi pour le Liban etsurtout pour la Palestine et lepeuple palestinien oubliés en rai-son du fracas des bombes sur Bey-routh, Tyr ou Qana.

Le temps est venu que laviolence, d’où qu’elle vienne etquelle qu’en soit la nature, cesse.

LE TEMPS DE LA PAIX?Il est donc urgent que

toutes les résolutions, de la der-nière à la première, et le droitinternational humanitaire, soientrespectés par le Liban et le Hezbol-lah, mais particulièrement parl’Etat d’Israël, singulièrement auregard de l’occupation illégale de laPalestine et des exactions com-mises dans ces territoires.

Avec 1200 morts civilslibanais dont 30% d’enfants, 130morts israéliens juifs ou arabes,plus de 6 milliards de dollars dedommages (selon les dernierschiffres) causés par Tsahal auxinfrastructures civiles libanaises,notamment d’habitation, d’adduc-tion d’eau ou de stockage de com-bustible, des dégâts écologiquesimpressionnants sur le littoral liba-nais, un blocus naval, aérien et ter-restre, empêchant l’aide humani-

chent, sont réellement respectéspar la communauté internationale.Affirmer, voire même marteler,son attachement au respect dudroit international et au droithumanitaire donne en toute situa-tion ainsi à notre pays une crédibi-lité sur la scène internationale.

QUELLE NEUTRALITÉ?Mais cela n’est pas suffi-

sant. Il ne peut y avoir de cohé-rence complète que si - au-delà del’appel au respect du droit interna-tional - la Suisse met un terme à sacollaboration militaire, au com-merce d’armes et à l’achat d’équi-pements avec les Etats de tout leProche Orient. Comment pré-tendre à une position neutrelorsque l’on apprend de HumanRight Watch, organisation mondia-lement connue pour son sérieux etla fiabilité de ses informations, queles bombes à sous munitions lan-cées par l’artillerie israélienne, quicontiennent plusieurs dizaines oucentaine de projectiles et violent

ainsi la distinction entre les ciblesmilitaires et civiles, ont été déve-loppées et produites en collabora-tion avec l’entreprise publiquesuisse RUAG? Sans parler desdrones utilisés par Israël résultantaussi d’une collaboration entre lesindustries d’armement des deuxpays. Comment prétendre à uneposition neutre alors que deséchanges militaires de haut niveauavec l’armée israélienne ont lieu,notamment les forces aériennes.Comment prétendre à la neutralitéen se fournissant de matériel mili-taire en Israël, alors qu’il est évi-dent qu’un tel achat renforce lesentreprises publiques engagéesdans l’effort de guerre d’Israël etnous rend dépendants de ce payspour le suivi de ce matériel!

La surdité de la majoritédu Conseil fédéral et des partisbourgeois est la même que celleaffichée à l’époque du régimed’apartheid qui sous prétexte dedéfendre les valeurs du monde ditlibre contre la barbarie du com-munisme, aujourd’hui de l’islam,la Suisse avait persisté dans sacollaboration avec un régime res-ponsable d’un racisme d’Etat, dela violation massive et systéma-tique des droits humains. Lesleçons de l’Histoire semblentimpossibles à apprendre pour ladroite de ce pays.

La Suisse a fait preuve d’un engagement marqué pour le repect du droit interna-tionnal humanitaire au Liban. Un engagement qu'il s'agit maintenant de prolongeren mettant un terme aux collaborations militaires avec les Etats du Proche-Orient.

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La loi sur les armes (LArm) est sous le coup d’une modification à venir, visant une maîtrise plus accrue de l’Etatsur ce marché. Une loi qui sera débattue à la session parlementaire d’automne, mais qui s’arrête à mi-chemin.

12 National Pages de gaucheNo 48, septembre 2006

Guns and Roses…

C’est sous l’impulsion desBilatérales II qu’est née la nécessité derevisiter une loi lacunaire, coordina-tion européenne oblige. Aujourd’huin’importe qui (exceptés les ressortis-sants de certains pays «à risque»!)peut acquérir vingt revolvers et centfusils pour constituer sa milice, sansque ces achats ne soient répertoriésnulle part. Et ces acquisitions peuventêtre effectuées par le biais de petitesannonces ou par Internet.

«LICENCE TO KILL»?Certes, dans le cadre d’un

achat en armurerie, l’acheteur se doitde présenter un permis d’acquisitiondélivré par l’autorité compétente.Dans ce cas-ci, son achat et son nomsont enregistrés et répertoriés dans unregistre cantonal.

Mais au niveau des tran-sactions entre particuliers, il n’existepour l’heure qu’une régulation lacu-naire et laxiste. Il n’y a absolumentaucun contrôle sur ce marché (ou tra-fic?), vu que les données personnellesde l’acheteur ne font l’objet d’aucuneobligation d’inscription auprès d’unequelconque autorité. Concrètement,

la seule obligation pour le vendeurest de s’assurer que le client répondeà certains critères fondamentaux,comme par exemple ne pas avoir par-ticipé à une rapine à main armée dansle passé… Une obligation qui n’estsoumise à aucun contrôle ni aucunerègle, si ce n’est celle du plus offrant.On peut donc acheter une arme sansavoir à le déclarer, en nombre illimitéqui plus est.

A noter qu’aujourd’hui, onestime à environ 3 millions lenombre d’armes à feu circulant enSuisse (y compris les armes de ser-vice, mais c’est une autre histoire…),fruit d’une loi quasi aussi permissivequ’aux Etats-Unis, et qu’environ untiers des suicides sont commis par cebiais. Des chiffres tout simplementahurissants, sans oublier les vio-lences domestiques!

La modification de la LArmviserait par exemple à soumettre lestransactions entre particuliers auxmêmes règles régissant les achats enarmurerie. C’est là la principale avan-cée qu’amènerait la modification de laloi, ce qui constitue à n’en pas douterun pas dans la bonne direction. Mais il

ne s’agit, malheureusement, qued’une demi-mesure ! Un acquis fonda-mental eut été la création d’un véri-table registre national des armes à feu,où seraient enregistrés tous lescitoyens en possession d’une arme àfeu et le détail de leur «arsenal» per-sonnel. Une idée qui a bel et bien étéproposée lors de l’élaboration de lanouvelle loi, mais bottée en touche parla majorité de droite au parlement.

UN LOBBY PUISSANTPour le bloc bourgeois, la

nouvelle LArm est déjà trop restric-tive, même sans la création d’unregistre. «Halte aux atteintes auxlibertés individuelles!» ou encore«Non à l’Etat tout puissant!», clament-ils, systématiquement. Et de restric-tion en restriction, la majorité dedroite craint une interdiction généra-lisée des armes à feu dans un avenirplus ou moins proche. En ce sens, lacréation d’un registre national seraitune étape fondamentale ! Et cela neserait pas sans leur poser un certainnombre de problèmes d’un point devue tant électoraliste qu’écono-mique… Car en réalité, le marché des

armes est une activité extrêmementlucrative, et est soutenue par une largepalette d’acteurs. C’est un véritablelobby, fort et influent, composé d’as-sociations structurées et puissantes,comme ProTell, qui se bat pour un«droit libéral sur les armes» et quicompte 7’000 membres. Ou encorel’Association suisse de tir, qui ellecompte 200'000 membres.

LE PACIFISME, CE PRINCIPEFONDAMENTAL

A la lumière de ces faits,cette loi si permissive doit absolumentêtre revue. Tant pis s’il ne s’agit pourl’heure que d’un petit pas. Et prenons,pour une fois, pour bon l’argument dela droite, qui considère qu’un registrenational mènerait à une interdictiongénéralisée. C’est vers cet objectif quese doit d’œuvrer la pensée de gauche.Militer pour une régulation accrue dumarché des armes, et à terme leurinterdiction, ne fait que nous rallier àl’un des principes phares, à notre sens,du socialisme international : son carac-tère éminemment pacifiste.

Régis Genoud et Maurizio Colella

En 1906, la première organisation de jeunesse socialiste se forme au niveau national, la Verband schweizericherJungburschenverein. Un siècle plus tard, la JSS commémore l’événement avec un ouvrage retraçant son parcours.

Les premiers jalons d’une histoire à venir: 100 ans de JSS

Composé de brefs articles,l’ouvrage dresse un portrait de la JSS àtravers les grands thèmes qui la préoc-cupèrent. Tout y passe, de ses rapportsavec le PSS à ceux avec les femmes, desdébats sur le capitalisme à ceux sur laquestion militaire. Il est toutefoisimpératif de préciser que ce livre estcommémoratif et non historique, cequi le fait tomber dans quelques tra-vers: «Mis à part quelques révolution-naristes très à gauche, on a rapidementconsidéré qu’il était nécessaire d’êtreactif pour la lutte des classes dans le

cadre d’un système politique imprégnéde capitalisme.» peut-on ainsi lire (p.27) au sujet des débats entre les lignesréformiste et révolutionnaire audébut des années vingt. On peut aussiregretter que, d’articles en articles, lesmêmes éléments soient ré-utilisés,sans doute en raison d’une bibliogra-phie très ciblée. Cette même bibliogra-phie amène parfois les auteurs à livrerdes interprétations partiales de cer-tains événements, tels que la scissionde 1921 ou l’accession du PSS auConseil Fédéral en 1943.

«L’ÉPINE DANS LA ROSE»Mais que l’on ne s’y trompe

pas! Malgré quelques défauts - d’au-tant plus frustrants qu’ils auraient puêtre facilement évités – cet ouvragetrace un rappel très utile d’une organi-sation importante de la gauche suisse,dans son rôle d’aiguillon face à un PSSqui, plus d’une fois, s’est laissé tenterpar une dérive droitière. La JSS a ainsirevendiqué avec vigueur l’égalité dessexes, alors que le PSS a longtemps euune attitude machiste. C’est la JSSaussi qui, en participant à la création

du GSsA et au lancement de l’initia-tive pour la suppression de l’arméesuisse, a permis de s’attaquer à unmythe national. C’est la JSS, enfin, quis’est, très tôt, saisie de la probléma-tique des services publics et de leuravenir. Ce livre pose donc d’impor-tants jalons pour son histoire qui estencore à venir.

JW

A lire: Cent ans de Jeunesse Socia-liste, Editions de la JSS, 2006, 83 p.

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Pages de gauche No 48, septembre 2006 13Cantons

A Genève, le débat scolaire fait rage

PdG: Dans l’enquêtePISA, le canton de Genève reçoitle bonnet d’âne. Les petits Gene-vois sont-ils plus bêtes que lesautres ou est-ce l’école gene-voise qui est à la dérive?

CB: Le test PISA fait unpeu office de hit-parade des sys-tèmes scolaires au niveau mon-dial, européen et suisse. Si lesrésultats sont à prendre bien évi-demment au sérieux, le classe-ment doit être relativisé. En effet,ce qui importe, c’est davantage lesrésultats que le classement lui-même. Les résultats genevois,bien qu'ils se situent au-dessus dela moyenne des pays de l'OCDE,traduisent les difficultés d’uncanton-ville, avec la montée desinégalités et les difficultés du sys-tème scolaire, qui sont conju-guées à la crise de confiance et àla baisse des moyens financiers aucours des 15 dernières années.

Nous devons à Genèvemettre en avant une politique desmoyens adéquats pour uneréforme des structures en vued'une amélioration de la qualité devie dans les établissements, carelle a une influence directe sur lacapacité d'apprendre, tout particu-lièrement dans les régions défavo-risées de notre canton. Nous allons

introduire une logique de typeréseau d'enseignement prioritaire(«REP») permettant de dégagerdes moyens supplémentaires là oùl’école est confrontée aux consé-quences dramatiques de la crois-sance des inégalités.

Propos recueillis par Cyril Mizrahi

Quels sont les enjeux desvotations du 24 septembre surl’école? Le rétablissement desnotes à l’école primaire?

J’ai pris la décision à la ren-trée scolaire 2005 de rétablir les notes,qui avaient été supprimées dans lamoitié des écoles du canton. Lors decette votation, il se cache d’autresenjeux qui n’ont rien à voir avec le sys-tème d’évaluation tels que le retourde la sélection scolaire en lieu et placede l’orientation. En exigeant le réta-blissement dans l’enseignement pri-maire d’une sélection sociale en fonc-tion du statut et du revenu, en plaçantl’instruction et l’éducation au secondplan, les défenseurs du double ouiattaquent frontalement le conceptd’égalité des chances.

Quelle est l’alternativeaux attaques de la droite? Quellessont tes réalisations et tes projetspour l’école genevoise?

«Sortir l’automobiliste de sa voiturepour le mettre dans un bus»

Lors de la prochainesemaine de la mobilité (19-22 sep-tembre), le canton de Vaud va procé-der à une expérience inédite: un accèsgratuit aux transports publics pourtous les détenteurs d’une carte grise.Si l’opération est un succès, elle pour-rait être reconduite lorsque les pics depollution seront atteints à Lausanne,la ville la plus polluée de Suisse. L’oc-casion pour nous de revenir sur lesthématiques abordées dans notre dos-sier (Pages de gauche 46) sur la mobi-lité avec Vincent Krayenbühl, chef duService Mobilité de l’Etat de Vaud.

PdG: Ne trouvez-vouspas qu’une telle initiative contre-vient au principe du pollueur-payeur?

VK: Il faut voir cette opé-ration comme une opération mar-

rendre l’abonnement aux trans-ports publics plus attrayant, enle couplant à des offres cultu-relles ou sportives par exemple?

Les entreprises de trans-port public privilégient des offrescombinées et ponctuelles, commele billet d’entrée couplé au billetdu transport public pour desgrandes manifestations. En répar-tissant le coût de cette offre surl’ensemble des billets, les organi-sateurs proposent une offreattrayante sans engager de fondstrop importants. Cette formulesera proposée au niveau nationalpour l’Euro 2008.

Que pensez-vous de lasolution du péage urbain, défen-due dans nos colonnes par AlainHubler?

Une ville comme Lau-sanne répond aujourd’hui àd’autres dynamiques queLondres, qui a introduit un telpéage dans son centre. Toutefois,la politique de tarification du sta-tionnement sur le domaine publicpeut être assimilée à une formede péage urbain. Il n’y a presqueplus, aujourd’hui, de parkingsgratuits de longue durée à Lau-sanne. L’objectif est de maîtriserle trafic, notamment celui despendulaires. Les comptages detrafic montrent des résultats posi-tifs. Les mentalités évoluent.Imaginez qu’une telle décision aitété prise il y a 30 ans… ça auraitété la Révolution!

Propos recueillis par Julien Wicki

keting dont le public-cible sont lesautomobilistes. Avec cette mesure,on essaie d’attirer l’attention de cepublic, a priori peu enclin à fré-quenter les transports publics. Leprincipe de l’opération «cartegrise» est de privilégier l’aspectincitatif par rapport à des mesuresplus arbitraires et contraignantesqui pourraient être prises enpériode de dépassement des limitesde pollution. Par exemple, àAthènes, les autorités ont interditde rouler aux plaques paires etimpaires en alternance. Bienentendu, cette opération «cartegrise» ne peut suffire à long termesans la mise en place de solutionsstructurelles.

Au sujet de cet aspectincitatif, y a-t-il une volonté de

Le 24 septembre,le peuple genevois se prononce sur une initiative «Pour le maintien des notes à l'école primaire» etson contreprojet imposé par la droite parlementaire. 3 questions à Charles Beer,conseiller d’Etat socialiste chargéde l’instruction publique.

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14 Culture Pages de gaucheNo 46, juin 2006

La compilation des gorges rouges

Avec l’appui financier duparti socialiste vaudois, quelquesjeunes militants ont terminérécemment un bel ouvrage: lacompilation d’un CD convoquant

des artistes de la place romandequi, tour à tour et chaque fois auplus près de leurs choix artis-tiques personnels, interprètentdes morceaux dont le point com-

mun est leur constant objectif: «lanécessité de critères non discrimi-natoires de régulation de la migra-tion et l’intégration avec dignitédes personnes migrantes dans letissu social», indique la pochettedu disque, en référence directeévidemment à l’enjeu des vota-tions sur la LEtr et la LAsi.

Entre l’incipit et uneconclusion pour bien se rappeleroù l’on traîne – un bella ciao éphé-mère mais d’une redoutable effi-cacité ainsi que l’Internationalechantée par la coqueluche – bien-tôt internationale aussi - JérémieKisling, un cocktail bien dosé devieux alcools matures et de nou-veaux alcopops en devenir.

Ainsi, on assied MichelBühler à côté de Kate Waxe ouSaint-Plomb, jeunes artistesinternationalement reconnusdans la musique électronique, etl’on place les rockeurs Vanishing

Point, The Giant Robots, The OldSchool – quelle majestueuse redé-couverte de «The ghost of TomJoad» de Springsteen! – ou Mela-tonin – dont l’interprétation de«Ni Dieu ni maître» de Ferré estde toute beauté – à côté de Sarclo.

Plaçons ce CD haut dansnotre discothèque. Il est uneœuvre militante, spontanée et ori-ginale, et il parvient à faire tenirdans un ensemble cohérent desartistes certes différents, maistous solidaires à leur façon avec lecombat que nous menons contrela peur et le rejet de l’étranger.Puissent certains électeurs et élec-trices écouter quelques uns de cesmorceaux et apprendre un peu deleur humanité.

MS

Commande, écoute partielle duCD et renseignements: http://rouge-gorge.ps-vd.ch/

Djourou – la corde au couLe prêt, perche tendue

ou corde au cou? Pour la sagessepopulaire au Mali l'ambiguitén'existe pas puisque le terme de«Djourou» en bambara signifie àla fois dette et corde au cou. Mais

les sages ont rarement le pouvoiret le pouvoir écoute rarement lessages: c'est ce que souligne ledocumentaire d'Olivier Zuchuat,qui en 65 minutes effectue unevulgarisation claire et lucide de

l'histoire de la dette au Mali.Cette histoire débute dans lesannées 70, sous le régime népo-tique du colonel Moussa Traoré.Emprunts, investissements pourla construction d'infrastructureset d'usines: en quelques annéesl'endettement du Mali explosepour représenter en 1980, avec700 millions de dollars, la moitiédu PIB du pays. A l'époque, la poli-tique du prêt et de l'emprunt, sou-tenue par les banques et les insti-tutions financières du Nord,profite à tout le monde: «Je tedonne, tu me dois». Ou, comme lesouligne avec ironie le réalisateur:«Je te prête de l'argent avec desintérêts, mais avec cet argent tum'achètes mes produits, mes tech-nologies et mes centrales hydro-électriques. Pour la forme, je pro-teste un peu au sujet de droits del'homme, mais j'évite les sujetsqui fâchent» Dès 1985 cependant,avec la hausse des taux d'intérêt etla chute du prix des matières pre-mières, la dette deviendra unpiège économique pour le Mali,

un piège dont le pays peine à sesortir encore aujourd'hui.

Alternant images d'ar-chives et portraits récents, convo-quant des personnages multiples– d'un responsable du fondsmonétaire international à desproducteurs de cotons, en passantpar des militants - le réalisateurde «Djourou» parvient à éviter lepiège d'un discours monoli-thique, tout en restituant unpoint de vue didactique sur la réa-lité de la dette au Mali. Diffusé enFrance l'an dernier, ce documen-taire, qui a été réalisé par unjeune réalisateur lausannois, sor-tira dans les salles suisses le 20septembre. A Lausanne et àGenève, différentes conférenceset rencontres accompagneront lesprojections.

Chantal Peyer

Informations complémentaires,programme des conférences etcommandes du DVD surwww.djourou.org

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Reconnaissons qu’une voiturequatre-quatre peut être très utile. Dans descontrées hostiles, comme en Valais, où ils’agit de justifier quelques subventionsfédérales en matière de construction rou-tière, pour mener un safari dans le désert,participer au Paris Dakar ou pour embro-cher un ou deux kangourous en vadrouille.

Au-delà, franchement, je ne voispas. Or, défiant la logique, la raison et l’en-vironnement, les Range Rover, Mercedesou BMW modèle 4X4 se battent le haut dupavé dans nos villes. C’est gros, c’estmoche, c’est gris. Et ça pollue.

La nature humaine est étonnante.Pourquoi dépenser 50000 francs, au basmot, pour un char d’assaut qu’on ne par-viendra pas à parquer? Pourquoi vouloirfaire la démonstration de son arrogance etde sa toute-puissance, faire vrombir sonmoteur dans des rues où de toute manière,

il faut rouler à 30 kilomètres à l’heure?Pourquoi transformer une range rover enune voiture familiale alors que dans unekangoo on peut coincer trois enfants, unstand et une poussette?

Et, vous l’avez peut-être remarqué,pourquoi n’y a-t-il au volant des quatre-quatre que des blondes bcbg au regard triste?Je sais. Monsieur travaille quand il ne fait pasde tennis. Et pour être plus rapide de sa villadu Mont-sur-Lausanne à son bureau ducentre-ville, il utilise sa vespa ou la voiture demadame. Qui elle, brushing impeccable, per-chée sur sa monture, conduit les enfants àl’école, puis à la danse ou au judo; chercheune place de parc, avec beaucoup de chance,en trouve une, trop petite, essaie quandmême de se caser, rate, réessaie, rate à nou-veau, et c’est déjà la fin de la matinée scolaire,plus le temps d’aller faire son fitness.

Que de sombres destinées sejouent ainsi dans l’abri rassurant d’uneRange Rover, que de rêves cassés parcequ’on ne parvient pas à garer le symbolerutilant de sa réussite sociale, que decouples brisés quand madame se décide àrendre les clés de la voiture à monsieur.

Moritz, notre Moritz, a récem-ment déclaré qu’une quatre-quatre, c’étaitle chien dangereux de la route. Alors lesblondes, lâchez-vous, vengez-vous. Avecvotre Range Rover, embrochez un pitt-bull,votre journée aura été utile.

Géraldine Savary

«Aujourd'hui, une voiture neuve surquatre est un SUV (sport utilityvehicle)», journal du TCS, 24 août 2006

Pages de gauche No 46, juin 2006 15Page de droite – Humour

ndlr

Quand la droite déterrela hache de guerre…

L’initiative COSA (voirnotre page 3) a bien du mal à existerà côté du débat sur l’asile et les étran-gers… Heureusement, nos quoti-diens ont décidé de brandir haut laflamme jamais oscillante de l’infor-mation journalistique pour sortir lescitoyennes et les citoyens de l’infâmepropagande gauchiste… Il étaittemps d’agir, un sondage indiqueque 61% de ramollos (et ramo-lottes…) du ciboulot voteraient oui!Le Temps, on en attendait pas moinsde lui, revient sur cette «si mauvaiseidée» en invitant les opposants àdébattre sur la thématique de l’AVSet à ne pas se contenter de crier à laruine cantonale. La position estclaire, elle a le mérite de lancer ledébat. Du côté du 24 heures, fi detelles fioritures! La parole (ou laplume) à Thierry Meyer, futurrédac’ chef du quotidien. Edition desamedi, première page, photo géantede Broulis coupant à la hache, littéra-lement, dans une bûche «forma-tion», gros titre alarmiste («Lescaisses vides, blablabla», vousconnaissez la musique) et édito… unbrin orienté. Extraits: «(…) commetoute solution miracle, l’initiative dela gauche tient de la fable» (…) Suitun magnifique argumentaire quireproduit l’ensemble des argumentsdes opposants à l’Initiative… ça c’estdu journalisme engagé et critique!On en arrive à la conclusion: «[En casd’acceptation, nous nous retrouve-rons] avec, en plus, des années de per-dues dans l’élaboration de solutionsviables, mais bien moins démagogueset simplistes qu’une fable.» La méta-phore est filée, le paquet emballé.

Que nous apprennent lespages intérieures? Que Broulis saittailler en biseau dans la formation?Grande nouvelle! La droite est pas-sée experte en matière de coupes…rien d’étonnant que le grand argen-tier vaudois manie la hache aussibien que la calculatrice. Quant aucontenu rédactionnel, à grand ren-fort de citations rapportées ou deguillemets (ça, c’est de l’éthiquejournalistique, Monsieur!), il estmagnifiquement synthétisé à cetteadresse: www.24heur… euh par-don, www.cosa-non.ch.

JW

Le blues des blondesau volant des 4X4

une vie de chien à genève

en bref

My world is richSelon un rapport publié en juin dernier parles agences Merrill Lynch et Capgemini, le«nombre de grandes fortunes dans lemonde a doublé en 10 ans, et devrait conti-nuer à progresser de 6% par an d’ici 2010».Et d’ajouter que les HNWI possédaient, en2005, 33 milliards de dollars. Les quoi? LesHigh Net Worth Individuals (HNWI). Enfrançais (oui, le résumé est en françaismais c’est tellement plus cool en anglais)désigne les «particuliers disposant d’unpatrimoine financier de plus d’un millionde dollars hors-résidence principale». C’estsûr qu’avec une tartine pareille, en anglaisc’est vraiment plus fun et ça fait gagner dutemps lors des présentations. Et comme letemps c’est de l’argent…On y peut lire aussi que «L’augmentationde millionnaires est particulièrementimportante dans les économies émergentesd’Amérique Latine, d’Asie-Pacifique et auMoyen-Orient. L’Europe marque le pas avecune croissance du nombre de millionnairesde 4,5%». Les riches progressent donc pluschez les pauvres qu’en Europe! Et après,nous tous, pauvres gauchistes qui enquiqui-nent le monde avec les pays du Sud, la dettedu tiers-monde, etc, etc., hein? Qu’est-cequ’on fait? Ici on a préféré en rire…

MC

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Fritz Giovanoli

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16 La dernière Pages de gaucheNo 48, septembre 2006

«A de rares exceptions près, lesactionnaires ont été dépossédés de leursdroits de gestion et il ne leur reste qu’à seconformer aux décisions prises sans tenircompte de leurs intérêts légitimes. Pardes artifices de comptabilité, souventfort habiles, on les tient dans l’ignorancede la véritable situation des affaires: lesprofits s’envolent vers des destinationsinconnues et les bénéfices, distribués sousforme de dividendes, sont loin de corres-pondre à la part revenant de droit aux por-teurs des actions. Par contre, les pertes res-tent entièrement à leur charge: c’est lacollectivisation des risques et l’individuali-sation des profits.»

Fritz Giovanoli, Libre Suisse, Voicites maîtres! Editions Jean-Christophe. Publiésous les auspices du Parti socialiste. 1938.

Fritz Giovanoli (1898-1964), figure du parti socialistebernois. Situé à l’aile gauche du PS, il a été licencié del’Office fédéral de la statistique pour ses écrits critiques sur la capitalisme finan-cier. Il fut ensuite secrétaire du PS bernois (1933-1946), conseiller national etconseiller d’Etat de 1946 à 1964.

Paroles d’argent…«Le problème de la finance, c’est

qu’elle s’est isolée de l’économie réelle.Elle évalue les entreprises comme desobjets d’art, sans aucun rapport avec leurvaleur réelle. Elle voit le monde comme unvaste théâtre d’ombres chinoises à deuxdimensions (le risque et le rendement), oùtout se réduit à une manipulation de sym-boles. Du coup, les opérateurs ont beau-coup de peine à prendre la mesure desconséquences de leur actes. Derrière cetteévolution se cache une vision de l’homme :l’émergence d’une espèce d’homo financia-rus qui succéderait à l’homo œconomicuset imposerait ses comportements commeune nouvelle norme sociale. Le défi de laglobalisation financière est fondamentale-ment d’ordre anthropologique.»Paul H Dembinsky, directeur de l’Obser-vatoire de la finance, Genève.

«L’utilité de la bourse, c’est defournir de l’argent aux entreprises. Le pro-blème, c’est quand les titres s’échangentnon plus en fonction des besoins desfirmes, mais du rendement immédiatattendu, sans se soucier des conséquencessociales et écologiques. Le profit cessed’être un moyen pour devenir une fin. Il

est urgent de rappeler qu’être actionnaire,c’est être co-propriétaire d’une entreprise,donc co-responsable de sa politique et deson évolution.»Sophie de Rivaz, secrétaire d’Actares(Actionnariat pour une économiedurable).

«Le problème, avec la globalisa-tion financière, c’est l’opacité et la com-plexité du système qui ne sont accessiblesqu’à un petit nombre d’initiés. De moins enmoins de personnes prennent des décisionsqui concernent le plus grand nombre. Cedéséquilibre se retrouve dans les conseilsde fondation des fonds de pension. Selon laloi, ceux-ci doivent être gérés de manièreparitaire par des représentants desemployeurs et des employés. Malheureu-sement, on est loin de la parité des connais-sances et de l’accès aux informations.»André Groux, président de l’Associationdes représentants du personnel dans lesinstitutions de prévoyance (ARPIP),Lausanne.

Citations tirées de Pain pour le prochain, 2001.

agenda7 septembreCongrès du Parti socialiste jurassien.19h30, salle communale, Bonfol.

9 septembreManifestation contre la LAsi/Letr.13h30, Rue de Romont, Fribourg.

10 septembreRetour de la Caravane 2xNON, après son périple de 2semaines dans le canton de Vaud.14h00, place du Port, Ouchy, Lausanne.Programme détaillé sur www.stopexclusion.ch

16 et 17 septembreCongrès ordinaire du Parti socialiste suisse.11h00, Stadthalle, Sursee (LU).

20 septembreRencontre des femmes parlementaires du Partisocialiste.19h00, Flims.

23 septembreAugmentez les salaires - Cap sur l’égalité!Manifestation nationale.13h30, Schützenmatte, Berne.

24 septembreVotations fédérales.

20 octobreCongrès du Parti socialiste du Jura bernois.19h30, Hôtel Central, Tavannes.

22 octobreElections cantonales jurassiennes.

5 novembreElections cantonales fribourgeoises.