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La langue fran(aise est-elle en danger comme ie soutiennent regulierement certains de ses defenseurs ? Il est vrai que, comme toute langue vivante, elle se modifie en permanence et depuis toujours. Une des specificites [rancasses tient au fait que I'Etat contribue a travers differentes lois - la demiere en date est de 1994 - a soutenir et promouvoir son utilisation, a encadrer son evolution. LA LANGUE UN PEU O'HISTOIRE La langue francaise etait parlee dans IEurope lout entiere, il n'y a pas si Long- temps. Au XVIll' siecle, Voltaire pouvait ecrire: « Ce qui fait le merite de la France, son seul mente, son unique superiorite, c'est un petit nombre de genies sublimes* ou aimables qui font qu'on parle francais a Vienne, a Stockholm et a Moscou. » Dans un pays OU on parlait beau- coup de langues et de dialectes locaux, ('est La Revolution de 1789 qui a unpose l'utilisation du fran~ais non plus seulement comme langue de relite ct de La culture, mais aussi comme langue du peuple et de La liberte. En 1793, s'ouvre la chasse aux langues -egionales sur lesquelles s'appuie une resistance contre-revolutionnaire mena- 3T1lepour Ia Republique. Iabbe Gregoire, bien qu'il Iut eccle- siastique, etait un des representants de l'extrerne gauche a l'Assernblee consti- tuarue. En juin 1794, iI presente a la Convention un «Rapport sur la neces- site et les moyens d'aneantir Ie patois et d'universaliser l'usage de la langue fran- caise ». Les instiruteurs doivent empe- cher les enfants de parler en patois ou en langue regionale, lis soru charges d'enseigner le francais au merne titre que la Declaration des Droits de l'Homrne et du Citoyen. l'abbe Gregoire insiste rnerne sur la necessite de suppri- mer les accents regionaux des deputes, parce qu'ils marquent leur apparte- nance a telle ou telle province. Le processus d'unification se renforce sous la Troisieme Republique. «Un peupLe, une langue, une nation », disaient les romantiques. La langue franr;aise s'est imposee - parfois avec une certaine violence - comme langue ••••••••••••••••••••• LA LANGUE, UNE AFFAIRE D'ETAT Sans doute plus que dans d'autres pays, la langue est consideree comme un Instrument au service d'objectlfs polltlques. l'lnterventlon de l'Etat dans la defense et la promotion de la langue fran~aise est une tradition nationale vlellle de plus de quatre slecles. - 1539: par I'ordonnance de Villers- Cotterets, Fra~ls 1- Impose Ie fra~ais comme langue unique pour la redaction des actes offlciels et deJustice. - 1637: Rlchelleu cree l'Academie Fra~aise, chargee de la redaction et de la mise a jour d'un • Dlctionnaire de la langue frangaise '. - 1794: la Revolution fram;alse publle un • Rapport sur la necesslte et ies moyens d'aneantlr Ie patOis et d'unl· versallser I'usage de la langue fran- galse •. - Entre 1900 et 1905, I'Etat instl- tue des commissions de refonnes de la langue. - 1966: Pompidou (president de la Republique) cree Ie Haut Comlte pour la

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La langue fran(aise est-elle en danger

comme ie soutiennent regulierement certains de ses defenseurs ?

Il est vrai que, comme toute langue vivante, elle se modifie en permanence

et depuis toujours. Une des specificites [rancasses tient au fait que I'Etat

contribue a travers differentes lois - la demiere en date est de 1994 -

a soutenir et promouvoir son utilisation, a encadrer son evolution.

LA LANGUE

UN PEU O'HISTOIRE

La langue francaise etait parlee dansIEurope lout entiere, il n'y a pas si Long-temps. Au XVIll' siecle, Voltaire pouvaitecrire: « Ce qui fait le merite de laFrance, son seul mente, son uniquesuperiorite, c'est un petit nombre degenies sublimes* ou aimables qui fontqu'on parle francais a Vienne, aStockholm et a Moscou. »

Dans un pays OU on parlait beau-coup de langues et de dialectes locaux,('est La Revolution de 1789 qui aunpose l'utilisation du fran~ais nonplus seulement comme langue de relitect de La culture, mais aussi commelangue du peuple et de La liberte. En1793, s'ouvre la chasse aux langues-egionales sur lesquelles s'appuie uneresistance contre-revolutionnaire mena-3T1lepour Ia Republique.

Iabbe Gregoire, bien qu'il Iut eccle-siastique, etait un des representants del'extrerne gauche a l'Assernblee consti-tuarue. En juin 1794, iI presente a laConvention un «Rapport sur la neces-site et les moyens d'aneantir Ie patois etd'universaliser l'usage de la langue fran-caise ». Les instiruteurs doivent empe-cher les enfants de parler en patois ouen langue regionale, lis soru chargesd'enseigner le francais au merne titreque la Declaration des Droits del'Homrne et du Citoyen. l'abbe Gregoireinsiste rnerne sur la necessite de suppri-mer les accents regionaux des deputes,parce qu'ils marquent leur apparte-nance a telle ou telle province.

Le processus d'unification serenforce sous la Troisieme Republique.«Un peupLe, une langue, une nation »,disaient les romantiques. La languefranr;aise s'est imposee - parfois avecune certaine violence - comme langue

•••••••••••••••••••••LA LANGUE,

UNE AFFAIRE D'ETAT

Sans doute plus que dans d'autrespays, la langue est consideree commeun Instrument au service d'objectlfspolltlques. l'lnterventlon de l'Etat dansla defense et la promotion de la languefran~aise est une tradition nationalevlellle de plus de quatre slecles.

- 1539: par I'ordonnance de Villers-Cotterets, Fra~ls 1- Impose Ie fra~aiscomme langue unique pour la redactiondes actes offlciels et deJustice.

- 1637: Rlchelleu cree l'AcademieFra~aise, chargee de la redaction et dela mise a jour d'un • Dlctionnaire de lalangue frangaise '.

- 1794: la Revolution fram;alsepublle un • Rapport sur la necesslte eties moyens d'aneantlr Ie patOis et d'unl·versallser I'usage de la langue fran-galse •.

- Entre 1900 et 1905, I'Etat instl-tue des commissions de refonnes de lalangue.

- 1966: Pompidou (president de laRepublique) cree Ie Haut Comlte pour la

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defense et I'expansion de la langue fran-«;aise.

- 1975: Ie pariement adopte la 101Bas-Auriol, pour contrer l'lnfluence gran-dlssante de I'anglals.

- 1989-90: Ie projet de reforme deI'orthographe, defendu par Ie Consellsuperieur de la langue fran«;alse, provo-que de telles oppositions qu'iI est finale-ment retire.

- 1994: Ie parlement adopte -ta 101Toubon· (ministre de la Culture) -rela-tive a I'emplol de la langue fran«;aise',qui affirme • un droit au fran.;ais pour lesconsommateurs, les salaries, Ie public ••E1lerend obllgatolre I'usage du fran«;als- et interdit done Jes mots ettangers(pour la plupart d'origine angialse) - pourtoute inscription ou annonce faite dansun lieu ouvert au public, dans la publiclte,les offres d'emploi, les contrats de travail,etc. Dans Ies colloques et les congresorganises en France, tout participant a Iedroit de s'exprtmer en frarl«;ais.

• • • • • •• •• • • • •• • • •• •

•••••••••••••••••••••LEs FORMULES DE POUTESSE

DANS LA CORRESPONDANCE

Dans la correspondance acrite, enparticulier Ie courrier administratif, lesformules de politesse se sont perpe.tuees de fa«;on tres conventionnelle.Dans une lettre officielle, on doit precl-ser dans I'adresse et l'en-tete la fonc-tion du destinataire: • Monsieur IeMaire., - Monsieur Ie Dlrecteur. (et nonpas • Monsieur .). On dolt imperative-ment terminer par une formule dugenre:

-Je vous prie d'agreer mes saluta-tions respectueuses .•

- Veulllez agreer, Monsieur, I'ex-pression de mes sentiments distingues(ou respectueux). •

- Je vous prie de crolre a mes sentI-ments les meilleurs .•

Si c'est une femme qui &erit, elleremplacera • sentiments» par • saluta-tions'.

•••••••••••••••••••

_6_LA LANGUE

unique de I'Etat et des citoyens francais,en particulier a travers l'ecole, l'admi-nistration, Ie service militaire.

Les langues dites « regionales»persistent (le basque, le breton. le cata-lan, le corse, l'occitan, l'alsacien, Ieflam and) et sont parlees par beaucoupde gens encore aujourd'hui. Mais latradition jacobine persistante ne leurreconnau officiellement aucune exis-tence et aucun usage. La Constitutionprecise que« la langue de la Republiqueest le francais». Les langues regionalessont considerees tantot com me unsymptome passeiste et un tam SOil peureactionnaire, tantot comme unelement du patrimoine national et dufolklore dont il Iaut retarder l'extinc-tion ... Depuis quelques annees cepen-dant, sous l'influence des linguistes, onrespecte davantage les cultures et leslangues regionales.

« LE GENIE DE lA LANGUE FRANCAISE II

Les Franc;ais entretiennent unerelation passionnee avec leur langue.Des leur plus jeune age, on leurenseigne la maitrise, Ie respect, l'amourde]a langue, surtout de la langue ecrite.Les fames de syntaxe el d'orthographe

som des crimes de lese-rnajeste"!l'orthographe est devenue au XIX' steeleune matiere d'enseignement, et la dicteea ere pendant longtemps Ie test essen-tiel pour evaluer le niveau des eleves.Le projet de reforme de l'orthographeengage en 1990 a suscue tant d'emo-lions et de querelles qu'il a ete retire ...La suppression de l'accent circonflexeou la simplification du plurie! desnoms composes representaient pourcertains une telle menace que celapouvait entrainer des manifestationsdans la rue.

Les hommes politiques se doiventd'etre des oraieurs, des tribuns sachantmanier parfaitement l'imparfait dusubjonctif. Pour faire une belle carrierepolirique, il est de bon ton de publierchroniques, memoires ou essais litte-raires .

I'Acadernie Irancaise manifestetoujours beaucoup de reticence a faireemrer officiellemem dans la languefran~aise de nouveaux mots. n y a enFrance une difference importante entreLa langue ecrite et ]a langue parlee.Beaucoup de mots de la langue popu-laire se som largemem repandus maisils ne som pas utilises a l'ecrit.

~~ ~V~NDON N 'A rlu~~i&J A Di~LE fRAN~i) i)oiT f~~PRiVj(£4;{.

y

Les accents regionaux nesont pas tres bien vus. La fa~onde parler consideree commenom1ale, neutre, la langue dereference est celie de laTouraine. Elle est en fait assezproche de l'accem parisien,« l'accem poinlu », corumedisem ceux qui om « l'accent duMidi II! Mais it ne faut pasconfondre Ie parler parisienstandard et «l'accem parigot I>,cet accent reinte d'expressionssouvent triviales, frequent dansles milieux populaires, et

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immortalise au cinema par Arleuy etMaurice Chevalier. Le parler parisienstandard n'est pas non plus le parler«Marie-Chantal» - une facon d'exage-rer certaines voyelles (d'appuyernotamment sur les A) - qui caricature lesnobisme d'une certaine bourgeoisie.

Les accents regionaux sont unesource inepuisable de comique, depuisMoliere jusqu'aux imitateurs contem-porains, en passant par Fernandel ouFemand Raynaud. Des informationstres serieuses donnees avec un accentmarseillais, bourguignon ou alsaciensuscitent le rire. Il est difficile d'occuperun emploi important dans le domainede la communication, de la culture oudes relations publiques, d'etre journa-lisle de radio ou de television, si on a unaccent regional tres prononce.

Puisque les Francais ont une tellereserve a l'egard des accents regionaux,on ne s'etonnera guere qu'ils soient peulolerants a regard des personnes parlantIe franc;:aisavec un accent erranger ... llscomprennent mal qu'un erranger vivanten France depuis longtemps, eventuelle-ment naturalist! franc;:ais, conserve sonaccent d'origine, et cela peut etre unhandicap dans son integration profes-sionnelle et sociale. En revanche, lors-qu'ils voient a la television un etrangers'exprimer dans une langue franc;:aisetrescorrecte, ils trouvent cela tout a faitnormal!

DERNIERS MOTS

Que la langue soit figee par l'Academiefranc;:ai.se,plutat conservatrice, ne l'em-peche pas d'evoluer en permanence: desmots som inventes, adoptes, adores, puisabandonnes, parfois aussi redecouvert5.Meme chez Proust, les personnagescombinent souvent des manieres de parler

_6_LA LANGUE

tres classiques (<< prier a diner» , «etrernarri ») et des formules argotiques*(<<pedzouille», «a la revoyure»). lls usentde formes d'exageration du langage unpeu snob (ssublime», «defirunf», «enor-me» , «sideral») proc.hes des superlatifsoutranciers* «( terrible», «extraordinaire»,«effrayant», « terrifianr ») tres a la modeacruellemeru,

Certains usages qui persistent dansla langue ecrite disparaissent pratique-ment de la langue parlee. C'est ainsi qu'al'oral, on utilise rarement l'imparfait dusubjonctif 01.1 le passe Simple. Onremplace frequernment le futur par desformes au present (au lieu de dire «Jiraila semaine prochaine », on pourra dire«J'y vais la semaine prochaine»). Pluspersonne ne s'exprime comme dansComeille: «Que vouliez-vous qu'il (itcontre trois? Qu'il mourut ? au qu'unbeau desespoir alors Ie secourut? »«(Horace», Ill, 5). Et peu de Franc;:aisvous diront: « II fallait absolument que jevous telephonasse ... »

Le langage en vogue chez les jeunes(surtout les jeunes citadins) bousculeparfois et Ie vocabulaire et la syntaxe.Cenaines de leurs expressions se repan-dent assez largement parmi la popula-tion, et sont meme adoptees par lapublicite, la chanson 01.1 Ie cinema.

Le verlan (argot redevenu a la modechez les jeunes des annees 80) consiste ainverser les syllabes des mots (verlan =I'envers, phonetiquement) : par exemple« chebran» (branche), «meuf» (femme),«laisse heton» (laisse tomber). Cenainesexpressions de verlan sont passees dansIe langage courant oral, mais aussi ecrit.Ainsi un «Beur» (Arab e) est un jeunearabe ne en France, un immigre de ladeuxieme generation. «Les ripoux» somdes policiers pourris, corrompus parI'argent (d'apres Ie titre d'un film a succes

•••••••••••••••••••••CoNCOURS DE DICm

.C'etait samedl, a Paris, dans lavaste salle centrale de l'Unesco, et unecentalne de flnallstes - et bien plusencore, devant leurs televlseurs - seIIvralent, sous la rerule* de BemardPivot', aux souffrances exqulses etannuelles de la troublante nevrose quisalsit la France chaque annee entre Iebeaujolais nouveau et les fetes: la finaledes champlonnats d'orthographe. On nepouvait reprlmer quelques Interroga-tions. Quel psychanalyste nous dlraenfln la cause de cette manle stupe..flante qui pousse chaque anneequelques millions de masochlstes* poly·morphes* a trouver leur plalslr dans leshorreurs ou tant souffrirent, du tempsqu'lI!; allalent a I'ecole?

Volci Ie texte de la finale des cham-plonnats d'orthographe de 1991 (pourles juniors) :

La perre des mots n'aura pas lieu.Ce serait un beau raffut, sl, dans un

dlctlonnalre, Ies mots se reprochalentles uns aux autres leurs etymologiesalamblquees, leurs pedigrees cosmopo-lites, les chemins et les ruses graceauxquels lis ont emigre, puis se sontetablls et Imposes dans notre langue.J'lmagine un fahrenheit traitant I'hl-dalgo de rastaquouere, tandls que Iekoulak se gausserait du fellah, lequelquallflerait de plgnouf un rouml qui semoquerait des moucharablehs mediter-raneens...

Heureusement aussl improbableque la revolte des joujoux, la guerre desmots serait navrante. Qu'elle ravage lesdlcos, et, quelles que soient sonampleur et, ensulte, les reslpiscencesdes vocables les plus exaltes, c'enserait flnl de la sagesse du verbe••

Uberation, 25 novembre 1991.

1. Bemard Pivot fut pendant de longu8Sannees I'an;mateur de la plus celebreemission Iltteralre de la television,Apostrophes. " presente malntenantBoullion de culture, qui s'ouvre aussi ad'autres arts que eelu; de la litterature....................

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•••••••••••••••••••••LANGAGE DU CORPS

laurence Wylie est un anthropolo-gue, profesaeur honoralre iI I'unlversltede Harvard. II montre dans cet articlecomment Ie Fran4(als se dlstlngue deI'Amerlcain, dans les attitudes corpo-relies, les rythmes d'elocutlon, lesformes de la conversation.

• Une tension museula/re eonstante.'nculquee iI I'enfant iI force de

discipline et de mimetisrne, cette tensionest devenue naturelle a un degre tel qu'liest Impossible iI un etranger de I'imlter[... J. Cette obligation de contrOle et latension qui en decoule sont la cause dela rigldlte considerable du torse. lapoltrlne est bombee; les epaules sonttenues hautes et carrees, [ ... J Encontradiction avec Ie reste du corps, lesepaules restent des Instruments decommunication etonnamment flexibles.On les ramene souvent vers I'avant etce geste s'accompagne d'une expira-tion ou d'une moue, creant alnsl unmouvement du corps que les etrangerstrouvent "typiquement fra~ais".

• La station deboutLorsqu'ils veulent converser debout,

les Amertcalns et les Fra~als se tien-nent de ~on dlff8rente. Les Americainsen general se tlennent debout, lesjambes paralleles et les pleds tres ecar-tea, et font passer Ie polds du corpsd'un pled sur I'autre environ toutes lessecondes. [... J Les Fra~1s ne semblentpas basculer Ie bassin [ ... J, lis depls-cent tout de meme Ie poIds de leurcorps. lis tlennent leurs pleds relative-ment pres I'un de I'autre, mals pas demanlere parallele, un pied est place iIune douzalne de centimetres en avantde I'autre. En depla4f8nt leur polds, itsdeclenchent un mouvement d'avant enamare [... J. Le mouvement en avantsoullgne un point que la personne veutfalre ressortlr de la conversation, alorsque Ie mouvement en arriilre accom-pagne Ie rire ou une reaction iI une esto-cade verbale et corporelle del'lnteriocuteur. Vue au ralenti, uneconversation fran~alse fait penser auxmouvements des duelllstes *.

_6_LA LANGUE

du meme nom).

La publicite est une des meilleuresIacons de constater les evolutions de lalangue, puisqu'elle joue sur les refe-rences de langage propres a chaqueepoque. Ainsi, La tres vieille publicitedes chaussures Andre « Le chausseursachant chausser » se referait a unephrase que les enfants s'arnusaient arepeter a cause de sa difficulie deprononciauon : «Un chasseur sachantchasser doit savoir chasser sans sonchien». Dans les annees 80, unecampagne contre l'alcoolisme reprenaitune expression tres utilisee par lesjeunes: «Un verre, ca va ... Trois verres,bonjour les degats l ». Certains conside-rent toutefois que les publicitairesexagerent et contribuent trop a perver-tir le «beau langage ». Ainsi Ie sloganutilise par Ie ministere de la Sante, dansune campagne visam a defendre laSecurite sociale - « La Secu c'est bien, enabuser ~a craint» - a dec!enche desreactions d'indignation .

La IUlle pour la defense de la langue[ran~aise est a bien des egards unebataille perdue. En depit des consignes

officielles, on imagine mal que les gensrenoncent a l'utilisation de certainstermes d'origine anglaise (« le fran-glais») qui soru rnaintenant totalemerubanalises dans Ie langage, tels que«week-end », « marketing», «manage-rneru », «walk-man», «(zapper». Queles amoureux de la langue Irancaiserestem « cool» !...

ENCHANTE!

La simplicite prime de plus en plusen routes occasions. Les formules depolitesse trop longues ne sont plus demise. Aux formules de galanterie ecla-iantes du XVII' steele ont succede ladiscretion et la pruderie* bourgeoise duXlX' siecle, puis ce que certains quali-Iient de decontraction ou merne de rela-chement, au XX' sieele. Neanmoins onrespecte toujours plus ou moinscertaines regles ou plutOt certainsusages.

Lorsqu'on se presente soi-meme,on indique simplement son prenomsuivi de son nom, sans les faire precederde monsieur ou madame, et surtoul

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sans mentionner ses titres! II en est demerne lorsqu'on preserue differentespersonnes. Lerreur a ne pas commeure :annoncer monsieur ou madame suividu prenorn seul (ne pas dire parexemple je vous preserue «madameFrancoise» ! (Cette formule est utiliseeuniquement dans les milieux de laprostitution ... ).

[usage impose de presenter d'abordla personne «Ia moins importante» acelle a qui, selon les conventionssociales, est du le plus de respect: unhomme a une femme, une jeune fille aune femme plus agee, quelqu'un d'ordi-naire a une personnalite, On presente seshommages ou ses respects a une person-nalite (ses hommages a une femme, sesrespects a un homme) mais c'est un peu«collet monte». Parmi les formulespasse-partoul, on peut simplement dire aune personne a qui on est presente pourla premiere fois: « Enchante », « Tres. heureux », ou encore «Ravi de vousconnaltre», «Je souhaitais vous ren-contrer depuis longtemps».

Pour parler de la femme de que1-qu'un, iI est preferable de dire «votrefemme» ou bien «Madame Dupont»,plutat que «votre epouse» ou bien«vorre dame» (trop populaire). De lameme fac;on, pour parler de la fiUe dequelqu'un, on dira «votre Rile» et non« vorre demoiselle ».

On n'utilise pas Ie meme langagelorsqu'on change d'interlocuteur ou demilieu social. On ne parle pas de lameme fac;on de sa famille, de ce quiconceme sa vie privee lorsqu'on estentre amis, entre collegues ou avec unsuperieur hierarchique. Par exemple,lorsqu'on vit en couple sans etre marie(ce qui est rres frequent), se pose laquestion delicate de nommer soncompagnon ou sa compagne. Dans un

_6_LA LANGUE

cadre Iormel, on reste conventionnel endisant «rnon mari », «rna femme» ou«rnon compagnon », «rna compagne».Avec des intirnes, les femmes peuventdire «rnon mec », «rnon Jules» ou« mon bonhomme» ! Tres souvent, ondit simplement «rnon copain », « rnacopine », OU« mon ami », «mon amie ».C'est pourquoi d'ailleurs, lorsqu'onparle de quelqu'un avec qui on a desrelations amicales (et non pas amou-reuses), il est preferable - pour ne paspreter a confusion - de preciser « unede mes amies» ou «un de mes bonsamis».

Les enfants diseru souveru « lemonsieur» ou « la dame» pour desi-gner quelqu'un qu'ils ne connaissentpas. Les adultes peuvent egalementdesigner ainsi des inconnus dans unlieu public ou professionnel: «Vousconnaissez ce monsieur? ». Pour parlerd'une jeune fille ou d'une jeune femme,on utilise frequemment Ie terme de«fille». (<<J'ai renconrre une fiUe»,«Regarde cetle rule»). [usage du mot« fille» a beaucoup evolue. A l'origine,Ie terme designait une jeune nile ou unefemme non mariee. A la fin du XlX<siecle et au debut du xxc siecle, il desi-gnait plulat une prostituee (<< une rillede joie »). De nos jours, c'est un termeutilise d'une maniere banale et courante,qui marque meme une certaioe sympa-thie.

ATu ETA TOI

Lexistence des deux formes d'adres-se, Ie « tu» et Ie «VOUS», pose parfolsprobleme, Ie choix d'une forme ou del'autre pouvant sembler arbitraire et Ieglissement entre Ie « vous» et Ie « tu »etant parfois bien difficile a saisir. On dittoujours qU'aurrefols tout Ie monde sevouvoyait. On peut cependant remar-

• Les gestes des mains et des brasLes Frall9als mettent rarement

leurs mains dans leurs poches. lisgardent souvent Ie haut du bras serrecontre Ie corps, mals ont une flexlblliteIncroyable du coude, du polgnet et de lamain. [ ••• J Au cours d'une conversation,les Franc;als gardent souvent les brascrolses ou parfols mettent leurs polngssur les hanches. [ ... J Les gens "bieneleves" font molns de gestes que lesclasses plus populaires, les adultesmolns que les enfants, les hommesmolns que les femmes, et les genssobres moins que les gens lYres I

• La pos/tlon ass/seTradltionnellernent, les chaises sont

normalement raldes, droltes, faltes pourque les Franc;als s'y asseoient commelorsqu'lis se tlennent debout, c'est-a-dire de fa~on beaucoup plus drolte queles Americalns. [ ... J Les Franc;aismettent rarement leurs pleds plus hautque leurs genoux. Lorsqu'lls croisent lesjambes, ce qu'lis font souvent, la jambequi est croisee par-(!essus Ie genou,repose paralielement sur I'autre jambe.Les hommes des Etats-Unls, au lieu decroiser entlerement les Jambes, posentsouvent leur pied sur Ie genou oppose,ce qui serait consldere comme Impoll enFrance. Les Franc;als gardent souventles bras crolses quand lis sont asslscomme lorsqu'lls sont debout. [... J

• La demarcheLa dlffilrence entre la ~on de

marcher des Americalns et des Frall9alsest sl marquee qu'a Paris on peut repe-rer un Amerlcaln it plus de cent metres,rien qu'a sa demarche. [ ... ] Les Frall93isont tendance a marcher comme s'llsdescendalent un corridor etrolt; leurespace personnel est beaucoup plusrestrelnt. Leur demarche est reguliere,avec relativement peu de balancementou de deplacernent de cote. La plupartdu temps, la tete est Jegerementpenchee en avant, 51 bien qu'li sembleque ce soit elle la force motrlce quideclenche Ie mouvement en avant. Lereste du corps ne faisant que sulvre .•

Laurence. Wylie, Fran9als, qui 6te.vous ?Des essa/s et des chlffres,la Documentation fran~alse, 1981.

•••••••••••••••••••

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•••••••••••••••••••••JOINDRE LE GESTE A LA PAROLE

Dans la conversation, certainsgestes sont plus' eloquents que n'lm-porte quel discours! Encore fauNI qu'llssoient comprehenslbles pour des gensqui appartlennent a une autre culture •.•Un geste, un signe du corps, unemlmique peuvent parfois remplacertotalement une phrase ou un dlscours. IIpeuvent aussi accompagner la parole, larenforcer, la completer ... ou lui donnerun sens radlcalement different. Volelquelques gestes couramrnent utilisesdans la conversation, avec leur traduc-tion approxlmatlve* .

• Pour montrer qu'on apprecle:• Formldable s, •C'est extra-,« Bravo! •.

On leve Ie pouce au niveau de lapoltrlne, eventuellement en bougeantaussi la tete vertlcalement.

• Pour refuser categoriquement uneoffre: • Nonmerci -.

On secoue la tite de droite agauche en levant la main.

6LA LANGUE

• Pour refuser une demande: «Tintln, tun'auras rien du tout", ·Tu peux toujourscourir., - Des clous-.

On semble rejeter quelque ehosederriere I'epaule ou sur Ie cote. Le gesteest eventuellement accompagne d'ungonfiement des loues.

_- ~

r ;~Il1vfl~!'~

. ~~~.

! }':

• Pour argumenter: • Vous voyez bien,c'est evident!-.

la main deployee sur Ie cote, paumeouverte, semble montrer quetque chose.

• Pourexprlmer 1'lncreduUte:• Moo CBiI.,de ne te crols pas •.

l'index tire la paupiere inferieurevers Ie bas.

• Pour formuler un souhalt ou conjurer Iesort: • Pourvu que Ciamarche 1-.

Oncroise Ies dolgts, Ie majeur placeen travers de I'index.

• Pour ernettre une objection: • Pasquestlon-, • Pardon, je ne suls pas d'ac-cord»,

La paume de la main est leveecontre I'exterieur. Ou bien leve l'lndex,en partlculler pour rectifier.

• Pour montrer qu'on a mal compris oumal entendu, ou que I'on est tressurpris: -Qu'est-ce que tu dis? • Peux-tu repeter'?

Le menton en avant, la tete legere-ment de travers, on fronce les sourclls,on pllsse les paupleres et on ouvre labouehe comme pour dire un • Hein? ouun -Quoi?-,

-:',

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• Pourexprimer la lassitude: -ta barbe-,«II nous fatigue., •Y en a marre·.

Le dos de la main frole la joue dansune serie de mouvements de haut enbas.

• Pourordonner a quelqu'un de se talre:• Tats-toi., • La ferme ».

Les quatre doigts accoles claquentcontre Ie pouce pour figurer une bouchequi s'ouvre et se fenne.

/(-.

• Silence. Motus et bouche cousue : • Jene vous al rlen dit. au bien •Tu mepromets de ne rlen dire',

On trace un trait au nlveau de labouche, Ie pouce et I'lndex plncent lestewes.

_6_LA LANGUE

.Pour parler de quelqu'un qui netravaiDe pas: .11sa toume Ies pouces', -IIsa Ies roule toute la joumee •.

Les dolgts crolses Ii hauteur de Iatallie, on tourne les pouces I'un autourde I'autre

• Pour demander Ie silence.L'lndex est pose, vertical, contra lesievres avancees pour prononcer •Chut .,

)I

• Pour commencer une explication.Le pouce est leve, la main elfectue unmouvernent de rotation sur Ie cOte.

• Pourexprlmer I'impulssance: I'attitudedu corps conslste Ii soulever lesepaules, les bras et les mains tandlsque la trlstesse du visage vlent conflr-mer l'lmpulssance,

• Pour signifier la perfection: Ie cercleest ferma par Ie pouce et l'lndex reunlsen rond par leurs extremltes.

(

O'apres Genevieve Calbrts et JacquesMontredon, Desgestes at des motspour Ie dire, CLf International, 1986.Oesslns de ZAU•

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•••••••••••••••••••••MOTS O'ARGOT

ETGROS MOTS

L'argot etalt a ses debuts - au xv,·sleele - la langue des gueux * et desmalfalteurs. On I'appelait la langue du•milieu· ou encore <la langue verte •.Victor Hugo parle des prlsonnlers qui luiapprennent a - rouscailler bigome •.Progresslvement, I'argot va contrlbuer aenrlchlr la langue offIclelle, car c'estune langue coIoree, riche d'evocationsparfols grossleres, mals aussl poetl-ques. Les romans poIlclers de SanAntonio sont truffes* d'expresslonsargotiques. Certains groupes sociauxou corporations - par exemple les imprl-meurs, les marins, les bouchers - ont unargot particuller qui rend leur langageIncomprehensible aux non Inltles, aceux •qui ne sont pas au parfum-I

• Les gros mots', ce sont Ies motsvulgaires ou grossiers, Ies jUrons. On lestrouve quelquefois dans Ia Iltterature.Ainsl Goncourt, dans son joumal: .Ah,creoom de Dleu,foutre ... ·, Sacha Gultry,dans Tu m'as sauve la vIe: -Merde, eaveut tout dlre-, ou Glono dans Un deBaumugnes: ·Tu n'es qu'un fichu sail-gaud.. On abregeait parfols pudlque-ment ces mots Interdits. Le titre de lapleee de Sartre La Putaln respectueuseapparaissalt alnsl sur la couverture: LaP... tespectueuse. Quand, excede*, onvoulalt dire -merde· a quelqu'un, on luidlsalt •Jete dis les clnq lettres '.

Les aduites Interdlsent aux enfantsde dire des gros mots, car it est tres maleleve de «jurer comme un charretler.(de Jurer a tout propos). Mals on peutconstater que la censure s'est beau-coup relachee depuls une vlngtalned'annees, dans tous les milieux I Le mot«putaln', par exemple, est devenu pres-que banal dans Ie Iangage parle. Cen'est plus forcement une Insulte, c'estune formule qui peut Indlquer I'etonne-ment. On dlt parfols en plaisantant quepour certaines personnes, c'est un slgnede ponctuation qui equivaut a unevirgule I

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Parisiens, dicl}!!vrez tefrarlfais.

VERLAN [VERla] n. m. - v. 1970; uerlen 1953, Le Breton; inversionde (a) l'enoers • Argot conventionnel consistant a inverserles syllabes de certains mots (ex. laisse beton pour laissetomber, feca (care), trome (metro), ripou (pourri), et, avecalteration, meuf pour femme).

DICTIONNAIRES LE ROBERT

6LA LANGUE

quer, par exemple chez Moliere, quecertes, on vouvoyait ses sernblables,mais on tutoyait ses dornestiques, et lesdomestiques se rutoyaient entre eux, LaRevolution de 1789 pronait l'usage du« tu », mais le « vous» s'est pourtantmaintenu. De £ac;on generale. on peutdire que Ie vouvoiement s'utilise avecles personnes qu'on ne connatt pas oupeu, ou bien qu'i! indique une marquede respect ou une certaine distancesociale, tandis que Ie tutoiement mani-feste la familiarite, la proximite, la soli-darite.

Dans les relations de couple, il estdevenu rare qu'on se vouvoie entreepoux. Entre amis du meme age, sau[chez les personnes agees, it est egale-ment rare qu'on ne passe pas tres vite

au uuoiement, Les jeunes d'aujourd'huise rutoient toujours, merne lors d'unepremiere rencontre.

Entre parents et enfants, on setutoie pratiquement dans tous lesmilieux, y compris dans les familiesbourgeoises, ou pourtant jusque vers lesannees 50-60, les enfants vouvoyaientsou vent leurs parents. A l'ecole, les insti-tuteurs tutoient les jeunes enfants et, leplus souvent, les jeunes enfants tutoientleur instituteur et l'appellent par sonprenom. Les professeurs tutoient de plusen plus frequemment les eieves aucollege et au lycee (mais les eleves netutoient pas les pro[esseurs) ;en revanche,ils vouvoient les etudiants dans l'ensei-gnemem superieur.

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Dans les relations professionnelles,on se tutoie souvem entre collegues dumerne age et de merne niveau de qualifi-cation. La plupart du temps, on vouvoieses superieurs hierarchiques, ainsi queles personnes ayant un starut subal-terne. Le tutoiernent est en revanchecompleterneru banalise dans certainesprofessions, telles que la publicite, lecinema, l'enseignerneru ou la recherche.Dans la vie publique officielle, le« vous » est de rigueur, mais it arrive deplus en plus que, dans des debars televi-ses par exernple, les intervenants qui seconnaissent se tutoient. La traditionveut que l'on utilise le « tu » entre mili-tants syndicalistes ou politiques.

Choisir d'uriliser le « tu» ou Ie« Vous» est donc raremem neutre. Celamarque un rappon d'egalite, ou aucontraire une distance affective, sociaIe,ou hierarchique. II y a, dans la plupandes cas, reciprocite. 5i une personne que1'0n tutoie repond par Ie vouvoiement,c'esl qu'il y a une tres grande differenced'age et/ou pour manifester des rapportsd'aulorite, de subordination. Dans unesituation de conllil ou de slress, rutoyerquelqu'un qu'on ne connalt pas est unemarque de mepris ou d'insulle: un poli-cier s'adresse a un delinquant en Ietutoyant, des automobilistes en coleres'injuriem en se tutoyam.

L'ART DE LA CONVERSATION

La regie d'or est de ne pas etreennuyeux dans une discussion ou undebal. Avoirde la repartie, savoir rnamerla plaisanterie avec legerele et decon-traction, sortir quelques bons mots ...voila ce qui channe les Fran~is! Lesdiscussions som souvem passionnees.On est capable de s'empoigner a proposde n'importe quelle brouLille*.On n'he-site pas a defier les regles elementaires

_fi__lA LANGUE

de la politesse, en coupant la parole sansscrupule pour contredire, donner sonavis ou Iinir la phrase d'un iruerlocuteurhesitant. La contestation, la critique, lesquerelles, les zizanies, font partie desplaisirs de la conversation. On parlebeaucoup, on est capable de s'entretuerpour defendre une idee, quitte a sereconcilier cinq minutes apres. QuelFrancais n'a pas refait le monde dansune soiree avec des amis et apresquelques verres "1

l'important est que la conversationsoit «nourrie », qu'elle ne tombe pas.Les rires, le niveau des voix qui monte,Ie ton qui change, le rythme qui s'acce-Jere, sont autant de signes que l'on a dupJaisir a etre ensemble. 5i les interlocu-leurs manifestem une baisse d'interel etd'attemion - Ie regard devient vague oufuyant, Ie LOnbaisse -, il [aut trouver unmoyen de ranimer Ie debat, de fairerebondir la conversation. Cest aussitOUlun art que de se lancer dans desdigresSions, des parentheses, des asso-ciations d'idees, sans avoir I'air des'ecarter du sujet!

II est frequent qU'une conversationgenerale se transforme en conversa-tions particulieres. On ecoute Ie debatprincipal, on participe a la conversationdu groupe et, en meme temps, on faitdes apanes* avec son voisin. 5i I'on eSldoue, on peut participer simultanementa deux conversations differentes !

La conversation a table est un peuparticuliere.Eliedoit etre spiriluelle,maislegere,pour laisserplace aux plaisirsde lagastronomie. La regie d'or est d'aborderdes sujets suffisamment generaux pourque personne ne soit gene. De quoiparlent surtout les Franc;aisa table? De cequ'ils om mange en d'autres occasions...•

•••••••••••••••••••••LE DICTIONNAlRE DES MOTS QUI

BLANCHISSENT LA REAUTE

ATYPIQUE: orlgtnal mals convenable. Unartiste ou un homme politique atyplquefait preuve de personnallte mals segarde bien de choquer.BAVURE: bnrtallte pollclere.BLACK: [ ••• ] terme plus jeune que Noir etmolns Insultant que Negre.CALVAlRE: somme de problemes, sansjugement moral.COMMUNIQUER: autrefois on partalt, onbavardait, on discutalt et on se dlspu-talt. Desonnals, on communique. II n'estpas reellement necessalre d'avolrquelque chose Ii dire car, dans lacommunication, Ie sens est secondaire.DEGRAISSAGE: terme de lesslve pour desi-gner des IIcenciements motives par uneperte de profit.IW.WCINANT: apres avoir perdu leur sensd'orlgtne, cet adjectlf et Ie verbe dont IIprovlent se contentent de marquer unelegere surprise: •Maurice t' a Invite aurestau? Non, mals j'halluclne !•LEGENDE: des qu'iI gagne un match, unsportif entre dans la legende. II n'y restepas longtemps. Un livre ou un fllmqu'une generation apprecle devlennentculte (. un fllm-culte.).MAL-coMPRINANT: con. De la meme veine,pour s'epargner des mots crus, vousavez noll-voyant pour aveugte, ou mal-entendant pour sourdingue.pAS-TOUT-Aof'AJT-cOMME-LES-AUTRU: expres-sion utili see a l'excEls pour parter d'unindlvidu ou d'un evenement qu'on neparvient pas a definir par manque devocabulalre. On y devine neanmoIns unsou~on d'orlgtnalite ou une difference,meme legere, avec la nonne. ·Ce nesera pas un jour tout iii fait comme lesautres sur I'hlppodrome de Longchamp. •PERSONNE DE PETITE TAJU.E: nain. Pourmasquer la realite, las perlphrases*temes soot les bienvenues. Un handi-cape moteur n'est-iJ..pasplus chic trans-forme en personne iii mobIllte rectulte?IOF: misereux, clochard, vagabond sansdomicile flxe, c'est+dire avec un domi-cile mobile, Ie plus souvent un carton.SURREAuSTE: cliche en vogue. AdjectHderive de son sens premier qui quallfledbsormais une scene qu'on juge insoliteou surprenante [ ... ]

Actue/, n° 35, novembre 1993.

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1EXERqCES DE STYLE

2HOMONYMES

6ACnvnis

Raymond Queneau, dans son livre Exerdces de style, raconte la rnerne histoire de99 manieres differences.

Dans Ie rneme esprit, void plusieurs rnanieres de faire Ie merne recit,Identifiez Ie style de langue dont iI s'agit:

I. langue administrative (un rapport de police)

2. langue familiere

4. langue des adolescents (actuellement)

5. langue chatiee

a La dame du cirquierne, elle est tornbee en allant faire ses courses. La police l'a emme-nee aux urgences. Les docteurs ont dit qu'elle pouvait rentrer chez elle sans problerne.

b. Notre immeuble est en ernoi parce qu'une des locataires, Madame X une charmantevieille dame, a fait une chute hier en allant faire son marche. Les agents de police I'onttransportee a I'hopital pour un examen medical. II s'est avere, fort heureusementqu'elle n'avait rien de grave et qu'elle pouvait rentrer chez elle.

c. Hier, Madame X, 73 ans, a fait une chute sur la voie publique. Nous nous sommesrend us sur les lieux de I'accident et no us I'avons transportee a I'hopital. Apres avoir eteexaminee par Ie medecin de garde, elle a pu regagner son domicile.

d. La vieille du dnqcieme, tu sais quoi, elle s'est rarnasse une gamelle en allant acheter abouffer. lis ont appele les keufs qui l'ont arnenee a I'hosto. Mais les toubibs l'ont lachee,elle avait que dalle.

T rouvez la definition correspondant a chacun de ces homonymes :

I. cher - 2 chere - 3. chair - 4. chaire

a ce qui constitue Ie corps des hommes et des animauxb. tribune sur laquelle monte Ie pretre pour s'adresser aux fideles ou Ie professeur

pour faire son cours; poste Ie plus eleve a Iuniversite.c. qui est d'un prix eleved. nourrituree. qui est arne

Lequel de ces mots convient dans les expressions suivantes ?

I. cher - 2. chere - 3. chair - 4. chaire

I. II va sowent au restaurant car il est amateur de bonne

2. Le predicateur monte en

3. La .. ..... de philosophie de la Sorbonne

4. Nous avons invites des amis tres .

5. II aime trap les plaisirs de la Ca Ie perdra!

6. j'ai paye cette robe beaucoup trap .....

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3TEST:

PARLEZ·VOUS FRAN~AISCOMMEUNEVACHE

ESPAGNOLE?

4CHASSONS LE FRANGLAIS

6AC11VI1is

(Parler francais comme une vache espagnole ou «comme un basque espagnol »,qui est I'expression d'origine.)

Mode d'emploi: cochez une ou plusieurs lettres par question, car iI y a parfoisplusieurs reponses possibles.

I. Ce qui fait craquer chez vous ?a votre regard enjoliveurb. votre regard enj61eurc. votre regard envoOteur

2. Vous presentez votre fiance a votresceur. Elle trouve qu'il appartient a lavieille ecole, ce qui lUI fait dire :a ce type est trop formaliste pourtoib. Marc-Antoine est trop formel pour

toic. Marc-Antoine est d'un protocolaire,

ma cherie!

3. Alors que ce qu'elle appreciait chezOscar, c'est qu'il etait un veritable ...a boute-en-trainb. bout-en-train

D'apres AVQntages nO 61, octobre 1993.

4. Grande discussion en famille dimanchedemier. Comment et ou allez-vous vousmarier? En robe blanche ou en tailleurvert pomme?Cest une question tres ...

a contreverseeb. controverseec. contre-versee

5. Bref. tout Ie monde vous en a ...a rebattu les oreillesb. rabattu les oreilles

6. Cest vrai, vrai de vrai!Alors il faut dire ...a cela s'avere vraib. cela s'avere (tout simplement)

.« IEJA nUUO)aJ})aJ!P If)aJ\ «9J9J\l?») q '9 - E'S - q'v -.Jnawn4 suuoqsp ·U!l!..Ilua «ameur» a!}!u~!sS!.nueJj uaoue ua «,JaV!oq») E 'E -) ld E·Z.- q '1 :sasuod9~

Dans Ie texte ci-dessous, les mots en italique sont ernpruntes a I'anglais. Certainssont tellement entres dans les habitudes qu'iI parait difficile de les abandonner.D'autres peuvent facilement etre rem places par des equivalents a prendre dans laliste de mots qui suit.

«Pierre, un crack de I'informatique, avait eu une semaine hard. Son patron lui avaitarmonce un scoop: il etait propose pour un poste de manager: II etait ravi, mais celasupposaIt pour les mois a venir un challenge difficile a tenir ... Pour ne pas sombrer dansIe blues, il avait decide de s'accorder un break en passant un samedi cool: Ie matin, unpetit footmg au bois pour se mettre en forme, puis dejeuner dans un fast-food, ensuiteun film avec sa star preferee et enfin un peu de shopping pour acheter quelques CD.Pour la soiree, il hesitait entre la party OU il etait invite et un-club tres smart dont on luiavait parie. Ses collegues auraient ete surpris de voir son look du week-end: un jean, desboots, et un walk-man sur les oreilles. »

I. as - 2. cadre dirigeant - 3. cafard - 4. chic - 5. courses - 6. coupure - 7. def -8. difficile - 9. fete - 10. nouvelle sensationnelle - I I. style - 12. tranquille