a pedra e o sofrimento. octave debary

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  • 7/24/2019 A Pedra e o Sofrimento. Octave Debary

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    Revista Memria em Rede, Pelotas, v.7, n.13, Jul./Dez.2015ISSN- 2177-4129 www.ufpel.edu.br/ich/memoriaemrede 3

    http://dx.doi.org/10.15210/rmr.v7i13.6264

    A PEDRA E O SOFRIMENTO: REPRESENTAES E

    HISTORICIZAES DO HOLOCAUSTO

    THE STONE AND THE SUFFERING: REPRESENTATIONS AND

    HISTORICIZATIONS OF THE HOLOCAUST

    LA PIERRE ET LA PEINE

    REPRSENTATIONS ET HISTORICISATIONS DE LHOLOCAUSTE1Enviado em 8 de agosto de 2015

    Aceito em 11 de agosto de 2015

    Octave Debary2

    Resumo: Esse artigo interroga a noo de museu e a relao entre Histria ememria a partir do difcil trabalho de historicizar os objetos nos museus. Este

    texto uma tentativa de estudar os memoriais e os processos de memria sob

    um ponto de vista antropolgico. Os debates que envolvem a representao do

    holocausto, assim como o trabalho do artista contemporneo Jochen Gerz,

    servem de fio condutor a essa reflexo. Procura-se compreender, portanto, em

    que medida o dever de memria no uma estratgia de esquecimento. Os

    memoriais e museus expem e celebram tambm o que uma sociedade deve

    esquecer para existir.

    Palavras-chave:Memria. Memoriais. Holocausto. Objetos.

    Abstract:This article explores the concept of museumand the relation between

    history and memory through the difficult task of historicizing objects housed in

    museums. This text is an attempt to study memorials and the memory process

    from an anthropological standpoint, focussing on the debates surrounding

    representations of the Holocaust as well as the contemporary artist Jochen

    Gerz. The text aims to understand to what extent the imperative of memory is

    not a strategy of forgetting. Memorials and museums exhibit and also celebrate

    that which a society must forget to be able to continue existing.

    Keywords:Memory. Memorials. Holocaust. Objects.

    1 Ce texte est une version remanie de larticle La peine des hommes est-elle objet dhistoire?Reprsentations et historicisations de lholocauste, publi dans le Bulletin de la FondationdAuschwitz/Driemaandelijks tijdschrift van de Auschwitz stichting, Bruxelles, Belgique, 97, octobre-dcembre 2007, pp. 39-49 et de ses dveloppements dans Montrer les violences extrmes. Thoriser,crer, historiciser, musographier, Annette Becker et Octave Debary (dir.), Paris, 2012, Craphis, 350p.

    2Anthropologue, Matre de confrences lUniversit Paris Descartes, Sorbonne Paris Cit. Membre dulaboratoire de recherche du Lahic (EHESS-CNRS).

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    Rsum:Cet article interroge la notion de muse et la relation entre histoire et

    mmoire partir du difficile travail dhistoricisation des objets d ans les muses.

    Cette approche est une tentative dtudier les mmoriaux et le processus de

    mmoire dun point de vue anthropologique. Les dbats qui entourent la

    reprsentation de lholocauste, ainsi que le travail de lartiste contemporain

    Jochen Gerz, servent de fil conducteur cette rflexion. Je cherche ainsi

    comprendre dans quelle mesure le devoir de mmoire nest pas une stratgie

    doubli. Les mmoriaux et les muses exposent et clbrent aussi ce quune

    socit doit oublier pour exister.

    Mots cls:Mmoire. Mmoriaux. Holocauste. Objets.

    Avril 2004. Reprenant la traverse du Mall de Washington (DEBARY, 2004), je

    dcouvre le Muse Mmorial de lHolocauste (E.T LINENTHAL, 1995 ; WEINBERG,

    ELIELI, 1995). Face au rcit des camps de la mort de la seconde guerre mondiale, mon

    motion se traduit par une incapacit en dire quelque chose, dire quelque chose de

    cette histoire autant que de mon rapport cette histoire. Lexposition se termine par

    une salle du souvenir, une salle sans objet expos. Nous sommes invits nous

    asseoir, nous souvenir silencieusement du drame ou prier. Quelques jours plus tard,

    un paradoxe se formule : ce type de musographie, dont la force repose sur lmotionquelle provoque, conduit rendre silencieux le visiteur. La conscience collective

    sveillerait dans une exprience intrieure et individuelle, hors du langage. Quel est le

    statut de la mmoire dans une socit qui propose de se souvenir de son histoire et de

    ses drames par le silence?

    Ce texte souhaite aborder la notion de muse et la question des rapports entre

    histoire et mmoire partir dune rflexion sur le difficile travail dhistoricisation des

    objets dans les muses. Dans cette perspective, les dbats soulevs par la

    reprsentation de lholocauste serviront de fil conducteur ce propos. DepuisAuschwitz, la question dune juste reprsentation de lhistoire sest pose dans toute sa

    radicalit. Depuis, le problme reprsentatif du prsent au pass , cette capacit du

    discours historique reprsenter le pass , que Paul Ricoeur appelle la

    reprsentance (2000, p.306), a renvoy ladquation entre mmoire et histoire sa

    limite : un traitement historiographique de linacceptable est-il possible ?(Ibid,

    p.428). Un des enjeux de cette question, que je pose ici titre dhypothse, est le

    suivant: les dbats sur limpossibilit de reprsenter lholocauste rvlent la difficult

    dune historicisation de la mmoire de ce drame. Reprsenter lholocauste, cest en

    faire lhistoire, cest historiciser la mmoire dun inacceptable, qui est pourtant advenu.

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    Il s'agit de dfinir, autrement dit de penser, l'impensable, un vnement historique au

    seuil, la limite de ce qui appartient l'histoire. Comment l'histoire peut-elle penser et

    reprsenter ce qui lui chappe et qui, dans le cas de la destruction des hommes eux-

    mmes, signifie la fin de toute histoire possible ?Primo Levi dans Si c'est un homme a tmoign de son exprience

    concentrationnaire. Dans ce livre, rdig entre dcembre 1945 et janvier 1947, il

    explique ce besoin dcriture comme "un besoin lmentaire" de "libration intrieure"

    (1987, p.8). Dans l'appendice de 1976, Levi se qualifie "d'crivain tmoin" ( Ibid, p.214),

    dhomme qui il revient de vivre pour raconter, de vivre pour tmoigner. U n peu plus

    loin, on lui demande s'il est retourn Auschwitz aprs la libration? Retourn sur les

    lieux en 1965, sa rponse est la suivante: "Il y a un muse o sont exposs de

    pitoyables vestiges, des tonnes de cheveux humains, des centaines de milliers delunettes, des peignes, des blaireaux, des poupes, des chaussures d'enfants, mais cela

    reste un muse, quelque chose de fig, de rordonn, d'artificiel. Le camp tout entier

    m'a fait l'effet d'un muse" (Ibid,p.199). Par contre, l o il n'y a eu ni conservation, ni

    restauration, l o il n'y a pas de muse - Birkenau-, on se rapproche d'un souvenir

    vritable. En ce sens, la non-conservation et l'abandon permettent de dire quelque

    chose des camps de la mort: "L rien n'a chang, il y avait de la boue, et il y en a

    encore... l, rien n'a t enjoliv" (Ibid, p.200). Le muse d'Auschwitz rate son objet:

    impossible identification, impossible reconstitution de l'inhumain. Pourtant, Primo Levien appelle au "devoir de mmoire" (1995). Le tmoignage, comme rcit, prend la

    forme d'un plaidoyer contre l'oubli. La mmoire est invoque comme un devoir, une

    dette, devant le tribunal de lhistoire (TODOROV, 1998, p.12). Il sagit, aprs coup, de

    repenser et de rconcilier ce qui sest rompu.

    Sinterrogeant sur la possibilit pour lhistorien de raconter et de montrer la

    souffrance des hommes, Philippe Braunstein sest demand si la peine des hommes

    pouvait tre un objet dhistoire (2003, p.10)? Je propose de prolonger ce

    questionnement en reformulant lun des enjeux quil sous-tend: dans quelle mesure lesfaits historiques peuvent s'tablir sur la base d'un objet proprement dit? La question

    doit ici s'entendre dans sa rsonance musographique. Quels types de muses et quels

    types dobjets peuvent raconter lhistoire? Cette difficult de la mmoire accueillir et

    dire lhistoire est au cur de la problmatique musale et historienne. La mmoire,

    comme le muse, nest pas le lieu de lhistoire retrouve, vrifie. Cest au sein de cette

    problmatique - de cette difficile rconciliation de lhistoire avec la mmoire- que

    sinscrit la diffrence entre une mmoire apaise et une mmoire falsifie. Souvre ici la

    question politique et thique dune dfinition du juste souvenir et dune juste

    mmoire: comment une socit traite-elle de son pass? Le travail de mmoire sinscrit

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    dans la construction de ce quavec Franois Hartog on peut appeler des rgimes

    dhistoricit (2003) qui structurent et ordonnent des rapports au temps quun prsent

    pose en miroir de sa dfinition du pass et du futur. Dans les muses, la caractristique

    de ce travail de mmoire repose sur le dplacement de linscription de lhistoire des

    hommes vers les objets. On tend faire de la mmoire un objet qui sexpose. Que

    lhistoire puisse ou non se rduire un objet, lopration de mise en pass de lhistoire,

    comme lopration historiographique elle-mme, construit lexprience humaine sur la

    base dun objet. Elle transforme labsence en pass en sparant lexprience de

    lhistoire. Cette opration est constitutive dune science humaine qui fait de lhistoire

    une criture de la sparation (DE CERTEAU (1975) 2002, p.138-142).

    OBJETS ET MMOIRESLe rapport entre histoire et mmoire peut-il tre clair du lien quentretiennent les

    objets avec la mmoire (DEBARY; TURGEON, 2007)? Pour dvelopper cette question, je

    me rfrerai deux exemples emprunts lartiste allemand Jochen Gerz. N Berlin

    en 1940, Gerz vit et travaille en Irlande depuis 2008. Son travail est class comme

    relevant de lart conceptuel. Cet adjectif maladroit tente de qualifier le traitement

    que lartiste rserve la matrialit de ses uvres, la djouant jusqu intgrer dans

    leur ralisation, le principe mme de leur disparition. Limmatrialit de certaines de

    ses crations hisse le rapport entre le visible et linvisible jusquau paradoxe qui amnelartiste dfinir lart comme ce qui donne voir (1996, p.165). Lart donnant

    galement voir ce qui chappe au regard.

    Le premier exemple de son travail sintitule Exit. Le projet Dachau (1972/1974).

    Pour Gerz, comme pour Primo Levi, le langage musal est marqu dun chec, voire

    dune usurpation quant sa facult de reprsenter la complexit de lhistoire. Le

    muse conduit ainsi banaliser (1994a, p.84) la violence de lhistoire. En rponse,

    son installation reconduit cette exprience dune incorporation silencieuse de la

    violence, dsigne comme violence musale. Lors de la premire biennale de Berlin en1974, Gerz installe dans une salle sombre 20 tables disposes en deux ranges de 10,

    chacune avec sa chaise. Sur chaque table, un dossier contenant les photographies. Des

    lampes fixes au-dessus des tables dispensent un clairage rduit. Une bande sonore

    ininterrompue reproduit le bruit de la respiration dune personne en train de courir. Ce

    son est parfois recouvert par celui des frappes de deux machines crire. Cette

    installationpart de lide que lhistoire relve des faits et que la culture repose sur une

    reprsentation de lhistoire3. Dans ce dcalage, dans cette diffrence, les muses

    3Voir les notes sur le projet Dachau (1974), reprises in Jochen Gerz (1994) : 84-85.

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    inscrivent leur prsence et proposent de penser lhistoire. Mais le langage musal

    oublie ce dcalage, il expose la violence de lhistoire avec une banalit toute aussi

    violente. Reconduire lexprience de lacceptation des ordres et des contraintes des

    visiteurs. Photographie du rglement intrieur du muse: il est formellementinterdit de fumer, damener des chiens, de dtriorer les objets, damener des enfants

    non accompagns, de faire du bruit4. Gerz photographie le dispositif signaltique:

    Sortie, Entre, une flche qui indique la direction pour les Hommes, celle pour

    les Femmes (toilettes). Non recommand aux visiteurs en dessous de lge de 13

    ans, prire de ne pas crire sur le mur. Une porte ferme : Administration. Les

    matriaux rassembls pour le Projet Dachau surexposent la structure linguistique du

    muse celle qui oblitre et prolonge la violence du pass des lieux- et celle du camp.

    Une porte ferme, aucun accs. Comment sortir? Des listes de dizaines de noms.Nom, prnom, origine: Per Andersson, Sweden, Peter Rosberg, Sweden, Mr et Miss

    Stephan Elomli, USA, il sagit du livre dor. Le livre est prs dun mur en haut duquel

    on aperoit en lettres capitales AUSGANG/SORTIE. Les visiteurs de lhistoire

    inscrivent leurs noms, ultime tape avant leur sortie (Ibid, p.115-116). Comme

    lexplique Irit Rogoff : The museum which commemorates the camp, (), is shown by

    Gerz in his project to function along not unsimular guidelines in which the public is

    marshalled, classified and meagrely informed through a sign system of authoritative

    regulation witch equally ends with an exit (1993, p.42). Gerz interroge la structure dela syntaxe musale en tant que structure de classement, dordonnancement et de

    violence : lorganisation linguistique du muse de Dachau et lorganisation linguistique

    du camp de concentration ne sopposent quen apparence; elles se compltent plutt,

    chacune en tant que projet de lautre (1994a, p.85).

    Comment raconter Dachau ici et maintenant? Comment raconter la Shoah?

    Comment sortir de Dachau? Il fallait transformer ce souvenir impossible, transformer le

    camp en muse pour le visiter. Sy promener, signer son nom sur un livre dor, suivre le

    sens de la visite jusquau panneau Sortie. Oublier que les gens ont suivi lcriteauBrausebad (douche) lentre des chambres gaz, comme dernier message de la

    langue. Il fallait oublier cette ressemblance, la ressemblance entre le muse et le camp.

    Le muse est davantage un espace de relgation que de monstration. Ddi

    lexposition de ce qui nest plus, le pass. Montrer ce qui nest plus partir de ce qui

    reste, un reste irrductible que lon conserve, expose et, en mme temps que lon

    enferme, cache (claquemurer, calfeutrer). Donnant des lieux, des tombes lhistoire, en

    4Jochen Gerz, Francis Lvy (1978), voir pp. 44-45, 47, 53, 54-55, 56-57.

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    sparant le prsent du pass. La politique mmorielle de la pierre est travaille par

    loubli.

    Le second exemple emprunt Gerz sintitule Le Monument de Harburg contre

    le Fascisme(Das Harburger Mahnmal gegen Faschismus) ralis en 1986 par lartiste et

    sa femme, Esther Shalev-Gerz, en Allemagne Harburg (banlieue de Hambourg). A sa

    cration, le Monument se prsente sous la forme d'une colonne de douze mtres de

    hauteur recouverte de plaques de plomb vierge. Gerz a invit les habitants les signer,

    signer ce monument contre le fascisme. Le dispositif permet la colonne de

    s'enfoncer progressivement dans le sol de deux mtres par anne. Plus de 60 000

    personnes sont venues signer le monument. Des gens signaient leurs noms, dautres les

    rayaient. Certains sont revenus rinscrire leurs noms. Comme lexplique Gerz: Nous

    avons t surpris par la violence du public. Toutes les signatures taientimmdiatement grattes et rayes par des insultes. Des gens ont tir sur le monument,

    dautres ont utiliss des scies, des couteaux. (GERZ, 1994b, p.45). Peu peu, les

    signatures sont devenues quelques mots puis des phrases (ESTHER SHALEV ; GERZ,

    1994b, p.27). On pouvait lire Nous sommes contre le fascisme, ailleurs, Nous

    sommes pour le fascisme. En 1993, le temps passant, le dispositif d'enterrement est

    arriv terme, la colonne a disparu. Depuis, cette vritable ptition contre le fascisme

    appelle le souvenir par son contraire: la disparition et loubli. Les signataires du

    monument trouvent dans la disparition de la colonne le besoin de raconter sonhistoire, lhistoire du monument se transmet ceux qui ne l'ont pas connu ( ceux qui

    n'taient pas l -pour voir le monument). Ayant signs de leurs noms et aprs avoir t

    littralement enterrs vivants, les signataires tablissent un lien entre eux et lhistoire

    du monument. Cette uvre, en provoquant sa propre disparition fait uvre de

    mmoire. Les gens racontent l'histoire du monument, le souvenir d'une mmoire

    invisible. A l'inverse, les mmoriaux classiques sont vous l'oubli et avec eux,

    l'histoire qu'ils sont censs rappeler. Chacun d'eux pense et se souvient pour nous. Il

    faut aller les voir pour se souvenir. Le monument dlgue le souvenir la mmoire deses pierres, "il concourt ainsi au refoulement qu'il favorise et bnit ; un peu comme si,

    l'instar de ces veilleurs qui parcouraient jadis les rues des villes durant la nuit

    rptant "dormez braves gens !", tout monument disait chaque citoyen, "oubliez, je

    me souviens" (WAJCMAN, 1998, p.201). Ce refus de la fonction monumentale classique

    chez Gerz sadresse, selon ses mots, aux gens qui ont longtemps dit on na rien vu, on

    ntait pas l, lobjet rpond: je ne suis pas l non plus (1996, p.157). Ce qui reste

    dapparent Harburg, cest une inscription ct du Monument dont la dernire

    phrase est: Le jour o elle aura disparu, lemplacement du monument de Harburg sera

    vide. Car rien ne peut se dresser notre place contre linjustice . Cest dans cette

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    diffrence entre lhistoire et la mmoire que le monument est invit tenir lieu (

    notre place) de mmoire. Le lieu de mmoire est aussi ce qui se substitue lhistoire.

    Gerz plaide pour une potique de la disparition de lobjet en sacrifiant sa v isibilit. Il

    sagit de rtablir lhistoire par le rcit, le manque et labsence devenant les modalits

    dune mise en prsence de lhistoire: quelque chose a lieu, quelque chose pose

    question. Dans cette lutte de la mmoire, lanti-monument (Gegen-Denkmal ou

    countermonument ) de Gerz se construit comme souvenir de la disparition: All the

    remains, then, is the memory of the monument, an afterimage projected onto the

    landscape by the rememberer. The best monument, in Gerzs view, may be no

    monument at all, but only the memory of absent monument (YOUNG, 1993, p.32).

    Linvisibilit de la colonne signifie le refus dune thique de la mmoire fonde sur le

    voir au profit dune thique du savoir. Le tmoin et le responsable de lhistoire nest pas

    celui qui voit mais celui qui sait ou doit savoir mme si lhistoire, comme la colonne,

    reste cache, hors de sa vue. Christo met en uvre des dispositifs comparables dans

    son art demballer les monuments. Confisquant leur visibilit aux monuments, il

    questionne le rle que lon fait jouer une mmoire monumentale ptrifie qui refoule

    lhistoricit, un pass sous surveillance que Christo prfre ficeler pour reprendre

    lexpression de Rgine Robin (In GERZ, 1994b, p.55). De la mme manire, Gerz

    congdie lobjet en tant quobjet, le monument en tant que monumen t, comme tenant

    lieu de mmoire: les objets, au fond, nexistent pas, dit-il (1994b, p.11).

    PENSER LHOLOCAUSTE

    Comment les dbats autour de la reprsentation de lholocauste sinscrivent

    dans ce questionnement? Je ne mattarderai pas sur les enjeux dune politique de la

    mmoire lie ce drame dont la littrature abondante et parfois polmique dpasse le

    cadre de mon propos.

    En reprenant la distinction quopre Maurice Halbwachs dans La mmoire

    collective ((1950), 1997) entre mmoire et conscience historique, Peter Novick adfendu lide selon laquelle le souvenir de lholocauste est aujourdhui marqu par le

    primat accord la mmoire sur la conscience historique. La conscience historique

    porte sur l'historicit des vnements, sur les raisons historiques qui expliquent le

    caractrecontemporain- d'un vnement. La mmoire, elle, n'inscrit pas sa prsence

    dans le passage du temps, elle dhistoricise le souvenir et, selon Novick, nie ainsi

    l'appartenance au pass de ses objets en insistant sur leur prsence continue (1999

    2001, p.10). A loppos dune recherche et dune analyse des conditions historiques de

    son apparition et de sa raison, le souvenir de l'holocauste porte sur une mmoire quivient dire et montrer l'vnement, plus que sur des recherches d'explications de

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    l'vnement. Selon Yannis Thanassekos, ce type de rapport lhistoire est typique

    dune musographie postmoderne qui neutralise le pass historique sous figure de le

    raconter. Cette tendance caractrise une socit du spectacle dans laquelle la

    surdtermination esthtique des enjeux musologiques ()expulse le rfrentielhistorique et mmoriel() (1996, p.33-34). Comme si avant de comprendre une chose

    -lie la disparition et au drame- il s'agissait de signifier l'vnement de la chose. A la

    question, comment cela a-t-il t possible, on rpond souvent cela a eu lieu.

    Laffirmation historique du drame, en se soustrayant sa raison historique,

    chappe son historicit, sa conscience historique. Resurgit ici la difficult de

    penser lholocauste. Evnement dont lincommensurabilit dans lchelle de lhorreur,

    fonde une unicit souvent synonyme de limpossibilit de sa reprsentation.

    Limpossible comparaison de ce drame dautres, son unicit, viennent fonder le refus

    de sa reprsentation. Si le secret de la vrit de ce drame rside dans le silence et

    dfie toute connaissance et toute description selon Elie Wiesel (1994, p.123), alors il

    ny a quun pas de plus faire pour rendre la tentative de comprhension rationnelle

    de lholocauste quivalente sa ngation pour reprendre les mots de Norman

    Finkelstein (2001, p.47). Entendons-nous bien sur lenjeu de ce dbat, vitons donc

    toute ambigut inhrente la manire dont cette question de la reprsentation de

    lholocauste se pose trop souvent, ou plutt refuse de se poser autrement. Cest le

    refus de son historicisation au profit de sa commmoration que je tente dequestionner. Pour le dire diffremment, je me demande si le refus de reprsenter ce

    drame ne conduit pas le rendre silencieux, rendre silencieux son souvenir. Cest

    prcisment la tentative de comprhension de ce drame, sa comprhension historique,

    qua entrepris courageusement Raul Hilberg. Son uvre est consacre la recherche

    historique des fondements et des mcanismes de lentreprise bureaucratique de

    destruction mene par les nazis (1988 et 2001). Hilberg tente ainsi de construire une

    mmoire historique de lholocauste. Pour cette raison et comme il lexplique, il opre

    un renversement du point de vue classique en sattachant comprendre linacceptable,autrement dit, le point de vue des bourreaux: Jtais convaincu quil tait impossible

    de saisir la pleine dimension de ce fait historique si lo n ne comprenait pas les

    mcanismes des actes des excuteurs (1996, p.57).

    Ce renversement est central. Si lon prend acte des mots de Hilberg, la

    comprhension de lholocauste ne peut pas faire lconomie dune comprhension des

    bourreaux. On peut penser que cest cette difficult qui a conduit porter la mmoire

    de lholocauste du ct des victimes. Comme le souligne Hilberg, presque tous les

    monuments rigs aux Etats-Unis ou en Isral, quil sagisse dencyclopdies, dinstituts

    ou de muses, ont pour pierre angulaire lattention porte la victime et non

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    lexterminateur(Ibid, p.123). Le processus de d historicisation ne commence-t-il pas

    aussi ici ? Le refus dhistoriciser la mmoire de lholocauste du point de vue des

    bourreaux ne peut-il pas sexpliquer par le refus de donner un visage humain aux

    coupables ? Cest l le centre du dbat qui nous proccupe, linhumanit de

    lholocauste serait venue fonder la difficult de le penser et de le reprsenter. Cette

    tendance a pour consquence de conduire au silence de la mmoire de ce drame.

    Limportance accorde une dfinition de lholocauste attache la perte et non son

    explication est exemplaire dans le cas du Muse Mmorial de lholocauste de

    Washington. Le geste inaugural dentre dans lexposition -et donc dans lhistoire-

    consiste distribuer et assigner chaque visiteur la carte didentit dune victime (et

    non dun bourreau). Ce parti pris du Muse est fond sur lide selon laquelle : To

    facilitate the emotional identification process, it was essential that visitors perceive thevictims as humaun individuals rather than as a mass of dehumanized () (WEINBERG ;

    ELIELI, 1995, p.71). La connaissance de lhistoire est soumise un processus

    didentification individuelle aux victimes en rponse une histoire qui les a dtruites

    massivement et anonymement. Si Auschwitz reste un cimetire sans tombe, la

    mmoire du camp ne peut sy rduire car elle est aussi marque par lhistoire des

    bourreaux. Hilberg, lui, tente galement de rtablir les noms, les logiques et les

    intentions des bourreaux. Dans ce mouvement, il ne nie pas, ni naffaiblit, leur

    culpabilit, mais tente dtablir leur responsabilit au regard de leur historicit. Ladifficult de lentreprise mene par Hilberg explique la rception et la publication

    problmatiques de son travail ses dbuts comme il le racontera dans son ouvrage La

    politique de la mmoire (1996). En rtablissant cette mmoire historique de

    lholocauste, comme entreprise de destruction intentionnelle, Hilberg redonne la

    parole lhistoire. Lunicit de cette catastrophe peut alors snoncer, sans concession,

    dans lunicit de son historicit.

    De lexprience de Primo Levi retournant Auschwitz, on pourrait dire que ce

    nest pas tant la mmoire (pour le coup, soumise un vritable travaildcriture et demise en rcit) qui est absente mais lhistoire qui est toujours prsente. La question de

    la reprsentance na pas lieu, elle ne trouve pas de lieu o sinscrire. Cette impossible

    mise distance de lhistoireet de mise en pass de lexprience concentrationnaire lui

    fera dire dans Les Naufrags et les Rescaps, le difficile cheminement de la mmoire

    face au problme davoir raconter sa propre mort (1989, p.83). Cest en ce sens que

    le muse dAuschwitz rate son objet. En refusant de reconnatre ce muse un juste

    souvenir du drame, Levi vient aussi dire limpossible constitution de cette histoire

    comme objet de mmoire. Quels mots lui viennent pour qualifier cette visite du muse

    dAuschwitz. Ecoutons-les nouveau : Il y a un muse o sont exposs de pitoyables

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    vestiges, des tonnes de cheveux humains, des centaines de milliers de lunettes, des

    peignes, des blaireaux, des poupes, des chaussures d'enfants, mais cela reste un

    muse, quelque chose de fig, de rordonn, d'artificiel. Le camp tout entier m'a fait

    l'effet d'un muse" (1987, p.199). Dans cette dernire phrase, le qualificatif muse

    sert dfinir toute exprience rate de la rencontre avec lhistoire. Le paradoxe musal

    se prcise: si les muses prtendent raconter lhistoire en exposant des objets, ils

    concourent tout autant la construction dune mmoire dhistoricise, fige,

    rordonne, ou enjolive pour reprendre les mots de Levi.

    Les muses refusent souvent la discontinuit du temps en rduisant le travail

    de mmoire une prsence cumulative de ses objets. Leur prsence suture le vide et la

    perte en rparant, en collectionnant des objets comme autant de dnis du temps qui

    passe. Collectionner ce dni et lenfermer dans lespace clos du muse. Leconservateur, quand il nest quun simple collectionneur, se trouve condamn la

    rptition de son geste d'acquisition parce qu' chaque fois il rate son objet. L'objet

    demeure manqu, manquant. La collection multiplie davantage les signes de l'absence

    que les objets eux-mmes. Mon propos ne vise pas rcuser lobjet mais inviter

    rflchir aux modalits daccueil de son historicit. Se pose ainsi la question de savoir

    comment accueillir lhistoire comme ce qui et ce quecontient lobjet. Cette question

    sinscrit pleinement dans cette inluctable scission du voir dont parle Didi-

    Huberman. Scission qui fait que ce que nous voyons ne vaut ne vit- nos yeux quepar ce qui nous regarde (1992, p.9). Cest dans cet entre deux quhabitent lart de Gerz

    et certains muses. Il sagit darriver amener le spectateur questionner ce qui, dans

    sa rencontre avec lobjet, le regarde. Quest-ce qui nous regarde dans lobjet de muse,

    dans lobjet de mmoire ?

    Si la mmoire se conjugue toujours au prsent, cet anachronisme du souvenir

    ouvre au manque n de la rencontre avec lobjet. Lobjet dit quelque chose en mme

    temps quil convoque ce qui lui chappe. Cest ce travail de la mmoire que vise Gerz et

    quil appelle la prsence dun pass ngatif(1994b, p.8). Lhistoire des autres inatteignable en tant que passe- satteint par sa ngativit photographique, comme

    mmoire revisite au prsent. Par ce pouvoir, lobjet des autres- peut devenir objet

    dhistoire -commune- pour reprendre la question de Philippe Braunstein. Un objet

    dhistoire, un objet de questions (HAINARD, 1983, p.2005) et de recherches (CHIVA,

    1997): un objet dont la mise en rcit soffre au musographe et son criture. Cest

    dans la limite de la matrialit de lobjet cet objet impossible- que surgit positivement

    son immatrialit, une immatrialit que je me propose de dfinir par un mot:

    lhistoire entendue comme reste nocturne (DIDI-HUBERMAN, 1992, p.145). Un reste

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    nocturne dont le rveil la conscience donne toute sa valeur la notion de travail de

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