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Notes du mont Royal Cette œuvre est hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Google Livres www.notesdumontroyal.com

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Notes du mont Royal

Cette œuvre est hébergée sur « No­tes du mont Royal » dans le cadre d’un

exposé gratuit sur la littérature.SOURCE DES IMAGES

Google Livres

www.notesdumontroyal.com 쐰

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OEUËVR E SDHOMEREA

TOME VIL

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A

A Paris, chez LAMY , quai-des Augustins;

A Berlin, chez BovnnEAux, et LAGARDE;

A Lyon, chez annusm, et Rossn’r;

A Strashburg, chez TnEuTÈL, etÏes fra-es GAY;

A Vienne, chez AnrAmA;

A Manheim, chez Formula.

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gaga gifla...-n.me a...

Hum

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t L’ o D Y s s É E

DHOMERLAVEC DES REMARQUES;

PRÉCÉDÉE

DE RÉFLEXIONS SUR L’ODYSSÉEET H”.

SUR LA TRADUCTION DES POËTES.Pu M. B x TA u n É , de l’académie royale de Berlin , et de

celle des inscriptions et belles-lettres Ide Paris.

SECONDE ÉDITION.

TO’ME PREMIER.Ecce par Deo dignum . vit fouis mm mal;

faluna compositus. 5mn.

mina x n nm,

A PARIS,E L’IMPRIMERIE DE DIDOT L’AÎNË.

M. Dcc. Lxxxvul.

41 I

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A MESSIEURS.DE L’ACADÉMIE

D B 5

INSCRIPTIONS ET Hum-LETTRES. ’

Mnssxnuns,

SI Homere sortoit du tombeau, ets’il parcouroit encore les pays lesplus éclairés de la terre pour ahane

ter ses vers , il se plairoit à (arrêterau milieu de vous. Sa langue vousest familiere; ses fictions, les pein«turcs qu’il a puisées dans la mytho-logie , l’histoire et la géographie , les

tableaux dont la nature lui offrit le( a ) L’auteur a en l’honneur d’être agrégé Il ce!

illustre corps après la publication de l’odyssée.

l .

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modela , ont été l’objet de vos re-

cherches, et occupent une place con-sidérable dans les archives immor-telles de vos travaux ; vous avez ana-lysé le plan de ses poëmes , les beau-

tés (le la langue grecque, celles, enparticulier, de la langue d’Homere,car ce grand poële semble en avoirune à lui seul; en un mot, vous avezpuissamment concouru à répandrele trésor de ses connaissances, et àfaire sentir les charmes de sa poésie.C’est du sein de votre illustre com-

pagnie que sortirent autrefois plu-sieurs de ses plus habiles défenseurs;

aujourdlhui encore il trouveroit par-mi vous ses panégyristes et ses inter-pretes. Il croiroitvquelquel’ois être au

milieu de la Grece. Que dis-je? tantde travaux que votre juste admira-tion vous a. fait entreprendre pourle pelte de la poésie , son nom sisouvent répété parmi vous , et le tek

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pect dont il vous pénetre , pourroientlui persuader qu’il voit un de cestemples que la reconnoissance tar-dive de la Grece érigea en son hon-neur.

Me seroit-il permis , Mnssxsvns,à moi, son faible interprété, diap-procher de ce temple, et d’orner devotre nom le frontispice de cet ou-vrage?

Mais ce qui enflammeroit Home-re, s’il paraissoit au milieu de vous,est précisément ce qui doit m’initi-

raider. Mérité-je de coopérer aux tra-

vaux que vous avez consacrés à cerare génie? Clcst au moins le but au-quel j’ai tendu, encouragé par l’ap-

probation honorable que vous avezdonnéea ma traduction de l’Iliade, et

par le souhait flatteur que plusieursd’entre vous ont formé, qulelle fûtsuivie de celle (le l’Odyssée , souhait

qui m’a engagé et soutenu dans cette

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nouvelle entreprise. Ainsi cet ou-vrage vous appartient à quelque ti-tre. Il vous appartient plus encoreparles secours que j’ai tirés de vossavants mémoires , et des lumieres deplusieurs de vos membres, dont j’ad-

mire autant la vaste érudition queje prise l’estime et l’amitié dont ils

m’honorent. ’Je suis avec respect;

Messizuss,

votre très humble et très

Berlin , ce to février obéissant Serviteur,

I735. Ennui.

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AVERTISSEMENT.J’avor s résolu de ne point traduirel’Odyssée: j’ai cédé, peut-être témér

rairement , aux sollicitations d’uncertain nombrerde personnes éclai-rées , sollicitations qui peurroientm’enorgueillir, si l’on n’avoir tou-

jours assez de raisons d’être humble.

J’ai donc tenté cette entreprisà, qui

avoit de l’attrait, mais dont je sen.lois toutes les difficultés.

Que le célebre Heyne me pardon-ne un mouvement de vanité, et mepermette de dire à quelques littéra-teurs de sa nation que j’ai en la. sa.tisfaction d’obtenir son suffrage. Ilm’a confirmé que la haine nationale

est une passion indigne d’un vérita-

ble savant. et ne peut même habiteron son cœur.

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lb AVERTISSEMENT.J’ai vu dans les deux extraits de

ma traduction de l’Iliarde, qui for-ment les cahiers IlI et 1V du Journallittéraire et politique de l’Europe,

et principalement de la Suisse, que’M. Chaillet a pris la peine de con-frontercette traduction entiere avecl’original , travail qui marque songoût pour Homere, et qui m’est ho-norable. Je n’ai pas l’avantage de con-

troitre personnellement M. Chaillet;mais il est du petit nombre de ceshommes dont l’ame se peint dansleurs écrits , et avec lesquels on croitvivre lorsqu’on les lit. Je travailloisà la traduction de l’Odyssée , lorsque

je vis ces extraits; ils sont trés’llat-

teurs pour moi: mais, loin de meporter au relâchement. plusieurs ob-servations excellentes qu’ils contien-nent, l’estime si sentie de M. Chailletpour Homere , n’ont fait qu’ajouter

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AVERTISSEIIENT. Ilaux difficultés que j’avais éliminera.

Je lui disois quelquefois en moi-mêqme : Vous que ce poële enflamme,car vous l’avez peint comme un hom-me qu’il inspire, prenez ma plume,»

et won; asseyant sur le trépied, soyezllorgane de ce dieu.

Je témoigne ici ma reconnaissan-tce à (leur savants, MM. (le Leucli-senting et rab-bé H. . . . . qui ont bienvoulu être les éditeurs, le premier,de ma traduction de l’Iliade, et le se-cond, de cellelçle l’Odyssèe. Je parle ide l’éditionqui a précédé celle-ci. On’

est heureux de rencontrer dans sonéditeur un aristarque. La seule plain,le que je’pourrqis donc former, des:que ces messieurs , au lieu de la seuls»fonctionxlléditeux a, n’aient pas quel-

quefois exercé celle de critiques.

M. Dupuisxen rendant compte,dans le Journal des savants, de ma

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u Aven’rlsszuen’r.traduction de l’OdysséeI, a observé

qulen général le ton en étoit tropélevé. Cette critique n’ëtoit pas sans

fondement, et j’ai tâché d’en profi-

ter dans cette édition. Cependant jeniai pas cru devoir descendre ixisqù’à

prendre un style rampant. Un poëlenia pas le ton d’un romancier ordi-naire; on peut dire’avec Desprénux

que , dans la poésie , « le mot leu moins noble a pourtant sa nobles-u se a). Pour donner une limage deliharmonie des vers, il faut bien quele ton soit un peu soutenu. Celui dellOdyssèe, pris dans sa généralité,

niesl pas celui dlune fable diÈsope.Le chantre d’Ulysse passe de la naî-

l vetè à des images, tantôt gracieuses,tantôt fortes et élevées. Longin a (lit

n que ses rêves étoient ceux de Juda piter; qu’Homere, dans sonder-a: nier poëme, est comme le soleil

.1

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avnnrrxsssusnr. 13a qui se couche; que sa grandeur n’asi pas diminué, mais qu’il n’a pas le-

« même feu ni la même force ». Jepuis bien dire que j’ai essayé diverstous pour rendre celui de l’Odyssée.

Comme le ton que jlai pris m’a paruavoir obtenu de l’approbation , jen’ai pas cru devoir trop m’en écar-

ter, tout en profitant de l’observation(Tune critique éclairée.

’ Je n’entrerai pas dans de plus longe

détails sur cette traduction de 1’0-

dyssée; je me contenterai de rappor-ter un petit nombre de passages ti-rés des préfaces de Pope. v

a Je ne puis décider, dit -il ena: parlant de sa traduction de l’Iliadoa et de l’Odyssèe, lequel de ces deux ,

.a poëmes a coûté le plus à Homere;

. 5x mais lal derniere entreprise a été

ha infiniment plus difficile pour son.

a traducteur. a - ’*

1. a

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’14 AVERTISSEIBNT.(c Homere est historien, antiquai-

a: re , théologien, professeur des artsa et des sciences , aussi-bien que poë-a te. Il descend dans un grand nom-e: bre de particularités qu’un poëte(c qui n’eût été que cela seul auroit

a: évitées. Son traducteur doit le sui-

une dans ces détails; et tout cea: qu’on peut exiger de lui, c’est de

a: rendre chaque sujet aussi poéti-oc queutent qu’il le comporte. a

a: Une traduction toujours littéovu rale seroit obscure et insupporta-« ble: mais souvent le seul moyenc de rendre les beautés d’Hornerç

.a est de s’écarter peu de la lettre.c: On ne doit prendre que la libertéa nécessaire pour transmettre l’es-

: prit de l’original, et soutenir laa; poésie du style; et j’ose dire qu’on

a: ne s’est pas moins égaré par le soin

a trop servile d’une copie littérale.

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avan’rrssnunnr. 1.5ia. que par la chimérique audace deu rouloir embellir cet auteur. Le feua: du poëte est ce que le traducteura doit principalement conserver, eta qui risque le plus de s’éteindre en

c ses mains. a ,a: Quel que soit le bonheur den: son travail, il ne doit espérer doa: plaire qu’à ceux-lé seulement qui

a réunissent le véritable goût de la

u poésie au savoir nécessaire poura: lire cet auteur. Satisfaire ceux quia! manquent de l’une ou l’autre de

si ces qualités, n’est pas dans la na-

a: ture de son entreprise. Un bel es-k prit uniquement IODIRNE nea: goûtera que ce qui est IODBBRI;a: un pédant ne goûtera que ce quia est nunc. a.

Je n’ajoute ici qu’un mot sur cette

nouvelle édition de ma traductiond’Homere. Par respect pour le public

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’36 avili-1135311337.qui l’a honorée de son approbation ,

j’ai cru devoir la confronter encoreavec l’original.Comrue cette confron-

tation sera. certainement la derniers,et que les éditions suivantes serontentièrement conformes à celle-ci, j’y

ai apporté l’attention la plus sévere.

Je n’ai pas négligé la partie du styla,

«j’ai fait disparaître des taches qui

n’avaient pas échappé à l’attention.

des gens de goût, Enfin j’ai écarté de

mes remarques tout ce qui m’a paru.inutile; et je l’ai remplacé par desobservations qui ont été le fruit de

nouvelles recherches. On trouve, àla fin du sixieme volume, deux dis-sertations qui n’avoient point encoreparu , l’une sur l’unité du plan del’IIiade, et l’autre sur les allégoristes,

et en particulier sur le quinte deaux qui allégorisent le: sujets de»!même: d 710mm

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AVIITIIIIXII’I’. IfI On prétend avoir trouve le tom-

beau de ce poëte. Je me contenteraide rapporter à ce sujet le peseegeeui-nnt lire du dictionnaire de M. Sab-bathier, tome 21.

a: Le tombeau d’Homere. que tant

a de voyageurs ont cherché vaine-: ment dans l’isle nilles, a été enfin

a: découvert, il y a deux ou trois une,

a: par le comte de Grunn, officiera: hollandais, au service de la Rus-a: oie, qui a visité différentesiielee de

c: l’Archipel. C’est un sarcophage de

c quatorze pieds de long et de qua-: tu! de large, compose de si! piana res , sur l’une desquelles est gravée

e une inscription grecque. C’est pro-

u bablement la même qui est rep-en portée par Hérodote, et qui, sui-

c vent cet historien, fut mise sura le tombeau d’Homere long-tempec aptes sa mon. Le squelette do ce

a.

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18 vanrrssluxnr.a poète célebre a été trouvé assis

a dans l’intérieur; mais la premiere’

a impression de l’air extérieur l’a fait,

a: tomber en poussiere. Cette attitu-a: de est remarquable, car c’est ainsia que sont reprAsentéeeî sur la plu-a: part des pierres sépulcrales les per-« sonneslqu’elles couvroient. Cette« circonstance prouve aussi que l’usa: sage de brûler les morts n’étoit pas

a généralrdans la Grecei On a trouvé

a: dans ce tombeau un vase de mar;« bre, que le comte de Grunn ap-a pelle une écritoire; une pierre lé-« gere de forme triangulaire , qu’ilse croit être une plume pour écrire;a et un stylet fait de la même pierrea qui coupe le marbre; il regardea cette derniere pieceioomme un ca-:pnif propre à tailler la plume. Celaa prouveroit que les Grecs avoienta l’usage de l’écriture dès le temps

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AVERTISSEMENT. 19ç: d’Homere , et confirmeroit la con-

a jecture de feu M. Freret sur l’an-«c cienneté de cet art. Il y avoit dans

a: le sarcophage plusieurs petites sta-r: tues ayant au dos des inscriptionsa qu’on n’a pu lire. n

. Je n’ai point mis d’arguments à la

tête des chants, pour conserver au.lecteur l’intérêt, et le plaisir de la.

surprise. Ceci me rappelle une anec-dote que je vais rapporter. Un de’mes amis , et qui a été lié particuliè-

rement avec J. J. Rousseau , M. Dus-saulx, m’a dit que cet homme illus-tre à si juste titre, mais d’un com-merce difficile, s’était brouillé sans

retour avec feu M. l’abbé de la Por-

te, parceque celui-ci, qui avoit bienvoulu se charger de publier une édi-tion de la nouvelle Héloïse, avoit enla témérité de mettre des titres à

chacune des lettres qui forment ce:

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se avxnrzssaueirr.ouvrage. La premiere fois que Rous-seau s’apperçut de cet outrage , il

entra dans une telle fureur, quoi-que le livre ne lui appartînt pas ,qu’il en lit justice sur le champ, enécrasant sa plume pleine d’encresur tous les titres qui frapperont saregards.

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RÉFLEXIONS

SUR

L’ODYSSÉE.

J ’ar déja. parlé du plan de l’IliadeI

mais il ne sera peut-être pas superflud’en présenter un tableau raccour-

ci, avant de tracer celui de l’Odysc

sèe, auquel il pourra servir commede pendant., Un héros, outragé par son chef,

et animé d’un noble courroux, s’en-

ferme dans sa tente , et se tientéloigné des combats. Durant cetemps , la victoire abandonne l’arcruée qui, depuis neuf ans, s’occupe

de la destruction d’un empire, en.treprise dont dépend l’honneur desa patrie. Le général, ouvrant les

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a: nèrnsxronsyeux sur sa faute, députe au héroscourroucé lespriucipuux chefs pourréparer cet outrage, et lui offre demagnifiques présents. Le héros, qui

est fier, persiste dans son courroux 3il ne se rend pas, quoique l’arméeessuie de ’nouvel’les’défaitès et tou-

che a sa perte entiere. Mais cet homvnie inexorable a un ami; cet amiverse devant lui des larmes; il ne luidemande que ses armes, et la par.mission d’aller combattre en sa pla-ce. L’éloquence touchante de l’ami-

tié a plus de pouvoir que l’interces-*

sien des généraux et tous les pré-

sents. Le guerrier irrité donne sesarmes a cet autre lui-nième; mais illui défend de combattre le chef del’armée ennemie, parcequ’il craint

pour les jours de son ami. et qu’ilse réserve en secret l’honneur de ce

combat. Vaine défense , la valeurseule est écoutée; on rapporte au

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son .L’onxasân. a3héros son ami mon; ses armes sontla proie du vainqueur. Alors le hé-ros, livré au plus vif désespoir, sedétermine à combattre, reçoit unenouvelle armure de la part d’unedéesse. Animé par la gloire, par l’a-

mitié et par la vengeance, il faitdes prodiges de valeur, ramone lavictoire dans le camp, tue le vain.queur de son ami: honorant celui-cide superbes funérailles , il s’aban-

donne à la violence de sa douleur,exerce une vengeance même atroceIur le cadavre du chef qu’il a privé

de la vie; mais fléchi enfin par leslarmes du pere de ce chef, il s’adon-

cit, et lui rend ce cadavre. Cepen-dant l’effet de ses exploita est la chine

dlun empire.Voila une légers esquisse du plan

ide lillilde , [même qui a fait les dé-lices d’un grand nombre de sieclesl,

et que, de ne: jours , quelques lita

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24 RÉFLEXION!térateurs trouvent dénué de plan etd’intérêt ’.

L’Odyssée ouvre une autre scene.

Il suffit de jeter un coup-diœil surle sujet de ce poëme pour voir quele plan en est vaste , bien ordonné,et rempli d’intérêt ’.

Un roi, cédant aux motifs les plus

forts . quitte sa patrie pour une ex- ipédition longue et périlleuse. Après

s’être couvert de gloire par uneconquête importante, il s’embarque

pour retourner dans sa patrie et y

(l) . . . Éva. à No frai un ÆXÆtËV

Nina" flambai rima-z: Æ sa Serena: invar.hune. CHANT Il.

Nestor, dans ce passage , dit à Agamem-non qu’on ne doit pas fairenttention à unou deux guerriers qui se séparent de l’ar- lmée , et qu’ils ne parviendront point à leur

but.(a) J’emprunte à Pope les principaux

traits de l’esquisse de l’Odyssée. ’

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son L’onvssi’zz. 25ramener ses compagnons: mais lestempêtes l’en écartent , et le jettent

en plusieurs contrées qui diffèrentde mœurset de gouvernement. Tousses compagnons, malgré les avis qu’il

leur donne, périssent par leur pro-pre faute. Il se voit seul: porté dansune isle écartée, il semble n’avoir

aucun moyen d’en sortir. Cependantl’anarchie regne dans ses états; ils

sont livrés à de nombreux usurpa-teurs , qui consument ses biens , tra-ment la mort de son fils, et veulentobligerla reine son épouse à prendre

un autre époux. Le retour du roiparoit impossible , on ne l’attendplus; dût-on le revoir, tout sembleperdu pour lui. Enfin il revient pardes moyens surprenants , caché sousun déguisement ingénieux, auquel

ses ennemis, et même ses longuesinfortunes , le réduisent. Par-là il a. le

temps de se faire connaître au:

s. 3

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26 nÈPleloNSsiens, et de mettre tout en œuvrepour vaincre les plus grands obsta-des; on voit un combat entre laprudente dissimulation d’un seulhomme et l’aveugle insolence detant d’usurpateurs. Sans autres res-sources que sa valeur et sa pruden-ce, il triomphe de tous ses ennemis,et ramene le calme et la paix dansses états.

Homere est le seul poëte épiquequi ait enfanté avec un grand succèsdeux poëmes d’une longue étendue. ’

La grandeur et la force de son génie’brillent d’autant plus que ses plans

sont réguliers, que ces deux poèmessont d’un genre tout différent , que

chacun eût suffi pour immortaliserson auteur, enfin qu’il a eu beau-coup moins de secours que d’autrespoëtes épiques, dont la plupart sesont illustrés en marchant sur sestraces.

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son L’onvssàz. 57Dans l’Iliade. il est le chantre de

la valeur et de l’amitié; dans l’Odys-

sée. il est celui de la sagesse. A l’o-

rigine des connaissances humaines,les poëles étoient les seuls philoso-phes. Homere raconte qu’Agamema

non , en partant pour Troie, laissa à.sa lemme Clytemnestre un poëtopour lui inspirer l’amour de la vertu,

et qu’elle ne commit aucune faute,tant qu’elle eut auprès d’elle cet ami

des muses. Homere , a-t-on demandéici. ne se seroit-il donc pas proposélui-même un but moral, soit. dansl’ensemble de ses poëmes, soit danl’

un grand nombre de leurs parties?L’Odyssée, plus encore que l’I-

liade , en porte l’empreinte. On atoujours cru qu’elle étoit l’ouvrage

de la vieillesse d’Homere; la matiere

du poëme annonce au moins la ma-turité de l’âge. L’ame de ce poète.

après avoir fait des tableaux animés

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:8 aèrLaxroflnsde tant de combats , semble se repo-ser avec plaisir dans un îsujet plusdoux et plus calme. Le héros de l’I-

liade est plein de fougue lises pas-sions ont quelque chose de sublime,mais il est emporté par elles en plu-lieurs écarts : il est malheureux parles l’au tes ; mais il a tant de grandeurqu’on seroit tenté de limiter. Le hé-

ros de l’Odyssée suit des principesréfléchis, sait vaincre ses passions.

Toujours pénétrant, il prévoit lesmalheurs, et sait en triompher: c’estun sage. Il n’est guets de situations

dans la vie, ni de relations . pourlesquelles l’Odyssée n’offre quelque

précepte, tantôt direct. tantôt mis

en action. Bois et sujets, pores etenfants, maris et femmes, maîtreset serviteurs , tous y trouvent des le-çons z présentées sous des formes dif-

firentes , elles sont appropriées àtous les esprits ; c’est comme un

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au! Llonrssiln. 39cours de morale, enrichi des orne-ments de la poésie. Si llon a donné

par dérision à Homere le titre debon, le ton naïf qui regne dans cepoëme , et qui accompagne les leçons

qu’il renferme, peut faire donner aupere de la poésie ce titre par le cœur;

il ne se trouve pas toujours à un;de celui de grand : Homere le partageavec ce LaFontaine chéri de tous le:lecteurs, et avec lequel il a, dans l’O»

dyssée , quelques traits de ressem-blance.

Lilliade est le poëme (les prince:et (le: rois; il leur présente une iln-pomune maxime dans l’exemple desujets qui périssent par la faute deleurs chefs : Delirant rages. LlOdys-sèe est le poème des peuples et desrois : il montre le courage et toutesles ressources d’un grand hommeluttant contre l’infor’tune; il annon-

ce aussi les malheurs où les sujet.3.

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8o ternirionspeuvent être entraînés par leur folle

imprudence. C’est l’Odyssée qui a

fait enfanter ce poëme de l’immortel

Fénelon , Télémaque , plus moral

encore que son modale. Horace, dontl’Odyssée paroit avoir été le poëme

flvori, l’a principalement caractéri-

sée quand il a dit que la philosophied’Homere est plus claire et plus utile

que celle des philosophes mêmes.Selon Aristote et d’autres criti-

ques, le héros d’un poëme ne doit

point être un homme parfait. Le hé-ros de l’Odyssée est au moins très

voisin de la perfection. Le poëte cou-le fort légèrement sur les sentimentsque Calypso inspira à son hôte. Ulysose codeur-il aux desirs de Circé? des:

pour obtenir la délivrance de sescompagnons. et par l’ordre de Mer-cure. Il est fort dissimulé: mais clest

toujours la prudence qui le dirigelorsqu’il recourt à la ruse; il sait,

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skuh’ n’a à fsïs’ii. 3b

quand il le faut, de lôyer sa valeurJLa ’léngeance qîilil tire des usurpad

teurs de ses états est Ëenible; maisquelle vengeance est plus Brûlée sur

la justice! ’ iChacun sait que le plan (le 1’00

dyssée est différent de celui de l’I-

liade; qu’ils sont appropriés l’un et

l’autre à la nature de leur sujet; quel’action de l’Ilisde, ne durant que

peu de jours, amenoit naturellementun récit non interrompu, et dontlamarche générale est plus conformeà celle de l’histoire. L’action de l’O-

dyssée embrasse environ huit années,

et un plus grand nombre d’événe-

ments principaux que l’Iliade; le r6-

cit en eût donc paru long, languis-sant, et eût offert de la confusion,si Homere l’eût commence depuis ledépart d’Ulysse des rivages de Troie.

et eût suivi le fil des aventures de cechef: L’art qui peloit avoir été ins-

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32 néanxt-ons[me à Homere par la nature, a étéadopté par tous les poètes dont l’ac-

tion épique dure un temps considé-

rable; cet art, en plaçant le lecteurtout près du dénouement. le trom-pe en quelque sorte, prévient sonimpatience, sa langueur, et lui faitsaisir d’une seule vue tout l’édifice

diun grand poëme. Mais je ne parle(le la construction du plan de l’O-dyssée, que parcequ’elle me conduit

à approfondir un peu cette question.savoir, si Homere, en effet , aconçule plan (le ses épopéesttel que nousle posséderas.

On ne.cessera pas (le demandersi nous sommes bien assurés qu’Ho-

mare soit l’auteur de tous les chantsqui composent ses deux poèmes, ets’il avoit conçu le vaste plan qu’ils

présentent.

Je n’ajouterai rien de particulieratout ce quiaété dit sur la premiere

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sur 5’ o a x’s-s i a. 331question. Quant a la’secon’tle’, on ad

peut l’éclalréir sans répandre ’un’

nouveau.er sui-scelle qui aïd’aliord’

été éno’néée; tsar, si vampions

qu’Homeîe-a’rconçù’le plait de ses

poërnes; il devient toujours plus pro-lhabla- qulîl. est l’auteur des diverdmorc’eàux qui les composent.

Il suffiroit de dire ici qu’on nepeut comprendre que divers chantseussent formé, sans qu’on en eût ou

le dessein, deux plans où il y a beau-scoup (le régularité. Il seroit déjainoui qu’un seul poëme fût né de

dette manière: mais qu’on en et:enfanté deux par’l’ell’et du hasard.

je pense qu’il n’est pas nécessaire de

recourir aux calculsdeses jeux peutldissiper cette absurdité. Lehttéraâ

teur qui accorderoit tant au hasard;imiteroit en petit une rêverie desathées. chantée par Lucrece. l

Homere avoit composé ses ouvra.

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34 statuerionsges dans l’ordre où nous les possé-

dons; ses chants sont unis l’un à,l’autre, mon seulement par la liaison

des choses, mais souvent par (lesliaisons marquées ’. Le chicaneurle plus obstiné conviendra que cespolîmes offrent au moins de trèsgrands morceaux dont les partiestiennent ensemble d’une maniere in-

time. Si Homere a su ordonner sibien ces grandes masses, pourquoin’auroitvil pas ordonné le tout? Ledébut de l’Iliade, comme de l’Odys-

née , annonce tous les chants qui sui.»

vent le premier, et qui n’en sontque le développement.

Mais supposons qu’Homere eûtcomposé ses poëmes. ainsi qu’il les

chantoit , par morceaux séparés : iln’est pas douteux , puisqu’ils l’or-

(i) On snit que longtemps ces poëmesne furent pas divisés par chants.

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lux L’annuaire. 35ment un ensemble , qu’ilisuivoit ,parl’instincz du génie. un plan dont

résultoit une belle ordonnance, c1-pable de contenter ses auditeurs. Parexemple, s’il leur avoit chanté la.querelle diAgamemnon et d’Aclxil-le, il étoit naturel qulils voulussenten connaître les suites, et savoir sices deux chefs (étoient réconciliés.

Or, voilà tout le plan delllliade. Lemême desir qui animoit ses midi--teurs devoit ranimer lui-même dansla composition de ses vers. liât-il.traité séparément et sans ordre cha-

que partie de ce plan, il nien’est pasmoins vrai qu’elles ont une étroiteliaison qui guidoit le poële lorsqu’il

sembloit être inspiré par sa muse.L’ordonnance générale du plan (le

l’Odyssée offre une régularité plus

frappante encore que celle du plan.de lilliade, et il est impossible dedouter qulHomere ne l’ait conçut

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36 nâvnsrto-nstelle que nous la possédons. C’est

ce que je vais prouver. Dès le début,

Homere annonce qu’il va chanterles courses d’Ulysse. Que fait-il en-suite? amene-t-il d’abord son héros

aur la scene? Non z il nous trans-porte àIthaque; et peignant les dés-ordres qu’y commettoient les pré-tendanta , il montre Télémaque sepréparant à partir pour chercher sonpere; Minerve lui a dit d’exécuter

ce projet des le lendemain. Leschants suivants nous représententce jeune prince à Pylos et à Sparte.Le poëte a-t-il oublié son sujet? point

du tout. Mais ce n’est qu’au cin-quieme chant qu’Ulysse paroit sur la.

scene z son arrivée chez les Pliéa-ciens, ses récits, son retour dans sapatrie , développent le sujet princi-pal du poëme , sujet annoncé de:rentrée . et que termine ce retour.Ainsi, ce qu’on n’avait pas encor.

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aux fournée. 37usez fait nantir, l’Odyssée annonced’une maniere palpable qu’Homere,

en chantant Ulysse, a conçu ce vasete plan. Dans le début même , ilparle, et de la cause qui fit périr lescompagnons d’Ulysse, événement

qui est placé environ au milieu du.pagine , et des peines et des maux quiattendent ce chef dans son palais,dont le récit termine l’Odyssée.-

Il ne reste plus qu’à dire que luéditeurs d’Homere , en réunissant lel

morceaux épars de ses poésies, ontcomposé les liaisons. On ne disconàvient pas qu’il n’y ait eu des versd’interpolés par l’ignorance ou l’inat-

itèntion des copistes , ou par quelqu.autre circonstance; mais ces inter-polations n’ont pu être considéra-bles, et n’ont pas échappé a l’œil de

la critique.D’ailleurs , quel motif dut animer

un éditeur d’Homero? n’est-ca pal

a. 4

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58 nàrnaxtousson admiration pour ce grand génie?

Ce motif lui eût-il permis de tou-cher a sés ouvrages? Rappellons-nous

le trait de ce peintre qui laissa unelacune dans le tableau d’un grandmaître , plutôt que d’y toucher. Jeme persuade qu’un éditeur d’Ho-

ancre devoit être animé du mêmerespect. Quelqu’un a-t-il osé remplir

les lacunes que nous voyons dansbeaucoup d’endroits de l’Énéide? Un

esprit médiocre feroit ces supplé-ments avec trop de mal-adresse pourqu’ils ne fussent pas remarqués; un

homme a talent respecte un si grandmodelet.

(a) Il est dit, dans la bibliotheque deFabricius. que les poëmes attribués à Ho-mme furent d’abord composés en Égypte,

qu’il ne lit que les compiler et les retou-

cher. Tous les bons critiques pensent queces faits ne reposent sur aucun fondement00Mo: mais je mais qu’ici la meilleure ré:

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son L’onvssiie. 39Homere est de tous les écrivains

celui qui eut les éditeurs les plusconnus, les plus habiles et les plusnombreux. Quels noms que ceux dePisistrate, Aristote, Aristarque, etplusieurs autres ! L’attention queces savants critiques ont donnée autexte d’Homere est telle , que nous

connaissons les endroits que plu-sieurs d’entre euxzont rejetés . ouqui leur ont paru suspects, et mêmeles raisons qu’ils en alléguoient.

Je suis très curieux de voir com-ment s’y prendra un critique mo-derne d’Italie pour revendiquer a

futntion doit être tirés d’Homere même:

Y a-t-il rien de plus original et de plus cou-v lant que ses vers?et ont-ils la moindre 3p.

parence d’avoir été corrigés et compilés?

Je ne doute pas cependant que quelqueérudit moderne ne fasse revivre cette l’a.

laie, s’il en a besoin pour étayer un sysn

ténue. 4 . I

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le nésasxsonsson pays les ouvrages d’Homere, etpour prouver, comme il l’a. promis ,qu’ils ont été composés dans la

grande Grecs par des prêtres, disci.pies de Pythagore. L’amour de la.patrie a beaucoup de force s’il a faitnaître une telle assertion.

Voici la seconde considération oùm’engage le plan de l’Odyssée. L’I.

liade, prise en général, est un récitcontinu qui ne s’écarte pas de l’or.

dre des temps. Hornere pouvoit sui-vre la même marche dans l’Odys-

les z mais il a encore assez de forceet." de chaleur pour proportionnerson plan à. l’étendue de son sujet,pour en créer un qui soit d’une or-

donnance plus hardie en même ,temps que plus savante , pour se je.ter, dès l’entrée de son poëme , tout

près du dénouement, afin d’éviter

la langueur d’une marche longue etuniforme. Il n’a pas fallu aux poêla

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lux fourguât. 4lqui lion! suivi un grand effort pour.limiter à cet égard. Je ne sais si jeme trompe, mais il me semble quece plan seul montre que celui qui.en est le créateur devoit avoir en-core beaucoup de feu; or, rien neporte à douter que l’invention nier!"

soit dueà Homere t -Après ces réflexions générales sur

le but et le plan de liOdyssée, en-trons dans quelque discussion parti-culiere sur la nature de ce poëme.Jevais citer le jugement qu’en a’porté

Longîn. -a Ce poëme , dit-il, montre com-

« ment un grand génie , en vieillis-u sant, se complaît aux narrations eta aux fables; car il est facile de prou-

(1) Ce qui peut confirmer ma pensée,c’est qu’Homere ne paroit pas avoir conçu

les plans de ses poèmes par une médita-tion tranquille des regles de Part, mais patl’inspiration du génie.

4.

r

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’4’ n i. r x. a x r o u aa: ver que llOdyssée a suivi l’Iliadeu

a: Homere, dans son dernier poëme,u est comme le soleil qui se couche :c sa grandeur n’a pas diminué; maisJ! il n’a pas le même feu ni la même

a force. Ce niest plus le sublime den l’Iliade, ce feu , cette rapidité en-

; traînante, ce combat des passions.a Mais Homere , ainsi que l’océan.

a dans le reflux , est encore grand«lorsque son génie semble perdrea: de sa vigueur; il ne faut pas ou.a blîer, par exemple, sa descriptiona de la tempête. . . Il est même granda: dans le temps qulil s’égare en lon-

g: gues narrations et en fictions in.a croyables; c’est ce quloffrent le.x aventures d’Ulysse chez le Cycle»

a pe, et d’autres endroits. Il est ena rivé à la vieillesse, mais c’est laa vieillesse d’Homere; il produit des

ne rêves, mais ce sont des rêves dea Jupiter. Je veux montrer seules

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Inn fournit. 43l: ruent que les grands poëtes , lors-se que leur génie vient à manquer dea force et de feu pour le pathétique,a; peignent des mœurs, etc. a

Le Bossu, diantres critiques, etPope en particulier, ont discuté l’as-

sertion de Longin. Voici un précisde leurs observations.

Longin dit avec raison qulil y aplus de sublime dans l’Iliade quedans l’Odyssée. Il reste à savoir si

ce dernier poëme nies: pas d’un.genre tout différent; et , à cet égard,

ce grand critique semble n’avoir pas lrendu assez de justice à Homere. Sice poëte s rempli les conditions quedemandoit son sujet, liOdyssée estaussi bien un chef-d’œuvre que YI-

liade.Homere n’a pas voulu que ces

deux poëmes se ressemblassent :quoiqu’il eût déja tracé dans lilliuda

le caractereid’Ulysse , il le présente

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44 noérnnx10nsdans l’Odyssée sous un autre pointde vue; ce nies: pas dans tout l’é-clat de sa gloire, mais dans l’ombre

de la vie commune, avec un mé-lange des qualités nécessaires pourles incidents quielle ’amene : il leprésente se débattant contre rinfor-

tune, et le place souvent au niveaudu moindre des hommes. Les autrespersonnages ne sont pas au -dessusde la haute comédiezCalypso, quoi-que déesse, est intrigante; les pré-tendants ont le même caractere; ce-lui du Cyclope , de Mèlanthe et (Il.rus , est du genre comique et mêmeburlesque. Liamour, les banquets,les danses et les jeux occupent ungrand nombre des scenes de cepoème. i

Le style est approprié au genre.L’Odyssée n’a. pas toujours des vers

vmajestuoux; on y voit quelquefoisde la dignité , mais elle. prend son»

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aux Lionrssée. 45vent le ton du dialogue convenableà la comédie.

Il peut y avoir de la beauté, mé-me dans la représentation naturelled’une action commune. Virgile etd’autres poëtes en offrent des exemo

pies. Dans l’histoire, le récit toutsimple diévénements ordinaires, etmême pris de l’intérieur de la vie

domestique, est souvent ce qui faitla plus vive impression.- Ce qui a paru indiquer la déca-dence de l’imagination diHomereprouve la force de son jugement etl’étendue de son génie, devoir choisi

ce sujet. et diy avoir proportionnéson ton et son style : car, eût-il com.posé l’Odyssée dans sa jeunesse, et

l’Iliade dans un âge avancé , ces deux

poëmes auroient dû être exactementce qu’ils sont. Blâmer Homere du

choix de ce sujet, seroit se plaindrede trop de variété.

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46 n à n L B x x o N sIl y a bien peu de poëles qui aient

su descendre comme Homere; il estdifficile de conserver, en cette oc-casion , liaisance et une sorte de diusuite ,, comme il est difficile à unprince d’être familier sans rien per-dre de sa grandeur. On imite plutôtle style sublime que le ton naturel etnaïf. Celui-ci ne siégare jamais dansles nuages , il est à la portée de tousles esprits; et des qu’il n’est pointapperçu, il n’existe point. Homere ,

loquuiil prend le ton le plus fami-lier, est toujours abondant, aisé,coulant et harmonieux. Disons plus;il ne montre pas moins djinventiondans les plus petites images que dansles grandes. Le génie qui a donné le

plus parfait modela du sublime, estle même qui a su donner à un genreplus simple sa perfection.

Homere, dans llOdyssée, slélevo

cependant quand la nature du sujet

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sur! L’ourssèe. 47le demande; ce qui confirme queson génie n’avoit pas baissé, mais

qu’iln’en suivoit pas moins l’im-

pulsion qu’il n’écoutoit les loix du

goumL’Odyssée, à quelques égards ,

l’emporte sur l’Iliade: non seule-

ment les fables et les mœurs y sontplus instructives; mais il y ragueplus de variété; on y trouve moinsde répétitions. Les narrations n’en

sont pas plus prolixes et ne marquentpas plus la vieillesse que bien desdialogues de l’lliade. Quel est celuiqui peut lire l’Odyssée sans y voirie.fécondité de l’invention, le riche co-

loris , la force et la vie des images etdes descriptions , la variété du nom-bre et de l’harmonie? L’Odyssée est

une source intarissable de poésie,ellen’est pas moins pleine pour êtredouce et agréable.

Homers, dans l’Iliade, est un

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48 RÈ’ELIXIONIfleuve qui tonne, écume, tombe encataractes , roule à travers les rocs etles précipices ; il frappe et étonne :dans l’Odyssée, c’est le même fleuve

qui coule tranquillement à traversde beaux vallons et d’agréables pâ-

turages.Si Longin a jugé l’Odyssée avec

un peu de sévérité , des critiquesaussi habiles que lui n’ont fait au-cune distinction entre ces deux poë-xues. Aristote les nomme constant-ment avec les mêmes éloges , et tirede l’un et l’autre ses exemples. Ho- .

race marque de la prédilection pourl’Odyssée: il est si peu de l’avis de

Longin, qu’il loue ces fictions, et cetableau des mœurs, où le précepteurdu. sublime voyoit l’empreinte de lavieillesse d’Homere; il appelle ces

fictions miracula speciosa. ,.A ces observations qu’on oppose à

Longin , on peut ajouter les réfle-

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tout tournas. 49lions suivantes. On trouve , danstous les endroits de l’Odyssée quien étoient susceptibles , cette entraî-nante rapidité qui caractérise l’lliade;

ces endroits ne sont pas en petit nom-bre. On reconnaît presque par-tout:le poëte dont Horace dit z Semperad avenus»: festine. Il est reman-quable qu’Horace dit ceci en parlant:de l’Odyssée. Je ne disconviens pas

que dans ce poëme, au milieu de fa-bles charmantes et instructives , iln’y en ait quelques unes qui nousparoissent absurdes. On l’attribue à.la vieillesse d’Homere; je l’attribuee

rois plutôt à l’enfance du monde.Homere, dans l’Odyssée, ne peint-

îl, comme le dit Longin, que desmœurs , et n’est -elle qu’un tissu de

narrations? Ce poëme offre un grand

nombre de scenes attendrissantes. Jene veux point parler des périls où lehéros est exposé dans ses courses et-

. s. i 5

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5° nérnsxsonsdans son palais même. Que de situa-tions pathétiques n’amenent pas lescourses de Télémaque, l’arrivée d’U-n

lysse chez les Phéaciens, son départ

de leur isle, son retour dans sa pa-trie, et ce grand nombre de recon-noissances où brille la fertilité dugénie, puisqu ’elles sont si variées , et

qu’il n’en est aucune qui ne soittouchante! Il n’y a pas jusqu’à la

reconnaissance d’Ulysse et de son. chien qui n’émeuve le cœur.

Enfin chacun s’appercevra qu’il re-

igne beaucoup d’intérét dans l’Odys-

lés, intérêt qui paroit être plus con-

tinu que celui de l’lliade, et devoirêtre senti par un plus grand nombrede lecteurs. Elle n’est donc pas ,comme semble l’avoir pensé Longin ,

un tissu de narrations fabuleuses ,et le poëte ne s’y borne pas à pein-dre des mœurs ’.

(0 Suivant W8, la peinture du

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son foutues. 5lL’Odyssée est le poème de toutes

les urnes sensibles. Quelquiun a dit:On admire l’Iliade, on aime 1’04”45

de. Un homme d’esprit l’a fort bien

définie, une épopée domestique. Ho-

mere y peint ses héros dans l’inte-

mœurs indique la décadence du génied’Homere. Mais leur tableau en troît natu-

rellement dans le plan de ce poème, qui(l’ailleurs n’est pas dénué d’invention. Co,

tableau bien exprimé concourt à dévelop-

per des cal-actons. Il fait aujourd’hui undes charmes de llOdyssée; il est non seu-lement piquant, mais instructif; on Admire

v l’art avec lequel Homere u saisi et repré-

senté les diverses coutumes de son siecle., c’est un grand mérite à un poëte que de

savoir les adapter à son sujet. Il sembleque leur peinture indique un coup-d’œilphilosophique et même poétique, plutôtque le décadence du génie ; vu que cepoète les identifie, si je puis ainsi dire,nec un sujet intéressant, et ou son une.[imüm n’est point lutée oisive.

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5: nirnsxron’srieur de la vie privée, après les avoieproduits sur un théâtre brillant; onpourroit dire qu’il est tourna-tour leTite.Live et le Plutarque des poëtes.Clestniusi qu’il produit des tableaux

finis de ses personnages: on les con-naît mieux après avoir, pour ainsidire, vécu avec aux dans le sein deleurs foyers. Si l’Odyssée est le fruit

(le la vieillesse, elle peut la rendrerespectable et la faire chérir.1 Le jugement de Longin sur 1’0.dyssée a été suivi par bien des criti-

ques; ila eu une influence marquée;plusieurs savants ont même enchérisur ce jugement z l’opinion d’un si

grand critique méritoit quelque dis.cussion. Mais aujourdihui les deuxpoëmes diHomere ont une destinéedifférente , et l’Odyssée a plus de

partisans encore que lilllade, Il fautl’attribuer peut-être à. la philosoqphie, qui semble avoir affaiblisl’adv.

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son L’onvssùs. 53miration qu’on avoit pour les con-quérants : la peinture des combatsest moins qu’autrefois du goût de

tous les esprits; bien des lecteurssont révoltés de la férocité des hé-

ros de l’lliade , de la partialité tropmarquée qu’Homere y montre pourles Grecs. L’Odyssée suroit-elle un.

intérêt et un charme qui manquentàplusieurs parties de lilliadePLe tonde l’Odyssée, qui est en général ce-

lui de la haute comédie, et qui ap-proche ses acteurs du plus grandnombre des hommes , est par celamémé plus intéressant pour euxqulun ton soutenu et élevé. Elle estplus féconde en moralités et en ins-tructions , que l’lliade. Ces considé-

rations expliqueront peut-être la pré-

férence que plusieurs donnent aupoëme des aventures diUlysse, de-puis qu’un grand nombre diétatssioccupe de lecture , et que le des»;

5.

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54 suinterionsde l’instruction a fait des progrès.

Je vais citer le jugement qu’a porté

Wood du sentiment de Longin surl’Odyssée. On sait que Wood, avec

quelques autres savants anglois ,a été étudier Homere aux lieux nié-

mes décrits par ce poëte.

a Malgré mon admiration pourse Homere, dit-il, je ne voyois pasa avant notre expédition tous lesle charmes de l’Ocly’ssée : ce poërne

a peignant la vie domestique, sesa beautés sont plus locales; de petitsa détails qu’il est difficile diimagià

r: ner , font le mérite de ses tableaux;«c et la touche délicate du peintre est

si imperceptible, que. pour la dé-couvrir, il faut confronter la co-pie et l’original.

e C’est peut-être pour cela qu’onne a jugé l’Iliade supérieure à l’Odys-

Ç: sée; et cette opinion doit s’accré-

e (liter davantage, à mesure qu’on

a

sa

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son L’onrsséa. 55a s’éloignent du siecle du poëte. En

u supposant un mérite égal dans cesa deux ouvrages, celui qui développe

« de grandes passions tragiques, eta qui s’attache le moins aux mœurs

se passageres de la vie commune, doitte vivre le plus long-temps dans lan mémoire des hommes. Il semble(c d’abord que l’antiquité , balançant

a ces deux avantages, fut favorableu à l’Iliade; mais je crois que cetteu préférence ne remonte quejusqu’ù.

(r Longin, dont le génie goûtoit da-

« ventage les passions impétueusesn de l’Iliade, et qui vivoit à une épo-

« que si différente des temps héroï-

n ques. lln’est pas étonnant qu’avec

a autant d’imagination et de feu , cea critique préfere un drame pathéti-

u que à une histoire morale, et quea le tableau des passions qui remplis-: soient son cœur excite ses trans-e ports, tandis que le portrait des

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56. nértsxronsa mœurs anciennes qu’il ne cannois.a soit point le laisse dans l’indiffé-« rence. Mais je pense qu’en consi-u dérant l’Odyssée sous le caractere

«c intéressant d’un tableau fidele des

, a mœurs du siecle , elle a du êtrea: plus universellement goûtée que« l’Iliade par le peuple pour qui elle

a fut composée, et que si dans laa suite elle a moins contribué a laa réputation d’Homere, c’est parce-

« qu’elle a passé chez des nations qui

a n’avoient plus la même civilisation

ç: ni les mêmes mœurs , et qui é-

a toient étrangeres aux lieux de laa scene. se

Ce qui confirme le sentiment deWood, c’est que, de nos jours oules observations des voyageurs etla tournure de l’esprit du siecle ontfait donner plus d’attention à la pein-

ture des mœurs , l’Odyssée semble

tout au moins avoir obtenu autant

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son L’onrssén. 57d’admiration que l’Iliade ’.

Je terminerai ces réflexions enrapportant ce que Pope (lit agréable-ment pour montrer comment l’unet l’autre poëme ont servi de modela

aux poëtes.

se Homere fait-il un dénombre-ce ment des armées ennemies , touse: comptent et déploient leurs forcesa dans le même ordre. A-t-il des jeuxa pour honorer les funérailles de Pa-

(1) Je puis citer ici en faveur de l’O-dyssée un jugement d’un grand poids;c’est celui de Frédéric Il , roi de Pnisse ,

qui préféroit ce poème a l’Iliade. Ce juge.

ment étonnera ceux qui considerent prin-

cipalement ce prince comme guerrier.Alexandre et Charles RU préféroient sa.renient l’Iliade. Je ne puis attribuer qu’à

mon auteur l’accueil distingué qu’obtintde Frédéric ma traduction de l’Odyssée;

il se la fit lire plusieurs fois , et il en relutdivers morceaux luiememe; il parloit tous

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58 ntrnlxroxsu trocle , Virgile en a pour houe.a rer celles dlAnchise, Suce poura celles d’Archemor. Ulysse vu-t-ila visiter liernpire de Pluton, l’Ènée

a de Virgile et le Scipion de Siliuaa sont envoyés sur ses traces. Est-ila: retenu par les charmes de Calyp-o: so, Énée lies: par les charmes deen Didon , Renaud par ceux d’Arrnic

a de. Achille, pour une querelle ,a: s’absente-t-il du combat , il fauta: que Renaud s’absente aussi long-

vent de l’Odyssée aux gens lettrés qui ep-

prochoient de sa personne. Cette approba-tion est d’autant plus remarquable, que ce

prince avoit montré jusqulalors de forte.préventions contre Honore. J ’aî appris le

ou singulier qu’il faisoit de IiOdyssée, etl’accueil flatteur dont il honoroit mon un.

nil, par plusieurs de ceux qui renton-raient, et en particulier par une lettre deM. le marquis de Luochesini , don: ontonnoit lu huniers: et l’esprit.

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son L’ourssûe. 59a: temps pour la même raison ’. Fait-s: il présent à son héros d’une arc

a mure célebre, Virgile et le Tassea: font le même présent aux leurs. n

(1)1! remarque A cette occasion que lasituation d’Achille , qui se tient éloignédes combats parceque son chef l’a ofiènsé,

et qui l’oblige a lui faire des réparations

humiliantes, a un côté bien plus grand etmême plus intéressant que celle de Re-naud , qui fuit après avoir tué l’un deschefs de l’armée. La colere et la fierté d’A-

chilie l’emportent sur la passion qu’il a

pour les combats , quoique ces combats selivrent sous ses yeux; il résiste aux prieres

que les principaux chefs lui font dans cette

n, inn pleine d” ’ * , de gr Jet de pathétique. Renaud. s’il ne veut pas

attendre que son action soit jugée, estobligé de fuir; il n’est point , commeAchille , tente de combattre par le specta-cle du carnage; il ne peut même combat-tre, si son général ne le rappelle; il oublie

la guerre dans les bras duraille-fil faut

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Go nàrzexronsAjoutons : si Télémaque voyage

pour chercher son pere, l’idée decette course est un germe heureux,qui fait enfanter à F énélon un chef-

qu’on lui reproche sa mollesse, et qu’onréveille en lui l’amour de la gloire. J ’avoue

que le Tasse , en donnant moins de gran-deur à l’Acliille des croisés , a. su nous in-

téresser pour lui , même par ses foiblesses.Il n’est peut-être pas fort nécessaire de

relever l’inadvertence de M. Mercier, quifait durer l’inaction d’Acliille l’espace de

neuFans ,et qui , à cette occasion, déprimetoute l’Iliade, ne s’appercevant pas qu’il

combat un fantôme. Peu de gens ignorentque l’inaction d’Achille ne dura que dix-

sept jours. Je ne parlerai pas de quelquesautres inadvertance échappées au mêmeécrivain. S’il avoit lu avec la moindre si.

tendon un de ces traducteurs d’Homer’equ’il déprécie tous autant que ce poëte, i.

ne dis pas qu’il l’eût plus goûté, mais il est

bien sur qu’il ne l’eût pas jugé si légère-

ment. Voyez son Bermu- on mon. ,, *

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son L’ourssés. 6:d’oeuvre. En conduisant son Télé-

maque sur les traces de l’ancien , il.devient le pr capteur des rois ’.

L’on a observé qu’Homere étoit le

plus dramatique des po’e’tes épiques.

a On écoute Homere, dit Pope; ona: lit Virgile n. Les personnages dupoëte grec ne disent quelquefois ,lorsqu’il le faut, que très peu de pa-roles. C’est ce qu’on voit sur-toutdans l’Odyssée; deux ou trois vers

(r) Hornere, dans l’Odyssée, a ouvert

la route aux poètes badins, tels que l’A-rioste, dont le poëme est un tissu d’aven-tures héroïques, comiques , etc. M. Wie-

land , en suivant glorieusement les tracesde l’Arioste, a fait naître , parmi les Alle-

mands, un nouveau genre, pour lequelleur langue et leur carnctere sembloientn’avoir pas assez de flexibilité. Ses vers

respirent une gaieté (blatte; la langue al-lemande s’y dépouille de son austérité;

elle s’y montre douce et légere.

s. 6

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. .62 nérnnx. son L’oansr’ur.

composant assez souvent leur dis-cours, fidele image de la vie com.mune, sur-tout (le la vie dames.tique.

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SUPPLÉMENT

’ AUX RÉFLEXIONS

SUR LA TRADUCTION

DESPOËTE&.[.Anizs quelques réflexions prélimi-

naires, je considérerai quels sont lesavantages qui résultent de la traduc-tion, malgré ses inconvénients; je tâ-

cherai d’apprécier les talents que de-

mande cet art; enfin je tracerai l’es-quisse de son histoire.

Un grand écrivain a (lit que latraduction étoit inspierre de touchedes véritables beautés de la poésie.

On peut douter que cette assertion.prise dans son universalité , soitvraie. Il est certain que les beautésqui dépendent du plan ne souffri-ront point de pertes dans une tra-

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64 sunm’zu. A!!! nèruxxom

duction; il est certain encore que lesjeux de mots ne résisteront point à.cette épreuve: mais , parmi les beau.tés de détail, il en est de particulie-res à une langue , et qui sont incon-testablement des beautés. On saitquelles beautés de détail feront plu-

tôt pardonner un plan défectueuxqu’un bon plan ne sntisfera en leurabsence.-

Si les plus grandes beautés setransmettoient le mieux d’une lan-gue dans l’autre , il en résulteroit que

les plus excellents poëtes offriroientle moins d’obstacles à la traduction.

Or, c’est précisément le contraire.

Les poëles les plus distingués ont.par la force de l’imagination et dusentiment, créé des tours si énergi-

ques et si originaux, qu’il est tou-jours très difficile , et quelquefoisimpossible, de les reproduire avecdes matériaux différents. Ces tours

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. sur LA fluo. n29 tonus. 65alors sont comme ces plantes appro-priées à certains climats: néanmoins,

pour ne pouvoir croître en touslieux , perdent-elles de leur prix réel?

Les meilleurs poëles ont exercé

un plus grand nombre de traduc-teurs. Mais, à l’étonnement de ceux

qui ne connoissent pas les originaux,ils cherchent en vain le poëte distin-gué dans la plupart de ces especesde ruines , ou ils ne s’arrêtentguere,

et ils concluent que la pédanterie aérigé des autels à ces auteurs. C’est

précisément à cause de l’excellence

de ces poëtes qu’ils charment tant

dans leurs langues , et risquent leplus d’être défigurés dans lestraduc-

tians. On voit, par cette espece (lejoute toujours recommencée, com-bien la victoire est difficile à rem.-porter.

Il en est d’un grand poëte qu’on

traduit , comme d’un homme d’es-

6.

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66 BU!PLÉM. Aux minutonsprit obligé de parler une langue qu’il

n’ignore pas, mais qui ne lui est pasfamiliere; les termes manquent sou-vent à ses idées : il faut bien des ta-lents au traducteur pour qu’on ne

.s’apperçoive pas trop que l’auteur

ne parle pas sa propre langue.Ceux qui ne se croient pas assez

de talents pour être auteurs , ouqui veulent se préparer à le devenir,

croient souvent pouvoir être traduc-teurs, jugeant cette entreprise trèsfacile. Il y a telle traduction qui de-mande plus de talent que tel ouvrageoriginal. Dans ce cas , il vaudroitpeut-être mieux commencer par êtreauteur, et finir par traduire.

Quand on songe au grand nombrede langues qu’un homme de lettresest obligé d’apprendre s’il veut con-

noître les écrivains originaux des di-

vers peuples qui se sont distinguésdans la littérature, on craint que

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son LA nm. Des ros-ru. 67ces moyens, au lieu de nous con-duire à la fin , ne nous en écartent ,et que les objets dont on veut s’ins-

truire ne trouvent la place rempliepar les mots. Ne seroit-il donc pasutile que la traduction nous dispen-sât de ce travail? Quoi de plus avan-tageux que de connaître les écrivains

de toutes les nations, sans voyager,pour ainsi dire, au milieu d’eux , et

que ce soient eux , au contraire, quiviennent nous trouver dans nos con-trées! .C’est à quoi tend la traduc-tion; c’est ce qu’elle semble promet-

tre. Je sais bien qu’elle ne le tientpas exactement. Comme ses copiesne peuvent être entièrement ressem-blantes, elles ne sauroient dispenserde remonter aux sources.

Mais elles peuvent au moins l’a-’ciliter ce travail. Tous les peuplescultivent aujourd’hui la littérature.

Si nous voulons jouir de toutes les

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68 menin. aux néannolsrichesses de leur génie, des traduc-tions bien faites pourroient nous con-duire plus promptement aux sour-ces , et nous épargner du travail.

Je sais qu’on prétend qu’il ne faut

pas trop faciliter l’étude des lan-sues; on fait lis-dessus (les réflexionsplausibles. Elles l’étaient encore plus

lorsque les langues étoient la sciencepresque unique, et lorsqu’on pou-voit se borner à l’étude des langues

anciennes: mais aujourd’hui que les

sciences ont fait tant de progrès, etque le nombre des langues que l’onétudie a augmenté , il est presqueimpossible que l’étude des mots nenuise à celle des choses si l’on n’em-

ploie tous les moyens capables de fa-ciliter la premiere.

Les traductions bien faites servi-ront même à. dentier une connois«sance plus approfondie des originaux.Plus d’un savant, tout en déclamant

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son LA rasa. nus ros-res. 69contre elles, en profite. Les auteursles plus aisés ont des endroits quisouvent n’ont été bien approfondis

que par ceux qui, pour les interpré-ter , en ont fait , pour ainsi dire ,leur unique étude. Combien d’au-teurs ont plus de difficultés qu’ilsn’en présentent au premier abord!

Pour ne parler que d’Homere, quiparoit si aisé, le savant Casaubondit de lui: a: Tout le monde n’eu-n tend point ce divin ppëte. a

Au reste, je vois qu’on reconnaîtl’utilité des traductions dans la plu-Part des institutions où l’on conduit

la jeunesse au savoir. Les maîtresles plus habiles , après avoir exercéla sagacité de leurs disciples, joi-gisent, à l’explication des originaux,

des traductions qu’ils font à haute

voix, ou celles qui sont entre les.mains du public.

Les savants qui dépriment les

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7° SUPPLÉH. aux RÉFLEXIOK!

traductions oublient donc quelque-fois eux-mêmes ce qu’ils leur doi-vent. Je n’ignore pas qu’ils se ré-

crient contre le peu de bonté d’un

grand nombre de traductions; maisest-ce une raison de s’élever contre

le genre?Ilya des savants qui vont plus

loin encore, et qui, exagérant lesdifficultés d’un art qui sans douteen a d’assez. réelles, jugent qu’il est

impossible de traduire. Cependanton surprend ces mêmes savants aparler avec les plus grands éloges de

traductions qui sont en effet re-connues pour des chefs-d’œuvre. Ilfaut donc en conclure que ce qu’ilsappellent impossible signifie seule-ment très difficile, et alors aucunhomme éclairé ne les contredira.

Mais que dire de l’orgueil de cesdemi-savan tsqui nesont queles échos

des premiers, et qui, par une vaine

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SUR LA TRAD. DES POETEL 7l

ostentation de savoir , déclamentcontre les traductions , qu’ils con-naissent aussi peu que les originaux,et dont ils n’ont pas même l’esprit

de profiter? On rencontre quelque-fois de ces déclamateurs; et, malgréleur ton décisif, on les embarrasse-roit peut-être si on les prioit d’ex-

pliquer seulement quelques lignesde l’auteur dont la traduction leurparoit superflue.

L’éditeur’ dlun grand poële pré-

tend que la traduction a un "aunage;c’est qu’elle nous fait connaître par-

faitement un auteur, qu’elle nous lefait voir tout nu. Il y a. un sans oùcette assertion a quelque fondement,et n’est pas sans finesse. Une langue

étrangere est quelquefois pour nouscomme u. maniera de sevètir, qui,parcequ’elle est différente de la nô-

tre , ou nous inspire de liéloigneb

(i)AM. de Mamroix. l

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72 menin. sur minutonsment, ou nous en impose. A cetégard la traduction peut nous pré-

senter un auteur sous un point devue un peu différent , et nous aiderà le bien juger. Je suppose que c’é-

tait la le sentiment de ce critique.On ne tient peut-être pas à la tracduclion assez de compte decette uti-lité qu’il me paroit avoir remarquée.

Un écrivain qui cite ce sentiment,semble ne l’avoir pas bien saisi; enparlant des poëtes , il compte pourrien les graces du style, disant qu’el-les sont séduisantes , et que Lucrecetraite de fous ceux qu’elles entraî-nent. Voilà donc l’utilité de la tra-

duction bien constatée; elle pour-roit, et cela sans de grands efforts,nous ramener à l’essence des cho-

ses; elle seroit un alambb nouveau,qui souvent dissiperoit des biensréels pour des richesses imaginaires.

S’il est utile d’étudier les anciens,

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sua La rut). bas sonna. 73il doit l’être de les traduire. Ces tra-

ductions peuvent contribuer à lesfaire connoître et À en répandre legoût ; elles peuvent hâter considéra-blement les progrès d’une nation, dé-

velopper les beautés de sa langue etles accroître. Comme la traduction

est un exercice utile pour un écri-vain , elle l’est pour une nation’. Si

elle accélere ses progrès, telle peutaussi retarder son déclin vers la burebarie , en lui montrant au moins des

(1) Ceux qui se font des idées exsgé«

rées, et qui ne parlent que de génie,dirontpeut-erre que l’exercice dont je parle nuira

j l’esprit original. Mais ce principe con-duiroit à négliger l’étude même des bons

originaux. Il est à craindre que ceux quiparlent un: de génie ne favorisent la pro-

duction de monstres que leurs auteursseuls se plaisent à caresser. Horace , à quil’on ne refusera pas le génie, ne parloit

pas ainsi que ces critiques, il donne aux

A. 7

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74 avenirs. aux mensuronscopies des modales que l’on com-mence à négliger, copies qui peuventl’engager à remonter à ces belles

sources , copies qui, toutes foiblesqu’elles sont, peuvent être une con-damnation tacitedes monstres qu’en;faute la dégradation des talents.

Il est un avantage que la tradchfion a déja obtenu , qu’elle pourroit

encore obtenir par la suite , et qui

jeunes gens une leçon qu’il avoit lui-mém-

mise en pratique :

. . . . . . . Vos exemplariagxæeaNoctuan versate manu , versate diumà.

ART. P081.

D’ailleurs le vrai génie, qui est fort rare,

ne se laisse pas aisément détourner de sa

route. Le fait prouve que la traduction nenuit pas à l’esprit original. Toutes les na-

tions traduisent; cependant elles ont cha-cune un carniers qui leur est propre. Cellequi offriroit un exemple contraire prouve-soir qu’elle est moins douée de génie.

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sua LA nm. ou porta. 75est si considérable qu’il balanceroit

ses inconvénients.Vu l’instabilité des choses humai-

nes, il est apparent que les languesvivantes deviendront un jour lan-gues mortes; bien des causes diffè-rentes peuvent conduire à cette ré-volution , déja produite plusieursfois sur la scene du monde. Il esttrès probable qulon s’attacheroit à

la culture (les langues qui vienc(iroient de s’éteindre . et qui seroient

alors érigées en langues savantes;les plus anciennes seroient donc unebranche particuliere de connaissan-ce, réservée à un petit nombre desavants , comme le sont aujourdllmiles langues orientales. Parmi lesmoins anciennes , une de celles qui

Imériteroient d’être généralement

cultivées , seroit sur u- tout la langu-françoise, qu’on se plaît tant à dé-

crier , quoiqulon ne se lasse pas de

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76 sonnera. un néruxrouslire les bons écrivains de France : jene doute pas que les savants n’ad-mirent un jour sa beauté , autantque plusieurs savants modernes ladépriment. Car il nies: pas sansexemple que les langues, ainsi queles hommes de génie qui en font legloire , n’obtiennent qu’après Avoir

disparu tout le tribut dlestime quileur appartient l.

Dans cette hypothese, les traduc-tions conserveroient des traces de lamarche de l’esprit humain , et l’ima-

ge des chefsedlœuvre de la littéra-ture ancienne. Qui doute qu’on neparvienne toujours mieux à produiredes copies approchantes de leurs mo-delas? Les savants mêmes , àl’excep-

(A) Quintilien rendit-il assez de justiceà la langue latine, lorsqu’il la jugea peupropre aux onomatopées? ne trouvons-nous pas que Virgile et les bons poëles la.tins en abondent?

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"Il LA TRAD. DE! IOITIS..ftion d’un très petit nombre, ne sont-

iils pas aujourdlliui dans le cas de secontenter des traductions des pro-. phetes et des psaumes , écrits où ils

. trouvent toutes les beautés . de la.poésie, malgré les pertes qulentraine

la traduction? Aujourd’hui même,

combien de savants qui, ne sachantpas la langue grecque, doivent auxtraducteurs la connaissance qulilsont de la partie la plus considérablede la littérature ancienne l

On a trouvé de nos jours llheu-reux secret de faire survivre les cou-leurs d’un tableau a la toile, la proie

facile du temps, et de les transpor-ter sur une toile nouvelle. Le serviceque rend la traduction ne sauroitêtre aussi grand, mais il peut enap-procher.

Je ne veux pas dissimuler les in-conv énients de la traduction.

Par rapporta ceux qui ne sauroient

7.

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78 SUPPLlllI’. aux RÉFLEXIOIS

remonter aux sources, ils ne peuventlouvent prononcerde jugement biencertain ni sur l’original ni sur la co-pie,et ils sont obligés de s’en rappor-

ter aux savants, qui tantôt ne jet-tent qu’un coup-d’œil i’ugitil’sur les

traductions , tantôt les jugent d’aoprès leurs principes de l’art de tra-

duire, principes sur lesquels ils nesont pas tous d’accord. Cependant

les personnes qui ne sauroient ici.prononcer par elles - mêmes portentdes jugements hasardés qui les enposent souvent à la risée des sa-vants . et quelquefois a leur colere.

Les traducteurs sont des voyageursdont plusieurs ignorent si leurs rap-ports sont dignes de foi. Il est difficileà un certain ordre de lecteurs quin’ont pas visité les contrées étrange-

res dont on leur parle, d’être instruitsde la vérité ; les savants qu’ils consul-

tent sont eux-mêmes des voyageursnon toujours désintéressés.

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IUI LA un. D86 POPE".Une preuve incontestable de ce

que j’avance est la dispute sur lesanciens et les modernes, excitée pardes littérateurs qui n’avaient lu que

dans des traductions plusieurs au-teurs dont ils faisoient la critique; laMotte fut assez ingénu pour l’avouer.

On n’auroit pas du nommer cette dis-

pute , guerre sur les ancr’ens,.maisguerre sur les version: des anciens.

Aussi le sort des traductions doit7il être fixé plus tard que celui d’au.

tres écrits , parceque d’ordinaire les

savants, leurs véritables juges, nes’en occupent guere. S’ils se don-

nent la peine d’en confronter quel-ques morceaux avec le texte, il n’est

pas sans exemple que la beauté del’original, à laquelle ne sauroit at-

teindre parfaitement la copie , neleur fasse prononcer des jugementstrop séveres.

Y a-t-il beaucoup de sans qui exa-

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Io menin. AUX RÉFLEXION!

minent chaque fois d’une manieraimpartiale si ce défaut de ressem-blance doit être imputé à la difÏé-

rance du génie des langues ou à l’in-

terprete? Tout est favorable à l’ori-

ginal dans cette confrontation, et:8ut est contraire au traducteur.

.Elle est propre à refroidir celui quil’entreprend; disposition qui ne nui-ra point à l’original dont la. réputa-

.tion est faire, et quiil ne lui arrivejamais de disséquer ainsi dans unelecture. Quand vous lisez un poète.vous le comparez à la nature ; liar-chétype vous frappe d’une maniera

.prompte et avec une grande éviden-ce. Dans le parallele (Tune traductionavec ce même original, vous compa-

4 rez encore laborieusement des signesà d’autres signes . objets moins pal-pables , quelquefois indéterminés,et demandant la plus’fine analyse.

l Quelque même quiait l’original, il

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sua LA rasa. pas rouas. 81peut arriver qu’un savant soit troppréoccupé dansl’admiration qu’il lui

consacre , et qu’il n’y reconnaisse

Point de défauts; si donc il les appervçoit mieux dans la copie, il sera fortdisposé a imputer au traducteurce qu’ils ont de plus choquant. Si,d’un autre côté, celui-ci a quelque-

fois le bonheur. ce qui n’est pas 1m.

possible, de surpasser son modela,il sera heureux qu’on lui accorde del’avoir à peu près égalé.

Si la traduction d’un de ces au»teurs dont le temps a fixé la réputation

déplaît à la plus grande partie de cepublic qui n’est pas en état de lire les

originaux, il est cependant probablequ’elle est mauvaise, parcequ’il n’est

pas impossible que la traductionn’approche des beautés qui sont l’obv

jet de son imitation. Mais le succèsd’une traduction auprès de cettefoule seule n’est pas un argument

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82 same". aux RÉFLEXION!

bien fort en faveur de sa bonté : ca:cette traduction peut ne pas rendratoutes les beautés dont elle auroit duoffrir l’image; elle peut aussi conte-nir des beautés qui appartiennent autraducteur, et non à l’auteur origi-sial.

On ne pourroit donc tout au plusremettre à la plus grande partie dupublic, par rapport à certaines tra-ductions , sur-tout lorsqu’elles ne[ont que de naître, qu’une des deux

lettres qui étoient entre les mainsdes juges de Rome pour absoudre oupour condamner; et l’on voit quec’est la derniere.

Il faut avouer que le gros du pu-blic est fort long-temps dans unétat de gêne en lisant les traductions,

principalement celles des anciens .et qu’il ne peut se livrer à l’un des

plus grands plaisirs de la lecture,,quiest (l’exercer son jugement en

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son La nm. bas rouiras! 83toute liberté : aussi s’affranchit-ilvolontiers de cette gêne, et passe-télmême les bornes des pouvoirs qu’on

pourroit lui accorder. Si une traduc-tion l’ennuie , il est plus disposé Acondamner l’auteur que l’interprete;

Serait-ce pour celui-Ici une petitecompensation de la sévérité avec la-

quelle il est quelquefois jugé par letribunal des savants?

Parmi ces inconvénients, qui nesont pas les seuls, les uns sont insé-parables de la traduction , d’autres

pourront diminuer à mesure quel’art s’en perfectionnera. Je ferai ob-

server , dans la suite de ces réfle-xions , que cette partie du publicdont ’e viens de parler n’a pas laissô

de cointribuer par ses jugements auxprogrès de cet art.

Je passe a me seconde considéra-tion. On se fait des idées assez va-gues du talents du traducteur. Le

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84 cumin. aux nÉaLaxtonsgros du public croit qu’il n’y a rien

de si facile que de traduire, parce-cqu’illui en coûte peu de rendre d’une

langue dans une autre beaucoup determes familiers; il jouit le plus destalents du traducteur, et se mon.tre un peu ingrat a son égard. Ceuxd’entre les littérateurs qui ne con-

noissent point ses travaux par leurpropre expérience ne lui font pasnon plus un accueil bien favorable,à moins qu’il ne soit leur propre traæ

ducteur.J e n’appréhencle pas ici qu’on

m’accuse d’amouiupropre ’. Tout ce

(1) Je ne cherche pas à me donner l’ap-

pui fragile d’une préface. Quand. je com-

mençai la traduction d’Homere, entreprise

qui, en y comprenant les discours et lesremarques dont elle est accompagnée ,m’a coûté environ dix ans de travaux , j’é«

lois bien éloigné d’en connaître les dim-

caltés. Peutaéu-e tri-je été assez. heureux

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sua LA un. mes somas. 85qu’on diroit apl’avantage des traduc-

teurs ne peut regarder que les bons,titre qui ne sauroit être donné queparle public éclairé. Il s’en faut bien

que relever un art soit toujours re-lever ceux qui le cultivent. Cicéronse formoit l’idée de l’orateur parfait,

qui, selon lui, n’existoit point: s’ex-

poseroit-on au blâme, si, à son exem-

que de découvrir quelques unes des res-sources de l’art de traduire. J’avoue quej’ai été quelquefois étonné de la morgue

dont en parloient quelques érudits , et dela légèreté avec laquelle quelques journa-

listes le pesoient dans leur balance. Mais,dans ces circonstances, ainsi que dans ladiscussion présente, je trois avoir su écar-ter les illusions de l’amour propre. Il m’é-

toit peut-être d’autant plus aisé de m’en

garantir , que je ne fais pas profession d’6-tre uniquement traduètcur, et que je puisbien dire par rapport à ce genre de tra-vaux, sans craindre de manquer jamais àses parole: c Hic ces tus artemque lapone v-

s. a

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86 scruta. AUX RÉFLEXIONS

ple, ou traçoit llidée de celui quiauroit porté l’art de traduire à sa

perfection?Tout le monde convientqu’indé-

pendamment de la pénétration et dusavoir, il demande un goût sûr etexercé. Mais on ne sent peut-êtrepas assez qu’il faut posséder cettequalité dans un degré éminent pour

saisir les beautés les plus délicatesd’un auteur, ces nuances fines quile caractérisent et le distinguent detous ceux de son genre; pour lesrendre avec le moins dlaltérationqu’ilest possible, pour enrichir une

langue de nouveaux tours sans la.blesser , pour former quelquefoisune association heureuse du géniede deux langues. Il faut , pour y par?venir, saisir avec précision ce milieucri-deçà et eau-dolât duquel il reste tou-

jours quelque; chope à desirer; et on.peut appliquer iciJa maximç. (1110-;

race sur la vertu: ’

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sun LA fait). ou ros-ras. 87Vina: est nedium viliorum.el utrimque reductum.

En un. l, ep. I3.Le goût, dans le degré où je le sup-pose ici , n’est pas une qualité si com-

mune, et demande une théorie dé-licate et fine.

On doute que le génie ait partaux travaux du traducteur, quoique,par une contradiction ainguliere, onparle quelquefois de traductions degénie; clest qu’il est dilÏicile de mar-

quer ici les degrés. Le poëte ne brûle

pas d’un feu emprunté, voilà sa gloi-

re: mais ne faut-il pas qu’il commu-

nique à son traducteur le feu qui.l’embrasa? C’est à-peu-pres ainsi

qulaprès avoir enfanté un grand des-

sein, un homme inspire, si je puisainsi parler, toute son ame à celuiqulil veut (associer, et qui méritealors le titre de son compagnon etde son émule. Comme ce chef doittrouver des cœurs capables de par-

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88 menin. aux alunirionslanger toute la vivacité de ses senti-ments . il l’au: que l’homme de génie

rencontre au moins des étincellesd’un feu analogue au sien pour lecommuniquer’.

Les poètes sont dans l’usage d’in-

voquer une muse: il n’est pas im-possible que, dans l’enthousiasmed’une imagination exaltée , ils ne se

figurent durant quelques momentsqu’une intelligence supérieure dicte

leurs vers. La muse du traducteurparoit n’être que son auteur. Maisil doit oublier, s’il se peut, qu’il e.

(1) On conçoit qu’il faut avoir quelques

étincelles de génie pour n’être pas asservi

par la gêne de la traduction, et garder uneliberté convenable au milieu des entraves ;mais c’est un phénomene assez rare, com.

me il n’est pas ordinaire de rencontrer lesprécieuses étincelles d’une ame noble ,

franche et libre, dans un Pays où rague lede5potisme.

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son La unau. DE! rouas. 89devant ses yeux un livre; c’est le gé-

nie de cet auteur dont il doit s’en-flammer, et qui doit réveiller sonpropre génie. Il faut qu’ils invo-quent, si je puis ainsi dire, la mêmemuse, ou qu’il se tourne vers la na-ture pour l’interroger elle-même.

Sans cela, elle seroit muette pourlui, et il se traîneroit languissam-ment sur les pas de son modale.

Dès lors il seroit utile au traduc-teur de bien examiner l’impressionque l’ait sur lui l’auteur qu’il veut

rendre dans une autre langue, devoir si cette impression est vive etmême passionnée. Le nœud qui l’as«

sosie a son modale a. quelque rap-port à celui de deux personnes quise réuniroient pour passer ensembleune partie de leurs jours; cette as-sociation , des qu’elle manque (leconvenance, ne peut être heureuseet durable. On sent bien que cet

8.

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9o SUPPLÊM. aux ahanonsexamen doit précéder ses travaux;car, après cela, il seroit à craindreque la passion qu’il auroit pour sonauteur ne fût pas assez désintéressée.

On a. raison de ne pas s’en rapporter

aux préfaces des traducteurs; et lesplus ampoulées sont les plus sus-pactes.

Quand deux langues ont unegrande analogie, le mérite du tra-ducteur est beaucoup moindre: maisllanalogie n’est jamais parfaite. Sideux langues ont des différencesconsidérables , le traducteur est plussouvent force de prendre des toursdifférents de ceux de son auteur,mais il n’est pas dispensé d’en offrir

une heureuse image. ,Dans ce cas on ne peut lui refuser

entièrement le mérite de Ilinven tion.

Dira-bon qulil imite? mais moins ily a (l’analogie dans les tours de deuxlangues, moins il est copiste; et l’i-

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SUR LA TRAD. DES POITES. ,1.

,mitation est le principe de tous lesbeaux arts.

L’office du traducteur est de ren-dre l’expression des beautés de dé-

tail, qui, comme on sait , contri-buent infiniment au succès d’unpoème. Il n’a pas à inventer le plan.

ni à rassemblerles traits qui formentles détails : mais il faut lui tenircompte de ce qu’il doit marcher li-brement au milieu d’une gêne ex-cessive, de ce qu’il doit exprimercertaines beautés dans une languequi rendroitbien plus aisément d’au-

tres beautés que celles - la. N’ayantpasà cetégard les ressources de l’au-

teur qu’il imite, ce n’est pas le tra-

vail seul, mais son génie, qui doit ysuppléer.

On a dit qu’on sentoit plus oumoins vivement les beautés d’unécrivain . à proportion de la confor-mité qu’on avoit avec son esprits

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9: scrutin. aux minutonsOn en peut tirer une conséquenceavantageuse au traducteur. S’il Fautde la conformité pour bien sentirces beautés , il est incontestablequ’il en faut plus encore pour lesrendre.

’Je suis loin de vouloir graduer l’é-

chelle des talents. J’ai assez montré

que je ne prétendois pas ici fixer lesrangs, bien moins encore élever letraducteur au rang de son modele.Mais on peut. sans paradoxe, sou-tenir, comme l’a fait un journa-liste homme d’esprit et de goût ,qu’en général il ne faut pas moins

de talents pour bien traduire quepour produire un bon ouvrage ori-ginal. Ce journaliste ne parloit quedes traductions en vers ’. Mais il

(i) J’ai parlé de la morgue de quelquesérudits, et de la légèreté de plusieurs jour-

nalistes; je ne dois pas oublier l’orgueildes poëles. C’est pour eux un axiome que

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son LA nm. ces ros-ru. 93s’en faut bien que celles qui se fout

en prose soient exemptes de diffi-cultés ; elles en ont qui leur sontparticulieres , et dont la discussion

les poëtes doivent être traduits en vers;ils le font reparoitre en toute occasion ,nous mille formes , dans leurs préfaces,dans les journaux , dans leurs chaires s’ils

en ont une. En vain on leur répelo quechaque genre peut avoir son mérite,qu’une

traduction en vers fiançois, si elle est delongue baleine, n’est souvent qu’une imi-

tation ; en vain le public , sous leurs yeux,continue à se servir des bonnes traductionsen prose: livrés au charme de leur muse ,ils refusent d’entendre. Au temps ou lapoésie fleurissoit le plus, on n’a point êta.

bli l’axiome prélendu dont je parle: Des.

préaux, qui, à juste titre , avoit pris leton d’un législateur, n’a rien dit à ce su-

jet. Fénélon, qui avoit commencé une na.

duction de l’Odysxée, la fit en prose. C’est

aujourd’hui que quelques poètes affichent[cet égard le plus de prétentions. M. l’abbé

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94 minuits. AUX ahuririonsseroit trop longue. Il n’est pas aisé

de faire parler à la prose le langagede la poésie, et je soutiens que la.gêne d’une grande fidélité , lors-

de Lille a été un peu entraîné par le tor-

rent. Pour soutenir la [hase dont il s’agitici, il cite des morceaux de la traductionde Virgile par l’abbé Desfontaines; il est

trop bon logicien pour ne pas sentir lui-méme le peu de solidité d’un semblable

argument. Il y auroit un bon moyen de leréfuter, mais qui passe mes forces; c’est

de faire une aussi belle traduction en proseque la sienne l’est en vers.

Cependant je ne serois pas embarrasséde prouver que la meilleure traduction envers fronçois n’est souvent qu’une imin-

tion. Voudrois-je en conclure qu’il ne fautpoint traduire en vers ï Je serois fâché que

M. de la Harpe n’eût pas traduit Philoc-

tete. Quel mal y auroit-il qu’il y eût dechaque poëte deux excellentes traduc-tions , l’une en vers , l’autre en prose? Ne

serviroient-elles pas alaire connaître un

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son LA un). pas rouas. 95qulon eiy assujettir scrupuleuse-ment, n’est pas si infiniment éloi-gnée qu’on le pense de celle de tra-

duire en vers ’. J’invite les poëtes

que ceci révoltera à consulter icinon leur opinion, mais leur propreexpérience par un essai de ce genrequi soit un morceau de quelqu.étendue; seulement s’ils daignent ,

pour parler avec le métromane dePiton , s’abaisser jwqu’à la prou,

ils ne doivent pas oublier la loi.d’une fidélité sévere, loi qui effl-

auteur tous plusieurs points de me? Le:deux ouvrages seroient associés dans le:bibliollreques. Pourquoi les deux traduc-teurs se regarderoient-ils seuls commeennemis? n Tantæne mimis cœlestibus

a iræ i I l( 1 ) Si l’on me demande pourquoi donc

je nlai pas traduit en vers, je répondraique chacun doit suivre ce qu’il mon du.

son talent. -

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96 SUPPLËII. aux minutons

touchera sans doute un peu leurmuse.

L’air de travail qu’a la traduction

nuit au jugement qu’on en porte:mais on se trompe bien si l’on croitque les productions originales soienttoujours nées sans peine. Nous sa-vons que des poëtes qui paraissentlégers, qui chantent leur paresse ,qui souvent affectent même unecertaine négligence, ont donné unsoin extrême à polir leurs vers. Nouspourrions nommer des écrivains enprose qui, malgré le feu (le leur gé-nie, niontpas dédaigné. (le manierlong-temps la lime; ce que ne soup-çonne guere le commun des lec-teurs. Au reste , on peut convenirque la traduction est un long tra-,vail : mais si elle n’était absolument

pas autre chose, j’ose affirmer quejamais elle ne parviendroit à fairereparoitre la moindre étincelle du

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811R LA TRADrDBS POSTES.génie des originaux qu’elle veut re-

produire.Enfin le fait acheve de prouver

que pour reproduire le génie d’un

auteur dans une traduction, il enfaut avoir, sans quoi vous rendeztout hors le génie; ce fait est le po.tit nombre de bonnes traductions.Il y a, à proportion, plus d’excelolents originaux. C’est que la car-riere de la traduction demeure ou-verte à beaucoup d’écrivains qui pen-

sent que , pour traduire , il ne fautque choisir un auteur et prendre lnplume. Ils ne trouvent point quel’art de la traduction soit difficile;cela n’est pas étonnant. Ne nous en

rapportons ici qu’à ceux qui, avecdu talent , ont fait des traductionset des ouvrages originaux. J’ai con-sulté plusieurs d’entre eux ’ a ce su-

(i) Je me rappelle à cette occasion uneanecdote qui m’a été contée par un de mes

l. 9

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98 serrai-n. aux nÉI’LEXIOND

jet; et leurs réponses surprendroientceux qui n’ont pas de justes idées de

la traduction.Les réflexions que je n’ai fait

qu’indiquer, et d’autres qu’on pour-

roit y joindre, ne tendent qu’à dé-

mis. Un littérateur, homme de mérite,parloit devant lui avec beauconp de légè-reté de l’art de traduire,jugeant que rien

n’étoit plus aisé. Lion ami rengagea afaire un essai dans ce genre. Le littérateurle lui apporta le lendemain. Il essuya beau-coup de critiques; on lui montra dans sonouvrage des contrevsens, du louche , dufoible , de la gêne, etc. Tout cela lui parutfacile à corriger. Le lendemain il reparut"ce sa traduction. Son aristarque fut pluscontent; cependant il lit de nouvelles criti-ques. Pour abréger , le littérateur, après

avoir repris plusieurs fois la lime , devenului-même plus difficile , parvint enfin à secontenter: il dit qu’il étoit converti, qu’il

reconnaissoit avoir parlé de l’art de tra-duire sans en connoître les difficultés 3.,

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SUR LA TEL D. DES POITBS. 9,velopper ce quia été souvent dit;savoir, qu’il y avoit de l’injusticedans l’appréciation commune quel’on fait des talents du traducteur.

Pour achever cette discussion surl’art de traduire, il ne seroit p.lt-

snais que le fruit des lumieres qu’il avoitacquises étoit de ne s’y livrer de sa vie.

Je ne puis mieux faire que de terminercette partie de mes réflexions sur l’art de

traduire par ce morceau tiré du discoursintéressant et philosophique de M. Du-saulx sur les satyriques latins , et qui estplacé à la tète de sa traduction de Juvénal,

la meilleure que nous ayons de cet auteur :a Poëtes divins, grands orateurs, et vous

a: qui sûtes marquer vos écrit: au sceau dea l’immortalité , ce n’est qu’en éprouvant

a vos transports, qu’en brûlant de votrea feu, qu’un traducteur, bien pénétré de

c vos sujets , fera passer dans sa languea quelques unes des beautés dont étincel-

a leur vos ouvrages. Indépendamment dua rapport des caracteres et des mémos étu-

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IOO SUPPLÉH. AUX RIPLEXXONS

être pas sans intérêt d’en tracerl’histoire depuis sa naissance. et de

le suivre chez tous les peuples quil’ont exercé. Cette histoire pourroit

donner lieu à plusieurs vues phi.lonhiques , et ne seroit pas inutileau goût. Mais l’entreprise est troplongue; son exécution seroit un ou-

. des , il faut encore une une vaste poura contenir votre une , un esprit souple etu hardi pour se plier au vôtre et l’attein-

a dre; il vous faudroit vous-mêmes , et«x peur-être éprouveriez-vous les douleurs

c d’un second enfantement. a

A l’occasion (le Juvénal, j’observe en

passant qu’il est du nombre des grandspoëtes qui ont fait une étude des ouvragesdu chantre de la Grece. Plusieurs allusionsl se: vers témoignent que la lecture d’Ho-

more a nourri la verve brûlante du pluséloquent des satyriques, quoique leurs se".ses soient diamétralement opposés; car,(radinais, la satyre hume, et l’épopée

loue.

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à"! LA "ID. DES POSTES. le]nage. A peine en tracerai-je ici une

légere esquisse. IJe ne veut pas, sans de bons ga-

rants, calomnier la traduction, etdire qu’elle fut dans son origine cequ’on ne la vit depuis que trop sou-

vent, un plagiat. Il paroit qulclledoit sa naissance à limitation natu-relle à l’homme, imitation à laquelle

est attaché un plaisir. Il n’est pasimpossible aussi que la paresse, quialunit en nous au besoin de s’occu-per, n’y ait quelque part. On ne pré-

voit point combien cette copie ouimitation, si elle est fidele, préparede travaux. Au plaisir attaché à cegenre (limitation , se joint celui decommuniquer à sa nation des ri- ’chesses étrangeres.

Les Hébreux durent une-partiede leurs connoissances aux Égyp-tiens : ceux-ci niont pas excellé dansla poésie et l’éloquence , ni

9.

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un SUPPLÉM. aux minutonsles autres arts d’agrément. Les Hé-

breux , par leurs institutions, étoientséparés des autres peuples, ce qui

ne favorisoit guere la communica-tion réciproque de leurs idées. Leur

berceau fut l’Ègypte ; leurs guerreset leurs captivntés les mêlerent àd’autres nations : mais leur religion

et leurs loi: les tenoient comme iso-les. Malgré cela, il n’est pas dou-toux que ces transplantations n’aient

eu quelque influence sur leur lan-gue et sur leurs connoissances. Onpeut dire , par rapport a un certainnombre de tours , que les langues setraduisent les unes les autres. A cetégard il n’y a point de nation quine doive quelque chose à la traduc-tion : mais ie ne veux parler ici quede la traduction proprement dite ,et des monuments qu’elle nous alaissés.

r Quant aux Grecs, ils tinrent de

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son LA nui). nus roues. 103l’Orient le germe de plusieurs deleurs connoissances: mais trouvantpeu d’heureux modeles chez d’au-

tres nations , ou ne les connaissantpas, la traduction paroîtn’étre point

née parmi eux. On ne peut douterque les Grecs, dans ces temps fortanciens , n’aientprofité des connais-

sances des autresipeuples. Il n’enest presque aucun qui n’ait ses poë-

tes bons ou médiocres. Ceux-ci nesont rien moins qu’inutiles dans lanaissance des lettres ; ils aident a latirer de la barbarie ; ils servent, sije puis ainsi dire , d’échelons pour

arriver au beau ; leur existence pa-roit même être nécessaire: aussi ac-corde-bon plus d’estime à leursnoms qu’à leurs ouvrages; les pre-

miers occupent souvent quelqueplace dans les annales de l’esprit hu-main , pendant que les derniers sontoublies. Au contraire, les poëles

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104 scrutin. aux ahanionsmédiocres ne font que du mal lors-que la poésie est arrivée à sa perfec-

tion; ils contribuent à la corruptiondu goût et à la renaissance de la bar-

barie. Je reviens à mon objet. Danscette haute antiquité, nous ne pou-vons point découvrir toutes les sour-ces dont il est possible que les Grecsaient profité. C’est ce qui fait que ,

par une exception bien glorieuse ,c’est le seul peuple qui. par rapportà la poésie, paroit s’être élevé a la

perfection sans autre secours quelui-même ; son sol paroit être le ber.ceau de l’originalité.

Nous savons cependant que lesOrientaux sont les peres de beau-coup de fables reçues dans la Grecs.Peutoétre , lorsqu’on les adopta , ces

fables furent-elles de véritables tra-ductions faites par les voyageurs, oupar ceux auxquels ils les communi-querent. Avec ces fables se transmit

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son La TRAD. on tonne. 105une partie des richesses poétiquesde l’Orient. Le culte et la poésieavoient une grande affinité ; l’ad-mission de chaque dieu venu de l’é-

tranger ouvroit un nouveau champà l’imagination; il devoit arriver, ac-

compagné et de monuments qui te-noient plus de la poésie que de l’his-

toire, et de chants qui lui avoientété consacrés. Ainsi une partie de la

poésie des Grecs a pu dériver deI’O-

rient par la voie de la traduction.Et savons-nous combien ces chantssacrés ont pu influer sur la composai.tion d’autres poëmes? les poëtes n’y

auront-ils pas puisé dans l’apothéose

des rois et des héros? Mais nous n’a-

vons guere ici que des indices ’.Il faut passer par l’ancienne Gre-

ce , et aller chez les Romains, pour(l) Les savants ne sont pas même d’ao-

cOrd sur une traduction de Sanchoniatlson,qu’on attribue a Philon de Bibles,ot qui

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106 surnènr. Aux minimum"voir naître la traduction. Beaucoupd’ouvrages même qu’ils tiroient de

leur propre fonds étoient en partie.une imitation de ceux des Grecs,imitation qui , dans ces morceauxquiils leur empruntoient , ne diffé-roit pas toujours de la traduction.Plante, et d’autres poëles qui tra-vailloient pour le théâtre, donnoientsouvent des pieces qui étoient entiè-

rement traduites du grec. Térenceparaît être plus traducteur quiorigi-nal: par ses prologues, où il répond

n’auroit été faite que sans l’empire d’A-

drien. .leîsloirc de la traduction des Septante l

est,comme l’on sait, assez fabuleuse. Cettetra’duction se lit à l’usage des synagogue:

d’Egypre.

Si la Fumeuse bibliollleque d’Alexandrio

n’avoir pas été consumée, il est vraisemv

rblable qu’on y auroit trouvé quelques rî-

clxesses dont on auroit été redevable à la

traduction. x

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son LA TIAD. DES P432119. 107à ses ennemis, on voit qu’on l’ac-casa de s’être approprié les dépouil-

les dequelques poëles latins, et quionv’

lui fit un reproche d’avoir mêlé deux

pieces grecques pour en composerune latine; mais il ne paroit pas qu’ont

lui eût jamais reproche" son défautd’originalité.

Les difficultés de la traduction au-roient-elles été mieux connues alors

que de nos jours? ou se contentoit-on d’avoir du plaisir, sans chicanerun auteur sur les sources anciennesoù il pouvoit avoir puisé P N album

en dictant. quad non ait idictumvpriùsl, dit Tèrence comme pours’autoriser à puiser dans cette sour-

ce. Le seul reproche quion parûtfaire alors étoit de gâter les pîeces

des Grecs par de mauvaises traduc-tions : Ex gavois [mais Iatinasfeci:

(1) On ne dit rien qui n’ait été dit.

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108 somment. Aux minutonsnon borna: ’, dit encareTérence dans

un prologue. Cicéron traduisit Ara-tus , des morceaqu d’autres poètes .

et la plus longue harangue de Décmosthene. Il trouvoit du plaisiràcet exercice, et le jugeoit fort utilepour l’art (récrire. Catulle s’y exer-

ça. Il est à présumer qu’Horace tra-

duisit des odes entieres , ou aumoins des morceaux assez étendusdes poëles lyriques de la Grece. Onsoit que plusieurs des imitations queVirgile a faites diHomere sont devéritables traductions. Juvénal ditdu mal d’une traduction diHœmare, dont Labéon étoit hauteur.On a cru que Séneque parloit avec »éloge diune traduction latine (PHO-mere en prose, et d’une autre deVir-gile faite en grec par la même plu-

(i) De bonnes qu’elles émient en grec,

il les a faites mauvaises en latin.

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son LA un). DIS rotins. 109met Mais mon but n’est pas ici deparler de toutes les traductions pro-duites par les Romains. On ne peutcomparer ces copies Heurs modelas;tantôt celles-là ont disparu , tantôtnous n’avons de ceux-ci que desfragments. Il seroit cependant fortutile pour l’intelligence de la littéra-

ture grecque, que nous eussions les

(i) Voici le passage de Séneque s

c Tune Hornerus et Virgilius lem benec de humano germe meriti, quint tu dea omnibus et de illis memisti , quùd plu-.ribus notes esse voluisti quàm scripse-un: , multùm tecum morentur a. D:comma. A!) Poan.

Je vais rapporter la traduction que laGrange a faire de ce passage, tome V,p. 466 de sa traduction de cet auteur.

s Prenez les œuvres des deux grand!I poètes dont vous avez augmente la au.a brité par vos travaux ingénieux , et queg vous avez traduits en prose nuleurfain

l. 1°

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ne semant. aux minerionstraductions qu’on fit de ses chefs.d’œuvre dans un temps où la langue

grecque étoit vivante.Il ne paroit pas que les Grecs aient

traduit beaucoup d’ouvragesides Ro-

mains. Fiers de leur originalité etde tontes les richesses qu’ils possé-doient et qu’on s’empressoit de sa

proprier parl’imitation, les Grecs au.

- rien perdre de leurs grues; en effet ,a par un effort très diŒcile,vous avez faita passer d’une langue dans une autre touteu leur élégance et leur énergie. a

J’observe d’abord , tout en rendant

instice au mérite de la traduction de laGrange, que ceci s’appelle une paraphrase.

De plus, l’original ne dit point que Polybe

nir traduit en prose; il ne dit pas mêmequ’il ait traduit. Les commentateurs l’ont.

cru: mais il ne Fallait pas , sur de simplesconjectures, faire passer leur sentimentdans le traduction de ce passage. Il y abien des maniera d’augmenter la célé-

brité d’un auteur. A r

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un u "au. pas mm. Il!voient -ils dédaigné (le les accroître

parllimitalion des productions étrano

gares? ou faut-illlattribueraux trou-bles où la Grece fut exposée, à la

haine que durent lui inspirer ses-vainqueurs, et à la barbarie qui futune suite naturelle de ces révolu-tions? ou enfin le temps fut-il, pourainsi dire , moins jaloux de cameraver les copies que les originaux? Ileût été a souhaiter qu’un certain

nombre des littérateurs de ces deuxpeuples se fût plus livré à la traduc-

tion , et que leurs ouvrages fussentparvenus jusqu’à nous : nous possé-

derions des copies de bien des au-teurs que nous avons perdus; co-pies qui auroient pu être assez res-cemblantes , vu l’analogie des deux

langues. Ne serions-nous pas char.niés aujourd’hui, au défaut du texte

latin , de retrouver en grec ce quinous manque de Tite-Live et de

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"a sonnent. aux minutonsTacite? Une semblable découvertepourroit rapatrier les savants avec latraduction. Quoi qu’il en soit, lacherté des livres, les voyages des sa-vants dans la Grece, et la comtois.sauce de la langue grecque très fa-miliere à Rome toutes ces causarendirent sans doute les traductionsplus rares et moins nécessaires.

Je ne suivrai point la traductionchez les Orientaux. On fait men-tion d’une traduction syriaque leo-mare, née au temps de Raschiid.Les Arabes traduisirent des livreaecientifiques, mais aucun poëte , niouvrage de littérature (à liexceptiond’Èsope). quoiqu’ils eussent en main

les poëtes grecs. M. l’abbé Andrée,

savant dans la langue arabe, le re«marque; il ajoute avec raison ques’ils avoient traduit les beaux moodeles de liantiquité , ils eussent per.du cette enflure qui caractérise leur!

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son LA nul). pas poum. 113productions , et se fussent rapproches

de la nature ’. vC’est a la renaissance des lettres,

et lorsque l’imprimerie eut facilitél’acquisition des livres, qu’il s’ouvrit

un vaste champ aux traductions. Labarbarie où l’on venoit d’être plon-

gé , et ou l’esprit original s’étoit

éteint , jointe a l’avidité de profi-

ter de ces richesses étrangeres , fitde presque tous les savants autantde traducteurs. Mais leurs ouvra-ges étoient des traductions ou sou-vent il s’agissoit plus d’expliquer

les mots d’un auteur que de rendreson esprit : le traducteur étoit à lafois l’éditeur et le commentateur.

(l) On sait que leurs traductions nousont sauvé plusieurs ouvrages anciens, uti-les aux sciences. Voyez l’excellent ouvragede M. l’abbé Andrès , Dell’ origine, de’

progressi e dello stato annale d’ogni lit-

temtm, rom. Il. a ’1°.

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H4 sarrau. aux assumonsCelui qui, dans la lecture de tant demanuscrits . s’étoit attaché à la let-

tre, et en’sortoit l’esprit hérissé de

variantes , n’était guere propre qu’à

faire des traductions absolument lit-térales, alors très nécessaires. Onn’en eut longtemps que de latines.

Enfin l’on traduisit en langue vul-

gaire : cependant la traduction sor-tit bien lentement de son état de bar-barie. Amyot est un phénomene;phénomene d’autant plus remarqua-ble , que la langue n’étoit pas fixée.

Les ouvrages de ses-contemporainset d’un grand nombre de ses suc-cesseurs sont oubliés; ses traduc-tions leur ont survécu. Ronsard,non en traduisant , fit plus qu’êtrelittéral , car il transplanta dans sesvers les mots mêmes des auteursgrecs , sans chercher a les naturali-ser dans ce terroir, qu’il est per-mis d’appeller ingrat. Enfin Mal:

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son LA nm. pas rom-u. l 15herbe vint , mais non pour la tra-duction; sa version d’un des pluslongs traités de Séneque n’est pas

fort connue de nos jours. D’autrestraducteurs eurent le même sort.

Il faut en excepter Marot, qui.avant le temps d’Amyot, traduisit:ou imita avec succès quelques épi-

grammes de Martial, la premiereéglogue de Virgile, et les deux pre-miers livres des Métamorphosesd’Ovide. On trouve de la naïveté ,

de l’agrément et de la poésie dans

ces traductions. Celle qu’il fit desPsaumes n’égale pas plusieurs piecee

qu’il tira de son propre fonds; eteila piété n’eût donné quelque durée

à cet ouvrage , il eût été plutôt ou-

blié. Il semble que Marot , danscette entreprise, n’ait pas consulté

la nature de son génie, qui se por-toit à un genre bien différent. Mais

on ne connaissoit guere le ton du

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"6 scrutin. aux shuntonssublime; le style familier, et mêmeburlesque, sembloit pouvoir sly as-socier, signe de la barbarie d’un sie-

cle; et cette traduction de Marot seressentit quelquefois du style destragédies de la Passion. Cependanton y trouve plus de feu et de poésieque dans la traduction des psaumesdont se servent communément leséglises protestantes.

Passons au beau siecle de la. titré;

rature z nous verrons, comme chezles Romains , limitation ou la tra-duction briller avec éclat au sein mè-me d’un grand nombre d’écrits ori-

ginaux qui firent la. gloire de ce aie-cle. Dans ces imitations heureuses,leurs auteurs semblent (être ren-contrés sur la route du beau avecceux qui leur servoient de mode-les; mais il est peu de traducteursproprement dits qui, en ce temps,niaient servi à décréditer eux-mémea

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sua LA T511). DES POBTIS. l l7

leur art. Non seulement ils pu-blioient des versions faibles, mais il:les multiplioient. La même plumetraduit Homere , Aristophane, Ana-créon, Térence, et d’autres auteurs

encore. Cette tâche sembloit deman-der peu d’art et de temps. Les mais.

vais succès de ceux qui ont tant en].brassé, en tournant à leur honte,sauvent l’honneur de Part.

Pendant que les lettres étoientparvenues au plus haut degré desplendeur , la traduction des plusbeaux génies de liantiquité fut dior-dinaire le travail d’émdits qui, esti-

mables par leur savoir, avoient éteuf.fé le goût sous l’étude appesantie

des mots’7 et, toujours occupés des

langues étrangeres, avoient peu cul.tivé la leur. Les anciens, dans cesécrits, semblerait nlêtre sortis qulim-

parfaitement de la nuit de la barba.rie. Y avoitcil quelque trait difficile

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118 sunnite. aux Résumonsà rendre? on le supprimoit, ou l’on y

substituoit le tour le plus commun.C’étoit la tout l’art des Dacier et sou-

vent méme des Sanadon, qui étoient

très estimables par cette partie deleurs travaux dont l’objet étoit l’é-

rudition , mais qui s’attachoient plus

à fixer laborieusement la date, quel-quefois aussi incertaine qu’indi’ffé-

rente, d’une ode d’Horace. qu’à en

reproduire le génie, semblant travail-ler, lorsqu’ils traduisoient , a faireoublier l’image de ces chefs-d’œu-vre’.

L’amour même de l’antiquité seul.

bloit persuader à ces traducteurs queles anciens, sous quelque forme qu’ils

parussent, enleveroient tous les suf-frages. Les autres savants, ou s’occu-paient peu des traductions, ou n’a-

(l) On a comparé la traduction à uncombat: moins le traducteur: de f0rce.plutôt il cade le terrain et rend. les armet.

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son La un). pas meus. "9voient pas de justes idées de cet art;ou, séduits aussi par leur admiration

des anciens, les reconnoissoient en-core sous cette forme, à-peu -préscomme quelques linéaments bienrendus d’un portrait d’ailleurs man-t

qué suffisent pour rappeller une per-sonne à celui qui vécut avec elle dansl’intimité. Quoi qu’il en soit, ces tra-

ductions imparfaites furent accueil-lies des savants avec beaucoup d’in-

dulgence, et souvent même avec degrands éloges ;leurs auteurs n’avaient

pas alors à craindre qu’on fi t une com-

paraison bien sévere de la copie aumodale l.

(t)Plusieurs des beaux génies de ce sie-de connaissoient parfaitement l’art de tra-duite , lorsqu’ils l’exerçoient eux- même:

dans les emprunts qu’ils faisoient aux en-dans. Pourquoi leur goût a-t-il été en dé-

faut dans les jugements qu’ils ont portés

de plusieurs mducn’onsl Leurs principe!

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ne SUPPLÉM. aux transmues

Lorsque les gens du monde s’ocv

cuperent de ces versions, ils furentsurpris de ne pas trouver plus debeautés dans les anciens. Leur dé-dain, qui retomba sur les originaux,entraîna plusieurs savants mêmesdans cette espece de conspirationqui se lit contre l’antiquité. Il eut

une autre influence plus salutairedont j’ai déja parlé; je ne doute point

qu’il n’ait contribué a éclairer une

partie des savants mêmes sur la na-ture de ces traductions , a les enga-ger à en faire un examen plus atten-tif et plus sévere: mais, en général,il étoit assez naturel qu’il résultât de

semblent avoir été vacillants il cet égard.

Leur indulgence marqueroit qu’en général

ils estimoient peu la traduction , à laquelleils étoient cependant redevables de plu-sieurs de leurs propres fichasses , et qu’ils

lui permettoient de balbutier comme un

enfant. *

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un LA TRAD. Du Portas. uncet examen que l’art de traduire étoit.

aussi subalterne que les talents de laplupart (le ceux qui l’avaient exercé.

Alors les traducteurs , donnant:dans llextrémitè opposée, s’attache-

rent plus à l’élégance qu’à la fidélité,

et obtinrent quelquefois les suffrageede la foule , mais non des savants l.

Si lion vouloit suivre la traduc-tion chez plusieurs autres peuples,on verroit qulils ont eu, plutôt queles François, un certain nombre dechefs-d’œuvre en ce genre ’. Drytlen ,

Pope , Mickle traducteur du Ca-moëns, Annibal Caro , Marchetti,

(l) si l’on vouloit traiter cet article àfond, il faudroit donner une liste très éteu-(lue de traductions tronquées , qui daman;

dent à être refaites , et qui le seront sans ’

doute.(a) Les connaisseurs estiment beaucoup

Il traduction italienne que le comte Me-dini a faire de la Henriade. ’

1. l l

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in surnom. AUX amuronssont la gloire de cet art. De grandsgénies, chez ces peuples, n’ont pasdédaigné de s’en occuper, tandis que,

Parmi les François, il fut long-temps "abandonné à la seule érudition , qui

ne doit en ce travail être que ma-nœuvre, et seconder le goût et le se-

nie. Joignez à cela la circonstance«Tune langue qui, comme l’on sait,

se prête moins qu’aucune autre à latraduction. Je suis persuadé qu’ilfaut imputer le vuide qu’on remar-que. à cet égard dans notre littéra-ture, à cette circonstance, peut’étreaussi à la vivacité françoise, qui ne

sauroit toujours se plier à des tra-vaux trop continus. La premicrevertu du traducteur, vertu qui luiest aussi nécessaire que le talent ,ciest la patience.

Les Allemands occuperoient unegrande place dans l’histoire de latraduction. Il seroit impossible derendre compte de tous leurs travaux

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SUR LA -TRAD. DE! îOITII. 123

on ce genre. Quelque ouvrage quiparoisse, bon ou médiocre, tout estnaturalisé parmi aux; ils poussent,à cet égard, trop loin l’hospitalité.

Il faut l’attribuer, en partie, à ceque leur littérature est encore nais-sante, à la richesse et à la flexibilitéde. leur langue , à leur assiduité infa-

tigable. Les Allemands ont commen-cé à se distinguer dans la littérature

lorsque toutes les nations avoientdéja enfanté des chefs-diœuvre: ilsse sont trouvés comme assaillis à la

fois de tant de belles productions;et il étoit naturel que, pour en jouird’une. maniera plus complets , il:(empressassent à les faire adopter àleur nation. Par rapport à ces pro-ductions . ils ont été à-peu-près dans

la situation où étoit le monde savantA la renaissance (les lettres.

Parmi une foule de traducteursdont la liste seroit trop longue, onciteroit sans doute avec beaucoup

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124 SUPPLÈM. aux ahanonsd’honneur des noms tels que ceux-’ci : Ramier. qui, non content d’ens

fauter lui-même des chants lyriques,a répété si heureusement ceux d’Ho-

race; Èbert, qui a rendu les chantsd’Young; Weiss. dont la muse a fait

revivre les sons de Tyrtée. Homereatrouvé de nos jours six traducteursallemands qui ont été bien accueillis

de leur nation. Je ne nommerai queBodmer : la fidélité lui manque ;mais il a pris un ton patriarchal. ets’est attaché à rendre la naïveté et,

pour ainsi dire, la bonhommie d’Ho«inere, qualité qu’il a même quelque-

fois outrée. Malgré tous ces travaux

faits pour Homere , les littérateursallemands s’engagent en de nou-veaux essais pour l’adoption de cepoète. Il semble même qu’ils nesoient pas encore bien d’accord surles principes qu’ils doivent suivrepour faire obtenir au pore de la poé«

taie cette adoption. Un anonyme vient

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son LA un). pas nones. 1:5de publier une dissertation qui roulesur cesujet: Est-il possible de tra-duire Homere? Cette question estnée chez un peuple dont la langue,parmi les modernes, est la plus richeen mots comportés, et paroit appla-nir bien des difficultés qu’offre cette

entreprise. Sans vouloir résoudre laquestion, je croirois que ces littéra-teurs ont des principes trop exagéréssur la fidélité d’une traduction. Cou x

même auxquels on peut reprocherd’avoir abusé de ces principes nesauroient encore contenter ces litté-rateurs. L’épithete de toua-i; ne sera

pas traduite pour aux. si l’on ne dit«Junon aux yeux de bœuf». Avecune telle rigidité, qui va jusqu’à dé-

naturer même le sens de l’original.je crois bien que l’on parviendra àrendre la traduction d’Homere im-possible.

Chaque nation est portée à abuser

Il. -

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126 menin. AUX minutonsmême de ses meilleures qualités. Lapatience et llexactitude sont des qua-lités excellentes pour un traducteur;mais elles peuvent aller jusque la.minutie. La vivacité est louable ;

rmais elle conduit souvent à la négli-gence. Les défauts de plusieurs tra-ducteurs français et allemands meparoissent tout-à-fait opposés : cesderniers semblent ignorer que la let-tre tue; peut-être les premiers le crai-gnent trop. Si une langue trop re-belle à la traduction rend ce travailingrat, celle qui s’y prête avec tropde facilité n’est pas non plus sans in-

convénients. Voulair traduire litté-ralement tantes les épithetes leo-menu-oies: vouloir parler grec dansune autre langue. Les Allemandsréussissent à naturaliser chez eux les

productions des Anglais , avec les-quelles leur langue et leur génie ont

de liaffinité t ’(l) Je n’ai proprement voulu parler que

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SUR LA TRAD. .1358 FOETES. 137

Je ne poursuivrai-point cette es-quisse de l’histoire de la traduction.Ce que.j’en ai dit peut contribuer à Ifaire sentir les dil’ficultés’de cet art,

dont les progrès ont été fort lentsen France . et à rendre raison du dis-crédit trop injuste ou il a élé. Quel-

ques traducteurs. trop connus pourque je les nomme ici, ont commencéà le réhabiliter. Cam: qui l’exercent

aujourdihui doivent s’attendre à trou-

ver des juges bien plus séveres qulau-

trefois.de la traduction des’ poètes: mais je nepuis m’empêcher (le nommer ici M. Gar-ve , non parceque j’ai l’avantage d’avoir un

ami dans ce pliilosnphe dont l’esprit estaussi profond que son caractere a de can-deur, mais parceque je suis pénétré de la

justice qu’on lui rend en plaçant au pre-

mier rang des travaux de ce gente sa tra-duction des Ollices de Cicéron , et en re-gardant les notes qui accompagnent cetouvrage comme un excellent traité de plii-losophie et de littérature.

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128 sont. aux minerions, etc.Le champ de la traduction est de-

venu immense. C’est un commercecontinuel d’échanges entre tous les

peuples; commerce (où il y a beau-coup de fraudes l.

(x) Ces réflexions sont assez étendues;

je n’ajoute plus ici qu’un mot que je dois

à la reconnaissance.J ’ai trouvé, pour l’édition précédente,

quelques secours à Berlin. Il se forma dansce temps , chez M. Erman , principal ducollage français , et depuis peu agrégé à

l’académie de Prusse , un petit comité ou

présidoit , avec le savoir et le goût , l’ami-

tié vigilante. MM. Reclam et Ancillon (cedamier, membre de la même académie) s’y

trouvoient; je nomme en eux mes plus an-ciens amis. Dans ce comité, nous confron.

tâmes vers par vers avec ma traduction lesquatre premiers chants de l’Iliade. Diverses

occupations nous empècherent de poursui-vre ce travail : mais j’ai senti, par l’habitu-

de qu’il m’a fait contracter d’une attention

scrupuleuse , qu’il m’a été utile pour le

reste de l’ouvrage.

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L’ODYSSÉE

D’HOMERE.l

CHANT PREMIER.CHANTE , ô muse , ce héros farmaux par sa prudence, qui, aprèsavoir détruit les remparts sacrés de

Troie, porta de climats en climatsses pas errants, parcourut les citésde peuples nombreux , et s’instruisitde leurs mœurs. En proie à des soinsdévorants. il lutta surles mers contreles obstacles les plus terribles , aspi- tmm, au prix de ses jours , à ramenerses compagnons dans sa patrie. Mal-gré l’ardeur de ce vœu, il ne put lac.

complir; ils périrent , victimes deleur folle imprudence a sacrilcges!ils oserait: immoler les troupeaux

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13° L’onrssi’sz,consacrés au Soleil, qui rague dansla voûte céleste; et ce dieu irritén’amana point our eux la journéede leur retour. déesse , fille de Ju-piter , que j’entende de ta. boucheau moins quelque partie des aven-tures mémorables de ce hérosl

Tous les guerriers échappés à la

cruelle mort devant les rempartsde Troie étoient rentrés dans leursdemeures , a l’abri des périls dela guerre et de l’océan. Le seulUlysse aspiroit en vain à revoir safemme et sa patrie; il étoit retenudans les grottes profondes de Caly-pso , nymphe immortelle, qui desi-roit avec ardeur se l’attacher par lesnœuds de l’hyménée. Enfin les ans.

dans le cercle continuel de leurcours, amenerent le temps que lesdieux avoient marqué pour son ro-tour à Ithaque , où, même au mi-lieu des siens et dans son propre pa-

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annr I. x31lais. Patrendoient encore de grandspérils et de longs combats. Tous lesimmortels étoient touchés de sespeines: Neptune seul le poursuivitavec une haine implacable , jusqu’au

moment où ce héros eut atteint saterre natale.

Ce dieu siéroit rendu à l’extrémité

de la terre , chez les habitants de l’É-

thiopie , séparés’en deux peuples ,

qui occupent les bords où descendle Soleil, et ceux dloù il sléleve à levoûte céleste; là. il jouissoit du sn-crifice d’une hécatombe, et s’âsso-

cioit à leurs festins. Cependant lesautres divinités étoient rassemblées

cuir le haut Olympe, dans le palaisde Jupiter; et le pare des dieux etdes hommes prend la parole. Il son-geoit à la destinée du fameux Ègis-the, que le fils illustre d’Agamem-non, Oreste, avoit immolé. Pleinde ses pensées, il s’écrie:

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.

x32 L’onvssùz,Eh quoi! les mortels osent accud

ser les dieux! Clest nous, disent-ils.qui leur envoyons les calamités dontils gémissent , tandis qulils. se les at-tirent eux-m’èmes par leur aveugle

folie. Ainsi, contrariant ses heureuxdestins , Ègisthe s’unit. par un cou-pable hymen, à la femme d’Agamem-

non, et,au moment du retour dece prince, illiassassine. Il n’ignoroitpas que ces attentats feroient sa pro-pre perte: nous lien avions avertinous-mêmes; Mercure , envoyé denotre part, lui avoit dit : N’attente.point aux jours de ce roi; n’envahispas sa couche; la vengeance partira.diOreste , des qulentré dans lindo-lescence , ses yeux se tournerontvers l’héritage de ses peres. Ainsi

parla Mercure z mais Ègisthe futsourd à ces avis salutaires. Main«tenant il a subi d’un seul coup les.châtiments de tous ses crimes.

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nuant I. 133Minerve prend la parole : Ô fils

de Saturne, pere des dieux, domi-nateur des rois, clest avec justiceque ce coupable est précipité dansle tombeau : périsse ainsi quiconque

se noircit de tels attentats! Maismon cœur est touché diune vivecompassion, quand je vois le sort dusage et vaillant Ulysse. Liinfortuué!il soulÏre depuis si long-temps despeines cruelles, captif au milieu dela vaste mer , loin de ses amis . danscette isle obscurcie de forêts , qu’ha-

bite une déesse , la fille du savantAtlas dont les regards perçants son-dent ies abymes des mers, Atlas quisoutient ces immenses colonnes ,l’appui de la voûte céleste, si dis-

tante de la terre. Cette nymphe re-tient ce prince malheureux , aban-donné jour et nuit à la plus ame-re douleur. Elle ne cesse de luiadresser des paroles flatteuses , ca-

1. la

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134 L’oDYsste,v ressautes, et qui respirent la lplus

Lvive tendresse , pour le captiver etlui faire perdre le souvenir de sachere Ithaque. Mais Ulysse, ravi slilvoyoit seulement (le loin slélancerdans les airs la fumée de sa terre na-tale, recevroit ensuite la mort avecjoie. Et ton cœur, dieu de llOlympc,n’est pas louché! Nias-tu pas agréé

les sacrifices nombreux que ce hé-ros t’olÏrit sur les rivages de TroieiI

Pourquoi donc , ô Jupiter, es-tu ani-mé contre lui d’un si ardent cour-

roux?Le dieu qui amoncelle les nuées

lui répond: Ma fille, sittelles parolesont passé tes levres! Fourmis-je ou-blier jamais le grand Ulysse , dont la.sagesse est si supérieure à celle desmortels , dont la piété lui fit offrirtant de victimes sur les autels deshabitants de l’immense Olympe?Mais celui "qui environne la terre,

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c n A l! r I: 155Neptune, persévere dans l’inflexi-ble courroux qui l’embrasa, lorsquece héros ravit la vue à son fils Po-lyphème , qui s’éleve comme un

dieu parmi les cyclopes, qui naquitde la fille de Phorcys l’un des roisde Vampire indomtè des eaux, lanymphe Thoosa, à laquelle Nep-tune slunit dans ses grottes profon-des. Depuis ce moment final, s’il ne

ravit pas le jour au malheureuxUlysse, il l’écarte de sa patrie. Son-

geons cependant aux moyens dlas-survr son retour I Neptune doitvaincre sa. colore ; s’il demeure in-

flexible, en vain il slefforcera delut-fer seul contre la troupe entiere de!immortels.

Ô mon pare, toi que respecte l’O-

lympe, repartit la déesse, puisqulilest arrêté dans le séiour Fortuné des

dieux que le sage Ulysse rentre dansI Iademeure , ordonneàMercure, le

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136 L’ourssùe,héraut céleste , de se rendre dansilislç d’Ogygle, et d’annoncer à la

belle nymphe l’irrévocable décret

des habitants des cieux ; qu’elle neretienne plus cet homme intrépide.qu’elle consente à lui laisser repren-

dre la route de sa patrie. Cependantje vole dans Ithaque enflammer lecourage de son fils , animer soncœurdlune force nouvelle. Ce jeuneprince convoquera l’assemblée des

chefs et du peuple ; il osera interdirel’entrée (le son palais à ces amants

nombreux et hardis de sa mare, qui.faisant ruisseler le sang de ses trou-peaux, y coulent leurs jours dansles festins. A Je renverrai ensuite àSparte et dans la sablonneuse Pylos,pour s’informer du sort dlun par:chéri, Il est temps que sa renom-mée se répande parmi les hommes.

A peine tut-elle parlé, qu’elle atta-

che à ses pieds ses ailes d’un or cd-

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ces!!! I. :37leste et éternel, qui la portent , avecplus de rapidité que les vents, à tra-vers liempire des eaux et l’espaceimmense (le-la terre ç elle saisit salance ou éclate l’airaiu acéré, cette

lance longue, pesante et invincible,qui, dans le courroux de la fille dumaître des dieux , terrasse une armée

de héros : un rapide vol la précipite

des sommets de l’Olympe. Elle estdans Ithsque, à l’entrée du palaisd’Ulysse , tenant sa lance redouta-ble; elle a pris la forme de Mentès’,

roi des Tapliiens. Elle voit eux por-tes du palais les téméraires amantsde Pénélope z assis sur les peaux (les

victimes qu’ils ont immolées pour

leurs festins , ils amusoient par leleur loisir. La foule tumultueuse desesclaves et des hérauts alloit de tou-tes parts d’un pas empressé z les uns

versoient le vin dans les urnes , etle tempéroient par l’eau des fontai-

sa.

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138 L’onrssisa,lies, d’autres passoient sur les tablesl’éponge douce et poreuse, ou par-

tageoient et servoient les viandes.Aussi beau que les dieux , Télé-maque étoit assis entre ces chefs ,le cœur dévoré de noirs chagrins;toujours llottoit devant ses yeux l’i-mage de son pare. Plongé dans uneprofonde rêverie, le jeune prince sedemandoit en soupirant si donc en-fin ce héros ne reviendroit pas pur-5er son palais de cette troupe odieu-se, et, couvert de gloire, remonter ason rang. Absorbe dans ces pensées,il apperçoit le premier la déesse: sou-

dain il vole à sa rencontre , indignéqu’un étranger soit demeuré quel-

que temps a la porte de son palais;il lui serre la main. il prend son ja-velot: Salut , ô étranger, dit-il; entre,jouis ici d’un accueil amical et horion

table. Dès que le repos et la nourri-ture amont réparé les forces, tu nous

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,anr-rl. la?apprendras l’objet qui t’amene.

En même temps il conduit la.déesse, qui suit ses pas. Entrés dans

la salle , il incline le javelot contreune colonne haute et éclatante; laétoient rangés les javelots nombreux

du magnanime Ulysse. Il mene Pal-las vers un trône couvertdlun ricinetapis , et la fait asseoir; une estradeest attachée au trône, sur laquellereposent les pieds de la déesse. Il seplace sur un tirage à côté d’elle, loin

des amants de Pénélope , pour quele festin de l’étranger ne soit point

troublé par le commerce bruyant deces hommes hautains ; il desire aussiliinterroger librement sur llabsencedlun pere.

Par les soins d’une esclave l’eau

coule d’une aîguiere dlor dans un

bassin diargent, on ils baignent leursmains; elle pose devant eux une ta-ble unie et luisante. Une femme v6-

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I4o L’onvssen,nérable par son âge apporte le painet divers aliments dont elle a la garde,et qu’elle leur présente d’une main

libérale , tandis qu’un des principaux

serviteurs recevant les bassins cou-verts de viandes, en charge la table,ainsi que de coupes d’or qu’un hé-

raut, portant autour d’eux ses pas,est attentifà remplir de vin.

La troupe turbulente des amantsde Pénélope entre, et en un momentsont occupés les trônes et les siegesrangés avec ordre le long de la salle.

Une eau pure coule sur leurs mainspar l’office des hérauts; entassé dans

de belles corbeilles, le pain est ap-porté par de jeunes captives. Leschefs portent la main sur les ali-ments, chacun jouit de llabondance.Répaudu à grands flots dans les cou-

pes. le vin en couronne les bords.Dès que la faim et la soif sont a!»

puisées, les amants de la reine se li-

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anx’r I. i4:fient tous au chant et a la danse, lecharme des festins. Un héraut metune superbe lyre entre les mains dePhémius , le plus habile des élevasd’Apollon; il la prend malgré lui,

contraint. de chanter parmi cesamants. Parcourant la lyre de sesdoigts légers, il préludoit par dlheu-

reux accords, et entonnoit des chants

mélodieux. lMais Télémaque inclinant sa tête

vers Minerve. pour que sa voix neparvînt à l’oreille diaucun des assis-

tants: Cher étranger, lui dit-il, puis-je, sans te blesser , t’ouvrir moncœur? Voilà les soins de cette trou-pe , la lyre et le chant: qui sien éton-

neroit? Ils consument impunémentles biens d’un héros dont les osblanchis se corrompent , exposés enquelque terre ignorée anneaux duciel, ou routh avec les flots de Ilmer. Siil reparcissoit dans lliiaque,

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142 L’onrsséz,combien ils souhaiteroient tous avecardeur d’être légers a la course, plu-

tôt que chargés dior’ et de ces riches

vêtements! Hélas! il a péri, victime

d’une destinée malheureuse , et la

plus douce espérance est éteintedans nos cœurs. Vainement un étran-ger m’annoncer-oit encore son retour;

je ne me flatte plus de voir luire cejour fortuné. Maiis parle , que la vé«

rite sorte de tes levres; quel es-tu 1’

apprends - moi ta demeure, le lieude ta naissance ; quel vaisseau teconduisit a Itliaque, et quels nau-tonniers t’ont accompagné? car tun’as pu arriver sans ce secours à cesbords entourés des flots. Èclaircis-

moi encore ce point intéressant ;viens - tu pour la premiere fois danscette isle? ou l’hospitalité, par d’an-

ciens nœuds , t’unit-elle à mon pore?

Sa maison étoit toujours ouverteb.une foule d’étrangers , et il avoit

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eusn’r I. x43l’art de s’attacher tous les cœurs.

Je satisferai à tes demandes, re-partit Minerve. Mon nom est Men-tés; né d’Anchiale, illustre par sas

valeur, je regne Sur les Taphiensqui s’honorent de l’aviron. Je tra-

verse avec un de mes’vaisseaux et

un cortege la noire mer, et merends aTémose pour échanger con-

tre l’aiiain un fer éclatant; mon.vaisseau , loin de la ville, à l’ombredes forêts du mont Née, m’attend.

au port de Redrre. Félicitons -nousd’être unis par les nœuds d’une an-

cienne hospitalité. Tu n’en douteras

point, si tu vas interroger ce héros,le vieux Laërte; car on dit que l’in-

fortuné ne se rend plus à la ville ,mais que, livré à la douleur, il menadans ses champs écartés une vie so-litaire, avec une esclave âgée. quilui présente les aliments et le breu-Verge nécessaires pour ranimer ses

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M4 L’ourssén,forces épuisées , lorsqu’il revient

de ses vignobles, ou tout le jouril a traîné ses pas languissants. J’ar-

rive enfin en ces lieux; on m’as-suroit que ton pere étoit au sein deses foyers : les dieux continuent àl’égarer de sa route. Non , le grand

Ulysse n’est pas dans le tombeau:il est plein de vie, retenu malgrélui par des hommes barbares dansquelque isle au milieu de la mer.Cependant écoute : je ne suis pasdevin, je n’interprete pas le vol desoiseaux; je semi l’organe des dieux,ne doute point de l’accomplissement

de mes paroles.Ce héros ne sera pluslong-temps éloigné de sa patrie; fût-il

accablé de liens de l’er, telles sontles

ressources infinies de sa prudence,qu’il triomphera de tous les obsta-cles. Mais parle, vois -je en toi lenoble fils d’Ulysse? Tes traits , lefeu de les regards, m’offrent sa pars

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e a A n r I. 145faire image. Avant qu’il voguât à.

Troie avec les plus vaillants chefs dela Grece , nous fûmes souvent assisl’un près de l’autre, comme en ce

moment je suis à côté de toi : depuis

ce temps, son palais nia plus été ma

retraite.Étranger , répond Télémaque ,

l’exacte vérité sortira de ma bouche.

Ma mere , la chaste Pénélope , at-teste que je suis le fils de ce héros:des: le témoin le plus sûr; on neconnaît point par soi-même les au-teurs de sa race. Ah ! que n’ai-jereçu le jour d’un homme plus heu-

reux que la vieillesse ait atteint ausein paisible de sa famille et de sesbiens! Maintenant, puisque tu veuxl’apprendre, c’est, dit-on, au plus

infortuné des mortels que je dois la

vie. iMinerve lui repartit : Les dieux.en donnant à Pénélope un tel fils,

1. 13

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146 L’onvssi’zz,n’ont pas voulu que ton nom par-vint sans gloire à la postérité. Mais ,

dis-moi, je te prie, quel est ce fes-tin , cette, assemblée nombreuse PCélebreet-on ici une fête ou un hy-lmènée? car ce n’est point la un de

ces repas aux frais duquel des amisse sont associés. A quels excès, àquelle insolence s’abandonnent dans

ta maison ces bruyants convives!Tout Spectateur sage se courrouce-roit à la vue de tant d’indignitès.

Étranger , qui mlinterroges , quiprends une si vive part à notre si-tuation , dit Télémaque, jadis, etaussi long-temps que ce héros a été

parmi nous , on pouvoit s’attendreque Je gloire et les richesses de samaison seroient durables: les dieuxen ont autrement ordonné; animésà le poursuivre, ils ont voulu quien-tre tous les hommes il finit par

la mort la plus obscure. Je le pleu-

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ann’r I. 141remis moins s’il fût tombé devant

. Troie au milieu des héros ses com-pagnons , ou si , après avoir achevécette illustre conquête, il eût rendule dernier soupir entre nos bras: laGrece lui eût érigé un magnifique

tombeau; et son fils, chez nos des-cendants , eût participé à cette gloire

immortelle. Maintenant les Harpyesl’ont ignominieusement ravi de laterre; il a disparu sans qu’on liaitvu , sans qulon ait entendu sa voixvIet ne m’a laissé que la douleur et ledeuil. Sa mort n’est pas le seul objetde mes larmes; les dieux ’m’ont ré-

servé diantres disgraces non moinsaccablantes. Tous les princes desisles de Dulichium , de Samé , de la

verte Zacynthe, et tous ceux des ro-chers d’Ithaque , briguent la mainde me mere , et conspirent notreruine. Elle ne peut se résoudre ni àles irriter en rejetant leurs vœux, ni

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r48 fantasia,à former un hymen qu’elle abhorre :

et cependant ils consument notrehé.itage en festins; bientôt ils meprécipiteront moi-même dans l’a.

byme.La déesse arrêtant sur lui des

tegards ou la compassion se mêleau courroux: Ah! (libelle , combientu dois soupirer après le relour dece héros, pour que son bras tom-be sur ces insolents! Plut au cielqu’il parût en ce moment à l’entrée

de ce palais , son casque au front,son bouclier et ses deux javelots a lamain , tel que pour la premiere foisil frappa mes regards dans notre de-meure , où . venant d’Èphyre , ilaugmenta I’alégresse de nos festins!

(Il avoit été à travers les flots de-mander à Ilus, fils de Mermérus, lesecret d’un venin mortel pour enteindre ses floches redoutables, sonété: qu’llus, parla crainte des dieux,

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c n A n Tl I. 149lui refusa, et que lui confia mon peu-e,tant il aimoit ce héros.) Plut au cielqu’Ulysse , sous la même forme,parût aux yeux de ces téméraires!

ils descendroient tous a ce mêmeinstant au tombeau; et cet hymen,l’objet de leurs vœux , se changeroit

en un sombre deuil. Mais c’est auxdieux , qui tiennent en leurs mainsnos destinées , à décider s’il exercera

sa vengeance dans ce palais. Toi,songe aux moyens d’en bannir cettetroupe odieuse. Écoute, sois attentifà mes conseils. Demain , au leverde l’aurore, convoquellesrch’el’s et le

peuple; prends la parole, et, attes-tant les immortels , dis hardimentâces hommes superbes de fuir. derentrer dans.leurs domaines. Si tumere veut former les nœuds d’unsecond hymen , qu’elle retourne

. chez son pere , ce roi puissant , podrqu’il en célebre la fête, et que, l’en-

13..

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n5o 11013155121,voyant à son époux , il lui prodigue

les richesses , digne cortege d’unefille si chérie. Je le donnerai encoreun conseil prudent , si tu veux êtredocile à ma voix. Arme un vaisseaude vingt rameurs , et cours t’infor.

mer du son dlun pare attendu silong-temps. Peut-être recevras-tu dela par: des hommes quelque heuareuse lumiere; peut-être entendras-tu la renommée , cette voix subitede Jupiter, qui répand sur toute laterre le nom des mortels. Va dia-bord i Pylos, interroge le sage Nes-tor; de là vole à Spnrte chez Mené-las , arrivé le dernier des Grecs quirevêtirent llairain belliqueux. Si tuapprends que ton pare vit et prépareson retour, tu supporteras encore,fût-ce durant une année, le jougqui t’opprime. S’il n’est plus, tu re-

tourneras dans ton isle chérie : que,un main érige à son ombre un tom-

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c n A x r I. l5!beau; rends-lui , avec la pompe laplus solemnelle, tous les honneursdus a ses cendres, et donne un époux

a ta mare. Mais à peine auras-tu sa-tisfait aux devoirs les plus sacrés.consacre tous les efforts dont tu escapable à perdre , soit par la ruse,soit par la force , les ennemis quiassiegent ce palais. Tu n’es plusdans la saison des jeux puérils , Té-

lémaque; tu es sorti de l’enfance.Nias-tu pas entendu de quelle gloireales! couvert Oreste en immolant leperfide Ègisthe, cet impie assassin ,qui lui ravit le plus illustre des peres?Ami , je teyvois une hante stature,des traits pleins de noblesse et debeauté; sois donc intrépide , et ton

nom ne sera pas oublié des racesfutures. Mais il est temps que je merende à mon navire . ou mes com-

.pagnons s’impatientent de mon re-tard. Veille toivmème à ton destin.

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152 fantasia,et garde un profond souvenir de mesparoles.

Étranger , répond Télémaque , je

vois en tes discours le zele pur del’amitié ; ainsi parle un pere à son

fils: non , jamais cet entretien ne(effacera de ma mémoire. Mais ,quoique si pressé de partir, demeureencore; ne veux-tu pas te rafraîchirpar le bain , goûter les attraits durepos P tu te rendras ensuite , le cœursatisfait , a ton navire , après avoirreçu de ma part un don choisi, pré-cieux , tel que ceux quïm ami metentre les mains de son ami, et quisera dans ta demeure un monument

de notre tendresse. ’Ne retarde point mon départ, dit

la déesse; un objet pressant l’accè-

lere.’ Lorsque je reviendrai , tu me

feras tel don que me destinera toncœur sensible, et (juste retour de tubienveillanca) tu en recevras uni-de

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c n A x T I. 153moi qui ne sera pas d’un prix moinsflatteur.

En disant ces mots, Pallas s’é-loigne et disparaît avec la rapiditéde liaigle. Le cœur de Télémaque

est rempli d’une noble audace; lesouvenir de son pere s’y réveilleav ec

une force nouvelle. Frappé diéton-nement , il s’abandonne a ses pen-sées, et reconnoît que son hôte étoit

une divinité. Bientôt il s’avance avec

la majesté des immortels vers lesamants de sa mare.

Le célebre Pliémius charmoit par

ses chants leur troupe assise en si.lence. Il chantoit les malheurs dontles Grecs furent accablés parMinerve

qui les poursuivit a leur retour deTroie. Du haut de son appartement,la fille d’Icare, la sage Pénélope, en.

tendit les funestes accents du chan.Ire divin. Elle descend les nombreuxdegrés , non seule; deux de ses feula

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154 Llonrssée,mesla suivent. Arrivée auprès de ses

amants , la reine siarrête sur le seuilde la salle superbe: la , couvertedlun.voile qui ombrage légèrement sestraits, placée entre ces deux femmesvertueuses , elle se tourne vers lechantre divin; et versant des larmes t.i Phémius, dit-elle , il est en tonpouvoir de nous ravir par le chantdiun grand nombre d’actions mer-veilleuses, soit des dieux , soit desmortels , que célebrent les fils desmuses: assis parmi ces chefs, cap-tive leur attention par fun de cessujets , et qu’ils vuidént les coupes

en silence. Mais arrête ce chant lu-gubre: chaque fois que tu Fenton.nes , il porte le désespoir au fond dece cœur brisé par le sentiment con-tinuel des inexprimables regrets queje donne si justement à liépoux dontj’attends , hélas! depuis tant dansnées le retour; jour et nuit est prés

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CHANT I. 155sente à me pensée l’image de ce hé-

ros , qui remplit la Grece entiers desa gloire.

Le prudent Télémaque prenantla parole : Ô ma mere, dit-il , pour-quoi te courroucer contre l’aimablefavori des muses , qui laisse coulerde son ame ces accords enchanteurs?Les chantres divins ne sont point lacause de tes infortunes; c’est Jupi-ter qui distribue à son gré aux misé:

rables mortels les biens et les dis-graces. Phémius doit sur-[out êtreexempt de blâme slil célebre les mal-

heurs des Grecs : les chants les phisnouveaux captivent Pareille char-mée. Aie assez «l’empire sur toi-mème pour l’écouter. Parmi ceux

qui se rendirent aux bords troyens,Ulysse ne fut pas seul destiné à. nepoint revoir sa patrie: combien (Fil-lustl’es gueniers y trouverent leur

itombeaul Rentre. reprends les oc-

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156 Llonvssàn,eupations chéries , la toile et les fu-seaux; dirige les mains industrieuses

. de tes femmes. Parler dans les as:semblées est le partage des hommes ,et ce doit être ici le mien , si le chefde ce palais a de l’autorité.

Vivement frappée de la sagesse deson fils , Pénélope se retire , et re-cueille au fond du cœur toutes lesParoles de Télémaque. Remontée

avec ses femmes à son appartement,ses larmes recommencent à coulerpour celui qu’elle aime , Ulysse sonépoux , jusqu’à ce qu’un doux som-

l meil , envoyé par Minerve , ferme sa

paupiere.Mais les amants de Pénélope font

retentir (fun tumulte épouvantablele palais obscurci des ombres dusoir; liamour embrase le cœur detous ces chefs; leurs desirs éclatentsans contrainte. Le sage Télémaque

les réprime par ce discours : Ô vous

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t: a; A n a- I. 157qui aspirez à ma mere , vous dontllaudace nia plus de bornes , soyezau moins paisibles en ce moment,et livrezwous aux plaisirs du festinsans le troubler par des cris tumul-tueux; il y a bien plus de charmeet de décence à prêter lloreille auxchants d’un fils des muses, tel quecelui-ci, dont les accords semblentpartir des levres des immortels. De-main , réunis à la place publiquedans une nombreuse assemblée, jevous dirai ouvertement de sortir dece palais; établissez ailleurs le lieude vos festins, et vous recevant touroÂ-tour , consumez vos propres riches-

ses. Si, croyant ne pas rencontrerici de vengeur, vous trouvez qu’il est

bien plus facile et plus avantageuxde conspirer lâchement a la perte(rune seule maison, poursuivez; maisfie conjurerai les dieux immortels , sijamais leurs châtiments répondent

i. :4

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S58 fantasia,aux crimes , de vous ensevelir ausein de ce palais dans une ruinecommune , sans qu’il reste de vous

un vengeur. ’Il dit : étonnés du courage de ce

jeune prince, ils le regardent avecadmiration , et, muets , ils imprilment leurs dents sur leurs Ievres.

Mais le fils d’Eupithés, Antînoiis,

prend la parole: Télémaque , lesdieux mêmes t’ont sans doute ins-truit à parler avec tant d’élévation

et d’audace. Puisse Jupiter, malgré

les droits de ta naissance , ne POT;mettre jamais que tu ragues dansl’isle d’Ithaque Ë ’ i

Ma réponse , Antinoiîs, enflam-

mera-telle ton courroux? répliquale fils d’Ulysse: si telle est la volono

té de Jupiter, je recevrai le sceptre(le sa main. Toi-même, penses-tu’qu’il soit un don si méprisable? Il

’e’st’beau de régner; un roi est ent-

. A 4

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Le un. n r L, ’59yirmné de richesses et d’honneurs;

sa personne est sacrée. Mais . par-mi les jeunes gens ou les vieillardsd’Itbaque , bien d’autres encore que

moi peuvent aspirer au rang suprébme; que l’un d’entre eux le possédé,

si le magnanime Ulysse n’est plus.

Sachez cependant que , roi dansrua maison, je gouvernerai les bien.et les esclaves que m’acquit ce hé-

ros.Le fils de Polybe . Eurymaque,

rompt le silence: Le sceptre de cetteisle , dit-il , ô Télémaque, est entre

les mains des dieux. Regne dans lamaison, conserve tes richesses ; mal.heur à celui qui voudroit t’en dé-

pouiller tant qu’il restera un citoyen

dans Itbaque! -- Mais , fils illustred’Ulysse , parle: quel est cet étran-ger? d’où venoit-il? en quelle con-o

trée est-il né? où voit-on fleurir sa

sans et son champ paternel? Une

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160 fantasia,dette ancienne a-t-elle été Tobie! deson arrivée? ou tiauroit-r-il annoncé

le retour de ton pare? Comme il apromptement disparu ! avec quelsoin il évitoit de se faire connaître à

nous li Ses traits niannongpient pas

un homme vulgaire. I iEurymaque , répondit le jeune

Prince , i désormais il ne me resteplus une ombie diaspoir du retourde mon pare : en vain un voyageurme l’annonceroit avec serment; envain encore un augure renommé, iuqterrogé par ma mare dans l’intérieur

de notre palais ; flatteroit nos vœuxpar ses promesses. Cet étranger estl’ancien ami de mon pare; Mentès,

a-t-il dit, est son nôm ; né du belli-queux Anchiale,il gouverne le peu!pie nautonnier des Tapbiens. Ainsiparla Télémaque , et cependant il areconnu la sage Pallas.

Alors les amants de Pènél’ofe Il.

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. c- n. A x tr I. n61.eongent plus qu’au chant et à ladanse, charmés par ces plaisirs jus-qulà llarrivée des ténebres : la nui:

qui descend avec ses noires ombresles trouve encore livrés à renchau-tement de ces plaisirs. Enfin ils vonttous dans leurs palais chercher lesdouceurs du. sommeil.

Télémaque se retirant dans le po-villon superbe qu’on lui bâtit près

du palais, et qui dominoit (le toutesparts sur un terrain immense , vase rendre à sa couche, liesprit agitéde soins. Une femme âgée précédoit

le jeune prince , tenant des flam-beaux éclatants ; c’étoit la sage Eu-

ryclée . fille d’0ps ne de Pisénor.

Jadis, lorsqu’elle étoit au printempsde l’âge , Laërle l’avait achetée au

prix de vingt génisses: il llhonoratoujours dans son palais comme uneépouse; mais , fidele à la sienne,. ilrespecta l’hymen , et ne voulut point

i4.

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r62 L’onyssér.que la ialousie pût en troubler Lapeut et les douceurs. Aucune desfemmes attachées à ce palais n’avait

plus de zele et dlaffection pour Té-lémaque; elle [lavoit élevé depuis

sa. plus tendre enfance.Elle lui ouvre les portes de la ri-

’ che demeure confiée à sa garde. Ils’assied sur sa couche , se dépouille

de sa fine tuniquet et la remet auxmains de cette femme âgée , atten-tive à ses ordres. Elle la plie avecsoin , la suspend près du superbe lit,siéloigne aussitôt , et tirant la portepar l’anneau d’argent, pousse avec

soin le levier, qui tombe,,et la porteest fermée.

La Télémaque , couvert dlun tis-

su précieux des plus fines toisons,ne dort point ,l et pense la nuit erratiare a la route que lui indiqua Mi-nerve.

’18 DU CHANT PREMIER.

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AVERTISSEMENTsua LES

REMARQUES DE roussin.

J: donnerai moins (l’étendue à ces re-marques qu’à celles que j’ai faites sur l’I-

liade; plusieurs de ces demîeres sont ap-plicables à l’Odyssée. L’amour de la briè-

veté mlengnge à ne faire presque aucunparallcle de ma traduction avec d’autrestraductions de llOdyssée ; j’en laisse le soin

aux lecteurs. Je me suis permis plus sou-ivent ce parallale dans mes remarques surl’Iliade , uniquement pour justifier et éclair-

cir les principes que ilai suivis dans ma tra-duction. l’épargne au lecteur , autant que

je puis, le détail des raisons qui m’ontengagé quelquefois à prendre un sens dif-

férent de celui des autres interpreres: ceuxqui peuvent consulter l’original m’enten-

dront souvent à demi-mot par ma traduc-tion; les autres ne peuvent goûter ni m6-me saisir ces remarques. J’avenis que je

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1.64 avznrzsstunxr.continue de joindre à mes observations unchoix de celles de Pope , de madame Da-cier, d’Emesti et diantres critiques; pourabréger je me dispense de les nommer àchaque occasion.

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REMARQUESSUR LE CHANT PREMIER.(Page 129. Aspirant, au prit de ses jours,nir-amener ses compagnons dans sa patrie.)

ON peut aussi traduire , «aspirantàsauvcrSa vie a». C’estle tour de la plupart des inter-

pretes; mais j’ai, pour celui que j’ai pré-

féré, un scholiaste et la beauté du sens.La simplicité du début de l’Odyssée a été

érigée par Horace en précepte; on ne l’a

pas toujours suivit

(Page 1 31 . Cependant les autres divinitésétoient rassemblées.)

Les dieux se hâtent de profiter de l’ab-

sauce de Neptune pour délibérer sur le sortd’Ulyssn.l Neptune se rend seul dans l’É-

tliiopie , c’est pour assister à la fête qui lui

étoit particulièrement consacrée. Humeur

place les Éthiopicns aux extrémités de la.

terre , et les distingue en deux peuples. Il:habitoient le long de l’océan méridional.

Le Nil coupe l’Éthiopie , et en fait un!

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x66 nananqvespartie orientale et l’autre occident.nle.

(Ibidem. Du fameux Égisthc. )

A’pdym, proprement «irrépréhensible,

ce qui forme ici un sens absurde. Quel-ques uns , parmi lesquels est Pope , se sonttourmentés pour le justifier : ils ont dit quel’aine dlÉgisthe étoit telle en sortant de la

main des dieux. Selon d’autres a); (1’le

signifie ici «beau n. Homere se sert sou-vent de cette épithete en parlant des fem-mes, pour désigner leur beauté. J’ai pré-

féré, avec Barnès , un autre sens.

(Page l 32. Contraint ses heureuxdestins. )

Tarin [miton Si on prenoit plusieurs pas-sages d’Homere à la lettre , on croiroitque les des tins pourroient quelquefoischanger , ce qui est absurde. En général,

la doctrine du destin est obscure. Le motprépa; n’a pas toujours la même acception

dans Homere; il l’emploie souvent en par.leur de ceux qui meurent A la fleurât: leur:jours : j’ai donc pu suivre ici un sens sur

Iogue.

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son 1.! CHANT I. i67’(ibidem. La vengeance partira d’Oreste.)

Mercure désigne la raison. «La raison

lest le Mercure de tous les hommes n- ,c’est un ancien proverbe.

(Page 133. Minerve prend la parole.)

La maniere dont Homere ouvre et ex-pose son sujet, en assemblant les dieuxpour délibérer sur le sort d’Ulysse, est il

la Fois ramie et intéressante. L’ex sosition

B lde la mort de Pompée, ou l’on admire legénie de Corneille, est à peu près du mé-

lme genre. Le discours de Minerve est bienamené; point d’introduction forcée; il naît

de l’occasion et c’est une rancio beauté

1 Edont Homere offre souvent le modele.

(Ibidem. Qu’babite une déesse)

’On croit que l’isle de. Calypso est celle

[qu’on appelle GAULOS , qui est au milieu

ide la mer entre la Sicile et l’Afrique, unpeu alu-dessus de Malte. D’autres ont cruque c’était l’Atlantide, sur l’existence et

la place de laquelle on a trop disputé;

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:68 [EIHÀRQUSS(Page 134. S’il voyoit seulement de loi!

s’élancer dans les airs la fumée.)

A’vrosltæla’uov’m. Ce mot est pittoresa

que; la fumée s’éleve rapidement de la

flamme.

(P. 1 37. Elle a pris la forme de Mentès.)

Mentès, célebre négociant de l’isle de

Leucade, prit Homere à Smyrne, et luifit faire tous ses voyages. Cette tradition,honorable à Homere, confirmeroit qu’il

consacroit les noms de ses amis dans sespoésies; d’autres disent qu’il y avoit alors

à Tapbos un roi nommé Mnnrias , quiétoit ami d’Ulysse. Taplios, une des un:Écbinades.

(Ibid. Amusoient par le jeu leur loisir.)

Le jeu est un usage bien ancien. Lessavants se sont fatigués à chercher quelétoit celui dont s’amusoient les amants de

Pénélope. Selon les uns c’était le jeu desdés; selon Athénée, c’étoit une espece de

jeu aux dames, qui avoit quelque rapportà la poursuite que les chefs faisoient du la

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sfixszHAx-rï. 16;femme d’Ulysse. La piece principale étoit

appellée PfixÉLou. On remarquera queTélémaque précede son hôte pour Finno-

duite: démit alors le bel usage. ’

(Page 138. Il apperçoit le premierla déesse.)

Homere n’a-bi! pas voulu meure en 9p-positîon la sensibilité de Télémaque , qui ,

occupé du souvenir de son pare, rend cequ’il doit à cet étranger , et ln conduite des

prétendants , qui ne l’appcrçoivent pas

nième , livrés à llamusement du jeu? U1;-

mail que lui fait Télémaque intéresse poui-

ce jeune prince dès le moment où il paroitsur la mena.

(P. 139. Là étoient rangés les jaclnm).

Exln l quæ in mcdîîs îugonfi ndnîxa colum-m

Œdibus ululant , validnm vi corfipît hmm".

I En"). tu. XlI.

(Page 141. Un héraut me: une supe1belyre aune les mains de Phémius.)

Ulysse , en partant pour Troie , avoithissé, selon l’usage de ces .tcmps , àPénéh

1. 15

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17e InsuAnquxs.lope, un de ces poètes qui étoient à la fait

musiciens , philosophes , et qui avoientun soin particulier des mœurs. Homerel’appelle PHËMIUS; c’est le nom d’un de

ces amis qui avoit été son précepteur.

(Page 142. Tu n’as pu arriver, sans cesecours , à ces bords. )

Littéralement, «tu n’es pas venu ici à

pied n. On u dit que c’était un trait denaïveté convenable à Télémaque , on l’a

loué; mais ce même vers ce! répété plus

d’une fois dans l’Odyssée , et non par des

enfants. Il est plus vraisemblable que cevers étoit un dicton reçu dans plusieursisles: ce qui le feroit croire est la répéti-tion de ce vers à l’arrivée des étrangers.

De quelque maniera qu’on l’entende, ilretrace. une image du vieux temps.

M. Prevost , connu fort avantageuse-ment par sa traduction d’Euripide, m’l

communiqué une conjecture ingénieusequ’il a faite sur cet endroit : rhô; peut si.

gnifier HUMBLE. En ce sans, Télémaque

auroit dit: «Tu n’es pas venu sans uny grand cortege a. Ce sans est beau, et

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evxnnanx-rt. 17!j’ai été tenté de l’adopter; mais il ne s’ac-

corde pas avec toutes les circonstances oùce vers est répété. info; paroit n’avoir pas

au ce sens au temps d’Homere.

(Page 143. Ce héros , le vieux Lnërte; car

on dit que [infortuné ne se rend plus àla ville.)

Térence a formé sur Laërte le caractere

de ce bon Ménedeme qui, ayant été cause

de l’absence de son fils , renonce à toute:les douceurs de la vie , et s’accable de tra-

nil.(Page M4. J’arrive enfin en ces lieux.)

Je crois avoir saisi le sentiment dontHomere en ce moment anime Pallas.

(Page 145. On ne cannoit point par soi-même les auteurs de sa race. )

Les commentateurs mettent ici à con-tribution Aristote et d’autres écrivains del’antiquité , pour dire qu’en cette matierc

la mere peut avoir le plus de certitude , etque notre naissance est plus sûre du côté!de hume que du côté du pers. c’est le

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;73 BLMLIQUII.sentiment des jurisconsultes , qui appel-lent la mere cran , certaine. Les Grecsdébitoient volontiers des maximes; c’est

ce quia fait mettre cette naïveté dans labouche de Télémaque.

(IF. t 46. Garce n’est pointlà un de ces repas

aux frais duquel des amis se sont associés .)

On voit par Athénée que ces repasétoient fort en usage chez les Grecs.

(Page 147. Les Harpyes l’ont ignomi-

nieusement ravi.)

VHarpyes , espace de démons , ou lestempêtes. Expression poétique , pour direqu’un homme a disparu sans qu’on sache

la maniere dont il a péri.

(Page r48. Un venin mortel pour enteindre ses ficelles.)

Les traits empoisonnés n’étoient pas en

usage dans la guerre de Troie. Pour sanaver l’honneur d’Ulysse, on a dit qu’il vou-

loii employer ce venin pour faire la guerreaux bêtes , ou que le poète a voulu par là

tendre plus probable la mort des ponts-ni-

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"111.:anan 173vents. La déesse ne nomme Oresre quepour animer Télémaque par cet exemple à

venger son pere. l(Page 152. Tu en recevras un de moi qui

ne sera pas d’un prix moins flatteur.)

Seroît-ce prêter une beauté à Homere,

que de dire que Minerve songe ici au mo-ment où elle lui rendra Ulysse?

(Page 155. Les chantres divins.)

Malgré l’interprétation de Pope, selon

lequel Homere diroit , u Phémius n’est pas

u coupable , Jupiter inspire à son gré lesa hommes de génie», j’ai préféré le sans

de la plupart des interpretes. L’épitheted’mcàmnux que Télémaque donne ici

aux hommes est générale. On la retrouvedans un autre endroit de l’Odyssée, où il

est dit qu’Alcinoüs conduit les Phéaciens

dans une isle, loin des hommes.Dans le discours que Pénélope adresse

à Phémius, Pope lui fait dire :

Allemper’d to du: lyre , yen: voice employ :Such du pleas’d en Will drinx whh silenl joyr.

15.,

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174 anuanonxsClest prendre une grande liberté que (letraduire ainsi, Ê: Je mon? En» ravinai:ce que j’ai rendu par, «qu’ils vuident les

a: coupes en silence n. Pope, pour enno-blir Homere, dit : a Que leur oreille boiveu des sons harmonieux avec une joie pai-

II n.(Ibidem. Les chants les plus nouveaux

captivent.)

Ce vers acheve de confirmer qu’il y len des poëles avant Homere.

(Ibidem. Reprends tes occupations ché-ries.)

Il veut éloigner sa mare, de peur qu’elle

n’irrite les chefs , et n’euuie quelque ou-

trage de leur part. Le ton de Télémaquemontre l’autorité que les hommes exer-

çoient alors sur les femmes. Ce ton estaussi une suite de l’entretien qu’il vientd’avoir au (c Minerve.

(Page 156. L’amour embrase le cœur de

tous ces chefs. )

L’ambition, le desir de posséder une.

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senalcnsnrl. :75femme si accomplie , pouvoient donnerplus (le prix à sa beauté. En supposantmême qu’elle se En mariée fort jeune, elle

devoit avoir plus de trente ans. Le climatde la Grece et la vie retirée qu’y menoient

les femmes entretenoient-ils leur beauté ?On voit, au quatrieme chant , qu’Homemloue encore la beauté d’Hélene.

La témérité et les injustices des pour-

suivants sont inexplicables, si lion ne serappelle pas que ces petits états, ou lesrois avoient peu de pouvoir, étoient sou-vent exposés à l’anarchie , sur-tout en leur

.absence. Les caracteres d’Antinoüs et d’Eu-

rymnque sont bien marqués. Celui-là estviolent, celui-ci. est souple; l’un raille,l’autre flatte.

(Page 158. Il est beau de régner.)

Il se pourroit que Télémaque fit un pa-

rallele de la situation heureuse d’un roi àla sienne. Le sceptre n’était pas toujourshéréditaire. Télémaque veut endormir ces

chefs.

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176 lamaneurs(Page 159. Une dette ancienne a.t-elle été

l’objet de son arrivée?)

Les plus grands seigneurs, en ces temps,alloient eux-mêmes retirer le paiement dece que leur devoient les étrangers. Tel futle voyage de Tobie dams la Médie.

(Page 16a. Elle lui ouvre les portes.)

Tous ces. petits détails peignent au na-turel la simplicité des mœurs de ces sieclesanciens, à laquelle s’allioit une sorte de

magnificence.Chacun sent que l’entretien de Minerve

et de Télémaque , les reproches que Péné-

lope adresse à Phémius en présence de ses

amants , l’entretien que ceux-pi ont avecTélémaque , et où leur caractere corn-mence à se développer , sont pleins d’in-

térêt. Le retour d’Ulysse est annoncé ; on

l’attend avec impatience.

Avant la traduction d’Homere par ma-

dame Dacier, il en parut une de la Valtef-rie; elle n’est plus connue. Elle est singu-

lièrement infidele , et rampante pour le

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Ivn 1.x CEAKTL r77etyle. Un homme d’esprit, qui sans douten’en avoit pas jugé par lui-même, m’avoir

cependant dit qu’elle avoit beaucoup derapport avec le style de Fénelon. J ’eus l4

curiosité de la connaître. Je vais en citerun morceau; c’est l’endroit où Pénélope

vient adresser des reprodxes à Phérnius,endroit si touchant dans Homere :

a Durant leur entretien , Phémion avoita continué de chanter, et Pénélope, sui-

t vie de quelques unes de ses femmes,a étoit entrée dans la salle ou tous sesn amants entendoientles admirables chan.a sons. Lorsqu’il chanta un récit des tris-

: tes aventures des Grecs qui avoient euu part à la conquête de Troie , le souveniron d’Ulysse la loucha si fort, que Téléma-

a que, rentrant dans l’assemblée, trouva

scette princesse toute en larmes. Phé-a mien auroit été puni de son indiscréoa tion, si le prince n’avoit considéré que

vu beaucoup d’autres grands hommes n-. voient en part aux aventures dont Phé-u mien avoit parlé, qu’il avoit moins con-

. sidéré le sujet de non’récit que la nou-

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178 manne. son u. CHANT I.r veauté de l’air et la beauté du chant, et

n que de tout temps les actions des hom-a mes les plus illustres ont été exposée:

- aux vers des poëtes. a

un au unau. au u anar I.

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CHANT II,’

A prune la matinale Aurore auxdoigts de rose eut-elle amenéle jour,que le fils d’Ulysse se précipite de

sa couche; il est bientôt couvert deses’vètements; à ses pieds éclatent

ses superbes brodequins; son épauleest chargée d’un baudrier auquel est

suspendu sanglaive acéré. Il sort,semblable à une divinité; soudainil ordonne aux hérauts d’élever

leurs voix sonores , et de convo-quer les citoyens. Ils font retentirles airs de leurs cris; le peuple ac-court , il est rassemblé en un mo-ment.

Dès que la foule est réunie, queles rangs sont. pressés , Télémaque

marche vers la place publique ; samain est armée d’un javelot d’ai-

rain g il a pour compagnonsïdeux

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18° L’onrssél,chiens Edeles, les plus agiles de leurrace. Par le pouvoir de Minerve, uncharme divin se répand sur toute sapersonne; la Foule entiere , immo-bile d’admiration , a l’œil attaché sur

le jeune prince qui s’avance. Il vas’asseoir sur le trône de son. pare ,que les vieillards lui céderent avecrespect.

Un des chefs de l’assemblée, le

héros Ègyptius , est le premier quise leve. Courbe par la vieillesse , ilavoit acquis une longue expérience.Un fils qu’il aimoit tendrement, lebrave Antiphe, étoit monté dans le

vaisseau qui conduisit Ulysse auxchamps de Troie; parmi les com;pagnons de ce héros qui le suivirentdans la caverne du plus féroce desCyclopes , il avoit le dernier servidepâture au monstre. Trois fils res-toient encore à ce pere infortuné:l’un , Eurynome, étoit au nombre

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unanr II. 18:des amants de Pénélope; les deuxautres cultivoient les champs pater-nels: cependant le vieillard ne ces-soit de pleurer celui qui s’était éloi-

gné de ces bords; et ayant encore ence moment l’œil humide de larmes:

l Citoyens d’Ithaque , dit-il, qu’il r

me soit enfin permis d’élever ici la

voix. Depuis que le divin Ulysse a.quitté ce rivage , nous n’avons connu

ni conseil ni délibération. Qui donc

nous a convoqués en ce jour? est-cel’un de nos jeunes hommes ou denos vieillards P quel motif si imÀportant l’y détermine i” sommeslnous menacés de l’invasion d’une

armée , et veutvil nous en communi-quer la nouvelle? a-t-il enfanté unprojet qui intéresse le salut de toutle peuple P Quelque but qui l’anime,il a sans doute l’ame élevée; il ne

respire que la justice, la bienfaisance.N’euillent les dieux accomplir les des:

t. 16

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182 L’oansin.,seins qui roulent dans son cœur!

Il parloit encore , que le jeuneprince, charmé de ces mots qu’il

regarde comme un augure favora-ble, et brûlant de rompre le silence,ne peut rester plus long-temps assis, let se montre debout au milieu de lanombreuse assemblée. Un hérautdoué de prudence, Pisènor, se hâtede liarmcr du sceptre; etTèlémaqucs’adressant au vieillard: Sans allerloin diici, (lit-il , tu vois celui quotu demandes; c’est moi qui ai con-voqué ce peuple. Il n’est point ici do

plus infortuné que moi. Je niai pointà vous annoncer la nouvelle de l’in-

vasion diune armée, ni vous coin-muniquer aucun projet qui intéressala félicité des citoyens: je ne vousparlerai que de moi seul, du granddésastre , que dis-je? du double dé-

castre qui désole ma maison. Dia-berd j’ai perdu ce bon pare , jadis

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annrlI. x83votre roi, qui fut aussi pour vous lepore le plus tendre. A cette perte sejoint un autre malheur encore plusterrible , en ce qu’il entraînera bien-

tôt la ruine totale de ma maison etde tous mes biens. Des hommes har-dis, les fils de nos personnages lesplus puissants , fondent dans notrepalais , s’obstinent à rechercher la

main de ma mers. Ils tremblentquand on leur dit d’aller chez. sonpere Icare le solliciter de la donner,elle et la dot qui doit être son par-tage, à celui dont il agréera l’allian-

ce. Èrablis dans ma demeure, ilsimmolent pour leurs festins dissolusmes brebis , mes chevres , mes gé-nisses; le vin qui coule à longs flotstrouble leur raison; tout est en proieà la rapine , à la licence z il n’est plus

ici de héros tel qu’Ulysse pour écar-

ter ce fléau de soni palais. Hélas!nous ne le pouvons. Jeune encore.

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184 Llonrssùn.je ne suis point exercé dans les com-bats: si ma force répondoit à monardeur , ciest moi qui repousseroisleur audace, car on ne sauroit plustolérer ces attentats; mon nom vaêtre extirpé de la terre avec infamie.

Soyez-en donc vousvmêmes indi-gnés. Citoyens , si vous ne respectezpas le jugement des peuples qui nousenvironnent , craignez les dieux ,craignez que la vengeance de ces for-faits ne tombe sur vos propres tètes!Amis , au nom de Jupiter assis dansIliOlympe , au nom de Thémis quipréside aux assemblées des peuples,

et qui assure ou renversa tous lesconseils , cessez, je vous en conjure,de vous joindre à mes oppresseurs;le deuil où me plonge une pertecruelle suffit pour m’accabler. Monpere , le sage Ulysse, s’est-il renducoupable de quelque injustice enversles Grecs? Pour m’en punir, m’a;

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ann’rII. 185bantlonnez-vous à la haine de ceshommes violents , et vous plaisez-vous encore a l’attiser P Soyez plutôt

vos propres vengeurs. Prenez mesbiens , les produits de mes champs Ldépouillez-moi de mon héritage:dans ce malheur , liespoir ne serapas éteint au fond de mon aine; messollicitations vous poursuivront entous lieux ; saisis de honte et de re-mords , vous ne pourrez retenir nosdépouilles, et je ne vous laisseraipoint respirer que vous ne mayenrétabli dans tous mes droits. Main-tenant , ô citoyens , vous déchirezmon cœur de blessures mortelles.

Il dit avec colere , et jette son.sceptre en répandant des larmes. Lepeuple est ému de compassion: tousles amants de Pénélope demeurent

muets; le reproche injurieux expiresur leurs levres. I

Le seul Antinoüs, plus hardi, M16.

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186 L’onvssùx,répond: Télémaque . harangueursuperbe , maîtrisé par la colere ,qu’as-tu dit? de quels opprobresviens-tu de nous couvrir ? as-tu ré-solu diirnprimer sur nous une ta-che infamante? N’accuse point detes malheurs les rivaux ; ne t’enprends qu’à tu mers dont liesprit estnourrid’artifices. Déja trois ans sontécoulés, et le quart-1eme va s’accorm

plir, depuis qu’elle se joue des plus

illustres personnages de la Grece;elle nous repaît diillusions;ses mes-sagers apportent à chacun de nousdes promesses flatteuses: mais com-bien son cœur est peu d’accord avec

sa bouche! Elle a eu recours à uneautre ruse. Après avoir commencéà former une toile diane grandeurimmense et du tissu le plus [in , e119nous dit:

Jeunes hommes qui sollicitez. ma.maiu, le divin Ulysse n’est plussmaia

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CHANTII. 181réprimez votre impatiente ardeurjusqulà ce que j’aie acheijé un travail

auquel je consacre tous mes ina-tants : perdrois-je des fils préparés

pour un devoir si pieux? C’est leyétement funebre qui doit ensevelirun héros , le vieux Laërte , quand la.Parque fatale l’aura plongé dans le

sommeil profond de la mon. Quelsreproches n’essuierois-ie pas.de lapart des femmes de la Grece , si ceroi , qui fut jadis entouré de tant derichesses , étoit couché dans le tom-

beau sans avoir obtenu de ma mainun linceul l

Telles furent ses paroles , et lapersuasion entra sans peine dans ne.tre ame généreuse. Le jour elle flue

,cupoit à former ce grand voile; lanuit, a la clarté des flambeaux , elledétruisoit l’ouvrage de ses mains.Ainsi, durant trois années, elle éluda

pas vœux, et sut en imposer aux ’

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:88 Llobvssén;Grecs. Mais les heures ayant amené-la quatrieme année , une de ses fem-mes bien instruite nous dévoila cetteruse; nous la surprenons qui rom-poit ces fils tissus avec art, et la con-traignons dlaChever cet ouvrage mal-gré ses combats. Télémaque , ap-

prends la résolution des chefs; quetous les Grecs la connoissent. Or.donne à ta mere de quitter ton pa-lais , de suivre, pour le choix d’unépoux , le sentiment de son cœuret la volonté dlun pere. Qu’elle se

garde bien de jouer plus long-tempsles fils de la Grece. Nous admironsses talents , son intelligence , et mè-me ses stratagèmes , présents dontMinerve fut prodigue envers elle, etqui llélevent au-dessus de toutes les

femmes dont le nom soit parvenuà notre oreille , et qui jadis firentpar leur beauté remanient de laGrece. Oui , Alcmene, ni Tyro , ni

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eusanI. 18,la célcbre Mycene, n’auraient pudisputer a Pénélope le prix des ta-lents et de l’adresse: mais elle faitde ces dons un usage pervers , fatalà elle-même; car tant qu’elle nouru

rira ces sentiments altiers . qu’undieu, pour la perdre, mit dans soncœur, nous régnerons dans ton pa-lais. Elle parviendra au faite le plusbrillant de la gloire ; mais tes ri-chesses vont s’évanouir. Rien n’est

plus certain ; nous n’abandonne-rons pas le seuil de ta maison, ni nereprendrons le soin de nos domaines ,que nous n’ayons entendu de sa hou. relle le nom de son époux.4 Antinoüs , repartit le sage Télé-

maque, ne me prescris point de ban.nir de ma maison celle qui me mitau jour , et qui m’allaita. Mon persa disparu: sait-on s’il ne respire pasen quelque terre éloignée PSuis-jeon état, si je repousse d’ici ma mon,

x

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19e L’onvssi’sn;de restituer à Icare la riche dot desa fille? A la vengeance dont useroitenvers moi mon pare s’il reparois-soit , se joindroit celle des dieux:car ma mere, en quittant le seuilde mon palais , invoqueroit les ter-ribles Furies g je serois en exécra-tion à tous les hommes. Non , jamaiscette parole ne sortira de ma bouche.Nos sentiments et notre conduite al:lument-ils votre indignation? sortezde notre palais; allezjeuir en d’autreslieu’x des délices des festins , dissiper.

tour-à-tour vos propres domaines.Si vous jugez qu’il v0us est plus fa;cile et plus avantageux de dépouilâler une maison qui est sans défense,achevez: mais j’adresse ma voix aux

dieux immortels; si jamais leur jus-tice mesura le châtiment aux for-faits, périsse dans cette même mai-son . sans être vengée , votre racesutierc 1

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chx’rII. 191Ainsi parla Télémaque ; et voici

qu’au hautde lavoùle céleste deux ai-

gles, envoyés par le dieu du tonnerre,s’élancent du sommet diune moma-

gne. Ils volent réunis; les ailes éten-dues, immobile5,ils Fendant les plui-nes (le l’air avec l’impéLuosicé des

vents: mais , arrivés fin-dessus de Fil-lustre assemblée, ils secouent leurqailes en traçant de longs cercles dans

respecta immense des cieux, présagede mon; dardent leurs regards sur lamultitude, se déchirent. de leurs sen-

Ies la tète et le cou; et prenant enfinleur essor vers la droite auvdessus dela ville, ils dispgroissent et regagnentleur aire. L’assemblée enflera, frap-

pée du signe ,céleste, est muette deterreur , et songe aux revers que pré-paroit l’avenir.

Alors un homme vénérable, blan-

phi par les ans, Halitherse , fils deMARDI, se love. Parmi les plus au.

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192 L’onvssie,ciens augures , aucun ne régaloitdans l’art dlinterpréter par le vol (les

habitants de liait les arrêts de la des»titrée.

Citoyens d’Ithaque , dit cet borna

me sage , et vous sur-tout, amantsde Pénélope , prêtez enfin l’oreille à

ma voix. Un terrible malheur vafondre sur vos tètes ; Ulysse ne seraplus long-temps éloigné des siens;il s’approche, il médite le carnage de

tous ses ennemis; parmi nous , ha-bitants des murs fameux d’Ithaque;

un grand nombre sera enveloppédans cette perte. Réprimons donc,avant ce malheur, la» licence de ces.chefs ; qu’ils la répriment eux-mêe

mes , ils sien féliciteront. Je parle,non en homme novice, mais en au-gure consommé dans son art. Ainsise vérifiera ce que je prédis à ce héros

le jour où les Grecs, et avec eux lasage Ulysse , monterent dans leun

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enan’rII. :93Vaisseaux tournés vers Ilion; je luiannonçai qu’il essuieroit une longue

suite diinfortunes , qu’il perdroit jus-

qu’au dernier de ses compagnons ,mais qu’à la vingtieme année , seul,

méconnu de tous , il reparoitroit au

sein de ses lares. Nous touchonsà l’entier accomplissement de ce:oracle.

Vieillard , répond Eurymaque,cours dans la maison prophétiser hles enfants pour les garantir des mal-heurs dont l’aVenir les menace.Quant à nous, ton oracle va êtreanéanti par le mien. Que dioiseauxvoltigent sous le soleil! tous sont-ilsdes interpretes certains de nos des-tinées? Ulysse a péri dans une con-

trée lointaine. Plut aux dieux quetu eusses partagé sa. perte! tu nenous fatiguerois pas ici diétemels au-gures, et tu nÏexciterois pas le cour-roux déja si véhément de Téléma-

I. l7

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3194 L’oansél,que . dans l’espoir d’obtenir un priè

sent de sa main. Mais , je te le jure,et cette parole ne sera pas vaine ; situ emploies l’expérience et les ruses

de la vieillesse à séduire ce jeunehomme par tes discours , si tu lerends plus farouche , tu ne feras quehâter sa perte; et nous t’iniligeronsà. toi, vieillard , la peine d’une forte

amende , peine qui portera le tour-ment et la rage jusqu’au fond de tonante. Télémaque doit n’écouter que

moi. Qu’il contraigne Pénélope à

rentrer dans la maison de son pere;qu’on y prépare son hymen ç suivie

de la dot que mérite une fille siadorée, qu’elle se rende dans la de-

meure de son nouvel époux. Avantce temps,’je doute que les chefs re-

noncent à une poursuite inutile jus-rqu’a ce jour. Sache qu’il n’est per-

sonne qui nous Fasse trembler. pasmême Télémaque, encore que son

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anN’rII; 195œurroux éclate en longs discours:et nous nous rions, 6 vieillard, duNain augure sorti de ta bouche; ilne fait que redoubler la haine quetu nous inspires. Nos festins ne se-ront pu interrompus ç l’ordre etle repos seront bannis de la maisondÎUiysse: autant la reine s’obstineu

à rebuter nos vœux , lutant persé-véreronsanous à solliciter sa main;nous in disputant . par admirationpour sa vertu , comme un prix rareet unique , nous laisserons s’écoulerles jours dans l’attente de sa posses-sion , sans que l’hymen , remplissant

des veaux naturels à Fhomme. nousunisse à diantres femmes de in Grecs.qui seroient dignes de notre choix.

Le fils d’Ulysse reprend la parole:

Eurymaque , et vous tous, illustre.rivaux , sien est assez , je ne vousAdresse plus à ce sujet ni priera ni au.-çuneparole; ma cause est désormais

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196 L’onvssùl,connue des dieux et des hommes. Jene vous demande qulun vaisseau etvingt rameurs qui m’ouvrent uneroute sur les mers. Je pars , je vaisà Pylos et à Sparte pour apprendredes neuvelles niiun pere qui m’estravi comme pour toujours. J ’intervragerai les hommes . je prêterai lio-reille à cette voix de Jupiter , quirépand en tous lieux le nom et lagloire des mortels. Si mon pers res-.pire , je saurai encore braver tousles assauts , fût-ce durant une annéerentiere. S’il est mort, s’il est inutile

de le chercher sur la terre, je revien-drai au sein de ma patrie lui érigerun monument,j’allumerai les offran-des qui doivent accompagner la pom-pe de ses funérailles , et ma mere re-cevra un époux de ma main.

Après avoir ainsi parlé , il s’as-

sied. L’ancien ami du sage roi d"!-thaque , Mentor se lave. Ulysse, A

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cnan’rII. 197son départ, lui recommanda ce qu’il

avoit de plus cher, et surntout le vieil-lard son pere; il lui confia le soin detoute sa maison , ne doutant point:qu’elle ne fleurit sans une garde sifidèle.

Habitants d’Ithaqne , féerie cethomme plein de zele , désormais quevies rois chargés du sceptre . loin .d’être justes, humains et généreux,

soient durs , inflexibles et barba-res , puisqu’il n’y a pas un seul ci-

toyen dans la nation qu’Ulysse agouvernée, et pour laquelle il étoitun tendre pore , qui ait conservé laplus légere trace du souvenir de ce

héros! Je ne m’indigne point que les

superbes rivaux soient entraînés à

des attentats par leur fol aveugle-ment; ils exposent leur tête au tre.pas en dévastant la maison d’un chef

dont ils se sont promis l’éternelle ab-

sence. Mon indignation tout en-17.

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.198 t’onrssùn,tiere éclate contre vous , ô citoyensassis en un lâche silence, vous qui,malgré. votre multitude , n’osez ré-

primer, même par votre voix , cepetit essaim de persécuteurs.

Téméraire Mentor , vieillard in.sensé, interrompit Léocrite fils d’È-

venor, qu’oses-tu parler de réprimer

nos entreprises? Nous délions unemultitude armée de nous bannir dece palais, et d’y troubler nos fêtes.Oui , dût le roi d’Ithaque , Ulysselui-même, nous surprendre au mi-lieu de nos festins, son épouse, qui nedemande aux dieux que son retour,en verseroit des larmes ameres : s’il

osoit attaquer des ennemis si nom-breux , il rencontreroit ici la mort.Tu viens donc de manifester ta dé-mence. Que l’assemblée se dissipe,

que chacun retourne à ses travaux.’Halitherse et Mentor, amis anciensd’Ulysse , prépareront avec asses

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enax’rII. 199d’ardeur le départ de son fils : mais

je pense qulassis long-temps encoredans Ithaque , il continuera d’inter-roger tous les voyageurs , et n’entre-

prendra jamais cette route.Il dit , et rompt l’assemblée. Le

peuple se disperse, chacun rentredans sa maison; les chefs retournentau palais d’UIysse. Télémaque se re-

tire seul aux bords de la mer; là ,après que lionde écumeuse a baigné

’aes mains, il implore Minerve. En-tends ma voix , à déesse , toi quivins hier dans mon palais. Tu m’or-donnas d’affronter les sombres tem-pêtes , dialler a travers l’empire de la

mer m’insuuire du son d’un pere

dont je ne saurois plus supporterl’absence. Mais, hélas ! le puis-je?

.Ce peuple , et bien plus encore ceschefs dont l’audace a franchi toutes

les limites , traversent tes ordres etfont avorter mon entreprise.

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ano t’o’DYsaÈI,A peine a-t-il parlé , que Mi,b

nerve, semblable a Mentor parla sta-ture , les traits et la voix, paroit àcôté du jeune prince , et ces motsvolent de ses levres: Télémaque , tuas dépouillé l’enfance, tu ne seras

désormais ni imprudent ni timide.Si la sagesse accomplie et l’inébran-

lable fermeté que ton pere manifes-lteitldans toutes ses actions et danstoutes ses paroles , a jeté de profon-des racines dans ton ame , ton des-sein ne sera pas stérile; tu partiras.,Si tu n’es pas le rejeton d’Ulysse et

de Pénélope , glacé par la crainte,

vaincu par les obstacles , tu n’ac-compliras point cette entreprise se-mée de périls. Il est vrai que les filssont rarement l’image de leurs pores;

ils les surpassent plus souvent en per-versité qu’ils ne reproduisent lause

vertus sous un plus beau jour. Toi,tu ne peux erre ni imprudent ni ll-

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enan’rll. 201ehe; la sagesse et le courage d’U-lysse respirent dans ton cœur. Nour-ris donc l’espoir d’un heureux suc-

ces ; méprise les projets et les ma-nœuvres de tes ennemis ; aussi in-sensés qu’injustes , ils ne soupçon-

nent pas le noir destin qui les me-nace, et qui va consommer en unjour leur perte entiere. Rien ne doitretarder ton départ , cet objet de tesdesirs. Moi-même Mentor , l’amile plus ancien de ton pere , je veuxte préparer un léger vaisseau, ett’accompagner. Va dans ton pa-lais reparaître hardiment aux yeuxde ces chefs x fais les apprêts de taroute; remplis les urnes de vin etles outres du froment le plus pur,la vigueur de l’homme. Je rassemoblerai des amis charmés de s’associer

à tes périls. De nombreux naviresvieux et neufs bordent nos rivagesceints des flots : le meilleur fixera

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son L’onvssàn,mon choix; nous l’allons équipir e:lancer à la vaste mer.

A la voix de la déesse, Télémaque

ne s’arrête plus , il court vers le pæ-lais, le cœur agité desoins.l..a troupesuperbe des rivaux étoit rassembléesous le portique; ils dépouilloientles chevres; les porcs fumoient surles charbons embrasés. Antinoüsvient en souriant a la rencontre deTélémaque; et lui serrant la main:

Illustre orateur , mais trop empor-té , dit-il , laisse la les hautes actions

et le faste des paroles; sans trou-bler ton cœur de soucis fâcheux , ne

songe, comme avant ce jour, quipartager nos festins; prends en main.la coupe. On se chargera. du. soin depréparer tout ce qu’il faut pour ton

départ; tu auras un vaisseau et descompagnons fideles, pour qu’un vol

heureux et prompt te conduise dansla divine Pylos, où tu apprendras Ledestin de ton illustre pers.

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min Il. 203N’attendez point , répond Télé-

maque , que je participe a vos festinsodieux , hommes impies , et que,paisible spectateur de votre joie , jeme livre au repos et aux plaisirs. Nevous suffit-il donc pas , ô persécu-teurs de ma mare, qu’avant ce temps

je vous aie laissés ravir la meilleurepartie de mes biens P Je n’étoisqu’un enfant; mais aujourd’hui que

ma stature est formée, que je saisis lesdiscours des sages et que je les inter-roge, aujourd’hui que je sens croître

mon courage en mon sein, je ten-terni de conjurer votre perte, soit aPylos , soit même en ce palais. Jepars; aucun obstacle ne me détour-nera de mes desseins. Je pars sur unnavire étranger; car , enrichis demes dépouilles , vous jugez qu’il

vous est plus utile que je ne pos-sede ni vaisseau ni rameurs. En cli-cant ces mots , il arrache sa mailde celle d’Antinoiis.

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304 L’onvssis,Cependant on préparoit le festin

dans le palais. Les chefs ne ces.soient de proférer la raillerie et l’in-

jure. Quoi de plus manifeste? disoitl’un de ces jeunes insolents; Télé-

maque a formé contre nous des pro-jets de mort. Il va chercher des se-cours dans l’aride Pylos, ou à Sparte;

ce desir le dévore. Peut-être court-iljusques dans la fertile Èphyre pouren rapporter des poisons mortelsqu’il jettera d’une main furtive dans

nos coupes, et nous serons tous pré-cipités dans les enfers.

Sait-on, dit un autre, si , exposésur un frêle vaisseau , égaré par lestempêtes , il ne périra pas , commeUlysse, loin de sa patrie? Par-là quede nouveaux soins il nous impose-roit! Il (nous faudroit partager tousses biens , céder son palais à sa mers

. et à celui qu’elle honoreroit du nomde son époux.

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p n A n r I I. 205Mais Télémaque descend dans de

vastes appartements où étoient ras-semblées les richesses de son pere ç

on y voyoit de grands amas dior etd’airain , des coffres précieux où se

conservoient de superbes vêtements.Ce même lieu renfermoit des huilesodorantes; le long du mur étoientrangées des urnes remplies d’un vin

rare , devenu miel par les ans , nec-m- digne des immortels , et réservépour Ulysse , si jamais ce héros , ac-cablé du faix des infortunes, repor-toit ses pas dans son palais. Des por-tes solides fermoient cette enceinte.Près (Pelles une femme veilloit jouret nuit sur ces richesses; clétoit lafille leps, la prudente Euryclée.

Télémaque rappelle: Ma nour-rice, dit-il , hâte-toi de remplir douzeurnes du vin le plus précieux aprèscelui que tu conserves pour un in-fortuné. s’il échappe jamais aux mal-

i. 18

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n°6 L’oansâs,heurs et à la mort; tu les scellerasavec soin: répands dans de fortes ou-tres vingt mesures de lafarine du pluspur froment. Mais renferme en tonsein mon secret, et remets tout enmes mains ce soir des que ma mere,retirée dans son appartement. seralivrée au sommeil. Je cours à Pyloset à Sparte pour apprendre, s’il sepeut . des nouvelles de mon pers.

A ces mots la fidele Eurycléepousse des cris douloureux, éclate en

1 sanglots. Ô mon cher fils , ditælle,pourquoi as-tu formé ce dessein fa-tal? Iras-tult’égarer seul et sans appui

sur l’immense étendue de la terre ,toi l’unique rejeton de Pénélope ,

et l’objet de toute notre tendresse?Hélas! il a péri le magnanime Ulysse,

loin de sa patrie, chez un peuple in-connu. A peine seras-tu parti . quedes pervers te dresseront des em-bûchas mortelles , et se partageront

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chatta. Il. 207toutes ces richesses. Demeure doncici parmi nous assis sur ton héritage;le préservent les dieux de t’exposer

aux hasards infinis de la mer indom-tée et diune vie errante!

Calme tes frayeurs , ma nour-rice , répond Télémaque ; ce desssein n’est pas né sans la volonté

des dieux. Mais jure-moi de cacherdurant onze ou douze jours mon ab-Ience a ma ruera; attends au moinsqu’elle exige la présence de son fils.

ou que d’autres l’aient instruite doce départ. Je crains que la belle Pé-

nélope ne se consume dans les lar-mes.

Il dit : la vieille Euryclée se liesolemnellement au secret en attes-tant les dieux. Dès que le sermentest sorti de ses levres , elle remplitles urnes de vin, fait couler dansles outres la fleur de farine. Téléma-

que rejoint dans la salle les amantsde sa mere.

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208 L’onrssi’zz,Minerve cependant est livrée a

d’autres soins. Sous les traits de Té.

lémaque elle parcourt la ville en-tiere , choisit ceux qui doivent ac-compagner ce prince , ordonne à charcun d’entre eux de se rendre au ri-vage des l’arrivée des ombres du soir.

Elle demande un vaisseau à. Noé-mon fils de Phronius; il l’accordeavec joie.

Le soleil termine sa course , et lanuit ombrage la terre. Aussitôt ladéesse lance aux vagues le vaisseauléger, l’arme des agrès avec lesquels

le navire le mieux équipé traverseles flots, et elle l’attache a l’extrémité

du port. Déja se rassemblent enfoule autour d’elle les braves com-pagnons de Télémaque; Minerveanime chacun d’eux par ses leçons.

Elle fait plus , elle vole au palaisd’Ulysse: la, au milieu deleur alé-

gresse, elle épanche la vapeur du

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,ann’r II. 2:39aommeil sur les yeux des princes.Ils portoient les coupes à. leurs le-vres , elles tombent de lenrs mains ;ils ne peuvent prolonger le festin;nsoupis, ils se hâtent de se rendreà leurs demeures; le sommeil acca-ble leurs paupierep.

Alors la déesse , prenant la forme

et la voix de Mentor , appelle lejeune prince hors du palais : Télé-.maque , déja tes compagnons , lesrames à la. main , sont assis dans le Avaisseau; l’on n’attend que toi, pn-

tous.Elle dit , et court. au rivage ; il

luit la déesse dlun pas rapide. Arri-Lvé au port, Télémaque trouve ses

compagnons rassemblés près du V119

seau. lAmis, s’écrie-nil avec feu , tout

est préparé dans le palais pour la.Toute; chargeons-en le navire. Ma.mere, ainsi que tons les miens, ignon

18.

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une 130075511,mon départ ; je nlen ai confié lesecret qu’à la prudente Enryclée.

En même temps il les conduit;ils volent, prennent les urnes et lesoutres , et , selon l’ordre du fils d’U-

lysse, les posent dans le navire. Té-lémaque y monte, précédé de Mi-

«nerve , qui s’assied près du gouver-

nail; il se place à côté de la déessel

rOn délie le vaisseau, on s’y élan-

ce, on occupe les bancs. Minervefait élever de l’occident un vent fa-

vorable et impétueux, qui parcourtle noir empire de la mer avec unevoix sonore. Télémaque crie à sesamis d’élever le mât. Aussitôt le

plaçant dans le creux profond de sabase, ils élevant avec effort dans les

airs le haut pin, raffermissent avecdes cables , et tendent par des cour-roies les voiles éclatantes: le ventse précipite au sein des voiles en-flées ; les sombres vagues de toutes

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c n A n r I I. 2! lparts battent avec un grand fracas lenavire, qui prend l’essor; il courtsur les flots , et derriere lui disparaîtla plage immense. Mais à peinel’out-

ils- armé de ses agréa , que , tenant en

main les coupes, ils offrent des liba-tions à la troupe enliera des immor-tels , et sur-tout à la fille auguste deJupiter. Le vaisseau fend» d’un vol

heureux les ondes durant toute la. nuit et jusqu’au lever de l’aurore.

et!!! ou CHANT usons.

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REMARQUESSUR LE CHANT SECOND.

(Page 179. Sa main est armée d’un

javelot.)

0 u cela étoit conforme à l’usage ,ou Té-

lémaque prenoit cette précaution contre

ses ennemis.

(Ibid. Il a pour compagnons deux chiensfideles.)

Littéralement, u il n’est pas seul, deux

chiens, etc. a. La simplicité de ces tempshéroïques est remarquable : les princes al-

loient sans suite. On voit le cas particulierqu’on faisoit des chiens. Achille s’en ser-

voit pour la garde de son camp. Tobiepartit avec le même cortege. Virgile nousoffre la même peinture :

Net non et gemini custodes limine ab altoProcedunt, pessumque canes comitantur huilera.

Euro. au. VIH.

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xnunQ. au: u aux: Il. au;(P. 1 8°. A l’œil attaché sur le jeune prince

qui slavance. )

lllam munis mais agrisque effusa inventas

waaque minuit natrum, et prospecta! cumul.Æxsxn. un. VIL

Virgile a fidèlement copié le tableaufilonien-e. Chacun sentira l’effet du me!

saurera.(Ibid. Le héros Égyptius est le premier

qui se leve.)

Il n’ignoroiz pas sans doum que Télé-

maque avoit convoqué cette assemblée.Son dessein en aliminuerà œjenne prinœqu’il naucore des unis. Cette adresse l’a ’-

oonrage , et lui épargne l’cmlgams où ilauroit été s’il lui avoit fallu prendre le pre-

mier la pirole.

(Page :83. Encore plus terrible.)

Ceci n révolté; mais Télémaque nlétoit

pas sûr de la mon d*Ulysse, et il pouvoit

envisager comme un malheur encore plu;grand la perte de u famille enliera et denous ses domaine».

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21 4 l n u A I. Q v a z( lbidem. Elle et la dot qui doit être son.

partage.)On sait que, chez les anciens Grecs,

l’époux formoit la dot de celle qu’il épou-

soit. Une foule d’exemples qu’offrent l’I-

liade et l’Odyssée prouve qu’au temps

d’Homere le pere concouroit avec l’époux .

pour former la dot de sa fille. Potter l ob-serve que l’ancien usage ne subsista quedans les siecles les plus barbares; des quela Grece commença à se polir, la fiancéefut dotée par ses parents, et c’est là ce qui

in distingua principalement d’une concu-bine. La dot que donnoit l’époux s’appel-

loit Nm; et les fichasses que la fiancéerecevoit de son peu: , et qui formoientaussi sa dot , flpoïxd. J’ai trouvé dans Eu-

ripide plusieurs endroits ou ces richesse!s’appellent également Un.

( Ibidem. Ils immolent, pour leurs festinsdissolus , mes brebis , mes dianes.)

Perrault, qui a voulu tourner ceci en ri.dicule, n’a pas songé que les troupeaux

étoient, en ces temps , la principale riv

(a) mimologie 5121:5, lib. 4 , cap. u.

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sun 1.x est!!!" Il. 215chasse des rois. Les prétendants étoient

au nombre de cent huit, et ils vivoient,depuis plusieurs années , aux dépens de

Télémaque. s(Ibidcm. Hélas! nous ne le pouvons.)

Madame Dacier a donné un sans forcé

à de vers, noyant!» , etc. Voyez les notesde Glane et d’Emesti. Le sans qu’elle asuivi est beau , mais je n’ai osé l’adopter.

Télémaque , dans ce premier discours , ne

veut qu’exciter la compassion des ci-toyens ; il n’y fait point de menaces.Lorsqu’ensuitc il s’adresse à ces chefs mè-

mes, il leur parle d’un ton menaçant, etéclate en imprécations. Le langage qu’il

prend d’abord pourroit paraître faible ,s’il étoit moins jeune, et s’il avoit moins

d’ennemis. Pope a changé une partie detont ce discours a force d’y vouloir prêter

de la grandeur. On*ne voit point le sansdes vers suivants dans Homere:

But com: il Will . Ihe lime when manbood grimeMore pow’rful advocates Khan vain complaintx.

Approacb tint houx! unsufferablc wrongCrie; to [lie gods. and vengeance slecp! to long.

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2:6 nznauqrrnsPerrault fait dire ici à Télémaque un qu’il

a ne se soucieroit pas que d’honnêtesa gens, tels que ses concitoyens, man-. geassenties bœufs, ses moutons, par-. cequ’il sait qu’ils les paieroient bien a.

c’est lit travestir un auteur. Télémaque

suppose qu’il auroit plus à espérer, pour

. rentrer dans ses biens, (le la justice descitoyens d’ltluque que de celle des préten-

dams.

(Page 184. Au nom de Thémis.)

Les oracles de Thémis sont fameux:en croyoit lui devoir les loix, qui sont lesoutien du Culte et de la société civile.l’insieurs ont dit qu’on portoit la statue de

Thémis dans les assemblées du peuple.Le sens littéral du texte est que Thémisa forme et dissout les assemblées n. J’ai,comme Pope, suivi l’interprétation de ma-

dame Dacier, et je lui ai emprunté ces pa-roles , et assure ou renverse tous les con-u seils n. Jupiter étoit aussi censé présider

aux assemblées I on lui donnoit l’épilhete

d’d)6;auo;.

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un Il ces!!! II.- m7(P. 186. Elle a enrecours àune autre ruse.)V Madame Dacîer traduit t a Voici le dore

a nier tour dont elle s’est avisée n. Ons’est plu à trouver de la coquetterie dansla conduite de Pénélope : mais, d’un côté,

elle ne pouvoit favoriser les prétendants;et, de l’autre, elle craignoit, en les irritant,d’exposer la vie de son fils. Le respect que

ces chefs témoignent pour sa vertu fait est

sez son apologie. oipa; est proprementun voue. liai, comme madame Dacier,conservé ici le mot dei-011.5 , parcequ’il

est consacré à cette histoire, et qu’on dit«la toile de Pénélope», ce qui .1 même

En: un proverbe. La finesse et la grandeurde ce voile marquent la longueur du temps

que cet ouvrage demandoit.Au Ehnnt XXII de l’Iliacle, Andromaquo

déplore quele corps d’Hector soit privé de

semblables omefmnts. Lamere d’Euryale,

dans Virgile, tient le même langage :

. . . . . . Nec tu tua fanera materProduxi . passive oculos , lut vulnen hvi .Veste tegehs , tibl qnam noctes festina dlesquc

Urgebam , nul un: solabar miles.Alun». un. 1x.

1. :9

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218 luquuquzs(Page 188. Nous admirons ses talents....:i présents dont Minerve fut prodigue en-

vers elle.)

Voyez les notes de Ban-lès sur cet en-droit.

Je crois avoir saisi le véritable sens doce passage diHomete, qui n’est pas sansdifficulté , et qui me semble n’avoir [me

été bien entendu. Antinoiis, en rendantjustice à Pénélope, mêle de l’ironie à ses

louanges; il lui donne principalement lapalme de la ruse: on voit assez qu’il parlaen homme irrité.

(Page 189. Que nous mayens entendu de’ sa bouche le nom de son époux.)

. Eustathe s’est engagé ici dans de vaines

subtilités; il s’épuise à chercher et à ad-

mirer dans les paroles du texte un sensprophétique qui désigne la mon de tousles prétendants.

(Page 190..De restituer à Icare la lichadot de sa fille.)

Lorsqu’on renvoyoit une femme, il fal-loit rendre ses biens in son pere.

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I taux 1.: crue-r 11’. 219(Ibidcm. A la vengeance dont useroit en-

vers moi mon pore.)

Ces paroles peuvent aussi se rapporterà Icare: mais il est plus naturel de les mp-porter à Ulysse que Télémaque croit en-

core en vie.

(Ibid. Invoqueroit les terribles Furies. )

Plusieurs passages des deux poëmesd’Homere, où il est dit que les peres in-

voquoient les Furies contre leurs fils, mar-quent la grande idée que les anciens avoient

du respect que les enfants doivent à leurspores et mores.

(Page r 91 . Les ailes étendues.)

Ce vol se fait sans agitation :

. . . . . CelercsnEquecornmovetalqs.ÆNELD- Lu. V.

Ceux qui ont dit que ces aigles déchi-rent les tétas des prétendants , tordent Viv-

siblement le texte. Jamblique dit qu’il avu de ces oiseaux qui se déchirent eux-suêmes pour annoncer ce qui doit arriver.

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ne nnuAnqusCette opinion peut au moins expliquer i0passage d’Homere. Voici l’interprétation

allégorique de tout ce prodige. Les Jeuxaigles que Jupiter envoie sont Ulysse etTélémaque ; a ils volent réunis n , ce]:

marque le concert des desseins de cesdeux chefs. Les autres traits désignent laviolence de leur attaque: n ils volent versa la droite», c’est-à-dire du côté de l’o-

rient, présage heureux; «au-dessus de laa ville a , les prétendants ne seront passeuls punis.

(P. 197. Et sur-tout le vieillard son pere.)

c’est le sens quladmet Eustathe ; leconstruction Femelle , et il est beau.

On observera non seulement la variété

qui regne dans tous ces discours , maisencore leurs gradations. Le discours d’An-tinoiis est simple et tranquille ; celui d’Eu-

Iymaque a plus de force; Léocrite, qui estplus concis, l’emporte encore en audace ,puisqu’il rompt une assemblée qulil n’a

pas convoquée. On trouvera, par rapportà la force, la même gradation dans les dis.cours de Télémaque , dillalithersc et à

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aux u anur Il. enMentor. Rien de plus nerveux et de çluséloquent que rentrée du discours de cedernier. Madame Dacier a affoîbli ce mor-

ceau, qulelle a cru devoir adoucir. Voicicomment elle traduit : a Qui est le roi quia voudra être modéré;clément et juste?

a qui est celui au contraire qui ne sera pasa dur, emporlé , violent, et qui ne s’aban-

a donnera pas à routes sortes d’injustice: ,

a lorsque, etc. a? Il y a beaucoup plus deforce dans le tour que prend Mentor, etl’exagération est belle dans un mouvement

de passion. Pope nia pu cherche à l’a.-doucîr :

0 never , never more let ring be imt .Be mîld in pow’r, or faiIhFul to hl; mm!

Le! tyrans govern with au iron xod , elc.

Quant à l’endroit où se tiennent ces dis-

cours, on sait que dans Atbenes et en d’au-

tres ,villes de la Grece il y avoit des placesçubliques nommées Bamuqtipm , où l’on

traitoit les affaires. eOu voit ici que Télémaque s’assied sur

le trônons son pere. Ulysse étoit absentdepuis vingt années; il faut donc que ce

l9.

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552 IIHAIQUIOtrône ait été, durant tout ce temps, à l’a

même place.

(P. 198. Quloses-tu parler (le réprimer...)

Madame Damier et d’autres interpretes

ont mal saisi le sens de ce passage. Voyer!les notes d’Ernesti. E) funin veut direu nous surprendre au milieu de nos fes-a tins n. Madame Dacier fait dire ici unegrande ineptie à Hornere z u Il n’est pas fa

a cile, traduit-elle, de combattre connec des gens qui sont toujours à table, quoi«u que vous soyez en plus grand nombrea qu’eux. n

(Page 199. Mais îe pense qu’assis long.

’ temps encore dans Ithaque. )

Madame Dacier se contente de traduireainsi z «Je pense pourtant que ce voyageu aboutira il attendre à filmique les nou-u velles dont on est en peine , et qu’on ne

u partira pointu. Il y a plus d’ironie damle texte. Plus bas, elle rend ainsi ce qu’Ha-more dit de la fermeted’Ulysse a «Et com-

a me il étoit homme qui omettait cou-

! PUR. a

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au: u anx-r II. 213(Page 295. Mn. nourrice.)

Euryclée n’avait pas nourri Télémaque,

elle avoit nourri Ulysse. Le mot pain n’é-

toit souvent qu’une appellation honorable

dans la bouche des jeunes gens. Alceste ve-nant de mourir , un de ses enfants dit aMan": N neifllflu’uv. Eus".

(Page 206. Hélas! il a péri le magnanime

Ulysse.)

On voit bien que son dessein étoit dudétourner Télémaque de ce voyage; car,comme la dit le poëte , c’est dans l’espoir

du retour dlUlysse qu’elle gardoit avectant de soins les richesses de ce héros.

(P. 207. Mais jure-moi (le cacher durantonze ou douze jours. )

Vu le désordre qui régnoit dans le palaisd’Ulysse , Pénélope , toujours retirée dam

son appartement, pouvoit bien être ou!à douze jours sans voir son fils.

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254 annule. son 1.! cant H.

(Page me. On délie le vaisseau , on s’yélance.)

J’ai conservé la petite confusion qui reo

gîte dans cette peinture, et qui marqueavec vivacité l’ardeur du départ.

(Ibidem. Ils élevent avec elIort damles airs le haut pin. )

A’n’pucs . Ce mot, qui termine la pé-

riode, peint bien l’effort de ceux qui pla-cent ce mât, et je n’ai pas négligé cette

image.

( P. 21 1, Tenant en main les coupes.)

Le texte ajoute, a remplies de vin a.Forte-nua , c’est-à-dire a remplies jusquesa aux bords n. C’eùt été manquer de res-

pect aux dieux, que de ne pas remplir .les coupes: alors seulement les libationsétoient « parfaites. a

un pas senne. sua Le Clan-r Il.

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CHANT III.’

Le soleil sortoit du majestueux em-pire de la mer, et , gravissant versl’airain de la voûte céleste , apporc

toitla lumiere aux immortels, et auxfrêles humains répandus sur la terreféconde, quand Télémaque et ses

compagnons arrivent aux murs dontNélée jeta les fondements, à l’heure

reuse Pylos. Les peuples des villesde cette contrée offroient sur le ri-vage à Neptune couronné d’unechevelure azurée une hécatombe so-

lemnelle de taureaux noirs. Assisesur des bancs de verdure , la multi- ’tude étoit partagée en neuftroupes;

chacune , composée de cinq centsPyliens , immoloit neuf victimes.Déja l’on avoit goûté les entrailles,

et l’on allumoit les offrandes enl’honneur de ce dieu , lorsque ces

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:26 L’onvsséz,étrangers arrivent: ils plient les voi-les , entrent dans le port, attachentles cables , et sortent du navire. Té-lémaque monte sur la rive , guidé

par Minerve qui lui tient ce dis-cours :-

Te’lémaque , bannis Je ton cœurla timidité de l’enfance. Tu n’as tra-

versé la mer que pour apprendre leson de ton .pere, pour savoir quelledestinée te lla ravi, ou quelle con-trée te le dérobe. Approche doncavec confiance du vénérable Nes-

tor; connoissons les avis que peut-être il te réserve a il faut que tu luidemandes la vérité. Il est le plus sage

des mortels; le mensonge ne sortirapoint de ses levres.

Ô Mentor, répond le jeune Télé-

maque, com-ment irai-je à) commentliaborder ? Je niai encore aucuneexpérience dans Part de parler avec

sagesse. A mon âge peut-on sanscrainte interroger ce vieillard?

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cxsn’rIII. 2:7Tu trouveras dans ton cœur , dit

la déesse, une partie de ton discours;

ce qui te manquera te sera suggérépar quelque divinité: car, n’en duu-

te point , ô Télémaque, les dieuxprésiderent à ta naissance , et tu esllobjet constant de leurs soins.

En même temps Minerve s’avan-ce avec rapidité , il la suit d’un pas

égal aux pas de la déesse. Ils appro-

chent de la nombreuse assembléedes Pyliens. Au milieu dlelle étoientassis Nestor et ses fils : on préparoitautour d’eux le festin; les uns cou-vroient les dards de la chair des vic-times; d’autres les tenoient sur lesflammes. A l’aspect des deux étran-

gers, on accourt vers eux en foule ,on les salue , et on les invite à seplacer. Le fils de Nestor, Pisistrate ,se précipite avec le plus diardeur ileur rencomre, il prend la inaiquel’un. et de Feutre, les conduit au

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128 L’ourssès,lieu du festin , et les fait asseoir, en;tre son perte Nestor et son frere Titra-symede , sur de molles et doucespeaux étendues le long des sablesdu rivage : il leur offre une partdes entrailles des victimes, verse levin dans une coupe d’or; et la pré-

sentant avec respect et affection à.la fille du dieu qui lance le ton-nerre :

Étranger; dit-il , invoque Nep-tune , le roi de l’océan , car vous

rencontrez ici sa fête solemnelleaAprès que tu lui auras fait des liba-tions et adressé des prieres , remetsla coupe odorante à ton compa-gnon pour qu’il accomplisse le mê-

me devoir. Sans doute il se plaît àoffrir des hommages aux dieux; quelmortel ne doit implorer leur secours!Plus jeune que toi, il paroit être demon âge ; reçois donc avant lui la.coupe d’or. En disant ces mots , il

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enan’rIIÏ. 229dépose la Coupe remplie de la douceliqueur du vin entre les mains de ladéesse.

Minerve est satisfaite de la sagessede ce jeune homme qui rend a l’âge

un tribut de respect. Elle imploreaussitôt le roi des ondes: Ô toi dontles bras ceignent la terre , puissantNeptune, dit-elle , ne dédaigne pasdiexaucer nos prieres. Èlevc au faimd’une gloire immortelle Nestor etses fils ; répands sur tous les Pyliens,

en faveur de ce pompeux sacrifice,les dons les plus fortunés: et accorde-rions aussi , à Télémaque et à moi, la

satisfaction de voir combler les vœuxqui ont fait voler notre vaisseau surces bords.

Telle est sa priere; elle-mêmellaccomplit , et remet à Télémaque

la coupe arrondie et superbe. Le filsd’Ulysse adresse à Neptune les mé-

mes vœux. La flamme a bruni les

1. 2°

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2.30 Llonïssi’zn,chairs des victimes ; on retire lesdards; les portions sont distribuées ,et l’on se livre au festin. Après qu’il

est terminé , le vénérable Nestor

parle en ces mots z Maintenant quenos hôtes ont participé à la joie dece festin , il convient de les interro-ger sur leur nom. Parlez , ô étran-gers z qui êtes-vous? de quels bordsvous êtes-vous élancés sur les plai-

nes humides? est-ce un soin publicau particulier qui vous y errraine Pou seriez-vous toujours errants surles mers à l’exemple de tant de nau-

formiers qui, affrontant la mort,apportent la guerre et le deuil à tousles peuples ?

Alors le jeune prince s’animed’une noble confiance que Minerve

lui inspire; elle veut quien interro-geant le vieillard sur llabsenee dlunpere , il déploie sa sagesse , et ac-

quiers une grande renommée par.

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CHANTIII. 23!mi les hommes. Ô fils de Nélée.Nestor , toi dont s’ltonorent le plusles Grecs , tu veux savoir qui noussommes; je vais te le dire. Nousvenons de l’isle (l’Ithaque qu’em-

brage le mont Née; ce qui m’amene

est moins un soin public qu’undevoir lilial, un intérêt qui regardema personne et ma maison. Je coursdans le (lesir d’apprendre le destind’un pere dont la renommée remplit

l’univers , ce magnanime Ulyssepoursuivi du malheur, et qui jadis,soutenu de toi, renversa la fameuseTroie. Nous savons où subit sa pertefatale chacun de ceux qui combat-tirent devant ces murs et furentvictimes du sort. Jupiter a mis unvoile épais sur la fin de ce héros;aucun mortel n’a pu encore nousdire comment il nousa été ravi. Est-il tombé sous l’effort de nombreuxassaillants? a-t-il été englouti par les

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232 L’ODYSSÉB,gouffres d’Amphitrite? on l’ignore.

Je viens donc embrasser tes genoux;que ta bouche me fasse le triste ré-cit de son trépas , soit que tes yeuxen aient été les témoins , soit quetu l’aies appris de quelqu’un de ceux

dont les pas errants parcourent laterre. Hélas l sa mere en lui mit aufour le mortel le plus infortuné. Quela compassion ni aucun égard net’engage à me flatter; raconte.moifidèlement te qui t’est connu : et sijamais le généreux Ulysse mon pe-re. pour qui sa parole étoit sacrée,

te servit par son éloquence et parsa valeur devant les remparts deTroie , ou vous souffrîtes , ô Grecs ,tant de revers , je te conjure de t’enretracer aujourd’hui la mémoire;dis-moi tout ce que tu sais de sa destitrée.

Ô. mon fils , répond le vieillard,combien tu renouvelles en moi le

æ

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CHANTIII. 233souvenir des calamités que soutin-rent parmi ce peuple les enfants in«(lomtés de la Grece , soit dans lescourses où, pour nous enrichir parla dévastation de villes nombreuses,nous affrontions les noires tempêtespar tout où nous guidoit liardentAchille , soit dans les combats quenous livrions autour des murs deTroie , tombe immense de tant dehéros l La est étendu Ajax , un.guerrier tel que Mars; là dorment:Achille et Patrocle, que la prudenceégaloit aux (lieux; [à reposent aussiles cendres (le mon cher fils , ce filsplein de valeur, et décoré de toutes les

autres vertus, mon Antiloque, llundes premiers à la course et dans lescombats. Nous avons éprouvé bienplus de malheurs encore; quel mortelpourroit les raconter? Quand tu reste-rois ici cinq, même six annèes,à m.in-

l terroger surces fameux revers des lui-20.

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434 L’onrsaèn,ros dela Grece,las de ce triste récit, tupartirois avant qtfil fût épuisé. Pour

accabler liennemi que nous tenionsbloqué, nous fîmes , durant neufannées entieres , tout ce que peuventet la valeur et la ruse; à peine Jupi-ter daigna-nil enfin couronner noselforts. Dans ce long intervalle , ja-mais ancun de nos guerriers nlosaseulement avoir la pensée diêtre enprudence régal du grand Ulysse ;tant étoient nombreux et surpre-nants les stratagèmes belliqueuxqulenfantoit ce héros, ton pere. Oui,tu es son fils: frappés de surprise,mes yeux ne peuvent te quitter; jecrois lieutendre lui-même , et l’onslétonne de trouver dans un si jeuneâge tant de conformité avec les traits

et la sagesse dlUlysse. Tan: que nousoccupâmes les bords troyens, Ulysseet moi nous ne différions jamaisd’avis , ni dans les assemblées du

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anNTIII. 235peuple , ni dans le conseil (les rois ;et , comme si une seule ame nouseût gouvernés , nos desseins , dic-tés par la prudence, conspiroient à lafélicité (les Grecs. Mais lorsque nous

eûmes rasé la ville superbe (le Priam,

et que nous rentrâmes dans nos vais-seaux , llarmée ( ainsi le voulurentles dieux ) se partagea , présage (lesmalheurs que Jupiter se préparoit à.

semer sur notre route. Tous noschefs n’avaient pas observé les loix

de la justice et (le la pieté; c’est la

ce qui les précipita en foule à leurperte. Ils avoient irrité Pallas, fillede Jupiter; animée d’une fureur van.

geresse , elle alluma la discorde entreles Atrides , assez imprudents pourconvoquer une assemblée générale

lorsque le soleil alloit finir sa course.Les fils de la. Grece , au mépris dela décence , accoururent au sortir deleurs banquets , et chargés des vas

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236 L’oDYssÉn,peurs du vin; c’est alors que se dé-

battit le sujet important de leur dé-part. Ménélas vouloit que toute l’ar-

niée traversât la mer et revolât dans

ses foyers. Agamemnon vouloit re-tenir l’arrnée sur ces bords pour apo

paiser par des hécatombes le terrible

courroux de Pallas z aveugle! il nesavoit pas qu’on répandroit en vain

le sang des victimes; un momentne fléchit point le cœur des immor-tels. Les deux chefs éclatent en degrands débats , les Grecs furieux selevant . mille cris ébranlent la voûtecéleste; l’armée se partage. Nous

passons cette nuit dans un sommeiltroublé par une sombre haine : hélas!Jupiter nous préparoit d’affreux mal-

heurs. Dès l’aurore , la moitié del’armée, avec Ulysse et moi, lance

à la mer ses vaisseaux , les charged’un riche butin , y conduit les cap-

tives : soumise aux ordres d’Agne

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CHIANTIII. 237memnon, l’autre reste sur ces bords.

Nous volons sur les ondes; un dieuapplanit devant nous la mer im-mense. Arrivés à Ténédos, et n’as

spirant qu’à revoir nos demeures ,nous sacrifions à la troupe céleste ;mais l’inflexible Jupiter trouble nos

projets et nous livre une secondefois à la discorde. Ulysse , avec ceuxqu’il a persuadés, le prudent Ulysse

tourne ses vaisseaux , et court satis-faire les vœux d’Agamemnon. Moil

je poursuis ma prompte retraite, ac-compagné de nombreux navires , etprévoyant les malheurs qui alloientaccabler les Grecs. Le fils de Tydée,

ce disciple de Mars, se retiro ainsique moi, anime les siens au départ.Ménélas vient le dernier et nousjoint,à Lesbos. La nous délibérions

s’il falloit prendre notre route au!dessus de Chie , entre ses rocherset l’isle de Psyria. , en la gardant a

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238 L’onrssl’zn,notre gauche, ou côtoyer la pre-micre Il son bord opposé , entre elleet le pied de liorageux Mimas. Nousdemandons un signe aux dieux , quinous ordonnent (le fendre la pleinemer, et de voguer vers liEubée. Unvent impétueux siéleve; nos vais-seaux , (hm coursbeureux et rapide,franchissent le liquide élément, sontportés , au milieu de la nuit, à Gè-reste , où , charmés dinvoir mesuré

la vaste mer, nous faisons fumer surle rivage des offrandes solemnellesde nombreux taureaux en l’honneur

(le Neptune. Le vent que nousavoient envoyé les dieux , soufflantsans se ralentir, Diomede , le qua-trieme jour. arrête ses vaisseaux au):rives d’Argos; et Pylos est le terme

(le ma course. nvoilà , ô mon cher fils , que! fut

mon retour. Tu vois que dans meroule je n’ai guere pu savoir qui:

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anNTIIÏ. 239qui furent sauvés, ni ceux qui pé-rirent. Ce que jiai appris depuis quemes jours coulent dans ces paisiblesdemeures , il est juste que tu en soisinstruit.

Les invincibles nessaliens, con-duits par l’illustre fils du magna-nime Achille, sont rentrés lieuten-sement dans leur patrie. Le fameuxrejeton de.Péan , Philoctete , jouitdu même bonheur. Idomènèe , sans

que la mer lui ait ravi un seul deses compagnons , a ramené ceuxqu’avoir épargnés la guerre. Quant à

rainé des Atrides , malgré la distance

des lieux, vous avez sans doute ap-pris par la renommée son retourdans son royaume, et les pieges diÈ-gistlie qui le firent indignement pé-rir; mais le scélérat a payé bien chè-

rement ce forfait. Heureux qui laisse.en son fils un vengeur! Celui (FA.-gqrnemnon a puni le parricide , la

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240 LioDYSSËB,monstre exécrable qui lui ravit unpere si illustre. Toi aussi, mon fils( car la noblesse de t’es traits et de ta

stature frappe mes regards), opposeaux périls un cœur inébranlable pour

que ton nom soit révéré des races

futures.O fils de Nële’e , Nestor , honneur

des Grecs , répond le sage Télémaè

que , Oreste , en punissant Ègisthe,a exercé une vengeance aussi justequiéclatante; sa gloire, célébrée dès

son vivant dans toute la Grece, seral’objet des chants (le la postérité la

plus reculée. Ah l que le ciel ne medonne-t-il assez de force pour punirainsi l’odieuse insolence des chefsqui , me couvrant (feutrages , tra-ment notre ruine I Mais il ne nousa pas destiné , à mon pere et à moi,tant de félicité; je dois, sans mur-mure , me soumettre à liindignité de

mon sort.

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CHANTIII 24!Cher ami , reprend le vieillard,

puisque tu mien retraces le souve-nir , la renommée parle beaucoupde la foule qui assiege ta mère, tiimc

pose des loix dans ta maison . et tedresse des pieges funestes. Dis: teserois-tu soumis volontairement àce joug? ou la voix d’un oracle t’au-

roit-elle rendu l’objet de la haine deton peuple? Ne désespere pas cepen-dant que ton pare lui-même, seul ,ou secouru de toute la Grece , nevienne un jour punir avec éclat cesviolences. Si Minerve daignoit Cac-cordor la protection signalée dontelle honora le fameux Ulysse dansles champs troyens , où nous souilfrimes tant de maux (non , jamaisà mes regards les dieux ne témoi-gnerent si ouvertement leur bienveil-lance aux mortels ; Minerve, sansnuage, étoithtoujours à côté de cehéros); si elle daignoit t’accorderlo

1. ai

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242 LiODYSSÉI,même amour, ah! cette troupe 8b-roit bientôt occupée d’autres soinsque de projets d’hyménée.

O vieillard , dit Télémaque , ja-

mais ne se réalisera liespoir dont tume flattes; je ne reverrai point monpere;ta promesse est trop pompeuse:tu miouvres un trop heureux avenir;il me plonge dans le ravissement, et

:miôte la parole. Non, quand mêmeles dieux voudroient nous accorderleur secours , je douterois encore deparvenir à ce comble de, félicité.

Télémaque , quel mot est sorti de

tes lei-Tes! interrompit la déesse. Sa-che quiil est facile aux dieux de tirerun mortel des lieux les plus éloignés

où le sort liégare, et de le conduiredans sa terre natale. Si Ulysse, aprèsavoir passé de revers en revers , jouis-soit enfin du repos et voyoit luire la.journée de son retour, ne seroit-ilpas bien plus fortuné qu’Agamem-

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enAnrlll. 2.13non que la destinée ramena sans ob-

stacle dans sa patrie, mais qui en-sanglante ses foyers par la trahisond’Égisthe et d’une femme crimi-

nelle P Il n’est que la loi communedu trépas à laquelle les dieux mêmes

n’ont pas le pouvoir d’arracher le

mortel qui leur est le plus cher,quand la parque fatale lia. plongédans le long sommeil du tombeau.

Mentor , n’en parlons plus , ditTélémaque , ce! entretien aggravema douleur. Il ne faut plus comptersur le retour de ce héros; les dieux.depuis long-temps, Pour précipitéau noir séjour des ombres. Miest-ilpermis en ce moment (liintcrrogersur un autre sujet ce Nestor qui.surpasse en justice et en prudencetous les hommes , qui a régné surtrois générations , et qui est à.mes yeux l’image des immortels 3’ 0

Nestor , fils (le Nélée, fuis-moi un.

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au L’onrssè.z,récit fidele de la mort d’Agamem-

non. Comment a péri ce roi de tant(le peuples ? Par quels pieges le per-fide Êgisthe a-t-il abattu celui qu’ilétoit si loin d’égaler en grandeur et

en courage P Où donc étoit alorsMènélas P n’était-il point dans la

Grece? ou portoit »il ses pas errantsdans un climat étranger? et son ab-sence. enhardit-elle l’assassin a frap-

per ce coup terrible PMon fils , lui répond Nestor, je

rais t’instruire avec exactitude deces événements. Tu soupçonnesavec raison ce qui favorisa ce forfait.Ah! si Ménélas , rentrant à son re-tour de Troie dans le palais des rois,eût trouvé Ègistlie en vie. personnene lui eût même accordé quelque

I peu (le sable pour sépulture : mais(juste récompense de l’énormité de

ses crimes! ) les animaux voraces (lusial et de la terre eussent dévoré le

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a’""”enAu"rIIl. 245cadavre de l’assassin jeté loin (lela ville dans un champ désert , et iln’eût reçu d’aucune de nos Grecque:

un tribut de larmes. Tandis que,tous les remparts d’llion , nos jourss’écouloient dans les combats , le

lâche , caché dans un Coin de laguerriere Argos, cherchoit à cor-rompre par le miel de ses paroles la.femme d’Agamemnon. D’abord Cl);-

temnestre eut horreur de ses des-seins odieux. Née avec des senti-ments élevés , elle avoit auprès d’elle

un de ces sages révérés , un chantre

divin auquel Agamemnon, à son dé-part , avoit confié le soin (le veillersur sa femme. Mais lorsque les Des-tins voulurent qu’elle fût enlacée en

des rets funestes, Ègislhe transportacet éleva des dieux dans une isleinhabitée où il l’abandonna aux vau-

tours. Alors l’amant emmena sanspeine l’amante dans son palais. Par.

2:.

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246 L’onvssèx,venu . contre toute espérance , aucomble de ses vœux criminels , com-bien le téméraire profana les autels

par (le pompeux sacrifices! combienil appendit d’or et de richesses pré-

cieuses aux murs de tous les tem-ples!

A notre retour (le Troie , ÏMénélas

et moi , unis d’une intime amitié,nous voguions ensemble jusqu’aubord sacré de Sunium , pointe del’Attique. Là, Apollon perça de ses

fleches invisibles le pilote de Mené.las, le fils d’Onétor , Phrontis te-

nant le gouvernail du vaisseau cou-rant sur les ondes , Phrontis supé-rieur à tous les hommes dans l’artde guider un navire quand les tem-pêtes bouleversoient les flots. Quoi.qu’impatient de terminer sa route.Ménélas s’arrête pour rendre à son

compagnon les honneurs funebres.Rembarqné , un vol impétueux la

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anNrIII. 2.57porte jusqu’au mont de Malée. Mais

le dieu du tonnerre multiplie les in-fortunes sur la route de ce chef; ildéchaîne coutre sa flotte les ventstumultueux , roule des vague-1 en-flées , énormes, telles que de hautes

montagnes. En un moment ses vais-seaux sont dispersés , la plupartpoussés vers la Crete, ou les Cydr-miens entourent les eaux du Jardan.A l’extrémité de Gortyne , un rocher

lisse , escarpé , s’avance au milieu .des sombres vapeurs de la mer; l’au-

tan porte vers la gauche , près dePheste , les ondes amoncelées; lapointe du roc brise l’effort des vagues

immenses. C’est là que heurtent cesvaisseaux; c’est la que , précipités

par les flots , ils sont fracassés , cou-vrent le rocher de leurs débris : leshommes échappent avec peine à lamort. Cependant cinq navires deCette flotte sillonnent de leur proue

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248 fientasse,azurée le fienveÊgyptus , où ils sont

jetés par le vent et Fonda.ClesL lorsque Ménèlas, errant avec

ses vaisseaux en (les climats emm-gers , amassoit de vastes trésors ,qnlÈgisthe commet le sinistre atten-tat par lequel périt , dans leur pn-his , l’un des Atrides , et qulil sou-met à son joug le peuple de ce roi.Il regne durant sept années sur lariche Mycenes. Enfin vient «YA-rhenes la vengeance. Oreste repa-raît; il purge la terre du perfideassassin qui lui ravit un pare illustre;et honorantfl de funérailles une mere

abhorrée et le plus lâche des hom-mes , il donne le festin public quien termine la pompe. Ce jour-làmême arrive le brave Mènélas avec

autant de richesses qu’en pouvoient

porter ses vaisseaux.Toi, ô mon ami , garde-toi dlégn-

rer U011 long-temps les pas loin de

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caAanIL 249tes foyers , et n’abandonne point tumaison et tes biens aux plus perversdes mortels; crains qu’en ton ab-sence ils n’acbevent de te dépouiller

de ton héritage , et que ta course netourne qu’à [a ruine.

Cependant mes avis, mes leçons,t’y exhortent; rends«toi chez Mené-

las , qui, contre son espoir, vient d’ar-

river de contrées lointaines , empor-té par les tempêtes au milieu dluuocéan dont les habitants même (lel’air pourroient à peine revenir dans

une année , océan aussi périlleux

qulimmcnsc. Pars.avec ton navireet les compagnons. Ou ne veux-tupas traverser les ondes P voici monchar et mes chevaux, voici mes filsqui te conduiront dans la superbeLacèdémono où rague le blond Me.

nélas. Va llinterroger; conjure-le det’apprendre la vérité: il ne proférera

point le mensonge, sa prudence estConsommec.

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C250 LODYSSÉE,Comme il achevoit ces mots, le

soleil se plonge dans llocèan , et lanuit répand ses ombres sur la terre.O vieillard , dit alors Minerve , teslevrcs sont l’organe de la sagesse.:Mais séparez les langues des vic-times; prenez en main les coupes ;faites des libations à Neptune et àtous les dieux , et allons goûter lesommeil dont l’heure approche ;llastre du jour ne nous envoie plusses rayons. La décence ne permetpas de prolonger les festins consa-crûs aux immortels.

Ainsi dit la fille de Jupiter; ilssont dociles à sa voix. Les hérautsversent l’eau sur les mains (les chefs I

(les jeunes gens , après avoir com-mencé les libations, portent de touv

tes parts les coupes remplies; laflamme consume les langues (les vic-times; tous se lovent, et le vin couleen l’honneur des immortels. Dès

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CHANT III. 25s(âne ce devoir est accompli, et qulons’est abreuvé (le cette liqueur, Mi-nerve et Télémaque veulent s’éloi-

gner et se rendre à leur navire.Mais Nestor les retenant, et sla-

bandonnant au feu du courroux zMe préservent Jupiter et tous lesdieux, siécxie-t-il , de permettre que

vous me quittiez pour vous retirerdans votre vaisseau! Suis-je le plusindigent des Pyliens? et ma mai-sonne peut-elle offrir aux étrangers,ni à moi-même, des vêtements et unlit où lion goûte mollement le repos?

Niabomle-t-ellc pas en robes pié-cieuses et en tapis de pourpre? Tantque je vivrai je souffrirai moins en-core qu’un hôte aussi chéri que le

rejeton du grand Ulysse passe la nuitsur le tillac de son navire; et , lorsmême que je ne serai plus, ne laisse-rai-je pas mes fils dans mon palaispour exercer envers tous ceux qui s”

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252 Lloansùn,rendront les devoirs (le l’hospitalité?

J ’approuve tes paroles , ô vieillard

que j’aime, dit Minerve; tu dois en-gager Télémaque à te contenter, rien

n’est plus convenable. Qulil le suive

à cet instant , et jouisse du reposdans ta demeure. Permets que je re-tourne à mon vaisseau, afin de soute-

nir le courage (le ceux qui nous ontaccompagnés , et leur donner mesordres. Je puis me glorifier d’être le

seul vieillard dans cette lroupe,tontecomposée (le compagnons d’âge du

magnanime Télémaque, qui le sui-virent par amitié. Je reposerai lanuit dans ce vaisseau: des l’auroreje pars pour me rendre au pays desvaleureux Caucons, où je (lois récla-

mer une denc considérabk et an-cienn e. Toi, dont la maison recueil-lera le rejeton dÙlysso , fais-le con-duire à Sparte par l’un de tes fils sur

un char attelé de tes plus forts et

plus agiles coursiers. l

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ansn’rlII. 253v En même temps la déesse dispa-

roi! avec la rapidité de l’aigle. Tous

les assistants sont immobiles de sur-prise ; le vieux Nestor admire ceprodige; et prenant la. main de Té-lémaque: O mon fils, dit-il, tu seraspar ta valeur et par les vertus l’hon-

neur de ta race, toi qui, si jeuneencore , as les dieux pour compa-gnons de tes pas. C’est ici la fille deJupiter, l’invincible Pallas, qui dis-i

tingua ton pere de tous les Grecs.O grande déesse, sois-nous propice ,comble-nous de gloire et de bonheur,moi , mes fils , ma vertueuse épouse:je te sacrifierai une génisse d’un au,

au front majestueux , qu’aucunemain n’aura conduite sous le joug;je te la sacrifierai , et l’or écla-tera autour de ses cornes naissan-tes. Telle est sa priere; la déessel’exauce.

Cependant le vénérable Nestor, à

l. 22

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254 L’ o D Y s s à e,la tête de ses fils et de ses gendres,marche vers son palais. Entrés dansl’auguste demeure du roi, ils se pla-

cent avec ordre sur des trônes et dessieges. A l’arrivée de ses fils , le vieil-

lard tenoit en main la coupe , etmêloit au crystal d’une eau pure unvin délicieux, gardé avec soin dixannées , et dont une esclave venoitd’ouvrirl’urne odorante. Nestor pré-

pare ce breuvage , et fait des libationsaccompagnées de prieres en l’hon-neur de la fille du dieu armé de l’é-

gicle.

Chacun remplit ce devoir, portola coupe à ses lev-res, et va dans saretraite chercher les douceurs dusommeil. Le roi de Pylos place le filsdu grand Ulysse, Télémaque, sousle portique sonore z on lui a préparé

un lit que partage le chef des guer-riers, le plus jeune des fils de Nes-tor , Pisistrate, qui seul d’entre eux

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cnaanII. 255n’a point encore de compagne. Levieillard , avec la reine sa femme,goûte le sommeil dans un asyle pai-

sible du palais. ,Lorsque la fille du matin, l’Aurore

aux doigts de rose; paroit dans lescieux , le magnanime Nestor se 1ere,et, sortant de sa demeure, va se pla-cer devant les hautes portes du pa-lais sur des Pierres blanches , poliesavec soin , et aussi luisantes quedes parfums huileux. Jadis Nèléeassis y dictoit ses arrêts dont la sa-gesse l’égaloit aux dieux : mais ,vaincu par la parque , il est dans lesenfers ; et maintenant le guide (lesGrecs, Nestor, tenant le sceptre, oc-cupoit cette place. Sortis de leurs ap-partements, ses fils nembreux et telsque les immortels , Êchéphron, Stra-tie , Persée, Arétus et Tlirasymede ,

inccourent autour du vieillard ; lesixieme de ses lils, et l’émule des bé-

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256 L’onvssûz,ros, Pisistrate, les joint à grandspas z ils amenent Télémaque aussibeau qu’une divinité, et le placent

auprès de leur pere, qui prend laparole.

Hàtez-vons , mes fils , de secondermes desirs ; je dois accomplir monvœu et me rendre Minerve propice:car hier , je n’en puis douter, elledaigna participer a la fête de Neptu«ne. Que l’un de vous aille dans mes

campagnes ordonner au berger deconduire ici sans délai la plus bellede mes génisses; qu’un autre coureau rivage et m’amene tous les com-pagnons de Télémaque , n’en lais-

sant que deux pour garder le navii e;toi , appelle l’indu:trieux Laërcepour que l’or entoure les cornes dela victime. Vous cependant, restezauprès de moi; dites aux esclaves deFormer les apprêts du sacrifice et d’un.

festin solemnel; qu’ils apportent des

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c a A w T I I I. 257tirages , du Bois, et l’eau pure des fon-

lames.Il dît; tous exécutent ses or-

dres. La génisse est amenée deschamps ; les compagnons de Télé-maque viennent du navire ; Laërce

arrive tenant en main les instru-ments de son art, l’enclume, le mar-teau , (le belles tenailles. Pallas vienthonorer de sa présence le sacrifice.Le roi (le Pylos met l’or entre lesmains de Laiîrce , qui le prépare eten décore les cornes (le la génisse:la déesse reçoit cette offrande avec sa-

tisfaction. Stratie et le noble Éché-pllron conduisent par les cornes l’a-nimal mugissant : Arétus sort du pa-lais , apportant (Tune main un vaseciselé plein dleau lustrale , et (le llan-tre , dans une corbeille , l’orge sa-crée: armé (le la hache aiguë , le bel-

liqueux Tlnrasymede es æscôlé (le la.

victime,prétàlafrapp flûtiauÊ?

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258 L’onrssi’za,une urne profonde. Le vieux Nestor.après avoir répandu sur la génisselleau lustrale et posé Forge sacrée,adresse à Minerve un grand nombrede vœux , et, pour prémices , jettedans le feu le poil enlevé du front dela victime.

Alors le fils de Nestor, le généreux

Thrasymede . frappe , la hache sé-pare les tendons du cou; la vigou-reuse génisse se précipite à terre. Les

filles de Nestor, ses brus, et sa fem-me, l’aînée des filles de Clymene, la

vénérable Eurydice, font retentir de

leurs cris et de leurs vœux la voûtecéleste. Cependant de nombreusesmains soulevant la victime ; le princedes jeunes hommes . Pisistrate, lié-gorge; le sangà noirs bouillons couledans l’urne; l’animal retombe, et la

vie l’abandonne. Les assistants s’em-

Pressent à le partager , séparent lesparties consacrées à l’amande , les

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CHANT III. 259couvrent de graisse et de lam-beaux sanglants des membres dela victime. Le vieillard allume l’of-

frande et la rougit de libations devin. Armes de longs (lards à cinqrangs, de jeunes hommes l’entou-rent. L’offrande consumée, on goûte

les entrailles, et partageant le restede la victime, on en couvre ces dardsqu’on présente aux flammes.

Cependant Télémaque est con-

duit au bain par la belle Polycaste,la plus jeune des filles de Nestor.Elle répand sur lui une eau pure,des parfums précieux , le revêt d’une

fine tunique et d’un manteau écla-

tant. Il sort du bain semblable auximmortels , et va se placer prés dupasteurdes peuples, le sage Nestor.

On s’assied , chacun participe aufestin. De jeunes hommes d’un par:distingué se leveur, et font couler levin dans les coupes d’or. Le repas

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s

26e L’onxssfiz,terminé , le roi de Pylos donne sesordres. Mes fils, amenez en faveurde Télémaque mes coursiers à la su-

perbe criniere , et attelez-les à monchar pour qu’il franchisse prompte-

ment sa route.Il parle , et ils obéissent. Les ra-

pides coursiers sont attelés en unmoment.Uue fidelc esclave met dansle char le pain , le vin, et les alimentstels que ceux qu’on destine aux rois.favoris de Jupiter. Télémaque monte

sur le char; le chef de la jeunesse ,Pisistrate, se place à côté de lui, et,

prenant les rênes , touche du fouetles coursiers , qui, se précipitant avecardeur loin (le ces lieux, abandon-nent les hauts murs de Pylos , et vo-lent dans la campagne. lis secouenttout le jour le frein dans leur ar-dente course. Le soleil disparoîr, etles routes sont obscurcies du voiiede la nuit, lorsque ces chefs arrivent

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enAuTIII. 261à Plieres , dans le palais de Dioclès ,fils d’Orsiloque né du fleuve Alphée.

Ils y goûtent le sommeil ; Dioclèsles reçoit avec tous les honneurs del’hospitalité.

Dés que les roses de la matinaleAurore ont rougi les cieux, ils ontattelé leurs coursiers , et sont re-montés sur leur char qui roule àgrand bruit bers du long portique.Pisistrate anime les juments; elless’élancent avec une nouvelle ardeur

dans la carriere; et tel a été leur volimpétueux, qu’elles arrivent dans les

campagnes fertiles de la Messe’nie."

terme (le leur course , au momentoù la nuit répandoit ses ombres surla face de la terre.

FIN DU CHANT TROISKBII.

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REMARQUESSUR LE CHANT TROISIÈME.

(Page 225. La multitude étoit partagée

en neuf troupes.)

NE u r villes étoient soumises à Nestor.Voyez le dénombrement des vaisseauxdans l’Iliade. Chaque ville, seion la cou-

turne, avoit fourni neuf taureaux pour cesacrifice; chaque troupe étoit formée decitoyens d’une de ces villes. On croit qu’il

y avoit la un temple de Neptune Samien.Le taureauétoit consacré à Ne ptuue à cause

du mugissement desLe poète ouvre ici une nouvelle scene,

et il’ ne nous ramenera aux prétendantsqu’à travers une foule d’agréables épisov

des. Neptune écartoit Ulysre de sa patrie;Il est remarquable que le fils de ce héros,en arrivant à Pylos, participe à un sacri-fice qu’on offroit à cette divinité. Rien de

plus touchant que de voir Télémaque 1’.ij

plorer Neptune en cette occasion,

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nuque. sua LI anzt’r HI. 263

(Ibid. Déja l’on avoit goûté les entrailles. )

Cet usage faisoit partie du sacrifice :courra est le terme propre; car, pourque chacun eût sa part des entrailles, ilfalloit les partager en menus morceaux.Moïse avoit ordonné aux Juifs de dévorer

l’agneau pascal tout entier, la tête , lespieds et les intestins.

(Page 227. Tu trouveras dans ton cœur.)

Minerve veut qu’en comptant sur lesecours des dieux, il ne néglige pas celuiqu’il peut tirer de lui-même.

(Ibidein. Au milieu d’elle étoient assis

Nestor et ses fils.)

C’est aussi au milieu de la cérémonie.

d’un sacrifice qu’Enée amvc chez Évamlre :

botté die solennem illo tex Amas honoremAmphitryonidm magna divisqu’e ferebat.

Ante tubons in loco. Pallas huic filins ana ,Un?! omnes juvenum prinii , paupctque somme,Tbuta dallent; lepidusquc cruor fumabat ail une,

ÆNIID. HI. VIH.

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264 neMquuts(Ibidem. Le fils de Nestor, Phistrate , sa

précipite avec le plus d’ardeur.)

Ce jeune prince , qui doit jouer un rôledans le pnüme , paroit d’abord sur la sce-

ne, et le poète lui Lionne un caractere înatércssant. L’Odyssée estremplie de traits

de morale; mais souvent elle y est miseen action.

(Page 228. Étranger , dit-il , invoque Nepo

tune... car vous rencontrez ici sa fête.)

Pisistmte lui dit cela comme une choseheureuse pour eux.

Interea sacra liæc , quandn huc vcnîstîs amici,

Aunua , quæ. diffama rat-E15 , cclcbmle fumantes

Nobiscum, et jam nunc smziorum assuescile menais.

Æum. un. VIH.

(P. 229. La satisfaction de Voir comblerles vœux.)

Le poële fait entrevoir le dénouement.

Télt’uuaque, à son retour, retrouve son

pere. Ou Minerve nlit sa priera à voix bas«se, ou Nestor n’a pas entendu le nom deTélémaque.

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tu: tu aussi. HI. au(Ibidem. Elle-même l’accomplir.)

Ces. paroles pourroient signifier a qu’elle

a satisfait aux rites sacrés n. Plusieurs iuaterpretes ont adopté ce sens.

(P. 230. Où seriez-vous toujours errantssur les mers?)

On sait par Thucydide et d’autres and

leurs anciens que la piraterie , dans lespremiers temps, étoit en honneur. Ils rap-portent mème ce passage d’Homere pour

le prouver. Il est donc bien clair quietspartant des mœurs de ce siecle , Nestor nefait pas un mauvais compliment à ses lib-les. c’est ce qui m’a empêché de me ser-

vir du mot de sunnas, dont l’acceptionréveille aujourd’hui une idée trop cho-

quante; il suffisoit de désigner ce genre de

vie. Il y a eu des inrerpretes qui ont mieuxvoulu comprendre ici Homere que n’ontfait Thucydide et tous les anciens. c’estginsi que Pope l’a rendu z

Relate ifbusiness , o’t thirst ofgain ,

Engage your joumev du the pathless main .Where sauge pirates seet through sans unxnovrn111e lives ofothers , venl’rous DE chair afin.

1 . 23

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.66 IxnlnocxsSelon aux Nestor fait une imprécation

contre les pirates. Si Nestor avoit eu lapensée qu’exprime Pope , sa question sen

toit outrageante pour ses hôtes, et s’acncorderoit mal avec les égards qui étoientprescrits par l’hospitalité. César rapporte

que, chez les Germains ,Ile vol et la pira-terie étoient en honneur , pourvu qu’on les

exerçât hors des frontieres de leur pays;ils les croyoient utiles pour entretenir lecourage de la jeunesse , et la tirer de Piaf

action. lI (Page 23x. Qu’ombrage le mont Née.)

. Les forêts de ce mont, au pied duquelIthaque étoit située, servoient à la couac

striction des navires de l’isle.

(P. 233. La dorment Achille et Patrocle.)

Il ne donne pas diépithete honorable au

premier , connue il a fait en parlant desautres chefs. Madame Dacier dit que des:parceque la colore dlAchille a été la cause

de tous ses maux. Cette raison n’est pointsolide; car on ne voit pas dans l’Iliade que1e fils de Nestor ait étémé dual: locales.

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ont La catit III. se;d’Achille. N’est-ce pas plutôt qu’Achillo

est assez grand pour se passer d’éloges?

(nge 234. Oui, tu es son fils.)

c’est le vrai sens. Voyez Emesti. Il 0l»

serve que in ne marque pas touiours ledoute, mais qu’il est aussi affirmatif.

(Ibid. Nous ne différions jamais d’avis.)

Nestor a mis Ulysse au premier rangpour la sagesse ; il trouve ensuite le moyende se placer à côté de lui: a: Nous formions

a: toujours , dit-il, les mômes desseins. n

Le discours de Nestor est long, maisconvenable au canotera de ce vieillard. Ilne se contente pas de dire a Télémaquequ’il ne sait rien du sort d’Ulysse; il lui

apprend comment il n’a pu.rien savoir. Il

satisfait ce jeune prince, qui le prie dedire a ce qui lui est connu n. Ce discourscontient quelques détails intéressants sur

le retour des Grecs dans leur patrie. Ilétoit plus lama-cl que Nestor dit d’abordà Télémaque qu’il n’avoir aucune nouvelle

A lui donner d’Ulysse: mais ce vieillard ,pt Homes: luirmème, ne perdoit pas vos

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s68 n n Il A a Q v z alamiers le plaisir de se faire écouler; et inrécit de Nestor tient ce prince , ainsi quele lecteur, dans une espace de suspension

A qui n’est pas sans intérêt. ’

(Page 235. Tous nos chefs neavoient pasobsewé.)

J’ai conservé le tour adouci dont se sert

Nestor pour blâmer les Grecs.

(Ibid. Animée d’une fureur vengeresse.)

Ils n’avoient pas puni l’outrage qu’Aç

in fila d’OÏIée avoit fait à Minerve en

violant Cassandre dans le temple de camedéesse. Nestor, par pudeur et par rets-nue, ne s’explique pas plus ouvertementsur le crime d’Ajax; il parle à un jeune

homme , et il ne veut pas insulter unmon.

(Ibid. Au mépris de la décence.)

Bien des interpretes ont cru qu’il étoit

contre la regle de convoquer une assem-blée le soir. On peut les réfuter par beau.coup d’exemples, et par noue poète luiqorneme. Homme ne blâme que l’impru-.fiance des cheik à convoquer en Ce (engin

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aux 1.1.1181 I a HI. 56,Il!!! ossemblée pour une chose si impor-lame, et les Grecs qui s’y rendirent prisde vin.

(Page237. Un dieu applanit... la mer.)

Stemitur aequo: nqnis. Album. un. V.

(Ibidçm. Ulysse, avec ceux qu’il a per-

suadés... tourne ses vaisseaux.)

, Selon madame Dacier, Nestor, par po-litesse pour Télémque , ne dit pas que ce

fut Ulysse qui voulut retourner à Troie,insinuant qu’il céda aux conseils de sesCompagnons. c’est une subtilité. Le toutqu’emploie ici Homere est un grécisme

ces connu.

(Ibidem. Prévoyant les malheurs.)

Il savoit qu’on avoit offensé la déesse.

(Ibidem. S’il falloit prendre notre routeail-dessus de Chic.)

L’isle de Psyria est à qumingts sta-des de Chic, aujourd’hui Sein. Selon lalituanien de ces lieux ,À ils auroient eu Ohio

id: and): et Psyria à la mon; En pre-2 .

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ne annonçonsnant au-dessous de Chic, entre cette à]!et le rivage de l’Asie , ou est le mont Mi.mas , le chemin étoit plus court, mais plusdangereux. Gemme est un port au bas del’Eul)ée , aujourd’hui Négrepont. Strabon

dit que c’était le lieu le plus commodopour ceux qui partent d’AsPe pour aller en

Grece. Il y avoit la un beau temple deNeptune. On sait que les anciens s’expœ

soient rarement à navigcr en pleine mer,et qu’ils gardoient autant qu’ils pouvoient

les cotes. u(Page 24x . Si Minerve daignoit t’accorde:

la protection. signalée.)

Homere prépare avec beaucoup d’au

dresse le dénouement de son action poury donner de la. vraisemblance.

(Page 242. Si Ulysse, après avoir passéde revers en revers.)

Littéralement : «J’aimerais mieux es-

u soyer beaucoup de malheurs et revoira: ma patrie, que. d’avoir le sort d’Agap

a mernnon , etc. a. Elle veut réveiller l’esv-

péranco dans le cœur de Télémaque. Le

désespoir de ce prince lui fait proférer un

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son u cas!!! r11. 271blasphème , à moins que, pour l’excuse! ,

on n’ait recours à la doctrine de la desti-

née; on sait que les anciens la croyoientsupérieure au pouvoir des dieux.

(Page 243. Il n’est que la loi communedu trépas.)

laierois troque cairn tenebli! Diane pudicunLibcral Hippolylurn.

, Hou. 0d. lib. 1V, 0d. 7.

(me. ô Nestor. .-. Fais-moi un récit Edele.)

V Les vieillards aiment à être interrogés ,

parcequ’ils aiment à parler. En multipliant

les questions , ou leur fournit l’occasiond’un long récit.

- (Page m. Personne ne lui en: mêmeaccordé quelque peu de sable.)

La loi ordonnoit chez les Grecs qu’onn’ensevelît pas les sacrileges ni les trai-tres. La sépulture n’était pas accomplie

si l’on ne jetoit pas de la terre sur les

morts.Au! tu milii mm

lnjice. Album. un. V1.

lniecto le! pelure coma.Hou. 0d. lib.I, cd. a;

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un nIuAnQvls(Page 245. Elle avoit auprès d’elle"... un

chantre divin.)

Les poëles étoient les philosophes dansces temps reculés. «Dans les villes grec-a ques, dît Strabon, on commençoit l’ê-

n ducatîon des enfants par la poésie, non

a: pour leur procurer seulement du plaisir,a mais pour leur apprendre la sagesse : et- l’on voit même que les simples musi-

1: dans , qui enseignent à chanter; àjoner«x de la flûte et de la lyre , font professiona: d’enseignerla gertu ; car ils se disent prêg

a cepleurs, et réformateurs des mœurs. aClytemnestre fit mie longue résis tance,

Mais il est bon de remarquer que canéprincesse n’eut pas plutôt été vaincue, qu

les autres crimbs neluicoûlorent plus rien,et qulelln aida enfin Égisthe à ruer Agat

memnon.

(Ibidem. Alors l’amiral: emmena sans-peinc l’amante dans son palais.)

Ceux qui savent le grec trouveront que

ai assez bien rendu ce vers a ."Il" a" 436m1 555MHz! imbu)" 5H: 161.40qua

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un 1.: annr 1H. 273 l(Page 246. Le fil: d’Onétor, Phrontîs.)

PHRONTIS, c’est-à-(lire un mur. 0x5.

rom signifie urus. Dans ces temps-là lesarts étoient en honneur. Au livre III desRois , l’Écriture marque qu’Himm , céle-

bre fondeur, étoit fils d’une veuve de la!

tribu de Ncphthali, et que soupai-e étoitde Tyr,

(P. 247.. Mont de Malée.)

Promontoire de la Laconie , au bas duPéloponnese. La mer est là fort (lange.rense.

(Ibidem. A l’extrémité de Gortyne, un

rocher lisse.)

Parcequ’Eustxthe a dit que ce rochera’appelloit flmwn, selon Crues, madame 1Dacier traduit, c un rocher nppellé Lissé au.

si Honore eût voulu désigner le nom durocher, il n’eût pas (ç: J":- nç and  il

eût omis Dru, l(Page 248. Le fleuve Égyptus.)

Il n’avait pas encore le nom de Nil. Cason u été œnnu d’Hésiodez et c’en un

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274 uqunqnnsdes arguments qui prouvent qu’il vivoitaprès Homere.

(Ibidem. Amlssoit de vastes trésors.)

Il y a de l’apparence que c’était en pi.

ratant. Ménélns prolongea volontairementIon absence, et Nestor l’en blâme.

(Ibidem. Honorant de funérailles unemore abhorrée.)

Par ménagement pour Oreste, il neparle pas de son parricide, et se contentade dire qu’il ensevelit sa mere.

(P. 249. Dont les habitants même de liaitpourroient à peine revenir dans une unnée.)

c’est une forte hyperbole. Lesvieillarda

aiment à étonner les jeunes gens. Nestor

avoit auparavant qulun vaisseau pou.voit aller en cinq jours de la Crete en

Égypte. A(Page :50. Séparez les langues des vie.rîmes.)

Lorsqu’on alloit se retirer pour dormir.

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son L! cntnr HI. 275ou jetoit dans le feu les langues des victi-mes , comme pour expier les discours quieussent pu déplaire aux dieux , et pourannoncer que c’était le temps du silence.

(Ibidem. La décence ne permet pas deprolonger les festins consacrés aux im-

mortels.)

Il y avoit des fêtes où l’on passoit le:nuits entieres , et ces fêtes étoient ordinai-rement pleines de licence; c’est ce quel:déesse condamne ici.

A . (Page 251 a Des vêtements et un lit.)

Pour bien recevoir ses hôtes , et c’estencore l’usage dans plusieurs pays orien-

taux, il falloit avoir non seulement toutce qui étoit nécessaire pour les bien cou-

cher , mais encore des robes pour chan-pr. Ciétoît une nécessité que l’hospitalité,

li pratiquée dans ces temps-là , avoit ame-née. Tellins d’Agx-igente eut un jour chez

lui cinq cents étrangers; il leur donna àchacun un manteau et une tunique.* Les Caucons étoient voisins de Pylos

l! sujets de Nestor. t

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à78 3.111111an!(Page 253. Le vieux Nestor admire ce

prodige.)

Il admire moins le prodige même, quede voir Télémaque, si jeune encore, ae-compagné de cette déesse.

(Page 254. On lui a préparé un lit.)

Littéralement, u lit percé a r on appel-loit ainsi ceux qui l’étoient pour attacher.”

des jarres , sur lesquels on reposoit com.modément. Voyez Feitlr. On plaçoit sont

vent les étrangers sous le portique. Il estvraisemblable qu’on y avoit pratiqué quel-

que appartement destiné à les recevoir, etqu’ils n’y étoient pas exposés aux injures

de l’air. Pisistrate partage le lit de Téléma-

que. Cette marque d’honneur et d’amitié

offre l’image de la simplicité de ces siecles.

t L’histoire nous montre le même usage

au temps de Henri 1V. Avant ce temps ontrouve des usages dont la sirnplicitéqestplus finppnnte encore: celui, par exemaple, de faire manger quelqu’un avec soidans son assiette étoit la plus grande mar-lue diamitié qu’on pût lui donner. De li

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son La CHANT 111. encette expression,manger dans la mêmeécuelle, pour dire , être ami ’.

(Page 255. V11 se placer... sur des pierresblanches, polios avec soin.)

Ou plaçoit des sieges de pierre devantlesmnisons.C’estlà souventqueles amants

de Pénélope tenoient leurs conseils. Nousvoyons dhns l’Écriture que a les juges sont

a assis densifieras portes. nAu moyen âge les perrons des châteaux

émient ornés. C’était là que les ofliciers des

seigneurs on les seigneurs eux-mêmes ren-

doient la à leurs vassaux. Joinville[in souvent employé par S. Louis à carmi-nistere , et c’est ce qu’il nomme a les plaids

a de la porte 1. a ’Il se peut que ces pierres dont parle Ho-

mere niant été sacrées , parceqne les prin-

ces s’y asseyoimt quand ils rendoient lajustice, et que; pour témoigner le respectqu’on avoit! pourelles, on les ait frottées

d’huile. On en versoit sur des pierres quireprésentoient des divinités. Alexandre enversa sur le tombeau d’Achille. J’ai pré-

(n ) Préface dnmucildes Fabliaux. (2) Fabliaux.

1. a4

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e78 lnMAthrnsfêté le sans le plus reçu. On peut lire surcet objet un mémoire de l’abbé Anselme ,-

au tome V1 des Mémoires de l’académie

des inscriptions et bellesslettres. Perraulttraduit ainsi cet endroit: au Nestor alla s’as-

u seoir devant sa porte sur des pierres biena polies et luisantes comme de l’onguent. n

l (Page 257. L’enclume , le marteau.)

Ce doreur étoit batteur d’or; il le pré- -paroit lui-même, et le réduisoit en’feuilles :

pour ce travail on n’avoir besoin que d’une

petite enclume portative. Despréaux, dansses Réflexions sur Longin, a très bien ré-

futé ici Perrault.

(Ibid. Pallas vient honorer de sa présencele sacrifice.)

w L’idée que les dieux assistoient aux fl-

tes religieuses étoit propre à y faire régner

l’ordre et le respect. D’après un passage

de Diodore de Sicile, on pourroit croirequ’on avoit placé la statue de Minerveprès de l’autel. Les fonctions de sacrifies.leur étoient anciennement unies à celles

des rois.

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ses La euse-r 11L en(Page 358. Font retentir de leurs cris et de

leurs vœux la voûte céleste.)

O’Aôxuëm , terme propre pour les prie-

res qu’on faisoità Minerve, parcequ’elle

étoit guerriere; pour les autres dieux , on

disoit rauvifm.

(P. 259. Cependant Télémaque estconduit

au bain par la belle Polycaste.)

On a montré que la coutume des bainsdomestiques, introduits par les Romainsdans les Gaules, étoit. encore, au temps desfabliers, aussi générale qu’avant l’usage du

linge. Quand on donnoit un festinchez soi,il étoit de la galanterie d’offrir le bain.

Selon Athénée, Homere, qui représen-

te, d’après un usage ancien, les famines

et les jeunes filles baignant les étrangers ,fait par n l’éloge de la pureté de leurs

mœurs. Quand le cœur est chaste, a ditun écrivain , les yeur ne sont pas libres.L’usage que peint Homere contraste sin-

sulièrement avec la retraite ou vivoientles femmes , la crainte qu’elles avoient de

paroirs-e devant les hommes, et le soind’être muions: couvertes d’un voile. On

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98e neume. ses LI cant-r m.venu les précautions que prend Nansica:pour ne pas se montrer en public avec unhomme. Tout ceci, s’il n’est pas une preuve

de la bizarrerie des usages , est bien proprea faire connaître les attentions qu’on avoit

pour ses hôtes..7 D’autres traits de l’histoire ancienne arc

testent l’usage dont nous parlons. Les Perm

mes rendoient d’ordinaire aux étrangers le

service de leur laver principalement lespieds , de les oindre d’huile ; elles baisoient

les pieds de ceux qu’ellesrvotiloient hono-rer , témoin cette femme de l’évangile qui

lava, oignit et baisa les pieds du Sauveur.Philooléon, dans les Guêpes d’Aristopha-

ne, ditque sa fille lui a rendu ces services.Au ternps de la chevalerie , les guerriersétoient désarmés par les demoiselles des

châteaux.

(Ibidem. De jeunes hommes..." ) I

-. C’étoienr des hérauts. ’

p (Page 261. Arrivent à Pheres.)

4 A moitié chemin de P7103 à Leddémone.

un DU TOME PRBIIER.