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A LA DÉCOUVERTE D'ERNEST BUSSIÈRE, SCULPTEUR LORRAIN DE LA « BELLE ÉPOQUE » par Bernard GRUNWALD, membre correspondant « Découvrir, c'est voir ce que tout le monde a vu et penser ce que personne n'a pensé ». Cette réflexion du prix Nobel de médecine que fut le Hongrois Albert Szent-Gyorgyi m'amène à croire que, quel que soit le domaine de la recherche, - scientifique, historique ou artistique -, à laquelle on s'adonne, l'aboutissement déclenche aussitôt chez celui qui l'a entreprise, un débordement d'enthousiasme et de satisfaction qu'il s'empresse de communiquer à son entourage. Alors qu'en août 1980, je passais mes vacances en Normandie, je fus abordé par une dame qui avait appris mes origines lorraines : « Le nom de Bus- sière évoque-t-il quelques réminiscences au Lorrain que vous êtes ? » C'est en ces termes que cette dame, belle-fille d'Ernest Bussière, amorça la conversa- tion. Devant mon ignorance un peu honteuse, elle enchaîna sur le champ, escomptant bien cette fois une réponse qui ne pouvait qu'être positive. « Si je vous cite Galle, Prouvé, Friant, Majorelle, Lalique, Grùber... » Elle ne pour- suivit pas son énumération puisqu'un « oui » plein d'assurance de ma part devait attester que je possédais cependant quelques connaissances de notre his- toire artistique lorraine... J'appris alors que son beau-père avait été l'ami de tous ces artistes de renom et dont la Lorraine est fière. J'appris aussi que lors de la bataille de Nor- mandie les Allemands avaient détruit dans l'appartement de cette dame, habi- tant Caen, la majeure partie des documents, esquisses et oeuvres d'art que pos- sédait son mari, décédé depuis peu et qu'il conservait jalousement en mémoire de son père Ernest Bussière. Il avait bien essayé de reconstituer ce fonds de souvenirs, mais son éloigne- ment de la Lorraine ne facilitait pas les choses. Ma curiosité aiguisée, je promis alors à M me Bussière de poursuivre cette quête de reliques dès mon retour en Lorraine, compte tenu de l'intérêt que je porte à notre région, à son histoire et son patrimoine artistique. Ma mission fut donc de faire resurgir le souvenir de l'artiste lorrain Ernest Bussière, quelque peu oublié, voire inconnu de la plupart de ses compatriotes. Cette adhésion devait rapidement se muer en passion, car allant de découvertes en découvertes, je ne devais pas tarder à cerner l'homme, son oeuvre et son 167

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A LA DÉCOUVERTE D'ERNEST BUSSIÈRE, SCULPTEUR LORRAIN D E LA « BELLE ÉPOQUE »

par Bernard G R U N W A L D , membre correspondant

« Découvrir, c'est voir ce que tout le monde a vu et penser ce que personne n'a pensé ».

Cette réflexion du prix Nobel de médecine que fut le Hongrois Albert Szent-Gyorgyi m'amène à croire que, quel que soit le domaine de la recherche, - scientifique, historique ou artistique - , à laquelle on s'adonne, l'aboutissement déclenche aussitôt chez celui qui l'a entreprise, un débordement d'enthousiasme et de satisfaction qu'il s'empresse de communiquer à son entourage.

Alors qu'en août 1980, je passais mes vacances en Normandie, je fus abordé par une dame qui avait appris mes origines lorraines : « Le nom de Bus-sière évoque-t-il quelques réminiscences au Lorrain que vous êtes ? » C'est en ces termes que cette dame, belle-fille d'Ernest Bussière, amorça la conversa­tion. Devant mon ignorance un peu honteuse, elle enchaîna sur le champ, escomptant bien cette fois une réponse qui ne pouvait qu'être positive. « Si je vous cite Galle, Prouvé, Friant, Majorelle, Lalique, Grùber.. . » Elle ne pour­suivit pas son énumération puisqu'un « oui » plein d'assurance de ma part devait attester que je possédais cependant quelques connaissances de notre his­toire artistique lorraine...

J'appris alors que son beau-père avait été l'ami de tous ces artistes de renom et dont la Lorraine est fière. J'appris aussi que lors de la bataille de Nor­mandie les Allemands avaient détruit dans l'appartement de cette dame, habi­tant Caen, la majeure partie des documents, esquisses et œuvres d'art que pos­sédait son mari, décédé depuis peu et qu'il conservait jalousement en mémoire de son père Ernest Bussière.

Il avait bien essayé de reconstituer ce fonds de souvenirs, mais son éloigne-ment de la Lorraine ne facilitait pas les choses. Ma curiosité aiguisée, je promis alors à M m e Bussière de poursuivre cette quête de reliques dès mon retour en Lorraine, compte tenu de l'intérêt que je porte à notre région, à son histoire et son patrimoine artistique.

Ma mission fut donc de faire resurgir le souvenir de l'artiste lorrain Ernest Bussière, quelque peu oublié, voire inconnu de la plupart de ses compatriotes. Cette adhésion devait rapidement se muer en passion, car allant de découvertes en découvertes, je ne devais pas tarder à cerner l 'homme, son œuvre et son

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talent. Par ailleurs, il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui s'affirme un certain engouement pour cette époque 1900 au cœur de laquelle Ernest Bussière avait produit, beaucoup produit, comme nous allons l'observer.

Mes premières démarches me conduisirent à compulser une large collection de ces excellentes revues que sont le Pays lorrain, le Bulletin des Sociétés artisti­ques de F Est et la Lorraine artiste. La fréquentation des musées, des bibliothè­ques, des Archives, de l'Ecole des Beaux-Arts, me procurèrent de nombreuses pistes, sans toutefois me fournir une communication consistante. Pourtant, on parle d'Ernest Bussière, on cite ses œuvres et ses participations à certains salons. Je fondais de gros espoirs sur un maître, un érudit incollable sur l'his­toire de la Lorraine, je veux parler de notre ami Henri Tribout de Morembert qui, me communiqua de maigres informations - erronées qui plus est - mais ce n'était pas de sa faute. Il avait recherché dans le Dictionnaire de biographie fran­çaise une notice sur Bussière qui n'existait pas. Mais il avait trouvé dans le Béné-zit, le Dictionnaire des peintres, sculpteurs, etc. l'indication suivante : « scul­pteur, né à « Arc sur Moselle » (sic) mort en 1937 (re-sic) mention honorable au Salon en 1889 ».

Francis Roussel, le secrétaire régional de l'inventaire, ainsi que M. l'abbé Choux, conservateur du musée lorrain, et M m e Francine Roze, m'ont procuré chacun une notice nécrologique donnant de larges citations de ses œuvres et évoquant la perte que ressentait l'art lorrain avec la disparition de notre homme.

Je tiens à les remercier de m'avoir si aimablement procuré ces catalyseurs qui allaient me permettre de me lancer dans mon aventure. Je n'aurais garde d'oublier la secrétaire de mairie d'Ars-sur-Moselle, puis M l l e Guillaume, conser­vateur du musée des Beaux-Arts de Nancy, M l l e Charpentier, conservateur du musée de l'Ecole de Nancy, MM. Léonard et Dallemagne conservateurs des cimetières de Pré ville et du Sud, M l l e Lebris, documentaliste-archiviste de la ville de Nancy, M. R. Sittler adjoint au maire de Nancy, qui m'a donné l'autori­sation, à titre exceptionnel, de prendre quelques clichés photographiques de monuments funéraires dus au ciseau d'Ernest Bussière, dans l'enceinte des cimetières nancéiens.

Merci au regretté Jean Prouvé (fils de Victor Prouvé) qui devait nous quit­ter le 23 mars 1984, ainsi qu'à Emile Bachelet et André Chardot pour leurs témoignages et les souvenirs qu'ils ont bien voulu nous communiquer, eux qui avaient connu Ernest Bussière.

Je réserve des remerciements particulièrement chaleureux à M. le D r

André Rossinot, député-maire de Nancy, et à tout son Conseil Municipal, pour une décision prise lors de la séance du 3 février 1983. J'aurai l'occasion d'y reve­nir plus loin.

Me voici donc prêt à vous livrer le fruit de cette recherche d'informations recueillies au fil de mes moments de loisirs depuis 1980. Cette moisson se pour-

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suit pourtant car je n'ai pas encore tout découvert de cet immense héritage artis­tique.

SA JEUNESSE Ernest Bussière voit le jour à Ars-sur-Moselle le 30 juillet 1863. Issu d'une

famille modeste, son père Edmond est « tourneur sur fer » dans l'une de ces petites industries implantées sur les bords de la Moselle à Ars, là où l'on fabri­que des boulons, des écrous, là où l'on pratique la première transformation du fer lorrain.

Lorsqu'Ernest Bussière atteint l'âge de 7 ans, l'orage gronde sur la Lor­raine. En effet, nous sommes en 1870. M m e Bussière, née Anne Henry (1838-1898), vient de perdre son mari depuis peu. Elle se trouve veuve avec deux enfants à sa charge, Ernest et Louis son frère, ainsi que sa vieille maman. Devant les événements, M m e Bussière qui est une femme de tête, se sent investie d'une responsabilité à laquelle elle doit faire face, poussée par ses sentiments patriotiques. Sans la moindre hésitation, elle prend la décision de quitter Ars avec sa famille pour se rendre à Nancy. On se souvient que cette ville toute pro­che était devenue le refuge, à cette époque, de bon nombre d'Alsaciens et Mosellans appréhendant la perspective d'une annexion de leurs territoires par les Allemands.

Ils voulaient à tout prix éviter de se voir, eux ou leurs enfants, enrôlés un jour ou l'autre dans l'armée des envahisseurs.

C'est du reste ce que précise la mère d'Ernest et de Louis Bussière en arri­vant à Nancy : « Je n'aurais supporté de les voir un jour porter le casque à pointe ». Les voilà donc, deux femmes et deux jeunes enfants, livrés à eux-mêmes, débarquant à Nancy avec des bagages peu encombrants pour toute richesse. Ils sont désemparés, démunis de tout, sinon du courage qui anime ceux qui s'accrochent à la vie. Combien de Lorrains firent preuve de ce même cou­rage dans des circonstances similaires au cours de l'Histoire qui précéda ou qui, hélas, devait suivre ces événements. Des Nancéiens généreux les prennent en charge et leur apportent leur aide dans la recherche de moyens de subsistances.

Ces deux femmes se mettent à travailler pour subvenir aux besoins fami­liaux. Elles décident de tenir une petite épicerie dans la rue du Montet (actuelle rue du Général Leclerc), précisément à l'intersection de la rue des Quatre Egli­ses et à proximité du pont du chemin de fer. Cette épicerie existe toujours. Les enfants, avec l'insouciance de leur âge, s'adaptent à leur nouvelle existence et à leur nouveau cadre de vie. Ils se font rapidement des camarades avec lesquels ils vont à l'école, jouent et grandissent. Chacun travaille consciencieusement pour satisfaire une mère qu'ils voient peiner pour eux.

Le cours de l'existence amène Louis à faire une école de commerce. Il réus­sit et fait carrière jusqu'à l'aboutissement au rang de Président du Syndicat des V.R.P. et sa notoriété l'amène encore à siéger au Conseil Municipal de Nancy.

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Grande figure de bronze (Caveau Evrard au cimetière de Préville).

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Il a un fils Edmond, qui devient avocat à la Cour d'Appel de Nancy et plus tard, suivant les traces de son père, il siège également au Conseil Municipal de Nancy. Avec son épouse, Simone, ils furent de grands résistants au cours de la dernière guerre. J'eus le plaisir de connaître Maître Edmond Bussière qui décéda en 1982.

Quant à Ernest, il fait découvrir très tôt ses talents artistiques au cours de sa scolarité. Le dessin, le modelage, la sculpture le passionnent. L'habileté de ses doigts et de ses mains se révèle de jour en jour. Il maîtrise l'argile, il manipule avec bonheur maillet et ciseau. Du concret étonnant et artistique se libère de la masse de bois ou de pierre. Sa voie est toute tracée. Il accède à l'Ecole Munici­pale et Régionale des Beaux-Arts de Nancy où il va de façon décisive former et confirmer son talent de sculpteur.

En 1877, à 14 ans, il suit des cours de modelage que professait alors un maître excellent et réputé entre tous, expulsé de Metz par les Allemands : Charles Pêtre, dont la statue imposante et puissante du Maréchal Ney n'échappe pas à la vue du promeneur qui aborde l'Esplanade à Metz.

A 15 ans Ernest Bussière présente un médaillon de sa mère (1878) et les encouragements qui lui sont prodigués le stimulent et dès lors, se trouvant par­faitement dans sa peau, il va travailler d'arraché pied et dans l'enthousiasme jusqu'à la fin de son existence.

PARIS En 1881, avec 475 F d'économies péniblement amassées, il « monte » à

Paris, seul. Il a 18 ans et se fait admettre après examen à l'Ecole nationale des Beaux-Arts où pendant 8 ans il apprendra et perfectionnera son métier. En 1883 il présente au Salon de Paris un buste de sa mère qui est remarquable de fidélité, de beauté et de finesse.

Pendant cette période parisienne, il fréquente des amis nancéiens élèves des Beaux-Arts avec lui. On le retrouve en effet avec Mathias Schiff et son grand ami du même âge : Emile Friant, peintre dessinateur, graveur et origi­naire de Dieuze. Celui-ci fut prodigieux... et fut aussi la Providence de Bussière, animé qu'il était, de la profonde amitié qu'il lui vouait. Il mérite à lui seul une large parenthèse.

A quinze ans, Emile Friant (né également en 1863), vit depuis 8 ans à Nancy avec sa famille.

Les Friant aussi ont j u i devant les Allemands en quittant ce coin de la « Meurthe » devenue en 1871 au traité de Francfort une fraction territoriale rat­tachée au département de la Moselle, donc annexée. A 15 ans (1878), Emile Friant ose exposer au « Salon des Amis des Arts » à Nancy. Il présente quatre tableaux (portraits, nature morte, et paysage). Les Nancéiens ont les yeux fixés sur ce phénomène précoce et talentueux. Sa réussite lui permet de vendre ses « ouvrages ». Pendant un an, il va déployer une activité locale telle, que la ville

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La Lorraine saluant ses morts (Cimetière de Longwy-Haut)

de Nancy n'hésite pas à l'adopter comme boursier. En 1879, c'est-à-dire un an après son succès et sa révélation fracassante au Salon, il se voit attribuer une pension de 1 200 F qui lui permet de vivre, de travailler et de se perfectionner. Il va se mesurer, plein de dynamisme, avec ceux qui comme lui sont en train d'arriver, avec ceux qui sont déjà arrivés et enfin avec ceux qui n'arriveront jamais. Quant à lui, il réussit pleinement et sans attendre. Il fait partie des pro­diges qui arrivent et auxquels la vie sourit. Il part à la conquête de Paris où il récolte succès et honneurs. Emile Friant peut désormais compter sur son public à Paris et se tailler une belle clientèle. Il est toujours titulaire de la bourse que lui attribue la ville de Nancy. Mais son esprit de générosité le conduit en 1884 (il a 21 ans) à aller trouver le maire de Nancy M. Volland. Il le prie de confier cette pension de 1 200 F à son compatriote et ami Ernest Bussière.

S'il l'avait voulu, il aurait pu encore en disposer pendant de nombreuses années, mais il fut pris d'un scrupule qui, en son âme et conscience, lui dictait

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Monument de Fontenoy-sur-Moselle (1896).

d'en faire bénéficier son ami qui en avait, sans doute, grand besoin et qui, ayant mesuré son talent, le méritait tout autant que lui. Mais Emile Friant fut récom­pensé largement de son geste généreux, se doutant peu de ce qui l'attendait.

En effet, le Sénateur-Maire de Nancy M. Volland, ayant apprécié cette décision spontanée, mit Emile Friant en présence de Coquelin le grand socié­taire de la Comédie-Française qui était de passage à Nancy au cours d'une tour­née. S'adressant à Emile Friant, il lui dit : « Venez me voir à Paris, jeune homme, je vous donnerai de l'ouvrage ». Ainsi fut fait et la gloire de Friant fut éclatante.

En 1889 (26 ans) il va connaître un succès exceptionnel à l'Exposition Uni­verselle qui s'étale au Champ-de-Mars. Il n'expose pas moins de dix tableaux, remporte une médaille d'or, se fait épingler la Légion d'honneur.

Il brille de toute sa gloire dans tous les journaux dont les critiques d'art ne tarissent pas d'éloges. Ils sont pour lui, avec lui. C'est un artiste comme on en a rarement vu et qui sait impressionner le public par la qualité de ses réalisations d'une parfaite beauté et d'une éloquence de grand style. Il connaît même une notice biographique détaillée dans le dictionnaire Larousse. Feuilletez ce dic­tionnaire aujourd'hui ; il n'y figure plus une ligne sur E. Friant, le grand artiste, puisque son nom n'est même pas cité.

Enfin, en 1923 les portes de l'Académie s'ouvrent devant lui. Il est un des quatre de Dieuze a avoir eu l'honneur d'accéder à l'Institut avec Edmond About l'écrivain, Charles Hermite le mathématicien, et Gustave Charpentier le musi­cien.

Au cours de mes recherches au cimetière de Préville, j 'a i vu la petite cha­pelle où il repose. A travers les grilles, on remarque le portrait d'Emile Friant

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en habit d'académicien. Cette image est un reflet de bonté et de douceur qui ne laisse pas insensible, car il incline au recueillement et à la prière.

Ernest Bussière ne connaît pas une telle envolée glorieuse. Mais le succès lui sourit néanmoins. Il se fait remarquer aux Salons de Paris lui aussi, précisé­ment en 1887, 88 et 89 avec de belles présentations de bustes et portraits.

RETOUR EN LORRAINE Sa réputation est en bonne voie et il considère qu'un retour à Nancy peut

être envisagé. Nous sommes en 1889. Dès son retour en Lorraine il participe à un concours pour le projet du mausolée de Mgr Trouillet, le promoteur de l'église S.-Epvre à Nancy. Il remporte ce concours avec une « mention honora­ble ».

Ernest Bussière retrouve et travaille de concert désormais, avec la bro­chette d'artistes contemporains et lorrains qui, eux, devaient laisser leur nom à la postérité de façon plus nette et précise. Il s'agit de Galle, Prouvé, Majorelle, Daum, Grùber, Lalique... enfin, de tous ceux que M m e Bussière m'avait cités, lorsqu'en Normandie elle sondait mes connaissances sur l'art en Lorraine, dans les premiers instants de notre rencontre fortuite.

C'est le temps de la « Belle Epoque » qui s'annonce, de 1'« Art Nouveau », de 1'« Art 1900 », du « Modem Style » qui apparaît en flou. Chacun va s'expri­mer et préciser les contours de ce flou dans sa discipline propre : la peinture, la pâte de verre, l'ébénisterie, le cristal, la ferronnerie, l'architecture. Chacun dans cet élan artistique, va œuvrer pour le renom de la Lorraine et participer à l'éclosion de 1'« Ecole de Nancy ».

Ernest Bussière est un sculpteur et la statuaire qui reste classique et très académique ne se démarque pas de la même façon. On travaille à la commande pour les collectivités locales, qui souhaitent un monument au milieu d'une place publique. On honore tel ou tel professeur d'Université ou personnalité dont on veut conserver le souvenir. Il est le statuaire de Nancy auquel on fait confiance. N'est-il pas professeur de sculpture à l'Ecole des Beaux-Arts de Nancy ? Sans difficultés il fait reconnaître ses qualités d'homme en même temps que celles d'artiste. On retrouve ses ateliers aux environs de la Porte Désilles, 9, rue de Metz, Ruelle de l'Esprit, Rue Jacquinot. A sa mort E. Bussière était domicilié au 14 rue Félix-Faure.

SA FAMILLE Abordons la vie familiale de notre artiste.

En 1896, Ernest Bussière a 33 ans. Il vient d'être nommé officier d'Acadé­mie. C'est seulement à cette époque qu'il décide de se marier. Il épouse Anne Collet (décédée le 01.09.58), fille d'une grande famille originaire de Mervaville, près de Lunéville.

Cette famille bourgeoise s'intéresse vivement aux arts, ce qui explique sans doute le rapprochement. Mais les Collet possèdent une grosse exploitation

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d'élevage de chevaux qui est leur passion. Chevaux de trait, chevaux de selle qui assurent les besoins de l'agriculture, les besoins de la traction de livraison (bras­serie, combustibles, enfin tous transports), les mines qui utilisaient ce mode de traction au fond pour les berlines. Enfin l'armée était grosse consommatrice de cavalerie légère et de traction pour l'artillerie.

De cette union, quatre enfants voient le jour :

— Pierre : qui se distingue au cours de la guerre 14-18 au 279 e régiment d'infan­terie. Il obtient la croix de guerre avec une très élogieuse citation.

— Colette : qui épouse un officier Maurice André.

— Renée : qui épouse le D r Dassonville et habite à Sceaux. Une fille Colette épouse un officier Hirschauer, petit-fils du général, né à S.-Avold et qui fut sénateur.

— Jean : mari de M m e Suzanne Bussière qui se trouva sur mon chemin en Nor­mandie. Jean Bussière était P .D.G. des Ets Lacroix (machines agricoles) à Caen, puis P.D.G. d'une affaire de Charpentes métalliques à Caen. Il fut vice-président de la Chambre de Commerce et de l'Industrie du Calvados, chevalier de la Légion d'Honneur. C'est M. Jean Bussière qui le 14 juin 1944 accueille à Bayeux le général de Gaulle qui le remercie par la suite par une belle lettre, archive précieuse que possède M m e Bussière.

— Le fils de Jean, François, architecte à Paris, était aux côtés de son père à Bayeux et eut le privilège d'être peut-être le premier petit français que le général de Gaulle prit dans ses bras pour l'embrasser lors de cette prise de contact avec la terre de France, huit jours après le débarquement des alliés sur les plages de Normandie.

« Ernest Bussière avait une âme affectueuse et tendre. Il adorait son inté­rieur familial, son petit jardin, sa jeune femme et ses beaux enfants. Très modeste, trop modeste comme la plupart des Lorrains, il ne briguait ni succès tapageur, ni récompense éclatante. Ce qu'il créait était bon et beau et la satis­faction consciente qu'il en éprouvait lui suffisait », voilà ce que nous avons relevé dans une rubrique nécrologique de l'Est Républicain du 24 août 1913.

SON ŒUVRE Parlons de la carrière féconde d'Ernest Bussière qui comporte une centaine

d'oeuvres et de chefs-d'œuvres répertoriés après les patientes recherches que j 'ai évoquées.

Ernest Bussière est peu connu en tant qu'artiste mais ses œuvres vous les connaissez pour la plupart, j ' en suis persuadé. Elles sont implantées un peu par­tout en Lorraine. On en trouve également à Dreux, à Rouen à Tunis. Il serait surprenant que lors de la consultation de la liste ci-jointe, vous arriviez à son terme en affirmant que vous n'en connaissez pas l'une ou l'autre. En vous en

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souvenant, vous remarquerez que ces œuvres sont pleines d'énergie, de cette même énergie qui caractérisera leur auteur tout au long de sa vie.

Vous remarquerez aussi une pureté de style et une fidélité dans la ressem­blance des sujets.

C'est du moins ce qu'attestent les critiques d'art qui ont connu ces sujets et ont pu établir la comparaison avec la réalisation artistique de notre sculpteur. Laissons s'exprimer un critique de l'époque :

« Toutes ces œuvres attestent son remarquable talent fait de force et de vigueur exprimant l'idée, la conception avec une fidélité, une sincérité prenante et sous une forme harmonieuse d'un réalisme saisissant qui parle aux yeux et à l'esprit, élevant l'âme en la faisant penser ».

J'ajouterai personnellement que les visages de femmes sont d'une beauté extraordinaire. On en tombe amoureux !...

Et pourtant, malgré ces témoignages élogieux, malgré la qualité de ses tra­vaux, Ernest Bussière est moins auréolé de gloire que ceux déjà cités et qui étaient ses amis de la même époque. On peut s'interroger sur cette constatation et essayer d'en trouver les raisons.

En y réfléchissant ne pourrait-on émettre trois idées, trois causes qui sem­blent constituer une thèse logique :

1) Ernest Bussière est mort le 22 août 1913. Il n'avait que 50 ans. Ne pensez-vous pas que, si Dieu lui avait prêté vie, il aurait poursuivi sa tâche et engen­dré quantités d'œuvres nouvelles qui auraient enrichi davantage le patri­moine artistique de notre région ? Son talent ne faisait que se sublimer dans ses dernières réalisations et ses souffrances des dernières années étaient loin de l'avoir amoindri.

Ses amis ont eu la chance de vivre ces années supplémentaires de production, ont eu la chance de les exposer et de les faire connaître. Les pâtes de verre, les meubles, les tableaux, sont aussi plus facilement manipulables que des statues figées sur leur socle et éparses un peu partout en Lorraine. Rappe­lons que Prouvé a vécu 85 ans (1858-1943), Lalique 85 ans (1860-1945), Majorelle 67 ans (1859-1926), Daum 66 ans (1864-1930), Gallé 58 ans (1846-1904).

2) Ernest Bussière a quitté ce monde juste avant que n'éclate la grande tour­mente de 1914 qui, sans aucun doute, a contribué à le faire sombrer plus ou moins dans l'oubli.

3) Enfin, il est reconnu par tous ses amis qu'Ernest Bussière était un homme modeste, simple et droit qui avait horreur des mondanités et des intrigues. Certes, il aurait pu connaître une grande notoriété, mais son tempéramment lui interdisait de paraître et de s'élever. Il était trop peu soucieux des consé­crations officielles et était aux prises avec les exigences de la vie matérielle et

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Médaille de la ville de Nancy (1909).

se préoccupait surtout de produire. Ses seules distinctions : officier d'Acadé­mie en 1896 et officier de l'Instruction publique en 1903.

Voilà qui était Ernest Bussière l'homme quelque peu oublié auquel je tenais à rendre hommage. Quelques mouvements de sympathie ont permis de perpétuer son nom. La ville d'Ars-sur-Moselle a baptisé une de ses rues : « Rue du Sculpteur Bussière ». La ville de Nancy, également, vient de donner à un Rond-Point le nom d'Ernest Bussière dans le secteur récemment réhabilité du quartier Donop, à deux pas du Parc Ste-Marie et de l'Ecole des Beaux-Arts. Je tiens à remercier également la Municipalité de Nancy qui vient d'autoriser la pose d'un médaillon en bronze sur l'une des façades du Rond-Point. Ce médail­lon, offert par M m e Bussière, représente l'artiste et vient d'être exécuté par des élèves des Beaux-Arts.

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A L A D É C O U V E R T E D ' E R N E S T B U S S I È R E

Il doit exister une éternité pour les artistes. André Malraux ne le contredira pas, lui qui disait que « l'Art est ce qui survit à la mort ». Permettez-moi de vous proposer pour terminer, la lecture des deux discours émouvants qui furent pro­noncés à ses obsèques au cimetière du Sud à Nancy devant une grande foule attristée, l'un au nom de l'Ecole des Beaux-Arts par son directeur M. Jules Lar-cher, l'autre au nom de l'Association des Artistes Lorrains par son ami fidèle le maître Emile Friant.

Discours de M. Jules Larcher « Mesdames, Messieurs,

« Au norn de l'Ecole des Beaux-Arts, j 'ai le douloureux devoir d'adresser à l'homme de talent que nous venons d'accompagner jusqu'à ce lieu funèbre, le dernier adieu.

Ernest Bussière était des nôtres depuis plusieurs années et, quoique atteint d'une lente et cruelle maladie, il est resté à son poste jusqu'à la dernière minute, préoccupé de remplir son devoir jusqu'au bout et de mener à bien ses multiples tâches, luttant contre le mal avec une énergie vraiment impressionnante, à force de sérénité.

D'autres, en donnant un juste tribut d'éloges et d'admiration à l'artiste, vont rappeler les étapes d'une œuvre importante et variée où il montra, tour à tour, dans des effigies nombreuses,un talent de portraitiste délicat, et dans des monuments publics disséminés sur toute la surface de notre Lorraine, le senti­ment de l'ordonnance et de l'élégance dans la simplicité. Ils vous rappelleront ses travaux : le monument Grandville, le monument de Fontenoy, celui de Longwy, ceux élevés à Virginie Mauvais, à Erckmann, à Bichat, et bien d'autres. Ils vous diront que, jusqu'au bout, le ciseau resta dans sa main défail­lante et déploreront comme nous, que malgré toute sa volonté, la mort l'eût enlevé, encore dans la force de l'âge, avant l'achèvement de la dernière et, peut-être, de la plus importante de ses œuvres.

Mais c'est à nous qu'il appartenait de l'honorer dans son rôle de professeur. Son esprit de méthode, la rectitude de son jugement, un sens peu commun de la discipline dont il savait faire accepter les exigences par une certaine familiarité, lui avaient fait prendre, dès l'abord une grande autorité sur ses élèves et avaient inspiré à ceux-ci une grande confiance dans son enseignement. Et s'il ne lui a pas été donné de former des disciples glorieux, c'est sans doute que le temps néces­saire à l'épanouissement des talents lui a manqué, c'est aussi que les sujets desti­nés à la gloire sont rares.

Il aura eu, du moins, la satisfaction, plus délicate, de se sentir utile aux nombreux jeunes gens qui ne peuvent ambitionner, par l'étude des éléments de l'art, que la conquête d'un métier qui les fasse vivre honorablement, et ce rôle, dans sa modestie, est encore le plus enviable pour un homme pénétré de la beauté de cette mission, pour un homme de cœur.

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Que sa dévouée compagne, que sa famille éplorée et ses nombreux amis veuillent bien recevoir nos condoléances les plus vives et les plus sincères. Au nom de l'Ecole des Beaux-Arts, maîtres et élèves, qui, en un autre temps que celui des vacances se presseraient ici nombreux, Ernest Bussière, je vous dis adieu. »

Médaille de la ville de Nancy (1909).

Discours de M. Friant « Mesdames, Messieurs,

« A peine revenu de Paris où je m'étais rendu, accompagné de MM. Lar-cher, Charbonnier et Finot, pour apporter à Aimé Morot, au nom de notre grande cité, sa mère éplorée, et au nom de ses confrères lorrains, l'expression de l'affliction et de la stupeur où sa mort nous a plongés, que de nouveaux, après une semaine écoulée, une tombe s'ouvre et ensevelit encore un artiste lorrain !

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Et combien Lorrain fut celui que nous pleurons aujourd'hui ! Son carac­tère, son œuvre, son talent si personnel, en un mot tout notre Bussière se syn­thétise dans cette glorification, qu'il fit à Roville, du célèbre agronome auquel la terre de Lorraine et même de France doit en partie sa fécondité.

Quelle bonne leçon pour les artistes, que cette conception, à la fois si sim­ple, si forte et si touchante, du laboureur reconnaissant, qui se découvre tout bonnement devant Mathieu de Dombasle !

Ce monument donne au talent de Bussière toute son ampleur, pour en être arrivé là, l'auteur fut, au sens le plus élevé du mot, un artiste.

Que ce soit au marbre qu'il ait confié pour la postérité la figure pleine de malicieuse bonhomie d'un zélé serviteur de l'Eglise, au bronze le masque calme et rêveur d'un caricaturiste pourtant très mordant.

Qu'il ait immortalisé de ses concitoyens moins en vue, qu'il ait exalté les plus nobles sentiments, le patriotisme, la foi religieuse ; glorifié la science et les lettres.

Portraitiste ou décorateur dès sa prime jeunesse, dans la statue de l'Abbé Trouillet, dans le monument de Grandville, dans tous les bustes, sur toutes les pierres tombales ou sur tous les frontons dus à son ciseau, Bussière se montre fidèlement épris de naturel et d'intimité.

Le naturel de l'artiste et sa simplicité se retrouvaient chez l'homme.

Dédaigneux des honneurs, il aimait l'art pour l'art. Il était l'ami des hum­bles. Droit et franc, il était aussi courageux : craignant d'inquiéter ses proches, il avait continué ses travaux malgré la maladie qui le minait depuis plusieurs mois.

J'apporte à notre pauvre ami et collègue, au nom de l'Association des Artistes Lorrains, dont il fut un des fondateurs, à la fois un adieu ému et l'assu­rance de notre souvenir impérissable.

Puissent sa vaillante compagne et ses chers enfants, dans le témoignage de notre affection cruellement atteinte, trouver quelque adoucissement à leur immense douleur. »

Voici des synthèses très personnelles, très émouvantes et spontanées d'amis qui ont connu et vécu avec Ernest Bussière.

Ils ont eu cette chance de côtoyer notre artiste lorrain avec lequel person­nellement je vis en pensée depuis 1980.

J'ai même l'impression parfois qu'il guide mes pas à la nouvelle découverte d'une de ses œuvres oubliées.

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Œ U V R E S R É P E R T O R I É E S D ' E R N E S T B U S S I È R E (1863-1913)

* 1878 Médaillon de sa mère (plâtre).

* 1880 Petits objets pour Majorelle (bronze).

* 1883 Buste de sa mère (Salon de Paris).

* 1884 Première Communion (bas-relief) (Salon de Paris) (Voir peinture d 'E. Friant au Musée Lorrain représentant Ernest Bussière réalisant cette œuvre). (de 1881 à 1889 Ernest Bussière fréquente l'Ecole des Beaux-Arts de Paris).

* 1887 Médaillons : Takasima (Musée Ecole de Nancy).

1889 Médaillons divers : Ligier Richier Clodion Sébastien Adam Claudot

* 1889 Mgr Trouillet (Eglise S.-Epvre, Nancy).

* 1889 Pleureuse (Caveau Doirisse Cimetière du Sud, Nancy).

* 1889 Pieta (Eglise S.-Pierre, Nancy).

* 1889 Buste d'Henri Lepage, historien lorrain (Musée Lorrain).

* 1890 Bluette (marbre blanc Lycée jeunes filles, Nancy et bronze deux tailles, la plus grande sur la tombe d'Ernest Bussière cimetière Sud, Nancy).

* 1890 Buste Pr. J .-B. Démange (Fac. Médecine).

1892 Buste de Pierre Gringoire, poète lorrain (était au square rue de Serre à Nancy, disparu).

* 1893 Monument Grandville (Pépinière, Nancy - il ne reste que le buste - l'ensemble a

été détruit par l'occupant en 1940).

* 1893 Monument Virginie Mauvais, institutrice (Cimetière Pré ville).

1893 Buste de l'abbé Gridel (Fondateur Institut Jeunes Aveugles, Nancy).

* 1894 Monument Mathieu de Dombasle à Roville devant Bayon (il ne reste que le buste - l'ensemble détruit par l'occupant en 1940).

* 1895 Nymphes (bas-relief) (collection privée).

* 1896 Monument de Fontenoy (près de Toul) (en souvenir des vaillants faits d'armes exécutés par des francs-tireurs en janvier 1871 et incendie du village par les Allemands) monument intact.

* 1898 Buste bronze Pr. Heydenreich Albert (Fac. Médecine).

* 1898 Plaquette cinquantenaire de la Société d'archéologie de Nancy.

* 1898 Plaquette bronze concours de tir avec armoiries de Nancy.

1898 Groupe de quatre statues à l'église S.-Laurent (Pont-à-Mousson).

* 1899 Fronton (Hôpital S.-Julien, Nancy).

* 1900 Anges (Bas-relief marbre blanc) (église Sacré-Cœur, Nancy, Famille Bour).

* 1900 Médaillon M. Goutière-Vernolle (La Lorraine artiste).

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* 1900 Vases divers, grès flammés (Lunéville) (une belle série est exposée au Musée de l'École de Nancy).

* 1902 Monument Emile Erckmann (Bosquets Lunéville, marbre blanc, mutilé par des vandales en 1985).

* 1903 Sommeil, Société des amis des arts, musée Nancy (Salon) (marbre blanc) et

2 e version en argile cuite, plus grande taille.

1903 Buste de Gustave Bleicher (géologue).

* 1904 Buste Louis Bouloumié (marbre blanc), Vittel, Station Thermale.

* 1904 Buste H. Loritz (fondateur Ecole prof.) (bronze) (Lycée Loritz).

* 1904 Buste P r Emile Démange (Fac. Médecine).

1905 Buste Désiré Caillard (Fondateur Comédie de l'Est).

* 1905 Médaillon bronze d'Edmond Bussière (son neveu) enfant.

* 1906 Buste D r Friot (bronze) (Cimetière Préville, Nancy).

* 1906 Fronton A .G . Etudiants « Université au Flambeau », rue Gustave-Simon,

Nancy.

* 1908 Hallali - Sangliers (plaque bronze bas-relief pour relais de chasse).

* 1909 Médaille « Exposition Internationale Nancy 1909 » devenue la médaille de la ville de Nancy (remise aux hôtes de marque).

* 1909 Monument buste du P r Bichat (près Porte de la Craffe Nancy) (reste le buste, ensemble détruit par l'occupant en 1940).

1910 Sollicité par le Général Lyautey et son frère colonel pour un bas-relief, église de Thorey (décline et confie le travail à Victor Huel).

1910 Monument Agriculteur de Bouvier (Parc municipal Tunis).

* 1910 Plaquette aviateur de Caumont à Lunéville (bronze).

* 1911 Buste P r Bichat (Lunéville), identique à celui de Nancy (bronze).

* 1912 Monument : « La Lorraine saluant ses morts », Cimetière Longwy Haut inaug. août 1912 par R. Poincaré.

* 1912 Groupe (pierre) Angelots Théâtre de Lunéville (façade).

* 1913 Projet monument S.-Ail (Habonville près Auboué) la dernière et la plus belle œuvre de Bussière - « Monument des 3 Ages » - Commémoration Bataille du 18 août 1870 - Maquette terminée grandeur nature (disparue à Metz où elle aurait été transférée après 1918) - (Monument jamais exécuté).

1913 Buste Paul Genay - Ing. agronome (bronze) (Lunéville comice agricole).

E. Bussière n'a pas eu le temps de réaliser comme il le souhaitait, les frontons du Lycée H. Poincaré qui sont toujours à l'état brut de pierre en relief.

Œ U V R E S D I V E R S E S N O N D A T É E S

Médailles Charles Fisson (plaquette) Emile Curique (plaquette) Conservatoire de Musique de Nancy Ecole des Beaux-Arts de Nancy

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A L A D É C O U V E R T E D ' E R N E S T B U S S I È R E

Bustes * P r Tourdes (Fac. Médecine) marbre * P r Arth (Fac. Sciences - Institut Chimie) actuellement E.N.S.I .C.

P r Liégeois (Fac. de Droit) * Mathias Schiff (Ecole Beaux-Arts rue Boffrand)

M m e Weissenburger (épouse du sculpteur architecte ami de Bussière) Henri Royer Favier (bibliothécaire) Emile Gentil (explorateur) M. Aubry M. Boppe M. Brunotte

Médaillons * M. Maume (Ec. Forestière) (Musée Lorrain)

Buste bronze * M. Tourtel à Tantonville (Cour école) * M. Noël à Sommerviller (Place de l'Eglise) * Pleureuse tombe Bloss (Cim. Préville Nancy)

Médaillon * Commandant Krug + Porte du Caveau : Pavot (cim. Sud) * Porte caveau tombeau Fruhinholz (cim. Sud Nancy)

Buste * Duc Henri II (Pierre taillée) (rue Mably, Nancy)

Médaillon * Jeanne-d'Arc - Bibliothèque Municipale de Rouen (don de M m e Pas­teur-Valléry-Radot)

* Sujets sur façade rue de la Salpêtrière Nancy (Imprimerie Royer)

* Fronton * Hôtel des Postes (derrièrre Hôtel de Ville, Nancy) allégorique * Salle Poirel Nancy

* Grande figure bronze - Caveau Evrard (Cim. Préville Nancy)

— Avant-bras et main de Marie Crousse (marbre blanc - Musée Ecole de Nancy)

— Médailon marbre blanc - visage de Marie Crousse (Musée Ecole de Nancy)

* « Vigne vierge » - vase Musée Ecole de Nancy

* La Liseuse (nu) (collection privée)

NOTA : — Nous possédons les clichés photographiques des œuvres marquées (*). La collection

complète a été déposée à l'Académie nationale de Metz à l'appui de cette communi­cation.

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