À la veille de copenhague : obama et l’environnement

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  • 8/6/2019 la veille de Copenhague : Obama et lenvironnement

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    la veille de Copenhague :Obama et l environnement

    Yves-Marie PronNovembre 2009

    Potomac Paper 1Potomac Paper 1

    Programme tats-Unis

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    L'Institut franais des relations internationales (Ifri) est, en France, le

    principal centre indpendant de recherche, d'information et de dbat surles grandes questions internationales. Cr en 1979 par Thierry deMontbrial, l'Ifri est une association reconnue d'utilit publique (loi de1901). Il n'est soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement sesactivits et publie rgulirement ses travaux.L'Ifri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans unedmarche interdisciplinaire, dcideurs politiques et conomiques,chercheurs et experts l'chelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l'Ifri s'impose comme undes rares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbateuropen.

    Les opinions exprimes dans ce texten'engagent que la responsabilit de l'auteur.

    Le programme tats-Unis de l'Ifri lance en 2009 une collectionde notes en ligne, les Potomac Papers", qui prsentent

    des analyses de la politique amricaine au niveau national.

    Le programme tats-Unis reoit le soutien de :

    ISBN : 978-2-86592-628-2 Tous droits rservs, Ifri, 2009

    Photographie de couverture : http://www.planete-eolienne.fr

    SIITE INTERNET : Ifri.org

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    Ce qu'il faut retenir /Executive Summary

    Un an aprs llection de Barack Obama, il est trop tt pour tablir unbilan dfinitif de son action dans le domaine de lenvironnement.Pourtant sa prsidence se dmarque dj rsolument de celle de sonprdcesseur, en particulier au sujet du changement climatique. Cedossier, qui ne rsume pas lui seul toute la politique

    environnementale, est particulirement complexe : dune part, leschances internationales, avec la prochaine confrence deCopenhague, ne concident pas avec le calendrier du Congrs ;dautre part, lopinion amricaine savre la fois ambivalente etinconstante sur ce sujet.

    Au cours de la campagne lectorale, Barack Obama a pourtantpris le risque de faire du climat et de lnergie des thmes majeurs deson programme. Une fois lu, son discours a t mis en pratique. Il aconstitu une quipe la fois exprimente et activiste. Le parcours deses membres les plus importants tmoigne de la volont de renoueravec lre Clinton, mais aussi de tirer les leons de certains de seschecs. Aprs les annes de passivit de la prsidence Bush,lEnvironmental Protection Agency a propos des normes dmissionde gaz effet de serre pour les vhicules et les centrales thermiques.Lexcutif fdral revient ainsi sur un terrain o les tats, lesmunicipalits, les entreprises et les associations de protection delenvironnement taient jusqualors les plus actifs. La machinelgislative sest galement mise en marche : en juin 2009, la Chambredes reprsentants sest prononce une courte majorit en faveur duprojet de loi Waxman-Markey ; au Snat, le projet Kerry-Boxer donnelieu de vifs dbats entre rpublicains et dmocrates et suscitelopposition de certains milieux industriels et agricoles. Sil est trs peuprobable quun texte puisse tre approuv avant le dbut de la

    confrence de Copenhague, le contenu des deux projets montre queles tats-Unis ont entrepris de mettre en uvre un programme derduction des missions de gaz effet de serre lchelle fdrale. Ilrepose sur un systme de plafonnement et dchange (cap and trade)et entranerait un ambitieux effort de recherche et dveloppement dansle domaine des nergies propres et de lefficience nergtique.

    Au-del des intentions et des initiatives dj annonces, leprsident Obama sera jug sur sa capacit faire voter par le Congrsune grande loi sur le climat et lnergie, et le convaincre de consentiraux engagements internationaux qui seront ngocis Copenhagueen dcembre 2009, ou dans le cadre de discussions ultrieures.

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    Sommaire

    INTRODUCTION ..................................................................................... 3

    UNE OPINION AMBIVALENTE ET VOLATILE .............................................. 4

    Une polarisation croissante........................................................ 4

    Une volatilit croissante.............................................................. 6

    LEXECUTIF REPREND LINITIATIVE ...................................................... 10

    Une nouvelle quipe .................................................................. 10

    Une priorit pour lexcutif ....................................................... 12

    LA MACHINE LEGISLATIVE EN MOUVEMENT .......................................... 16

    Premire tape : la Chambre des reprsentants..................... 16

    Deuxime tape : le Snat......................................................... 21

    DES AGENDAS DIFFERENTS ................................................................ 25

    Les entreprises et les organisationsde protection de lenvironnement ............................................ 25

    Copenhague et Capitol Hill ....................................................... 27

    CONCLUSION...................................................................................... 29

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    Introduction

    Lors de lattribution du prix Nobel de la paix Barack Obama, lesmembres du comit dOslo ont voulu souligner dans leurcommuniqu que les tats-Unis assumaient dsormais un rle plusconstructif pour faire face aux grands dfis climatiques auxquels lemonde est confront1 .

    Alors que le nouveau prsident amricain est encore au dbutde son mandat, cette distinction est la mesure des espoirsconsidrables suscits par son lection. Pourtant les ractionsexprimes dans la presse tmoignent aussi de la dception decertains observateurs, europens notamment, qui regrettent que desinitiatives plus audacieuses naient pas t prises et jugent parfoissvrement ce quils qualifient d inaction : lexcutif seretrancherait derrire un Congrs occup dautres priorits et uneopinion peu sensible lurgence climatique. Or, en matiredenvironnement, la complexit du jeu institutionnel et la multiplicitdes acteurs, tant lchelle fdrale qu celle des tats, dfient lesanalyses simplistes. Il convient donc dexaminer avec soin laction dugouvernement fdral et ltat de lopinion publique.

    Yves-Marie Pron, Chartered Financial Analyst, est matre de confrences encivilisation amricaine lUniversit de Rouen. Diplm de lcole suprieure decommerce de Paris (1989), il a travaill New York pour une banque franaise de1995 2004. Agrg dhistoire depuis 2005, il a soutenu une thse de doctorat surlimage de la France dans la presse amricaine des annes 1930-1940 (UniversitParis I, 2008). Il a rdig Lenvironnement aux tats-Unis : entre jurisprudence etpolitique (Note de lIfri, aot 2007).1 The Nobel Peace Prize 2009 , communiqu de presse, Oslo, 9 octobre 2009,Nobelprize.org.

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    Une opinion ambivalente et volatile

    Lenvironnement est devenu, aux tats-Unis comme en Europe, unenjeu du dbat public. Selon une tude comparative publie parGallup en juillet 2009, 97 % des Amricains affirment savoirquelque chose / savoir beaucoup au sujet du rchauffement de laplante ou du changement climatique , alors que seulement 3 %dclarent ne jamais en avoir entendu parl / ne savent pas /refusent de rpondre2 . Ces niveaux les situent en tte des citoyens

    des pays industrialiss (98 % au Japon, 97 % au Royaume-Uni, 93 %en France) et loin devant les pays tels que la Russie (83 %), le Brsil(79 %), la Chine (57 %) ou lInde (37 %). Certes le risque climatiquenest pas peru avec la mme intensit aux tats-Unis : lesAmricains de la premire catgorie sont ainsi 64 % considrer lerchauffement climatique comme une menace trs srieuse / assezsrieuse pour eux-mmes et leur famille, alors que cest le cas de75 % des Japonais, 71 % des Britanniques, 81 % des Franais. Mais,si lopinion publique amricaine nest pas ignorante de la nature etdes enjeux du changement climatique, elle nest ni unanime, ni figedans des certitudes immuables.

    Une polarisation croissante

    La sensibilit des Amricains lenvironnement sexprime notammentpar la trs grande diversit des organisations de protection delenvironnement, parfois trs anciennes, ou par la popularit desparcs nationaux, ds leur cration la fin du XIXe sicle. La protectionde lenvironnement a longtemps bnfici du soutien des deuxgrands partis politiques : les rpublicains rappellent le rle pionnier deTheodore Roosevelt et les dmocrates soulignent que FranklinDelano Roosevelt a poursuivi son uvre de conservation desressources naturelles dans le contexte du New Deal. Cependant unclivage entre les lecteurs des deux partis est apparu au cours desdernires dcennies.

    partir des annes 1980, les rpublicains sont devenus demoins en moins favorables lintervention publique dans le domaine

    2 J. Ray, In Major Economies, Many See Threat From Climate Change , Gallup, 8 juillet 2009, tude ralise des dates diffrentes selon les pays (aot 2007 auxtats-Unis).

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    de la protection de lenvironnement : les agences fdrales oulocales, les mesures rglementaires adoptes la suite des grandeslois de protection de lenvironnement votes au cours des annes1970 notamment pendant la prsidence du rpublicain RichardNixon ont t critiques comme autant de manifestations dun biggovernment quil fallait combattre. La question du rchauffementclimatique a accentu ce clivage : de nombreux lgislateurs etcommentateurs conservateurs en ont longtemps contest la ralitscientifique3, alors que des leaders dmocrates de premier plan,comme lancien vice-prsident Al Gore, se sont engags dans uneaction dtermine de sensibilisation de lopinion publique.

    Sil est possible dobserver, au cours de la dernire dcennie,une prise de conscience progressive du problme du changementclimatique, cette moyenne masque des volutions divergentesentre rpublicains et dmocrates. Ainsi titre dexemple, 61 % desAmricains interrogs par Gallup estimaient en 2008 que les effets du

    rchauffement climatique ont dj commenc se produire ,contre 48 % en 19974. Mais le chiffre de 2008 masque des contrastestrs appuys : 76 % des dmocrates et seulement 41 % desrpublicains. En 1997 en revanche, le consensus tait presqueparfait : 46 % des dmocrates et 47 % des rpublicains.

    Llectorat rpublicain nest pourtant pas monolithique, cedont tmoigne notamment lvolution du discours des glises, auquelil est traditionnellement trs sensible. En 2006, les leaders deplusieurs glises vangliques, qui rassemblent une part importantede la base du parti, ont dcid de crer une Global WarmingInitiative, appelant une action fdrale pour rduire les missions

    de dioxyde de carbone (CO2). Toutefois cette initiative nest pasunanime, et les leaders vangliques les plus conservateurs ontcritiqu la participation de leurs confrres ce quils qualifientd hystrie du changement climatique .

    La dsignation de John McCain lors des primaires de 2008pouvait laisser anticiper une volution du discours des rpublicains.Le snateur de lArizona, en effet, a particip des initiativesbipartisanes aux cts dautres lgislateurs de premier plan : en2003, il a t le co-auteur, avec son collgue Joe Lieberman alorsencore membre du Parti dmocrate, dun projet de ClimateStewardship Act. Sur ce sujet comme sur celui de la politique

    trangre, il na pas dissimul ses divergences avec lAdministrationde George W. Bush. La dsignation de sa colistire Sarah Palin, sielle a sduit la base conservatrice du parti, a cependant brouill sonimage de dfenseur de lenvironnement : la candidate, gouverneur de

    3 Jusquaux lections de novembre 2006, le snateur rpublicain Jim Inhofe, delOklahoma, dirigeait le Committee on Environment and Public Works. Il incarnait uneopposition dtermine lintervention fdrale en matire denvironnement, qualifiantnotamment le rchauffement climatique d imposture scientifique.4 R. E. Dunlap, Climate-Change Views: Republican-Democratic Gaps Expand ,Gallup, 29 mai 2008.

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    lAlaska pendant la campagne, favorable lexploitation desressources en hydrocarbures de son tat, tait accueillie dans lesmeetings lectoraux aux cris de Drill, baby, drill !5 (Fore, bb,fore !). En matire denvironnement, comme dans dautres domaines,les rpublicains modrs semblent avoir de plus en plus de difficults faire prvaloir leur point de vue au sein du parti.

    Du ct des dmocrates, les candidats de la campagne desprimaires ont plac le problme du rchauffement climatique aupremier rang de leurs programmes. Si leur lectorat est beaucoupmoins sceptique que celui des rpublicains au sujet de sa ralitscientifique, ce choix ntait pas sans risque, car il est aussi conscientdu cot et des sacrifices qui seront ncessaires pour le rsoudre.Une fois dsign par le Parti dmocrate, Barack Obama na pastent, comme ses prdcesseurs malheureux Al Gore et John Kerryen 2000 et 2004, de minimiser son engagement en faveur delenvironnement6. Il a notamment parl, plusieurs reprises, de

    plante en danger . Sil serait abusif dtablir un lien direct decause effet entre le changement climatique et la tempte qui aravag La Nouvelle-Orlans en 2005, Katrina nen a pas moins tperue comme une catastrophe environnementale et comme unchec majeur de lAdministration Bush, juge responsable, sinon delavoir provoque, du moins davoir t incapable dy rpondre avecefficacit. Si le thme de lenvironnement a permis Barack Obamade renforcer son image de rupture avec les annes Bush et de sediffrencier encore davantage de son adversaire rpublicain, sonlection ne sest pas joue sur la seule question du changementclimatique : dans les dbats lectoraux, la crise conomique, larforme du systme de sant et la politique trangre lIrak,lAfghanistan ont tenu un rle plus important.

    Une volatilit croissante

    Au tout dbut de sa prsidence, Barack Obama suscitait beaucoupplus desprances que George W. Bush en 2001. Selon linstitut desondage Gallup, 79 % des Amricains estimaient en mars 2009 quilferait du bon travail pour protger lenvironnement, contre 51 %pour son prdcesseur en mars 20017. Si les dmocrates taient plus

    5 Sarah Palin a dmissionn de ses fonctions de gouverneur de ltat en juillet 2009.6 Lengagement environnemental dAl Gore est ancien et prcde son accession lavice-prsidence des tats-Unis. Sil a depuis men une action dtermine auprs delopinion amricaine et internationale, avec notamment son film An InconvenientTruth, sa campagne de 2000 tait reste dlibrment discrte sur ce thme.7 Selon Gallup, lenvironnement constitue bien un critre de diffrenciation dans laperception des deux prsidents : aux mmes dates en effet, leurs cotes de popularittaient peu prs identiques (63 % pour George W. Bush en mars 2001 et 65 % pourBarack Obama en mars 2009). F. Newport, High Expectations for Obama on theEnvironment , Gallup, 22 avril 2009.

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    optimistes, 95 %, les indpendants et les rpublicains avaient euxaussi une perception positive de sa capacit agir dans le domainede lenvironnement : respectivement 75 % et 65 %.

    Si le nouveau prsident, au lendemain de son lection, tait

    crdit a priori dune plus grande efficacit face au problme delenvironnement, cela ne signifie pas pour autant que les Amricainsconsidrent ce danger comme le plus grave auquel ils ont faireface. Alors que la crise se poursuit et que le chmage augmente,cest la situation conomique qui est devenue leur premireproccupation. En mars 2009, Gallup relve, pour la premire fois en25 ans, que le souci de la croissance a pris le pas sur celui delenvironnement : 51 % des Amricains considrent quil faut luidonner la priorit, contre 42 % en faveur de lenvironnement8. Bienvidemment, les rsultats ne sont pas identiques selon que loninterroge les dmocrates (44 % pour la croissance contre 50 % pourlenvironnement), les rpublicains (64 % contre 31 %) ou les

    indpendants (50 % contre 42 %). Gallup observe aussi que lesAmricains se partagent peu prs galement entre ceux quisouhaitent donner la priorit la protection de lenvironnement (47 %)et ceux qui souhaitent au contraire mettre en avant lexploitation desressources nergtiques des tats-Unis (46 %). Dans le mmetemps, et sans remettre en cause la ralit du rchauffementclimatique, la proportion dAmricains estimant que la gravit de cettequestion est exagre par les mdias saccrot (41 %, contre 57 %qui pensent quelle est soit correctement estime, soit sous-estime9).

    Ces ambiguts sont encore plus flagrantes lorsque les

    Amricains sont confronts la mise en uvre effective de lapolitique environnementale en faveur de laquelle ils se sontprononcs lors de llection prsidentielle de novembre 2008. Peu detemps aprs le vote, par la Chambre des reprsentants, du projet deloi Waxman-Markey sur le climat et lnergie, les tudes dopinion onten effet produit des rsultats trs diffrents. Selon RasmussenReports, seulement 35 % des personnes interroges se dclareraienten faveur de la loi, tandis que 40 % y seraient dfavorables10 ; 35 %estimeraient que la loi aurait un impact ngatif sur lconomie, tandisque seulement 15 % penseraient que son impact serait positif. Aucontraire, selon un sondage de linstitut Zogby Internationalcommandit par la National Wildlife Federation11, 71 % des

    Amricains seraient partisans de la loi et 51 % estimeraient que lalutte contre le rchauffement climatique et en faveur dune nergie

    8 F. Newport, Americans: Economy Takes Precedence Over Environment , Gallup, 19mars 2009.9 Gallup, Increased Number Think Global Warming is Exaggerated , 11 mars 2009.10 Rasmussen Reports, Climate Change Bill Gets Mixed Reviews , 31 aot 2009.11 La National Wildlife Federation est une organisation non gouvernementale deprotection de lenvironnement. Cre en 1937, relativement modre, elle placedsormais la changement climatique au premier rang de ses priorits.

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    propre contribuerait crer des emplois aux tats-Unis12. Enfin, unetude rcente du Pew Research Center for the People and the Pressconfirme le clivage entre rpublicains, dmocrates et indpendants,ainsi quun scepticisme accru de lopinion lgard de la ralitscientifique et de la gravit du rchauffement climatique : si 71 % desAmricains estimaient, en avril 2008, quexistaient des preuvessolides (solid evidence) de llvation de la temprature terrestre, ilsne sont plus que 57 % en octobre 2009. Sur la mme priode, laproportion dAmricains jugeant le problme du rchauffementclimatique trs srieux ou assez srieux est passe de 73 % 65 %. Cette tude rvle aussi lexistence dune majorit favorable la limitation des missions de carbone ainsi qu la participation destats-Unis un accord mondial, et lignorance dun grand nombredAmricains au sujet du mcanisme de plafonnement et dchange(cap and trade system) qui constitue le fondement du projet de loiWaxman-Markey13.

    Il est vraisemblable en effet que beaucoup dAmricainsignorent les dtails dun texte long et complexe. Lopinion est doncencore trs mouvante, et les associations et groupes de pressiondivers tentent de linfluencer dans le sens qui leur est le plusfavorable : les journaux, les shows tlviss et radiophoniques, etbien entendu Internet, sont larne dun dbat intense qui remet enquestion, en permanence, les certitudes scientifiques, les affirmationsdes experts et lobjectivit des mdias eux-mmes. On a ainsi vuapparatre rcemment une organisation qui nest pas sans rappelercelles qui ont pris part, souvent avec vhmence, au dbat sur larforme du systme de sant amricain : Energy Citizens fdre desentreprises et des associations professionnelles des secteursindustriels et agricoles. Cette organisation soppose rsolument auprojet de loi Waxman-Markey, quelle accuse de contribuer uneaugmentation significative du prix des carburants, notamment descarburants agricoles, de conduire des suppressions demplois auprofit de pays trangers, et de nuire la croissance conomique et lindpendance nergtique du pays. Du ct des organisations deprotection de lenvironnement, nombreuses sont celles qui ontapport leur soutien au projet de loi : Environmental Defense Fund,International Association of Fish and Wildlife Agencies, NationalAudubon Society, National Parks Conservation Association, NationalWildlife Federation, The Pew Charitable Trusts, etc. Dautres en

    revanche Friends of the Earth, Public Citizen, Greenpeace, etc. ont exprim leurs rserves, voire leur opposition : elles jugent soncontenu insuffisant et dplorent la lenteur des snateurs. Certains

    12 Zogby Poll, Majority Favors Clean Energy Bill and Wants Senate to TakeAction , 11 aot 2009.13 Pew Resarch Center for the People and the Press, Fewer Americans See SolidEvidence of Global Warming. Modest Support for Cap and Trade Policy ,22 octobre 2009.

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    nhsitent pas taxer Barack Obama dinaction, aprs lavoir soutenuavec enthousiasme pendant la campagne prsidentielle14.

    Lopinion publique amricaine, proccupe par la monte duchmage, est donc partage entre sa volont dagir avec

    pragmatisme contre une menace que beaucoup considrent commebien relle, et un scepticisme instinctif envers les donneurs deleon , quil sagisse des Europens, des scientifiques, des journalistes, ou dhommes politiques anims des meilleuresintentions, mais peut-tre trop confiants dans la magie du verbe.Dans ce domaine comme dans dautres, le prsident sera jug surses actes, en premier lieu sa capacit obtenir du Congrs le votede la loi quil appelle de ses vux.

    14 L. Kaufman, Disillusioned Environmentalists Turn on Obama as Compromiser ,New York Times, 11 juilllet 2009. Voir aussi la ptition de Greenpeace, Be aLeader on Global Warming! .

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    Lexcutif reprend linitiative

    Le programme de campagne du candidat Barack Obama traiteconjointement de la politique environnementale et de la politiquenergtique15. Il bauche un nouveau futur nergtique fond surles nergies alternatives et renouvelables, et dans lequel il serait misfin la dpendance des tats-Unis envers le ptrole tranger, la criseclimatique mondiale serait surmonte et des millions de nouveauxemplois seraient crs. Un an aprs llection prsidentielle, est-il

    possible de prciser le contenu de ce programme certes trsambitieux, mais encore bien vague au moment de sa formulation ?Une premire faon de rpondre cette question est de sintresserau profil de ceux quil a choisis pour le mettre en uvre.

    Une nouvelle quipe

    Les collaborateurs du prsident amricain sont nombreux et il nesagit pas den tablir la liste exhaustive plusieurs dpartementsfdraux prennent dailleurs une part active la protection de

    lenvironnement, ce qui rend lexercice dautant plus difficile. Nousnous limiterons ici aux titulaires de certains des postes les plusdirectement impliqus dans la dfinition et lexcution de la politiqueenvironnementale des tats-Unis16.

    En dcembre 2008, le prsident a dsign Lisa Jackson pouroccuper la charge dadministrateur de lAgence fdrale de protectionde lenvironnement (Environmental Protection Agency, EPA). Ellesuccde au rpublicain Stephen Johnson, nomm par le prsidentGeorge W. Bush en janvier 200517. Directrice de cabinet de lanciengouverneur dmocrate du New Jersey Jon Corzine, elle a surtoutdirig, de fvrier 2006 novembre 2008, le dpartment de la

    Protection de lenvironnement (Department of EnvironmentalProtection, DEP), quivalent institutionnel de lEPA lchelle de

    15 .16 Pour une prsentation plus complte des attributions des diffrents acteurs de lapolitique environnementale amricaine, voir notamment Y.-M. Pron, Lenvironnement aux tats-Unis, entre jurisprudence et politique , Note de lIfri,aot 2007, Ifri.org.17 Nomm par le prsident des tats-Unis, ladministrateur fait partie delAdministration prsidentielle bien quil nait pas le titre de secrtaire rserv auxresponsables des grands dpartements.

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    ltat du New Jersey. De la mme gnration que le prsident, elleest aussi la premire Afro-Amricaine la tte de lEPA, o elle atravaill pendant 16 ans avant de rejoindre le DEP en 2002. Elle a larputation de trs bien connatre lagence quelle dirige dsormais etdtre en faveur dun interventionnisme fdral en matire dergulation des activits industrielles.

    Lquipe environnementale du prsident ne se limite pas Lisa Jackson. Prix Nobel de physique en 1997, Stephen Chu a tnomm secrtaire du dpartement de lnergie. Il apporte au cabinetprsidentiel sa crdibilit scientifique ainsi quun engagement affirmen faveur des nergies alternatives et renouvelables. Il est aussi lesecond Amricain dorigine chinoise diriger un dpartement fdral.

    la Maison-Blanche, Nancy Sutley prside le Council ofEnvironmental Quality (CEQ), qui fait partie du bureau excutif duprsident (Executive Office of the President). Elle est ce titre lun

    des principaux conseillers de Barack Obama dans le domaine delenvironnement. Avant sa nomination, elle tait deputy mayorde LosAngeles, en charge de lnergie et de lenvironnement de lamtropole californienne. Elle aussi a travaill au sein de lEPApendant lAdministration Clinton.

    En termes dorganisation, le prsident Obama a innov enajoutant au CEQ un bureau spcialis, lOffice of Energy and ClimateChange Policy. Il est dirig par Carol Browner, qui fut administratricede lEPA pendant les deux mandats de Bill Clinton. Elle aaccompagn lancien vice-prsident Al Gore au dbut de sa carrireet est reste proche du clan Clinton . Comme Lisa Jackson, elleest considre comme une avocate dune intervention fdraledtermine. Bien quelle nexerce pas de responsabilitoprationnelle la tte dune agence ou dun dpartement, lesmdias, qui la qualifient denergy czar, lui attribuent une grandeinfluence auprs du prsident. Dans le cadre des dbats lgislatifs encours, elle joue notamment un rle de liaison entre lexcutif et leCongrs. Sous lautorit de Carol Browner, Heather Zichal est deputyassistant. Elle a conseill le candidat Obama en matiredenvironnement au cours de la campagne prsidentielle, aprs avoirexerc des fonctions analogues auprs du candidat John Kerry en2004.

    Au plan diplomatique, la secrtaire dtat Hillary Clinton a

    nomm Todd Stern envoy spcial pour le changement climatique. Ilreprsente les tats-Unis dans les discussions internationales.Juriste de formation, Todd Stern a compt parmi les envoys duprsident Clinton lors des ngociations de Kyoto.

    Bien quelle ne fasse pas partie de lexcutif, la Cour suprme,enfin, joue un rle dterminant dans linterprtation des lois relatives lenvironnement. En mai 2009, le prsident a d dsigner lesuccesseur du juge David Souter, qui venait dannoncer son dpart.Ce dernier, bien que nomm par le prsident George H. W. Bush en1990, stait affirm comme lun des membres progressistes de la

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    Cour, notamment dans le domaine de lenvironnement : il avait ainsivot avec la majorit lors de larrt Massachusetts v. EPA en 200718.La dsignation par Barack Obama et la confirmation par le Snat dela juge Sonia Sotomayor ne devraient pas se traduire par unbouleversement des quilibres de la Cour suprme. Elle a taccueillie favorablement par les organisations de protection delenvironnement, qui se rfrent aux dcisions de justice quelle aprises dans le cadre de ses prcdentes fonctions.

    en juger par les titulaires des fonctions les plusemblmatiques, lquipe environnementale rassemble par BarackObama est donc la fois jeune, fminine, diverse mais surtoutexprimente. Le prsident na pas seulement souhait manifester,par ses choix, sa volont de rupture avec lAdministration prcdente.Il a aussi voulu sentourer de collaborateurs qui naient pas oubli les leons de la prsidence de Bill Clinton, et notamment lesrsistances rencontres au Congrs au lendemain de la confrence

    de Kyoto.

    Une priorit pour lexcutif

    Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, leprsident Bush a souvent t accus dimmobilisme. Il a notammentrefus avec dtermination tout engagement quantitatif contraignantles tats-Unis rduire leur production de gaz effet de serre. Lesdernires annes de sa prsidence ont pourtant t marques par

    des volutions significatives, aux plans politique et surtout juridique,dont il est vrai quil na pas eu linitiative.

    Les lections du 7 novembre 2006 se sont traduites par unchangement de majorit au Congrs, aussi bien au Snat qu laChambre des reprsentants. La victoire des dmocrates a conduit aurenouvellement de la composition et de la prsidence descommissions parlementaires permanentes charges des questionsrelatives lenvironnement. Le 110e Congrs na cependant pas votde texte dcisif en la matire : la loi sur lindpendance et la scuritnergtiques (Energy Independence and Security Act), signe par leprsident Bush en dcembre 2007, se proposait daugmenter laproduction de carburants renouvelables et propres, dencourager larecherche sur le captage et le stockage des gaz effet de serre, ou

    18 En avril 2007, larrt Massachusetts v. EPA a affirm la comptence de lEPA enmatire de rgulation des missions de gaz effet de serre, dans le cadre du CleanAir Actde 1970. Un an auparavant, en juin 2006, la Cour suprme stait prononcesur une autre affaire importante de droit environnemental, Rapanos v. United States,relevant cette fois du Clean Water Actde 1972. Dans les deux cas, le juge Souteravait vot dans le sens dune intervention du pouvoir fdral en matire de protectionde lenvironnement. Pour une analyse plus dtaille de ces deux arrts, voir Y.-M.Pron, op. cit. [16].

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    encore damliorer lefficience nergtique des vhicules et desimmeubles, mais elle ne comportait pas dobjectifs quantitatifs derduction des missions de gaz effet de serre pour combattre leseffets du changement climatique.

    Dans lattente dune lgislation nouvelle, le cadre juridiquerestait celui du Clean Air Act de 1970. Son interprtation parlAdministration Bush tait extrmement restrictive : lEPA affirmaitque la loi ne lui donnait pas lautorit ncessaire la dfinition denormes contraignantes visant rduire les missions de gaz effetde serre, et que de telles normes seraient inopportunes tant quunlien de cause effet navait pas t scientifiquement tabli entre cesmissions et llvation de la temprature terrestre. Cetteinterprtation a t conteste devant les cours de justice par desassociations de protection de lenvironnement, des tats et descollectivits locales. Le 2 avril 2007, la Cour suprme sest prononceen faveur des partisans dune intervention fdrale pour combattre

    les effets du changement climatique. Larrt Massachusetts v. EPA at interprt comme une nette victoire des dfenseurs delenvironnement : la Cour suprme confortait les tats qui, comme laCalifornie ou ltat de New York, avaient entrepris de lutter contre lechangement climatique sans attendre que le pouvoir fdral sedcide agir. Elle rappelait aussi lexcutif et le Congrs leursresponsabilits pour dfinir un cadre lgislatif plus adapt que lestextes vots au cours des annes 197019.

    La victoire de Barack Obama et la nette majorit dmocrateau 111e Congrs ont permis dinitier la prparation dune grande loisur lenvironnement et lnergie. Mais llection dun prsident qui a

    fait du changement climatique un point important de son programmea aussi donn une impulsion nouvelle lEPA, dans le cadre de sespouvoirs existants. Dans les jours qui ont suivi sa prestation deserment, Barack Obama a ainsi sign deux memorandumsprsidentiels relatifs lindpendance nergtique du pays. Dans uncontexte de crise conomique, au lendemain de lannonce delicenciements par plusieurs grandes entreprises, il proclamait savolont de lutter contre le changement climatique, soulignant ainsi larupture avec lAdministration Bush. Les remarques prononces par leprsident cette occasion soulignaient la ncessit dun effort longterme, rgulier, cibl et pragmatique pour atteindre lobjectif duneAmrique indpendante dans le domaine de lnergie, et dont le

    dynamisme serait nourri par une une nouvelle conomie de

    19 Larrt Massachusetts v. EPA de 2007 ne signifie pas, bien au contraire, que laCour suprme, sous la prsidence du Chief JusticeRoberts, soit toujours favorableaux arguments des organisations de dfense de lenvironnement. Plusieurs arrtsrcents, moins importants ou moins mdiatiss, ont suscit de vives critiques de lapart des organisations de protection de lenvironnement : ainsi, titre dexemple,Summers v. Earth Island Institute (3 mars 2009), qui restreint leur capacit contester, devant les tribunaux, les modalits dapplication, par le Forest Service, decertaines rglementations fdrales.

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    lnergie employant des millions dAmricains20. Le prsidentannonait aussi son intention de cooprer avec les tats pour rduireles missions de gaz effet de serre, citant notamment lexemple dela Californie. Outre ces instructions relatives des domaines decomptence trs prcis de certaines agences fdrales, notammentle dpartement des Transports (Department of Transportation, DOT),il rappelait que le plan de soutien lconomie, alors encore endiscussion, comportait des investissements significatifs dans ledomaine de lindpendance nergtique et de lnergie propre(rnovation et mise aux normes des btiments administratifsfdraux, modernisation des infrastructures lectriques, etc.)21. Lesremarques prsidentielles se concluaient par une affirmation de lavolont des tats-Unis dassurer un leadership mondial dans cedomaine, invitant les autres grands pays, notamment la Chine etlInde, prendre leur part des efforts ncessaires.

    En mai 2009, Barack Obama a annonc le lancement dune

    politique nationale visant conomiser lnergie et rduire lapollution occasionne par les missions de gaz effet de serre parles vhicules vendus aux tats-Unis22. En septembre, sonAdministration a annonc la mise en place de nouvelles normesdmission nationales, qui entreraient en vigueur en 2012 etcontribueraient clarifier lenvironnement rglementaire souventconfus et contradictoire auquel est confronte lindustrie automobile.Comme il est dusage lorsque de nouvelles normes sont proposes,elles sont soumises une priode de commentaires publics de deuxmois. Dans un discours prononc devant des ouvriers de GeneralMotors dans lOhio le 15 septembre, le prsident a affirm que lesrgles nouvelles donneraient au secteur automobile la clart, lastabilit et la prdictabilit qui lui ont jusqu prsent fait dfaut23.

    Le jour mme de lintroduction du projet de loi Kerry-Boxer auSnat, lEPA a propos un ensemble de rgles qui doivent entrer envigueur ds 2011 et sappliqueraient aux 400 plus puissantescentrales lectriques du pays, qui mettent plus de 25 000 tonnes dedioxyde de carbone annuellement et seraient responsables de prsde 70 % des missions de gaz effet de serre aux tats-Unis. Cescentrales devraient notamment obtenir de lEPA des permis deconstruction et dexploitation. Comme les normes relatives auxvhicules, ce texte doit tre comment par les reprsentants desassociations de protection de lenvironnement et des milieux

    industriels.

    20 Remarks by the President on Jobs, Energy Independence and ClimateChange , The White House, 26 janvier 2009.21 Au terme des dbats du Congrs, lAmerican Recovery and Reinvestment Actat sign par le prsident le 17 fvrier 2009.22 President Obama Announces National Fuel Efficiency Policy, The WhiteHouse, Office of the Press Secretary, 19 mai 2009.23 Remarks by the President to General Motors Plant Employees , GM LordstownAssembly Plant, Warren, Ohio, 15 septembre 2009.

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    Les initiatives de lEPA ont suscit lopposition desrpublicains et des milieux industriels directement concerns. Cesderniers, cependant, ne sont pas unanimes : si la United StatesChamber of Commerce a dj annonc son intention de contesterdevant les tribunaux la lgitimit de la nouvelle rglementationrelative aux normes dmission des vhicules, lAlliance ofAutomobile Manufacturers, qui regroupe les principaux constructeursamricains, la soutient. Dans le contexte de la prparation de laconfrence de Copenhague, ces initiatives permettent de montrer lopinion publique et aux partenaires internationaux des tats-Unisque lAdministration Obama nentend pas rester inactive danslattente dun vote du Congrs. Elles ont aussi pour effet dindiqueraux industriels et aux lgislateurs rticents quune approcherglementaire plus contraignante que le projet de loi en cours dediscussion nest pas exclue.

    Il convient enfin dobserver que la politique environnementale

    ne se limite pas la seule question du changement climatique. Desinitiatives ont t prises par lEPA dans dautres domaines : desautorisations fdrales plus restrictives pour les foragesdhydrocarbures sur la plateforme continentale des tats-Unis ou surdes terres fdrales relevant du National Park Service, ou encore uneapplication plus rigoureuse des dispositions du Clean Water Actrelatives la pollution de leau. Ce sont autant dindices dune volontdaction qui contraste avec la passivit de lagence pendant laprsidence de George W. Bush.

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    La machine lgislativeen mouvement

    Une fois vot le plan de soutien aux banques et lactivitconomique, le 111e Congrs nouvellement lu a pu se consacreraux grands chantiers lgislatifs annoncs par le prsident : la rformedu systme de sant, celle de la rglementation financire et, bienentendu, lenvironnement et lnergie. Sil est possible de percevoir

    un ordre de priorit, la rforme de la sant apparaissant commelobjectif premier de lexcutif en cette fin danne 2009, les deuxautres ne sont pas ngligs : le travail lgislatif se poursuit et desprogrs significatifs ont t raliss. En matire denvironnement etdnergie, un texte de loi a ainsi t vot par la Chambre en juin et unautre introduit au Snat en septembre. La logique commune cesdeux textes est celle dun systme de plafonnement et dchange(cap and trade) dfinissant des plafonds dgressifs sur les missionsde gaz effet de serre et permettant aux metteurs dchanger entreeux des permis dmission, afin de leur donner une plus grandeflexibilit pour atteindre leurs objectifs24.

    Premire tape :la Chambre des reprsentants

    Le 26 juin 2009, la Chambre des reprsentants a vot en faveur duprojet de loi H.R. 2454 par une majorit trs troite de 219 voix contre212. Le projet, dont le nom officiel est American Clean Energy andSecurity Act (ACES), est communment appel la loi Waxman-Markey, du nom de ses deux promoteurs au sein de la Chambre, lesreprsentants dmocrates Henry A. Waxman et Edward J. Markey.

    Lun et lautre sont des lgislateurs expriments, qui ont acquis unerputation dexpertise dans les domaines de lnergie et delenvironnement. Henry Waxman est depuis 1974 le reprsentant du30e district lectoral de Californie et prside, depuis janvier 2009, le

    24 Dans son principe, le mcanisme de cap and trade diffre de celui de la taxecarbone . Si lobjectif est le mme (rduire les missions de gaz effet de serre), lataxe applique un prix dtermin des volumes dmission variables, tandis que lesystme cap and trade fixe des volumes dmissions dont le prix peut varier. Lesmodalits dapplication des deux approches diffrent aussi significativement.

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    Committee on Energy and Commerce dont il est membre depuis1979. Edward Markey reprsente depuis 1976 le 7e district lectoraldu Massachusetts la Chambre des reprsentants. Il fait lui aussipartie du Committee on Energy and Commerce, dont il prside leSubcommittee on Energy and Environment. Il prside en outre leSelect Committee on Energy Independence and Global Warming. la diffrence du premier, qui est un comit permanent, ce dernier estun comit spcial, institu par un vote de la Chambre en mars 2007,et dont lexistence peut tre remise en question. Sans autoritlgislative, les select committeesont avant tout un rle de conseil.

    Dans sa version finale, cest--dire telle que la Chambre lavote, aprs introduction damendements et dbat, le projet de loiWaxman-Markey est un texte long de 1 429 pages. Son objectif estde crer des emplois dans le domaine des nergies propres, deparvenir lindpendance nergtique, de rduire la pollutionoccasionnant le rchauffement climatique et dassurer la transition

    vers une conomie de lnergie propre . Bien que les dispositions dela loi dfinitive soient susceptibles dtre trs diffrentes la suite desdiscussions en cours au Snat, il est intressant de sarrter aucontenu du texte de la Chambre des reprsentants, car il reflte lafois les enjeux du dbat lgislatif et lesprit des compromis qui ont tncessaires. Ses principales dispositions portent notamment sur lesquatre sujets suivants.

    Le rchauffement climatique partir de 2012 entreront en vigueur des

    limites de tonnage annuel dmissions de dioxyde decarbone et dautres polluants contribuant aurchauffement climatique. Ces limites simposeront aux gros metteurs amricains, notamment lescentrales lectriques et les raffineries. La pollution-carbone provenant de ces metteurs devra tre rduitede 17 % dici 2020 et de 83 % dici 2050 (par rapportaux niveaux de 2005). Pour atteindre ces objectifs, leprojet de loi institue un systme de quotasngociables. Cette approche fonde sur le march doitoffrir aux industriels des incitations conomiques pourrduire les missions de carbone un moindre cot

    pour lconomie. Les metteurs plafonns sont autoriss augmenter leurs missions de carbone sils peuventobtenir des rductions compensatoires de sources nonplafonnes moindre cot. La moiti de ces crditsdmission doit provenir de sources domestiques,sauf cas exceptionnels. Un groupe de scientifiquesindpendants sassurera de lintgrit de cescompensations. Dans le cas o il sagirait decompensations internationales, un accord spcifique

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    devra avoir t conclu entre les tats-Unis et le paysconcern.

    LEPA et le dpartement dtat ngocieront,avec certains pays en dveloppement, des accordsdestins prvenir la dforestation tropicale. Cesaccords seront financs par le produit de la vente dequotas spcifiquement mis de ct cet effet.

    Le secrtaire lAgriculture, et non lEPA, reoitinstruction dtablir un programme rgissant lmissionde crdits dmission pour les metteurs agricoleset forestiers.

    Par une combinaison de rglements etdincitations financires, les nouvelles centrales

    lectriques au charbon sont incites mettre en uvredes technologies de captage et stockage du dioxydede carbone.

    Les quotas dmission Les principaux metteurs amricains devrontobtenir un permis pour chaque tonne de carbone (oudquivalent carbone) mise dans latmosphre. LEPAestime que ces permis coteront 13 dollars la tonne en2015 et augmenteront jusqu 26-27 dollars dici 2030.

    Environ 80 % des permis seraient distribusgratuitement pendant les premires annes duprogramme, considres comme une phase detransition.

    De 2012 2025, 55 % du produit de la mise surle march des permis dmission seraient utiliss pourprotger les consommateurs de laugmentation desprix de lnergie ; 19 % pour aider les secteurs les plusexposs la concurrence (producteurs dacier, deciment, de papier, etc.) assurer leur transition vers

    une conomie dnergie propre ; 13 % pour desinvestissements dans lnergie propre et lefficiencenergtique ; 10 % pour la formation, la prvention dela dforestation, etc. Ces pourcentages doivent tremodifis pour la priode 2026 2050, la transition dessecteurs les plus exposs ntant dsormais plusconsidre comme prioritaire.

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    Lnergie propre Le projet de loi prvoit que les distributeursdlectricit devront assurer un pourcentage croissantde leur production partir de sources renouvelables

    (nergies olienne, solaire, gothermique, etc.) : 6 %en 2012 et 20 % en 2020 (seuils combinant lesnergies renouvelables et lefficience nergtique). Deplus, le gouvernement fdral devra assurer 20 % deson approvisionnement nergtique partir dnergiesrenouvelables dici 2020.

    Dici 2025, 13 % du produit de la vente despermis dmission seront attribus desinvestissements dans les nergies propres etlefficience nergtique. Sur la base destimationsprovenant de lEPA, le Committee on Energy and

    Commerce de la Chambre des reprsentants avanceun montant total de 190 milliards de dollars environ,investis notamment dans les nergies renouvelables etlefficience nergtique (90 milliards), les technologiesde captage et stockage du dioxyde de carbone(60 milliards), les vhicules lectriques (20 milliards)ainsi que la recherche (20 milliards). Cesinvestissements dans lnergie propre doivent bienentendu se poursuivre au-del de 2025.

    Les investissements privs dans le domaine delnergie propre seront encourags. Le projet de loi

    prvoit de crer une nouvelle entit administrative, laClean Energy Deployment Administration, poursoutenir les investissements privs dans le domainedes nergies propres.

    Le projet de loi comporte des provisionsdestines promouvoir le dploiement de smart grids,les rseaux intelligents qui utilisent linformatiquepour optimiser la distribution et la consommationdlectricit.

    Lefficience nergtique Le projet de loi dfinit des objectifs chiffrs enmatire defficience nergtique : les nouvellesconstructions devront tre plus efficientes de 30 % en2012 et de 50 % en 2016. Les tats sont encourags adopter et mettre en uvre des codes defficiencenergtique leur chelle, le dpartement de lnergiefournissant un code fdral constituant un minimum de rfrence. Des programmes sont

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    aussi institus afin daider les propritaires mettreaux normes les constructions existantes.

    De nouvelles normes defficience sont adoptespour les appareils dclairage, de chauffage, etc. Leprocessus dlaboration de normes du dpartement delnergie est modifi afin de le rendre plus efficace.

    LEPA devra promulguer des normesdmission pour les vhicules tout-terrain, leslocomotives, les navires, etc.

    Les promoteurs du projet de loi se rclament dune approchequilibre qui lui a valu le soutien de certains milieux industriels etagricoles, ainsi que dorganisations de protection de lenvironnement.Les objectifs chiffrs de rduction dmissions, sils restent infrieurs

    ceux auxquels les pays europens seraient prts consentir dansle cadre des ngociations internationales, nen sont pas moinsnettement suprieurs ceux que certains lus dmocrates avaientproposs au dbut des dbats lgislatifs au printemps.

    Les rpublicains se sont rsolument opposs au projet de loi. ce stade du dbat, beaucoup dentre eux ne nient plus la ralit durchauffement climatique, non plus que le rle jou par les activitshumaines, mais ils dnoncent le cot, leurs yeux beaucoup troplourd, du programme de rduction des missions et desinvestissements dans le domaine de lnergie propre25. Ils contestentles estimations rassurantes des dmocrates le prix dun timbre-poste par jour dici 2020 et avancent au contraire des chiffresinquitants, encore amplifis par les animateurs radiosultraconservateurs comme Rush Limbaugh ou Glenn Beck, quiambitionnent de susciter un mouvement dopinion comparable celuiqui a embras lAmrique conservatrice contre le projet de rformedu systme de sant au cours de lt26.

    Le projet de loi de la Chambre des reprsentants est donc untexte de compromis, sinon entre dmocrates et rpublicains, dumoins entre les milieux industriels et agricoles, dune part, et lesdfenseurs de lenvironnement, dautre part. Si ses dispositions sontessentiellement domestiques, il est nanmoins intressant de noter

    25 Selon le Congressional Budget Office, le projet de loi Waxman-Markey savreraitlgrement positif en termes budgtaires : sur la priode 2010-2019, il augmenteraitles revenus du gouvernement fdral de 846 milliards de dollars et les dpenses de821 milliards, soit une rduction nette du dficit budgtaire de 24 milliards de dollars( Congressional Budget Office Cost Estimate , H.R. 2454, 5 juin 2009).26 Les animateurs de shows radiophoniques, dont Internet accrot encore laudience,ne reculent pas devant loutrance : Rush Limbaugh na pas hsit pas comparerles reprsentants Waxman et Markey lescroc Bernard Madoff, tandis que GlennBeck a accus des parlementaires dmocrates de bnficier financirement, par lebiais de leurs investissements personnels, des dispositions du projet de loi en faveurde lnergie propre.

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    que le texte inclut une section spcifique, intitule InternationalParticipation. Ce court paragraphe, plac au tout dbut du texte de laloi, prcise que ladministrateur de lEPA devra, en collaboration avecle dpartement dtat et le reprsentant amricain au Commerce,prsenter au Congrs un rapport annuel indiquant si la Chine et lIndeont adopt des normes dmission de gaz effet de serre aussirestrictives que celles des tats-Unis.

    Deuxime tape : le Snat

    Aprs le vote du texte Waxman-Markey, un projet de loi sur le mmesujet a t introduit au Snat le 30 septembre, sous le nom de CleanEnergy Jobs and American Power Act(S. 1733), ou encore loi Kerry-Boxer. Ce relatif retard trois mois aprs le vote du projet de la

    Chambre des reprsentants sexplique en partie par lintensit desdbats sur la rforme du systme de sant au cours de lt. Il estintressant de noter que les deux sponsors du projet au Snatreprsentent les mmes tats que leurs collgues de la ChambreWaxman et Markey27. Ancien candidat dmocrate llectionprsidentielle de 2004 contre George W. Bush, John Kerry estsnateur du Massachusetts depuis 1984. Il prside le Committee onForeign Relations. galement dmocrate, Barbara Boxer reprsentela Californie au Snat depuis 1992. Elle en prside le Committee onEnvironment and Public Works.

    Lintroduction du projet de loi Kerry-Boxer au Snat a t

    salue par une dclaration du prsident Obama affirmant son soutien leffort des deux lgislateurs ainsi que son engagement fairevoter une loi crant des emplois et tablissant des incitations dvelopper lnergie propre qui favorisent linnovation28 . Lnoncdes objectifs gnraux du projet est quasi identique celui du textevot en juin par la Chambre des reprsentants. En termes quantitatifscependant, les seuils envisags sont un peu plus ambitieux : il sagitde rduire les missions de dioxyde de carbone par les metteursamricains de 20 % ds 2020, contre 17 % dans le texte de laChambre (pourcentages calculs par rapport aux niveaux de 2005).Bien que les sujets abords rejoignent ceux de la loi Waxman-Markey, la structure et la squence des paragraphes diffrent. Le titre

    de la loi est lui aussi diffrent : Clean Energy Jobs and AmericanPower Act, comme si la monte du chmage avait conduit ses

    27 Selon le rcent sondage du PewResarch Center for the People and the Press, unclivage rgional se superpose au clivage politique entre dmocrates et rpublicains :les Amricains de la cte Est et de la cte Pacifique sont plus favorables que ceuxdu Midwest ou du Sud la limitation des missions de carbone( Fewer AmericansSee Solid Evidence of Global Warming. Modest Support for Cap and TradePolicy ,22 octobre 2009).28 Statement from the President on the Clean Energy Jobs and American PowerAct , The White House, Office of the Press Secretary, 30 septembre 2009.

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    sponsors mettre laccent sur limpact espr de la loi en matire decration demplois. Cest dailleurs lesprit des dclarations des deuxsnateurs dans le communiqu de presse paru loccasion de laprsentation de leur texte.

    Le texte initial est plus court que celui de la Chambre,800 pages contre 1 429, mais il est susceptible dtre allong etmodifi lors des dbats du Snat. la mi-novembre en effet, il esttoujours en cours de discussion au sein des diffrents comitsspcialiss du Snat et na pas encore t soumis au dbat et auvote de lassemble. Les dfenseurs de groupes dintrtsparticuliers font pression sur les snateurs pour introduire desamendements qui leur seraient favorables cest le cas, notamment,des agriculteurs, qui ont dj obtenu de substantiels amnagementslors des dbats de la Chambre des reprsentants, et qui exercenttraditionnellement une plus grande influence au Snat. Quant auxopposants rsolus du projet de loi Waxman-Markey, ils ne sont pas

    davantage favorables au texte des snateurs Kerry et Boxer29. Si lesdmocrates disposent dune majorit au Snat, elle est tout justesuffisante pour viter lobstruction parlementaire de la minoritrpublicaine (filibustering). Or certains lus dmocrates sontsusceptibles de la rejoindre. Il sera donc ncessaire de parvenir uncompromis, que certains trouveront dcevant, et dont la formulationrisque de prendre du temps.

    Carol Browner, qui dirige la Maison-Blanche lOffice ofEnergy and Climate Change Policy, a dclar au tout dbut du moisdoctobre quil tait peu probable que la loi soit signe par leprsident avant le dbut de la confrence de Copenhague30. cette

    date, les promoteurs du projet navaient cependant pas renonc lefaire aboutir. Le 11 octobre, John Kerry a fait paratre, dans le NewYork Times, une tribune intitule : Yes We Can (Pass ClimateChange Legislation)31 . Ce texte est co-sign par Lindsay Graham,snateur rpublicain de Caroline du Sud. Les deux snateursnomettent pas daffirmer leur volont dtablir un leadershipamricain en matire de changement climatique : sans douter de lasincrit de leurs convictions, il est permis dobserver que ce rappelrelve en partie dune rhtorique destine lgitimer la participationdes tats-Unis des ngociations internationales qui pourraient setraduire par ladoption dengagements quantitatifs contraignants. Ilsse proposent ensuite de dfinir les bases dun consensus acceptable

    pour leurs partis respectifs :

    29 Energy Citizens a exprim son scepticisme dans un communiqu de pressednonant un considrable impt nouveau pour les agriculteurs, les transporteursroutiers, les petites entreprises et les familles amricaines ( Statement on theKerry-Boxer Bill , Energycitizens.org).30 S. Goldenberg, US climate bill not likely this year, says Obama adviser , TheGuardian, 4 octobre 2009.31 J. Kerry et L. Graham, Yes We Can (Pass Climate Change Legislation) (tribune), TheNew York Times, 11 octobre 2009.

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    Le changement climatique est une menacerelle pour lconomie et la scurit nationale. Il fautdonc massivement rduire les missions de carbone,au moyen dun systme fond sur le march, quidonnera aux principaux metteurs le temps desadapter sans nuire leur comptitivit ni conduire la dlocalisation des emplois.

    Sil est ncessaire dinvestir dans les nergiesrenouvelables, telles les nergies solaire ou olienne, ilfaut aussi exploiter lnergie nuclaire. Cela supposeune rationalisation du systme rglementaire et uneffort de recherche et dveloppement, notammentdans le domaine de la gestion des dchets.

    Pour contribuer efficacement lindpendance

    nergtique du pays, il reste indispensable dutiliser enpriorit les ressources fossiles domestiques, aupremier rang desquelles le charbon, qui devra trerendu propre grce aux technologies de captage etstockage du dioxyde de carbone. Un compromis devraaussi tre trouv au sujet de lexploration desressources amricaines en hydrocarbures, onshore etoffshore.

    Pour obtenir et conserver un rle de leaderdans le domaine de lnergie propre, notamment face la Chine et lInde, qui vont investir massivement,

    les tats-Unis devraient envisager dtablir desbarrires douanires sur les produits de pays nerespectant pas les normes environnementales.

    Les entreprises et les consommateurs doiventtre protgs de laugmentation du prix de lnergie.Cet objectif doit tre atteint par le systme de prixplafond et plancher applicable aux permis dmission.

    Les deux snateurs nomettent pas de rappeler quuneabsence de lgislation rendrait ncessaire une action rglementairede lEPA, forcment plus coteuse et moins protectrice de lemploi.

    La tribune du 11 octobre tmoigne dun esprit bipartisandevenu rare et qui, dans le contexte du rapport de force qui prvautau Snat, sera ncessaire pour que la loi soit vote. Lindsay Grahamest considr comme un proche de son collgue de lArizona JohnMcCain : la rfrence lnergie nuclaire sadresse toutparticulirement aux rpublicains de sa sensibilit politique. Ladifficult sera de ne pas aliner pour autant les dmocrates les plusengags en faveur de la protection de lenvironnement. Le textevoque par ailleurs la menace dun protectionnisme cologique qui ne manquerait pas de susciter de vives ractions de la part des

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    partenaires commerciaux des tats-Unis. ce stade, bien desaspects du projet de loi sont donc encore ouverts la discussion, quise poursuit dans un climat trs tendu entre dmocrates etrpublicains au sein des comits spcialiss du Snat.

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    Des agendas diffrents

    Le vote par le Snat dun texte conforme lesprit du projet de loi dela Chambre des reprsentants, assorti dobjectifs un peu plusambitieux, aurait des consquences importantes pour les entreprisesamricaines, contraintes sadapter un nouvel environnementlgislatif. Mais, quelle que soit lissue des discussions du Congrs,leurs dirigeants savent dj quil leur faudra aussi composer avec unexcutif beaucoup plus dtermin user de son autorit

    rglementaire. Tous ne sont pas opposs, loin sen faut, lidedune action rsolue contre le changement climatique. Le conceptd conomie verte ne date dailleurs pas de llection du prsidentObama. Dans le contexte de la rcession qui frappe lconomieamricaine depuis la fin de 2007, ses plus ardents promoteursdfendent lide dune solution verte la crise conomique.

    Les entreprises et les organisationsde protection de lenvironnement

    Le monde conomique en effet nest pas crisp sur une attitude derefus systmatique de toute rglementation environnementale. Si undialogue constructif demeure difficile entre dmocrates etrpublicains, les grandes entreprises de lindustrie et des services etles organisations non gouvernementales ont dores et djcommenc travailler en commun. LUnited States Climate ActionPartnership (USCAP), fonde en 2007, a jou un rle important lorsde llaboration du texte du projet de loi Waxman-Markey. Ellerassemble des organisations de protection de lenvironnement et degrandes entreprises amricaines des secteurs de lnergie ou destransports. Parmi ses membres fondateurs, elle compte notamment

    Alcoa, BP America, Caterpillar, Duke Energy ou encore GeneralElectric. Ils ont t rejoints par Chrysler, Dow Chemical, Ford,General Motors, Rio Tinto, etc. Les organisations nongouvernementales incluent Environmental Defense, NaturalResources Defense Council, Pew Center on Global Climate Changeet le World Resources Institute. Les adversaires de lUSCAPlaccusent soit de se compromettre avec les intrts conomiques,soit dtre antiamricaine et ennemie du charbon . On observeque nen font partie ni Greenpeace, du ct environnemental, ni laUnited States Chamber of Commerce, du ct des milieux industriels.Cette dernire maintient dailleurs une opposition rsolue au projet de

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    loi Waxman-Markey, ce qui a conduit un certain nombre de grandesentreprises amricaines (Pacific Gas and Electric, PNM, Exelon,Nike, Apple) prendre leurs distances avec elle.

    Lvolution de lattitude des entreprises amricaines procde

    sans doute avant tout de la volont daccompagner, et doncdinfluencer autant quil est possible, llaboration de textes lgislatifsqui se traduiront par des contraintes rglementaires dont ellesdevront saccommoder sur le long terme. Elle tmoigne aussi de laprise de conscience des enjeux du changement climatique parlensemble de lopinion publique amricaine dont font partie leursdirigeants, leurs salaris et leurs clients et rvle lmergence dune conomie verte dont les contours se dessinent peu peu. Silide nest pas spcifiquement amricaine en octobre 2008, lesNations unies ont appel un New Deal vert lchelle de laplante32 cette vision rejoint celle de la Confrence des mairesamricains, dont certains, comme le maire de New York Michael

    Bloomberg, promeuvent lide de villes durables33 ou de thinktanksprogressistes : le Center for American Progress, par exemple,estime que des investissements massifs dans la technologie verte permettront de rsoudre la fois deux problmes majeurs : lechangement climatique et la rcession34.

    Des observateurs moins optimistes relveraient sans douteque les investissements verts ne constituent pas, en priode decrise conomique, une priorit pour les entreprises. Si le rythme descampagnes publicitaires sur ce thme sest sensiblement ralenti, ilnen reste pas moins que des tendances lourdes demeurent. Certes ilest peu probable quexistent des solutions technologiques simples

    permettant dannuler les effets contraignants des objectifs quantitatifsde rduction dmissions. Mais, comme lindique le contenu desprojets de loi Waxman-Markey et Kerry-Boxer, des investissementsconsidrables vont tre raliss dans lnergie propre et lefficiencenergtique : les nergies renouvelables, la mise aux normes desvhicules et des constructions, les smart grids, la technologie decaptage et stockage du dioxyde de carbone, voire le nuclaire, sont

    32 United Nations Environment Program (UNEP), Global Green New Deal Evironmentally-Focused Investment Historic Opportunity for 21st Century Prosperityand Job Generation , communiqu de presse, 22 octobre 2008.33 linitiative du maire dmocrate de Seattle, Greg Nickels, plusieurs centaines de

    membres de la United States Conference of Mayors ont pris lengagement de rduireles missions de dioxyde de carbone de leurs villes de 7 % dici 2012 (par rapportaux niveaux de 1990). Initie en 2005, cette initiative regroupait 1 000 maires enoctobre 2009 ( 1000th Mayor Mesa, AZ Mayor Scott Smith Signs the U.S.Conference of Mayors Climate Protection Agreement , communiqu de presse,2 octobre 2009).34 Voir notamment ce sujet sur le site du Center for American Progress,Americanprogress.org: R. Pollin, J. Heintz et H. Garrett-Peltier, The EconomicBenefits of Investing in Clean Energy. How the economic stimulus program and newlegislation can boost U.S. economic growth and employment , Department ofEconomics, Political Economy Research Institute (PERI), University ofMassachusetts, Amherst, juin 2009.

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    autant de secteurs prometteurs en termes de recherche etdveloppement, de chantiers de grande envergure et donc demplois.Quelle que soit lissue des discussions en cours au Snat, il estvraisemblable quune part significative de ces investissements devratre ralise moyen ou long terme. Un financement public massif, telque lenvisagent les projets de loi, apporterait un puissant soutien audveloppement dune conomie verte qui attire dj, sous forme deventure capital par exemple, des investisseurs privs. trs courtterme cependant, ce sont les agendas lgislatif et diplomatique quidterminent les perspectives de dveloppement dans ce domaine.

    Copenhague et Capitol Hill

    Tout au long de la prsidence de George W. Bush, la mauvaise

    volont des tats-Unis dans les ngociations climatiques a contribu renforcer limage de l unilatralisme amricain . ltranger, lacaricature dun pays insensible aux enjeux environnementaux sestainsi impose, ngligeant la fois la vivacit des dbats domestiqueset les avances ralises par les Amricains dans ce domaine. Ennovembre 2008, llection de Barack Obama a suscit de grandsespoirs. Un an aprs, la veille de louverture de la confrence deCopenhague, certains expriment cependant leur dception, reprochantau prsident son inaction, voire sa mauvaise foi, laccusant de seretrancher derrire un Congrs rticent. Si Barack Obama citefrquemment les investissements prvus dans le domaine de lnergiepropre, ainsi que lactivisme rglementaire de son Administration, il est

    vrai quil peut difficilement assumer un rle de leader international tantquune loi na pas t vote par le Congrs.

    La Confrence des Nations unies sur le changement climatiquedoit se tenir Copenhague, du 7 au 18 dcembre 2009. Il sagit, pourla communaut internationale, dcrire la suite du protocole de Kyotode 1997. Lobjectif est ambitieux : trouver les moyens de limiter lerchauffement climatique deux degrs Celsius au-dessus desniveaux de lpoque pr-industrielle. Cela suppose, horizon 2050, derduire massivement les missions de CO2 (jusqu 80 %), au moyendengagements contraignants consentis par les tats. Si cet objectif moyen terme est assez gnralement admis, il ny a pas de consensus

    sur les moyens pour y parvenir, non plus que sur les objectifsintermdiaires plus court terme. Le principal clivage se situe entre lespays industrialiss et les pays mergents, comme la Chine et lInde,qui ont refus jusqu prsent toute limitation leur capacit dedveloppement conomique. Parmi les pays industrialiss, lEurope etles tats-Unis sopposent en particulier sur deux points fondamentaux :les Europens sont prts consentir des objectifs de rductiondmissions quantifis et contraignants dici 2020 (- 20 %), calculssur la base des niveaux de 1990. Les Amricains, quant eux, serfrent aux niveaux de 2005. Par ailleurs, les Europens ont annonc

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    leur volont de contribuer, par une aide massive, ladaptation desconomies mergentes.

    En septembre, les ngociations donnaient limpression dunenlisement peu propice la conclusion dun accord. Le secrtaire

    gnral des Nations unies, Ban Ki-Moon, a rappel les leaders desgrands pays leurs responsabilits politiques dans ce domaine. Il aorganis un sommet au sige de lOrganisation, New York, afin deranimer les ngociations pralables la confrence. Les paysmergents y ont affich une attitude plus ouverte, la Chine prenantnotamment lengagement de rduire ses missions de CO2 de faonnotable dici 2020, sans toutefois mentionner dobjectifs chiffrs. Lediplomate nerlandais Yvo de Boer, responsable de lorganisation dela confrence de Copenhague pour les Nations unies, a salu le rlede front runner dsormais tenu, selon lui, par la Chine et lInde. Lestats-Unis nont donc pas retrouv le rle de leader incontest quilsrevendiquent dans le domaine du changement climatique. En outre les

    dclarations chinoises, pour peu quelles soient suivies deffet,rduisent la porte de largument traditionnel, repris implicitement autout dbut du projet de loi Waxman-Markey, justifiant linactionamricaine par celle des deux grands pollueurs que sont la Chine etlInde. Quelles que soient les divergences entre la Chine et les tats-Unis, il nen demeure pas moins quun accord viable devra inclure lesdeux pays, qui sont lchelle mondiale les premiers metteurs deCO2, avec en 2007 40 % des missions eux deux

    35.

    Si le prsident amricain multiplie les dclarations douverturelors des grands rendez-vous internationaux, il sait que sa capacitdaction est limite : en dernier ressort, cest du Congrs que relve le

    consentement des tats-Unis des engagements quantitatifscontraignants de rduction dmissions de gaz effet de serre. Denombreux officiels amricains qui travaillent la prparation de laconfrence de Copenhague ont fait partie de l quipe climatique duprsident Clinton celle de Kyoto. Sil est une leon quils en ontretenue, cest quil est vain daccepter, dans des ngociationsinternationales, des engagements quil est ensuite impossible deconfirmer et de mettre en uvre une fois de retour Washington. Deleur ct, les diplomates des Nations unies nignorent pas lescontraintes du processus lgislatif amricain, non plus que la grandesensibilit des lgislateurs tout engagement contraignant quiparatrait impos de ltranger : dans une tribune parue dans le New

    York Times du 26 octobre, Ban Ki-Moon, sans manquer de saluerlinitiative bipartisane des snateurs Kerry et Graham, en appelle nouveau au leadership amricain36.

    35 Source: International Energy Agency, CO2 Emissions from Fuel Combustion,Highlights, 2009 Edition, Iea.org.36 Ban Ki-Moon, We Can Do It (tribune), New York Times, 26 octobre 2009.

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    Conclusion

    Louverture de la confrence de Copenhague nattendra pas que lesdeux Chambres du Congrs se mettent daccord sur un textecommun soumettre la signature du prsident. Si la loi tait prte temps, la position amricaine dans les ngociations internationalesserait incontestablement renforce. Mais, ce stade, cela sembletrs peu probable et Barack Obama na pas les moyens decontraindre le Snat voter sur un projet qui nest dailleurs pas

    encore prt. Il a de surcrot dcid davancer simultanment surplusieurs grands dossiers, ce qui le contraint mnager leslgislateurs. partir du moment o leurs dbats se poursuivent, ilserait maladroit, pour le prsident amricain, de donner limpressionquil essaye de les contourner en sadressant directement lopinion.Cette dernire a dautres proccupations et on a vu au cours de ltque les town hall meetings prsidentiels au sujet de la rforme dusystme de sant avaient donn des rsultats ambigus. Lessnateurs devraient donc prendre leur temps. Jusquau mois denovembre 2010, le prsident peut compter sur une majoritdmocrate au Congrs. Ses membres nignorent pas que leur sort estli celui des textes sur lesquels ils travaillent : une loi trop

    contraignante pour les activits industrielles ou agricoles lesexposerait des reprsailles de leurs lecteurs ; une absence de loidonnerait limage dune majorit divise et dun Congrs impuissant.Quant Barack Obama, une ventuelle dfaite dmocrate auxlections de mi-mandat rduirait considrablement les perspectivesde succs de sa prsidence. Du point de vue amricain, Election Day2010apparat comme une chance au moins aussi importante quelouverture de la confrence de Copenhague.

    De grandes esprances, aux tats-Unis et dans le reste dumonde, mais aussi des contraintes institutionnelles fortes qui limitentle pouvoir de tout prsident amricain, ft-il prix Nobel de la paix ; de

    la rcession la sant, de multiples dossiers qui exigent desrponses rapides, mais une stratgie qui consiste les faire avancersimultanment, sans brusquer les lgislateurs : lenvironnement, plusspcifiquement le dossier du changement climatique, constitue biendes gards un rvlateur des paradoxes de la prsidence Obama. horizon relativement bref, les vnements de Capitol Hill et deCopenhague seront autant dindicateurs de la pertinence des choixdu prsident et de sa capacit tenir ses promesses de campagne.