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Matinée Après-midi DemainMÉTÉO
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Marcelle Schreck : la riche vie d’une centenaire
MULHOUSE
AFFAIRE DU CURÉ SPITZUn archevêque auxiliaire célèbre la messe à Thann
L’évêque auxiliaire de Strasbourg, Mgr VincentDollmann, a assuré, hier, la messe de 18 h àThann pour réconforter les paroissiens de lacommune où le curé Spitz, mis en examenmercredi pour viol sur mineur et abus de con-fiance, avait été nommé.
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TRANSPORTSLa fin des trains de nuit pour la Côte d’Azur
L’éditorial de Laurent Bodin en page 2Nos informations en page 5
TERRORISMEJeunes radicalisées :un phénomène inquiétant
Pour mieux comprendre, en page 3
FOOTBALLLe Racing se sabordeface à Valenciennes (2-4)
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FC Mulhouse – Lyon II 0-2Villefranche – St-Louis 0-2
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HOCKEY SUR GLACELes Scorpions corrigent Clermont-Ferrand 6-1
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Jean-Maurice et Gisèle, fiancés « symboliquement », étaient jeudi au Club 1900 à Mulhouse, à l’occasion d’une soirée « White Butterfly » comme il en existe tous les jeudis soirs. Photo L’Alsace/Darek Szuster
Handicap mental :l’amoursanstabou
Les personnes handicapées mentales ont aussi une vie affectiveet sexuelle : c’est pour faire évoluer les mentalités sur ces questions que deux associations, les Papillons Blancs et l’Adapei 67, organisent
des rencontres et des soirées./LE DOSSIER DE VÉRONIQUE BERKANI EN PAGE 44
Mgr Vincent Dollmann a réconforté les fidèles à lasortie de la messe à l’église Saint Pie X de Thann.
Photo L’Alsace/Thierry Gachon
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FOOTBALL
Le légendaire Paul Frantz est décédé à 89 ans
Archives L’Alsace/Jean-Marc Loos
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Damien, 23 ans, résident d’unfoyer Adapei à Strasbourg, a eu lecoup de foudre pour Tiphanie il ya deux ans. Mais il est aujour-d’hui à nouveau célibataire. « Jel’ai rencontrée par l’intermédiai-re d’une amie. Tout me plaisaitchez elle : sa beauté, son sourire,sa gentillesse… On voulait cons-truire une famille, on voulait unenfant mais ça ne marchait pas.Un jour, on a cru qu’elle était en-ceinte, mais finalement non, ça ajeté un froid entre nous. Nous avi-ons des rendez-vous tous les quin-ze jours avec nos référents pourparler de notre relation, repartirdu bon pied quand nous avionsdes problèmes. Mais on s’en-gueulait, on se faisait la tête, Moije suis poli, sérieux, j’aime aiderles gens. Elle se montrait souventinsolente, ça me gênait. »
« Aujourd’hui je voudrais vivreune histoire d’amour avec unenouvelle personne et ne pas re-produire les mêmes erreurs. C’estplus simple de sortir avec une
personne qui est handicapéecomme moi, on se comprend mieux, on a les mêmes problè-mes ; de toute façon c’est trèsmal vu par la société qu’un han-dicapé sorte avec une personne‘‘normale’’. D’ailleurs, je ne com-prends pas les personnes qui onttout le temps des petits bobos,qui se plaignent alors qu’ils ontun bon métier, un bon salaire, c’est quand même plus facile pour eux que pour nous. »
Damien : « Ne plus faire les mêmes erreurs »
Damien, jeune résident d’un foyerAdapei à Strasbourg, sort d’unehistoire d’amour de deux ans.
Photo L’Alsace/Armelle Bohn
Le « Cœur messager » lors de « L’amour en fête » le 23 septembre à Turckheim :un support pour déposer ou s’emparer d’un message. Photo Daniel Diebold
Jean-Maurice et Gisèle auraient souhaité se marier, mais leurs familles s’y sont oppo-sées. Ils se sont fiancés en échangeant montre et bague. Photo L’Alsace/Armelle Bohn
Les personnes en situation de handi-cap mental ont-elles besoin d’une aide pour mener leur vie affective et sexuelle ?
Oui, le plus souvent, mais un certain nombre d’entre elles souhaite aussi avancer par elles-mêmes, prendre desinitiatives, vivre des rencontres, orga-niser des sorties, et ne pas toujours voir les éducateurs ou les parents « ouvrir le chemin ». Tout dépend de la nature du handicap. S’il s’agit d’un handicap mental profond ou de poly-handicap, l’aide sera évidemment très conséquente.
De quoi manquent-elles ?
Le plus souvent, ces personnes man-quent d’un regard ouvert et bien-veillant de la part de la société sur les manifestations de leurs gestes affec-tifs et parfois sexuels, afin de ne pas les juger ou les craindre. Et ceci même si leurs expressions ne sont pas forcé-ment identiques aux nôtres, et si cer-
tains comportements se révèlent atypiques. Je constate également un grand manque d’éducation sexuelle « adaptée », qui tienne compte de leurs facultés de compréhension afin d’acquérir des habiletés relationnel-les et d’intégrer les codes sociaux.
Est-il difficile de définir si une person-ne est « consentante » ?
Oui, ce point est délicat, surtout pour les personnes sévèrement handica-pées qui ne peuvent rien en dire. Les soignants doivent donc être formés afin de mieux décrypter les besoins profonds, par exemple exprimés par le non-verbal.
Comment les aider sans s’ingérer dans leur vie personnelle et intime ?
Il est difficile de rester en périphérie, de ne pas nous en mêler. Mais si nous avançons avec délicatesse et respect, sans moult projections personnelles, nous risquons moins de nous substi-
tuer à la personne. Notre rôle est de les « équiper » de capacités à faire deschoix. En effet, les personnes handica-pées mentales sont de fait centrées sur elles-mêmes et doivent fournir beaucoup d’efforts pour comprendre ce monde compliqué. Il leur est donc difficile d’être en plus à l’écoute de l’autre.
Existe-t-il encore de nos jours des règlements intérieurs d’établisse-ments spécialisés qui interdisent les relations sexuelles ?
Il semble qu’en France ces cas de figu-re existent encore ! Mais ceci est con-traire aux droits fondamentaux de l’Homme. Le droit à une vie relation-nelle, affective et sexuelle relève d’une liberté fondamentale, que l’on vive ou non avec un handicap. Le droitau respect de l’intimité des usagers hébergés en établissement médico-social a été affirmé par la loi du 2 jan-vier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Ces mêmes droits ont
été réaffirmés par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyen-neté des personnes handicapées. Bien sûr, pour les structures qui ac-cueillent des enfants et des adoles-cents, les enjeux ne sont pas les mêmes (limite de la majorité sexuel-le), ainsi que pour celles relevant de lapsychiatrie. En effet, lorsque la schi-zophrénie envahit votre champ psy-chique, il peut être contre-indiqué de faire l’amour, car les fantasmes liés à la sexualité peuvent être trop envahis-sants.
LIRE Sexualité et handicaps, entre toutet rien…, Catherine Agthe, éd. Saint-Augustin, Suisse, 2013.
Une éducation sexuelle « adaptée »Catherine Agthe est sexo-pédagogue spécialisée, formatrice pour adultes en Suisse,France et Belgique et présidente de l’association suisse Sexualité et handicaps pluriels.
Catherine Agthe. DR
C’est quoi la recette de l’amour ?« Pas de dispute, pas de violen-ce », répondent Solange et Jean-Paul, en couple depuis seize ans.Tous deux vivent aujourd’hui auMoulin, foyer d’hébergementpour personnes handicapées men-tales à Mulhouse. En guise dedémonstration, Solange glisse dé-licatement un petit bisou dans lecou de Jean-Paul.
Pour eux, ça a l’air simple, ils nese sont d’ailleurs pas trop sentisconcernés par les problématiquesévoquées dans le docu-fiction Tuveux ou tu peux pas projeté cevendredi après-midi à la Maisond’accueil spécialisée des PapillonsBlancs à Turckheim, à l’occasionde « L’amour en fête », temps deréflexion consacré à la vie affecti-ve, relationnelle et sexuelle desrésidents des Papillons Blancs duHaut-Rhin et de l’Adapei 67.
Des familles opposéesau mariage
Du point de vue des gens « nor-maux », il semble encore difficilede concevoir que les handicapésmentaux puissent nouer des liensamoureux et avoir des relationssexuelles. « J’aimerais que les per-sonnes qui, entre guillemets, nesont pas handicapées, voient cefilm pour faire évoluer les cons-ciences », réagit un résident stras-bourgeois après avoir visionné ledocumentaire.
Gisèle et Jean-Maurice, 54 et68 ans, se sont connus en foyer.« Nous souhaitions nous marier,mais nos familles s’y sont oppo-sées. » Ils se sont donc fiancéssymboliquement, en échangeantmontre et bague. Mais la blessurenarcissique est là : « Cela nous achoqués, vexés. » Tout comme lastérilisation – apparemment pasconsentie – de Gisèle a laissé destraces.
Jusqu’à la seconde moitié du
XXe siècle, la sexualité des person-nes en situation de handicap men-tal était niée et quasiment pasprise en compte par les politiquessociales et sanitaires.
Distributeurs de préservatifs ?
Aux Papillons Blancs, les profes-sionnels se sont officiellement em-parés de la question en 2005. Ilsont écrit un manifeste interpellantleur hiérarchie afin qu’elle se posi-tionne pour mettre fin à l’improvi-sation. Trois ans de travail ont éténécessaires pour aboutir à la char-te Vie affective, relationnelle etsexuelle (VARS) des personnes hé-bergées aux Papillons Blancs. Cel-le-ci a notamment permis la miseen place d’un comité de veilleéthique composé d’administra-teurs, de parents, de profession-nels et ponctuel lement depersonnes handicapées, qui a commencé à fonctionner en 2014et se réunit tous les deux mois.
« Le but est de prendre connais-sance de ce qui fonctionne dansles différents établissements, indi-
que Daniel Diebold, directeur ad-joint des Papillons Blancs. Lecomité peut également être saiside questions précises. Dernière-ment, deux établissements ont de-mandé s’il était indiqué d’installerdes distributeurs de préservatifsdans leurs locaux. Le comité a biensûr répondu par l’affirmative. »
La charte a également préconiséla création de groupes de parole.Les professionnels y ont été for-més par la sexo-pédagogue spécia-lisée Catherine Agthe (lire ci-dessous). « Après quelque tempsde fonctionnement, nous avonsdécidé d’établir un partenariatavec le Planning familial », préci-se Daniel Diebold. Dans ses car-tons et à l’état de projet pour lemoment, l’idée ambitieuse de lacréation d’un centre de ressourcesdépartemental VARS qui serait ba-sé à Mulhouse. « On y trouveraitde la documentation, du matériel– de style sex-shop –, de l’écoute,un accompagnement, etc. »
Depuis deux ans, les soirées « Whi-te Butterfly » battent leur pleintous les jeudis soirs dans la disco-
thèque mulhousienne Club 1900.Les invitations sont lancées par lesPapillons Blancs et la soirée estouverte à tous, personnes handi-capées, familles, fratries, amis,membres ou non des PapillonsBlancs.
150 personnesaux soirées« White Butterfly »
Le club de nuit reste par ailleursouvert normalement et ne changequ’une chose : son heure d’ouver-ture, la soirée débutant dès 20 h.« En moyenne, 150 personnes ré-pondent à notre invitation », dé-taille Daniel Diebold, qui ajoute :« C’est la plus belle manifestationde joie que j’ai jamais vue dansnotre milieu. Les personnes qui ysont venues une fois réclament d’yretourner, j’ai rarement vu unetelle motivation ! Les slows lors deces soirées sont très très chauds etde vraies rencontres ont lieu. »
Dans les foyers d’hébergementdes Papillons Blancs à Mulhouse,lorsque la charte VARS est parueen 2008, Daniel Diebold a annoncéaux résidents que si deux person-nes souhaitaient passer la nuitensemble dans une chambre,c’était possible. « Avant, ce n’étaitpas interdit mais, de fait, le fonc-tionnement ne le permettait pas,car le règlement prescrivait quechacun devait se trouver dans sachambre à partir de 22 h. En 2005,
parmi les 130 résidents de nostrois foyers mulhousiens, on necomptait aucun couple. Aujour-d’hui, sur 100 personnes au Mou-lin, 5 % sont en couple. »
Directeur commun des PapillonsBlancs du Haut-Rhin et de l’Ada-pei 67, Gildas Le Scouëzec renché-rit : « La vie affective et sexuelle denos résidents suscite encore pleinde barrages, de blocages, alorsque cela devrait couler de source :être handicapé mental ne signifiepas qu’on est coupé de la vie. »
Y ALLER Soirée « White Butterfly »au Club 1900, 4 rue du Mittelbachà Mulhouse. Entrée : 15 € (incluantdeux boissons).Pour connaître les prochainesdates : dd68.blogs.apf.asso.fr
HANDICAP MENTAL
Ils ont aussi une vie affectiveEn dépit des tabous et des non-dits, les personnes en situation de handicap mental entretiennent des relations affectives, ont des relations sexuelles et vivent parfois encouple. Fin septembre se déroulait à la Maison d’accueil spécialisée des Papillons Blancs à Turckheim une après-midi sur le thème de « L’amour en fête ».
La soirée « White Butterfly » de jeudi dernier au club 1900 à Mulhouse. Photo L’Alsace/Darek Szuster
Marie-France, 60 ans, a apporté des pho-tos de son compagnon Jean-Pierre, décédéil y a deux ans, à l’occasion de « L’amour en fête ». Photo L’Alsace/Armelle Bohn
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