abbé ducaud bourget_ la franc-maçonnerie noire

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La peur fait le fond de son existence. Manquant de personnalité, il cherche une assurance dansautrui. «Il s’agit du réflexe de l’enfant qui n’a pas su assumer son autonomie et la guider lui-même et qui exorcise son angoisse de l’inconnu dans la rigueur d’un surmoi tyrannique lui tenant lieu de moi libre et rationnel... L’intégriste est un anxieux qui souffre»... et qui devient méchant, dénonce, injurie, est prêt à tout !

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Franois DUCAUD-BOURGET LA MAONNERIE NOIRE ou LA VERITE SUR LINTGRISMEdaprs les documents authentiques du Procs de Batification de S. Pie X Rome, janvier 1954. Le 1er juin 1951, un article de La France Catholique, sign J. F. (peut-tre J. de Fabrgue ?), intitul : DucaudBourget, Parente et le no-intgrisme, me clouait au pilori avec Mgr Parente, le collaborateur intime du Card. Ottaviani au Saint-Office (aujourdhui Cardinal) et dcouvrait en laccord de nos publications respectives une campagne sournoise qui prtend sautoriser des directives du Saint Sige pour satisfaire de basses rancunes.... En suite de quoi je sollicitai une entrevue avec mon compagnon dinfamie et nous devnmes amis. Mais je tins minformer de cet intgrisme dont jtais devenu un NEO par la grce dun journaliste prtendument catholique. Jentendis parler du procs de batification de Pie X, o la question de lintgrisme avait t forcment traite. Je men fus visiter le P. Antonelli (aujourdhui Cardinal) qui dirigeait la section historique du procs. Il me reut aimablement et me rpondit : Le texte... il est l... et il me montrait un livre dans un tiroir. Mais, ajouta-t-il, vous ne laurez pas: cest un document secret. Je remerciai, malgr le refus, et men fus au Vatican parler mon vieil ami, Mgr Lon Gromier, Chanoine de Saint-Pierre, Consulteur la S.C. des Rites et Protonotaire Apostolique. La disquisitio ? me dit-il. Vous la voulez ? La voil. Et il me passa un livre pris dans sa bibliothque. Je le remerciai et men fus voir mon trs cher ami, le R.P. Muller, Suprieur des Pnitenciers de Saint-Pierre, qui me remit un nouvel exemplaire du mme texte. Arm de ce document secret, je lus, je pris des notes et crivis les pages subsquentes. Revenu Paris, je prsentai mon texte un diteur catholique, qui nosa pas limprimer. Jattendis donc vingt ans une meilleure occasion. La voici. Or je nai pas chang un mot de mon manuscrit. Lu la lumire des vnements actuels, on peut constater que sa publication aurait d viter bien des choses pnibles que nous subissons maintenant. Mais les hommes srieux ont des lueurs retardement. Je crois surtout quils ont peur des consquences dune trop grande clairvoyance. Quoi quil en soit, lecteur, voici le fait. A vous de juger. I Une Lettre Pastorale signe du vnr Cardinal Suhard avait attir lattention des catholiques, il y a quelques annes, sur les deux dangers auxquels ils taient exposs : le Progressisme et lIntgrisme. Elle insistait, semble-t-il, plus encore sur ce dernier que sur lautre. Depuis lors, le mot : intgrisme, ressuscit, fit une carrire inespre. Tous ceux qui nadmettaient pas, premire vue et denthousiasme, les expriences religieuses et sociales les plus audacieuses, dernires nes du zle ecclsiastique conjugu avec linquitude nerveuse de notre temps ; tous ceux qui se rfraient encore aux Traditions de lEglise, lexprience du pass, aux Dogmes qui leur avaient t enseigns dans leur jeunesse ; tous ceux-l se trouvaient aussitt taxs dintgrisme. Par contre, embrasser avec passion les utopies les plus videntes, se lancer en des aventures souvent inutiles, sinon prilleuses ; renier en action les principes les plus essentiels que lon vnre, officiellement, en paroles prudentes ; interprter lEvangile et les commentaires pontificaux en les dtournant de leur sens authentique ; les citer hors de leur contexte pour appuyer des ides et des thories diamtralement opposes ; faire litire des Encycliques et des Syllabus comme de textes dpasss qui ne saccordent plus avec le progrs de la Socit, qui ne sadaptent plus au dveloppement de lHumanit parvenue lge adulte ; soutenir les thories du Libralisme et du Dmocratisme, fils des Droits de lHomme, jacobins, en un mot : adopter cette forme activiste du Modernisme que Pie XI dnonait nagure, tait devenu laffirmation dun catholicisme rel, raliste, concret, pratique, enfin sorti des ges thologiques, du moralisme, du juridisme et destin conduire notre sicle - ou le suivre ? - dans son volution bienheureuse. Il madvint, un jour, de lire, dans une revue dominicaine fort cote, une tude rcente alors, crite par un prtre encore jeune, mais ancien chirurgien, qui se passionnait depuis peu pour la psychanalyse. Dans ce travail, il dcrivait (daprs quelles observations cliniques ? Dieu seul le sait !) les deux mentalits lordre du jour. Selon lui, lintgriste subit encore et subira toujours, moins dune gurison qui nest mme pas envisage, les troubles dune purilit attarde, composante sado-anale ; dun complexe de culpabilit le vouant recourir sans cesse au Pre Fouettard (cest--dire : lautorit des Suprieurs), et lui imposant un besoin de dlation agressive, etc... La peur fait le fond de son existence. Manquant de personnalit, il cherche une assurance dans autrui. Il sagit du rflexe de lenfant qui na pas su assumer son autonomie et la guider lui-mme et qui exorcise son angoisse de linconnu dans la rigueur dun surmoi tyrannique lui tenant lieu de moi libre et rationnel... Lintgriste est un anxieux qui souffre... et qui devient mchant, dnonce, injurie, est prt tout ! Lintgriste est donc actuel et lintgrisme existe encore. Plus loin, entrant dans des exemples historiques, il crivait : Mgr Benigni et le Comit de la Sapinire (ici une rfrence Dansette) par raction intgriste vont passer des procds de collgiens conspirateurs qui feront lEglise autant de mal que les rvolutionnaires erreurs des mules de Loisy. On en arrive des allgations dune purilit telle quon se demande, avec le recul, comment des esprits par ailleurs distingus ont pu y ajouter foi... Et lon donne un exemple entre mille (on aimerait connatre les 999 autres, car cet exemple est une simple affirmation que nous accepterons pour linstant sous bnfice dinventaire). Jouvris alors le grave Dictionnaire de Thologie et, sous la signature dAmman, je lus ceci : Peut-tre lhistoire se montrera-t-elle svre pour un certain nombre de moyens mis en uvre dans lentourage

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immdiat du Pape (Pie X) et du Secrtaire dEtat. Des rvlations ultrieures ont fait connatre le rle peu reluisant que jourent ce moment des personnages qui virent surtout dans lintgrisme un moyen de se pousser, organisrent une association occulte, rigrent la dlation en systme et ne reculrent pas toujours devant la calomnie. Laffaire devenait palpitante et je souhaitai ltudier plus fond. Sans aucun doute, a priori, ce prtre mdecin avait d puiser sa documentation aux bonnes sources. Pourtant, y regardant de plus prs, je ne trouvai de rfrence, quant lHistoire, qu Dansette qui stait fourni chez Nicolas Fontaine qui, lui-mme, nen savait pas plus long que le Mmoire sur la Sapinire, crit en 1921 par un auteur anonyme commentant la fameuse Lettre de Gand, rsultat dune correspondance saisie par les allemands en 1914 ou 1915, chez lavocat Jonckx, Directeur de la Correspondance Catholique et membre du Sodalitium Pianum, ou Sapinire. Toute la littrature sur ce sujet dcoule de ce document unique et vaut donc ce quil vaut lui-mme. II Donc, lorigine de toute cette littrature est un auteur Anonyme crivant la suite de perquisitions policires allemandes opres en consquence dune dnonciation du P. Hner, religieux camillien qui, dit-on, conserva les photographies des textes saisis, lesquelles, sa mort, devinrent la proprit (?) de M. Guerts, professeur au Grand Sminaire de Ruremonde. (Fontaine : S. Sige, Action Franaise, etc... p. 139). Depuis lors, la rumeur prtend quelles ont pass entre les mains de M. Mourret, prtre de S. Sulpice, qui les aurait lgues un INCONNU, avec ordre de ne les publier que 50 ans aprs sa mort (La Pense Catholique, n 23, 1952, p. 88-89.). Cest trs clair : ni Dansette, ni Fontaine, ni le Cardinal Gasparri, ni personne na vu ces documents INTROUVABLES! Il faut donc faire l un acte de foi dans la bonne foi ... de qui ? Dun ANONYME. Ce nest pas srieux. En passant, une note sur Nicolas Fontaine, le propagateur de la fable. Ce PSEUDONYME cacherait un haut fonctionnaire de la Troisime Rpublique, commissaire du Gouvernement pour les affaires ecclsiastiques : M. Louis Canet - qui crivit, sans discussion possible, deux articles ANONYMES, le 15 octobre et le 1 er novembre 1918, dans la Revue de Paris : La politique de Benot XV, dnonant la germanophilie du Pape et du Vatican. Le R. P. Le Floch, Suprieur du Sminaire Franais de Rome, sur lordre de Benot XV, y rpondit par une brochure, dite chez Tqui, Paris, en 1919 : La Politique de Benot XV (Id., note 4). Tel est le dtracteur, lun des dtracteurs du Sodalitium Pianum, de Pie X et de Benot XV. Un ennemi de lEglise serait moins dangereux que cet adversaire rel qui semble la dfendre en la trahissant de son mieux. Mais pour leur uvre nfaste, le Modernisme et le Dmocratisme usent de tous les moyens, y compris la dlation ANONYME et les TEXTES FANTOMES. Ce dont ils accusent les autres. Bien jou. Mais djou. III Tel tait ltat de la question lorsque fut tudi, Rome, le procs pour la batification de Pie X. Certains tmoins furent accablants, en particulier le Cardinal Gasparri. Leurs accusations pouvaient se rsumer ainsi. Pie X a permis, sinon favoris, tout au moins na pas empch quun groupe de personnes intransigeantes ait pu censurer publiquement et impunment des instituts ou des personnes ecclsiastiques, mme trs dignes, comme des Evques et des Cardinaux, jetant sur eux laccusation ou le soupon de Modernisme, sans fondement certain et sans preuve ; accusations et soupons qui auraient trouv facilement croyance auprs du Serviteur de Dieu, surtout dans les dernires annes de son pontificat, linduisant mme changer dattitude envers les personnes indiques sans quelles puissent faire valoir leurs raisons (Disquisitie, p. V et VI). On reprochait en outre au saint Pape davoir approuv et bni le fameux Sodalitium Pianum, fond et dirig par Mgr Benigni, organisation occulte, dit-on, avec centre dinformation en tous pays, vrai systme despionnage qui, audehors et au-dessus de la Hirarchie et de tous les organes ordinaires du Saint-Sige pouvait dnoncer et dnonait de fait institutions et personnes qui tombaient ainsi en suspicion et, sans pouvoir se disculper ni se dfendre, nen vitaient pas les consquences (L.c., p. VI, VII). Dailleurs, il y a toute une littrature qui fait retomber, au moins indirectement, la responsabilit de la maonnerie noire sur Pie X (Nov. animadvers., p. 45-46-57-60-63-71). Ainsi, non seulement des personnes exemplaires auraient t, en consquence de cet tat de choses, voulu ou tolr par le Souverain Pontife, suspectes et mises en disgrce dune faon infamante et douloureuse, mais encore - et cest plus grave - il aurait t cr une profonde division parmi les catholiques - sans exclure les plus grands et mme la Hirarchie - dun ct les intgristes, tenus pour pleinement orthodoxes ; de lautre la masse plus ou moins favorable quelque forme de modernisme, au moins pratique (L.c., p. VII). Evidemment, on ne jugeait pas lattitude intellectuelle et spirituelle du Pape dans sa lutte contre le Modernisme. Tout (y) est objet dadmiration et non de discussion. Mais la discussion (commenait) lapplication pratique des moyens, lactuation concrte de cette lutte dans laquelle, quoique tendant une fin excellente, ont pu se glisser divers dfauts, dimprudence, par exemple, ou de manque de charit ou de justice, surtout lorsque entrent en jeu des personnes, dans les circonstances concrtes des faits particuliers (L.c., p. V). Donc la prudence auriga virtutum aurait manqu Pie X. La sagesse, la justice, la charit auraient t gravement lses et, sans leur perfection, il ny a pas de saintet, donc pas de batification possible. Ainsi pensrent un

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certain nombre de Consulteurs de la Sacre Congrgation des Rites, tout comme le Rme Promoteur Gnral de la Foi et le Cardinal Micara, Prfet et Ponent de la Cause, qui demandrent lintervention de la Section Historique pour plus ample enqute et explications supplmentaires. La Section Historique entreprit donc ce travail de recherches. Mais les archives demeuraient muettes et semblaient vides.., au moins sur ce sujet. Le Consulteur dont la responsabilit tait engage commenait dsesprer lorsque le 6 mai 1950, il dcouvrit un dossier, marqu : Modernisme, et contenant un volumineux paquet de lettres originales, tant de Pie X que du Cardinal de Lai, dautres personnalits et de Mgr Benigni. Pendant deux mois, darrache-pied, la Commission Historique travailla les dpouiller. Cest de cette mine prcieuse que devait sortir la lumire. Cest par elle que la vrit allait tre purifie des calomnies jetes sur elle par des gens intresss les rpandre et rptes par les nafs gnreux et honntes. Il est rsult de ce labeur o les deux religieux staient plongs un Summa rium additionale - dit ensuite hors commerce la Typographie polyglotte Vaticane en 1950 sous ce titre : Disquisitio circa quasdam objectiones modum agendi Servi Dei respicientes in modernismi debellatione. Il comprend : 1 des DEPOSITIONS du Procs ordinaire et apostoliq ue, omises dans le Summarium super virtutibus, mais utiles la discussion en cours. Aprs le nom du tmoin, on a mis en note sa valeur ou limportance de sa dposition, montrant les erreurs contenues en certaines affirmations, en particulier celles du Cardinal Gasparri : Tout ce qui se rfre au Sodalitium Pianum est TRES PEU EXACT. Le Cardinal Gasparri ne connaissait pas (notre actuelle documentation) ou la connaissait seulement en partie et de seconde main, se servant dune publication tout autre que sereine ; qui est de Nicolas Fontaine : Saint-Sige, Action Franaise et Catholiques Intgraux (Paris 1928) - do le jugement si svre de lEminentissime tmoin au sujet du Sodalitium Pianum et de la responsabilit qui en reviendrait selon lui Pie X NE SE SOUTIENT PAS. 2 des DOCUMENTS qui viennent : a) de la collection des crits de Pie X, dposs la S.C. des Rites ; b) dextraits des Procs (pour la Batification) ; c) de publications diverses dj dites ; d) enfin des archives de la S.C. Consistoriale, qui avait, en ce temps-l, comme Secrtaire, le Cardinal de Lai (Le Prfet de cette Congrgation est le Pape lui-mme. Aussitt aprs lui vient le Secrtaire). Cette Congrgation, soccupant de ltat des diocses, avait voir aux mille questions relatives au Modernisme et ses diverses manifestations, surtout dans la Presse et la prdication. Elle soccupait de la vie, de la discipline et de lenseignement dans les sminaires, et aussi des questions de personnes. A cause de cela, le Cardinal de Lai traitait continuellement avec Mgr Benigni. Nulle ntait mieux place pour connatre de cette affaire et pour donner les renseignements exacts. Grce elle la rputation de Pie X est lave des calomnies, le mystre de lIntgrisme est clairci, la vrit dissipe tous les brouillards dont on aveuglait la bonne foi des catholiques. IV Lorsque Mgr Sarto, vque de Mantoue, crivait : Il faut combattre le CRIME CAPITAL DE LAGE MODERNE, qui voudrait sacrilgement substituer lhomme Dieu. (Il faut) clairer avec les prceptes et les conseils vangliques et les institutions de lEglise tous les problmes que lEvangile et lEglise ont lumineusement et triomphalement rsolus : ducation, famille, proprit, droits et devoir, rtablir lquilibre chrtien dans les diverses conditions de la socit, pacifier la terre et peupler le ciel : voil la mission que je dois poursuivre... Il semblait annoncer dj son immortel pontificat. Cette mission commence par lEvque, le Pape la continuera dune faon nergique et par les moyens que son rang minent, le plus lev dans lEglise, mettait la disposition de son zle clair. Il la rsuma dans sa devise : INSTAURARE OMNIA IN CHRISTO ("Renouveler tout dans le Christ"). (L.c., p. X-XI-XII. Traduction p. 69) Mont sur la Chaire de S. Pierre le 4 aot 1903, ds le 15 avril 1905 il publiait lEncyclique Acerbo nimis, le 3 juillet 1907, le Dcret Lamentabili et le nouveau Syllabus condamnant 65 thses modernistes ; le 8 septembre de la mme anne, lEncyclique Pascendi Domini gregis ; le 25 aot 1910, la lettre Notre charge apostolique condamnant les doctrines du Sillon ; enfin, le 1er novembre 1910, le Motu proprio Sacrorum Artistitum imposant tout le clerg le Serment antimoderniste, condamnation formelle et absolue du Modernisme, synthse et venin de toutes les hrsies qui tendent saper les fondements de la foi et anantir le Christianisme (Pie X. Acta IV, p. 93, 268). Mais lun des fauteurs de ces thories destines soi-disant adapter lEglise au monde moderne - comme si lEglise navait su faire le ncessaire dans le pass et ne savait plus le raliser dans le prsent ! - lun de ces modernistes condamns dclarait quon ne parvient pas convaincre coups de crosse. Malgr les enseignements paternels et persuasifs trouvs dans les textes pontificaux, lerreur sacharnait dans ses ides fausses, et dangereuses en consquence. Il fallait protger le troupeau fidle contre elles, car le premier pas sur le (mauvais) chemin, le protestantisme la fait ; au protestantisme a succd le modernisme qui sachve dans lathisme (Id., p. 92, 96). La mthode de pntration du mal est toujours la mme, insidieuse, cauteleuse, hypocrite et menteuse. En apparence, ses tenants sont fidles lEglise et respectueux de ses enseignements et de ses droits. Ils sinclinent devant ses dcisions, les acceptent officiellement, en paroles, et les rejettent dans leurs actes secrets ou mme, parfois, publics, tout en affichant une obissance trompeuse. Cest une phrase, dallure inoffensive, jete dans un article, une tude, un livre, une confrence, un sermon ; cest un entrefilet dans une revue ; une dissertation sur un sujet orthodoxe ou indiffrent, o se glissent des allusions, des interrogations, des affirmations capables de susciter le doute et de

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gauchir la pense du lecteur ; cest lusage des opinions libres jusquaux limites aprs lesquelles il ny a plus que lhrsie caractrise, limites aises franchir en bonne logique... Tout cela, par ailleurs, balanc par des dmonstrations bruyantes dattachement aux enseignements de lEglise, qui servent dalibi aux criminels. Il fut un temps o les dissidents avaient le courage de sortir de lEglise, de la quitter ostensiblement, de la combattre. En notre sicle, ils demeurent dans son sein et prtendent reprsenter les vritables doctrines, tre lEglise elle-mme (Fogazzaro : Il santo). Pie X le savait. Il connaissait leffroyable danger que courait la Rvlation divine interprte par ces faux prophtes, par ces docteurs improviss. Il tait urgent, indispensable, de dceler le mal partout o il sinfiltrait, de dtecter ce cancer rongeant les organismes en apparence les plus sains. Lerreur claire, nette, franche, publique, officielle nest gure craindre. Elle se dnonce elle-mme. Mais celle qui se cache, qui se grime et se dissimule sous les traits de la plus stricte religion, de la plus authentique, cest celle-l qui est dangereuse ; cest elle quil faut dmasquer tout prix. Comment y parvenir ? Les Nonciatures et les Evchs connaissent la vrit officielle et, parfois, ignorent mme ce qui se passe hors des limites de leur influence directe. Cest alors que Mgr Benigni offrit ses services Pie X. Qui tait donc Mgr Benigni, cet homme qui, selon notre psychanalyste subtil - mais mauvais historien, nous le verrons - usait de procds de collgiens et en arrivait des allgations dune purilit telle.... Nous ouvrirons la Disquisitie la page 197 et nous lirons le jugement quon portait sur ce prlat en Cour de Rome, en 1950. Mgr Umberto Benigni, forte intelligence, vaste culture, surtout dans le champ des sciences historiques et sociologiques, avait un temprament vif, fougueux, prompt dans lintuition et tenace dans ses projets. Ses qualits dadministrateur taient remarquables. Son caractre lui avait attir de nombreuses relations internationales. Il parlait plusieurs langues. Travailleur infatigable, il ne se proccupa jamais de son confort et des commodits de la vie. Il mourut pauvre. Trop acerbe, parfois, sa critique ne fut pas toujours objective et sereine, car il se croyait entour dennemis. Lhistoire prouve quen cela du moins, il ne se trompait pas ! Cette partie de son caractre ne peut-elle sexcuser, ainsi que le faisait le Cardinal de Lai dans une lettre au Cardinal Ferrata, le 9 janvier 1911, en parlant des Frres Scotton, modernistes : Dans la bataille, qui peut faire une grave imputation aux dfenseurs sils ne mesurent pas avec justesse leurs coups et parfois dpassent les limites de linculpat tutel ? Ainsi rpondait S. Jrme ceux qui rprouvaient son ardeur, souvent et certainement imptueuse et aigre, contre les hrtiques et les mcrants de son poque. (L.c., p. 157) Il ajoutait, dans cette mme lettre : Il est toujours mieux dexagrer un peu en avertissant du mal que de se taire et de le laisser crotre. Balzac avait crit, en 1833, dans Le Mdecin de campagne : Laisser aller en paix un malfaiteur, nest-ce pas se rendre coupable de ses crimes futurs ? Cest du simple bon sens. Mgr Benigni naquit Prouse le 30 mars 1862, sous lpiscopat du Cardinal Joachim Pecci. Il tait au sminaire lorsque son archevque fut lu Pape sous le nom de Lon XIII. A 21 ans, aussitt ordonn prtre, il devint secrtaire de son nouvel archevque et, en mme temps, de 1887 1893, dirigea un petit journal local. En 1892, il fonde un hebdomadaire : La Rassegna Sociale. Venant aprs lEncyclique Rerum Novarum, cette initiative le met en vedette et, la mme anne, il est appel Gnes, la rdaction de lEco dItalia, sans quil abandonne nanmoins sa revue. Mais il la transforme alors en un bulletin scientifique mensuel qui vcut jusquau moment o, un an plus tard, il fut appel Rome, par Lon XIII dit-on. Dans la capitale, il se voue aux tudes historiques. Il est attach la Bibliothque Vaticane. Plus tard, il ira Berlin se perfectionner et approfondir la question sociale allemande. Il publie quatre brochures en forme de Miscellanea distoria ecclesiastica - 1898, 1899, et Die Getreidepolitik der Ppste (Berlin 1898), ensuite traduit en italien. Ce dernier livre est une splendide rfutation, base documentaire, de louvrage du Dr Nau, en 1896 Berlin, au sujet de la politique agraire des Papes et de la Garde Pontificale. La Civila Cattolica fit du travail de Don Benigni un magnifique rapport. En 1900, il publie son Historia ecclesiastica prologomena. Puis il revient Rome et entre dans la rdaction du journal papal la Voce della Verita. Ses articles sont gots. Le Pape aimait les lire. Don Benigni est alors nomm professeur dhistoire ecclsiastique lApollinaire, puis au Collgio Urbano di Propaganda Fide, puis au Sminaire du Vatican, enfin lAcadmie des Nobles Ecclsiastiques, en 1911. Dj, en 1902, il avait dit Sienne, son Historiae ecclesiasticae repertorium, et commenc, en novembre, la publication dune revue : Miscellanea di Storia ecclesiastica. Le 28 de ce mme mois, il devient membre de la Commission historique-liturgique, cre par Lon XIII prs de la S.C. des Rites. L, Don Benigni fut le collgue de Duchesne, Wilpert, Ehrle, et de Mercati, qui devint Cardinal. Depuis mai 1904, quelques mois aprs llection de Pie X, il tudiait la crise moderniste. Sa revue devient plus prcise et plus ouverte : Miscellanea di Storia ecclesiastica e di teologia positiva. Le 29 novembre 1904, il est minutante la S.C. de Propaganda Fide, et ds 1905, est incardin au diocse de Rome, ce qui est une preuve de grande confiance. Sa revue se nomme alors : Miscellanea dhistoire et de culture ecclsiastique, et il publie : Historiae ecclesiasticae propaedeutica I. Introduction. (Rome 1905). Le 24 mai, le Professeur Benigni se trouve Sous-secrtaire aux Affaires ecclsiastiques extraordinaires. Il entre ainsi la Secrtairerie dEtat, dont le Secrtaire tait Mgr Pietro Gasparri, qui lavait dsign pour succder un prlat devenu Dlgu Apostolique. Don Benigni, le 28 aot 1906, est honor du titre de Prlat Domestique de Sa Saintet. Il vient habiter au Vatican et y demeurera jusquen 1909. Il est charg spcialement de la Presse, et il sen occupe avec un attachement au Saint-Sige qui - daprs le texte

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officiel que nous suivons - est hors de doute. Il nest pas besoin dy insister, malgr laccusation, porte contre lui, dtre Franc-Maon. Son activit contre le Modernisme la dment amplement. Cest que Mgr Benigni, expert s questions sociales quil a tudies fond en Italie et en Allemagne, a compris que le mouvement social est li la politique et aux partis politiques : il a vu le danger de dviation. Le socialisme tait en progrs partout et sinfiltrait chez les catholiques malgr les Encycliques de Lon XIII. Or toutes les activits profanes doivent se soumettre aux orientations de lEglise Catholique. Mgr Benigni a particulirement observ le libralisme, toujours prt aux compromis aux dpends de la Doctrine et de la vie catholique. Il a dcel les tendances librales ou libralisantes de la politique sociale pus ou moins dtache des directives pontificales. Le modernisme thologique stendait jusquaux domaines social, politique, littraire, culturel, pour moderniser lactivit catholique dans toutes ses manifestations. Aussi Mgr Benigni entre-t-il avec enthousiasme dans les vues de Pie X et comprend ses craintes et ses dsirs. Nous sommes en 1907, le 4 juillet. Le Dcret Lamentabili et son Syllabus condamnant 65 thses modernistes, clatent soudain. Puis, le 8 septembre, voici lEncyclique Pascendi. La lutte est engage. Elle sera dure et longue, car le mal, sournois, est rpandu ltat latent chez beaucoup. Il est dans lair. Il linfecte. On le respire un peu partout, insaisissable. Il nest pas prouv, quoique Loisy lassure, dans ses Mmoires, et que le Giornale dItalia lait publi, que Mgr Benigni ait travaill pendant un an composer lEncyclique. Mais il en avait au moins prpar le terrain en accumulant des documents concernant le Modernisme. Le 23 mai 1907, il avait cr la Corrispondenza romana qui observait dans le monde entier tous les mouvements dide qui pouvaient intresser lEglise et ses activits culturelles. Cest alors quil annonce que ses trop absorbantes occupations le contraignent supprimer ses Miscellanea, sans quil cesse pour cela de travailler sa monumentale Histoire sociale de lEglise, dont le 1er volume venait de paratre, tandis que le dernier ne verra le jour quen 1933, un an avant sa mort. Lanne 1907 sachve sur lAllocution Consistoriale du 16 dcembre, sur le danger du Modernisme, ses formes varies et ses moyens de pntration et dinfiltration. Les 10-11 janvier 1909, un article de lOsservatore Romano parat, traitant de la tactique gnrale du Modernisme et des dguisements quil emploie pour sinsinuer parmi les catholiques, ensemble de procds qui semble bien indiquer une conspiration concerte. A la fin doctobre, un prtre, Don Gustave Verdesi, dnonce au P. Bricarelli, de la Civilta Cattolica, les noms des modernistes romains. Il semble quon doive trouver l le premier indice du Sodalitium Pianum. Cette anne-l, Loisy fut excommuni vitandus. Pour assurer une meilleure diffusion de la revue, la Corrispondenza, en 1909, parat en franais, sous le titre de Correspondance de Rome. A cette poque, Mgr Benigni quitte son appartement du Vatican, sans doute pour ne pas compromettre le Saint-Sige par ses activits et avoir plus de libert daction - et il vient habiter Corso Umberto 466, la Maison S. Pierre. Il y installe le sige du Sodalitium Pianum, ainsi que le secrtariat et la rdaction de la Correspondance. Il est toujours sous-secrtaire aux Affaires ecclsiastiques extraordinaires, et son changement dhabitation na rien voir avec ses fonctions officielles. En 1909, Pie X cre lInstitut Biblique, et publie lEncyclique pour le Centenaire de S. Anselme, puis, en 1910, lEncyclique pour le Centenaire de S. Charles Borrome. En ces deux textes, le Pape insiste sur le pril des modernistes et des modernisants. Le 23 mars 1910, lOsservatore Romano dnonce clairement la propagande cache des modernistes. Enfin, le 1er novembre, le Motu proprio Sacrorum Antistitum assure la fidlit du clerg par le serment antimoderniste. 1909-1911 fut la belle priode, sereine et fconde du Sodalitium Pianum. *** Comme il fallait sy attendre, Mgr Benigni tait devenu lobjet des haines les plus enrages. Les Modernistes trouvaient des protecteurs dans les milieux les plus inattendus et sen servaient contre leur infatigable adversaire. Cest ainsi quAristide Briand fit pression, en 1909, auprs de la Secrtairerie dEtat afin quelle se spart dun collaborateur qui, trop souvent, au gr des Loges, avait djou les plans de la Maonnerie franaise. Cest ce moment que des divergences dides se marqurent entre le Cardinal Gasparri et Mgr Benigni, dsaccord qui se prolongea tant que ce dernier vcut... et au-del ! Mais ce ne fut quen 1911 que le Directeur du S.P. quitta son poste aux Affaires ecclsiastiques extraordinaires, o lui succda un jeune prlat, Mgr Eugnio Pacelli, plus tard devenu Pape sous le nom de Pie XII. Les ennemis de Mgr Benigni voulurent voir dans ce dpart la preuve dun blme. Mgr Respighi a dclar : Beaucoup doutaient de sa fidlit et de sa correction. Cependant le Cardinal Gasparri, qui ntait gure de ses amis, dclara quil en sortait (de sa place) avec honneur, et cela dit peu, car le Pape cra, le 7 mars 1911, spcialement pour lui, un huitime titre de Protonotaire Apostolique Participant, alors que ce collge vnrable ne compta jamais plus de sept membres. Ds lors, Mgr Benigni se consacre entirement aux diverses organisations dont il est lme, toutes orientes vers la dtection du modernisme cach, larv, secret. Cette lutte convenait son caractre combatif et, ajoute notre Document : il nesquiva pas toujours le pril dexcs et dexagration. Cela lui attira des ennuis. En juillet 1911, la Secrtairerie dEtat se vit oblige, devant des rcriminations rptes, de dplorer, dans une dpche Mgr Frhwirt, Nonce en Bavire, les vivacits de la Correspondance de Rome, et la dclara ni officielle ni officieuse. Peu auparavant, une peine profonde avait frapp le Directeur du S. P. dans la personne de son secrtaire Don Verdesi, qui, le 3 avril, avait quitt lEglise et stait fait mthodiste ; puis, attaqu en justice, avait t condamn et stait enfui en Suisse.

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Cest nanmoins en ce temps-l que, le 5 juillet, Mgr Benigni reut le premier autographe de louange de Pie X pour le Sodalitium Pianum et son activit : Dilectos filios socios Sodalitii Piani in Domino exhortamur ut bene inceptum opus pergant, certantes bonum certamen fidei, prsertim contra multiformi modernismi errores et versutias ; eisdem fausta quque a Domino adprecantes, Apostolicam Benedictionem peramanter impertitnus. Die 5 julii 1911. Pius Pp. X1. Ainsi encourag, Mgr Benigni organise, en janvier 1912, une Agenzia Internazionale Roma (A.I.R.), part du Sodalitium, mais nanmoins en rapport avec lui. Le 3 mars, lOsservatore Romano publie une note du Cardinal Merry del Val, Secrtaire dEtat, adresse lEvque dAugusta, dans laquelle il dclarait injustifie lattaque dirige contre les informations de Mgr Benigni par la Klnische Zeitung, organe du mouvement social interconfessionnel, dit : MiinchenGladbach. Et le 8 juillet 1912, parvient le second autographe de louange du Saint-Pre : Dilectos filios socios Sodalitii Piani de re catholica optime meritos in Domino exhortamur ut bonum certamen certare pergant pro Dei Ecclesia Sanctaque Sede contra internos externosque hostes ; atque eisdem fausta quque et salutaria quemadmodum eorum Instituto a Domino adprecantes, Apostolicam Benedictionem peramanter impertimus. Die 8 julii 1912. Pius Pp. X.2. A partir du 19 dcembre, il y a un change de lettres entre le Directeur du Sodalitium et le Cardinal de Lai, Secrtaire de la Consistoriale, en vue de lapprobation canonique de la Sapinire. En voici un bref extrait : Sacra Congregazione CONSISTORIALE N di protoc. 300/13. Rom, 25 febbraio 1913. ... Ho presentato al Santo Padre il programma col quale gli egregi componenti cotesta Direzione del Sodalizio Piano mirano di collegare in una comune intesa con un comitato romano vari gruppi di eattolici, che, condividendo un equale sentire di fede cattolica intera ed incondizionata secondo le direttive della Santa Sede, si sono qua e l, in Italia od allestero, riuniti in famigliari ed amichevoli convegni o comitati od altre organizzazioni per opere di azione cattolica. Lidea di questa federazione piaciuta a Sua Santita, ed stata trovata opportuna sia per conservare i varii gruppi ed i soci dei medesimi in quell ambito di fede e di professione cattolica, che nei loro propositi, sia per infondere nel loro animo quel coragio e quella forza, che d lunione, per poter sempre meglio operare a pro della Chiesa e della societ cristiana. Per questi motivi, il S. Padre approva e benedice questa iniziativa, e fa voti chessa possa attuarsi per la maggior gloria di Dio e per il bene delle anime, riservandosi a suo tempo di essaminare gli Statuti e di approvarli nelle debite forme pel tramite di questa Sra Congregazione Consistoriale. G. Card. de Lai Vescovo di Sabina, Segretario3 Au dbut de 1913, la Correspondance se transforme nouveau en Corrispondenza romana. Puis, peu de temps avant sa mort, Pie X adresse Mgr Benigni son troisime autographe : Dilectis filiis gratulantes et fausta quque ac salutaria in retributionem a Domino adprecantes, prcipu benevolenti Nostr testem, Apostolicam Benedictionem amantissime impertimus. Die 6 julii 1914. Pius Pp. X4. Nous exhortons au nom de Dieu nos chers fils, les compagnons du Sodalitium Pianum, continuer leur uvre bien commence, eux qui combattent le bon combat de la foi, surtout contre les erreurs multiformes du modernisme et ses ruses ; implorant Dieu en leur faveur, nous leur accordons trs affectueusement la Bndiction Apostolique. 2 Nous exhortons dans le Seigneur nos chers fils, compagnons du Sodalitium Pianum qui ont si bien mrit du catholicisme, continuer le bon combat pour lEglise de Dieu et le Saint Sige contre les ennemis intrieurs et extrieurs, et, demandant Dieu, pour eux et leur Institut, tout ce qui leur est favorable et salutaire, nous leur accordons trs affectueusement la Bndiction Apostolique. 3 Jai prsent au Saint Pre le programme par quoi les excellents membres de la Direction du Sodalitium Planum visent runir dans un mme but, avec un Comit romain, des groupes divers de catholiques qui, partageant un mme sentiment de la foi catholique, entire et inconditionnelle, selon les directives du Saint Sige, sont a et l, en Italie ou ltranger, runis en groupes familiers et amicaux, ou en comits ou en autres organisations pour agir de faon catholique. Lide de cette fdration a plu Sa Saintet et a t trouve opportune, soit pour conserver les groupes divers et les associs de ces mmes groupes dans le zle de la foi et de la profession catholique et dans leurs projets, soit pour mettre en leur me ce courage et cette force que donne lunion, afin de pouvoir toujours mieux travailler au bien de lEglise et de la socit chrtienne. Pour ces motifs, le Saint Pre approuve, et bnit cette initiative, et fait le vu quelle puisse saccomplir pour la plus grande gloire de Dieu et pour le bien des mes, se rservant dexaminer en son temps les statuts et de les approuver dans les formes dues par lintermdiaire de la Sacre Congrgation Consistoriale. 4 Nous demandons au Seigneur, en reconnaissance envers nos chers fils, et pour leur rcompense, tout ce qui leur est favorable et salutaire ; et en tmoignage de notre exceptionnelle bienveillance, nous leur accordons trs affectueusement la Bndiction Apostolique.1

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Ds la mort du Pape, survenue au dbut de la grande guerre, le 20 aot 1914, Mgr Benigni dclare dissout le Sodalitium Pianum, tout en saffirmant prt reprendre son activit si elle semblait opportune ses Suprieurs. Le 1er novembre 1915, Benot XV, dans lEncyclique Ad beatissimi, confirme la condamnation du modernisme et les mesures disciplinaires prescrites par son prdcesseur, y compris le Serment antimoderniste. La mme foi et la mme politique unissent les deux Papes. Cependant, les termes intgralisme et intgriste dont usaient non seulement Mgr Benigni, mais tous les tenants des directives pontificales non-agrgs au Sodalitium, ces mots sont dsormais rprouvs par lEncyclique. Et ntait-ce pas juste ? Car lon nest pas plus ou moins catholique. On est tout fait catholique ou lon ne lest plus. Il aurait t inutile et abusif dinsister sur ce point alors que les vnements du conflit europen dtournaient la pense et du catholicisme libral et du catholicisme social qui ne se manifestaient plus et rendaient oiseux de parler dsormais dun catholicisme intgral. Dailleurs, et nous lavons vu se gnraliser de nos jours, tout ce qui ntait pas intgral se muait en chrtien. La distinction soprait donc dellemme, et luvre de Pie X continuait sous le rgne de Benot XV. Car, en 1915, nous trouvons une autre srie de lettres changes entre Mgr Benigni et le Cardinal de Lai. Nous en extrayons ce passage : Roma 3 agosto 1915. Revmo Signore, Dopo aver letti i due regolamenti del Sodalizio Piano, quello generale e quello della Dieta, non mi sembra che la S.V. Revma abbia da essere ostacolata in unopera, che se conserver lo spirito buono di devozione e soggezione alla S. Sede, non potra que fare del bene. Senza dunque che sia concessa formale ed esplicita approvazione, Ella puo continuare lopera intrapresa che non manchera della benedizione del Signore quando abbia per oggetto la sua gloria... G. Card. de Lai Vescovo di Sabina, Segretario1. Mais la catastrophe mondiale, en fermant les frontires, a rendu impossible la correspondance avec ltranger, et lorganisation de Mgr Benigni devient inefficace. Aprs la fin des hostilits, en 1920, il publie ses leons lAcadmie des Nobles Ecclsiastiques : Manuel de style diplomatique spcialement lusage des services ecclsiastiques. Jamais navait cess son activit de professeur, dcrivain, de journaliste. Sa sant branle le contraignit chercher un air meilleur, au del du Pincio. Il logea via Arno 97, dans un appartement de quatre pices. En 1921, on publia un dossier du Sodalitium, squestr aprs perquisition, en 1914, Gand. Les ennemis de Mgr Benigni profitrent de loccasion pour lattaquer violemment, tel point que le Cardinal Scarretti, Prfet de la S. C. du Concile, dt intervenir. Malgr ces peines et ces soucis, Mgr Benigni ne cesse pas de travailler pour la bonne cause. En 1923, il dirige la publication des feuilles du C.V.D.S. Comit Veritas de Documentation Sociale. Il soccupe aussi de son Histoire sociale de lEglise. Enfin, en 1928, de nouvelles attaques lui fournirent loccasion de prsenter au futur Cardinal Rossi, alors substitut de la Consistoriale, un nouveau dossier au sujet du Sodalitium, en le priant de bien vouloir le joindre celui dj existant cette Congrgation. Mais, ds le 25 novembre 1921, il avait reu du Cardinal Sbarretti, au nom de la S. C. du Concile, lordre de cesser les activits du Sodalitium Pianum : Sacra Congregazione del Concilio, N di prot. 5101/21. Roma, il 25 novembre 1921, Revmo Monsignore, e dopo aver preso gli ordini del S. Padre in proposito, Le partecipo che questa S. Congregazione ritienne opportuno, NELLE MUTATE CIRCOSTANZE ATTUALI, lo seiogliomento del Sodalizio Piano... 2. Tout aussitt, Mgr Benigni avait prvenu de cette dcision les membres de son uvre. Il terminait ainsi sa communication : ...Si ob nostri Sodalitii finem dolore, sane naturali, afficimur, laeti in Domino verificamus quod decisionis a S. Congregatione rata ratio est ex mutatis circumstantiis actualibus, non vere ex nostra culpa. Unde calumni... hoc ipso dilabuntur. Christus vincit !3 Rome, 3 aot 1915. Trs Rvrend Seigneur, Aprs avoir lu les deux rglements du Sodalitium Planum, le gnral et celui de la Dite, il ne me semble pas que Votre Rvrence doive trouver obstacle une uvre qui, si elle conserve son bon esprit de dvotion et dobissance au Saint Sige, ne pourra que faire du bien Sans donc que soit concde lapprobation formelle et explicite. Elle peut continuer luvre entreprise qui ne manquera pas de la bndiction du Seigneur, puisquelle a pour objet Sa gloire. 2 Sacre Congrgation du Concile. Rome, le 25 novembre 1921 ; Trs Rvrend Monseigneur, ...et aprs avoir pris les ordres du Saint-Pre, les membres de cette Sacre Congrgation estiment opportune, DANS LES NOUVELLES CIRCONSTANCES ACTUELLES, la dissolution du Sodalitium Planum... 3 ...Si nous sommes frapps dune douleur, sans doute naturelle, par la fin de notre Sodalitium, cest1

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Il mourut pauvre, le 26 fvrier 1934, lge de 72 ans. *** Tel fut lhomme, le prtre, dont le souvenir fait encore gmir de rage et de haine les survivants du Modernisme et ses hritiers actuels, sous quelque nom quils se cachent. Tel fut ce prlat qui, daprs notre mdecin, doubl dun thologien, tripl peut-tre, dun polmiste - mais certainement pas quadrupl dun historien - tel fut le dfenseur de lEglise qui se serait livr des procds de collgiens conspirateurs... des allgations dune purilit telle... quon en frmit encore aujourdhui... et qui lui font dcerner par notre psychanalyste un brevet dinfantilisme. Pourtant, il avait su se faire couter de la Curie Romaine, compose de personnes srieuses ; du vnrable Secrtaire dEtat le Cardinal Mery del Val, - de qui la cause de batification est introduite - et du Bienheureux Pontife qui vient dtre canonis. Est-il possible de croire que ces enfantillages dadolescent demeur aient pu influencer des esprits de cet ordre, de cette qualit ? Les allgations de notre mdecin ne peuvent sinterprter que de deux manires : ou le Saint-Pre et ses Conseillers taient eux-mmes des anormaux arrivs au point culminant de la nvrose et que la symptomatologie descriptive trouve soumis des ractions affectives, dallures nvrotiques denfants terroriss, des complexes dinfriorit, de crainte, dagressivit, dauto-punition, une indniable composante sado-anale, dont il nous est si gnreusement parl au sujet de Mgr Benigni et de ses compagnons ; ou bien les affirmations et les indications que ce Prlat et le Sodalitium apportaient leurs Suprieurs ntaient pas autant dnues de srieux et de vrit quon veut bien le dire et mritaient lattention de ceux qui, par la volont de Dieu, avaient la charge spirituelle de lEglise et la responsabilit des mes en cette poque trouble et difficile. Lalternative semble clatante. Cependant elle na pas t aperue par les adversaires de lIntgrisme. Le parti-pris aveugle et empche de tenir compte des faits appuys par des documents srieux, authentiques. Il est plus facile daccuser, de rpter sans vrifier, de ridiculiser sans prouver que daller aux sources de la Vrit et, comme nous lavons fait, de les dcouvrir, encore, Rome ! (Cest ce que lauteur de larticle susdit appelle recourir au Pre Fouettard, sans doute ?). V Qutait donc le Sodalitium Pianum (ou la Sapinire) cr par Mgr Benigni ? La ncessit absolue de lutter contre toutes les formes du modernisme qui se manifestaient dj dans la vie intellectuelle et dans la vie pratique, devenait de plus en plus urgente aux yeux du Saint-Pre, depuis le dbut de son Pontificat. Cependant, les difficults cres en France par la sparation de lEglise et de lEtat, la rupture unilatrale du Concordat, les lois de la Rpublique, maonnique dans son essence, officiellement athe, lois spoliatrices des droits et des biens des Congrgations religieuses, lois contre la mission sacre de lEglise ducatrice des mes, les lois dont la France continue encore aujourdhui subir les effets pernicieux et destructeurs de sa personnalit morale ; cet ensemble de cruels soucis avait empch le Bienheureux de parer lautre danger, quoiquil fut intimement ml cette perscution, dune certaine manire, et lait rendue plus facile raliser. Mais ds 1907, le Pape commence la bataille par le Syllabus et la Pascendi. Les principes qui rglent la politique, la philosophie, la sociologie, la thologie, la culture intellectuelle et la vie quotidienne y sont affirms avec une force appuye sur une autorit infaillible. Tout le clerg, sous peine davoir se dmettre, est oblig dy adhrer publiquement par le Serment antimoderniste. Et cest la premire victoire dans cette lutte multiforme contre les secrtes puissances du mal. De son ct, Mgr Benigni, par ses relations internationales avait pu, dj, connatre, dune faon certaine, ltendue et la profondeur des ravages de lerreur dans les pays avec qui il se trouvait en correspondance. Les lettres quil recevait de ses amis contenaient des avis, des renseignements qui, tous, sans quil y eut entente rciproque, aboutissaient cette conclusion quon se trouvait en face dune organisation dont les attaques contre lEglise taient rgles par une sorte de Centrale dont les moyens daction atteignaient tous les pays, tous les partis, et les hommes des tendances les plus diverses. Devant cet tat de choses, lintelligence de Mgr Benigni ragit autant que son esprit de foi. A ce complot subtil contre Rome, il fallait opposer une dfense aussi habile, aussi puissante, usant des mmes procds pratiqus. La seule contre-attaque utile. Mais il tait bien vident que cela ne pourrait se raliser quen connexion avec le Saint-Sige. Il commena ses prparatifs et bientt il fut prt. Le prlat tait parvenu par un travail opinitre, dirig par une intelligence suprieure, constituer pour le Saint-Sige un centre dinformation dun prix inestimable sur les affaires catholiques de tous les pays... Cherchant coordonner toutes les formes de rsistance catholique, ce fut lui qui invita leurs reprsentants divers, avec un succs dailleurs restreint, arborer, lencontre de ltiquette librale, celle de catholiques intgraux1. Telle est lorigine de ce mouvement dides, sorte de contre-rvolution, et de ce titre quon vous jette la tte, aujourdhui, comme une accusation dhrsie ou de crtinisme, et qui devrait pouvoir sappliquer, comme jadis, tout catholique non entach de libralisme et des doctrines qui en dcoulent: Le concept primitif tait donc lumineux et simple. Sil ne fut jamais compltement ralis, il rendit nanmoins, malgr les imperfections humaines, de trs prcieux services lEglise. joyeusement en Dieu que nous remarquerons que la raison de la dcision de la Sacre Congrgation est dans les nouvelles circonstances actuelles, et non pas dans notre faute. Do les calomnies sont dtruites par cela mme. Christus vincit. 1 Barbier : Histoire du Catholicisme libral et du Catholicisme social en France, V. 227, cit par Disquisitie, p. 206.

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Le Sodalitium Pianum devait tre un INSTITUT SECULIER, une nouveaut, puisque, jusque l les runions de prtres et de lacs formaient des congrgations de rguliers, de religieux, dpendant des Ordinaires et de la S.G. des Religieux. Cet Institut Sculier aurait t sous la direction immdiate de Rome, par la S. C. Consistoriale. Son but devait tre de faire pntrer dans les masses les ides et les directives pontificales - et dinformer le Saint-Sige de tous les mouvements dides culturels, sociaux, et politiques du monde entier. Tout et tous devaient tre considrs au point de vue catholique. Cet Institut comporterait : 1 des membres isols, des correspondants, des cerc les ; 2 la Centrale Romaine : la Dieta. Les premiers recueilleraient les documents et les enverraient au Centre. De plus, ils auraient travaill la pntration dans les masses par la presse, ldition, mais surtout par lEXEMPLE DUNE VIE INTEGRALEMENT CATHOLIQUE, sans compromis avec lesprit de ce temps-l, portant le catholicisme sa parfaite forme daction dans tous les rangs de la socit. Quant au Centre, il devait informer les divers organes du Saint-Sige, leur adresser les documents reus et, sous leur dpendance, diriger laction extrieure selon les ncessits du moment. Cet Institut demandait lapprobation formelle et canonique, le rendant quasi-autonome, exempt des Ordinaires, mais soumis la Consistoriale. Ainsi, il aurait t un vritable Ordre Laque. Enfin, Mgr Benigni pensait quil tait indispensable de le garder secret, les membres du S. P. devant travailler sans tre connus, quasi-invisibles, afin de ntre pas entravs, empchs, neutraliss par la raction oppose qui, elle-mme use de ce moyen pour combattre lEglise. Le complot moderniste requrait donc une organisation contradictoire, usant des mmes ruses, cache tous, sauf lAutorit Suprme. Aprs cet expos, notre document romain se contente dajouter : Dommage que ce magnifique projet nait pu se raliser ! *** Voici, tel que nous lont conserv les archives de la Consistoriale, le Programme du Sodalitium Pianum qui fut approuv et bni par Pie X : PROGRAMME 1. - Nous sommes catholiques romains intgraux. Comme lindique ce mot : le Catholique-Romain intgral accepte intgralement la doctrine, la discipline, les directives du Saint-Sige et toutes leurs lgitimes consquences pour lindividu et la socit. Il est donc papiste (papalino), clrical, antimoderniste, antilibral, antimaonnique. Il est donc intgralement contre-rvolutionnaire, parce quil est adversaire non seulement de la rvolution jacobine et du Radicalisme sectaire, mais galement du libralisme religieux et social. Il reste absolument entendu quen disant Catholique-Romain intgral on ne prtend pas modifier daucune manire lauthentique et glorieux titre de Catholique Romain. Le mot intgral signifie seulement intgralement catholique romain, sans lui ajouter ou lui retrancher quoi que ce soit comme les expressions de catholique libral, catholique social et quelques autres, sans tendre limiter, en thorie ou en pratique, lapplication des droits de lEglise ou des devoirs du catholique dans la vie religieuse et sociale. II. - Nous luttons pour le principe et pour le fait de lAutorit de la Tradition, de lOrdre religieux et social dans le sens catholique du mot et dans ses dductions logiques. III. - Nous considrons comme une plaie dans le corps humain de lEglise, lesprit et le fait du libralisme et du dmocratisme soi-disant catholique, comme du Modernisme intellectuel et pratique, radical ou modr, avec leurs consquences. IV. - Dans le cas pratique de la discipline catholique, nous vnrons et suivons les Evques, placs par lEsprit-Saint pour diriger lEglise de Dieu sous la direction et le contrle du Vicaire du Christ, avec qui nous voulons toujours tre, avant et malgr tout. V. - La nature de lEglise catholique enseigne, et son histoire le confirme, que le S. Sige est le centre vital du christianisme ; par cela mme, un certain point de vue et spcialement dans quelques circonstances, lattitude momentane du S. Sige est aussi la rsultante de la situation religieuse et sociale. Aussi nous comprenons pleinement que Rome puisse parfois se taire et attendre, en vue de la situation actuelle, qui se prsente ce moment-l. En de tels cas, nous nous garderons bien den prendre prtexte pour rester inactifs devant le danger et les prils de la situation. Ds que nous aurons compris et srement contrl, en chaque cas, la ralit des choses, nous agirons de la meilleure faon possible contre ces dangers et ces prils, toujours et partout selon la volont et le dsir du Pape. VI. - Dans nos observations et actions, nous nous tiendrons surtout au point de vue catholique, cest--dire universel - soit dans le temps, travers les divers moments historiques soit dans lespace, travers tous les pays. Nous savons que dans les contingences momentanes et locales, il y a toujours, au moins au fond, la lutte sculaire et cosmopolite entre les deux grandes forces organiques : dun ct, lunique Eglise de Dieu, Catholique-Romaine ; de lautre, ses ennemis internes et externes. Les externes (les sectes judo-maonniques et leurs allis directs) sont entre les mains du Pouvoir Central de la Secte ; les internes (modernistes, dmolibraux, etc...) lui servent dinstruments conscients ou inconscients par infiltration et dcomposition chez les catholiques. VII. - Nous combattons la secte interne et externe, toujours et partout, sous toutes ses formes et avec tous les moyens honntes et opportuns. Dans la personne des sectaires internes et externes, nous combattons seulement la ralisation concrte de la secte, de sa vie, de son action, de ses plans. Nous entendons faire cela sans rancune envers nos frres gars, comme dautre part sans faiblesse et sans aucune quivoque, comme un bon soldat traite sur le

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champ de bataille ceux qui se battent sous ltendard ennemi, leurs auxiliaires et leurs complices. VIII. - Nous serons pleinement : contre toute tentative de diminuer, de rendre secondaire, de dissimuler systmatiquement les revendications papales pour la Question Romaine, de faire obstacle linfluence sociale de la Papaut, de faire dominer le LAICISME ; pour la revendication infatigable de la Question Romaine, selon les droits et les directives du S. Sige, et pour un effort continu afin de ramener, le plus possible, la vie sociale sous linfluence lgitime et bnfique de la Papaut et, en gnral, de lEglise Catholique. IX. Contre linterconfessionalisme, le neutralisme et le minimisme religieux dans lorganisation et laction sociale, dans Ienseignement comme en toute activit de lindividu et de la collectivit, qui dpend de la vraie morale, donc de la vraie Religion, donc de lEglise ; pour la confessionalit en tous les cas prvus prcdemment et si, en cas exceptionnels et transitoires, le S. Sige tolre des unions interconfessionnelles ; nous sommes pour lapplication consciencieuse et contrle de telles tolrances exceptionnelles et pour sa dure et son extension le plus possible restreinte, selon les intentions du S. Sige. X. - Contre le syndicalisme ouvertement ou implicitement areligieux, neutre, amoral, qui conduit fatalement la lutte antichrtienne des classes, selon la loi brutale du plus fort ; contre le dmocratisme, mme quand il se nomme conomico-social, qui pousse, avec son individualisme, la dsagrgation sociale ; pour lharmonie chrtienne des classes, des individus et de la socit tout entire ; pour lorganisation corporative de la socit chrtienne selon les principes et les traditions de justice et de charit sociale enseigns et vcus par lEglise et le monde catholique travers les sicles, et qui sont parfaitement adapts toute poque, toute socit vraiment civilise. XI. Contre le NATIONALISME PAIEN1 qui rejoint le syndicalisme areligieux (lequel considrant les nations comme celui-ci les classes, ainsi que des collectivits qui, chacune, peut et doit suivre amoralement son propre intrt, et contre celui des autres, selon la loi brutale dont nous avons parl) ; et en mme temps contre lantimilitarisme et le pacifisme utopique, fruits de la Secte en vue daffaiblir et dendormir la socit dans le rve judo-maonnique ; pour le patriotisme sain et moral, patriotisme chrtien de qui lhistoire de lEglise Catholique a toujours donn de splendides exemples. XII. - Contre le fminisme qui exagre et dnature les droits et les devoirs de la femme, la mettant hors des lois chrtiennes ; contre la coducation des sexes ; contre linitiation sexuelle de la jeunesse ; pour lamlioration des conditions matrielles et morales de la femme, de la jeunesse, de la famille selon la doctrine et la tradition catholique. XIII. - Contre la doctrine et le fait profondment antichrtien de la SEPRATION de lGLISE et de lTAT, comme de la religion et de la science, de la cit, de la littrature, de lart ; pour lunion loyale et cordiale tant de la cit, de la science, de la littrature, de lart, que de lEtat, avec la religion et, par consquent, avec lEglise. XIV. - Contre lenseignement philosophique, dogmatique et biblique modernis qui, lorsquil nest pas purement moderniste, devient au moins gal un enseignement archologique ou anatomique, comme sil ne sagissait pas dune doctrine immortelle et vivifiante que tout le clerg, sans exception, doit apprendre principalement pour son ministre sacerdotal ; pour lenseignement ecclsiastique inspir et guid par la glorieuse tradition de la Scolastique et des Saints Docteurs de lEglise et des meilleurs thologiens du temps de la Contre-Rforme, avec tous les moyens de la mthode et de la documentation scientifiques. XV. - Contre le faux-mysticisme tendances individuelles et illuministes ; pour la vie spirituelle, intense et profonde, selon lenseignement doctrinal et pratique des Saints et des auteurs mystiques lous par lEglise. XVI. - En gnral, contre lexploitation du clerg et de laction catholique par nimporte quel parti politique ou social, et en particulier, contre lexagration sociale quon veut inoculer au clerg et laction catholique sous prtexte de sortir de la sacristie, pour ny rentrer que trop rarement, ou en cachette, ou, du moins, avec un esprit absorb et distrait ; pour le maintien de laction ecclsiastique et de laction catholique en son ensemble sur un terrain ouvertement religieux, avant tout et sans exagration sociale. XVII. - Contre la manie ou la faiblesse de tant de catholiques de vouloir paratre conscients et volus, vraiment de leur temps, et, nafs en face dun ennemi brutal ou hypocrite mais toujours implacable, de vouloir paratre prompts montrer leur tolrance et rougir - sinon les blmer - des actes de juste rigueur accomplis par lEglise ou pour elle ; prompts un optimisme envers les fourberies des adversaires, rservant leur mfiance et leurs durets aux catholiques romains intgraux ; pour une attitude juste et convenable, mais toujours franche, nergique et infatigable devant lennemi, ses astuces et ses violences. XVIII. - Contre tout ce qui est oppos la Doctrine, la Tradition, la Discipline, au sentiment du catholicisme intgralement romain ; pour tout ce qui lui est conforme (L.c., pp. 262 266). *** Que devinrent, dans la ralit, ce programme et ces esprances ? La Centrale fut ralise Rome. La Dite eut son sige chez son Directeur Gnral, Mgr Benigni, la Maison S.1

Note 2006 : MAURRAS.

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Pierre, ds 1909. Elle se composait de trois ou quatre ecclsiastiques, les assistants, dont lun deux tait le secrtaire. Nous connaissons les noms de quelques-uns des membres successifs de ce groupe : le R. P. Saubat, dune vie trs intgre ; Don G. Brunner, sous-archiviste de la Secrtairerie dEtat, de 1910 1912 ; Don G. Falsacappa ; le R. P. Charles Maignen, des Frres de S. Vincent de Paul, ensuite Procureur de sa Congrgation, religieux fort apprci. Plus tard, le sige de la Centrale suivit Mgr Benigni et se trouva, de 1914 1917 ou 1918, via del Babuino 85. Peu aprs, et certainement en 1921, via Arno, o le Directeur Gnral devait mourir. On sait peu de choses sur lorganisation intrieure, les archives, les fichiers, les registres du S. P. - Mais la correspondance y fut norme. Dailleurs, Mgr Benigni tait un excellent administrateur. A lextrieur, il y avait les membres du Sodalitium, ses collaborateurs et les Confrences S. Pierre qui les runissaient. Il est difficile de les identifier. Certains collaboraient la Corrispondenza. Mais tous les collaborateurs de la revue ntaient pas membres du S. P., non plus que tous les correspondants de Mgr Benigni. Enfin, les membres du S. P. ny furent pas tous affilis en mme temps. Par sa nature, le S. P. avait besoin de membres trangers, surtout dans les centres les plus importants. Ces membres, lacs ou ecclsiastiques, devaient tre cultivs et catholiques convaincus, intgraux ou intransigeants. Les isols pouvaient se runir en cercles amicaux et libres, les Confrences de S. Pierre, afin de crer des noyaux ou des cellules dactivit et de pntration. Ces groupes faisaient partie intgrante de luvre. Lapprobation formelle et canonique dsire devait stendre eux, car il pouvait se produire quun Ordinaire vint gner ou interdire leur action. Ils auraient t exempts et seraient demeurs inconnus et secrets pour le public et les Ordinaires, mais non pas la S. C. Consistoriale, informe par la Centrale de tout ce qui concernait les cercles. Ces deux points : exemption et secret, furent, pour le CardinaI de Lai, des obstacles insurmontables lapprobation canonique. *** Les adversaires du S. P. ont prtendu quil comptait un millier de membres. Or, Mgr Benigni a toujours affirm quils navaient jamais dpass la centaine. Mais en dehors du S. P., heureusement, il y avait des catholiques fidles, dans tous les milieux, ardents sopposer aux libraux et aux dmocrates. Cela devait donner ceux-ci limpression dune troupe nombreuse, adversaire de leurs agissements. Pourtant, dintgristes au sens prcis du mot, en relation avec la Sapinire, il ny en eut que trs peu. Mais combien leur action fut efficace, et de quelle gnrosit, de quels sacrifices, de quels dvouements la cause sainte elle tmoigne ! Citons, parmi ces hommes dlite lun deux qui fut particulirement odieux ses adversaires : Jacques Rocafort. Cest le type du chrtien robuste. N en 1860, Perpignan, il y tudia dabord au Collge S. Louis de Gonzague. Puis il entra au Petit Sminaire de Prades et enfin revint au Collge de sa ville natale. Il prit ses titres dEnseignement Suprieur et fut professeur en Afrique et en France. En 1888, il tombe malade et va se reposer Rome o il suit les cours de la Grgorienne et du Sminaire Franais : ses ennemis en ont profit pour le traiter de dfroqu !... En 1891, il est professeur lUniversit de Nmes et lanne suivante, il se marie. En 1899, il est nomm Paris. Chevalier de la Lgion dHonneur en 1924. Lorsquen 1907 le Gouvernement confisqua illgalement la correspondance du reprsentant de la Nonciature Paris dj supprime - J. Rocafort fut envoy Rome pour sinformer sur ce quon appelait : le cas Montagnini. Alors Mgr Benigni tait le sous-chef du bureau o travaillait Mgr Montagnini. Cest ainsi quil rencontra Rocafort. Celui-ci tait dj anti-rpublicain, anti-libral, imbu profondment des principes catholiques et dtermin suivre les directives pontificales. Il sentendit donc aisment avec Mgr Benigni et donna son adhsion au S. P., assurant une collaboration assidue la Corrispondenza, ce qui lui attira lhostilit violente dvques, de libraux, dhommes politiques, socialistes et radicaux, ainsi que de tous les laques. Le 16 janvier 1910, le Dput radicalsocialiste Besnard attaque devant la Chambre ce professeur dUniversit adversaire des lois rpublicaines, de lenseignement laque et des catholiques libraux. Il sen prend, ensuite, la Correspondance de Rome, Mgr Benigni et au Sodalitium Pianum contraires la pacification intrieure de la France. Deux jours plus tard, le Ministre de lInstruction Publique, Doumergue, lui rpond dans un sens assez doux. Mais la presse hostile sempare du cas Rocafort et cest une vritable batterie de dtresse. Un an aprs, Rocafort se retirait du S. P., sans cesser dagir en son sens. Il avait crit et crivit depuis plusieurs ouvrages de valeur : Lducation morale au Lyce. - La morale de lordre - qui furent couronns par lAcadmie franaise - Mes campagnes catholiques - Autour des directions de Pie X, traitant des rpercussions de la politique religieuse du Pape sur la France - enfin, en 1920 : Les rsistances la politique religieuse de Pie X. Personnellement, il voulait raliser une vie chrtienne intgrale, comme le Saint-Pre le dsirait. Il a crit, rpondant une accusation : Je ntais pas plus lagent de Mgr Benigni que du Vatican. Mais javais compris les directions pontificales et je voulais les servir, tandis que les libraux passaient ct (Rocafort : Autour des Directions de Pie X, p. 68). *** Ce genre de catholiques fut nombreux, dans le S. P. et au dehors. Les services quils renient lEglise taient fort importants : transmission quotidienne ou quasi-quotidienne de matriaux dinformation de tous genres : notices, nouvelles, rponses aux demandes, recherches varies ; le tout sadressant des personnalits de la Curie Romaine, surtout la Secrtairerie dEtat, aux Prfets des Congrgations et, par Mgr Bressan, Pie X lui-mme. Dans les documents dpouills aujourdhui nous trouvons les noms des Cardinaux Merry del Val, de Lai, Vivs, van Rossum. Ces informations, encore une fois, embrassaient tous les sujets. Elles donnaient des comptes-rendus sur les

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Congrs, les runions, les cours, les exercices ; des notes sur la presse, les revues, catholiques et autres ; sur des personnages ecclsiastiques et laques. Bref, le S. P. tait une prcieuse mine de documents pour les Dicastres Romains qui, nanmoins, possdaient dautres moyens dinformation et de vrification. Il est donc difficile de dire jusqu quel point ce service influa de facto sur les dcisions pontificales. Le S. P. na jamais t lunique ni le principal ni lordinaire moyen dinformation de la Curie. On ne peut donc lui attribuer, comme on la fait trop facilement, toute la responsabilit de certaines mesures. Parfois des services extraordinaires lui furent demands, comme celui dtudier le Congrs des Catholiques Libraux de Berlin, en 1909, pour le compte de la Secrtairerie dEtat ; celui denquter CZENSTOCHOWA, en Pologne russe, au sujet des graves dsordres de Mariaviti, dj condamns en 1904 et 1906, pour le compte de la S. C. des Religieux. Ces missions taient confies par le Pape lui-mme ou par le Cardinal Merry del Val. Nous avons ici la preuve que le S. Sige sest servi quelquefois directement du S. P. pour des fonctions difficiles et qui eurent de bons rsultats. A ct et en dehors du S. P., Mgr Benigni avait dautres lments daction dans la Corrispondenza romana, dans les revues et priodiques affilis ou parallles, dans lAgenzia Internazionale Roma, puis dans lAgenzia Urbs. Ctait un systme bien li de publications et de journaux priodiques intgristes, un vrai rgime de terreur et de coercition morale, npargnant rien ni personne, portant une fatale division chez les catholiques, dnonant impunment et accusant des hommes insouponnables, mme des Evques et des Cardinaux. Ainsi disent les accusateurs de Pie X et du S. P. Or la vrit est au milieu. Tout ne peut sexcuser, certes, mais on ne peut tout condamner (L.c., p. 214). Dj, avant que Mgr Benigni entrt en action, il existait, Rome, une presse intransigeante qui devint ensuite intgriste. Il en tait de mme ltranger. Il nest pas surprenant que des sentiments amicaux aient lis cette presse celle de Mgr Benigni. Cest pour suppler la mauvaise information des journaux religieux, surtout franais, que la Correspondance de Rome a t fonde. LOsservatore romano tait le journal officiel du S. Sige, la Correspondance se contentait dtre son amie et son allie (Rocafort, L.c., p. 132-133. Cf. Loisy, Souvenirs, T. II-III). Ctait aussi pour donner plus de rapidit et de prcision ces informations, grce des correspondants de valeur. Si les adversaires de la presse intgriste poussent de tels cris dhorreur, nest-ce pas parce que le but recherch par Mgr Benigni tait atteint ? Fournir des nouvelles exactes et orienter la presse dans le sens des directives pontificales. ? Linitiative de ce prlat eut un succs extraordinaire. Les flches portaient. Lennemi de lEglise accusait le coup. La Corrispondenza se prsentait comme un hebdomadaire de petit format, imprim sur une seule face, afin de permettre de dcouper les nouvelles et de les disposer en vue de la mise en page des journaux. Nous avons vu, dans la vie de Mgr Benigni les phases diverses de cette revue. Enfin, paralllement, en 1912, fut cre lAgenzia Internazionale Roma (AIR) qui devint, aprs 1920, sans doute, lAgenzia Urbs et qui fut gre, en particulier, par le neveu de Mgr Benigni. A travers le monde, dautres revues taient de la mme tendance que la Corrispondenza. En France, il y avait la Critique du libralisme, fonde le 15 octobre 1908 par Emmanuel Barbier, ancien jsuite, n en 1851 Poitiers, mort en 1925 Paris. Il a crit : Le progrs du libralisme catholique en France sous Lon XIII et Ne mlez pas Lon XIII au libralisme. Enfin : Lhistoire du catholicisme libral et du catholicisme social en France (6 volumes) (Non senza meriti dit notre texte son sujet). Ses violences, surtout contre les jsuites, firent interdire sa revue par une trentaine dvques franais en 1911 et 1912. Sans doute ntaient-ils pas trop terroriss par lintgrisme ? Le S. Sige arrta cette publication. Barbier nappartint jamais au S. P. mais il fut correspondant et informateur de la Corrispondenza. A la place de La Critique, naquit Paris, le 5 dcembre 1912, La Vigie, de labb Boulin, du diocse de Troyes, qui crivait sous le pseudonyme de Roger Duguet. Le 13 mars 1913, le Cardinal Amette le fit rappeler par son vque, parce que, lui aussi, tait trop violent. Il appartenait, lui, au S. P., et Mgr Benigni descendait chez lui quand il venait Paris. Il y eut dautres priodiques : La foi catholique - Rome et le monde - Les Cahiers romains. En Belgique, Jonckx, avocat Gand et correspondant de Mgr Benigni, membre du S. P., fonda La Correspondance catholique. Naturellement il suscita critiques et mcontentement. La saisie de sa correspondance avec Mgr Benigni et sa divulgation fut loccasion dune leve de boucliers pour tous les adversaires du S. P. En Allemagne. Die Petrusblter de Trves, et Klner Korrespondenz de Cologne. Wehrheit und Klarheit, du Cte Opperdorff, Berlin, qui fut membre du S. P. En Autriche. Lhistoriographe et rudit bien connu, R. v. Kralik, publie Der Gral, revue de haute culture en opposition Das Hochland, de Munich, trs libral. On a accus avec exagration Kralik davoir t le chef de lintgrisme autrichien. Il y eut aussi le trs anti-libral Das Wiener Sonntagsblatt. Quelques-uns ont voulu voir le prcurseur du S. P. dans le trs innocent Pinsverein der Katholiken Osterreichs, fond sous les auspices de lpiscopat en 1905, lou par Pie X. Il suscita la scission des catholiques conservateurs et des sociaux, au dtriment des conservateurs, ce qui ne dut pas plaire Mgr Benigni. Cest un exemple typique de la confusion qui peut se glisser parmi les crivains et les historiens, au grand dtriment de la vrit. En Hollande. Maasbode et Rom passrent pour intgristes. Il ny a pas de lien connu entre eux et le S. P. En Pologne. Mysl Katolica, de Czenstochowa, en collaboration directe avec les polonais du secrtariat de la Sapinire. En Italie. La Liguria del Popolo, Directeur D. Bescardo, membre du S. P. et correspondant de Mgr Benigni. La

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Riscossa, des trois frres Scotton, qui ne furent jamais de la Sapinire. *** Quelle leon tirer de cette numration ? Tout dabord quon peut douter de la consistance de certaines allgations visant montrer lexistence dun bloc organis et bien uni de la Presse catholique intgriste, sous la secrte mais puissante direction de Mgr Benigni et avec le patronage du Saint-Pre. Car cinq seulement de ces priodiques (les cinq petits cailloux pour abattre le Goliath moderniste) cinq appartenaient certainement au S. P. par les liens qui rattachaient leurs directeurs cette socit. En un mot, cest faux et cest une grave erreur historique de mettre ainsi dans le mme sac toute la presse du monde, cette poque, de couleur et de tendance intgriste et de la dire affilie la Corrispondenza Romana, et de proclamer Mgr Benigni comme le pre commun de toute cette presse ; aussi bien que de mettre au compte de Mgr Benigni et du Sodalitium Pianum tout ce qui pouvait ou voulait sappuyer sa revue (L.c., p. 218). *** Quelques remarques ncessaires : 1 La Corrispondenza Romana ne dpendait pas du S. P. Des membres de cette association y collaboraient sans doute, mais ni le Statut ni le Programme du S. P. ne contiennent une allusion cette revue qui, dailleurs fut cre deux ans avant la Sapinire. 2 Si un journal avait un directeur ou des rdacteu rs du S. P. IL NEST PAS LICITE (L.c., p. 218) de dire quil tait sous le patronage direct du S. P. ou de Mgr Benigni. 3 Pour quil y ait eu dpendance effective et dire cte dune revue ou dun journal intgristes, il faut quils aient t, au moins, comme la Correspondance Catholique de Jonckx, documents par la correspondance prive de Mgr Benigni. 4 On ne peut dire, parce que le S. Sige a donn u ne previa, approbation gnrique du Statut et du Programme du S. P. quil est en cause parce que le S. P. a pu, ventuellement, agir dans le domaine de la presse. 5 La Corrispondenza Romana tait ni un organe officiel, ni un organe officieux du S. Sige, mais un organe priv. On ne peut donc attribuer au Pape ni au S. Sige les dfauts et les intemprances quon lui reproche avec ou sans fondement (Id., p. 218). Toutes ces remarques sont appuyes, par laffirmation du Nonce, Mgr Fruhwirth, dans lofficiel Der bayrische Kurier le 14 juillet 1911, que ni Mgr Benigni, ni aucun Prlat romain navait eu part cette campagne contre le catholicisme allemand.... - et aussi par linterview prise auprs de J. Rocafort, au sujet de linterpellation la Chambre (Cf. p. 36) : La Correspondance de Rome nest ni officielle ni officieuse, mais les rdacteurs sont de LOYAUX SERVITEURS DE LA PENSE DU PAPE. Ils vont aux sources, ils rapportent exactement ce quentendent dire dans les bureaux du Vatican. Ils ne truquent pas. Voil leur crdit et leur force. Si vous tiez au courant comme moi de la presse catholique franaise, vous verriez quel besoin on a de ce vridique et sr organe... On y reflte exactement, intgralement la pense de Pie X (L.c., p. 225.). En rsum. - Daprs ces textes nous pouvons comprendre que le Sodalitium Pianum (comme la Corrispondenza et les Agences et la Presse intgriste) tait le franc-tireur de lEglise, bni officieusement, ignor officiellement. Il avait donc le sort des francs-tireurs : se battre, recevoir et donner les coups et demeurer inconnu, heureux de se sacrifier pour une cause sainte. En conclusion : La Correspondance fut une uvre prive, propre Mgr Benigni. Elle ntait pas mentionne dans les Statuts du S.P. Elle demeurait indpendante du S. Sige. Elle ntait pas secrte : tout le monde pouvait se procurer le bulletin et sy abonner. Elle fut trs diffuse, trs influente ; trs crainte aussi, parce que beaucoup la croyaient mais faussement - organe du Vatican ou inspire par lui. Elle tait trs informe sur tous les mouvements et attitudes qui pouvaient Intresser la vie catholique dans ses manifestations les plus varies (L.c., p. 225). Tel est le jugement port par la Disquisitio. Il ny a ni blme, ni note dinfamie. Une mise au point plutt laudative. Elle ajoute que cest une GRAVE EQUIVOQUE (Id., p. 225-6) de croire que la presse intgriste avait t organise et inspire par Mgr Benigni : limmense majorit de ses organes existaient avant la Corrispondenza. Cest ainsi quon a pu laccuser de beaucoup de violences de langage, dimprudences et de manques de charit dont il na aucunement la responsabilit, pas plus que le S.P. ou la revue. Egalement, lAgenzia tait une affaire personnelle, sans relation avec le S.P. et la revue, sauf, parfois, en ce qui concerne lusage des informations. Quant Urbs, elle fut fonde en 1921, aprs la dissolution du S.P. *** La MAONNERIE NOIRE... Le mot fut employ. Il venait de haut. Nous trouvons dans le procs de Batification, la page 10, ces graves paroles : Le Pape Pie X approuvait donc, bnissait et encourageait une association occulte despionnage au-dehors et audessus de la Hirarchie, qui surveillait mme les membres de la Hirarchie et dEminentissimes Cardinaux ; en somme, il bnissait et encourageait UNE ESPECE DE MAONNERIE dans lEglise, chose inoue dans lhistoire de lEglise. (Cardinal Gasparri.) En effet ! Mais est-ce vrai ? Nous avons vu, plus haut, la valeur des sources auxquelles le Cardinal Gasparri avait puis ses informations. Cela dailleurs peut expliquer son attitude en dautres circonstances dont nous navons pas traiter ici.

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Quoi quil en soit, on continue rpter ces accusations. Je les ai entendues Rome mme o la Disquisitio nest connue que des seuls intresss au Procs. Et ces chuchotements semblent sappuyer sur un fait dmontr : lusage, par les membres du S.P., dun code de correspondance, dun chiffre secret ! Examinons un peu ces ombres dramatiques et louches. *** Le Sodalitium Pianum fut-il rellement une socit secrte ? Une socit secrte est - de par son nom - cache tous, sorganisant seule linsu des autres socits et des individus. Si elle remet son autorit, sa direction entre les mains dautrui, si elle est connue dautres personnes que de ses membres et de ses chefs, elle ne peut plus tre dite secrte. La Franc-Maonnerie, par exemple, ne reoit pas ses rgles, ses ordres, ses principes de la Rpublique - puisque cest le contraire qui a lieu. Nul na la puissance et le droit de connatre, hors ses affilis, ses buts rels, ses moyens daction, ses plans, le nom de ses membres, encore moins ceux des chefs suprmes, indpendants de toute autorit extrieure la Secte. Or le S.P. obtient du S. Sige une approbation gnrique de ses ides, de ses buts - qui ne sont rien dautre que dobir lEglise et de la servir. Nous avons vu que Mgr Benigni dsirait que lon gardt le secret (pourquoi ne pas dire : la discrtion ?) sur ce qui se passait dans les groupes extrieurs, sur luvre qui sy accomplissait. Mais tout ce qui sy excutait tait connu de la S.G. Consistoriale, ainsi que les noms, au moins ceux des chefs de groupe et ceux du Directeur Gnral et des membres de la Dite. Rien ntait ignor de lAutorit comptente. Quavaient donc voir les trangers en cette affaire ? Les anciens de la Rsistance, en France, savent combien de dsastres ont t causs par des paroles inconsidres, en un mot : par manque de secret. Nanmoins, ce fut cette question du secret de laction et du fonctionnement du S.P. qui effraya le Cardinal de Lai et, avec lexemption des Ordinaires, empcha lapprobation dfinitive et canonique de cet Institut sculier. A lpoque o commenait le S.P., Mgr Benigni pensait - et ce ntait pas, objectivement, sans fondement (L.c., p. 226). - que les adversaires de lEglise, surtout la Maonnerie et le Modernisme (alors au comble de ses manifestations multiples), pour assurer lefficacit de leur action, se servaient, dans une trs large mesure, du secret, dune action et dun fonctionnement cachs, insaisissables, avec toutes les ruses, toutes les fourberies ncessairement lies un tel systme. Aussi - et ce fut une de ses convictions les plus enracines - pour combattre un ennemi qui fait du secret son arme la plus efficace, il fallait se servir de cette mme arme, avec la mme habilet, sans piti, pour prvenir et contrecarrer (L.c., p. 226). En vrit, les Modernistes avaient-ils un secret ? une organisation secrte ? Le premier grand historiographe du Modernisme, lex-abb Houtin (1867-1926), un ami de Loisy, crivit en 1913 son Histoire du Modernisme qui - paradoxe - est une sorte dapologie de Pie X. Dabord moderniste, Houtin sloigna de cette erreur sans cependant revenir lEglise. Toutes ses uvres sont lindex. Mais il a insist fortement sur le complot international des modernistes. Selon lui, cest une chose relle. Loisy, de son ct, le nia avec insistance et dclara ce complot cr par limagination de Houtin, mais surtout par Mgr Benigni pour mieux impressionner Pie X et justifier lexistence et les mthodes du S.P. (Loisy, Mmoires III, 202-II, 542-III, 247-510). Nanmoins, certains faits pourraient sembler dceler cette conspiration. En lhonneur de Fogazzaro, devaient se runir Paris, le 17 dcembre 1906, Murri, Gallarati-Scotti, Imbert de la Tour, Tyrroll, Paul Sabatier, Loisy et dautres. Cette assemble ne put avoir lieu. Mais, fin aot 1907, pendant trois jours, Molvone, dans le Trentin, se rencontrrent : Fogazzaro, Casati Scotti, Murri, Fracassini, le Baron von Hgel et quatre prtres non encore censurs, comme ltait dj Fracassini, Buonaiuti, Casciola, Mari et Piastrella (Id., II, 557). Ce conciliabule, o lon traita des affaires de lEglise, fut sans rsultat ni thorique ni pratique, les esprits tant trop diviss. Enfin, en Allemagne, lon trouvait des groupes actifs plus ou moins modernistes ou fortement libraux et antiromains, comme Index Liga, de Mnster. Oserait-on nommer tout cela : complot ? Il semble que le complot se trouvait surtout dans les erreurs partages, dans les principes communs tous les esprits infests de cette contagion et qui les reliaient en une sorte de socit invisible, par une sympathie pour tous ceux qui se libraient du catholicisme, par une antipathie allant jusqu la haine contre le Saint-Sige. On pouvait alors donner une versions neuve du vieux dicton : Je suis moderniste et rien de ce qui est modernisant ne mest tranger. Cette conspiration, non concerte peut-tre, tait inconsciemment aux ordres dun chef cach, habile se masquer : le Pre du Mensonge, lEnnemi de Dieu qui, souvent, choisit des lieutenants capables de porter sa parole et dexcuter ses ordres mystrieux. Tel tait, nous semble-t-il, limmense danger occulte dont Mgr Benigni salarmait justement. Il faut ajouter qu cette poque svissait la manie des pseudonymes. Cette grande multiplicit darticles dauteurs inconnus, jamais les mmes, au moins de nom (Loisy 1. 391,392. II. 440. III. 553) donnait limpression de se trouver devant un grand nombre dadeptes de la secte. On voquait le patronage dex-prtres et dex-religieux, modernistes ou non, qui existaient rellement Paris, Naples, Milan et ailleurs encore ; uvre internationale o collaboraient avec eux protestants, juifs et francs-maons. A Milan, par exemple, leur chef tait lex-prtre L. Bessi, Corso Sempione 47. (Cf. S.C. Consistoriale, pli Roma, Modernisme, etc... Et La Vigie, 26 mars 1914). Ainsi pouvait se lgitimer le soupon quil existait, dans le camp moderniste, une collaboration gnrale sous une direction centrale. Certes, il y eut cette collaboration. Mais peut-on lattribuer une vritable organisation internationale ? Cela nest pas prouv. Si Mgr Benigni, dans son affirmation constante du complot moderniste tait de bonne foi - ou sil lavait construit de

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toutes pices - ou sil en avait exagr lide - ou si lide existait Rome dans certains milieux de la Curie... il serait difficile de le dire. Mais il est certain que Mgr Benigni croyait ncessaire, pour un combat efficace contre le modernisme et son uvre, une action de forme occulte qui demandait des moyens de ruse et de police. Le P. Saubat, qui est un tmoin loyal et sr, latteste. Mais en fait, concrtement, nous ne trouvons, dans lnorme dossier de la Consistoriale, que quelques lettres et beaucoup de rapports adresss plusieurs membres de la Curie, avec mention : Confidentiel - Personnel - ou, lorsquil sagissait de confrres du S.P. : Sub sigillo. Voici, par exemple, un extrait dune feuille dinformation du S.P. Munich, juillet 1914. ...Sans doute il y a dans lAllemagne catholique dautres centres semblables ( ceux dsigns plus haut). Dsormais le dmolibralisme et le modernisme ont des groupes ou au moins des hommes de confiance dans tous les centres catholiques du pays. Ces centres et ces hommes travaillent en toute libert, parce que ceux qui devraient les combattre de par leur autorit, ou ne les voient pas, ou ne veulent pas les voir, ou les voient pour les aider plus ou moins en sous-main. Ce monde na quune peur, mais qui saccrot rapidement : cest la peur de la police des catholiques intgraux. Pour se sauver delle, ils recourent tous les moyens (except les honntes), du terrorisme contre les prtres et les lacs, suspects dinformer, jusqu la diversion gniale de ce quon appelle les rvlations sur les relations internationales de lintgrisme ; rvlations fantastiques (comme celle trs rcente du Dsseldorf Tageblatt) qui ont pour but rel de dtourner lattention de lAutorit Ecclsiastique et du monde catholique pour quelle ne sarrte pas sur lorganisation parfaitement relle et trs menaante de lanti-romanisme dans lAllemagne (et en Autriche) catholique... Tous ces documents paraissent bien prouver quon ny a pas dpass les bornes de la prudence. On semble avoir trop voulu voir l des secrets exceptionnels et policiers (L.c., p. 231). En effet, au dbut de son uvre, Mgr Benigni songea bien instituer, parmi les adhrents du S.P. une sorte de secret lgal, semblable celui qui existe dans quelques familles religieuses, en particulier pour les Suprieurs Majeurs et les Assistants Gnraux ; secret naturel qui, dailleurs, pour le S.P. valait pour lextrieur et jamais pour les Suprieurs ecclsiastiques romains. Donc, rien en cela de coupable. *** Maintenant nous arrivons ce que, sans doute, notre psychanalyste appelle des procds de collgiens conspirateurs. Aprs le secret, le chiffre ! La ncessit de transmettre, sans danger de contrle indsirable, de cabinet noir ou simplement de pertes dans les courriers, les informations, les directives et les orientations, amena tout naturellement, pour la correspondance, la plus secrte au moins, user dun chiffre, choisir un code. Ce procd nest pas unique dans lhistoire et nest pas le privilge infamant du S.P. Journellement les banques, la grande industrie, les hommes daffaires aussi bien que les Gouvernements et le S. Sige lui-mme pour leur diplomatie, emploient ce moyen discret de correspondre, et nul ne songerait, et nul ne songe leur en faire grief, ni le trouver incorrect, suspect ou mauvais. Ceux qui, aujourdhui, le signalent avec une vertueuse rprobation oublient sans doute quils en usaient, au temps de la Rsistance (sils en faisaient partie), et le jugeaient parfaitement normal. En quoi le chiffre de la Sapinire serait-il plus immoral que celui quemployaient les Rseaux ? Cest un procd de combat universellement utilis. Il faut donc bien sentendre. Or, en mars-mai 1923, la revue Le Mouvement reproduisit ce code, saisi par les allemands chez Jonckx. Il passa ainsi dans le domaine public. Le Cardinal Gasparri le connut de cette faon : Lo Schmidlin et Fontaine, dans leurs ouvrages dj cits, en donnent des exemples et, quant ce dernier, il en tira des traductions en clair. Le fait nest donc pas niable et Mgr Benigni ne la pas ni. Au contraire il a admis et justifi lusage dun chiffre dans un long expos au Cardinal Sbarretti, lui expliquant pourquoi ce code a t indispensable cause des circonstances et comment il fut adopt. Mais ce que les initis pouvaient dchiffrer sans erreur, les Fontaine et autres ont fort bien pu se mprendre sur le sens et mal comprendre beaucoup de ces signes, quitte leur faire dire des choses capables de susciter leur vertueuse indignation. Toute la question du secret et du chiffre a t exagre et le sera toujours si lon ne la replace pas dans lambiance de ces annes agites - surtout si lon prte trop loreille aux critiques des adversaires.(L.c., p. 231) En conclusion, considrant objectivement les choses, le secret et le chiffre taient en un certain sens des moyens ncessaires, au moins utiles, certainement pas immoraux, du moment que Mgr Benigni navait pas de secret pour lAutorit comptente du Saint-Sige avec qui il se tenait en contact.(L.c., p. 231) *** Nous voici parvenus aux plus odieuses accusations contre le Sodalitium Pianum : espionnage, dlation. Le Cardinal Gasparri affirme, sans plus, dans le Procs ordinaire romain (fol. 1849) que Mgr Benigni et le Sodalitium Pianum tenaient une liste de personnes, laques et ecclsiastiques, mme dEvques et de Cardinaux da invigilare, surveiller. Mais la Commission Historique et vite fait de constater que la liste cite par lEminentissime avait t copie ad verbum dans louvrage de Fontaine (p. 143). Cette liste commence dailleurs en 1921, donc aprs la mort de Pie X et ne saurait lui tre reproche. De plus par plusieurs indices, elle semble avoir t compile a posteriori sur la base de feuillets et de lettres du S.P. o sont cits divers noms. Et qui peut certifier que cette compilation ait t fidle ? (L.c., p. 232) Pour mettre les choses au point, il faut donc considrer que : - le Sodalitium, ni la Corrispondenza, navaient PAS POUR BUT DE DENONCER mais dINFORMER. Or, il est

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impossible de donner des informations srieuses, objectives, concrtes, sans nommer les personnes et sans noter ce quelles ont dit ou fait, dans tel ou dans tel sens. Les feuillets du S.P. signalent donc en grand nombre des faits et des dates - contrlables - avec, ncessairement le nom des acteurs. Comment faire autrement (Id., p. 232) pour remplir sa mission ? - ces informations furent plus rapides que celles venues officiellement des Nonciatures et des vchs. Elles furent aussi plus amples, comprenant le domaine des livres, journaux, revues, congrs, runions, cercles, discours, toutes les manifestations de la vie de lpoque. Ctait donc un vrai miroir du temps, un utilissime supplemente lappareil des Bureaux et des rapports officiels ; - ce service dinformation pouvait, en un certain sens, ressembler une entreprise de dnonciation, une accusation continuelle, par ce quil rvlait des agissements opposs aux directives du S. Sige. Aussi, de la part de ceux qui se croyaient dcouverts et de ceux qui navaient pas une conscience trs sereine, cest--dire pour les modernistes, les libraux, les dmocrates et les progressistes clata un concert de cris dhorreur, de rage et de haine contre Mgr Benigni et le S.P., et les accusations despionnage et de dlation. Cest toujours la tactique du voleur qui hurle : Au voleur ! pour dtourner de lui lattention et, pendant quon cherche ailleurs, se met labri. Sil fut besoin, cette poque, de procder contre lun ou lautre personnage (par exemple, en France, de dposer quelques vques extrmistes), cela ne se fit pas sur la base des informations du S.P., mais PAR la VOIE REGULIERE des Dicastres comptents qui, dailleurs, avaient bien dautres moyens denqute et de jugement. Certes, il est possible que, quelquefois, certains correspondants particuliers aient eu la tentation ou lintention de dnoncer, dans le sens pjoratif du mot. Lon peut, en toute organisation, trouver des tres imparfaits ou mauvais. Il nen reste pas moins vrai que ces erreurs - moins nombreuses quil ne fut dit et qui ne doivent pas tre gnralises - ne sont pas imputables au S.P. qui ne fut pas comme tel et par constitution un service de dnonciation mais un SERVICE DINFORMATION, ce qui est chose bien diffrente (L.c., p. 233). *** Nous avons vu que Mgr Benigni mourut pauvre. Son affaire ntait pas une question dargent. Nanmoins un financement lui tait indispensable pour couvrir les frais normes de la vaste correspondance quelle ncessitait. Ses ressources taient assures par les abonnements la revue et lagence, qui couvraient leurs dpenses. Il y avait aussi les cotisations des membres du S.P., ce qui est normal ; et les dons des nombreux amis personnels de Mgr Benigni. Le Pape, chaque anne, loccasion dune audience, lui remettait une offrande de 1.000 lires. Cest trs clair. Nanmoins, les adversaires de lIntgrisme ont cherch l de nouvelles accusations. O