a toi isabelle, rocher de mon existence et à vous · 2013. 6. 17. · 2 5 1 alea jacta est ! a...

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    A toi Isabelle, rocher de mon existence et à vous mes enfants adorés, Manu, Emilia, Jeremy.

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    1 Alea Jacta Est !

    A l’annonce de ce qui vous arrive, une chose plus qu’une autre va résonner à votre esprit. Sa valeur est universelle, elle est pour tous la même.

    Qu’en sera-t-il de mon existence demain ? Y a-t-il un compte à rebours à notre destinée ? Dois-je décompter chaque minute de ma vie dès à présent ? Mon pronostic vital est engagé ? Dois je chercher à apprécier aujourd’hui plus qu’hier, chaque jour du reste de ma vie ? Pourquoi moi ?

    Les dés de votre destinée viennent d’être jetés sur ce vieux tapis pourri qu’est la vie. Reste encore à observer de quel côté ils vont retomber : pour le meilleur à venir ou le pire déjà présent ?! Pour un espoir futur à espérer ou cette angoisse qui semble vous venir comme une boule du fond de l’estomac !

    Il reste en vous néanmoins cette furieuse envie d’en découdre et qui ne décolère pas, mais contre qui ? Contre quoi ? Quand cette ardeur retombe, vous sentez toujours ce besoin de raconter, de dire sans bien comprendre où vous avez mal. C’est le point de

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    départ de cette envie d’écrire, de montrer du bout du doigt, alors que d’autres se confieraient seulement. Chuchoter peut être avec des regards et des gestes qui appartiennent à ceux du silence, mais dire surtout c’est le plus important. Avouer sans faire de concession à la vérité. Partager comme un lourd fardeau que vous ne pourrez porter tout seul. Hurler très certainement de toutes vos forces comme pour expulser de votre corps cette chose qui vous fait suffoquer.

    Montrer que ce moment présent est le vôtre, ce morceau de mal être dans votre chair, ce mauvais liquide passe si lentement au bout de vos perfusions que votre corps tout entier voudrait se tordre de douleur.

    En fin de compte, je devine que cette maladie qui a germé en moi, ce mal moderne et si ancien à la fois, qui s’adapte si bien à nos époques de lumières incandescentes, parle déjà tellement d’elle-même, qu’elle n’a pas besoin d’autres mots pour s’expliquer.

    J’ai ce cliché au fond de mon esprit qui me vient comme un cauchemar d’enfant et que je compare à cette maladie. Celle d’un vieux loup rusé, d’une bête increvable comme dans ces légendes du Moyen-âge.

    Cette bête qui durant sa quête à propager la mort, a été mille fois pourchassée, traquée et blessée qu’elle a fini par perdre de son râle assassin, elle fait moins peur aujourd’hui et son regard est moins puissant.

    C’est vrai que nous avons aujourd’hui moins peur de ce vieux loup à la peau grise et puante, au regard bestial et fiévreux, à la pupille ronde et profondément noire qui est là, à vous observer au coin du bois dont les crocs acérés dégoulinants de bave nauséabonde

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    sont prêts à vous lacérer et à vous dépecer dès le moindre écart d’infortune sur ce long chemin d’aléas qu’est notre vie.

    Toutes ces histoires qui, colportées par nos aïeux, nos grands parents, racontées au coin du feu de la grande cheminée générationnelle de l’existence sont encore très tenaces dans notre imaginaire et le seront encore très certainement dans les générations à venir. Elles sont tellement bien racontées et décrites dans la frayeur la plus totale, qu’elles restent encore au fond de nos mémoires comme quelque chose de sacré et que l’on s’interdit d’entendre.

    Pourtant ces traques constantes, ces approches persévérantes et pugnaces par ces chasseurs d’une nouvelle ère, ces fins limiers spécialistes, aux gants de latex, qui depuis toujours le pourchassent, résolus et déterminés, sont bien la preuve que la bête recule.

    Leur blouse armure étincelante ; leurs armes faites d’éprouvettes, de seringues, de pipettes, microscopes nucléaires et bistouris de toutes sortes, comme de longues épées de molécules, combattent ce malin.

    Ils sont protégés par de grands boucliers de protocoles de médecine nucléaire et obtiennent plus de guérisons aujourd’hui que tous les miracles réunis de Lourdes et de Lisieux.

    Tout cela vous assure de meilleurs augures et vous impulse, à coups d’injections chimiques, une telle énergie, un tel espoir de vivre, que vous en oubliez presque la morsure de la bête.

    Ces chevaliers d’un temps nouveau aux blouses blanches, vous l’aurez deviné, se nomment aujourd’hui chercheurs, biologistes moléculaires, physiciens, médecins spécialistes, chirurgiens, oncologues,

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    radiologues, infirmiers oncologues, soignants de toutes sortes, thérapeutes, cliniciens de tout bord, et même guérisseurs ou charlatans après tout pourquoi pas, de moment qu’on ait l’ivresse ?!

    Qu’importe le flacon, on s’en fout, quand tout va si mal, ce n’est pas le plus important croyez moi !

    On cherchera le flacon plus tard s’il faut le chercher !

    Quand l’esprit est touché il ne peut aller mieux que le corps déjà malade, il peut pourtant l’entraîner vers le pire, ces abîmes du désespoir ou, si vous souhaitez une traduction plus réaliste, une dépression certaine qui viendra se rajouter à l’addition finale.

    Tous les toubibs de la terre connaissent ce phénomène de densité mentale, de force intérieure métaphysique qui insuffle de l’air dans ces petits ballons si fragiles que sont nos espoirs, si souvent asphyxiés et saturés par un air déjà vicié et malade.

    Cette force mentale qui accompagne positivement nos maladies, mieux vaut qu’elle reste, en soit, le moteur existentiel et principal de cette pensée que l’on appelle « positive » et qu’elle soit là à n’importe quel prix et parfois même par n’importe quel moyen. Comme vous le savez très certainement, si le moral fout le camp, la maladie sera encore plus compliquée et difficile à soigner et à guérir par la suite et nul doute que les bonnes vérités à dire d’un toubib à son patient, sonneront comme de vrais mensonges pour n’importe quel patient qui va très vite comprendre le pire avec un moral au fond des chaussettes.

    L’espoir fait vivre paraît-il, alors laissons vivre l’espoir de toutes nos forces et par tous les moyens

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    possibles, si cela doit nous redonner un peu plus de souffle dans cette course épuisante !

    De nos jours, les gens guérissent dans la durée mais ils guérissent c’est le plus important !

    Il y aura toujours des cons pour vous dire le contraire de ce que vous voulez entendre, que le Cancer n’avance pas et qu’ils savent mieux que tout le monde comment réagir au pire, et d’autres qui vous diront que la vie c’est comme ça et pas autrement, parce qu’ils ont vu partir leurs proches trop vite. Mais trop savoir sur cette foutue maladie à en être rassasié de savoir pour paraître, ou trop de résiliation sans combattre à voir partir trop vite nos proches biens aimés, ne veut pas dire perdre espoir pour les autres que nous sommes, loin de là !

    Passez leurs regards, leurs discours, changez de trottoir, ne les écoutez plus. Ces gens là, de toute façon sont de vrais désespoirs ambulants !

    Cette traversée difficile est un moment pénible à vivre pour chacun d’entre nous atteint par cette maladie.

    J’emploierais presque le terme de traversée du désert, car il faut être un vrai chameau à plusieurs bosses pour arriver à le traverser ce foutu désert. Je vous l’assure !

    Et puis dans ce foutu désert, quand tout va mal, nos petites amitiés précieuses et nos grands amours sereins, foutent le camp sous prétexte qu’il fait trop chaud et que la chaleur est déjà un bien grand mal à supporter pour leur petite personne dans ce milieu hostile.

    Toutes ces précieuses personnes n’ont pas emmené leur gourde personnelle pour vous accompagner dans

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    cette aventure et quand vous leur proposé de boire à votre bouteille, OUPS, malaise ! C’est qu’on ne boit pas dans la même flaque d’eau et au même goulot des fois que…. Les masques tombent avec la chaleur vous l’aurez aussi deviné, les vrais visages se dévoilent et apparaissent au grand jour. Ces gens finissent par vous oublier avec le temps, je dirais que c’est un tant pis pour un tant mieux ! Un mal pour un bien en quelque sorte.

    C’est toujours triste mais c’est comme çà. La vie continue de toute façon pour tout le monde. Ne vous inquiétez pas si vous avez peur de vous ennuyer, d’autres problèmes bien plus importants viendront vous faire face et s’imposer à vous comme des priorités par la suite.

    L’une de ces priorités à gérer est la Précarité. Tel un huissier de justice, droit dans ses bottes, elle viendra frapper à votre porte chaque matin jusqu’à ce que vous lui ouvriez, car elle au moins ne vous oublie pas !

    Vous lui ouvrirez un jour par faiblesse d’esprit, elle s’installera sournoisement mais très sûrement pour de longs mois dans un coin de votre salon, et à coup de factures impayées, d’impôts à solder, de bout de salaires, de retards de sécu et j’en passe, elle viendra vous souffler doucement à l’oreille que la vie va commencer à être compliquée si vous continuer d’être malade !

    Ainsi va la vie et nos maladies avec !

    Pour en revenir à l’écriture de mon vécu, je souhaiterais tant que la vision entrevue par le bout de ma lorgnette soit différente de celles des autres.

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    J’ai toujours cru que cette maladie venait d’une pensée collective et que tous ces gentils petits « cancéreux » se ressemblaient tellement les uns les autres, qu’ils finissaient par pousser les mêmes cris de désespoir. Je m’étais persuadé au final que d’autres que moi, tout aussi malades, pouvaient et savaient très certainement mieux raconter ou expliquer cette douleur invisible.

    Mieux que moi en tous les cas, et je laisse aux spécialistes de la belle écriture, ces phrases immuables faites de tristes pensées pleines de ces paroles trop usées quelquefois car trop souvent répétées à tous ces gens bien portants qui nous entourent.

    Ces paysages d’écritures ô combien immaculés restent bien tristement pathétiques pour moi !

    La description de ces chambres couleur clinique où sur les plafonds bien propres sont accrochés ces néons à faible intensité comme le serait aussi leurs regards décharnés qui, figés dans un mouvement immobile, ressembleraient à une grande plaine rase et lunaire où un soleil blême et sans chaleur viendrait éclairer le peu d’espoir qu’ils leur restent à vivre.

    Demain pourtant sera encore comme aujourd’hui à leurs yeux, d’une tristesse infinie s’il fallait lire tous ces recueils de courageux écrivains en herbe, subjugués par leur mal de vivre, anéantis par leur état de santé déplorable et décriant sans cesse leur misérable existence.

    Je ne veux pas écrire tout cela. Je ne veux pas leur ressembler et tomber dans ces mêmes phrases aseptisées de tout contexte de joie ou d’espoir. Je ne veux pas dépeindre ces ambiances nécrosées qui font

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    peine à voir parce qu’elles vous remuent le fond des entrailles.

    Je ne veux pas non plus comme certains le font, recopier des impressions premières décrites à travers la trace de larmes séchées, d’une feuille d’agenda à la page d’un mardi, d’une semaine lointaine où tout avait commencé. En définitive et en avançant dans cette réflexion, je vais me rendre compte que je me contredis encore et toujours, comme je sais si bien le faire à chaque fois. Quelle assurance !

    Certaines descriptions du caractère sérieux de ma maladie sont pénibles à lire sans que je ne le veuille ou sans que je ne le souhaite très sincèrement.

    Cette raison, cette volonté à raconter ma douleur dans certains de mes chapitres est plus forte que mon esprit et je finis par m’apercevoir que ma raison de penser emmène mon esprit en ballade. Je ne m’en suis pas rendu compte de suite.

    On dit de l’écriture qu’elle est un médicament puissant pour qui veut écrire et sait raconter son passage difficile. C’est une façon d’extérioriser, d’expulser ce que vous conservez au fond de vous, un bien ou un mal après tout, qui sait vraiment ? Tout se passe si bien en votre âme et conscience de ce que vous voulez dévoiler aux autres, et si cela en plus peut éclairer un bout de ce chemin si difficile mais déjà bien avancé, alors que d’autres le commencent seulement, pourquoi pas ?

    C’est vrai qu’il est toujours plus facile d’avancer en suivant les pas de celui qui marches devant, qu’à s’entendre pleurer sur son sort, loin derrière.

    Une phrase me traverse l’esprit, presque un psaume biblique.

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    « Voyageur fatigué perdu sur ce chemin, je voudrais t’aider et si je peux être, je serais ta lumière, je connais ce chemin, donne moi ta main je te prêterais mon espoir. »

    J’ai eu ce déclic à l’écriture au début du mois de Février 2013, grâce à Guyléne une amie plus qu’une collègue de travail, qui a pris de mes nouvelles au long court durant l’année 2012 et à qui je confiais mon désespoir de m’ennuyer encore et toujours sur ce début d’année 2013 après ma grosse opération du foie fin janvier 2013, elle a été mon étincelle à cet envie d’écrire.

    Cette petite lumière au fond de vous à vouloir vous raconter, parce que je pouvais le faire maintenant et pas avant quand j’allais trop mal encore. Je sais aujourd’hui que je peux écrire et penser à tout cela, peut être parce que le plus pénible est derrière moi maintenant.

    Peut-être aussi parce que je sais observer avec encore plus de recul et mieux sentir les choses que je ne voyais pas au début de ma maladie et pour l’avoir vécu et ressenti, je commence à expier certaines images négatives conservées secrètement au fond de moi.

    Peut être aussi parce que nous avons survécu moi et mon corps à tellement de choses incroyables qu’il fallait que je hurle très fort à la vie pour enfin écouter mon écho dans la montagne d’en face.

    Peut être fallait il comprendre aussi que cela faisait si mal de ne pas essayer de respirer à pleins poumons, parce que je voulais économiser un peu de vie comme un peu d’air, pour après, pour quand j’irais mieux, quand dans ma tête tout serait bien rangé, mais, pour

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    après, ça ne veut rien dire, pour après c’est maintenant et tout de suite.

    La vie est là et maintenant ! Non pas après quand on nous mettra en terre ou dans un joli pot de céramique.

    Je voulais raconter un bout de ma vie. De cet état second extraordinaire après avoir

    accusé les coups et les annonces médicales, cet élixir de vie que j’ai puisé au fond de mon corps malade, comme on puiserait la lave en fusion au fond d’un cratère.

    Vous faire deviner ce déni qui seul m’appartient sur cette si grave maladie qu’elle n’a pas besoin de nom pour moi, c’est une maladie qui passera avec le temps, comme on soigne un rhume.

    Je voulais raconter un bout de ma vie mais parler de vous, mes parents, mes sœurs, mon frère, mes cousins, mes cousines, ma famille que j’aime tant parce que vous vous êtes tellement inquiétés pour moi sans vraiment me l’avouer et que la pudeur vous interdisait de me dire je t’aime et que vous remplaciez ce mot par d’autres tout aussi tendres.

    Parler de toi mon quartier où j’ai grandi confiant et heureux entouré de tes immenses remparts, ces tours faites de béton si authentique que l’on démonte aujourd’hui à coup de dynamite.

    Parler de cet épisode de vie si militaire, où j’ai apprécié chacune de ces vraies valeurs forgées dans un creuset de sincérité pourtant éphémère. Cette incroyable force souveraine que j’ai découverte un jour dans cet autre moi, qui va me gouverner tout au long de ma maladie, afin de prendre ce recul nécessaire devant l’adversité.

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    Parler de ce boulot qui est le mien et que j’aime, tellement prenant et passionnant qu’est la logistique opérationnelle, mouvement perpétuel d’un tic-tac pendulaire financier que fabrique le temps qui passe et conserve les distances à sécuriser, et de ce logo aux trois couleurs inversées bien de chez nous, ou l’on m’avait caché la syllabe du « C » un bon moment !

    Parler de vous aussi mes enfants que j’adore plus que tout et par-dessus tout.

    Parler de toi ma femme que j’aime, tout simplement plus fort chaque jour, pour être ce que tu es depuis toujours, ce rocher de mon existence contre vents et marées.

    Et enfin parler de vous mes amis, vous qui m’avez tant trahi par vos absences et vos silences, quand d’autres sont venus vous remplacer les uns et puis les autres.

    Parce que la distance, devenait déjà trop grande pour revenir vers moi et prendre de mes nouvelles, le vent de l’oubli en effaçait les pas du retour. Parce que dire « ne lâche rien » au final ne veut plus rien dire pour moi, et devenait une banalité de mots assemblés que je ne comprenais plus.

    Vous ne saviez pas le mal que cela procure quand vous pensiez le bien que cela pouvait faire, vous n’étiez pas là pour le voir, j’ai serré les dents quelquefois de trop de chagrin et je vous ai tellement écoutés.

    Je vous pardonne parce que ce n’est facile pour personne de vivre prés de cela ou d’accompagner un ami de prés ou de loin, ou de se tenir informer.

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    Ce n’est facile pour personne, je peux aussi vous l’avouer maintenant, j’avais du mal, moi aussi à vous contacter : il parait que l’amitié s’entretient.

    Et parler de toi ma maladie, je voulais surtout parler de toi, de toi que l’on dit toujours incurable et contagieuse de mille malheurs et de mille façons dans la pensée collective tellement triste des gens, que tout ceux qui pourraient le mieux en parler sont déjà partis.

    D’autres pourraient toujours en parler, mais comme je l’ai déjà écrit, je n’aime pas leur version blafarde qui vous fait paraître vulnérable et nu sans défense, alors que l’on se voudrait fort et impétueux !

    Parler de toi que l’on insulte à souhaits comme pour exorciser un corps malade ce monstre malin que tu es et qui à travers le regard des autres parait encore plus terrible.

    Moi, je voulais te dire surtout que c’est dans mes yeux que la vie sera plus belle demain et non dans le jugement des autres, quand tu seras parti pour de bon, si tu pars vraiment un jour.

    Je suis cet optimiste heureux et réaliste, tu le sais, mon mental sera le plus fort même si un autre jour tu gagnes, tu n’auras gagné qu’une bataille.

    Rappelle-toi toujours que ce sera ainsi, que je serai d’abord et pour toujours celui qui aura décidé de changer les choses avant toi, même sur mon dernier lit. Si un jour les choses doivent changer.

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    2 Le château de ma mère

    À mes parents que j’aime.

    Je suis né un jour d’été au mois de juin 1959, dans ce grand département qu’était la Seine et Oise (78) aujourd’hui les Yvelines, un des 83 départements français crée, sous la révolution de 1789, et supprimé en 1968 pour être divisé en plusieurs autres départements dont le 91 qui est aujourd’hui l’Essonne.

    Ma ville d’origine Corbeil, qui s’appelle aujourd’hui Corbeil Essonnes. Je suis un Corbeil-Essonnois.

    Mes parents sont espagnols, valenciens d’origine, ils sont arrivés en France à la fin des années 60, mon père avait vingt huit ans et ma mère vingt deux ans.

    Ils sont originaires de la région de Castellon de la Plana, province de Valence.

    Ma mère est née à Castellon de la plana, grande ville balnéaire touristique du bord de la méditerranée, quelques trois cents kilomètres après Barcelone en suivant la côte méditerranéenne.

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    Mon père est né à Almazora, petit village limitrophe de Castellon.

    Almazora a une double signification en espagnol et veut dire tout aussi bien âme maligne ou garce dans un sens figuré, âme femelle du renard dans un sens littéral, ce qui n’a pas trop de signification, tout dépend comment le petit Emir du coin, patron de la région en cette époque de grâce de l’an 1100, a voulut nommer ce village et interpréter ce mot au final.

    Des petits villages paysans et médiévaux, il en existe encore beaucoup à travers l’Espagne, beaucoup avec de hauts remparts, de jolies tourelles et une multitude de petites ruelles très sympathiques et appréciées par les touristes.

    Ces vestiges d’un temps ancien ou l’occupation maure a forgé tellement de belles choses durant presque mille ans, et qui émerveille toujours !

    Ce village d’Almazora de quelques cinq mille âmes de renardes rebelles il y a une trentaine d’années et devenu aujourd’hui une très belle ville de vingt cinq mille habitants et je vous l’assure elle n’a rien perdu de ses traditions et coutumes, de ses fêtes mauresques ou espagnoles. La ville est très vivante durant les fêtes du pays. Le cœur des valenciens à l’approche de la saint José est explosif de joie.

    ALmazora est agglomérée à la ville de Castellon de la plana, qui peut se traduire par petit château de la plaine, et qui est une ville de deux cent mille habitants aujourd’hui, appartenant à la communauté de la région de Valence.

    Mes parents, sont tous deux de la grande région de Valence où cette jolie langue parlée et écrite le Valencien enseignée dans toutes les écoles de la

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    communauté de Valence même si la langue officielle en Espagne est le Castillan, l’espagnol. Je trouve que c’est une très belle chose de ne pas oublier ses origines et de savoir d’où l’on vient.

    Pour placer ma petite anecdote historique, le nom des BALLESTER (mot valencien) en castillan BALLESTEROS, viendrait du fait qu’un certain roi d’Espagne, durant le moyen âge, aurait placé ses arquebusiers dans la région de Valence, et comme souvent en ces temps anciens, personne ne savait lire ni écrire, ils étaient prénommés BALLESTER pour faire référence à cette région d’arme, d’où le nom de BALLESTER par la suite. Belle histoire que j’avais lue un jour quelque part.

    Le Valencien est une variante du dialecte Catalan et des îles Baléares. Malheureusement comme toutes les variantes de dialecte, elle est beaucoup moins connue que le catalan, pourtant je trouve que les gens de cette région sont aussi fiers sinon plus, que les catalans, en commençant par moi, fils d’immigrés espagnols né à Corbeil essonnes, qui revendique les origines de mes aïeuls.

    Elle est aujourd’hui ma première langue parlée et apprise depuis tout petit, et comme tous les enfants d’immigrés, petit, je savais faire la différence entre le français parlé à l’école et dans la rue, dés mon plus jeune âge, et cette langue maternelle que l’on parlait à la maison et uniquement avec mes parents et mes oncles en France. C’était en quelque sorte la langue parlée de la maison !

    Je suis né dans ce très vieil hôpital de Corbeil Essonnes, boulevard Henri Dunant, appelé communément « la côte de l’hôpital « par les corbeil-Essonnois, hôpital qui s’est transformé aujourd’hui en

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    une grande maison de retraite, comme quoi tout ce recycle !

    Tout petit, j’ai eu ce privilège de vivre et de grandir dans des paysages magnifiques remplis de plaines et de petits lagons, de forêts et de bois sauvages, ou vivaient des tas d’animaux.

    J’ai vécu huit années de ma vie dans ce cadre bucolique presque enchanté qu’était ce domaine forestier et ce château du 19e siècle, construit en 1830 par des capitaines de l’aire industrielle de la région parisienne et repris dernièrement dans les années 80, par la chambre de commerce et de l’industrie de l’Essonne avant de tomber en désuétude et d’être complètement démoli.

    Ce château n’existe plus aujourd’hui, il a été rasé pour les besoins d’urbanisme naissant d’un monde industrialisé trop pressé de prendre de l’ampleur.

    Il s’appelait le château de la grange, celui de feu louis prés du village d’Evry petit bourg à l’angle du quartier du Bras de fer.

    L’étendue du domaine forestier attenant au château s’étendait depuis les bords de la nationale 7 et descendait jusqu’au quartier des anciens Tarterets.

    En cette époque de bouleversement industriel, la Francilienne, nationale n° 104 qui croisait la N7 et qui descendait la vallée jusqu’à la Seine, remontait en coupant la Forêt de Senart et commençait à défricher ces paysages merveilleux, plein de verdure avec sa coulée de bitume fumante.

    Les nouvelles tours d’HLM couleur gris béton du nouveau quartier des Tarterets ainsi que le centre commercial de ce même lieu, sortaient de terre comme de gros champignons et faisaient disparaître à