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INTRODUCTION Depuis des années, les Algériens écrivent à propos de Camus et de son œuvre. Mais il est de bon ton de dire que Camus est censuré dans ce pays : une telle assertion dispense d’examiner simplement les éléments de ce rapport entre un écrivain français d’Algérie et un pays devenu indépendant ; elle dispense aussi de réfléchir aux raisons de ce « silence » sur un peu plus d’un demi-siècle. Aussi avons-nous rassemblé les références des « Mots sur Camus » dans ce « Répertoire des lectures algériennes », pour offrir un document qui établisse un état des lieux et qui puisse être consulté sans a priori. Nous trouverons, dans ce répertoire alphabétique, la majorité des Algériens (universitaires, journalistes, hommes politiques, écrivains, citoyens) que ce soit ceux qui ont parlé de Camus ou ceux qui ont écrit sur lui. Nous entendons par « Algérien », celles et ceux qui ont la nationalité de ce pays et celles et ceux qui ont cette origine… les « Arabes » justement, de cet écrivain... Loin de l’excès camusien qui s’est emparé des études littéraires et du grand public en France depuis quelques années, et particulièrement en cette année du centenaire de sa naissance, nous n’en avons pas moins pris aussi ce centenaire comme date de cette recension, correspondant à une année près, au cinquantenaire de l’indépendance du pays. Hors donc de la camusmania mais aussi en dehors de la camusphobie dont notre côté de la Méditerranée est accusé, nous avons voulu mesurer les discours algériens sur Camus. Les références sont accompagnées, parfois, de commentaires. Même si nous n’avons pas pu analyser toutes ces références, on peut aisément se rendre compte qu’il n’y a pas d’homogénéité. Il n’y a pas un discours algérien sur Camus mais des discours, des manières différentes d’aborder son œuvre. Tout commence dans les « mais »… Nous avons bien conscience que ce recensement est loin d’être exhaustif pour les articles publiés en langue française et encore moins pour ceux en langue arabe. Notre recension s’arrêtant aux premiers jours d’octobre 2013 – à quelques exceptions près –, des manifestations et des écrits des trois derniers mois de cette année du centenaire n’ont pu être intégrés. Notons aussi que, parfois, quand un article semble important ou peu accessible, 1

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Page 1: exocorriges.com › doc › 58180.doc · Web viewIntroduction. Depuis des années, les Algériens écrivent à propos de Camus et de son œuvre. Mais il est de bon ton de dire que

INTRODUCTION

Depuis des années, les Algériens écrivent à propos de Camus et de son œuvre. Mais il est de bon ton de dire que Camus est censuré dans ce pays : une telle assertion dispense d’examiner simplement les éléments de ce rapport entre un écrivain français d’Algérie et un pays devenu indépendant ; elle dispense aussi de réfléchir aux raisons de ce « silence » sur un peu plus d’un demi-siècle.Aussi avons-nous rassemblé les références des « Mots sur Camus » dans ce « Répertoire des lectures algériennes », pour offrir un document qui établisse un état des lieux et qui puisse être consulté sans a priori. Nous trouverons, dans ce répertoire alphabétique, la majorité des Algériens (universitaires, journalistes, hommes politiques, écrivains, citoyens) que ce soit ceux qui ont parlé de Camus ou ceux qui ont écrit sur lui. Nous entendons par « Algérien », celles et ceux qui ont la nationalité de ce pays et celles et ceux qui ont cette origine… les « Arabes » justement, de cet écrivain...

Loin de l’excès camusien qui s’est emparé des études littéraires et du grand public en France depuis quelques années, et particulièrement en cette année du centenaire de sa naissance, nous n’en avons pas moins pris aussi ce centenaire comme date de cette recension, correspondant à une année près, au cinquantenaire de l’indépendance du pays. Hors donc de la camusmania mais aussi en dehors de la camusphobie dont notre côté de la Méditerranée est accusé, nous avons voulu mesurer les discours algériens sur Camus. Les références sont accompagnées, parfois, de commentaires. Même si nous n’avons pas pu analyser toutes ces références, on peut aisément se rendre compte qu’il n’y a pas d’homogénéité. Il n’y a pas un discours algérien sur Camus mais des discours, des manières différentes d’aborder son œuvre. Tout commence dans les « mais »… Nous avons bien conscience que ce recensement est loin d’être exhaustif pour les articles publiés en langue française et encore moins pour ceux en langue arabe. Notre recension s’arrêtant aux premiers jours d’octobre 2013 – à quelques exceptions près –, des manifestations et des écrits des trois derniers mois de cette année du centenaire n’ont pu être intégrés. Notons aussi que, parfois, quand un article semble important ou peu accessible, nous l’avons cité dans son intégralité ou nous en avons choisi de larges extraits. Nous voudrions remercier particulièrement les écrivains, universitaires et journalistes que nous avons sollicités et qui nous ont répondu, nous transmettant des références précises.

Il nous a semblé judicieux également de proposer ce répertoire en deux parties : la première partie regroupe celles et ceux qui ont écrit un article ou plus mais qui ne font pas de l’œuvre de Camus le centre de leurs préoccupations ou de leur recherche : ces 143 noms recensés témoignent d’autant plus de l’intérêt qu’elle suscite. La seconde partie regroupe les 58 intellectuels qui ont consacré à cette œuvre une grande partie de leur temps d’analyse, de réflexion et de création. Nous avons nommé « fiche » l’ensemble composé du nom de l’auteur et de ses références bibliographiques sur Camus.Il nous a semblé utile enfin, en annexe, de redonner des éléments d’information et d’analyse sur les points récurrents de toute discussion sur Camus entre son pays de naissance et son pays d’appartenance : ses articles et prises de position de 1939, de 1945, de 1956 et de 1957 ; nous avons fait une petite incursion dans l’après, « face à l’indépendance ». Evoqués également les « lieux de mémoire » que sa notoriété a consacrés : la librairie, « Les vraies richesses », la stèle de Tipasa, la plaque sur sa maison natale. Il va sans dire que nous ne pouvions proposer de revisiter l’œuvre littéraire de Camus que sous soit sous l’éclairage algérien ou sous un éclairage autre. Les nombreuses études recensées sont à lire dans ce sens.

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On sait qu’il y a des raisons objectives et subjectives au recul de la présence de l’œuvre de Camus dans l'enseignement algérien. Les positions de l’écrivain qui n’étaient pas en faveur de l’indépendance du pays ont quelque peu refroidi les lecteurs ; il a fallu du temps pour revenir aux textes littéraires mêmes et mettre ainsi en suspens le désaccord. Et puis de jeunes lecteurs ont découvert l’oeuvre dans l’ignorance du débat politique. Mais la raréfaction de l’enseignement littéraire en français n’a pas affecté seulement Camus mais tous les écrivains français ou francophones avec le recul notoire de la langue française qui rend inaccessibles de grands auteurs : enseigne-t-on les romans de Dib, Nedjma ou Le Polygone étoilé de Kateb Yacine ? Il y a également une rupture dans les relais de transmission du savoir sur Camus, effet de génération accentué par les événements des années 90 et le départ qui s’en est suivi de beaucoup d'enseignants de français qui étaient en mesure de faire connaître l'écrivain. Les programmes scolaires ne fixent pas la liste des auteurs à étudier, celle-ci étant laissée à l'appréciation de l'enseignant. Les libraires non plus ne proposent pas les titres de Camus : le coût du livre importé est trop élevé. Et malgré cela, les Algériens continuent à le lire et à écrire à son sujet…

Notre première partie, « Ecrits journalistiques, opinions libres et éclairages universitaires», fait état d’un très grand nombre de contributions uniques. On constatera une présence continue de Camus dans la presse et différents écrits. Le désir d’écrire un article sur Camus ou d’y faire allusion a des motivations diversifiées :- ce sont des comptes-rendus d’ouvrages ou de manifestations où il a été question de Camus, ou consacrés à Camus.- ce sont des articles provoqués par un événement marquant, comme la fameuse « Caravane Camus » (cf. ici Mohamed Bouhamidi) ou comme la polémique la plus récente, celle qu’a enclenchée la scandaleuse interview de Michel Onfray, le 10 août 2012, à El Watan, sous le titre : « Camus n’a jamais dit oui à l’ordre colonial ! » : on y découvre un Onfray fuyant toute réponse claire à propos de son idole ou attaquant, agressif, des interlocuteurs algériens absents, qu’il méprise et voue aux gémonies. Certainement, en plus des contre-vérités que ceux qui vont répondre démontent une à une, ce qui a le plus choqué est l’ignorance étalée de l’Histoire de l’Algérie et l’affirmation du besoin congénital de la violence chez les colonisés. Sur son site, Ahmed Ben Saada en a fait un dossier : cf. http://www.ahmedbensaada.com, dans les dix jours qui ont suivi la publication. On y découvre que nombreux sont les intellectuels algériens de différentes professions qui ont des connaissances certaines sur Albert Camus.- ce sont aussi des mentions de Camus dans tel ou tel ouvrage ou telle ou telle revue ainsi que sur le net, source d’information incontournable.

Dans la seconde partie, « Chercheurs-Universitaires et Ecrivains », sont essentiellement réunies les contributions à la connaissance de l’œuvre et aux positionnements citoyens de Camus de chercheurs-universitaires – que le canal qu’ils aient choisi soit une étude universitaire classique ou les colonnes de la presse d’un côté et de l’autre de la Méditerranée – et d’écrivains. En ce qui concerne ces derniers, nous n’avons retenu que les écrivains qui se sont explicitement exprimés sur Camus et non ceux dont plusieurs chercheurs ont tenté un parallèle avec l’une ou l’autre constante de l’œuvre camusienne, comme l’idée de Méditerranée, la recherche du père ou le silence de la mère, pour prendre ces trois exemples. En effet, ce que nous recherchions, comme l’indique notre titre général, c’étaient « Les mots sur Camus » et non tous les parallèles et comparaisons – justifiés et intéressants – que l’on peut faire entre Camus et les écrivains algériens, travail bien entamé, par ailleurs, et qui reste à enrichir.

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Notre souhait est que ce répertoire soit un instrument de travail pour combattre certains clichés et pour donner l’idée de nouvelles recherches. Il est un point de départ et de renouvellement et non un aboutissement.

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PREMIÈRE PARTIEEcrits journalistiques, opinions libres et éclairages universitaires

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Belaïd ABANE (Professeur de médecine et politologue)

« Entre la mère et la justice », El Watan 31 Déc 2009/1er janvier 2010. Article en trois paragraphes : ''Colonialiste de bonne volonté", ''Un 'philosophe' à la posture communautariste'', ''l'étranger et l'inconscient colonial''. Les sous-titres résument ce que fournit l'analyse des discours littéraire et politique de Camus dit " écrivain pied noir". L'argumentation puise aussi dans  une bibliographie bien fournie, référencée en fin d'article.

Ferhat ABBAS (homme politique. Ancien président du GPRA)1899, Taher (Algérie)- Décédé en 1985 à Alger.

- http://www.fabrique/dessens.net/Tribune-de-Paris-01-juillet-1946 (cf. aussi www.youtube.com/watch?v=ejCl-cdjNEc) : émission intégrale de 25 mn du 1er

juillet 1946, dirigée par Paul Guimard avec des députés des 1er et 2ème collèges dont Ferhat Abbas, représentant des « Amis du Manifeste » et avec des personnalités comme Camus, « dont les articles de l’année dernière sont dans tous les esprits » et Jean Amrouche, directeur de l’Arche. Le thème en est « Le problème algérien ». La première réponse de Camus est qu’après 116 ans de présence française, les milliers de victimes en 1945 montrent bien qu’il y a un problème algérien. Les différentes personnalités vont se départager selon la primauté qu’elles donnent au problème politique (Ferhat Abbas, Jean Amrouche et A. Camus) ou au problème économique (les députés européens). Elles vont également se scinder sur la question de l’avenir de l’Algérie : éveil d’une conscience politique qui ouvre la voie à une conscience nationale (F. Abbas et J. Amrouche), assimilation (les députés européens) ; quant à Camus il pense que la phase nationaliste doit être accélérée pour passer à une perspective internationale qui permettrait un fédéralisme en lien avec la France, solution au problème politique.Ajoutons qu’il n’est pas inintéressant d’entendre ces trois voix : Abbas et Amrouche affirment l’existence d’une personnalité algérienne avec force ce que Camus récuse tout en concédant qu’il faudrait considérer avec plus d’intérêt « la civilisation arabe ».- Ferhat Abbas assiste à Appel d’Albert Camus – Pour une Trêve civile en janvier 1956, sans prendre la parole.- C. de Gaulle, A. Camus, Ferhat Abbas, « Je vous ai compris », Suivi de « Pour une trêve civile » et de « Algérie algérienne », essai poche, 2011, « Points grands discours ».

Hamid ABDELKADER (journaliste)

« Camus n’est pas un écrivain colonialiste mais un écrivain algérien » Al Khabar, quotidien en langue arabe, 8 août 2004, article suivi d’un entretien avec C. Chaulet Achour ; le titre est une libre traduction d’un des propos de l’interviewée ; sept colonnes d’un quotidien de langue arabe très lu. On y note une approche particulièrement ouverte et attentive à une démarche critique, de la part de ce journaliste qui a pris la peine de faire suivre son compte-rendu d’un entretien avec l’auteur et de renouveler sa lecture en ne tombant pas dans les ornières habituelles et en posant pourtant les questions inévitables dans le contexte algérien. L’entretien qui avait été traduit pour Al Khabar a été publié en français par la revue de femmes en Méditerranée, Etoiles d’encre (Sidi-Bel-Abbès et Montpellier), n°19-20, octobre 2004, accompagné d’un compte-rendu de l’ouvrage par Maïssa Bey, pp. 296 à 302. [Les questions posées :- Le lecteur de votre livre (Camus et l’Algérie, Alger, éd. Barzakh, 2004) va certainement sortir avec de nouvelles impressions sur Camus, un Camus colonialiste. Partagez-vous cet avis ? ; - On sent que le Camus de L'Etranger n'est pas celui de « La trêve civile », ni celui du Premier Homme. Pourquoi cette distinction ? ; - Entre L'Etranger et Le Premier homme, y a-t-il une continuité dans la pensée de Camus ? ; - Vous

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dites que Camus est un fossoyeur du roman colonialiste : est-ce que cela voudrait dire qu'il a élevé voire transcendé la littérature au rang de la création littéraire ? ; - Que reste-t-il de Camus aujourd'hui ?]

ABDOU B. (nom de plume d’Abdou Benziane, journaliste)1944, Barika (Batna), décédé en décembre 2011.

« Camus, l’étranger », La Tribune, 4 mars 2010.Le propos intervient au moment où la suggestion de panthéonisation de Camus a été lancée.Camus est reconnu comme un « grand homme de Lettres qu’il faut lire toutes générations confondues», sans pour autant faire de lui un Algérien, eu égard à « sa position relative à la guerre d’indépendance ». Verdict dicté par l’exemple de la France qui a su faire la part des choses concernant Céline, « un collabo pronazi […] jugé comme tel sans pour autant que soit amoindri d’un gramme son génie littéraire » (Abdou B., décédé depuis, n’a pu assister au recul de Frédéric Mitterand, Ministre du gouvernement Fillon, qui a dû renoncer à la célébration de Céline remplacée par celle de Camus, sous la poussée d’une opinion publique jamais oublieuse des positions politiques de Céline). Refusant d’assimiler Camus à Céline ou à Drieu le Rochelle, insistant sur la nécessité « d’apprécier Camus l’écrivain et de recommander sa lecture », il souligne aussi la nécessité « d’apporter un regard politique sur l’homme en toute lucidité et avec sérénité et le respect dû à son écriture », et d’affirmer que Camus « fait partie de la mémoire culturelle algéro-française car elle existe». Par opposition à « Sartre, Jeanson, Iveton, Henri Alleg et bien d’autres qui mériteraient de voir leur nom au fronton d’édifices et de temples culturels algériens parce que, entre leur mère et la justice, ils ont choisi les deux, sauvant l’honneur de leur mère patrie en continuant d’être des liens et des liants entre l’Algérie et la France des Lumières. Camus restera un étranger qu’il serait vain de "nationaliser" avec de complexes contorsions n’ayant rien à voir avec la littérature qui transcende les frontières et les "intérêts" du jour. »

Mohamed Ismaïl ABDOUN (universitaire)1946, Béchar

- « Du "Détournement des Dieux" à la Pensée de Midi dans Noces », Actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp 471- 480.- « Cet étranger si proche et si lointain » dans la Revue des Lettres Modernes, série Albert Camus, n°23, « A. Camus et l’Algérie », 2013, Minard, Philippe Vanney (coord.). A paraître.

Nadia AGSOUS

« Albert Camus : "Misère de la Kabylie" », 27 avril 2013. Analyse des articles avec cette conclusion : « Ainsi, l'un des objectifs de l'auteur à travers cette série d'articles qui suscite de l'indignation et de la colère est de plaider en faveur du droit de la population indigène kabyle à l'éducation, à une vie digne et décente et d'inciter les autorités coloniales locales à agir pour « rendre au travail kabyle tout son prix ; pour éduquer techniquement un peuple dont l'adresse et l'esprit d'assimilation sont devenus proverbiaux ; pour que sur les bancs d'une même école, deux peuples faits pour se comprendre commencent à se connaître ». Le but d’Albert Camus était de renforcer "une connaissance mutuelle", pour réussir l'entreprise de l'assimilation envisagée par la France et qu’il appelait de tous ses vœux.http://www.huffingtonpost.fr/nadia-agsous/misere-de-la-kabylie-camus_b_3163534.html

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 Karima AÏT DAHMANE (universitaire)

«  Albert Camus et l’Algérie : Tensions politiques et prises de position », Actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’interdiscours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 123-134.

Louisa AÏT HAMOU (universitaire)

« The other half : Female characters in Camus writings », « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990, pp. 91-102.

Omar AÏT KACI (universitaire)

« D’Albert Camus à Chawki Amari, résurrection de Sisyphe dans le désert algérien », communication au colloque de Guelma, 9 et 10 octobre 2013 (cf. fiche BELHASSEB).

Hachemi AÏT MANSOUR (Journaliste)

« Camus par lui-même », Entretien avec José Lenzini, Passerelles, N° 52, mars 2013, pp. 24-33. Petit dossier « Camus par lui-même » comprenant un résumé détaillé du livre de José Lenzini, Les derniers jours d’Albert Camus, (Barzakh, Algérie), auquel il donne un titre : « Les silences maternels et le fracas des tôles ». Suit un entretien avec J. Lenzini qui répond entre autres aux questions suivantes :- Comment expliquez-vous l’attitude négative de l’intelligentsia française vis-à-vis de Camus ? ; - De toutes les rencontres avec les intellectuels, c’est celle d’Albert Camus qui domine, suscite encore beaucoup de polémiques et d’intérêt. Pourquoi à votre avis ? ; - (pourtant), dans son Journal et dans son dernier roman La Cité des roses, Feraoun se rapproche des thèses camusiennes… ; - (pourtant), l’itinéraire du Fils du pauvre, Fouroulou, c’est celui de Camus. Ils se reconnaissent dans le modèle de l’école laïque, le mérite social par l’école, l’humanisme, la non- violence…Un bouquet de questions pour asseoir la grande proximité entre Camus et Feraoun. Voir, plus loin, la fiche Mouloud Feraoun et l’extrait du 3 février 1956.

Yacine ALIM (journaliste)

« Plaidoyer pour une algérianité », El Watan, 26 mai 2004 ; à propos de l’ouvrage de C. Chaulet Achour, Albert Camus et l’Algérie (éd. Barzakh), un compte-rendu biaisé par la lecture et l’écoute qui furent les siennes, lors d’une rencontre dans une librairie d’Oran, pourtant passionnante et où le public était intéressé par une approche différente de Camus. La conclusion est toujours de la même veine comme de nombreuses allusions ici et là, dans l’article, avec une incompréhension de ce qu’on peut entendre par « l’algérianité » de la fiction camusienne : « Lorsque Christiane Chaulet Achour affirme que L’Etranger est un livre écrit pour les Algériens, c’est Malek Hadad et Mostefa Lacheraf qui lui répondent en soulignant l’absence sidérale des Algériens dans l’œuvre de Camus. Un auteur au talent certain, qui aura manqué de lucidité, voire tout simplement de courage, au moment le plus crucial de la guerre d’indépendance ».Pour que les choses soient claires pour les lecteurs peu habitués aux raccourcis de la presse algérienne, Malek Haddad est décédé depuis longtemps et Mostefa Lacheraf n’était pas présent à la rencontre ! Le journaliste fait sans doute allusion pour le premier à son article, « Le seul respect que je dois à Camus ». Quant à Mostefa Lacheraf, sa position était nuancée sur A. Camus (cf. sa fiche plus loin). Leurs noms sont utilisés, dans « l’argumentation » du

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journaliste comme arguments d’autorité pour prouver les erreurs de lecture du livre « analysé ».

Mehdia AL KHALIFA- BENGUESMIA (universitaire)

-« Albert Camus ou le pacte du cœur », Synergies Algérie, 1- 2007, pp. 113-118.Cet article traite du déchirement de l’auteur entre la terre d’Algérie  qu’il a aimée comme une femme et l’exil. Ce déchirement sera résolu par l’écriture.-« Une lecture algérienne de La femme adultère pour la réhabilitation des sens ajournés de la vision de Camus », communication au Colloque de Guelma (cf. fiche Belhasseb), 9 et 10 octobre 2013. Boussetta ALLOUCHE (universitaire)

« Albert Camus : colonisateur de bonne volonté ? », Voix plurielles 8.1 (2011) 88, Brock University. Présentation de l’article : Cet article analyse les raisons qui expliquent l'intérêt bénévole qu'Albert Camus avait démontré à l'endroit des Kabyles dans une série de reportages publiés dans Alger Républicain en juin 1939. Malgré une dénonciation franche et sincère de la souffrance dont les Kabyles étaient victimes, les écrits de Camus soulèvent des questions liées à la perception du sujet colonial. La représentation que Camus se faisait des Kabyles était entachée de préjugés et de stéréotypes coloniaux. Le présent article tentera d'établir que le contenu du reportage d'Albert Camus sur les Kabyles évoque à l'esprit l'attitude du colonisateur bienveillant. brock.scholarsportal.info/journals/voixplurielles/article/download/.../316

Malek ALLOULA (écrivain)1937, 0ran

Colloque Oran, juin 2005 (cf. Y. Belaskri) : Malek Alloula a retracé tout son itinéraire vis-à-vis de Camus, d’un éblouissement adolescent, puis du ressentiment de l’adulte, à un apaisement. Plusieurs auditeurs se reconnaissaient dans cet itinéraire. Il a choisi plus particulièrement le texte « Le Minotaure ou la halte d’Oran » pour remettre en cause l’image négative que Camus aurait laissée de la ville. En sollicitant et interrogeant les textes eux-mêmes ainsi que leurs marges, Malek Alloula a parcouru un lieu géographique et spirituel qui, dans les années 1939-1940, se trouve être à l’origine d’inspirations créatrices donnant conjointement naissance à un essai et à un roman. Ce qu’il a souhaité, c’est donc suivre, par le biais du texte, le cheminement d’une « familiarité »  d’Albert Camus avec des lieux qui sont « les nôtres, que nous partageons donc avec lui ». C’est sur cette lancée qu’il a écrit un texte inédit pour l’Anthologie du colloque de Tipasa : « Le labyrinthe et la peste : à Oran dans la "familiarité" avec Camus. » Actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 203-210.

Karim AMELLAL (universitaire, écrivain)1978, Paris

« France-Algérie: non Camus ne peut-être un réconciliateur », karimamellal.net/tag/albert-camus, 23 mars 2013.« Le nom de Camus s’étale aujourd’hui à longueur de colonnes. Sans nul doute est-ce mérité : il s’agit après tout de l’un des plus grands écrivains français du XXe siècle. Sans nul doute

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aussi n’est-ce que justice après cette forme de mépris affectueux dont l’a giflé, pendant un long moment, l’intelligentsia française dans le giron de Sartre, qui le tenait pour un piètre philosophe. Sans nul doute aussi est-on désespérément en quête de modèle puissant, de figures auxquelles s’identifier. De maître à penser. La réhabilitation de sa « pensée du midi » par Onfray, pour poussive qu’elle fût, a contribué à mettre en lumière la richesse de ses écrits. Et la sortie en salles du film de Gianni Amélio, adapté du roman autobiographique inachevé de Camus, Le Premier homme (publié par sa fille en 1994), s’inscrit dans ce contexte où Camus, déifié littérairement, réhabilité philosophiquement, loué politiquement, est aussi en voie d’être statufié historiquement pour son rôle de réconciliateur des mémoires entre la France et l’Algérie.Ecrivain admirable, homme de gauche lucide, Camus fut un résistant et un combattant de la première heure de la misère sociale et du dépouillement forcé des « indigènes ». Il la côtoya lui-même, un assez long moment, et ses écrits sur la Kabylie publiés dans les années 30 dans Alger Républicain sont encore là pour en témoigner. Dans Le Premier homme, d’ailleurs, il évoquait les silhouettes faméliques des Arabes et, en les observant à l’école, il comprenait et s’indignait de leur pauvreté. Mais pour lui, il n’y avait pas de différence fondamentale entre les Européens pauvres et les pauvres indigènes : tous constituaient ces « forces prolétariennes » dont le souci motiva son adhésion au Parti communiste, le seul parti selon lui qui se préoccupait vraiment des plus démunis. Et s’il n’y avait pas de différence de nature, il n’y avait donc pas lieu de les distinguer, encore moins de les séparer. C’est aussi pourquoi jamais il ne se vit ni se pensa comme un colon. Pour lui, les colons, c’était «  les autres », ces gens du dessus, bourgeois et de droite, qui exploitaient les masses laborieuses, Européens et indigènes réunis.Mais ce que Camus n’a pas vu, n’a pas perçu, n’a pas conçu, c’est que la pathologie sociale qui lui répugnait tant lorsqu’il observait et disséquait avec talent la condition des Kabyles, était alors le produit, en même temps que d’une exploitation sociale, d’une ségrégation raciale, d’une mécanique de séparation, qui ne disait pas son nom. Il ne voulait pas d’une séparation, mais il ne comprit pas que la société coloniale était ontologiquement une société de séparation. Car il n’y avait pas tant, dans l’Algérie coloniale, une différence de ressources entre les Européens et les indigènes, qu’une différence, monumentale, de statut : l’Européen était citoyen, l’indigène non. Et s’il y eut parfois communion dans la misère, celle-ci n’a jamais aboli les frontières juridiques de l’inégalité et l’infériorité mise en œuvre par le système colonial qui faisait de l’indigène, non un sous-homme, mais un sous-citoyen.Le cheminement intellectuel de Camus prit un tour plus radical au moment du déclenchement de la guerre d’Algérie, qu’il ressentit comme une déchirure physique. Partisan de l’assimilation, il ne reconnaîtra jamais comme légitime l’aspiration des « indigènes », du moins telle que mise en œuvre par le FLN, à conquérir leur indépendance, c’est-à-dire à se défaire par la force du joug colonial. Peu à peu, sa position d’équilibre d’avant 1954 se radicalisa, a contrario d’un Jean Amrouche, par exemple, qui s’engagea lui fermement en faveur des insurgés. A Jean Amrouche, d’ailleurs, il écrivait ceci en 1954, au lendemain de la « Toussaint rouge » : «Tirer, ou justifier qu’on tire sur les Français d’Algérie en général, et pris comme tels, c’est tirer sur les miens, qui ont toujours été pauvres et sans haine et qui ne peuvent être confondus dans une injuste révolte. » Plus tard, en 1957, Camus déclarait : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois en la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » Cette phrase, demeurée célèbre, suscita immédiatement une vaste polémique. Encore aujourd’hui, elle suffit à elle seule, aux yeux de beaucoup, à disqualifier la position de Camus sur la question algérienne. Camus, à l’évidence, avait choisi son camp. En 1958, dans Actuelles III, il écrivait ceci : « Autant sont légitimes la dénonciation du colonialisme, de l’attitude méprisante des

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Français, d’une répartition agraire injuste et d’une assimilation toujours proposée mais jamais réalisée, autant est illégitime le concept de nation algérienne ». Camus ne divergera pas de cette ligne jusqu’à sa mort le 4 janvier 1960, six mois avant la proclamation de l’indépendance de l’Algérie (sic).En juin 1985, Albert Memmi, l’auteur du célèbre Portrait du colonisé, disait ceci à propos de Camus : « Je ne lui fais pas grief de n’avoir su parler que des siens propres. Chacun doit parler de ce qu’il connaît le mieux… mais lorsque les Algériens ont commencé à réclamer leur liberté politique, il n’a pas vu qu’il s’agissait d’une revendication nationale, il a mésestimé le fait national algérien. »On peut donc réhabiliter Camus sur le plan philosophique, voir en lui – ce qui est mon cas – l’un des plus merveilleux écrivains français de tous les temps, on peut lui reconnaître des positions courageuses sur le stalinisme, un investissement sans faille en faveur de la Résistance, mais on ne peut en faire, sur la question algérienne, aujourd’hui comme hier, le symbole d’une réconciliation entre les Français et les Algériens. »

 Idir AMMOUR (journaliste)

- « Le Premier homme de Camus porté au cinéma », « 50 ans après sa disparition : Camus, la controverse », Algérie news, 21 février 2010.- El Watan, 4 mai 2013. Premier Biopic de Camus. Gianni Amelio en tournage en Algérie (Ain Temouchent et Mostaganem). Le réalisateur refuse tout entretien tant il est entouré de suspicion. Dans son film, « il fait de Camus un incompris ». Idir Ammour s'interroge : « Est-ce rendre justice à la vérité historique que de travestir des faits? ». Il souligne que le film mérite d'être vu dans le pays natal de l'écrivain, « figure mythique de la littérature française »; ainsi désigné dans son autre article de L'Expression, « 50° anniversaire de sa mort - Albert Camus sème toujours la confusion - A ce jour, l'engouement populaire pour l'homme et son œuvre ne se dément pas. »    Marguerite Taos AMROUCHE1913, Tunis. Décédée en France en 1976.

« Hommage à Albert Camus », Simoun, Oran, n° 31, juillet 1960 « Camus l’Algérien », Numéro spécial, pp. 22-24.

Ahmed ANCER (J.)

-« Tipaza se souvient de Camus », El Watan, 25 avril 2006.-« Les ambivalences de Camus », El Watan, 29 avril 2006.Les deux livraisons sont une couverture du colloque Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours. (Tipasa et Alger) Avril 2006. Les différentes interventions sont résumées en leurs points essentiels.

Mokhtar ATTALAH (universitaire)

Écritures littéraires algériennes -Albert Camus, Nina Bouraoui, Boualem Sansal, Ahmed Kalouaz, Paris, L'Harmattan, coll. «Approches littéraires», 2012.Présentation de l'éditeur : « […] Les textes étudiés relèvent d'une littérature à triple tendance ; d'abord une littérature sur l'Algérie, consignée dans le cadre du voyage exotique, suivie d'une littérature coloniale ; puis une littérature de contestation et de combat, enfin une littérature de

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rupture. La démarche analytique adoptée ici annonce l'intérêt accordé à toutes les disciplines, particulièrement l’Histoire ».

Yasmina B. (journaliste)

« L’Algérie de Camus de José Lenzini – Entre l’exil et le royaume », Le Matin, n°2881, 15 août 2001 : compte-rendu du livre, assez strictement descriptif à l’occasion de la réédition de l’ouvrage en Algérie ; reconstitution du « parcours » algérien de Camus. Toutefois, le paragraphe introductif est plus « coloré » puisque pointe l’opinion de la journaliste, très discrètement toutefois : « Entre l’Algérie et Albert Camus, une longue histoire d’amour et de dépit, une intarissable source d’écritures. Les thèses foisonnent sur son œuvre, les polémiques ne sont pas tout à fait éteintes et les prismes de lecture divergent. José Lenzini, lui, nous donne à regarder l’Algérie par les yeux et les lettres de Camus ».

Farida BELKHIRI (journaliste)

-« L’Algérie va à la redécouverte d’Albert Camus (Colloque international de Tipasa) », La Tribune, 26 avril 2006.-9ème édition du SILA, 16 septembre 2004 (La revue Fenêtres lui est consacrée). Etat des débats d’un café littéraire « Etude comparative des œuvres de deux écrivains : les concepts de ‘Révolution’ et de ‘Rupture’ chez Camus et Fanon ». Sont retenus tout particulièrement les propos de Maougal : « Camus suggérait ou sous-entendait dans ses analyses l’adoption du colonialisme ou l’approvisionnement du colonialisme. Il était pour la fusion des cultures, des identités, celle unissant les indigènes aux colons. » Instructif !

Fella BENABED (universitaire)

-« Albert Camus’s Nuptial Bond with the Mediterranean Environment in L’envers et l’endroit and Noces suivi de L’été : An Ecocritical Perspective », communication au colloque de Guelma, 9 et 10 octobre 2013 (cf. fiche Belhasseb).

Djamel BENACHOUR (journaliste)

« Regards croisés sur un écrivain à redécouvrir », El Watan, 13 juin 2005. Page « Oran info » compte-rendu assez approximatif du colloque d’Oran sur Camus, du 11 et 12 juin. Outre le titre, le chapeau retient : « Il est question d’une meilleure compréhension, peut-être une réhabilitation, en mettant un peu d’humanité dans un mythe, celui d’une œuvre qui n’a pas tout dit ». Le journaliste donne essentiellement les noms des intervenants qui montrent déjà l’éventail de plus en plus ouvert d’intellectuels algériens travaillant sur Camus et le titre de leurs communications. Rien n’est dit du public, de l’atmosphère du colloque et de la seconde journée avec les premiers pas d’une adaptation de L’Etranger par une jeune troupe oranaise de théâtre et de danse.

Khalfaoui BENAOUMEUR

« Camus militant avéré et définitif de l’Algérie française », Le Quotidien d’Oran, 1er mars 2010. Signataire de la pétition contre la caravane, il souligne qu’« avec le soutien des institutions algériennes (elle) constitue une réhabilitation du discours de l’Algérie française. » Pointant la partie algérienne il relève avec insistance, la différence de traitement avec F. Jeanson qui ne jouit d’aucune reconnaissance publique.

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A. BENCHABANE (journaliste)

-« Mgr. Duval-Albert Camus : deux hommes dans la tourmente », El Watan, 15 mai 2006. Envers les deux personnages, « 'l'histoire est parfois ingrate », écrit-il, mettant sur le même pied l'écrivain français et l'archevêque qui opta pour la nationalité algérienne.- « Algérie-Camus, cheval de Troie ? Etrange ! » Source El Watan posté le 28 mai 2010.Il constate que la célébration du cinquantenaire de la mort de Camus s’est transformée en un retour de la pensée impériale de la France, que la « stigmatisation […] use d’arguments inappropriés […], qu’on a recours au discours politique […] (qu’on accumule) les présupposés qui confondent l’homme tel qu’en lui-même avec sa faiblesse et ses errements et le génie qui a irrigué ses écrits […] un amalgame de censeurs qui ne sauraient plaider la bonne cause qu’ils croient défendre. Décidément la paranoïa est la mieux partagée entre les deux rives […] La lucidité intellectuelle capable de dépasser les amours-propres étroits (n’est) jamais réciproque. Chacun l’emploie contre l’autre. Voilà pourquoi les pétitionnaires d’Alger ont toutes les raisons de ne pas croire en la sincérité apolitique de cet œcuménisme camusien. » Il faut revenir, dit-il, à l’évidence historique pour qu’enfin « "la France de Camus" puisse conduire celui-ci vers le Panthéon qu’il aura bien mérité. […] A ce moment-là seulement, lorsque les torts seront reconnus et amendés, le grand accoucheur de L’Etranger pourrait retrouver une place dans ce pays matriciel même s’il n’a pas su plaider son malheur comme on l’aurait voulu. Alors Camus cessera d’être la victime des pétitionnaires d’ici qui ne s’autoriseront plus de jeter leur anathème chaque fois qu’une troupe de théâtre jouera sa pièce Les Justes dans nos misérables maisons de culture. »Le dossier publié par le quotidien Liberté du jeudi 11 mars (2010) est signalé.

Mohamed BENCHICOU (journaliste)1952, Miliana

« Oran, La Peste, soixante ans après Camus », Le Quotidien d’Oran, 21 juin 2003.

Nazim BENHABIB (chirurgien)

«  Albert Camus et le drame algérien », El Watan, Mercredi 3-jeudi 4 février 2010.Dans le paragraphe « Camus et l’Algérie », la phrase de Stockholm est reprise pour la contextualiser. Néanmoins il apporte une précision : « Pour beaucoup, cette phrase fut pensée et je partage cet avis. En effet, on retrouve une fois dans une lettre parue dans les Carnets : " Aucune cause, même si elle est restée innocente et juste, ne me désolidarisera jamais de ma mère, qui est la plus grande cause que je connaisse au monde. " S’il manquait donc une affirmation à son propos, il l’apporte ici de manière on ne peut plus claire. »Particulièrement impressionné par l’écriture de L’Etranger, il n’en soulignera pas moins les remarques formulées ici et là à propos de l’absence de l’Arabe. Souligne la grandeur et la brillance de l’œuvre de Camus. L’article s’achève sur une citation de Paul Valéry : « l’enrichissement des mutuelles différences » pour désigner la réalité de l’Algérie ; «"La confrontation perpétuelle est tout à la fois sa vocation, son inconfort et sa grandeur". C’est toute la signature camusienne. »

Anouar BENMALEK (écrivain)1956, Casablanca

- Question lancinante reprise par Anouar Benmalek à la rencontre de l’ACB en octobre 2005 : « L’un des plus grands écrivains algériens ne parle pas de ceux qui se nomment aujourd’hui

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algériens », p. 44, « L’Autre Camus », Actualités et culture berbères, Paris, Automne-Hiver 2006-2007, n°52-53.- Cf. son point de vue dans l’article d’Akram Belkaïd (cf. sa fiche) du Hors-série Télérama de 2010.

M. BENREBIAI (journaliste)

«Camus et l’Algérie - Vox populi : Albert Camus », Le Soir d’Algérie, 24 janvier 2010.A l’occasion du cinquantenaire de la mort de Camus qui suscite la polémique, est présenté soigneusement un éventail des différentes facettes de l’écrivain à l’égard de l’Algérie et des Algériens, citations à l’appui. En conclusion, c’est Nourredine Saadi qui est convoqué pour ses propos qui lui paraissent « juste(s) » et « approprié(s) » : « Il faut se libérer du ressentiment vis-à-vis de Camus. Camus n’est pas un nationaliste algérien. Camus n’est pas Sénac. Il est le fils de la colonie de peuplement, il faut s’y faire ! Il nous appartient parce qu’il dit des choses qu’on aime et qui nous éclairent sur ce pays qui est le nôtre. »Cet article est un raccourci de celui qui est publié dans Le Quotidien d’Oran, dimanche 2 novembre 2008, sous le titre « Camus l’Algérien ? Camus le Français ? ». Article en deux parties : "Sa vie et son œuvre" puis, "Camus, l’Algérie, les Algériens et la guerre d’Algérie". Dans cette seconde partie, pour situer Camus, un panel d’écrivains sont cités. Et en conclusion, les mêmes mots de N. Saadi.

Ahmed BENSAADA (universitaire)

-« Camus, Yasmina et les autres », La Tribune, 24 mars 2010 (article daté du 19 mars) : article très critique vis-à-vis de la caravane Camus et de ses organisateurs dont il se demande, tant qu’à faire, pourquoi ils n’ont pas programmé en Algérie une « panthéonisation » impossible en France. Il leur reproche de confondre l’homme et l’œuvre, celle-ci, souligne-t-il, étant souvent supérieure à l’homme. A Camus il reproche sur l’Algérie un silence qu’il n’a pas gardé à propos d’autres causes en particulier quand il proclamait son attachement à Israël. La raison en est simple : c’est, comme l’a montré Meursault, que l’Arabe est colonisable, « assassinable ». Si A. B. ne remet pas en cause la richesse d’une œuvre à laquelle on doit consacrer colloques, conférences et autres activités, il refuse l’idée de l’algérianité de Camus, affirmant que s’il est Algérien, il l’est d’une Algérie disparue le 5 juillet 1962.-Recensement de la polémique Onfray-Camus-El Watan sur son site en date du 27-08-2012 : http://www.ahmedbensaada.com : il donne l’interview d’Onfray, le 10 août 2012. Lui-même répond, La Nouvelle République, 26 août 2012, « Onfray, Camus et les "plumitifs du régime" : cette réplique est une reprise point par point, avec documents et arguments à l’appui, des propos du philosophe français.

Mohamed BEN SALAH (universitaire)

«Camus à travers le prisme du cinéma», à Mondovì, la ville italienne qui a donné son nom à la Mondovi d'Algérie, colloque «Albert Camus, Premier Homme à Mondovì», 22 et 23 février 2013. Par l'association culturelle «Gli Spigolatori», en collaboration avec l’Alliance française de Cuneo, l'Institut d'Histoire de l'Europe méditerranéenne (CNR), l'Association SECUM (sciences, cultures et éducation en Méditerranée) à l'occasion du centenaire de la naissance d'Albert Camus à Mondovi (Algérie).

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Mounir BEN TALEB (universitaire)

« La passion du corps dans L’Etranger de Camus », dossier « Lettres de la passion », Espace prépas, n°97, octobre 2004.

Messaoud BENYOUCEF (dramaturge et ancien professeur de philosophie)1943

Le Monde, Jeudi 14 janvier 2010 : «  Fallait-il préférer sa mère à la justice ou affronter les ultras de l'OAS? » Le professeur de philosophie parlait de liberté et d'engagement et moi je me disais qu'il n'était pas le mieux placé pour discourir sur des catégories qu'il semblait avoir en exécration : dictant ses cours, cassant et sarcastique, ramenant tout à un bergsonisme invraisemblable, il n'avait pas – c'est le moins que l'on puisse dire – la cote auprès des élèves. Ce jour-là, il demanda inopinément, en regardant vaguement dans ma direction, qu'on – il ne nommait pas sa piétaille – évoquât des noms de penseurs engagés. Je citai Sartre et Camus.Cela se passait durant l'année scolaire 1960-1961, dans un lycée d'Oran, deuxième ville d'Algérie, dans une classe de terminale philo qui ne comptait que deux Arabes, sous-ensemble étique, certes, dont je faisais partie. Le professeur me foudroya du regard et me dit, sur un ton méprisant : "Savez-vous qu'à l'occasion de la remise du prix Nobel, M. Camus a été pris à partie par un étudiant algérien sur son silence à propos de la guerre qui a lieu ici et que M. Camus a répondu qu'il préférait sa mère à la justice ?"Je n'en savais rien. Tout avait entretenu mon ignorance jusque-là : l'âge, le confinement de l'internat mais surtout la censure de tout ce qui touchait aux "événements". Censure officielle et censure subjective : ma famille comptant beaucoup de nationalistes morts ou croupissant en détention, elle redoutait que je n'eusse à encourir l'anathème de "famille de fellaghas" qui était déjà notre lot au village natal - et d'abord de la part de certains de nos voisins arabes. J'étais écrasé de honte. Le silence qui suivit la saillie du professeur fut de plomb et dura une éternité. Je me sentais comme livré tout entier à ma propre mort symbolique et le professeur devait veiller à ce que rien ne vînt adoucir le travail de mortification qui était à l'œuvre chez l'impétrant insensé qui avait perdu une occasion de ne pas l'ouvrir.La nature exacte de ce qui venait de se produire ne commencera à se dévoiler à moi que quelques semaines plus tard, après que le professeur aura fait un autre écart - un pas de côté - pour dénoncer avec des mots cinglants, et sur une tonalité que nous ne lui connaissions pas, ce qui était arrivé une journée auparavant : la ville, subitement, avait été prise de l'un de ses accès de folie homicide que l'on nommait "ratonnade" et qui la laissait pantelante et ivre de sang. Les lettres de menace, bientôt suivies d'attentats à l'explosif, n'intimidèrent pas l'homme qui prolongea ses diatribes contre les auteurs de ces actes par des articles dans le seul journal capable de les accueillir, Oran républicain, un quotidien de gauche, l'homologue d'Alger républicain.Je considérais, éberlué, un homme seul défiant et combattant par le verbe ce qui était en train de devenir, à vue d'œil, une toute-puissante organisation armée qui allait plonger la ville dans un cataclysme. Je compris alors que ma malencontreuse réponse avait servi de prétexte bienvenu à quelqu'un qui avait décidé d'en découdre dans les pires conditions qui se puissent imaginer, simplement parce qu'il n'en pouvait plus de se taire.Pour le dire autrement, je compris que la chose politique avait fait une entrée retentissante dans le sanctuaire clos et supposé neutre du savoir et ce, par décision de celui dont c'est le devoir de garantir l'étanchéité des "lieux" aux scories du monde extérieur. Et d'un mot, d'un seul, le professeur avait fait de son coup de sabot à Camus une force de dissolution immédiate de tout le théâtre d'ombres par quoi la vérité des choses était travestie : plus encore que le mot

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"guerre", celui d'"algérien" était le tabou suprême ; or il avait été prononcé et cela valait, ipso facto, reconnaissance d'une appartenance politique propre à un peuple auquel ce droit était encore dénié.La classe – ce groupe d'élèves unis, bon an mal an, par les nécessités du management pédagogique – ne s'en remit pas ; le professeur cristallisa, en effet, sur sa personne la haine des élèves les plus politisés, ceux que l'on désignait à l'époque par le terme d'ultras. L'émergence de ce petit groupe délimita par effet spontané les contours des autres sous-ensembles : les tièdes, majoritaires et suivistes, les rebelles à l'ordre ultra, les trois qu'il me faut nommer (Joseph, Pierre et Saïman, ces deux derniers me sauveront simplement la vie lors d'une ratonnade) et les deux Arabes que nous étions, élevés maintenant, à nos propres yeux, à la dignité politique d'Algériens.Cette première chose qu'accomplit le professeur, appelons-la reconnaissance, catégorie par laquelle advient généralement l'atomisation des fantasmes unicitaires.Mais par son rejet du paralogisme fallacieux de l'écrivain - présentant sous la forme d'une disjonction exclusive, ou ma mère ou la justice, ce qui n'était que l'aveu candide qu'il ne pouvait imaginer pour sa mère d'autre statut que celui que lui garantissait l'oppression d'un peuple -, notre professeur nous disait quelque chose que je compris comme ressortissant à l'essence même de la vie : il faut oser penser contre "la mère" justement, contre l'ordre de la tribu, contre l'ordre du sang.Cette seconde chose-là, appelons-la, comme le poète, "la petite voix qui dit non", ou bien comme le philosophe, principe de négativité, pour célébrer la divine puissance du négatif (et aussi, je l'avoue, pour donner quelque chose en pâture à mon surmoi hégélien). La leçon de mon professeur se dégageait, maintenant, dans l'éclat du concept : pour avoir été incapable de consentir au négatif, pour avoir craint de se hisser sur ses sommets solitaires, Camus se fermait les voies de la reconnaissance de l'autre par quoi l'on est humain. Et la formule peut aussi se lire dans le sens inverse.Et voyez comme vont les choses : c'est au moment précis où l'on feint de débattre de l'image de soi pour mieux stigmatiser ceux que l'on accuse de ne pas avoir renoncé à l'ordre et aux oripeaux de la tribu, que l'on élève Camus – cet homme qui n'a pas renoncé à l'ordre de sa tribu – au rang de totem national.Ces temps, décidément, sont scélérats qui voient le Barnum indécent de ceux qui sont revenus de tout, de ceux qui ont renié tout et son contraire, de ceux qui n'attendaient qu'un alibi solide pour se soustraire à leur simple devoir d'humain, de ceux qui ne rêvaient que de dénoncer les "pièges de l'engagement" pour pouvoir se consacrer - enfin ! - à leur petitesse, s'ébranler pour de fabuleuses ripailles derrière une effigie qui n'en peut mais, certes, mais qui aurait dû y penser.Voilà pourquoi, dès que j'entends "Camus", je dégaine mon prof de philo, l'homme qui m'a appris ce qu'être un homme veut dire, l'homme qui a rendu à jamais impossible que je puisse devenir ségrégationniste ou rentier d'une culture de la dette et/ou de la haine à l'endroit d'un pays et d'une nation qui m'auront autant mutilé que régénéré.Mais j'allais oublier : au mois de juin, après avoir passé la dernière épreuve du bac et alors que j'attendais dans la cour d'honneur le moment propice – celui où les groupes de jeunes Européens se disperseraient – pour quitter le lycée et rentrer chez moi, je vis, se dirigeant vers moi, un condisciple ; c'était le chef des ultras de la classe ! Il me dit que je n'avais, désormais, nul intérêt à me trouver en ville (entendons : la ville européenne) et que si cela arrivait et qu'il me rencontrât, il me ferait la peau, lui-même. C'est ainsi qu'il parla, posément, calmement puis il ajouta : "Et voilà pour ton prof !", en me tendant un bout de papier. C'était un tract. Il y était écrit : "Yves Vié-Le Sage, chrétien-progressiste. Condamné à mort". La signature comportait les trois lettres de l'entreprise de l'Apocalypse (OAS, Organisation armée secrète).

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Farid BENZAID (journaliste)

« Hamid Grine à l’Institut français de Constantine : Camus dans le narguilé fait débat », Le Soir d’Algérie, 29 mai 2012. L’écrivain (les 27 et 28 mai 2012) explique que son roman se justifie car il soulève la question de « l’engagement des écrivains algériens à l’instar de Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Jean El Mouhoub Amrouche, Dib, Jean Sénac… par rapport à Camus, un auteur envers qui, nous Algériens, avons la fâcheuse tendance à être très exigeants […] Pourquoi l’on n’est pas exigeant avec nos écrivains ? » L’article s’arrête sur cette question. La suite de la réponse est donnée par Driss B. dans Liberté, le même jour (voir supra.)

Ahmed BENZELIKHA (journaliste)« Lettre à Monsieur Camus (et à d’autres) », Le Quotidien d’Oran, 21 février 2002.

L’élégance de la plume assassine est entièrement mise au service d’une entreprise qui entend faire tomber de son piédestal le célèbre écrivain, jusqu’à lui signifier sa « Chute » (sic), mot de la fin de l’article. Le ton est donné dès l’introduction : « J’aurais voulu débuter cette lettre, non pas avec une formule, dût-elle être de politesse, mais avec un ou quelques mots à même d’être plus fraternels et donc plus vrais. Mais, Monsieur nous n’avons pas la même mère quoique nous croyions tous deux en la justice. » Commence alors un subtil jeu de rapprochement et mise à distance déstabilisateur qui finit par renverser la stature de Camus. Quelques exemples peuvent en être donnés : « J’écris en français, dans la langue que l’histoire a choisie aussi pour vous, le fils de l’Espagnole, et cela crée une certaine proximité entre nous. » - « Vos œuvres font de vous un repère et votre position vis-à-vis de la justice due à mon peuple, un repoussoir. » - « J’admire en vous le philosophe, non pas tant en termes de réponses apportées, qu’en termes de questionnements posés » - « On ne peut pas vous admirer sans ressentir quelque déception en découvrant cette dualité qui a fait côtoyer, en vous, une intelligence transcendantale et une affectivité frileuse. » - « L’Algérie, – de Noces en 1938 à L’Exil et le royaume en 1957 – n’a eu de cesse de traverser votre œuvre… mais une Algérie sans âme, car vidée des Algériens. » - « 1938, vous écriviez "Si la conquête coloniale pouvait jamais trouver une excuse, c’est dans la mesure où elle aide les peuples conquis à garder leur personnalité"… 1938, vous étiez donc jeune, mais vous étiez aussi victime d’un certain mépris, vous "le petit blanc" d’origine espagnole au sein d’un système dont vous étiez exclu, vous le métèque. Ce n’est que par la suite, qu’on vous accordera la reconnaissance littéraire et c’est par cela même qu’on vous adoptera, enfin, comme Français "bon teint"… votre identité vous l’avez toujours recherchée au nord des quais d’Alger… » - « Comment après avoir été Résistant, écrit vos Lettres à un ami allemand, expliquer votre inconséquence ? » - « …votre position détonne avec votre évolution culturelle… De quelle éthique et de quel humanisme peut-on se prévaloir lorsqu’au nom de la solidarité communautaire, on affirme être avec les siens, même s’ils sont injustes. »

Boussad BERRICHI (universitaire)

« Esquisse d’une étude postcoloniale sur la réception d’une œuvre littéraire – Le cas de la polémique concernant La Colline oubliée de Mouloud Mammeri » dans « L’Affaire La Colline oubliée », Actualités & Cultures Berbères, n° 72-73, automne/hiver 2012, pp. 8-17 (Colloque du 21 avril 2012). Le parcours reconstitué de l’écrivain algérien, dont B. Berrichi est un des spécialistes, introduit à plusieurs reprises A. Camus. Mammeri et Camus font leur

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DES à l’université d’Alger « sous la direction de l’éminent helléniste Louis Gernet ». Il cite à l’appui Fanny Colonna qui reprend l’information : « Non seulement Mammeri, mais aussi Berque et Camus ont fait leur DES avec lui. Il y avait donc là un milieu de jeunes hellénistes ». Comme Camus aussi, Mammeri a eu Jean Grenier comme professeur de philosophie.

Aïni BETTOUCHE (universitaire)

«  Le sud camusien comme un troisième espace », 12 décembre 2009, Université de Ouargla (Algérie), Colloque, « Camus et le sud ».

BLOG COLLECTIF

djazair-france.blogpot.com/2008/03/albert-camus.html Un blog collectif réalisé par des élèves algériens et français avec leurs professeurs d'histoire-géographie.

Houda BOUCHAIB (journaliste)

« Sur les traces de Camus », El Watan, décembre 1992 : trois pages entières. Ici entretien avec O. Todd qui avait fait une tournée de conférences fin décembre-début janvier 1993 dans plusieurs villes d'Algérie.

Samir BOUDERBALA (universitaire)

« Albert Camus et l’effet miroir. Intertexte camusien et écriture romanesque algérienne », intervention au colloque : « réception transdisciplinaire d’Albert Camus », Amman, Université de Jordanie, 27-28 mars 2013.

Abderrahmane BOUGUERMOUH (cinéaste)1936, Ouzellaguen, décédé à Alger en février 2013.

En septembre 2000, Abderrahmane Bouguermouh, cinéaste algérien, déclare dans un entretien accordé à Martina Yadel dans la revue catholique suisse Orientierung :« Camus que j’admire, est le seul qui a su réellement parler de l’Algérie, du paysage algérien et des émotions intérieures qu’on ressent face à l’histoire, face à l’Algérie… Lui, intellectuel, il s’est baigné dans cette atmosphère algérienne qui fait que son monde à lui était autre que les gens de son propre sang et de ce qu’ils pouvaient ressentir par rapport à l’Algérie.Il n’a pas fait de l’orientalisme, Camus. Il était véritablement, intellectuellement, sensiblement Algérien, mais il n’était pas politiquement Algérien – c’est tout ce que je lui reproche. Etant donné que je n’arrive pas à comprendre, je n’arriverai toujours pas à comprendre comment un homme qui ressent ce pays aussi bien que je le ressens n’a pas pu être plus près de moi, plutôt que d’être plus près de la France. C’est ce qui m’oppose à lui.Sinon je peux vous dire : personne, mais vraiment personne n’a ressenti l’Algérie, l’atmosphère algérienne comme il l’a ressentie ! » (cité dans le Bulletin de la Société des Etudes camusiennes, n°57, Janvier 2001, p.19.)

Mohamed BOUHAMIDI (Philosophe et chroniqueur)

- « Une campagne continue depuis deux ans pour placer Camus comme repère dans notre histoire. Les enfants de la canonnière », La Tribune, 5 mai 2006.

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- « L‘art du lobby néocolonial autour de Camus », La Tribune, 31 décembre 2009.Il est avec Mustapha Madi, Samia Zennadi et Mokhtar Chaalal, un des rédacteurs de la pétition contre la caravane Camus. De février à avril 2010 on enregistre une somme impressionnante de réactions à travers la presse nationale francophone et arabophone. Mohamed Bouhamidi est parmi ceux qui se sont le plus manifestés. Tous ses articles sont sur le même ton ; quelques références suffisent à éclairer sa position à l’égard de "la caravane Camus" qu’il considère comme une entreprise néo coloniale dont les desseins sont à peine masqués par le souci de la dimension littéraire, philosophique et esthétique de l’œuvre qu’on voudrait, maladroitement, mettre en avant.-La Tribune, 25 févier 2010 : « De la célébration de Camus au procès de l’ALN » s’aligne ainsi sur le titre de Samia Zennadi : « De l’admiration de Camus au procès de l’ALN ».Pour étayer ses arguments, M. Bouhamidi se réfère aussi à ses confrères d’El Khabar (19/02/2010) qui ironisent sur les propos tenus dans Le Monde du 21/02/2010 : « les objecteurs de conscience et les gardiens du temple qui font en ce moment la chasse à tous ceux qui lisent Camus » en assurant qu’il n’y a aucun vigile posté à l’entrée des librairies. Il note aussi le contre-pied de Nacer Djabi, sociologue arabophone, assurant que « c’est une bataille de la génération des plus de 50 ans, les jeunes ne connaissent pas Camus. » Il précise que Nacer Djabi n’a pas signé la pétition qui lui a été adressée. Et de conclure que seule la question politique anime les initiateurs de la caravane donnant ainsi une suite à la loi de 2005 votée puis rectifiée. -C’est ce qu’il soutient dans La Tribune, 18 Mars 2010, « Faire de Camus la réhabilitation de la cause coloniale », « cheval de Troie pour délivrer des messages politiques et seulement politiques. » A propos de Youcef Zirem et Yasmina Khadra, élogieux à l’égard de Camus, et ici cités, Bouhamidi dira : « Ces militants de Camus ont une idée originale de l’humanisme. »Quant à « la furie de faire de Camus un Algérien, quelle était la volonté et la claire volonté de Camus ? » s’interroge-t-il. Et d’y répondre en citant la déclaration de Camus faite à L’Express du 28/10/55, qui ne souffre d’aucune ambiguïté sur sa revendication et son « choix délibéré » d’être Français. Les promoteurs de Camus, dit-il, « ont inventé un Camus irréel. Ils veulent en faire une cause, celle d’un colonialisme fantasmé, humain et positif. »La véritable cause de Camus, Bouhamidi la trouve dans Actuelles III, 1958 : « Une Algérie constituée par des peuplements fédérés et reliée à la France me paraît préférable, sans comparaison possible au regard de la simple justice, à une Algérie reliée à un empire d’Islam qui ne réaliserait à l’intention des peuples arabes qu’une addition de misères et de souffrances et qui arracherait le peuple français d’Algérie à sa patrie naturelle. »- « 50e anniversaire de la mort de Camus : le mythe de l’Algérien », Le Matin, 15 janvier 2010.

Baki BOUMAZA (Dramaturge.)1944, El Hadjar. Décédé en 2009.

Mise en scène au théâtre de l’Odéon en avril 1998 de Noces d’Albert Camus, figurant dans « Lettres d’Algérie ».

Sihem BOUNABI (journaliste)

« Pour justifier "l’algérianité" d’Albert Camus. Jean Daniel à la Bibliothèque nationale d’Alger », La Tribune, 15 juin 2007.

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Mourad BOURBOUNE (écrivain)1938, Jijel

« Il est devenu l’étranger », Les Nouvelles littéraires, n°26-28, 23-30 mars 1978 : « un très grand écrivain, empêtré dans ses contradictions, souffrant et avançant sur un chemin de ronces ». Conclusion : « Sans rancune et sans amertume, il est devenu pour nous l’étranger ».

CHADLI BENDJEDID (ancien président) 1929 à Seba'a, dans la commune de Bouteldja dans la région d'El-Taref, nord-est de l'Algérie. Décédé en octobre 2012 à Alger

Mémoires Tome 1 – 1929-1979, Alger, Casbah éditions, 2012. « Je ne suis resté à Mondovi qu’une année [il s’agit de la fin du primaire et du début du collège]. Un temps suffisant pour saisir les inégalités socio-économiques entre nos deux univers. Je ne pense pas qu’il y ait de ville plus polluée par le racisme et la "haine de l’Arabe" que Mondovi, à cette époque. J’ai su, plus tard, que cette ville a enfanté un grand écrivain français, A. Camus, qui déclara que, s’il lui était donné de choisir "entre sa mère et la justice", en pleine guerre de libération, il choisirait sa mère, c’est-à-dire la France » (p. 44).

CHEBCHOUB Z. (universitaire)

« Le silence dans la vie et l’œuvre de Camus » dans M.L. Clément, S. Van Wesemal (éd.), Relations familiales dans les littératures françaises et francophone des XXe et XXIe s, Vol I : La figure de la mère. Paris, L’Harmattan, 2008, pp. 127-135.

Malek CHEBEL (essayiste)1953, Skikda

Dictionnaire amoureux de l’Algérie, Plon, 2012. Présentation de son livre au Salon du livre à Nice en juin 2012 : « Imaginez la France et l'Algérie encore réunies. 100 millions d'habitants, 4 000 km d'un seul tenant, la première nation d'Europe et la Méditerranée entre nous. Qu'est-ce qui nous a pris, Algériens, Pieds-Noirs, Français de métropole réunis, de ne pas écouter Camus et de faire la guerre ? Il aurait fallu se tendre la main. Au lieu de cela, nous avons eu une indépendance bâclée. On avait un pays magnifique, un cadeau envoyé à l'humanité par les dieux, malheureusement il est tombé dans les mains des hommes qui l'ont abîmé. »http://www.algerie-dz.com/forums/archive/index.php/t-241473.html : pour les commentaires, en général peu amènes des lecteurs.

Larbi CHELABI (journaliste)

« De Camus à Yasmina Khadra », Le Matin.dz, 17 novembre 2007. http://www.lematindz.net/news/341-de-camus-a-yasmina-khadra.html A propos de l’invitation d’écrivains à l’Elysée par Nicolas Sarkozy pour le cinquantième anniversaire du Prix Nobel. Parmi eux, Yasmina Khadra. Conclusion de l’article :« En ce cinquantième anniversaire de son couronnement par l'institution Suédoise, ne boudons pas notre plaisir et, savourons ce délicieux extrait du discours que Camus prononça le 10 décembre 1957 à la clôture de cérémonie de la remise des prix Nobel. J’ose simplement espérer que Yasmina Khadra qui goûta aux petits fours Élyséens et au thé à la menthe bouteflikien apprécie la profondeur et la justesse du propos. « ...Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais

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sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre ou de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. » Yasmina Khadra entendra t-il Camus?

Mohamed CHELHAB (journaliste)

Page web de Mohammed Chelhab sur le football algérien : un article est consacré à Camus le 16 janvier 2007. Les commentaires en retour des internautes sont savoureux.

Ahmed CHENIKI (universitaire et journaliste)

« Lettre à Mélenchon et autres… », Le Soir d'Algérie, 10 septembre 2013, condamnant les politiques désireux d'intervenir en Syrie et parlant de l'image de l'Arabe traditionnellement véhiculée, rappelle le Meursault de L'Étranger qui « dans le prolongement de la littérature  algérianiste (Randau et Bertrand) tue l'Arabe, d'ailleurs sans identité, indigne d'exister. » 

Mustapha CHERIF (Universitaire, essayiste. Ancien ministre)

-« Camus revisité. La pérennité d’une œuvre », El Watan, 25 janvier 2007. A propos du livre de Jean Daniel : une lecture à la fois enthousiaste et critique pour un livre jugé « pédagogique. »

Nedjma CHERRAD (universitaire)

« De l’enseignement du texte camusien en licence de français à l’université de Constantine »Intervention au colloque « La réception transdisciplinaire d’Albert Camus », Amman, Université de Jordanie. 27-28 Mars 2013.

Lamria CHETOUANI (universitaire)

« L'Etranger d'Albert Camus : une lecture à l'envers du stéréotype arabe », dans Mots, mars 1992, n°30, « Images arabes en langue française », pp. 35-52. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_02436450_1992_num3011679 Cette étude tente l’exploration du non-portait de l’Arabe dans L’Etranger confronté aux articles militants de Camus.

Ali CHIBANI (universitaire, journaliste)

« L’Etranger d’Albert Camus, de l’absence d’Histoire à l’impossible utopie », Cultures Sud, n°14, 2010.Présentation de l’article : « L’Étranger a suscité une grande polémique à cause de l’absence des "indigènes" colonisés dans le paysage d’Alger et du meurtre de "l’Arabe" par Meursault,

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le personnage narrateur. Un sentiment de gêne peut en effet naître à la lecture de ce roman qui s’inscrit clairement dans la littérature de l’absurde. Pourtant, lors d’un entretien avec Nabile Farès dont le sujet était Jean El Mouhoub Amrouche, l’écrivain et psychanalyste algérien nous a affirmé : "Ce roman a été très mal lu. Il ne faut pas se mentir, les choses se passaient ainsi à l’époque". En effet, L’Étranger n’est pas un livre colonialiste mais le livre qui déclare la mort de la littérature coloniale et ouvre la voie à une autre métaphorique littéraire farouchement anticoloniale. »

Pr. Chems Eddine CHITOUR (universitaire et essayiste)

- « L’Etranger au calvaire des Algériens », L’Expression, 7 janvier 2010.Fait le point sur la réception de Camus par les Algériens. Après la foudre qui s’est abattue sur lui, il note un retournement de posture, certains s’en réclament, se l’approprient. Surgit alors la question : « Camus l’algérien ! L’était-il ? » Pour y répondre, il met en exergue « le parcours atypique de Camus ». Evoque ses écrits dans Combat et en vient à ceux, à contre-courant, de E. Saïd et O’Brien : Camus et Conrad sont les représentants de « la domination occidentale sur le monde non européen ». Confronte Camus à Pierre Bourdieu en sa qualité de sociologue. Puis, à propos des écrits de Camus dans Alger Républicain il écrit : « il est à craindre qu’ils ne soient que des appels à la charité et non pas des appels à la liberté, à l’égalité et la fraternité. » Dans un deuxième paragraphe, « L’Algérie aseptisée », ses conclusions : « Camus a raté le train de la décolonisation en s’accrochant à une vision passéiste du monde. Cela ne lui enlève rien à son immense talent, à ses beaux textes sur l’Algérie… une Algérie aseptisée, avec les monuments sans arabe, sans culture autochtone…Camus restera encore une énigme controversée et il serait mal venu aux Algériens de se "l’approprier" ».- « Pour en finir avec Camus : « "L’Etranger" au calvaire colonial des Algériens », 19 septembre 2013. www.alterinfo.net/pour-en-finir-avec-Camus-l-etranger-au-calvaire-colonial-des-algériens_a41141;html/

Lynda CHOUITEN (universitaire)

« Camusian Ambiguities: a Postcolonial Reading of Misère de la Kabylie », communication au colloque de Guelma, 9 et 10 octobre 2013 (cf. fiche Belhasseb).

Azeddine DAHMOUNE(1945, Sétif)

« Retour à L’Etranger », pp. 235-337 dans le dossier d’Algérie Littérature/Action, 1999.

Djamila DEBECHE (écrivaine)1926, Sétif

« Notre frère Albert Camus », Simoun, Oran, n° 31, juillet 1960, Numéro spécial, pp. 38-43.

Fafia DJARDEM (psychiatre, psychanalyste)

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« L’enfant dans l’exil – Lecture du Premier homme », communication le 26 octobre 2013, « Camus, une œuvre au présent », Ecole Normale Supérieure de Lyon/Association Coup de soleil Rhône-Alpes.

Pr Nasser DJIDJELI (chirurgien)

« Le temps des indignations sélectives », Le Soir d’Algérie, 25 août 2012 : une des réponses à l’interview scandaleuse de Michel Onfray à El Watan, le 10 août 2012. Parmi les cinq réponses, une des plus sereines et des plus documentées.

Sarah DIFFALAH (journaliste)

-« Camus, l'Algérien ou l'étranger », Le Nouvel Observateur, 5 janvier 2010 : Après avoir souligné le lien qui unit Camus à sa terre natale, l'article décrit l'attitude fréquente des Algériens à son égard : « D'un côté, le respect pour son œuvre  et sa fidélité à l'Algérie. De l'autre une réserve critique à cause de sa discrétion sur la politique française en Algérie. » Il rappelle que Camus fut peu écouté et remarque que la génération issue des "années noires" le réintègre notant malgré son refus d'une nation algérienne, sa lutte en faveur de la justice. Il insiste sur son travail de journaliste, rappelant les articles d'Alger Républicain et de Combat avant de donner la parole à trois écrivains algériens qui " témoignent de leur rapport à Camus", Y. Khadra, M. Bey et B. Sansal (voir la fiche de chacun).- « Cinq poncifs sur la guerre d'Algérie », Le Nouvel Observateur, posté le 17 mars 2012, reprend un peu l'argumentation de l'article précédemment cité, note parmi les « poncifs énumérés, celui-ci: "Albert Camus était pour l'Algérie française" ». L'auteure note que s'il est réhabilité par ses "pairs", Camus est toujours un sujet de controverse s'agissant de la guerre d'Algérie : on a largement, dit-elle, critiqué « sa réserve et sa discrétion » comme l'absence des Arabes dans ses romans. Alors que nombre d'intellectuels signent le Manifeste des 121, il ne prend pas position sauf lorsqu'il prononce la fameuse phrase sur sa mère et la justice. Elle souligne qu'il s'est cependant insurgé contre le fait colonial, en voulant pour preuve les articles d'Alger Républicain et de Combat et affirmant qu'il « propose des solutions ». Camus, dit-elle, « s'est accroché à une solution difficile à tenir à mesure que la révolte grondait et que la guerre s'engageait ». 

Fatima DOGHMANE (universitaire)

« Présentation de Camus », organisatrice du colloque « Camus et le Sud », Université de Ouargla, 12 décembre 2009.

DRISS.B (journaliste)

« Nous avons aujourd’hui des écrivains algériens qui valent ceux de la génération 1950/60 » Liberté, 29 mai 2012.« La problématique que je pose, c’est celle de nos écrivains algériens lors de la guerre de libération. Je considère que la position de Camus n’était pas celle d’un anticolonialiste. Il avait certes condamné les atrocités de mai 1945 ou évoqué la misère en Kabylie, mais c’était surtout un humaniste convaincu. Maintenant, qu’on me dise qu’elle a été vraiment la position des écrivains algériens, on doit évaluer leurs positions politiques et voir si vraiment ils étaient contre le colon. Ceux qui aiment Kateb sont horrifiés lorsque je dis qu’en lisant trois fois Nedjma, je n’ai rien compris à ce roman. Camus dit que l’écrivain doit être la voix des sans voix. L’écrivain a une responsabilité morale pour dénoncer ce qui doit l’être. Je ne dénonce

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personne mais je n’ai pas vu de condamnation politique du colonialisme chez Kateb Yacine, Malek Haddad, Dib ou Mouloud Mammeri.» Une ignorance coupable qui exonère Camus de tout reproche sur ses positions politiques.

Ameziane FERHANI (journaliste)

« Tournages "étrangers" », El Watan, le 30 mars 2013. A propos du tournage du réalisateur italien, Gianni Amelio, en Algérie, fait rare. Rappel du tournage de Luchino Visconti, de l’adaptation de L’Etranger, en 1968. Notons : « son scenario avait bénéficié de la participation de l’écrivain oranais Emmanuel Roblès, ami de Camus mais partisan de l’indépendance de l’Algérie. Le Premier homme est donc la deuxième adaptation d’une œuvre de Camus par un réalisateur italien ».

Aïcha GABANI (universitaire)

«  Analyse de La femme adultère », Colloque « Camus et le Sud », Université de Ouargla, 12 décembre 2009.

Aziz GHEDIA (journaliste)

« Albert Camus une histoire de malentendus », Source: El Watan, Vendredi 25 décembre 2009. Posté le 28 décembre 2009, AGORA VOX.

Hassan GHERAB (journaliste)

Compte-rendu d’Hassan Gherab dans La Tribune (Algérie) du 6 juin 2004, de l’ouvrage Albert Camus et l’Algérie (C. Chaulet Achour). La description de l’ouvrage est précise. Le journaliste conclut : « Le livre tel qu’il se présente apparaît comme l’une des pièces manquantes devant compléter l’image encore incomplète que les lecteurs ont de Camus, de son œuvre mais surtout de leurs liens avec le milieu, la société, l’Algérie colonisée ».

Larbi GRAÏNE (journaliste)

« Camus, un séducteur absurde », 50 ans après sa mort, Le Midi Libre, le 6 février 2010. Article de deux pages illustré de photos de Camus jeune et de la reproduction de la couverture de l’édition de poche dans sa première version de l’Etranger. Après avoir traité de la relation très forte qui unit Camus à sa mère, l’auteur de l’article souligne que l’œuvre se ressent de l’absence de celle-ci avec laquelle l’écrivain ne pouvait communiquer pour des raisons bien connues. Il y a un mythe Camus, comme il y a un mythe de l’Algérie telle que l’a aimée et vécue l’écrivain. Oran, Alger, Tipasa, Belcourt autant de repères…L’œuvre de Camus vit dans l’intertexte : Boudjedra, Assia Djebar, Djemai l’intègrent dans leurs textes. Djebar dans le Blanc de l’Algérie brode une histoire autour d’une mère qui vient de perdre son fils dans un accident de voiture. Graïne cite Christiane Achour qui montre comment les phrases empruntées à l’écrivain se mêlent de façon inattendue à la commémoration du massacre de Sétif le 8 mai 1945 ou tout simplement à un discours politique. C’est dire, selon Larbi Graïne, combien Camus est présent parmi nous et toujours reconnu d’une certaine façon.

Hadjer GUENANFA (journaliste)

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- « Une initiative très controversée », L’Expression, 4 mars 2010. Autour de la caravane et de la polémique qui s’en est suivie, elle relève des points de vue qui se singularisent dans la tonalité d’ensemble. Elle cite Malika Laïchour ou Y. Zirem. Pour l’un, « Camus est un écrivain immense et un humaniste de génie », pour l’autre, exclamation significative : « il faut pouvoir célébrer Camus. »- « Interview de Jean-Paul Schintu, metteur en scène du Premier Homme », L’Expression, 17 avril 2010. Jean Paul Schintu, également comédien, venu en Algérie pour présenter Le Premier homme. L’adaptation scénique de ce roman, parce qu’inachevé, ne serait-elle pas un "pari risqué"?

S. H. (journaliste)

« Tendance ‘franchie’ », Algérienews, 7 septembre 2013 : A propos du SILA, fait allusion à l’année du centenaire de Camus et aux ouvrages de Daoud et Bachi qui dialoguent avec Camus.

Malek HADDAD (écrivain)1927, Constantine. Décédé à Alger en 1978

« Le seul respect que je dois à Camus », An Nasr, Constantine, 18 février 1967. A voulu démystifier une légende qui tendrait à présenter Camus comme anti-colonialiste, « comme un serviteur de l’Algérie ».

Yazid HADDAR (écrivain)

-« Camus l'algérois », 29 décembre 2009, Le Mag.ma, le quotidien magrébin. Conclusion de l’article, www.lemag.ma/Camus-l-Algerois_a30439.html : « Pourquoi Camus est-il toujours d’actualité ? Ses romans se classent toujours parmi les meilleures ventes. Ses textes sont enseignés partout dans le monde. Ce qui veut dire que partout dans le monde on parle de l’Algérie. Un écrivain algérien de retour des Etats Unis m’a confié que Camus est toujours d’actualité, à tel point qu’un lecteur lui a demandé de lui dédicacer le roman L’Etranger. L’auteur lui a dit : « Mais ce n’est pas moi qui l’ai écrit ». Le lecteur lui a répondu : « Vous venez d’Algérie, Camus aussi est né en Algérie ! Tout comme lui, vous portez en vous l’odeur de l’Algérie. » Quels sont les secrets des romans de Camus ? Ceci reste un mystère ! Peut-être a-t-il décrit la misère non pas en tant que concept mais plutôt telle qu’il la vécue. Peut-être refuse-t-il l’injustice, les idées totalitaires quelle que soit leur origine ! À ce propos, il écrit : « […] Renoncer à toute valeur revient alors à renoncer à la révolte pour accepter l’Empire et l’esclavage. La critique des valeurs formelles ne pouvait épargner l’idée de liberté. Une fois reconnue l’impossibilité de faire naître, par les seule forces de la révolte, l’individu libre dont rêvaient les romantiques, la liberté a été, elle aussi, incorporée au mouvement de l’histoire. Elle est devenue liberté en lutte qui, pour être, doit se faire.» Camus mérite une place dans notre histoire ; qu’on le veuille ou pas, il fait partie de nous. Le nier, me semble-t-il, c’est nier une partie de notre mémoire et de notre histoire. Nous devrions dépasser le Camus politique, quelle que soit sa vision de l’histoire de l’époque pour lui donner la place qu’il mérite, en commençant par l’école. Il a tant donné pour l’Algérie, à la terre qui l’a vu naître et qui a rayonné par son soleil. Cependant, sa place n’est pas au Panthéon, elle est parmi les siens, au cimetière qui domine la baie d’Alger en accueillant la mer bleue à bras ouverts. »

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-« La place de Camus est au cimetière d’Alger », 30 décembre 2009.http://www.rue89.com/2009/12/30/la-place-dalbert-camus-est-au-cimetiere-dalger-131754

Dr. Mohamed HADEF

Dans l’espace « Publicité » du quotidien Liberté du 18 février 1997, on trouve un « communiqué » du Dr. Mohamed Hadef pour la réunion des hommes de bonne volonté, désireux d’une Algérie ouverte et fraternelle. La conclusion du texte convoque Camus avant et avec… le Coran ! :« Méditons tous que la vraie générosité envers l’avenir consistera à tout donner au présent (Camus). Nous marchons avec notre foi, notre détermination et notre confiance pour ouvrir la porte à l’espérance. Dis : agissez ! Dieu verra vos actions ainsi que son Prophète et les croyants (Sourate 9, verset 104). Pour notre seule mère : l’Algérie, et l’avenir des Algériennes et des Algériens ».

Sofiane HADJADJ1970, Alger

« Albert Camus "une position intenable en Algérie" », Politis.fr, 3 octobre 2013, un entretien de Sofiane Hadjadj (réalisé par Olivier Droube). Son interlocuteur l’interroge sur le regard qu'il porte sur la figure de Camus ; il répond que ce dernier « n'occupe pas une position essentielle sur (son) parcours personnel ». Même s'il l'a lu – L'Etranger et Noces à Tipasa......ou encore ses écrits sur la Kabylie –, Camus  ne l'a pas particulièrement marqué. Cependant il a réfléchi, note-t-il, à l'intérêt qu'il suscite en France comme en Algérie et souligne un paradoxe : en Algérie il est à la fois très lu – il y a même eu des éditions pirates – et « rejeté par une partie de l'intelligentsia en raison du fait qu'il n'a jamais pris parti... pour l'indépendance de l'Algérie. » Il estime cependant, qu'il a « toute sa place dans le débat et le patrimoine culturels et littéraires algériens ».A la question de la perception de Camus en Algérie, il répond en soulignant sa position intenable, celle de « l'entre-deux ». Quant à la position des Algériens par rapport à Camus sur laquelle l'interroge son interlocuteur, il parle d' « incompréhension et de distance » mais aussi  d'amour pour l'écrivain : « Ils auraient sans doute aimé que quelqu'un  de cette stature ait défendu la cause algérienne » et il conclut: « il a fait ce qu'il a pu, et on ne peut, évidemment le rendre responsable de ce qui s'est passé ».

Brahim HADJ SLIMANE (écrivain)1955, Oran

« La vie culturelle à Oran au temps de Camus », colloque Oran, juin 2005 (Cf. Y. Belaskri)  a situé les activités culturelles des communautés en présence à Oran, en soulignant l’étanchéité certaine, manifestant la méconnaissance de ce qui se faisait de part et d’autre de la frontière invisible mais bien réelle qui les séparait.

Boudjemaâ HAÏCHOUR (ancien ministre) 1948, Constantine

«  Le Premier homme d’Albert Camus. Note de lecture », Révolution Africaine, N° 1631, du 31 mai au 6 juin 1995. Contextualisation du roman autobiographique où sont signalés les faits « source de l’existentialisme de Camus », ceux qui le conduisent à refuser de laisser échapper le présent destiné à être vécu dans toutes ses dimensions, cela même qui donne sens au

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sentiment de l’absurde et de la révolte : « cette pure passion de vivre affrontée à une mort totale est un espoir aveugle qui lui donnait ses raisons de vivre en homme continuellement révolté. »

Ahmed HALFAOUI

-« La caravane Camus et son débat inégal », La Nouvelle République, 8 juin 2010.Il présente le déroulé des faits de l’initiative jusqu’à son épilogue. Un rappel des différentes réactions en Algérie et en France où les auteurs de la pétition (publiée dans 2 journaux à faible tirage) sont accusés d’être des ennemis de la culture, désignés par la presse française propageant ses allégations mensongères à propos de l’interdiction de lire Camus en Algérie. Dans ce fatras médiatique il fallait la juste parole de Mohamed Yefsah : " Le Camus littéraire doit avoir toute sa place en France, en Algérie ou ailleurs. Mais il est malveillant de vouloir conditionner le passé par un Camus qui refusait la révolte à des hommes qui voulaient la lumière, sortir du gouffre de l’histoire".Pointant du doigt la presse propagandiste, Halfaoui conviendra que cette « riposte conforte plus la pétition qu’elle ne la discrédite. » Le blâme tombe tout particulièrement sur le Directeur du CCA à Paris qui jette l’anathème sur les intellectuels algériens et qui dit avoir « la nostalgie du vivre-ensemble…nous vivions si proches » (cf. La Croix). « Il ne peut pas se défendre d’être dans ce cas l’outil inconscient d’un travail de mémoire à rebours qui s’acharne à réhabiliter le colonialisme, un travail qui se fait au jour, depuis peu. Un travail qui intègre une hostilité grandissante contre toute écriture de l’histoire qui ne procède pas d’un "équilibre" des "fautes" et qui occulterait les "crimes" des combattants algériens». Halfaoui concède à Camus son refus de tous les despotismes, en l’occurrence celui du colonialisme et celui du FLN. Mais il soulève une question, celle de « savoir si les deux despotismes peuvent être mis en parallèle pour justifier une remise en cause du choix de bouter le colonialisme hors de l’Algérie. » La conclusion : «  Il est difficile de mobiliser des capacités de discernement dans le vacarme parisien où il n’y en a que pour Camus. Un remède est pourtant disponible pour tout féru de la littérature dans ce cas précis où culture et politique "devraient être séparées". Le remède est de se rendre à l’évidence que le cas du fasciste Céline ne souffre d’aucune indulgence de la part des thuriféraires du colonialiste Camus. »-« « Sartre, Edward Saïd, d’autres et le "nietzschéen de gauche » », Les Débats, 10 août 2012. Réponse à M. Onfray le jour même de son interview dans El Watan.

Leïla HAMOUTENE (écrivaine et enseignante)1945, Aïn Beïda

« Camus, ce que je crois » dans l’anthologie, actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 227-229

Ahmed HANIFI

Blog : http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.frFait allusion à Camus dans plusieurs articles aux dates suivantes : 31 juillet et 27 octobre 2011 - 25 mars et 24 juillet 2013 Reproduction des articles de la presse algérienne – particulièrement El Watan – sur Camus, de 2005 à 2013.

Hacène HIRECHE (universitaire)

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« Les émotions dans le texte "La misère en Kabylie" » Colloque ACB, octobre 2005 : grille de lecture de la théorie de la communication, pour « démontrer» le « racisme » de Camus dans Misère de la Kabylie. Dans Actualités et culture berbères, Automne-hiver 2006-2007, N° 52-53, pp. 23-27.

Kassa HOUARI (écrivain)1953, Bougie

1988 : Kassa Houari, écrivain émigré, évoque, dans une interview, ses lectures et note qu'il admire Roblès, le pied-noir et est révolté par Camus, « image classique du colonisateur... dans les ouvrages de Camus, les Algériens sont inexistants. Aucun personnage arabe (sauf dans L'Etranger où les quelques Arabes sont des criminels). »

Lila IBRAHIM-LAROUS (universitaire)

« L’Exil et le royaume d’Albert Camus. L’Algérie comme chair de la poésie », 2009 - Lendemains, Revue – Etudes comparées sur la France, Gunter Narr Verlag Tübingen, 34. Jahrgang, N° 134-134, numéro « A. Camus et l’Algérie », Mustapha Trabelsi (éd.), pp. 147-156.

Youcef IMMOUNE (universitaire)

«  La Peste, écriture de l’épreuve et pouvoir de régénération : dialogues continus ». Actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’interdiscours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp.51-70. Mohamed IQBAL (pseudonyme)

« Nos élites souffrent-elles du syndrome camusien ? », La Nation, décembre 1996. Un tel titre, à cette date, ne peut pas ne pas attirer l'attention et un sentiment de malaise : dans l'état où se trouve le pays, que vient faire cette accusation contre Camus ? On se rend compte très vite que le procès de ce dernier est déjà instruit et que ceux qui sont visés sont les écrivains francophones. Le but est d’inclure les francophones et les écrivains en particulier – avec une prédilection pour Dib, Mimouni, Djaout –, sous la figure emblématique de « l’extraversion sociale » de l'intelligentsia francophone algérienne que représente Camus. L’article est une véritable mise à l'index des écrivains par les tenants de la fermeture linguistique dans le débat sur les langues qui sévit en Algérie depuis l'indépendance, comme symboles de l’inadéquation profonde avec leur peuple. Ainsi de la mise en équivalence de Camus et de Dib avec des arguments étonnants pour l’un comme pour l’autre : « Comment ne pas mettre sur un pied d'égalité Albert Camus et Mohammed Dib lorsque le premier déclarait qu'entre la justice et sa mère il choisit sa mère et que le second, quarante ans plus tard et dans des conditions presque semblables, affirme que "la langue française est la matrice" dans laquelle il avait été élevé. Les deux expriment la même peur du même Arabe qu'ils ont chacun à sa manière et pour les mêmes raisons tué. Les deux assistent avec la même indifférence, avec le même "inhumanisme" à l'enterrement de leur mère, privilégiant l'atmosphère "douillette" du roman et "l'histoire de l'écriture" à la réalité dont la rigueur mais aussi l'inestimable richesse rendent leurs fictions combien futiles. Les deux choisiront leur mère aux dépens de la justice. »L'accusation de fond – sous l'ombre tutélaire de Camus – peut se résumer ainsi : tout le monde rêve, le regard tourné vers l'étranger, par défaut de connaissance de sa propre société.

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Aussi, croire aux superstitions est encore préférable à croire en la science de l'autre puisque l'on ne sait pas en faire un usage conséquent. On ne peut que remarquer que ces arguments avaient déjà été développés dans Les Lettres de prison d'Ahmed Taleb, citées antérieurement. Dans une lettre du 17 octobre 1959, on peut lire : « A l'Université d'Alger, je pris conscience d'un danger "interne" : je découvris que les étudiants algériens (en nombre infime par rapport aux étudiants d'origine européenne), étant formés exclusivement à l'école française, avaient tendance à perdre la mémoire de leurs origines et à se détacher peu à peu du peuple qui leur avait donné naissance (Malheur à "l'élite" qui souffre d'un complexe d'étrangeté au sein de son peuple!) ». 1959-1996, la même argumentation est reprise par deux noms différents... dont celui de Mohamed Iqbal ne peut être qu’un pseudonyme. Ahmed Taleb l’évoque dans ses Lettres de prison (13 avril 1960) : « J’ai découvert il y a quelques années Mohammed Iqbal. Sa pensée, quoique marquée par le bergsonisme, me semble plus près de notre temps que celle de Cheikh Abdou. » [Penser l’islam, Pakistan, 1877-1938).

Ghani A. KACHA (universitaire)

« L’"icône" de l’absence dans La Peste d’Albert Camus », communication en arabe au Colloque de Guelma, 9 et 10 octobre 2013 (cf. fiche BELHASSEB)

Mohamed Zine Abidine KADDOUS (journaliste)

« Le paradigme de l’Arabe, ou la représentation de l’indigène dans la littérature coloniale » Le Quotidien d’Oran, 23 janvier 2003.Compare Camus à d’autres écrivains de même origine (Pélégri, Basset, Roblès) et en souligne la différence avant de conclure : « Oui il faut continuer à lire Camus mais il faut Très Bien le lire. »

Abdelmadjid KAOUAH (journaliste et poète)1954, Aïn Taya

« Dialogue d’outre-tombe : Kateb Yacine et Albert Camus », 2003 - Rencontres Méditerranéennes Albert Camus, Albert Camus et les écrivains algériens, quelles traces ?, en coordination avec J-C. Xuereb et A. Fosty, Edisud, Les Ecritures du Sud, 2004, pp. 51-55.

H. KARBOUA (journaliste)

« Sartre-Camus, les raisons d'un divorce », El Watan, décembre 1992. En 1992-1993 : tournée de conférences d'Olivier Todd dans plusieurs villes d'Algérie. Un compte-rendu de la conférence. Le contenu est fidèle aux positions d'O. Todd exposées dans la biographie de Camus publiée depuis chez Gallimard et aux positions habituelles de la rédaction sur l'absence d'Algériens dans l'univers romanesque.

Malika KEBBAS (universitaire)

« Mouloud Mammeri et Albert Camus », dans Albert Camus – Assassinat post-mortem, sous la direction de Mohamed Lakhdar Maougal, Alger, éditions APIC, Opus collection, 238 p. : un chapitre de la p. 115 à 151, soit 36 p. Mise en parallèle de « Lettres à un ami allemand » de Camus et « Lettre à un Français » de Mammeri.

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Yacine KENZY (journaliste)

« Colloque sur Albert Camus à Paris – Comprendre l’homme de tous les malentendus », Liberté, 1er novembre 2005, colloque de l’ACB à Paris (cf. fiche A. Metref). Compte-rendu assez approximatif : « les invités ont simplement confirmé un constat déjà établi, l’œuvre de Camus est ambiguë et profondément enracinée dans le malentendu. » Relève ce qui fait mouche dans les propos de N. Farés, Christiane Chaulet Achour, Henri Alleg, Hacène Hireche et ce qui les distingue respectivement. L’ordre des intervenants n’est pas respecté, certaines interventions sont passées sous silence, la plupart des autres déformées (les propos des uns sont attribués aux autres, etc.). Le journaliste est surtout intéressé par les deux intervenants qui ont avancé une critique discordante du Camus journaliste et citoyen : Henri Alleg et Hacène Hirèche. Mais, comme le signale le chapeau de l’article : « la salle était archi-comble » et le public, dans son ensemble, « intéressé et connaisseur » même si la parole a été monopolisée par ceux qui n’avaient peut-être jamais vraiment lu Camus. Le journaliste se plaît à souligner le malentendu et l’ambiguïté. Conclusion : «  A position ambiguë, lectures plurielles. Une seule certitude : Camus, né en Algérie de parents modestes n’a jamais milité pour l’Indépendance. »

Saïd KESSAL1918

Même s’il n’a jamais rien écrit, c’est l’Algérien par qui le "scandale" est arrivé…! Aussi a-t-il sa place dans notre répertoire. Algérien vivant en Suède à Norborg (cité pavillonnaire de la banlieue de Stockholm) lorsque Camus vient recevoir son prix Nobel en Suède, il assiste à la conférence de presse de l’écrivain et lui pose la question sur son engagement pour les Algériens. Irrité, l’écrivain lui demande avec insistance son âge ce qui indispose Saïd Kessal. Pour lui, Camus était une figure morale de haute stature mais il n’avait rien lu de lui. Il n’était pas « téléguidé » par le FLN, comme on l’a affirmé et comme on l’affirme encore. Ses coordonnées ont été données par Kateb à J. Lenzini qui rend compte longuement de sa visite à ce très vieux monsieur, en 2008, qui avait refusé de lui répondre 40 ans auparavant : Cf. Les derniers jours de la vie d’Albert Camus, double édition parallèle, en 2009, Actes Sud et Barzakh, pp. 137-140 de « Postface… pour mémoire ». Raymond Gay-Crosier et Maurice Weyemberg y font allusion (Œuvres complètes, Tome IV, p. 1405-1406). Le récit de Lenzini est très intéressant à lire.

Mohamed El-Aziz KESSOUS1903, El Kala. Décédé en 1965.

Cf. notice p. 1439 des Œuvres complètes, Tome IV, La Pléiade.« Albert Camus et l’honneur de l’homme », Simoun, Oran, n° 31, juillet 1960 « Camus l’Algérien », Numéro spécial, pp. 3-12.

Boualem KHALFA (Ancien dirigeant du PCA et du PAGS. Ancien Directeur d’Alger Républicain)1923

Article réponse sur Camus, El Watan, 12 juin 2006. L’article se veut une réponse à celui A. Benchabane du 15 mai 2006, « Mrg Duval-Albert Camus : deux hommes dans la tourmente ».

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Il apporte des précisions sur Camus et « son adhésion non pas au PCA mais à la Fédération d’Algérie du PCF ». Il mentionne que « le PCA a tenu son premier congrès constitutif en octobre 1936 » et que ce dernier « a quitté le communisme en juillet 1937, c’est-à-dire au moment où les communistes adoptent et appliquent des positions plus nationales. » Affirme que Camus et Jean-Marie Domenach ont écrit au Président du tribunal d’Alger, lui demandant « une clémence entière  en faveur des accusés.» Reconnait que « des erreurs ont été commises par tous les partis nationaux y compris le PCA et le PCF. » Et de conclure : « De là à faire de Albert Camus une sorte de héros de la lutte anticoloniale en calomniant les communistes, il y a un pas qui ne devrait pas être franchi. C’est pourquoi il serait utile d’y revenir plus longuement. »

Sarah KHARFI (journaliste)

http://culture-endz.co.cc/2010/03la-confrontation-entre-les-pour-et-les.html  Elle se situe à contre-courant des thèses de Bouhamidi : « L’interdiction d’une action culturelle reflète un manque de maturité et une manière expéditive de refuser tout débat contraire à l’unanimisme ambiant ». Elle se hasarde à renverser les analyses d’E. Saïd en faisant prévaloir celles de M. L. Maougal et Aïcha Kassoul développées dans leur premier ouvrage.

Goucem KHODJA (universitaire)

«  Albert Camus/ Malek Haddad : le silence en partage ». Actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 331-344

Salim KOUDIL (j.)

-« Sur les traces d’Albert Camus », Liberté, 21 janvier 2010.Camus n’est pas né à Alger ou à Hadjout comme on peut le croire mais à Mondovi (aujourd’hui Dréan). Ce retour sur les lieux de la naissance décrits dans Le Premier homme permet de reconnaître les lieux. « La maison des Camus se trouve au centre-ville, à une dizaine de mètres de la mosquée de Dréan, une ancienne église. Le portail d’entrée, en rouge, se trouve au milieu de deux commerces, à gauche un taxiphone et de l’autre côté un vendeur de fruits et légumes. De type colonial, rien n’indique qu’un lauréat du prix Nobel y est né. D’ailleurs l’idée de la transformer en un musée a été évoquée à plusieurs reprises dans la région, et cela depuis plusieurs années, mais rien n’a été fait dans ce sens. Une initiative qui devrait pourtant faire sortir la ville de sa torpeur et qui ne pourra que lui être bénéfique. Celui qui y habite depuis plusieurs années est ammi Hamma. » C’est l’occasion pour l’auteur de l’article de décrire les conditions de vie actuelles des habitants.- « Le manifeste censuré de Camus. Découverte d’un article inédit du Prix Nobel 1957. Quand Camus écrivait sur la désinformation » Liberté-algérie.com, 18 mars 2012. Est reproduit le texte de Camus, non signé mais authentifié, accompagné de ce chapeau : « Texte datant de presque 73 ans mais qui est d’une brûlante actualité. Il est question de la liberté de la presse, du rôle d’un journaliste libre, mais surtout de la désinformation qui existait déjà et qui est encore, et toujours, mise au- devant de la scène médiatique. »

Saâdeddine KOUIDRI (reporter photographe)

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« Albert Camus l’Algérien, n’est pas Français », Le Matin-dz, 18 août 2012. 18 août 2012. Sur son blog.Blogs.mediapart.fr/blog/saad-eddine-kouidri/180812). Premiers paragraphes de l’article :« Si l’auteur de l’étranger a eu le malheur de mourir avant le 11 Décembre 1960, cela ne doit pas nous faire oublier qu’il est né en Algérie, que la majorité de ses écrits parlent de son pays natal.Qu’est-ce qui fait de lui un Français, comme le prétendent ces intellectuels qui ne se posent pas les questions élémentaires d’identité, comme : où est-il né ? Quelle est sa première adresse, quelle est sa deuxième adresse ….Nous savons que ce n’est pas le fait d’écrire en français. Est-ce le fait de n’avoir pas épousé les thèses du FLN ou celle de ne pas répondre aux conditions du code de la nationalité. Encore une ambiguïté entretenue, entre le FLN d’avant 1962 et le FLN d’après. Le changement dans le code de la nationalité devrait nous inciter à revendiquer la nationalité algérienne d’Albert Camus à titre posthume, au lieu de s’inquiéter d’un lance-boulet qu’aucun rempart n’est prêt à accueillir. »L’auteur de l’article suggère que si c’était possible, on devrait accorder à Camus la nationalité algérienne à titre posthume. D’après lui, c’était un Algérien qui n’était pas révolutionnaire comme il en a existé bien d’autres.

Henri KRÉA (écrivain)1933, Alger. Décédé en 2011.

« Le malentendu algérien », in France Observateur, 6 janvier 1961.

Mostefa LACHERAF (Historien et essayiste, ambassadeur, ancien ministre)1917, Sidi Aïssa. Décédé à Alger en 2007.

-1980, dans Algérie et Tiers Monde, (Bouchène, 1989, texte de 1980), analysant la position des Israéliens vis-à-vis des Palestiniens, écrit :« Nous avons connu, en Algérie, le même ostracisme sémantique à l'égard de l'emploi du mot "algérien" concernant nos compatriotes sous l'occupation coloniale française, et même un homme aussi éclairé qu'Albert Camus – mais malheureusement gagné aux préjugés de son milieu – n'a jamais manqué à cette règle négatrice de l'identité nationale d'autrui puisque dans tous ses romans et articles sur notre pays, il a parlé des "Arabes" et à aucun moment des "Algériens" [...] ne les référant jamais à une patrie, l'Algérie, dont ils étaient les enfants légitimes depuis des millénaires » (p. 171). -1991, Littératures de combat – Essais d’introduction : études et préfaces, Alger, éditions Bouchène. Dans cet ouvrage, M. Lacheraf réunit des textes écrits entre 1961 et 1986. A chacun d’eux, il donne un titre inexistant dans la première publication. En ce qui concerne la préface écrite pour Matinale de mon peuple de Jean Sénac en 1961, il choisit, « Une Algérie méditerranéenne à l’opposé de l’Algérie de Camus ». Ce titre correspond au parallèle à la fois sous-jacent et explicite qui est fait entre Sénac et Camus (mort l’année précédente) : « Avec les mots : vigilance, frères, peuple, liberté, espérance, celui qui revient toujours est le mot soleil. Ce ne sont plus les doux rayons qui caressent les baigneurs sur les plages, ni l’éclat insoutenable mais bref et absurde reflété par une lame de couteau et qui rejette encore loin des terres ardentes et fraternelles l’Etranger obstinément tourné vers la mer et la solitude, attaché au rivage comme à une bouée, un alibi, un symbole. La poésie de Sénac, elle, affronte le feu dans une ordalie de vérité et de triomphe » (p. 19).Plus loin établissant une parenté entre Lorca et Sénac, Lacheraf introduit une nouvelle opposition à Camus : « La sensualité méditerranéenne, par exemple, comme chez Lorca, exprime la vie irrésistible, largement épandue, malgré ses maigres nourritures terrestres ; qui

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est action et douleur mêlées et non pas cet esthétisme glacé, souvent égotiste, dont une certaine « école nord-africaine » et un peu Camus ont été les virtuoses » (p. 21).

Ahmed LANASRI (universitaire) 1947, à Hammam-Bou-Hadjar (Algérie)

-« Albert Camus l’Algérien », Roman, histoire, société. Mélanges offert à Bernard Alloum. Lille, Université Charles De Gaulle, 2005, pp. 261-269.

Waciny LAREDJ (écrivain)1954, Tlemcen

En 2003, Waciny Laredj, dans son roman traduit en français, Les Balcons de la mer du Nord, (Sindbad-Actes Sud, 335p, roman traduit de l’arabe par Catherine Charruau, avec la collaboration de l’auteur) cite Camus. Le professeur Yacine, sculpteur, a été invité à un congrès international à Amsterdam, la ville même de La Chute. Au moment où ses hôtes hollandais parlent de lui avec admiration, il pense : « A un certain moment, j’eus la curieuse impression qu’on ne parlait pas de moi, mais de quelqu’un d’autre. Car après tout, je n’avais rien fait d’autre que de m’obstiner à vivre au milieu des déboires tout en me rappelant de temps à autre cette réflexion d’A. Camus qui mesure le vrai courage de l’artiste à sa volonté de défendre la dignité de son art. Je n'ai rien fait de plus" » (p.121).

Benaouda LEBDAI (universitaire et chroniqueur)1948, Alger

-« Christiane Achour, Camus et L'Algérie. L'envers et l'endroit d'un auteur controversé », El Watan, 5 janvier 2006.-« Une figure littéraire en débat (Colloque Albert Camus et les lettres algériennes – Bouzaréah) », El Watan, 4 mai 2006. -« Algérie-Afrique du Sud, Albert Camus/J.M Coetzee ou le rapport à la terre natale » Actes du colloque de Tipasa : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours, Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 439-448.

Sara LEULMI (universitaire)

« Le "mythe camusien" incarné par Yasmina Khadra », communication au colloque de Guelma, 9 et 10 octobre 2013 (cf. fiche Belhasseb).

Fouzia MAHMOUDI (journaliste)

« François Chavanes raconte son ami Albert Camus », La Tribune, 15 juin 2005.Café littéraire à la BN : «  L’auteur de L’Etranger à l’honneur à la BN. François Chavanes raconte son ami Albert Camus à l’occasion de la sortie de son livre Albert Camus tel qu’en lui-même, « préfacé par Afifa Bererhi qui prendra la parole pour dire que chaque Algérien doit avoir Albert Camus dans le cœur » (pour ce qu’il a de lumineux et d’inquiétant devrait-on préciser.)

Walid MEBAREK (journaliste, correspondant d’El Watan à Lyon)

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- « Camus sans fard », El Watan, 10 août 2009. http://www.elwatan.com/Albert-Camus-sans-fard : Festival d’Avignon. Deux montages différents de L’Etranger qui donnent envie de relire Camus dit-il. Vincent Barrau restitue l’œuvre dans sa globalité. La jeune troupe « La Traversée » procède à un montage montrant « un Camus miné dans son autisme face au monde qu’il ne comprend pas et qui ne le comprend pas. »- Compte-rendu du collectif édité par Gallimard en 2011, Albert Camus contre la peine de mort, El Watan, 4 octobre 2011. Le journaliste retient que Camus « opposé de toujours à la peine capitale, intervient à plusieurs reprises pour réclamer la grâce des condamnés algériens pendant la guerre de Libération nationale. »- « Une plaque dans la maison natale d’Albert Camus, l’événement était attendu depuis longtemps », El Watan, 31 janvier 2012. Au sujet de la stèle, il interroge Denis Fadda dont toute la famille est de Bône (Annaba), qui juge que « la reconnaissance de Camus ne pouvait attendre plus ». Tel est aussi le titre de l’article.

Hamida MECHAI

« Une pétition contre la célébration de Camus », « 50 ans après sa disparition : Camus, la controverse », Algérie news, 21 février 2010.

Adlène MEDDI (journaliste)1975

« Albert Camus : une histoire de malentendus », El Watan, 25 décembre 2009 : enquête à Belcourt où personne ne le connaît. Entretien avec un libraire et un éditeur (avec Ahmed Tazir).

Samir MEHALLA (journaliste)

« "L’Algérie de Camus, l’œuvre… de l’autre côté du miroir", Entretien avec Yves Ansel », L’ivrEscQ, Janvier 2013. Yves Ansel auteur de Albert Camus totem et tabou. Politique de la postérité (2012). Rapide présentation de la démarche adoptée dans son ouvrage. Les questions attirent l’attention sur quelques points forts de l’essai et de fait assignent une orientation politique à la lecture de cet ouvrage. Mais aussi elles situent le journaliste en tant que lecteur algérien de Camus : [- Vous dites dans votre livre, que la gloire de Camus relève plus du politique que de l’esthétique, qu’elle dépend essentiellement de facteurs étrangers à la littérature. Comment expliquez-vous votre jugement ? - Pourquoi le choix de titre, Albert Camus totem et tabou ? - Concernant la guerre d’Algérie, où pourrait-on selon vous, situer Camus ? - Les Algériens n’ont jamais pardonné à Camus l’amour démesuré pour sa mère au détriment, pensent-ils, de la justice. Qu’en est-il ? - Vous dites que, d’un commun accord, commentateurs et critiques, ont choisi de se voiler la face et que c’est ainsi que, depuis 1942, L’Etranger est perçu comme un roman censé illustrer "la philosophie de l’absurde". Pourriez-vous être plus explicite ? - Pensez-vous que l’on pourrait, un jour, réhabiliter Camus ? ]

Abdelkrim MEKFOULDJI (journaliste)

« Blida : publication d’un livre sur Albert Camus, tel qu’en lui-même (F. Chavanes) », El Watan, 3 juillet 2005.

Ghani MERAD (universitaire)

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-La Littérature algérienne d’expression française, approches socio-culturelles, Paris, Oswald, 1976. Dans son ouvrage, il consacre quelques pages à la littérature des écrivains français, les Algérianistes, l’École d’Alger parmi lesquels Camus dont il souligne « l’attitude équivoque » pendant la guerre d’Algérie. Il pense cependant que plus tard (on n’est alors qu’en 76) les Algériens pourront, les passions apaisées, revendiquer des auteurs comme Pélégri, Audisio, Roy, Roblès, Camus lui-même auxquels il ajoute Berque.-« L’Etranger d’Albert Camus sous un angle psychosociologique », Revue Romane, Bind 10, 1975. Devant un personnage, Meursault, qui a été « tellement analysé, psychanalysé, autopsié qu’il en est réduit à un ensemble inconstitué de cellules désunies », l’auteur se propose, « au lieu d’un cadavre », d’aborder « une vie, une réalité mouvante ». Il entend le replacer dans son milieu, dans son contexte, de saisir ses relations avec le monde. Il tentera par ailleurs de chercher ce qui a motivé Camus dans la création de son personnage, trouvant certes des motivations philosophiques mais aussi, pense-t-il, des motivations psychologiques ou « tout au plus psychosociologiques ».

Pr K. MERAD BOUDIA (Cardiologue)

« Onfray, Camus et nous », El Watan, Mardi 4 septembre 2012. Réponse à M. Onfray sur un point particulier, la condamnation de la violence, le maître mot de Camus que lui-même envisage pourtant comme nécessité et de le citer : « "Je ne pense pas qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction" et il ajoute "je crois que la violence est inévitable, les années de l’occupation nous l’ont appris". » Relevant des points d’histoire, comme la révolution française faite par le sang, il évoque le grand sage Gandhi : « Si le choix restait entre la lâcheté et la violence, je n’hésiterais pas à conseiller la seconde. » L’article se termine par un Camus vu comme « le porte-drapeau de la conscience française en Algérie » en qui « les Pieds Noirs voyaient leur conscience, un peu comme Conrad l’était pour les Anglais. »

Abdellali MERDACI (universitaire, écrivain)

«  Une inquiétante célébration » A propos de la Caravane Camus. Le Soir d’Algérie, 15 mars 2010. « La caravane, d’un point de vue institutionnel est une initiative algérienne parrainée par le CCA, financée par l’Etat algérien. C’est précisément cette perspective qui m’interpelle et me choque ». C’est ainsi que débute l’article avant d’évoquer le « lobby camusien (qui) s’agite à l’intérieur de l’université algérienne, faisant valoir l’algérianité de cet auteur. »Camus, de par ses positions publiques, rejoint les Bertrand et Randau et autres écrivains de l’Ecole d’Alger. Camus est situé à l’opposé de Danielle-Amrane-Minne, Myriam Ben, Anna Greki, Daniel Timsit… La liste est fort heureusement plus longue.

Youcef MERAHI (universitaire et chroniqueur)1952, Tizi-Ouzou

Dans la rubrique "Chroniques du jour Tendances", sous le titre "Jean Sénac revisité", Le Soir d’Algérie du 18 septembre 2013, Youcef Merahi parle de Camus dans un vibrant hommage à Jean Sénac qui lui, a préféré la justice à sa mère. Né de père inconnu, Sénac cherche en Camus une figure paternelle mais se brouillera avec lui à cause de son refus de l'indépendance. Il ajoute avec amertume que l'un est objet d'études et de possible «  nationalisation » tandis que « le second, Yahia El Wahrani, sombre dans l'oubli de nos mémoires ».

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Kaddour M’HAMSADJI (écrivain)1933, Sour El-Ghozlane

-« La grande colère de l’Absurde », Simoun, Oran, n° 31, juillet 1960 « Camus l’Algérien », Numéro spécial, pp. 52-53.-« Tout comme Daru, son héros de L’Hôte, dans ce vaste pays qu’il avait tant aimé, Camus était seul. » L’Expression.Pour solder une « dette morale» envers Camus premier lecteur du manuscrit de son œuvre de jeunesse La dévoilée, il rapporte le sentiment de Camus plutôt neutre au regard de la « préface chaleureuse » de E. Roblès qui par la suite l’invite à s’associer à l’hommage qui sera rendu à Camus en 1960 dans la revue Simoun. Souligne l’ambiguïté de Camus en se référant précisément à la déclaration de son personnage Kaliayev dans Les Justes avant d’aboutir au constat « Camus et nous, nous ne regardions pas dans la même direction ; la terre natale éveillait deux destins différents ». Il en appelle à Dieu, témoin de l’admiration portée à Camus : «  l’œuvre de Camus compte en totalité encore aujourd’hui des admirateurs et des émules parmi nos anciens, parmi nos jeunes, parmi nos chercheurs, parmi nos hommes de culture. Quant à moi, je me sens heureux de me souvenir de ce qui m’avait ému dans l’œuvre de Camus, dans son geste d’artiste généreux et dans son amour de construire sans regret une intelligence libre et fertile. La bonne conscience est de rester fidèle à la personne humaine. »Cite son article « La grande colère de l’absurde » paru dans Simoun, n°31, pp. 52-53.

Badr’Eddine MILI (écrivain et journaliste)[1940], Constantine

«  Monsieur Onfray, fumez votre joint sans baver SVP! », Le Soir d’Algérie, Mercredi 15 Août 2012.Réponse frontale à M. Onfray (El Watan, le 10 août 2012) : entretien « fait pour le compte de Camus, à l’endroit duquel les Algériens ne nourrissent aucune animosité particulière […] ils ont réglé leurs comptes politiques avec Camus en pleine guerre de Libération. »Reconnaissance envers Camus qui « n’est pas obligé de faire la sociologie de son pays ». Cependant, souligne Mili « L’acte d’écrire d’un romancier revêt un sens […] Camus n’a pas livré des clefs de lecture suffisamment convaincantes pour dire, sans risque de mentir, qu’il avait opté pour la défense de la cause nationale du peuple algérien. »Comparaison entre Sartre « passé de la neutralité du clerc des Mains sales à l’engagement militant et l’appui actif de la lutte de libération des Algériens » et Camus « resté au mythe de Sisyphe […] coincé entre les Antiques et Alain, se privant d’oser aller plus loin (…) dépassé par la dynamique de l’histoire […] », éprouvant « de la difficulté à transcender les intérêts du colonat […] il a laissé échapper cette opportunité historique d’entrer, non pas tant à l’Académie Nobel mais au panthéon des justes. » Conseil à M. Onfray : «  Vous auriez mieux fait de vous esquinter à sortir Camus des cours de terminale en le vendant aux gens du 3° âge. » Sur la violence dont sont accusés les Algériens pour mener leur combat libérateur, des rappels historiques, parlant d’eux-mêmes, viennent en réponse.  

Hadj MILIANI (universitaire)1951, Oran

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Bouziane Benachour, El Watan, 14 juin 2007, « Hadj Miliani. Enseignant en littératures comparées : « Regarder de plus près » « Raï, rap, littérature, SMS, poésie, vidéos, théâtre, ordinateurs, insultes… Tous les langages intéressent ce chercheur qui porte un regard neuf sur les pratiques culturelles.Question - Oran est le territoire privilégié de vos recherches universitaires. Qu’est-ce qui motive précisément cette option ?- C’est, probablement, à cause de Camus qui considérait cette ville comme impulsive et superficielle. Comme d’autres chercheurs de ma génération, j’ai cherché à savoir ce qui se tramait derrière la tranquille pose oranesque et sa rusticité bon enfant. » Ou Camus même quand il ne s’impose pas dans le sujet !

MIROU

« Le revers de la médaille : Les Sisyphe », L’Expression, 15 octobre 2007.« Au-delà des polémiques que provoque le nom d’Albert Camus, ce que l’on retiendra de Camus, c’est l’introduction de ‘ L’Absurde’ dans la philosophie et la littérature. » Rappel mythologique pour une mise en corrélation avec « la réalité algérienne telle que nous la connaissons aujourd’hui » (la mal-vie). L’Algérien, ce « Sisyphe n’aura que l’éternité pour se reposer…à El Alia. »

Belkacem MOSTEFAOUI (universitaire, spécialiste des médias)

« « Repères historiques pour un colloque sur Alger Républicain, une forge de résistance contre l’ordre établi », El Watan, 4 mars 2009. De l’historique qui en est dressé, un paragraphe est consacré à Camus, « il avait 25 ans » il était « la plus célèbre plume. » « La trame journalistique d’Albert Camus est une panoplie exubérante de fibres. Quasiment tous les sujets de société y étaient mis en question, en fait tous les problèmes touchant la vie des "gens d’en bas" ou du "petit peuple" comme on dit. Entre autres, son reportage "Misère de la Kabylie" de juin 1939, étalé sur onze longs papiers, a porté à l’extrême sensibilité journalistique de Camus. Trop vite réduit, par certains, à une préoccupation focalisée sur ses "frères pieds-noirs", le sens élevé de l’éthique et de la justice sociale de Camus sont autrement plus ancrés dans ce que Kateb Yacine aimait à définir par algérianité. »

Hadjira MOUHOUB (écrivaine)1945, Medjana (Algérie)

La Cicatrice, nouvelle publiée dans Alger Républicain du 4 février 1964. Pendant la guerre, une jeune fille et un jeune homme se disent adieu. Au barrage militaire, le jeune homme est tué. La nouvelle est toute imprégnée du meurtre de L’Etranger. Rééditée dans le recueil de nouvelles, La Guetteuse, Paris, L’Harmattan, 1997.

Hind O. (journaliste)

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« Le Rappeur français Mystic en tournage d’un clip à Alger :"Une histoire d'amour avec Albert Camus..." », Lundi 2 Septembre 2013, L’Expression (quotidien) : «  J'ai vécu une histoire d'amour avec Albert Camus. Pendant un an et demi, il va faire partie de ma vie au quotidien. Je tombe amoureux de sa plume. Je vais découvrir qu'il y a beaucoup de similitudes avec ma propre vie. Il a été élevé par sa grand-mère, comme moi. Il a fait du foot, moi aussi. Je n'ai pas été très loin parce que je n'avais pas la nationalité française, lui parce qu'il avait la tuberculose. J'étais dans une sombre période de ma vie à la fin de 2010, et je tombe sur une phrase de lui qui va changer ma façon de voir les choses. Il dit: "Il n'y a pas de honte à préférer le bonheur"».

Khaled OUADAH (journaliste)

«  Albert Camus, une œuvre toujours revisitée. L’Etranger : un criminel innocent ? El Watan, 2 février 2006. A l’ouverture de l’article, Ouadah s’interroge sur ce qui a fait le succès exceptionnel, jamais démenti, de L’Etranger et qu’il rattache « au caractère énigmatique du personnage qui rend invisible la frontière entre la fiction et la réalité » Il précise que la lecture « historico-narrative » « instruit beaucoup plus le procès de l’écrivain (Réalité) que le procès de vérité esthétique (Fiction). Il met en parallèle L’Etranger et une citation extraite de La Peste pour introduire «  l’interrogation sur les enjeux subjectifs qui poussent le personnage de Meursault à l’accomplissement de cet acte malheureux. » Dans La Peste, dit-il, Camus « introduit cette catégorie paradoxale du "meurtrier innocent" » que l’on retrouve chez « Meursault (qui) ne manifeste aucune culpabilité, qui est l’archétype même du "criminel innocent", pour qui la vie n’est que réalité sensible, de pure corporéité, sans rapport d’altérité et sans représentation. » Il en découle que « le meurtre et le suicide sont les deux faces d’une même pièce, l’Absurde, dont l’origine remonte à « une grande vérité anthropologique de la tradition romano-canonique occidentale : le suicide tue quelqu’un. Autre chose de beaucoup plus complexe. Si l’on s’interroge sur le suicide au Moyen Age, le désespoir n’était ni un sentiment ni un état psychique, mais un vice, une maladie. Même si le procureur déclare coupable Meursault d’indifférence filiale, le romancier Camus était loin d’être indifférent aux textes fondateurs de sa généalogie qui éponge la culpabilité. »

Hacen OUALI (journaliste)

Djazaïr News [Djazaïr écrit en arabe] du 2 septembre 2004, hebdomadaire de langue arabe, a consacré toute sa dernière page à un entretien avec quatre journalistes de la page culturelle : fait nouveau dans la presse algérienne, la moitié de la page en question paraît régulièrement en français. Entretien au siège du journal pendant trois heures. Article écrit par un jeune journaliste, Hacen Ouali, dont la lecture de l’ouvrage critique (Albert Camus et l’Algérie de Christiane Chaulet Achour) est d’autant plus exacte qu’il a toujours dans son cartable… L’Etranger qu’il lit et relit… et qu’il était encouragé par l’écoute attentive de ses confrères sans qu’il y ait eu renoncement à un débat vif.

Zineb OULED ALI (universitaire)

«  Le jeu symbolique de la nature dans Le Malentendu », colloque « Camus et le Sud », Université de Ouargla, 12 décembre 2009.

Rachid RAÏSSI (universitaire)

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« Albert Camus et Rachid Boudjedra », Algérie Littérature Action, n° 117-118, janvier-février2008, pp. 40-44.

Hend SADI (universitaire)

« Camus l’indigène et Feraoun ou l’intégration à l’envers », Le Soir d’Algérie, 18 mars 2010.L’article commence ainsi : « Récurrente, la querelle autour de "Camus l’Algérien" a été récemment ravivée à l’occasion du cinquantenaire de la mort de l’écrivain. Deux camps se sont vigoureusement affrontés. Les uns, déniant à Camus sa qualité d’Algérien, avancent que celui-ci n’a jamais voulu voir dans l’Algérie autre chose qu’un vaste territoire dépeuplé, aux rivages ornés de ruines oniriques, attendant l’arrivée du Premier homme pour l’occuper et lui donner vie. Comment expliquer autrement l’absence – objective – des indigènes dans son œuvre, demandent-ils ? Et de rappeler que Camus a invoqué sa mère pour disqualifier le combat libérateur des Algériens, ce qui achève de le discréditer à leurs yeux.Les autres, s’appuyant sur ses articles de jeunesse dans Alger républicain affirment qu’il est injuste d’identifier Camus au système colonial qu’il a condamné sans réserve dans ses reportages sur la misère de la Kabylie. Ce qu’il voulait, assurent ses défenseurs, c’était une Algérie plurielle, ouverte à toutes les communautés ; ajoutant qu’il n’a jamais rejeté l’émancipation du peuple algérien, mais considérait simplement – et c’est un principe philosophique chez lui – qu’« aucune cause ne justifie la mort d’un innocent  ». Bien sûr, cette polémique portant sur Camus renvoie à un enjeu plus général, celui du statut des Pieds-Noirs dans une Algérie libérée et celui de la non-intégration des Algériens indigènes dans la république française qui admettait en son sein l’existence de deux collèges !Sur ce sujet, Feraoun, rarement cité dans le débat, s’est pourtant exprimé tôt, à travers un propos responsable, généreux, mais sans concession sur le fond. Il l’a fait dans une correspondance échangée avec Camus, et parfois sous forme de lettres ouvertes. Sans jamais se départir du ton respectueux et de l’humanisme qui sont les siens, la contrition de ses premières missives cède progressivement le pas à un humour mordant. »(article reproduit sur le site de la LDH-Toulon, « Albert Camus et les ambiguïtés », 7 octobre 2012).

Nourredine SAADI (écrivain)[1942], Constantine

Invité en 2004 aux Rencontres Méditerranéennes Albert Camus, éditées sous le titre, Albert Camus et les écrivains algériens, quelles traces ?, (en coordination avec J-C. Xuereb et A. Fosty, Edisud, Les Ecritures du Sud), le romancier a écrit, « Albert Camus actuel - La nostalgie de ce qui n’a pas eu lieu », pp. 41-50. A Oran, en juin 2005 (cf. Y. Belaskri), il reprend la même idée en l’appliquant plus spécifiquement à l’Oran de La Peste. Il a insisté sur le refus catégorique de Camus du « déterminisme historique ». Il y revient dans le colloque de l’ACB (cf. fiche Arezki Metref). Ce sont des extraits du premier texte qui figure également dans l’Anthologie du colloque de Tipasa : Actes du colloque : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours (Tipasa, 2006) Université d’Alger. Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 233-234.

Mokhtar SAKHRI

« Autour de L'Étranger », El Djeïch, Alger, fév. 1967, N° 46, pp. 39-40.

Youcef SEBTI (écrivain)

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1943 à Boudious, près d'El Milia. Assassiné le 27 décembre 1993.

1988 : un article assez hermétique dans Révolution Africaine (n°1286, 27 octobre 1988) « célèbre » par des jeux de mots autour du nom de Meursault et des phrases suffisamment claires pour qu’on comprenne qu’on a affaire à une mise en accusation ironique. Après le coup de feu : « Il n’y a pas de secousse au regard du héros Meursault. La logique coloniale est comme imperturbable. Il se fiche de tout cela, lui l’assassin d’un Maure sous le soleil. »

K. SELIM

« Meursault à Crawford », Le Quotidien d’Oran, 28 août 2006.« Lucien Meursault est de retour en cet été de plein soleil propice aux crimes. Le président des Etats-Unis a donc lu L'Etranger de Camus durant ses vacances. Voilà qui ne va pas améliorer le rapport problématique des Algériens arabes anonymes avec l'écrivain qui adorait sa mère plus que la justice. Nul besoin, ici, de revenir sur «l'inconscient colonial» de l'écrivain, magistralement dévoilé par le grand Edward Said mais George W. Bush lisant Camus, cela a fait jaser dans les blogosphères de la littérature. Comment un tel ouvrage a-t-il pu atterrir au ranch de Crawford, c'est le mystère qui taraude les amoureux des belles lettres ?Quelque facétieux a peut-être eu la perfide intention de suggérer au président des Etats-Unis que le mot «absurde» existe et que sa politique, qui n'enchante plus guère la majorité des Américains, y trouverait le label qui lui correspond. Cette piquante hypothèse est isolée. La thèse la plus fréquemment évoquée est celle d'une identification au personnage de Meursault, tueur d'Arabe sans raison avouable, qui aurait appliqué, depuis longtemps, bien avant les penseurs civilisés de l'axe du bien, le principe de l'attaque préventive et des représailles indifférenciées : explication quasi-mécanique qui fait l'impasse sur les motivations trivialement freudiennes du Nobel pied-noir. En effet, quelle blessure narcissique Albert Camus réglait-il dans son roman... ? Ceux qui font dans la satire et qui doutent fort que la Maison-Blanche ait décidé de faire un coup de pub gratuit au roman de Camus sont donc allés vers l'explication la plus prosaïque. Ce qui pourrait être plaisant pour Mister Président est que L'Etranger est le récit d'un Blanc traumatisé qui élimine un vague bougnoule, dommage collatéral précurseur. Une chroniqueuse du New York Times établit le parallèle : Meursault «prend beaucoup de mauvaises décisions et tue préventivement un Arabe dans le sable». Ce n'est pas franchement bon pour Bush et encore moins pour Camus, mais c'est l'explication qui domine chez des Occidentaux plutôt navrés de voir l'écrivain mobilisé pour le plaisir ou l'image du grand pontife de la civilisation. Pourtant, ils auraient dû pousser plus loin. De ce qu'on connaît de George W. Bush, on l'imagine très mal lire un livre qui ne le ferait pas éclater de rire. Les amateurs de littérature en Occident semblent avoir du mal à trouver où se cache la plaisanterie dans L'Etranger. Cela tient, peut-être, au fait que les Arabes qu'ils «connaissent» sont comme Meursault, anonymes et sans autre vocation que celle de servir de cible. Il faut avoir davantage d'empathie pour percevoir l'humour noir que discerne nettement un citoyen arabe de Ben Jbeil, de Faloudja ou d'ailleurs. Dans la fiction camusienne, Meursault est jugé pour le meurtre de l'Arabe et condamné à mort ! Invraisemblance coloniale ou mystification oedipienne ? C'est en tout cas une vraie farce qu'une justice même abstraite condamne un Blanc pour l'assassinat d'un Arabe : voilà qui a dû se faire tordre de rire George W Bush ! »

Samira SIDHOUM (journaliste)

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« Albert Camus, 50 ans après sa disparition : Actuel plus que jamais » Horizon, 3 janvier 2010. En ligne : www.djazairess.com/fr/horizons/5590L’article retrace à grands traits la biographie de Camus. Sa jeunesse pauvre dans le quartier de Belcourt lui fait dire que c’est cela qui le pousse à agir en faveur des thèses nationalistes (sic). Dans sa conclusion : « Pour l’Algérie, Albert Camus restera toujours ce géant de la littérature qui a œuvré pour un rapprochement des communautés dans l’esprit d’ouverture, de générosité et d’hospitalité du peuple algérien. »

SYFOU http://webcamus.free.fr - http://algerie-institution.blog4ever.com

Akli TADJER (écrivain et journaliste)1954, Paris

Un romancier « beur » dit sa déception algéroise dans Les A.N.I. du Tassili, Le Seuil, 1984 : « El Djazaïr grouillant d'un peuple robotisé qui ne prend même plus le temps de se faire plaisir en admirant sa mer, qui n'a plus la curiosité d'aller voir si au printemps Tipasa est toujours habité par les dieux et si les dieux parlent encore au soleil. » (pp. 61-62). Clin d'œil culturel appuyé et complice ; le texte glisse ensuite vers d'autres références.

Mustapha TALASLIMANE (journaliste)

Reportage de Mustapha Talaslimane dans El Moudjahid du 9 mai 1990, article de commémoration du 8 mai 1945 en Algérie portant sur un séminaire organisé à Sétif, à cette occasion. Le chapeau se détache nettement sur la première colonne de gauche en gras :« "L’Algérie est plongée dans une crise économique et politique. Dans cet admirable pays qu’un printemps sans égal couvre en ce moment de ses fleurs et de sa lumière, un peuple souffre". Albert Camus touché par la souffrance de la population algérienne a écrit ce beau paragraphe au journal Le Combat (sic) dans la première semaine (sic) de mai 45 ». L’article enchaîne immédiatement : « Dans l’exposition qui se tient dans le hall de la Maison de la culture de Sétif, la misère, la souffrance, la faim sont évoquées mais on ne voit nulle part le printemps. Les photos – des documents inédits –, sont des témoins accablants d’un crime atroce commis de sang-froid sur une population sans défense ».

Ahmed TAZIR (journaliste)

- « Albert Camus : une histoire de malentendus », El Watan, 25 décembre 2009 : enquête à Belcourt où personne ne le connaît. Entretien avec un libraire et un éditeur. (avec Meddi Adlène)-Posté le 3 juin 2013: Reportage filmé sur Camus et entretiens avec quelques intellectuels et éditeur (Barzakh impliqué dans deux des romans publiés, Kamel Daoud et Salim Bachi). Devant le flot de visites, le locataire de l'appartement de Camus à Belcourt dit avoir proposé au consulat d'acheter l'immeuble pour le transformer en ''Musée Camus''!

Linda Nawel TEBBANI (universitaire)

« Camus et la littérature algérienne contemporaine », communication le 26 octobre 2013, « Camus, une œuvre au présent », Ecole Normale Supérieure de Lyon/Association Coup de soleil Rhône-Alpes.

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Ahmed TESSA (Pédagogue)

« Faire-valoir ou symbole de réconciliation », El Watan, samedi 29 septembre 2012. En ouverture de l’article, un soutien appuyé aux propos argumentés du Pr Nasser Djidjeli (ici référencé). Puis dénonciation des «  camusiens intégristes par opportunisme » à l’instar de M. Onfray. Rappel du positionnement paradoxal de Camus vis à vis de l’Algérie. En fin d’article, il cite des noms célèbres d’Algériens qui reconnaissent à Camus son algérianité et de conclure : «  N’en déplaise aux fanatiques des deux bords, le prix Nobel de littérature 1957 mérite d’être partagé entre les deux pays chers à Albert Camus. »

Remi YACINE (Journaliste. Correspondant d’El Watan à Paris)

El Watan, 31 octobre 2005. Dans le compte rendu du colloque de l’ACB, il note tout particulièrement qu’Henri Alleg s’est montré « très peu tendre à l’égard de l’auteur de La Peste » et le cite : « […] après la visite de Camus en Kabylie, il proteste et s’indigne. Il proteste en disant : quand est-ce que l’Algérie sera vraiment française ? Camus ne s’est intéressé, même dans ses romans, qu’à l’Algérie française. Il avait dit à un ami que si l’Algérie accédait à l’indépendance, il s’exilerait au Canada ! »

Kamal YANAT (universitaire)1950-2012

« The Sream », p. 61-63 et « Camus et les Américains », pp. 149-151, dans « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990.

Mohamed YEFSAH

« L’imposture algérienne Onfray », 4 septembre 2012, La Une CED, les dossiers (internet), publié dans La Nouvelle République, le 22 août 2012, en réponse à l’interview scandaleuse de M. Onfray à El Watan, le 10 août 2012.

Hamid ZANAZ (Journaliste, philosophe)

-« Camus n'a jamais dit ''oui'' à l'ordre colonial », Entretien avec Michel Onfray, préfacier de ses deux livres sur l'Islam, El Watan, 10 Août 2012. 

Mohammed-Salah ZELICHE

« La dimension auctoriale dans L'Étranger d'Albert Camus »http://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/2009/03/la-dimension-auctoriale-dans-letrangeralbertcamus.html

Abdelhamid ZOUBIR (universitaire)

«  The Camus Syndrome », Janvier 1990 « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, pp. 87-90.

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SECONDE PARTIE

Chercheurs-Universitaires et Écrivains    

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Mathi Khudir ABBAS (universitaire) « La mort et la création chez Albert Camus. Lecture du rapport entre l'écriture et le thème  de la mort dans L'Etranger », Mémoire de Magister, Université d'Alger, 2001.

El Fatih ABDELGADIR (universitaire)

L’Image de l’Afrique du Nord dans l’œuvre d’Albert Camus, Thèse de 3ème cycle, Lyon II, 1978.

Zedjiga ABDELKRIM (universitaire)1960 à Tigzirt sur mer (Grande Kabylie).

- La quête initiatique dans l’œuvre romanesque d’Albert Camus : représentation-sens-valeur, Thèse de doctorat, 1994, sous la direction de Jacqueline Lévi-Valensi, Université d’Amiens.

-  « Le lyrisme en dé-lire dans l’œuvre romanesque d’Albert Camus » in Camus et le lyrisme, Jacqueline Lévi-Valensi et Agnès Spiquel (coord.), Sedes, 1997, pp. 43-50.

- « Le dit du corps et du silence», Revue Europe, 1999, pp. 59-66.

- « Les peintres romanciers du corps », in Albert Camus et l’Italie, Ecritures du Sud, Rencontres méditerranéennes Albert Camus, 2006, pp. 65-74.

-  « Le discours moral de la chair » in Albert Camus : l’exigence morale, Paris, Editions Le Manuscrit, coll. L’Esprit des lettres, 2006, pp. 221-229.

-  « La corporéité de l’écriture ou le mime de l’unité », in Albert Camus et le mensonge, Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, 2004, pp. 65-74.

- « Créer pour ne pas devenir un meurtrier. Naissance, mutations et épuisement de la vocation littéraire chez Camus, entre 1936 et 1959 », in Albert Camus. Pour L’Espagne : Discours de liberté, Hélène Rufat (coord.), PPU . S.A., Barcelona, 2011.

- « L’Algérie : héritage patrimonial d’Albert Camus », Revue des Lettres Modernes n°23, sous la direction de Philippe Vanney (à paraitre).

Collaboration aux Tomes 1 et 2 de La Pléiade (nouvelle édition).

Conférences : « Albert Camus et la méditerranée », « L’écriture camusienne », « La femme adultère ou le sacré au féminin ».

Comptes rendus :-Romans années 20-50, n°32, décembre 2001, pp. 157-158, comptes rendus de Frantz Favre, Montherlant et Camus : une lignée nietzschéenne (Albert Camus n°8, Minard, Paris-Caen, 2000) et de Janine Hayat, Jules Roy, Ombre et présence d’Albert Camus, Minard, n°278, Paris-Caen, 2000.

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Henri ALLEG1921, Londres. Décédé en 2013, Paris (ancien directeur d’Alger Républicain, écrivain et militant anti-colonialiste)

-Dans un entretien accordé à Lamria Chetouani (ici recensée) et paru dans la revue Mots. Les langages du politique, (1998, vol.57, n°1, pp. 109-129), Alleg en réponse à la question de L.C sur le nom de son journal, Alger Républicain, explique les circonstances de sa naissance : «Alger Républicain est un journal "front populaire", un journal républicain français.» Et il ajoute : « Et "la star" des journalistes qui étaient dans ce journal, c'était Albert Camus », ce qui lui permet de préciser, comme il le fera ailleurs, pourquoi Camus a quitté le Parti communiste algérien : « c'est parce qu'il était pour une Algérie "nationale" alors que les communistes étaient contre ». Il rappelle que Camus était « pour que l'Algérie devienne française "à part entière". »  Il lui reproche sa méconnaissance du patrimoine algérien : « pas une seule fois dans ses œuvres, il n'a fait référence à ce que la culture arabe aurait pu apporter de renouveau, de richesse au pays », ce que feront Les Algériens eux-mêmes et en particulier Kateb Yacine.

-Dans son ouvrage Mémoire algérienne, souvenirs de luttes et d’espérances, (Casbah éditions, Alger, 2006), la mention de Camus revient trois fois : la première fois, à la page 100, quand il évoque les ateliers d’Alger Républicain de la rue Kœchlin à Bab el Oued, il note : « les linotypes, les presses et, au sous-sol, la rotative étaient celles qu’avaient connues Camus à l’époque où il était l’un des rédacteurs du quotidien. » La deuxième fois, à la page 112 où, après avoir rappelé l’immense misère découverte lors de ses voyages à travers l’Algérie et noté que « les Européens qui vivaient en tournant le dos au pays profond » ne le connaissaient pas et « n’avaient pas eu, le plus souvent, la curiosité d’aller voir », il dit avoir pensé, plus tard, « à ces pages d’Albert Camus, qui, encore journaliste d’Alger Républicain, découvrait avec effarement que cinquante pour cent au mois de la population se nourrissaient d’herbes et de racines ». Il cite un passage du reportage sur la Kabylie et commente : « De ce voyage, Camus était rentré bouleversé, comme s’il revenait d’un continent inexploré, lointain et cruel. Il était pourtant né à Alger, qui n’est qu’à cent kilomètres de Tizi Ouzou. Mais cette Algérie-là, il ne la connaissait pas. Pour lui, comme pour une majorité de pieds-noirs, elle restait invisible. »La troisième fois se situe à la page 156 : racontant qu’il entre à Alger Républicain en novembre 1950, il rappelle les circonstances de la création du journal en octobre 1938, l’aide de ceux qui avaient participé au financement de l’entreprise et la vétusté du matériel de la rue Kœchlin et en vient aux positions de Camus : « A l’époque du lancement du journal, Albert Camus occupait un emploi de rédacteur et ses articles reflétaient assez bien les positions de la gauche européenne d’Algérie et celles des musulmans qui, comme Ferhat Abbas et les "élus indigènes" autour du Dr Bendjelloul, étaient partisans de l’assimilation. » Il pointe alors la faille : « Le journal dénonçait la misère, l’injustice, les discriminations dont les indigènes étaient victimes, il s’attaquait à la grosse colonisation mais non au système colonial lui-même. » Après avoir cité le programme politique énoncé dans le premier numéro, il le commente, enfonçant le clou, en ces termes : « Un langage généreux mais sans lien aucun avec les aspirations des Algériens à se libérer du système colonial et à reconquérir le droit d’être eux-mêmes. » On peut peut-être noter que l’œuvre littéraire de Camus n’est pas évoquée alors qu’un autre écrivain lié à Alger Républicain, Kateb Yacine, est louangé comme « l’inoubliable auteur de Nedjma » (p. 167). Il évoque encore Kateb (p. 347) après l’indépendance, « rentré en toute hâte dès qu’il avait su que le journal allait reprendre sa publication » et le montre, tapant « son billet debout sur la seule machine à écrire » dans le local exigu qu’on leur avait prêté.

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- « Camus et l’anticolonialisme », communication au colloque de l’ACB en octobre 2005, publié dans « L’autre Camus », Actualités et culture berbères, N°52-53, Automne-Hiver 2006, pp. 18-21. Henri Alleg a rappelé tout d’abord qu’étant donné la différence entre le journal qu’il a dirigé et celui dans lequel Camus avait été journaliste, il n’a pas d’autorité particulière à parler de Camus à ce titre. Il est revenu ensuite sur le travail de journaliste de Camus. Il s’est interrogé aussi sur la méconnaissance par Camus du passé arabo-islamique de l’Algérie, sur l’attribution du Prix Nobel et ce qu’on peut en dire, sur le silence de Camus sur les atrocités de la guerre. Sa conclusion : « il n’avait pas compris les aspirations profondes à la liberté et à la dignité nationales. » Beaucoup de questions ont été posées à l’orateur, assez agressives. Henri Alleg a à nouveau développé ses arguments, en fonction de son sujet, et conclut sa dernière réponse ainsi : « Mais, encore une fois, la condamnation de la misère et de l’injustice n’en a pas fait pour autant un écrivain anticolonialiste consciemment engagé aux côtés du peuple algérien dans son combat pour la liberté et la dignité. »

-Retour sur La Question, entretiens avec Gilles Martin, Editions Aden, 2006, pp. 16-17.Revenant sur la pétition contre l'interdiction de La Question, signée par des écrivains de renom, G. Martin note, «parmi ces signatures prestigieuses […] l'absence de celle d'Albert Camus » ; Alleg répond que cela n'était pas surprenant « pour ceux qui connaissent la position ambiguë qu'a toujours eue Camus à propos de l'Algérie » et il continue : «C'est une légende, entretenue volontairement par les silences de Camus, que sa prétendue adhésion à l'idée d'une Algérie indépendante.» Il dément, l'idée que  le départ de Camus du Parti communiste à Alger ait été lié au fait que « le PCA ne prenait pas assez en compte les aspirations nationales des Algériens.» C'est tout le contraire, explique-t-il : «il quitte les communistes au moment justement où le Parti s'engage dans un sens de plus en plus "algérien" et unitaire avec les diverses forces politiques nationalistes ». Même s'il souffre et « appelle de ses vœux l'arrêt des violences », « il renvoie dos à dos les patriotes qui combattent pour l'indépendance de leur pays et l'armée coloniale. » Il note son silence sur les méthodes utilisées « pour briser la résistance populaire. » Malgré ses articles « courageux » dans Alger Républicain et sa dénonciation de la misère et des compromissions de l'administration coloniale, « il n'a jamais attaqué la légitimité du système colonial » ni « mis en évidence l'existence d'un problème national en Algérie », semblable en cela à un certain nombre de libéraux « scandalisés par la condition faite aux Algériens et partisans d'une réelle égalité entre ceux-ci et les Européens mais n'allant pas jusqu'à comprendre  et encore moins accepter l'idée de l'indépendance. »Il constate, par ailleurs, sa méconnaissance de l'Algérie – « à le lire, on pourrait croire qu'entre la fin de la Tipasa romaine et la conquête du pays par la France, il ne s'y est rien passé » – et son ignorance des « siècles glorieux de cette civilisation arabe qui a si profondément imprégné l'Algérie » ; de plus, alors que Camus est né dans ce pays, « qui sert de cadre à certaines de ses œuvres», il note que, chez lui, « les Algériens, quand ils sont présents, apparaissent presque comme des étrangers. »

-  Alleg revers de Camus*[Cf. les fiches ici de Yacine Kenzy, de Belkacem Mostefaoui, d’Omar Merzoug]. * Des propos tenus par H. Alleg sur Camus à l’occasion d’un colloque sur « L’autre Camus » sont rapportés dans Le soir d’Algérie du 21/07/13 par A. Metref (ici référencé). http://algeriedebat.over-blog.com/article-sequences-avec-henri-alleg« Nous voulions parler d’Albert Camus si possible autrement que dans les termes de plus en plus unanimistes qui se forgeaient. Je m’étais souvenu qu’Henri Alleg avait été Directeur d’Alger Républicain, journal auquel avait collaboré Camus. Il me parut légitime qu’il ait eu une lecture du journalisme et de la littérature de Camus. Il faut dire que sa participation à ce

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colloque avait soulevé un certain émoi. Au point qu’un intellectuel franco-algérien me dit que donner la parole sur Camus à un « stalinien » avait quelque chose de pernicieux, je crois avoir répondu que contrairement à beaucoup de non staliniens, ou d’antistaliniens de salon, Alleg portait dans sa chair le droit de s’exprimer, et dans son parcours et dans ses combats la légitimité de le faire. Lorsqu’il prit la parole à ce colloque, je compris alors pourquoi une telle crainte. C’était une époque où l’on dressait à Camus une statue de quasi anticolonialiste, ajoutée aux autres statues qu’il avait déjà de grand écrivain, d’immense journaliste etc. Patiemment, Henri Alleg démonta la mécanique du discours de Camus sur l’Algérie. Même ses fameux reportages sur la misère en Kabylie brandis souvent comme preuve irréfutable de son engagement en faveur des colonisés, Henri Alleg les analysait autrement. Le sens ultime de ces textes était comme une doléance adressée au système colonial pour qu’il manifeste un peu moins de dureté à l’égard des colonisés, une demande compassionnelle d’un peu plus d’humanisme. A aucun moment, le système colonial n’est remis en cause en tant que tel. Inutile de préciser les gorges chaudes que son intervention a suscitées au milieu d’un chantier où l’idolâtrie de Camus, sans doute méritée, sur d’autres terrains que l’anticolonialisme, battait son plein. Henri Alleg reconnu à Camus sa stature de grand écrivain mais il ne voulait pas laisser dans l’équivoque dont on les drape aujourd’hui les positions de Camus sur la colonisation et surtout sur l’indépendance de l’Algérie. »*Il faut citer aussi l’article de Salah Guemriche (cf. sa fiche) : « Henri Alleg, ‘un homme, ça s’empêche !’ » Le Matin 19 juillet 2013. Hommage à Henri Alleg au moment de son décès où, inévitablement, arrive la comparaison avec Camus.« Il y a ceux qui ont trompé le peuple, oui, et il y a ceux qui, à l’instar d’Albert Camus, avaient, avec un angélisme désarmant, cherché à tromper leur peuple, les Français d’Algérie, en prônant désespérément l’égalité avec l’autre peuple, les indigènes, ces laissés-pour-compte. L’auteur de L’Etranger avait fini par parler carrément de double xénophobie : "Le choix en Algérie n’est pas entre la démission ou la reconquête, mais entre le mariage de convenances ou le mariage à mort de deux xénophobies" (Cf. L’Appel pour une trêve civile). Ce concept de "double xénophobie" est intéressant à double titre. Et d’abord, pour ce qu’il laisse sous-entendre de l’étrangeté même de l’indigène… C’est cette étrangeté qui fit que le Nobel de littérature ignora l’appel à dénoncer la saisie de La Question… Tout comme il ignora l’appel de Kateb Yacine qui l’invitait au dialogue et celui de Jean Amrouche qui lui proposait à lui comme à Jules Roy "de rédiger un manifeste en commun". » (Lettre de Jules Roy à J. Amrouche, 7 septembre 1955).Voir aussi le récit de Salah Guemriche : « le dialogue implicite avec Albert Camus autour de La Question : extrait de Aujourd’hui, Meursault est mort ».

Jean AMROUCHE1906, Ighil-Ali (Grande Kabylie). Décédé à Paris en 1962.

- http://www.fabrique/dessens.net/Tribune-de-Paris-01-juillet-1946 (cf. aussi www.youtube.com/watch?v=ejCl-cdjNEc) : émission de 25 mn du 1er juillet 1946, dirigée par Paul Guimard avec des députés des 1er et 2ème collèges dont Ferhat Abbas, représentant des « Amis du Manifeste » et par une personnalité comme Camus, « dont les articles de l’année dernière sont dans tous les esprits » et Jean Amrouche, directeur de l’Arche. Le thème en est « Le problème algérien ». La première réponse de Camus est qu’après 116 ans de présence française, les milliers de victimes en 1945 montrent bien qu’il y a un problème algérien. Les différentes personnalités vont se départager selon la primauté qu’elles donnent au problème politique (Ferhat Abbas, Jean Amrouche et A. Camus) ou au problème économique (les députés européens). Elles vont également se scinder sur la question de l’avenir de l’Algérie : éveil d’une conscience politique qui ouvre la voie à une conscience

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nationale (F. Abbas et J. Amrouche), assimilation (les députés européens) ; quant à Camus il pense que la phase nationaliste doit être accélérée pour passer à une perspective internationale qui permettrait un fédéralisme, solution au problème politique.Ajoutons qu’il n’est pas inintéressant d’entendre ces trois voix : Abbas et Amrouche affirment l’existence d’une personnalité algérienne avec force ce que Camus récuse tout en concédant qu’il faudrait considérer avec plus d’intérêt « la civilisation arabe ».

-Le 18 novembre 1946, Jean Amrouche lit le message de Camus à La Maison de la Chimie à Paris, devant les représentants du parti de L’Istiqlal pour fêter le XIXe anniversaire de l’accession au trône du sultan marocain Sidi Mohamed Ben Youcef. L’amitié entre Camus et Amrouche prendra fin en 1948.

-Site de LIMAG, dossier écrivain Albert Camus : Vidéo d’un débat autour de l’évolution du problème algérien – « Faut-il aller vers l’assimilation ou l’émancipation de l’Algérie ? » Jean Amrouche fait partie des personnalités du débat, comme Camus et Kaddour Sator.

-Lettre tapuscrite de Camus à Jean Amrouche, à l’en-tête de Gallimard et datée du 6 janvier 1958 qui témoigne de leur amitié antérieure et de leurs désaccords : « Mon cher Amrouche,Je ne t’ai pas lu distraitement. J’ai encore en mémoire les phrases auxquelles je faisais allusion. Tu me confirmes que tu es partisan de l’indépendance d’une nation algérienne. Je crois que j’en comprends bien toutes les raisons. Cependant, dans le contexte historique actuel, cela reviendrait à remettre l’Algérie et ses habitants à la discrétion du FLN. Selon moi, et pour le moment, ce serait livrer les Français d’Algérie et un grand nombre d’arabes à une pure et simple aventure. La solution pour moi ne peut être que fédérale, comme je l’ai déjà dit, il y a longtemps, et à condition que tous les éléments de la communauté algérienne connaissent à la fois justice et liberté. Je crois cela réalisable dès l’instant où l’hystérie réciproque pourra s’apaiser. Autrement dit, et provisoirement, il ne faut désigner aucune collectivité, en tant que telle, à la vindicte de l’autre. C’est ainsi que j’ai imaginé ma tâche. Et c’est ce qui m’a séparé d’à peu près tout le monde en France. Cette séparation vient de s’accuser encore plus profondément, avec l’accueil qui m’a été fait à mon retour en France. J’ai donc décidé d’accepter cette solitude, de ne plus répondre à rien, et de continuer à témoigner, en tant qu’écrivain, par le livre. Garde seulement de cet échange le souvenir de ce que je t’ai dit. J’espère qu’il pourra t’aider à tempérer quelques positions et à aider, si peu que ce soit, à un apaisement futur dont je ne doute pas.A toi ». (p. 95, Engagements et déchirements – Les intellectuels et la guerre d’Algérie, Catherine Brun et Olivier Penot-Lacassagne, Gallimard, IMEC, 2012). Cf. référencé dans ce répertoire le livre sur Camus/Amrouche de Réjane et Pierre Le Baut.

Hassan ARAB (universitaire et journaliste)1974, Tizi-Ouzou

- Problématique de l' incommunicabilité dans L’Exil et le royaume d'Albert Camus, Mémoire de Magister, Université d'Alger, 1998.- Lecture d’extraits de textes de Camus (Essais et Nouvelles). Journée poétique organisée par l’Association Mémoire de la Méditerranée, présidée par Afifa Bererhi, et La Caravane Catalane, présidée par Pierre Paul Haubrich, Hôtel Matares (Tipasa), 2010.-Article à paraître dans la revue universitaire algérienne, Synergie, « Janine ou l'ego expérimental ».

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-Thèse de Doctorat à Alger, L’écriture du paysage dans L’Exil et le royaume d’A. Camus et Au Café de Mohammed Dib, soutenance 2014.

Saïd AREZKI (metteur en scène de théâtre)

« Albert et Yacine », entretien de Marie Virolle avec Saïd Arezki, Algérie Littérature/Action, Paris, Marsa éditions, n°12-13, septembre 1997, pp. 153-158. La lecture en a été à nouveau donnée à la Médiathèque de Limoges en novembre 2003 dans les manifestations autour de « L’Ecole d’Alger ».Au printemps 1997, Saïd Arezki, journaliste et homme de théâtre, monte au théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, une pièce Au café des deux rives dans laquelle se rencontrent Kateb Yacine et Albert Camus. Au départ, il n'avait pensé qu'à Kateb et à la réécriture de sa pièce, L'Homme aux sandales de caoutchouc mais, une fois la pièce écrite, il n'a pu la jouer. « Le jour où Le Monde a publié cette fameuse lettre à Camus, en juin 1995, je me suis dit : c'est bizarre, je voudrais bien savoir ce que Camus aurait répondu ? J'ai donc décidé de me pencher sur Kateb et Camus. Camus m’intriguait, comme il intrigue, je crois, tout Algérien... Un jour, j'avais émis l'idée de faire une rencontre autour de Camus, qui s'intitulerait Pour en finir avec Camus […] Je me suis attelé à la tâche, d'une autre manière. J'ai imaginé ce Café des deux rives, un café d'Alger où se rencontreraient le 8 mai 1954, Kateb et Camus. » Le créateur souligne des découvertes lors de l'élaboration de son texte : la « ressemblance » entre Kateb et Camus : « ils sont comme l'envers et l'avers d'une pièce de monnaie » ; l'idée de dialogue, aussi, comprise aujourd'hui autrement qu'en 1957 car « nous sommes issus de la même mer. » A la question que lui pose Marie Virolle sur l'appartenance algérienne de Camus, Saïd Arezki répond :« Oui, oui, il était profondément algérien. J'ai fait une découverte : notre école nous enseignait que Camus avait dit : « Je préfère ma mère à la justice » ; quand j'ai lu la suite du discours de Stockholm, j'ai compris que Camus avait aussi peur pour sa mère et sa famille en Algérie, et qu'en quelque sorte, il condamnait la violence. »Cette appartenance au groupe, à la famille, au clan et cette importance donnée à la mère et aux femmes font l'ancrage méditerranéen de Camus. A ce propos, Saïd Arezki déclare : « Oui, Camus et Kateb n'ont jamais eu une attitude machiste, du moins dans leurs écrits. Ils ont été de grands séducteurs mais ils ont été séduits par l'idée de la femme. » Interrogé sur ce qu'il pense qu'aurait été l'attitude de Camus face aux événements actuels, Saïd Arezki répond : « J'espère ne pas me tromper, Camus reste un progressiste. Donc, il est pour le doute et le doute a toujours fait avancer l'humanité. » Il précise aussi que ses recherches lui ont fait découvrir que, dans les années 40, Camus a été « le grand frère » pour beaucoup de jeunes écrivains, comme Kateb, comme Sénac. Kateb/Camus ? « Ils sont plus vivants que beaucoup d'écrivains actuellement physiquement en vie […] Eux, même s'ils n'ont pas été des prophètes, ont eu en littérature un sens étonnant de la prospective. »

Zaki ARROUK (universitaire)

- Camus et l’Espagne, thèse de 3° cycle, Paris IV, 1968.- Idées politiques et sociales d’Albert Camus : mythe et réalité : 1937-1962, Thèse de Doctorat, Paris IV, 1976.

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Amina AZZA BEKKAT (universitaire)1946 à Toulouse (France)

-« Rachid Boudjedra et Albert Camus » in Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Actes du colloque univ. de Cergy-Pontoise en novembre 2001, Artois Presses Université et CRTH de l’Université de Cergy-Pontoise, 2003, 380 p., pp. 329-342.

-« Camus et l’antériorité latine : Apulée, Augustin, Camus, Trois noms illustres pour un pays », Colloque Camus, Oran, juin 2005. Actes non publiés. Les ruines romaines que l’on retrouve ici et là en Algérie témoignent d’une civilisation développée et d’une culture aussi diverse que riche. La présence romaine devait laisser non seulement des monuments mais aussi des textes dont certains ont traversé le temps.  Alors que la littérature latine s’essoufflait sur le sol d’origine, c’est en Afrique du Nord et dans le royaume numide que de grands noms devaient prendre le relais. Deux grands noms ont été évoqués avec beaucoup de clarté : Apulée de Madaure, auteur du seul roman de langue latine, L’Âne d’or, texte un peu licencieux et grivois qui a l’originalité de partir de récits oraux et dont les histoires, plus particulièrement le conte de Psyché et d’Eros, reviendront à l’oralité ; Augustin, père de l’Eglise, qui a inauguré un nouveau genre littéraire dans ses Confessions, le récit autobiographique, qui connaîtra le succès que l’on sait. Ces grands noms de la littérature et de la pensée universelle appartiennent au patrimoine de l’Algérie et une certaine filiation peut se retrouver d’Apulée à Camus, via Augustin.

-« Un homme moral dans un monde immoral, Lecture d’Albert Camus par Edward Said », in Albert Camus et Les Lettres Algériennes : l’espace de l’inter-discours, colloque de Tipasa, 2006, Afifa Bererhi (coord.), 2 Tomes, 503p. Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, tome 2 pp. 459-471.

-« Albert Camus et l’Algérie : le malentendu » in Albert Camus précurseur, Méditerranée d’hier et d’Aujourd’hui, Colloque Madison, Wisconsin, 21-23 septembre 2006, Peter Lang Publishing, Inc. New York, 2009, pp. 9-21.

-« Des hommes et des lieux » in Lendemains, Revue – Etudes comparées sur la France, Gunter Narr Verlag Tübingen, 34. Jahrgang, N° 134-134, 2009, numéro « A. Camus et l’Algérie », Mustapha Trabelsi (éd.)., pp. 117-123.

-«Writing against, writing with, the case of Algerian literature», in Chewing Over the West, Occidental Narratives in Non-Western readings, edited by Doris Jedamski, Rodopi Amsterdam- New York, NY 2009 pp. 109-125. Actes du colloque de Leiden 9-12 décembre 2002.

-« Et la tristesse au fond de ta vaillante joie », Albert Camus. Pour l’Espagne : Discours de liberté, Hélène Rufat (dir.), Univ. Pompeu Fabra de Barcelona,  PPU, Barcelona, 2011, 348 p. (Colloque de novembre 2007)., pp. 27-39.

-« La fin d’un monde » dans la Revue des Lettres Modernes, série Albert Camus, n°23, 2013, Minard, Philippe Vanney (coord.). A paraître.

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Salim BACHI (écrivain)1971, Alger

- Une étude de Martine Mathieu-Job s’appuie sur une « visée du rapprochement » entre les deux écrivains, « par le biais de la représentation du territoire d’appartenance ». Etude intertextuelle de la ville/Oran et de la figure du fou entre Le Chien d’Ulysse (Gallimard, 2000) et La Peste et L’Eté. En ce qui concerne le second roman en 2003, La Kahéna, le travail se fait autour du mythe de l’origine, des rapports entre mythe et Histoire. L’œuvre camusienne sollicitée est Le Premier homme. (Cf. « Albert Camus, Salim Bachi et le territoire du père » dans Albert Camus et Les Lettres Algériennes : l’espace de l’inter-discours, Afifa Bererhi (coord.), 2 Tomes, 503 p. Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 401-413).

- Propos cités dans l’article d’A. Belkaïd, Télérama Hors-série de 2010.

- Le dernier été d’un jeune homme, roman, Paris, Flammarion-Barzakh, 2013. Dans Reporters.dz, 15 septembre 2013, Walid Bouchakour écrit : « Outre le roman de Kamel Daoud, le centenaire de la naissance de Camus a également inspiré Salim Bachi, et son éditeur Flammarion. L’auteur des Douze contes de minuit signe Le dernier été d’un jeune homme. Ce roman nous plonge dans les interrogations du jeune Camus, déjà auteur de ses œuvres majeures à 36 ans, traversant l’Atlantique pour un voyage au Brésil. Salim Bachi explore la pensée intime de l’auteur de La Peste entre une vie personnelle mouvementée, un succès grandissant et une difficulté à prendre position devant les bouleversements politiques que vit l’Algérie depuis mai 1945 ». Le roman de Salim Bachi serait l'effet d'une métempsychose ; le récit se moule alors dans la forme autobiographique retenue et déjà annoncée en première de couverture par la reproduction d’une photo d'identité de Camus en 1938. Ainsi Bachi signe-t-il son pacte de vérité. Exercice réussi jusqu'au style qui laisserait croire que nous lisons Camus dans toutes ses gammes. Remarquons que la photo retenue en bande de couverture est celle qui avait été choisie par les éditions Zirem (cf. fiche) pour la réédition à Béjaïa de Misère de la Kabylie, photo qui correspond à peu près à la période du roman et donc mieux adaptée que les portraits plus connus de l’écrivain. Salim Bachi s’est engagé dans une variante peu évidente du discours camusien puisqu’à partir d’une lecture attentive des écrits de cette période (ceux de Camus et ceux des critiques, tous cités en fin de roman), il choisit la première personne pour faire revivre en direct au lecteur le jeune écrivain de 36 ans – à quelques années près son âge même quand il se lance dans Le dernier été d’un jeune homme. L’écriture qu’il adopte, tant dans sa « transparence » stylistique que dans ses jeux chronologiques très dirigés, pour ne pas perdre le lecteur, n’est pas celle à laquelle le romancier algérien a habitué son lecteur : il y a, à l’évidence, une volonté aboutie de mimer le style camusien. On peut se rappeler de l’analyse de R. Barthes sur l’écriture blanche de L’Etranger, dans Le degré zéro de l’écriture : « Il s’agit de dépasser ici la Littérature en se confiant à une sorte de langue basique, également éloignée des langages vivants et du langage littéraire proprement dit. Cette parole transparente, inaugurée par L’Etranger de Camus, acccomplit un style de l’absence qui est presque une absence idéale de style ». Au fur et à mesure de la lecture, on repérera la date de l’événement présent : la longue traversée vers le Brésil. Le 30 juin 1949, Camus a embraqué à Marseille pour l’Amérique du Sud : il doit y donner des conférences. Le 21 juillet, après une escale à Dakar, il arrive à Rio de Janeiro. Il a souffert pendant tout son séjour de ce qu’il pense être des états grippaux. A son retour, le 31 août, en avion de Rio, les médecins diagnostiquent une aggravation de l’état de ses poumons et lui prescrivent deux mois de repos. Le présent de la narration autobiographique couvre donc ces deux mois de l’été 1949. Mais de nombreux retours en arrière – en des chapitres

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numérotés –, permettent à Salim Bachi de parcourir l’enfance, la jeunesse et les années adultes de Camus jusqu’en 1949. Notons toutefois – liberté du romancier qu’un critique de l’œuvre ne peut se permettre –, que de nombreuses expressions ou analyses, postérieures à la date de septembre 1949, sont intégrées à la parole de l’autobiographe fictif. Ainsi des deux pages consacrées à Céline où Salim Bachi développe la réponse donnée au Libertaire du 27 janvier 1950, « Le Procès Céline », réponse parmi d’autres où Camus charge Céline mais désapprouve les procès d’opinion. Salim Bachi « invente » un rapprochement dans l’esprit de Camus, avec le « procès » de L’Etranger dans l’opinion (et ici, il s’agit d’un procès symbolique bien postérieur aux années évoquées). La fiction donne ces droits. Ce qui importerait, dans une lecture plus approfondie, serait de comprendre comment la nouvelle mise en mots délivre des significations qui sont celles que le romancier algérien veut faire entendre sur Camus. On remarque, dans ce roman, qu’il revient avec insistance sur l’amour des femmes – elles défilent toutes par leur nom et leur capacité à faire vibrer le jeune homme puis l’homme jeune et quelques scènes d’amour sont imaginées –, sur l’énigme de la mère, sur l’appartenance aux pauvres et la trahison à leur égard. Sont privilégiées aussi toutes les lectures de Camus. En se situant avant la fracture qu’a représentée la publication de L’Homme révolté et avant l’insurrection algérienne de 1954, Salim Bachi opte pour une période moins conflictuelle, déplaçant le regard des lecteurs d’aujourd’hui et offre une fiction différente de celles d’autres romanciers algériens.

Abdellah BEDDAWI (universitaire)

Etude comparative du héros crépusculaire dans l’œuvre d’Albert Camus et d’Ernest Hemingway, Thèse universitaire, Paris, 1966. Yahia BELASKRI (journaliste et écrivain)1952, Oran.

- A organisé la première rencontre algérienne consacrée à Camus depuis 1962 avec trois associations algériennes Les Amis de l’Oranie, Bel Horizon Santa Cruz et Mémoire de la Méditerranée (Algérie) - en partenariat avec les CCF d’Alger et d’Oran, les 11 et 12 juin 2005, à Oran, sous le titre : « Albert Camus : Oran, l’Algérie, la Méditerranée ».

Articles:- « Albert Camus et l'Algérie », in « Albert Camus ou le refus du meurtre », n° 167 (2ème

trimestre 2013) de la revue Alternatives non-violentes.- « Camus le père impossible » in http://www.culturessud.com/contenu.php?id=792 - « Camus et l’Algérie, le retour » dans Pourquoi Camus? Eduardo Castillo (dir.), Paris, éd Philippe Rey, 2013, pp. 221-229.

Conférences ou débats : Nice, avril 2013, centre universitaire méditerranéen, colloque. Laval, mai 2013, table ronde Camus. Saint-Malo, mai 2013, Festival Etonnants Voyageurs: journée professionnelle consacrée à Albert Camus. Marseille, juillet 2013, Mucem, colloque.D'autres rencontres programmées dans les mois qui viennent (après 2013) à Paris (Maison de l'Europe), Boulogne (médiathèque), Besançon (Les mots Doubs), Bretagne (salon du livre de Riantec), Barcelone.

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 Messaoud BELHASSEB (universitaire)

- L’expérience du présent dans L’Envers et l’Endroit et Noces, Mémoire de magister, université d’Alger, 2007.- inscription d’une thèse depuis 2008 dans la suite de ce sujet.- organisateur du colloque à Guelma, 9 et 10 octobre 2013 sur Albert Camus, à l’occasion du centenaire de sa naissance : « Du cinquantenaire de l’indépendance au centenaire de la naissance. L’Algérie de Camus, une passion universelle ». En exergue à l’argumentaire du colloque, une citation de L’Eté à Alger : « Ce pays est sans leçons. Il ne promet ni ne fait entrevoir. Il se contente de donner, mais à profusion. Il est tout entier livré aux yeux et on le connaît dès l’instant où l’on en jouit. Ses plaisirs n’ont pas de remèdes, et ses joies restent sans espoir. Ce qu’il exige, ce sont des âmes clairvoyantes, c’est-à-dire sans consolation. Il demande qu’on fasse un acte de lucidité comme on fait un acte de foi. Singulier pays qui donne à l’homme qu’il nourrit à la fois sa splendeur et sa misère ! ». Communication prévue, « Albert Camus : entre Plotin et Saint-Augustin ou la découverte d'une voie ».

Akram BELKAID (journaliste et écrivain)1964, Alger

- « Le temps de l'apaisement »: Camus et les écrivains algériens : Télérama Hors Série spécial Camus, décembre 2010, pp. 22-25. Propos cités de Maïssa Bey : « une fibre profonde que nous partageons : la terre mère, la mer, l’aspiration au bonheur » ; de Kateb Yacine : « le seul personnage algérien de Camus disparaît à cause d’un coup de soleil » ; de Salim Bachi : « Camus est le témoin de son temps, plus intéressant que Sartre au sujet de l’Algérie » ; d’Anouar Benmalek : « Le journaliste a été sensible aux malheurs des Algériens, mais pas l’écrivain » ; de Yasmina Khadra : « Il n’a traité que de son Algérie à lui, son jouet d’enfant, de petit pied-noir ».

- La chronique du blédard : « Camus, une perte algérienne », Le Quotidien d'Oran, 7 janvier 2010 : « L'Algérie aurait perdu Camus. Effectivement, à l'indépendance, les choses étaient claires : "Camus restera toujours un étranger pour nous", avait déclaré un haut responsable de l'époque. Terminé, baissez le rideau, il n'y avait plus rien à dire, à moins de provoquer le soupçon des gardiens de la révolution. Oui, mais voilà, comment expliquer ce retour en force, cette passion "camusienne" qui saute aux yeux dès lors que l'on rentre dans une librairie d'Alger ? Et je ne parle pas du nombre impressionnant de colloques et de travaux de recherche autour de l'œuvre de cet écrivain. N'est-ce pas là une démarche de réappropriation ? Si c'est le cas, il faut convenir que l'on ne cherche à se réapproprier que ce que l'on a perdu. Je note au passage que c'est peut-être en Algérie où l'on a le plus parlé de Camus ces dernières années et où l'on n'a pas attendu la date du 4 janvier pour se souvenir de lui... ». Son propos n’est pas de donner raison ou tort à Camus ; il est de déplacer le débat vers autre chose, vers le cheminement de Camus, ses doutes, ses hésitations, ses faux pas, ses contradictions et il précise : « Ce que nous avons perdu avec Camus, c’est le refus du manichéisme, le refus d’accepter les vérités assénées, les principes érigés en dogme, les certitudes humaines transformées en lois suprêmes. » Pour le journaliste, l’héritage de Camus, ce serait donc d’adopter une autre façon de réfléchir face au réel, de refuser la pensée unique, ce qu’Aziz Chouaki avait mis en valeur dès son récit théâtral, Les Oranges, et encore plus nettement dans Le Tag et le royaume.

-Retours en Algérie- Des retrouvailles émouvantes avec l’Algérie d’aujourd’hui, Paris, carnets nord, éd. Montparnasse, 2013, récit, 215 p. Cf. pp. 182-189 : une réflexion sur les

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ruines romaines de Tipaza tant célébrées par Camus et le Tombeau de la Chrétienne dont il ne parle pas, sans doute parce que ce monument ne faisait pas partie de l’héritage gréco-latin.

Hassiba BENALDI (universitaire) Etude de contextualisation des mots au monde dans Actuelles III. Chroniques algériennes d'Albert Camus : analyse pragmatique du discours journalistique selon la théorie des actes de langage de J. Searle, Mémoire de Magister, Université d'Alger, 2001. Leïla BENMANSOUR (universitaire)

- Avril 2000, Leïla Benammar Benmansour, L’"Algérianité" et ses expressions dans l’édition française – 1919-1939 – "Et le livre devint média", thèse soutenue à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) – Droit –Economie – Sciences Sociales /Discipline : Sciences de l’information, sous la direction du Pr. Jacques Barrat. La thèse est téléchargeable sur internet. Nous n’en ferons pas une lecture détaillée mais nous en donnerons les grandes lignes. La candidate s’interroge sur l’objet-livre, sa diffusion et les effets induits. Elle prend comme support d’observations un certain nombre d’auteurs et d’œuvres du courant algérianiste dans une première partie. Puis dans une seconde (p.137 à 250 – le nombre de pages ne doit pas impressionner car la saisie, interlignage et titrage, est assez généreuse. Disons qu’en saisie classique, 70 à 80 pages sont consacrées à Camus) se concentre entièrement sur Albert Camus et L’Etranger. Dans ses articles d’El Watan, L. Benmansour s’en prend aux « spécialistes » de Camus (et en particulier C. Chaulet Achour), qui ont ignoré sa thèse. Ce qui est plus étonnant c’est qu’aucune des études de cette dernière à la date de la thèse ne soit ni utilisée ni même citée en bibliographie. En règle générale, à part quelques noms, la thèse est assez peu dialoguante avec ses prédécesseurs même ceux qui sont cités en note ou en bibliographie. On peut même avancer que les omissions bibliographiques sont scandaleuses. On note l'extrême confusion d'une pensée encore obscurcie par un niveau de langue très approximatif! La démonstration, si démonstration il y a, est engloutie par le recours aux longues  citations  qui se substituent à l'analyse. L'accent est souvent mis sur des banalités présentées comme essentielles comme cette interrogation qualifiée de « question clef » (p.238): « qui est l'enterrée de Marengo et pourquoi le choix de Marengo? » Des affirmations péremptoires sont à noter, comme celle qui fait de Déjeux « le seul spécialiste de la littérature algérienne », des hommages incongrus comme celui rendu à « Bernard Henri-Lévy et André Gluksmann, premiers intellectuels français à s'être engagés dans l'actuelle question algérienne"!  L'ensemble, pauvre et bavard ne fait guère avancer la question. - Au moment du colloque d’Alger/Tipasa, El Watan, dans sa livraison des 23 et 24 avril 2006, publie des articles assez longs de Leïla Benmansour, « La vérité sur L'Etranger d'Albert Camus. Le coauteur Stefan Zweig » proposant un « scoop » : Camus se serait inspiré du dernier récit de Stefan Zweig, Le joueur d’échecs pour écrire L’Etranger. L’argumentation est un peu difficile à suivre mais non l’opportunité de son intervention. Au moment où ce colloque est perçu – sans même encore qu’il se soit tenu –, comme un « hommage » à Camus, le principal quotidien algérien de langue française a tenu à équilibrer le débat en utilisant des articles plutôt « contre » Camus. On voit donc qu’on se situe encore dans la tension fascination/répulsion habituelle. Ce qui semble intéressant, c’est que le texte camusien semble être un texte qui sollicite l’intérêt de chercheurs en communication comme Hacène Hirèche (cf. sa fiche) et Leïla Benmansour dans El Watan. Ce qui fait l’objet de l’article de 2006 semble à peine amorcé dans la thèse lorsqu’elle introduit l’idée d’échiquier : « A chaque relecture de l’ouvrage s’impose pourtant cette idée persistante du regard de

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l’auteur sur un échiquier », suivie de la question, « l’auteur affectionnait-il le jeu d’échec ? » (thèse citée, p. 252).Réponse de la Présidente des études camusiennes, Agnès Spiquel, présente au colloque de Tipasa, publiée dans El Watan ; en voici un extrait :« Madame Benmansour a l’intuition que L’Étranger a été construit sur le jeu d’échecs ; donc la "construction" dont parle Camus à propos de son roman (selon un parallélisme rigoureux entre les deux parties) est un montage à partir du Joueur d’échecs et de quelques autres nouvelles de Zweig ; entre deux, quelques variations sur les chiffres et les carrés noirs et blancs tiennent lieu de démonstration, soutenues par la bonne vieille méthode Coué : "nous avons été assez convaincants"…Surtout – pièce maîtresse du roman policier – Zweig aurait, en 1940, donné à Camus "un rendez-vous top secret" à Paris pour lui confier son manuscrit et le mettre ainsi à l’abri de ses poursuivants nazis. Mais qui, en 1940, connaissait Albert Camus hors d’Alger ? Par quel "ouï-dire" Stefan Zweig l’aurait-il choisi comme dépositaire ? Et, si L. Benmansour se demande vraiment pourquoi Camus vient à Paris en 1940 (au lieu de « partir en Amérique »), elle devrait lire les excellentes biographies que nous avons de Camus. L’hypothèse – invraisemblable – du manuscrit confié étant devenue, par un tour de passe-passe, la prémisse de la démonstration, les réinterprétations tous azimuts s’accumulent : les épisodes dépressifs de Camus, l’admiration de ses contemporains pour son premier roman, tout viendrait d’un emprunt indélicat, que notre Zorro féminin arrive pour dénoncer enfin… »En retour, nouvel article de Leïla Benammar-Benmansour, « Albert Camus est-il une chasse gardée ? Lettre ouverte à madame Agnès Spiquel », El Watan, 12 décembre 2006. Le feuilleton continuant, L. Benmansour écrit au directeur du Monde en mai 2006 pour mettre en cause l’article que Catherine Simon a écrit après avoir assisté et participé aux travaux du colloque.-Littérature – « Albert Camus et l'Algérie, 50 ans après sa mort: 50e anniversaire du décès d’Albert Camus : L’humaniste incompris », El Watan, Le Pèlerin.www.algeriepyrenees.com/article-litterature-albert-camus-et-l-algerie-50-

Afifa BERERHI1946. Aïn Beïda

-Table ronde Angoulême sur Camus avec Bouba Tabti, et M.I. Abdoun en 2003, « L’Année de l’Algérie en France ».

-Préface de l’étude de François Chavanes, Albert Camus tel qu’en lui-même, Blida (Algérie), éd. du Tell, Collection Auteurs d’hier et d’aujourd’hui, 2006.

-Albert Camus et Les Lettres Algériennes : l’espace de l’inter-discours, Afifa Bererhi (coord.), 2 Tomes, 503p. Université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida, 2007

-« Camus et l’Algérie : La tentation de la signification mythologique », Lendemains, Gunter Narr Verlag, Tübingen, 2009.

-Journée poétique : lecture d’extraits de textes de Camus par les étudiants de l’université d’Alger, organisée par l’Association Mémoire de la Méditerranée (Afifa Bererhi) et La Caravane Catalane (Pierre Paul Haubrich), Hôtel Matares (Tipasa), 2 au 13 octobre 2009.

-« Vent à Djemila ou la révélation de "la mort consciente" ». Colloque de Sétif : « Lieux mythiques et créations littéraires » (2011).

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-« Le Premier Homme, récit de vie ou histoire clivée de l’autre », dans la Revue des Lettres Modernes, série Albert Camus, n°23, « Albert Camus et l’Algérie », 2013, Minard, Philippe Vanney (coord.). A paraître.

-Entretien filmé avec Abraham Segal pour le documentaire « Camus 2013- De l’absurde à la révolte ». Réalisé à la bibliothèque « Les vraies richesses », rue Charras à Alger, (début Juin 2013). Pour les besoin de ce documentaire, au lycée Emir Abdelkader, avec l’accord du proviseur Mr Bader, s’est déroulée une conversation avec le professeur Madame Méziane, professeur, et ses élèves autour de Camus l’écrivain (fin mai 2013).

Maïssa BEY (Samia BENAMEUR) 1950, Ksar el Boukhari (Médéa)

- Premier roman dans une maison d’édition périphérique, Marsa éditions, en 1996. Au commencement était la mer raconte quelques mois de la vie d’une jeune fille qui passe, de la découverte de la mer, de l’amour et du désir, à la désillusion et à la peur lorsqu’elle se retrouve enceinte et que son ami, obtempérant au diktat de sa famille, lui signifie la fin de leur histoire. Nadia a un refuge, sa chambre et partage la salle à manger avec sa mère et ses frères et sœurs. Dans la salle à manger règne le père : « La photo de son père est accrochée au mur. Juste au-dessus d’un meuble, dans la salle à manger. Au milieu. Présent à tous les repas. Le cadre est doré et le verre, sur le visage de son père, met des reflets aigus. Un cadre soigneusement épousseté chaque jour par le chiffon attentif de sa mère. Effacée la clarté de ses yeux. Effacé aussi le sourire, à peine un pli aux commissures des lèvres. » Dans la chambre, le portrait de Camus est signalé au moment même où Nadia entame le calvaire de l’avortement : « Autour d’elle, familier, le décor de sa chambre. Sur le mur, au-dessus du bureau, Camus, figé dans une éternité noire et blanche, plisse les yeux dans un sourire qui se veut rassurant. » Les deux portraits subiront, en même temps, "l’autodafé" du frère islamiste quand il décidera qu’ils doivent disparaître. Ce qui est intéressant est la présence subreptice, presque clandestine de Camus, à peine nommé, tout juste effleuré mais mis clairement en parallèle, par son traitement narratif, avec la figure du père. Bouba Tabti-Mohammedi (cf. sa fiche) a montré que ce récit n’en restait pas à une simple citation de Camus mais déployait une écriture habitée, en partie, par quelques-uns des sèmes camusiens, en particulier la présence de la mer, lieu de la reconstruction de l’être et de sa libération. Cette proximité des écritures qui engage le jeu intertextuel est plus riche que la simple citation, même si celle-ci, dans le cas que nous étudions, est très signifiante.

- Ces traces de Camus se retrouvent dans le troisième texte de Nouvelles d’Algérie, en 1998, « Un jour de juin » (Paris, Grasset) où très explicitement, le personnage se souvient de Meursault déléguant au soleil et à sa lumière aveuglante l’acte qu’il a commis. La même année 1998, elle publie dans 2000 ans d’Algérie, une nouvelle, « Sur une virgule » (2000 ans d’Algérie, Biarritz, Séguier-Atkantica, pp. 211-225) où une jeune Algérienne trouve, dans un appartement de Belcourt abandonné par une famille française, le journal de la jeune fille, Marie qui habitait donc Belcourt et évoque les lieux familiers à Camus, la rue de Lyon, le Jardin d’Essai…

- Algérie Littérature/Action, n°29-30 mars avril 1999, Dossier « Réception camusienne », coord. C. Chaulet Achour, « Femmes au bord de la vie », pp. 238-241.

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- Sollicitée par Jacqueline Lévi-Valensi, en 2002, Maïssa Bey participait à un colloque au Centre Pompidou à Paris sur « Albert Camus et le mensonge », où elle dévoilait plus clairement toute la filiation qu’elle reconnaissait : « J’étais très jeune quand j’ai lu les œuvres de fiction de Camus. Je les ai lues comme si cet écrivain algérien s’adressait à une part secrète de moi-même, me permettant de découvrir des profondeurs inexplorées jusqu’alors, et ce fut pour moi une révélation. » Elle relevait « les évidences partagées » mais plus fondamentalement « les exigences et les doutes » « à mesure (qu’elle) avance sur les chemins de l’écriture ». Maïssa Bey réfléchissait alors au silence, au mensonge et à la vérité, thématiques du colloque. (Le texte a été publié dans « Albert Camus : l’ombre d’un homme qui marche au soleil », dans Albert Camus et le mensonge, Paris, Bibliothèque Centre Pompidou, « En Actes », 2004, p. 211-217.)= Ces deux premiers textes ont été réunis dans L’ombre d’un homme qui marche au soleil Réflexions sur Albert Camus, Montpellier, éd. Chèvrefeuille étoilée, 2004. Des extraits lus par l’auteure au colloque ‘’Albert Camus : le sens du présent’’, Dokkyo, Déc. 2010.

- En 2003, elle participait à un collectif, Journal intime et politique – Algérie, 40 ans après (« Faut-il aller chercher des rêves ailleurs que dans la nuit ? » dans Journal intime et politique – Algérie, 40 ans après, La Tour d’Aigues, éditions de l’aube/Littera 05, 2003, pp. 9-51), où elle transcrivait les mois d’août à octobre 2002 : inévitablement Camus accompagnait cette plongée inhabituelle pour elle dans l’écriture diariste publiée. L’exergue était une citation de L’Eté, « la première chose est de ne pas désespérer »; la visite de Tipasa est décrite : l’ombre tutélaire de Camus est là.

- Colloque sur Camus à Oran, juin 2005 (cf. Y. Belaskri), communication, «  Présence de femmes », Maïssa Bey a poursuivi, par une exploration bio-fictive des écrits de Camus, la recherche entamée précédemment autour de la mère et de son silence, par le tissage plein d’humour et de sensibilité – en entrelaçant citations des fictions et citations de faits biographiques –, du regard de Camus sur les femmes, sur les représentations qu’il nous en donne, sur sa conception du mariage et du couple. Elle l’a ajouté au livre précédemment cité, dans une version enrichie après 2004. Introduit par une courte introduction de Catherine Camus, il a fait de Maïssa un des écrivains algériens les plus camusiens : « En écoutant Maïssa, écrit Catherine Camus, je retrouvais mon père. Pas un écrivain célèbre, non, non, mon père un être humain avec sa solitude, son courage, ses déchirements. Et c’était une femme, algérienne, qui dans sa solitude et ses déchirements avait eu le courage d’une si lumineuse intelligence. »

- « Vous cherchez Camus, il est là-bas ! », Le Monde, 5 mai 2006.

- « Lettre à Camus », p. 42 dans « Albert Camus Penser la révolte », Le Magazine littéraire, n°453, Mai 2006.

- 2008 : Un texte très intéressant sur ce rapport de Maïssa Bey à Camus et l’Algérie est celui qui a été écrit pour une mise en scène théâtrale, en 2008, Pierre Sang Papier ou Cendre (éd. de l’aube, 2008, pp. 121-128). Le lecteur français, habitué à l’écriture de la négociation par rapport aux plaies du passé que l’écrivaine algérienne a polie depuis son entrée en écriture, a été étonné, souvent irrité par cette traversée de l’Algérie coloniale où M. B. propose sa lecture de la colonisation algérienne. Le tableau XVI est consacré à Camus et à Kateb et à un troisième personnage dont le nom n’est pas donné. Le tableau précédent évoque, décrit et détaille la fameuse Exposition Coloniale de 1931, préférée à l’évocation d’une des nombreuses expositions du Centenaire de l’Algérie française. Le tableau XVII choisit le mode

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épique et poétique pour sensibiliser à l’explosion de 1954. L’évocation de Camus et de Kateb, deux grandes voix contradictoires de l’Algérie littéraire francophone, est prise entre 1931 et 1954, les années du Camus que les Algériens qui veulent prendre parti pour lui, aiment à rappeler.Deux hommes marchent au bord d’une plage, l’un des deux discute avec véhémence. Il rappelle l’enquête qu’il fit en Kabylie en 1939 : « Rien, non rien n’a changé depuis. » Il évoque les sacrifices des troupes coloniales durant la Seconde Guerre mondiale et 1945 dans le Constantinois, événements datant ce tableau : « Ce qui s’est passé ces dernières semaines dans le Constantinois… Comment accepter les massacres sauvages et la répression tout aussi sauvage qui ont enténébré les fêtes de la Victoire ? » Dates particulièrement positives du Camus " Algérien" : l’enquête en Kabylie de 1939 et les articles de 1945 qu’il écrivit à propos de Sétif. La mise en écrin de la scène veut aussi coller le plus étroitement possible aux écrits de Camus par des énoncés mimant son écriture : « Et rien non plus dans la nature environnante ne semble annoncer la gloire d’un été pourtant très proche. » Les deux hommes ont contourné un rocher et, après leur passage, « une silhouette sombre s’en détache. C’est un jeune homme. Presque un enfant encore. […] Les yeux fixés sur l’horizon blafard, il se balance d’avant en arrière. Les paroles qu’il prononce ne sont d’abord qu’un murmure indistinct. Un étrange soliloque. » Dès les premiers mots, le lecteur familier de Kateb Yacine reconnaît le magnifique passage de Nedjma où Lakhdar se rappelle sa participation à la manifestation du 8 mai 1945 à Sétif. Au discours interrogateur et inquiet du journaliste se superpose le récit poétique de Kateb. Une fois cette reconnaissance accomplie, se joue nécessairement dans l’esprit du lecteur le jeu des âges : le Camus qui déambule sur la plage a 32 ans, Kateb, le jeune homme – il ne sera jamais nommé – a 16 ans. Ce qu’il dit se perd dans « un murmure indistinct. » Cette fois, cette expression retient le lecteur de L’Etranger comme une expression familière, celle du chapitre 2 de la deuxième partie, ce « murmure sourd » des conversations des prisonniers arabes dans le parloir lorsque Meursault s’avance à son tour, recevant la visite de Marie, murmure « qui formait une basse continue aux conversations qui s’entrecroisaient au-dessus de leurs têtes. » Dans un texte comme dans l’autre, les Français d’Algérie, aussi bien disposés qu’ils soient pour « la revendication arabe » – on reconnaît les propos de Camus dans Chroniques algériennes – entendent sans écouter véritablement, la parole de l’Autre les désarçonnant et les mettant mal à l’aise. Les deux hommes continuent leur conversation à haute voix : « l’enfant, toujours assis, continue à soliloquer. A qui raconte-t-il son histoire ? ». A qui les Algériens ont-ils raconté leur histoire ? Qui les a écoutés ? Ce tableau avait déjà installé le lecteur dans une réécriture de la scène du meurtre de L’Etranger avec des modifications conséquentes dues à la prise en considération d’un contexte historique différent. Deux Européens sur une plage qui brandissent leurs arguments, un Arabe non nommé qui surgit de derrière un rocher et soliloque ; puis, brusquement, l’affrontement, car le jeune homme les a suivis. Tout de suite, les deux hommes sont sur leur garde : « Surpris, ils s’arrêtent. Face à eux, un jeune homme au regard farouche, un Arabe qui les dévisage en silence. Ils ne l’ont pas entendu arriver. Ils ne saisissent que les derniers mots qu’il lance en se mettant à courir : "l’Algérie est irascible… car ce pays n’est pas encore venu au monde… trop de pères… " ». Les deux hommes finissent leur promenade en silence et grimpent en haut de la falaise qui transporte cette fois la rencontre, une fois encore avortée entre les uns et les autres, d’une plage proche d’Alger à celle de Tipasa : « Le jour s’étrécit et le soir tombant peuple d’ombres le chemin bordé de colonnes en ruines qui les mène vers la sortie. » Camus frissonne et remonte le col de sa veste et, « les mains dans les poches, s’enfonce dans la nuit » : menace farouche que représente l’Arabe, malaise de Camus, incommunicabilité tenace. Ce tableau XVI qui n’est sûrement pas la dernière trace camusienne dans l’œuvre de Maïssa Bey, en est

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une des plus fortes car en total jeu intertextuel entre sa propre écriture, celle de Camus et celle de Kateb Yacine.

- 2009, L’une et l’autre (La Tour d’Aigues, éditions de l’aube), p. 14.Dans ce texte, se présentant à son public, en 2009, elle précise d’où elle vient, Camus l’accompagne : « Je dois dire que je suis d’abord d’un lieu. L’Algérie. Une terre dont il est difficile de dire aujourd’hui, avec Camus, qu’elle est bénie par les dieux. […] Terre en gésine dont on ne sait de quelle purulente boursouflure elle tente de se délivrer. » Plus loin encore, pour faire comprendre, malgré l’usage de la langue française, la sensation de familiarité et d’étrangeté qui l’habite quand elle est en France, c’est à un parallèle avec Camus qu’elle se livre ; parallèle par le truchement d’un autre exilé de sa terre, Milan Kundera et de ce qu’il dit de Camus dans Le Rideau, le mépris qui accompagnait l’homme venu du peuple. Concluant par sa profession de soi : écrire, malgré « l’inconfort de l’exposition à la lumière » pour être solidaire des siens : « Solitaire et solidaire, écrivait Camus – ou du moins l’un de ses personnages. Tout, au centre d’une page blanche…»

- 9 décembre 2009, L’association Coup de Soleil a rendu hommage à Albert Camus à la Maison de l’Amérique latine, en présence de Catherine Camus. A Maïssa Bey qui se demandait si Camus était un écrivain algérien, Catherine Camus a répondu que son père se considérait comme un écrivain français d’Algérie. À la question de Georges Morin : quel livre de l’écrivain préférez-vous ? Maïssa Bey a répondu Noces.

-Maïssa Bey dans Sarah Diffalah, « Camus, l'Algérien ou l'étranger », Le Nouvel Observateur, 5 janvier 2010 : « Il ne faisait aucune concession au fait colonial ». Dès l'abord elle s'inscrit dans la filiation de Camus, se nourrissant de la même sève : « la lumière, l'ombre, la terre, la mer. » Contre le reproche si souvent fait à Camus de l'absence d'Algériens dans ses textes, elle essaie de revenir à la réalité de l'époque et à la "frontière réelle" entre Algériens et Français et rappelle que dans La Grande maison de Dib, le seul "contact" entre les deux se passe au marché où Omar va porter des paniers. Elle souligne que les Algériens sont plus présents qu'on le pense dans les Carnets et revient sur la révolte de Camus après ce qu'elle appelle « les événements de Sétif ». Pour la phrase de Stockholm elle affirme que beaucoup d'Algériens peuvent s'y reconnaître. Elle parle d'incompréhension et affirme qu'il « adhérait totalement aux revendications des Algériens », ce dont on peut douter même si elle ajoute dans un bel euphémisme : « ce qui le gênait c'était les méthodes et les moyens ». La place de Camus en Algérie est ambiguë, et elle ne pense pas que l'Algérie soit prête à le reconnaître. Elle estime cependant qu'il y a, au vu des ouvrages intitulés "Camus l'Algérien", un désir profond de « se réapproprier cette voix, ces mots ». Evoquant l'algérianité de Camus, elle s'interroge du même coup sur celle de tous les Algériens : « Qu'est-ce qu'être Algérien? » se demande-t-elle. Camus le serait parce qu'il est « lié à la terre qui l'a vu naître «  et elle rappelle la phrase, qu'elle aime beaucoup, précise-t-elle, se réinscrivant dans la filiation revendiquée au début : « Je ne pourrais jamais vivre en dehors d'Alger. Jamais [...] Ailleurs je serais toujours en exil. »

- 28-29 janvier 2010, colloque « Albert Camus revisité », Institut de romanistique de l'Université de Bonn : lecture de L’ombre d’un homme qui marche au soleil.

- « Lettre ouverte », p. 94, Le Magazine littéraire, Hors série, n°18, Janvier-février 2010, « Albert Camus, une pensée au zénith ». 

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- Au Centre Albert Camus d'Aix-en-Provence :le 10 avril 2010, inauguration de l’exposition «L’Hôte » en compagnie de Jacques Ferrandez, auteur de la bande dessinée ; table ronde autour de la nouvelle de Camus et de son adaptation en bande dessinée : débat avec l’auteur, Boualem Sansal, qui a écrit la préface, et Maïssa Bey.

- 15 septembre 2010: « L'héritage d'Albert Camus », avec le Centre Culturel Catalan de Barcelone (www.cccb.org) : audition du discours d'Albert Camus lors de la remise du prix Nobel ; table ronde avec Maïssa Bey, Joan Daniel Bezsonoff, Christiane Chaulet-Achour et Emili Manzano ; projection du documentaire Amour de vivre de Luis Ortás.

- « La promesse d’une aube », Télérama, Hors-série, « Camus le dernier des justes », décembre 2010, pp. 90-91.

- Maïssa Bey est intervenue dans de nombreux débats sur Camus en cette année du centenaire, entre autres : * Printemps 2013, Débat à Toulouse avec Michel Onfray et A. Djemaï où M. Onfray a affirmé que la guerre d'indépendance de l'Algérie était une guerre d'égorgeurs en exhibant une photo publiée dans son livre sur Camus et justifiant ainsi la position de Camus pendant la guerre de libération. *Juillet 2013 : intervention sur Camus au musée de Marseille, colloque sur Camus au Mucem. * Festival du livre de Mouans Sartoux, 7-8 octobre 2013 : dimanche, à 14h, débat : « Camus et Feraoun » avec Maïssa Bey, José Lenzini, Wassyla Tamzali, Jean-François Mattei.

Zohra BOUCHENTOUF-SIAGH1950

- Camus, le baliseur, Conférence donnée dans le cadre des Wiener Vorlesungen, à l’Institut français de Vienne (janvier 2000). Texte traduit en allemand par Birgit Wagner et publié à Vienne, en 2001 (Bouchentouf-Siagh, Zohra / Kampits, Peter, Zur Aktualität von Albert Camus. Wien, Picus-Verlag)

- La ville d’Oran chez trois écrivains Pieds-noirs, A. Camus, J. Sénac, H. Cixous, conférence donnée le 14.11.03 à l’Université de Vienne dans le cadre des Ringvorlesungen ‘Romanistik und Cultural Studies : Kosmopolis ? Stadtrepräsentation und Kulturkonflikt im Mittelmeerraum’, semestre d’hiver 2003-2004.

- « D’Albert Camus à Roland Barthes une lecture politique des signes », in C. Chaulet-Achour et alii  (S/D), 2003, Albert Camus et les écritures du XXe siècle,  Artois Presses Université. Centre de Recherche Texte/Histoire. Université Cergy-Pontoise, pp. 201-209.  

- « Albert Camus et le refoulé colonial : une lecture de Le Minotaure ou la halte d’Oran », in Berehri Afifa (coord.), 2007, Albert Camus et les lettres algériennes: l’espace de l’interdiscours. Univ. d’Alger,  Imp. Mauguin, Blida, T. I, pp.135-144

- Séminaire de littérature (semestre d’hiver 2012/2013) à l’institut d’études romanes de l’Université de Vienne, intitulé : Albert Camus, journaliste, écrivain, homme de théâtre.

- Séminaire de littérature (semestre d’hiver 2013/2014) à l’institut d’études romanes de l’Université de Vienne, intitulé : Le tragique dans le théâtre français et/ou en langue française, du XXe siècle : A. Camus, A. Césaire, Kateb Yacine.

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- Débat projeté par la ville de Vienne (Wienervorlesungen), le 06.11.2013, à l’occasion du centenaire de Camus.

Rachid BOUDJEDRA1941, Aïn Beïda

- 1971, Boudjedra, La vie quotidienne en Algérie (Hachette) : Tipasa, bien sûr... « La vertu de la ruine romaine c'est le silence. Cela est vrai pour toutes les ruines, mais à Tipasa, le silence est pire qu'ailleurs et les couleurs insupportables. Dès qu'on est arrivé, il faut vite partir et quitter ces ruines ; car du mutisme de la beauté des vestiges et de la véhémence des couleurs, une terrible émotion se dégage et épuise vite le voyageur hanté par les pierres et les mirages. L'air tremble-t-il de chaleur ? Les insectes […] bourdonnent-ils au soleil ? Le silence n'en est que plus grand ! »C'est toute la page que Rachid Boudjedra consacre à Tipasa qu'il faudrait citer pour apprécier le dialogue, la référence à Noces et sa négation : couleurs, silence, rythme du monde, soleil, bruissements, quelques impressions sont condensées par l'écrivain algérien qui ne prennent leur dimension qu'en lisant, conjointement, les deux textes. Comment écrire sur Tipasa, après Camus?...

- 1982 : dans son Journal palestinien (Alger, SNED), Rachid Boudjedra note, après avoir relu La Mort Heureuse, trouvée dans le tiroir de la chambre d'hôtel à Beyrouth: « Ce qui frappe, c'est l'absence des Algériens dans le roman. Ils ne font même pas partie du décor […] points d'Algériens - néantisés dans la conscience coloniale de l'écrivain, exterminés par la magie des mots et de la fiction. Quel gros lapsus politique ! Est-ce que les écrivains israéliens font vivre dans leurs livres les rares Palestiniens qui sont restés dans leur pays, ou bien font-ils comme Albert Camus vis-à-vis des Algériens ? » (pp. 51-52)

-Le Démantèlement, 1982 : séquence reprise et transformée de Salamano et son chien.

-Article Le Monde, 13 octobre 1997 : évoque l’horreur d’un massacre à Tipasa : « Retour à Tipasa donc. Mais à l’envers peut-être ? Cependant les criques sont toujours là ! Les baigneurs aussi. Avec les mêmes oursins de Camus. Matarès, immense plage où les filles en maillot de bain semblent sortir tout droit de Noces. »

Tayeb BOUGUERRA

-Le dit et le non-dit à propos de l’Algérie et de l’Algérien chez Albert Camus, Mémoire de DEA, Institut des Langues Etrangères, Université d’Alger, 1981. Alger, ENAG-OPU, 1989, 179 p.

-Janvier 1990 « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger : « L’Hôte ou l’énoncé de la question algérienne selon A. Camus », p. 103-127.

- Préface à L’Etranger, édition ENAG, El Anis, 1990.

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Christiane CHAULET ACHOUR1946, Alger

La plupart des données sur cette recherche entamée à la fin des années 1970 sont disponibles sur le site officiel de C. Achour : http://www.christianeachour.net. Ici, une sélection commentée.

Première contribution (cf. fiche de Bouba Tabti) en 1979, «Humanisme et colonialisme : Forster, Zenati, Debêche, Camus ». Elle s’est poursuivie dans la thèse en 1982, en analysant des textes de la littérature algérienne et leur rapport à l’œuvre camusienne (dont Nedjma de Kateb Yacine) sous le titre « Pour ou contre Camus mais jamais sans lui », éditée en 1985 : Abécédaires en devenir - Langue française et colonialisme en Algérie, Alger, Entreprise Nationale de Presse, 1985, 607 p. Préface de Mostefa Lacheraf. En 1985, à la suite d’un enseignement à Annaba et à Alger, avec l’équipe des enseignants de Lectures critiques, mise au point d’un ouvrage bref, Un étranger si familier, lecture du récit d'A.Camus, Alger, Entreprise Nationale de Presse, 1985, 94 p.

De 1985 à 1995, quatre articles ont abordé Camus dans son contexte littéraire algérien :- « Brisures dans une cohérence discursive : l'autre dans le roman colonial de 1930 », en coll. avec S.Rezzoug, Des années trente - Groupes et ruptures, Paris, CNRS, janv.1985, pp. 74-94. (Actes d’un colloque de 1982)- «Les écrivains d'Algérie, Kaléidoscope méditerranéen - Notes pour une recherche» dans La Méditerranée et ses cultures, Université de Corte (Corse), Paris, Editions du Cerf, septembre 1992. pp. 155-165.- « Camus and Algerian writers», dans Camus's L'Etranger - Fifty years on, edited by Adele King, ouvrage collectif, London, Macmillan Academic and Professionnal Ltd, 1992. pp. 89-100.- «Alger, 1942-1993 - Ville chantée, ville maudite», dans Ecritures des villes, Centre de Recherche Texte/Histoire de l’Université de Cergy-Pontoise, textes réunis par R.B.Fonkoua, Octobre 1995, pp. 172-183.

Sept articles ont ensuite analysé l’œuvre même de Camus :- «L'Etranger d'Albert Camus : questions au titre du roman» in Etranger Etrangeté, textes recueillis par Gabrielle Chamarat, Mariella Colin et Ann Thomson, Cahiers de la MRSH-Caen, n° 8, février 1997, pp. 37-47.- «Lyrisme en contrebande - Espaces et personnages dans L'Exil et le Royaume d'Albert Camus», in Camus et le lyrisme, sous la direction d'Agnès Spiquel et Jacqueline Lévi-Valensi, SEDES, 1997, pp. 173-181.- «Camus, l'Algérien», en coll. avec Alain Vircondelet, 2000 ans d'Algérie 2, Carnets Séguier, éd. Séguier-Atlantica, Biarritz, 1998, pp. 91-103.- «L'autre autochtone dans Le Premier Homme d'A.Camus», Roman 20/50, revue d'étude du roman du XXes. de l'Univ. de Lille, n°27, juin 1999, pp. 17-29. - «Camus et l'Algérie des années 90», Europe, n° 846, «Albert Camus», octobre 1999, pp. 167-177.- «Oran dans La Peste de Camus» in Cahiers de Malagar, «Il y a 50 ans, La Peste de Camus», Automne 1999, publication en 2000, pp. 143-156.- «Albert Camus y Argelia, [email protected] », Anthropos, n°199, 2003, pp. 134-137 (Revue des Sciences humaines, Espagne, article traduit en espagnol).

Toutes ces études ont permis la publication d’un ouvrage plus conséquent :

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Albert Camus, Alger. L'Etranger et autres récits, Biarritz, Atlantica, 1999, 217 p.

Tout en poursuivant la publication d’articles et de communications, organisation de deux colloques :- Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Arras, Artois Presses Université, 2003, 380 p. (Actes colloque international de novembre 2001, coordination).- Albert Camus et les écrivains algériens, quelles traces ? en octobre 2003, en coordination avec Jean-Claude Xuereb et Andrée Fosty, édité an 2004, Edisud, Les Ecritures du Sud, octobre 2004.

- Camus et l’Algérie. Fraternités littéraires et tensions citoyennes», Journées de Lourmarin, 10-11 octobre 2003, dans Albert Camus et les écrivains algériens, quelles traces ?, Edisud, Les Ecritures du Sud, octobre 2004, pp. 13 à 33. - « La mise en danger de l’autochtonie : de Noces à L’Hôte», n° spécial de L’Esprit créateur (University of Minnesota) «Albert Camus and the art of Brevity», Winter 2004, vol.XLIV, n°4, pp. 7 à 13.

L’ouvrage de 1999 a été repris et modifié pour être publié en Algérie :-Albert Camus et l’Algérie, tensions et fraternités, éditions Barzakh, coll «Parlons-en !», Alger, avril 2004, 188 p.

Depuis 2005, quinze autres études ont été publiées (et pas seulement sur l’Algérie) :- «L’Espagne et le théâtre au fronton d’une œuvre : Révolte dans les Asturies (1936). Mise au point pour l’Histoire littéraire», in Albert Camus et l’Espagne, Edisud, Les Ecritures du Sud, 2005, pp. 59 à 66. - «Camus dans la presse algérienne des années 1985-2005» dans Albert Camus : l’exigence morale, Hommage à Jacqueline Lévi-Valensi, ss. ladir. d’Agnès Spiquel et Alain Schaffner, coll. L’Esprit des Lettres, éd. Le Manuscrit, www. Manuscrit.com, 2006, pp. 141 à 161.- «Les "citations italiennes" dans l’écriture d’Albert Camus – Diversité et signification» dans Albert Camus et l’Italie, Les Rencontres méditerranéennes A. Camus, Lourmarin, Les Ecritures du Sud, 2006, pp. 89 à 97. - Albert Camus et Les Lettres algériennes - L’espace de l’inter-discours, AfifaBererhi (coord.), Blida (Algérie) éd. du Tell, 2007. Deux contributions : un article, «Le Damier algérien. Pour une étude de "l’Algérie intellectuelle"» (Tome II, pp. 305 à 321) et une Anthologie de textes : «Des écrivains algériens lisent Camus», (Tome I, pp.197 et sq.) - Actes du Colloque international d’Alger-Tipasa, avril 2006.- «Camus, Roblès, Sénac : Le choc des humanismes», dans L’Autre Camus, Dossier dans Berbères–Actualités et culture, revue de l’ACB (Association culturelle berbère), Paris, n°52-53, automne-hiver 2006-2007, pp. 34 à 37. - « La cristallisation d’une représentation de l’Espagne chez Albert Camus Algérie 1936-1939 »,  p. 41-55, Albert Camus. Pour l’Espagne : Discours de liberté, Hélène Rufat (dir.), Univ. Pompeu Fabra de Barcelona,  PPU, Barcelona, 2011, 348 p. (Colloque de 2007).- «La ligne de démarcation du féminin et du masculin dans les premiers écrits d’Albert Camus», dans Albert Camus, l’écriture des Limites, Mustapha Trabelsi (coord.), Albert Camus : L’écriture des limites et des frontières, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, « Entrelacs », 2009, 318 p. - « Camusie : Chroniques… algériennes », p. 89-100. Lendemains, Revue – Etudes comparées sur la France, Gunter Narr Verlag Tübingen, 34. Jahrgang, N° 134-134, 2009, numéro « A. Camus et l’Algérie », Mustapha Trabelsi (éd.). 

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- « La fabrique de l’écrivain patrimonial : l’exemple d’Albert Camus », Colloque national, « Lieux et Figures du patrimoine », Abbaye de Maubuisson, 8 septembre 2011. Publié dans l’ouvrage collectif, dirigé par Sylvie Brodziak, L’Odyssée du patrimoine, entre beau temps et tempête, Paris, éditions du Relief, 2012, 123 p.- « Albert Camus et les écrivains algériens », Conférence au Procope en janvier 2011, publiée dans le N°3 de Présence d’Albert Camus, 2012, revue publiée par la Société des études camusiennes (cf. www.etudes-camusiennes.fr)- « Albert Camus face à la question algérienne », Université populaire de Chambéry, 14 octobre 2011. A paraître dans les Actes du colloque, « 50 ans après les accords d’Evian ». Disponible sur le site de la LDH Toulon, mis en ligne le 29 août 2013 ; sur le site de LIMAG, 30 août 2013.- « Albert Camus et l’Algérie », Cahier de L’Herne, Albert Camus,  Raymond Guy-Crosier et Agnès Spiquel-Courdille (coord.), Paris, édition de l’Herne, 2013, 376 p., pp. 365-371.- « La trace du père, recherche de filiation : Albert Camus, Maïssa Bey et Hamid Grine »,  et « Bibliographie : Camus et l’Algérie », dans la Revue des Lettres Modernes, série Albert Camus, n°23, 2013, Minard, Philippe Vanney (coord.). A paraître.- « La "Méditerranée", un détournement du colonial ? Albert Camus et d’autres écrivains d’Algérie », Colloque international « Albert Camus et la Méditerranée », Institut Supérieur des Langues de Gabès et Faculté des Lettres et Sciences humaines de Sfax, 28 février au 2 mars 2013, Mustapha Trabelsi (coord.) – publication en 2014.- « La décolonisation algérienne : la mise à l’épreuve de la révolte chez Aimé Césaire et Albert Camus », colloque international « Aimé Césaire/Albert Camus, poétiques de la révolte », 13-16 novembre 2013, Association Mélanges Caraïbes, Le François (Martinique).

Depuis 1995, conférences, débats et entretiens sur Camus. Quelques références :- «Camus romancier», conférence à l’Institut de langues romanes de l'Université de Würzburg, le 15 novembre 1995.- «Camus et l'Algérie», conférence à la Bibliothèque de l'Institut de Essen, Février 2000.- «C. Chaulet Achour - Albert Camus, l’aîné ambigu», entretien par Soumya Ammar-Khodja, dans Passerelles, revue d’études interculturelles, Thionville, n° 23, Automne-hiver, 2001. - «Albert Camus et Oran», Animation d’une journée Mairie de Paris, 18 mars 2003, intervention «Camus et ses contemporains d’Oranie» [L’Année de l’Algérie en France – Djezaïr 2003]- « Camus L’Algérien : résonances et dissonances», Conférence à la Médiathèque Pierre Bayle de Besançon, 17 Octobre 2003[L’Année de l’Algérie en France – Djezaïr 2003]- «L’Autre dans L’Etranger d’Albert Camus et dans Les Hauteurs de la ville d’Emmanuel Roblès», conférence à la Médiathèque de Limoges, 28 novembre 2003. [L’Année de l’Algérie en France – Djezaïr 2003] - compte-rendu dansAlgérie Littérature/Action N°91-92, mai-juin 2005, «Vie culturelle en Algérie – Camus à Oran en juin 2005», p. 75 à 79.- «Camus et l’Algérie – L’espace algérien dans les fictions camusiennes», Conférence au Centre culturel franco-allemand de Essen, 25 janvier 2007. - Entretien - Jeudi 18 mars 2010 – sur Camus dans Le Soir d’Algérie, quotidien algérien- 15 septembre 2010 : « L'héritage d'Albert Camus », avec le Centre Culturel Catalan de Barcelone (www.cccb.org) : audition du discours d'Albert Camus lors de la remise du prix Nobel ; table ronde avec Maïssa Bey, Joan Daniel Bezsonoff, Christiane Chaulet-Achour et Emili Manzano ; projection du documentaire Amour de vivre de Luis Ortás.- « Albert Camus et l’Algérie», conférence à l’Université permanente de Nantes, Cycle Camus, 23 novembre 2010.

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- 20 janvier 2011, « Albert Camus et les écrivains algériens », Conférence au Procope publiée. - 14 octobre 2011, « Albert Camus face à la question algérienne », Conférence à l’Université populaire de Chambéry.

François CHAVANES (Frère Dominicain)1928. Décédé en 2012.

- « Albert Camus : l’origine de son incroyance », Les Cahiers religieux d’Afrique du Nord, N° 9, oct-déc. 1958.

- « Albert Camus : la sainteté sans Dieu », Les Cahiers religieux d’Afrique du Nord, N° 10, janvier-mars 1959.

- « Albert Camus : évocation », Les Cahiers religieux d’Afrique du Nord, N° 14, 1er trimestre 1960.

- « Bonheur sans Dieu ? Le témoignage d’Albert Camus », La vie spirituelle, N°488, nov. 1962.

- « Le christianisme vu par Albert Camus », Concilium (revue internationale de théologie), N° 216, 1988.

- Albert Camus : Il faut vivre autrement, Paris, Editions du Cerf, 1990, 220 p.

- « L’apport d’Albert Camus dans le domaine de l’éthique et la nouvelle Europe », « Albert Camus et l’Europe ». Actes du colloque international de Strasbourg, 9-10 nov. 1990, publiés par André Abbou.

- « Influence de la guerre d’Algérie sur la pensée d’Albert Camus », Etudes, N° 3773, sept. 1992.

- « Albert Camus et l’indépendance de l’Algérie », Catalogue de l’exposition sur la France en guerre d’Algérie. La Découverte. Paris, 1992.

- Albert Camus : Un message d’espoir, Paris, Editions du Cerf, 1996, 230 p.

- Une pensée profonde épouse l’expérience d’une vie, Conférences non éditées présentées sous forme d’une plaquette de 80 pages : 6 conférences données à Angoulême en février 2001 et à la Tourette en février 2002 : Une enfance heureuse et pauvre. - La crainte de mourir jeune et le sentiment de l’absurdité de la vie. - L’engagement d’Albert Camus dans la résistance au nazisme. - La polémique avec Sartre. - La guerre d’Algérie. - Un croyant face à l’incroyance d’Albert Camus.

-« Histoire des massacres du 8 mai 1945 », El Watan, 1 juillet 2005.

- « L’importance du dialogue selon Albert Camus », Vie Spirituelle, N° 763, Mars 2006.

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-« Le dernier écrit d’Albert Camus sur l’avenir de l’Algérie », Actes du colloque Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours (Tipasa, 2006), université d’Alger, Imprimerie Mauguin, Blida. 2007, pp 45-50.

- Albert Camus tel qu’en lui-même, Editions du Tell, Collection Auteurs d’hier et d’aujourd’hui, Blida, 2006.

-« Le dernier écrit d’Albert Camus sur l’Algérie », El Watan, 18 janvier 2010.

-« Le christianisme qu’Albert Camus a connu dans son enfance », Camus, la philosophie et le christianisme, éd. H. Faes et Guy Basset, Paris, Le Cerf, 2012 (pp. 45-54).

Mustapha CHELFI (journaliste, directeur de la publication Alfa, journal de la communauté maghrébine à Montréal)

-« Camus l’Etranger, Albert l’Algérien » : une double page dans l’hebdomadaire Algérie Actualité, en 1985 (N°1040, 19 au 25 septembre 1985, pp. 26 et 27). Le chapeau de l’article donne vraiment les trois positions essentielles des Algériens : « En France, c’est un écrivain consacré et ses livres sont devenus des classiques. En Algérie, Albert Camus, ce sont encore des passions mal éteintes. Pour certains, il a fait tout ce qu’il pouvait, pour d’autres il a été en deçà de ce que sa réputation, ses principes et ses écrits laissaient espérer. Pour tous, il demeure cependant un styliste éblouissant, et lui qui ne dédaignait jamais de taper dans un ballon, une sorte de Beckenbauer de la littérature. Entre ce marteau des uns et cette enclume des autres, Albert Camus s’est trouvé mortifié de ce qu’il n’ait pu apporter "plus de joie" autour de lui. Dans cet entretien imaginaire, Albert Camus retrace quelques périodes-phares de sa vie ». C’est un texte particulièrement intéressant, nuancé pour la presse de l’époque et l’adoption de l’entretien imaginaire induisant une grande proximité du journaliste à l’écrivain.

-« A droite c’était l’Europe, à gauche la terre arabe. Les beignets de la rue Bab-Azzoun », Le Nouvel Observateur, n° 1544, 9-15 juin 1994.Balade un brin nostalgique dans le quartier aux pieds de la Casbah. Portrait de Camus – connu par l’intermédiaire du vieil oncle et de sa bibliothèque – élève au lycée Bugeaud qui « faisait la frontière – Bab El Oued, pied-noir, et la Casbah, indigène, qui ne s’interpénétrait jamais. Même la rue Bab Azoun, malgré la foule qui déambulait sous ses arcades, reproduisait la même division territoriale invisible mais bien réelle… » Sont ensuite rappelées les positions politiques de Camus convaincu que seule la justice éviterait la perte de l’Algérie. Et de s’interroger sur la rancune que lui vouent – « au nom de quoi ? » - les Algériens, après le discours de Stockholm.1994, « les Algériens quittent par milliers leur pays » ; bien avant, « Himou Brahimi, Momo, poète alors de la Casbah, rencontre en 1960 Jules Roy, qui lui demande ce qu’il pense de la phrase de Camus, "c’est la seule fois où Camus n’a pas été absurde" répond Momo le poète : "la mère est au-dessus de tout" », se plaît à raconter Chelfi.C’était en 1960. Tous ceux qui ont connu Momo le poète, l’appréciaient aussi pour ses pirouettes, dont celle-ci qu’on retrouvera, bien des années après, autrement formulée, en un langage diplomatique, dans la bouche d’une autorité politique : « Camus a réagi comme n’importe quel Algérien ; la mère est sacrée. » 

-http://www.lexpress.fr/culture/livre/albert-camus-1913-1960_836860.html?XTOR=EPR-620 « Albert Camus, l’étranger ? », 12 janvier 2010.

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[Mustapha Chelfi, a fait parvenir cet article sur Albert Camus au Quotidien d'Oran, mais celui-ci n'a pas jugé bon de le publier. LEXPRESS.fr a proposé de le mettre en ligne.]Depuis sa mort dans un accident de voiture le 4 janvier  1960, l'œuvre de l'écrivain n'a pas perdu une once de sa pertinence. Relecture à la lumière de l'Algérie actuelle. Dans ses romans  les plus remarquables – L'Étranger, La Peste, La Chute – Albert Camus s'est soigneusement éloigné de l'Arabe et du musulman qui pouvaient altérer – ou détourner – l'unité et l'élan d'une œuvre toute dirigée vers l'Européen et le chrétien. Dans L'Étranger, son roman le plus connu, l'Arabe est absent d'un récit où  il n'apparait que fugacement, un couteau à la main pour attaquer le Français. Dans La Peste, qui se situe à Oran,  l'épidémie ne décime que la seule population coloniale comme si la population indigène était  morte et enterrée depuis longtemps. La Chute – récit intimiste, considéré comme le livre le plus personnel de Camus – met en scène la longue confession d'un avocat réfugié à Amsterdam qui met son âme à nue devant un inconnu. En apostrophant le lecteur d'un divan de psychanalyste, Albert Camus a livré ses plus profondes pensées à celui qui saurait les déchiffrer.  Journaliste, Albert Camus, dans un mouvement contraire du balancier, n'a fait que parler de son pays, notamment dans Alger Républicain où ses reportages sur la Kabylie sont demeurés exemplaires d'un engagement lucide et obstiné. Dans un climat fait de suspicion et de confusion, les courageux écrits d'Albert Camus  ont déplu tant à l'establishment des gros colons que dans les couloirs du Gouvernement Général. Ses Réflexions sur la guillotine,  parues en 1957,  à une époque où les « terroristes » du FLN se faisaient beaucoup couper le cou, au-delà de son aversion pour la peine de mort, témoignent d'une personnalité toute tournée vers l'humain à une époque où il était plus facile d'être du côté de sa bonne conscience, surtout quand elle permettait d'éviter un questionnement embarrassant. Ce questionnement, il l'a posé de magistrale façon dans L'Homme révolté et en a expliqué la rédaction en des termes simples et forts  qui sont demeurés remarquables : « A la racine de toute œuvre, on trouve le plus souvent une émotion profonde et simple, longtemps ruminée. Pour ma part, je n'aurais pas écrit L'Homme révolté si, dans les années 40, je ne m'étais trouvé en face d'hommes dont je ne pouvais m'expliquer le système et dont je ne comprenais pas les actes. Pour dire les choses brièvement, je ne comprenais pas que des hommes puissent en torturer d'autres sans cesser de les regarder. J'apprenais que le crime pouvait se raisonner, faire une puissance de son système, répandre ses cohortes sur le monde, vaincre enfin, et régner. Que faire d'autre sinon lutter pour empêcher ce règne ?»Pétri de valeurs essentielles auxquelles sa naissance et son éducation dans un milieu pauvre ne sont pas étrangères, Albert Camus ne s'est pourtant jamais rallié à l'idée de l'indépendance de l'Algérie au moment où Sartre militait furieusement pour. En 1957, dans son discours de Stockholm, au moment de la remise du prix Nobel, interpellé  par un militant nationaliste, Albert Camus aura cette phrase terrible où il disait préférer sa mère à la justice. Cette phrase, on la lui reprochera jusqu'à la nausée, comme si elle avait anéanti tous ses discours et ses prises de positions passés en faveur des Arabes.   Cinquante ans après sa mort, Albert Camus demeure largement plébiscité. Sa pensée reste encore un phare dans la nuit noire et permet à ceux et celles  qu'une époque difficile, voire incompréhensible, malmène de ne  pas perdre de vue l'essentiel  et ne pas s'échouer sur les récifs de l'argent, du pouvoir pour le pouvoir et de l'égoïsme exacerbé qui ne reconnait que son propre intérêt. Des intellectuels insatisfaits de cette unanimité qu'ils pensent surfaite, ont disséqué l'œuvre de Camus avec  une  passion froide, indispensable pour mettre sa  pensée  et ses écrits en perspective. L'un des articles les plus remarqués à ce  propos  demeure celui d'Edward W. Saïd qui, dans  Culture et Impérialisme,  relie le fonds profondément humaniste d'Albert Camus à son double profond et inconscient qui lui faisait prendre fait et cause pour une

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Algérie française où justice serait quand même rendue aux Arabes. Une contradiction  dans les termes de laquelle Albert Camus n'a jamais pu s'extraire. Devant son école, rue Aumerat, dans la librairie  Les vraies richesses, rue Charras, celle de la rue Michelet, La librairie des Beaux Arts, où Edmond Charlot, avait déménagé, la présence de Camus n'a pas tout à fait disparu. Le  café Fromentin a beau ne plus exister, on retient que c'est à cet endroit précis, mitoyen de la mosquée Sid Ahmed Cherif,  qu'il avait trouvé de la "noblesse" aux Arabes. Le marchand de beignets, rue Bab El Oued, où il s'empiffrait de gâteaux au miel est toujours ouvert non loin du  lycée Bugeaud où, préparant son entrée à l'université,  il avait brillé. Plus loin, c'est la rue Koechlin, où il avait été, à l'époque du grand Alger Républicain, fin des années 30, un journaliste reconnu dont les écrits pesaient de leur poids. À la terrasse de la Brass, en face des  facultés d'Alger où il avait étudié, ses propos sur la beauté et l'intelligence de cette "race"  dont il admettait faire partie demeurent toujours pertinents. À  Belcourt, où il a longtemps habité, on comprend  mieux Albert Camus. Cette lumière, ces rires, cette tchatche, ces colères pour un rien, c'était ici qu'il les avait vécus et consignés dans des pages intimes où il se révélait  jusque dans les plus petits détails de la vie.  Ces scènes qu'il avait notées, elles se déroulent encore  tous les jours, sous le même soleil et la même rumeur d'une ville exaltée. À  Tipasa où les "Noces"  se célèbrent désormais sans lui, des couples, dans les ruines, s'effleurent  à la recherche d'un bonheur parcimonieux, sous la surveillance étroite d'une société devenue bigote et conservatrice. On est loin de la profusion et l'abandon  dont, Camus, jeune  homme, avait alors, et avec satiété, jouit. Ce sont des couples où la femme, accrochée au bras de son amoureux, porte toujours le voile. Changement d'époque mais constance des sentiments. C'est là, face à la mer, au milieu des vestiges d'une civilisation disparue, qu'on peut comprendre le mieux l'Algérie. Une terre  au soleil éblouissant mais qui a son côté noir. Pour ceux qui perdent leurs repères, c'est dans « Noces », surtout, qu'ils peuvent les retrouver.  En 2010, par où commencer le procès de Camus, si tant est qu'il faille lui en faire un  ? Quand dans le livre de Jules Roy, Mémoires barbares, on tombe  sur cette phrase de Himoud Brahimi, Momo de la Casbah,  poète et ancien viveur, qui  confiait à l'auteur de Les Chevaux du Soleil, qu'il avait rencontré dans la librairie d'Edmond Charlot, que Camus avait eu raison de préférer sa mère à la justice, car "la mère est au-dessus de tout".  Momo avait  ajouté : "C'est la seule phrase de Camus qui ne soit pas absurde".  Cette phrase de Momo permet de mieux comprendre Albert Camus, authentique  Algérien emmêlé dans ses contradictions, prônant la justice, ne pouvant résoudre une équation à laquelle manquait le terme le plus important, la liberté ; la liberté pour un peuple qui n'a jamais eu de cesse de la réclamer et qui payait, lourdement, le prix du sang pour y parvenir.  Camus, penché sur les remous d'une époque violente, a écrit, sincèrement, ce qu'il croyait voir et qu'il tenait pour vrai. Les Français d'Algérie ont pensé que ce n'était pas assez, qu'à l'égard de leur cause, il restait ambigu, un pied dans un camp, un pied dans un autre. Ulcéré, lassé  par un conflit dans lequel il ne voulait plus s'impliquer, Camus s'est replié, en France, sur des terres moins agitées. Quand, au début des années 1990, l'Algérie a basculé dans une barbarie dont on n'avait pas assisté à l'équivalent durant la guerre du même nom, Camus, plus que jamais, est revenu d'actualité. Dans un pays qui ne connaissait plus les mots ni leur signification, où le sang gargouillait dans la bouche de ceux qu'on voulait empêcher de parler, Camus paraissait encore plus pertinent. Dans quel camp se serait-il rangé ? Aurait-il renvoyé dos à dos les protagonistes qui se disputaient Dieu qui ne leur avait rien demandé? Aurait-il quitté, à nouveau, son pays pour un Paris dans lequel il se serait senti  encore plus esseulé ? S'il avait dû réécrire L'Étranger, comment se serait comporté Meursault dans un pays où l'absurde aurait concerné  la  société entière  et non  plus seulement un individu esseulé ?  Et cette peste, dont il avait fait le titre et le sujet de son roman, ne l'aurait-il  pas, sous d'autres

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barbes, reconnue alors que,  de retour au pays, elle moissonnait, ses victimes qui n'avaient que le soleil pour exister?On a suffisamment dit de Camus qu'il était l'expression de son époque et le produit d'une société coloniale trop jalouse de ses privilèges pour en concéder la moindre parcelle au peuplement indigène qui ne demandait, jusqu'en 1945, qu'à être français. Tout cela – et plus encore – est sans doute vrai. À cinquante ans de distance, les mêmes réponses servent aux mêmes questions. Le soleil peut bien briller pour tout le monde, il répand  une lumière noire quand la justice la liberté sont ignorées.  Reste que le malheur du monde, quand il  se répète tous les jours, suscite la même incompréhension hébétée. Camus, imparfait mais fraternel, continue de marcher dans les rues d'Alger. » 

-« Jean Sénac, poète sur tous les fronts », dans Alpha, n°163, septembre 2013 (Montréal) : il rappelle l’enthousiasme de Sénac exprimé dans sa première lettre à Camus en 1947 mais souligne que les deux hommes finiront par « se tourner le dos » à cause de leurs positions sur l’Algérie.

Achour CHEURFI (journaliste)1955 à Ahmed Rachedi

- « Notes de lecture – Quelques siècles pour rien … » d’Achour Cheurfi dans El Moudjahid du 1er avril 1991 : c’est le compte-rendu d’un ouvrage de Paul-Albert Février, Approches du Maghreb romain, chez Edisud. Au détour d’un paragraphe apparaît Camus, cité certes par Février mais que choisit de citer à nouveau Achour Cheurfi alors que ses notes sont brèves et qu’il n’indique souvent que le titre des chapitres de l’ouvrage. Cette citation est donnée à propos de l’interprétation du personnage historique de Tacfarinas sur laquelle Février ne veut pas trancher, déléguant sa voix à Camus dans Noces (« Le Vent à Djemila ») : « Des hommes et des sociétés se sont succédé là, des conquérants ont marqué ce pays par leur civilisation de sous-officiers. Ils se faisaient une idée basse et ridicule de la grandeur et mesuraient celle de l’empire à la surface qu’il couvrait. Ce miracle, c’est que les ruines de leur civilisation soient la négation même de leur idéal ».Par ce choix, seule citation du compte-rendu, comment ne pas penser qu’on veuille attirer l’attention du lecteur sur un jugement de Camus sur la colonisation romaine ?- Manifestement ce journaliste qui fait un travail intéressant dans le domaine de la mémoire littéraire et artistique, reste, en ce qui concerne Camus, sur des positions crispées lorsqu’il l’exclut de son recensement, Ecrivains algériens – Dictionnaire biographique, Casbah Editions, 2003 alors qu’il inclut Jean Pélégri et d’autres ; ou lorsqu’il ne le recense pas, au moins, dans son premier dictionnaire, Mémoire Algérienne – Dictionnaire biographique, éd. Dahlab, 1996. Cf. sa note 10, p. 12 du dictionnaire des écrivains, très approximative. Il donne deux références : Ahmed Benzelikha, « Lettre à Monsieur Camus (et à d’autres) », dans Le Quotidien d’Oran du 21 février 2002 et Larbi Boudjelal, « Albert Camus, cet écrivain algérien inconnu » (en arabe) dans Al Youm du 26 septembre 1999.

Beïda CHIKHI

- Janvier 1990 « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger : « Position d’un sens ontologique dans le discours de Camus à partir de Noces et de L’Etranger », p. 43-59.

- Thèse de Doctorat d’état, Conflit des codes et position du sujet dans les nouveaux textes algériens – 1970-1990, Paris, 1991 – p. 157, « L’impasse camusienne ».

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- « D’un rivage à l’autre, le sens d’une perte », Encore Camus ? Camus encore !- Journée camusienne à l’université d’Oslo, Narcisse, 1996 (pp. 33-44).

- «  Albert Camus, récits ontologiques »- Littérature algérienne, désir d’histoire et esthétique, Paris, L’Harmattan, 1997 (pp. 41-62).

Aziz CHOUAKI1951, Alger

- En juin 1997, au Théâtre International de langue française de La Villette, Aziz Chouaki joue sa pièce Les Oranges où un geste de Camus, inventé par l'écrivain, revient par trois fois comme leitmotiv de convivialité et de fraternité : « Mais je m'en fous de tout ça, de son Etranger, de son Prix Nobel. Bien que ce soit... Non, ce qui me fascine le plus chez lui, Albert, c'est sa manière de découper la pastèque.Au lieu de découper des quartiers, comme tout le monde, lui, non, Albert. Il prend la pastèque à bras le corps et coupe de larges tranches rondes.Comme ça chacun il a un peu de cœur. »(Publié sous forme de récit aux éditions Mille et une nuits en janvier 1998. La pièce a été reprise six fois depuis avec des mises en scène différentes).La position du personnage principal qui recompose l’histoire de l’Algérie du haut de son balcon algérois n’est pas sans rappeler « le dimanche au balcon » de L’Etranger. Dans une nouvelle antérieure publiée dans la presse algérienne en 1991, le même écrivain avait réuni les écrivains algériens, en une soirée un peu baroque où Albert Camus côtoyait Isabelle Eberhardt, l'émir Abdelkader, Kateb Yacine...

-Dans un texte de septembre 2003, « Le Tag et le Royaume », Aziz Chouaki rend hommage à l’aîné :

« Dans ce grand concert des écritures du soleil, c’est la figure de Camus le tatouage, la matrice, le tag. A la fois aval et amont, en tout cas toujours transversal, ce tag n’est jamais qu’une présence, agile à taire le secret de son chiffre. Camus est ainsi au fond, du moins son image, pleine de limpide et d’insu, chargée de guerres et d’amour.

Car l’Algérie, bien sûr.De Totem à Tabou, l’intérêt qu’il suscite, après plus de quarante ans, est à lui seul une

sanction simple et splendide, pour ne pas dire magistrale, qui congédie à jamais tout soupçon de péremption.

Car, en effet, que l’on écrive avec ou contre lui, le tactile de sa pensée, sa sensibilité solaire agissent toujours, comme un prisme à déchiffrer le réel pour y retrouver, qui, des débris d’identité, qui, des convictions à déconstruire.

« Le terrorisme naît de la solitude, de l’idée qu’il n’y a plus de recours, que les murs sans fenêtres sont trop épais, qu’il faut les faire sauter. »

A lire ces mots, aujourd’hui, c’est-à-dire pour nous, pauvres humanoïdes de l’après onze septembre, on clique tout de suite réflexe vers Ben Laden, le GIA, le Djihad islamique et consorts, c’est tout à fait logiciel.

Pourtant : ni morale, ni justice, juste de l’homme disait Camus, du prosaïque humain. Non pas le héros, (car avec Nietzsche, il se méfie des peuples qui ont besoin de héros), ni le bourreau et encore moins la victime.

L’homme de Camus, je pense, se trouve à la croissante croisée de ces choses-là. Face au surhomme de Nietzsche, il devrait y avoir le juste-homme de Camus, celui qui est à juste portée de parole, à juste jet de cœur.

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La générosité : faire au présent la charité de l’avenir « seule transcendance pour les hommes sans Dieu ».

Sa mécanique de l’absurde est ainsi faite, à cerner les limites de la raison au moment même où elle croit avoir raison. Place donc au cœur, celui de Pascal et de Roméo, celui de l’Abbé Pierre et d’Omar Khayam : le devoir d’amour. Ce grand et si mystérieux vouloir de la Nature qui fait que l’homme de la grotte ait pu perdurer jusqu’à nous devenir, aujourd’hui.

Car c’est de l’amour dont la race même procède, et, de cette réalité, il est clair que Camus en était pétri. C’est ainsi que c’est par amour qu’il préfère sa mère à la justice.

Ne pas capter cette nuance, c’est rater le fondamental Camus, celui des faubourgs ouvriers de Belcourt, que j’invite parfois dans mes textes (Baya, Les Oranges) à titre courtoisement romanesque, le Camus de la pastèque, des sardines grillées, du foot, des filles, de l’amour. La Méditerranée, avec ses mythologies, la Grèce antique, Sophocle, la tragédie, le soleil, la danse, le vin et le sang.

Pour moi, natif de la même terre, les joues tannées soleil, le même, par la même mer aussi les embruns, il y a dette, la voici : ce grand frère de chez moi m’a appris à lire et à écrire ce qu’il y a d’absolument dionysiaque dans la lumière des ciels d’Alger.

A l’époque, jeune hippie algérois en rupture de pas mal de bans, entre chien andalou et loup de choses Rock, je me suis allongé sur une dalle à Tipasa, avec Noces dans les mains, ou l’inverse peu importe, le pèlerinage, le frais feuillage, faisceaux de soleils, le pur happening.

Tipasa, quand les dieux, la flore, les pierres, les vagues, juste le tact de la présence : Rome, le souvenir en acte, le livre entre mes mains, ses ailes déployées, traversant la lumineuse symphonie des sens. Je l’ai refermé, ruisselant d’absolu, d’avoir perçu fugace, un scintillement : celui d’une évidence de bronze : A savoir, Rome fait douloureusement partie de mon corps, moi arabe de carton, amputé de toutes mes mémoires et de toutes mes saveurs antérieures.

Au loin, un muezzin.Ensuite, je suis rentré, j’ai pris le bus bondé de mon peuple. Des « arabes » de Camus,

deux secondes. Des autres, ruraux engoncés burnous, moustache dague, chèche, ou vague décrochez-moi-ça de chez Tati, parfois les deux, bref étrange mix hybride et disert.

Dans le bus, ma tête a vite atterri tarmac, la sociologie convoquant les langues, très sûre. En arabe dialectal, je me suis retrouvé à papoter, enculés de gouvernement, imaginer l’équipe de foot idéale, les femmes toutes des putes sauf ma mère, régler le problème Palestinien, échanger des tuyaux sur la mécanique auto, vérifier le Lockheed et autres champs de langage qui font peuple, tout simplement.

Rome, Médine, Paris, alchimie du quotidien, qui fait que tout semble parfois pouvoir coexister.

Le Camus en moi me regarde regarder tout ça avec perplexité. Quand il me propose une cigarette, c’est d’un sourire complice que je lui montre bien, à Camus, l’exact possible de la grande tchektchouka.

Et Camus d’acquiescer l’évidence en s’allumant, lui aussi, une cigarette.Dans L’Étranger, lu à quatorze ans, c’était moi, bien sûr, Meursault, à lancer un appel au

monde avec pour seule réponse « son silence déraisonnable ». Algérie des années 60 et 70, théâtre des opérations.

Le pouvoir impose la feuille de route, l’identité nationale, gros n’importe quoi facturé cash à 200 000 morts : arabisme forcené, archéo-islamisme rampant, marxisme de dechra.

Avec tout l’avers, bien sûr : clientélisme de maquignon, triple whisky sans glace SVP, geôles et Question d’Alleg en sport politique de haut niveau.

Comme beaucoup, avec fureur beaucoup, mon corps a fait un rejet de greffe, la névrose s’installe alors domestique, et perdure tactique, lierre coriace à neutraliser les alternatives.

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C’est dans Camus que ma petite peine d’adolescent a trouvé quelque grâce, alors. C’est quand il revendique très fort la latinité d’Algérie, (les Romains y resteront des siècles, le latin était langue de négoce). Oui, j’ai envie de dire avec lui, oui, Camus, l’Algérie n’est pas que arabe, ni que française, ni que berbère, ni que quoi que ce soit de correctement exclusif, d’ailleurs.

Il y a simplement autant d’Algéries qu’on peut en concevoir.Une autre raison nous rapproche, c’est le familial, vérité oblige, Camus fait partie de ma

famille, ou plutôt de mon roman familial. En deux mots, ma mère est née Hadjerès, et le Hadjerès dont parle Camus in « Misère de la Kabylie », n’est autre que le frère de mon grand-père. Pépé.

C’est dire, d’une part la fierté, de l’autre le poids. Cet ingénieux indigène de grand père voulait unifier les coopératives agricoles (figuiers, oliviers) pour moins de précarité, moins de misère, moins de malheur.

Félicité et encouragé par Camus, il sera exécuté par le FLN, dommage collatéral.Certes, on peut ne pas aimer Camus, les raisons objectives sont légion (style, convictions

idéologiques, etc.). Je l’ai moi-même boudé, un moment, comme beaucoup d’intellectuels algériens, sous couvert d’acné nationaliste. Camus le faux-frère nie la lutte nationale, la guerre d’indépendance, lui l’Homme Révolté ? Pourquoi l’« Arabe » n’est que l’« Arabe » dans L’Étranger ? Pourquoi le couteau, pourquoi le soleil, pourquoi le sang ?

Ces questions font réquisitoire, à elles seules.Mais à le relire à froid, à tamiser tranquille la patine de l’Histoire, à le déganguer de tout

préjugé, c’est-à-dire loin de tout charivarisme partisan, eh bien il reste encore du Camus, beaucoup, partout : « Il y a dans l’homme plus de choses à admirer que de choses à mépriser. »

Pour ma part, j’ai corrigé l’angle de saveur par rapport à lui quand j’ai perdu la nation (au sens où l’on dit : j’ai perdu la foi). Quand me sont poussées, tout d’un coup, ces lianes vivantes qui font de moi réseau, à présent. Depuis, je me sens puissance connectique, corridor étoilé à tous les hommes du monde, jusqu’à pouvoir enfin proférer avec Claude Lévi-Strauss : rien de ce qui est humain ne m’est étranger.

Tombent les frontières, le reste suit, les armes, les bruits de bottes, les étendards, c’est alors seulement que commencent les hommes.

Le Babil.La nation enfin au bercail, tranquille je trinque avec Camus, à la brasserie d’Alger,

pastis/kémia, allez c’est ma tournée.Oui, Camus reste peau d’homme face au monde, face aux hommes.Membrane à vif tendue, bendir de chamade, rythmant tellurique la scansion de l’Histoire.

L’airain vivace de sa pensée, sa clairvoyance visionnaire résiste envers et avec tous (à relire son analyse du communisme voué à déclin et surtout, en ce qui nous concerne, sa captation déjà dans les années 40 et 50 du danger des lames de l’islam politique).

Pour la naissante littérature d’Algérie, Camus a fait héritage, de Mouloud Feraoun, de Kateb Yacine à Mimouni, en incluant tous les autres considérables passants, tout le monde a lu Camus.

Encore une fois, même contre lui, les écritures algériennes francophones (et même, paradoxalement, arabophones) fleurent très souvent le sel camusien, autant par le style (la célèbre « écriture blanche ») que par le fond (l’aussi célèbre « absurde existentiel »).

Pour ma part, et pour autant que je puisse lever le nez de ce que j’écris, la présence de Camus n’est pas immédiatement perceptible dans mon travail, je crois.

En effet, mon écriture souvent qualifiée de baroque, gongorienne, potagère, florale, urbaine, zappée et que sais-je encore, semble loin de l’économie camusienne.

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Pour autant, c’est par des détours très vicinaux que la rencontre s’opère, c’est dans la mise en valeur d’une théorie des charmes et non des valeurs, c’est dans l’acception du juste-homme, élagué de tout oripeau dont l’idéologie se fait ruse d’offrir pour mieux museler.

On se croise parfait dans L’Étranger, dans la même felouque à savoir : Toute morale corrode la conscience.

« J’appelle imbécile celui qui a peur de jouir ».Quand je pense que Camus est taxé de moraliste ça me fait désormais sourire, à moins que

l’on y mette la nuance, alors. De la nuance avant toute chose.Pourquoi si loin et pourtant si proche ?Pour la simple raison que deux choses nous lient avant tout : la langue et la terre, deux

faces d’une même médaille : le destin, comme dirait Mahmoud Darwich (ma langue c’est ma terre, ma terre c’est ma langue).

Maintenant que nous sommes presque tous d’exil, à faire de l’Algérie une savoureuse utopie, c’est encore le Camus apatride qui dit : « Après Alger toutes les villes sont d’exil », c’est ce que nous disons tous avec lui, aujourd’hui, encore.

Hélas.Pour nous, écrivains algériens d’exil, version années 90, on a vécu le remake pied noir de

62. La valise ou le cercueil exactement. Au point où il n’est pas faux de dire qu’on est des pieds noirs de deuxième génération, comme un deuxième ressac de l’histoire.

Gageons que la distance soit synonyme d’inventaire avec pour effet celui, impératif, de faire le point (au sens photographique) pour traquer les scories, neutraliser les falsifications.

L’urgence intime plus que jamais la vigilance, et le devoir intégral de révéler enfin le visage pluriel, créole et magnifique des identités d’Algérie.

De la galette sur la planche.Que ce soit le Camus des Noces, celui du lyrisme absolu, ou bien celui de L’Étranger, le

cynisme moral, plus que jamais le monde a besoin de cet humaniste paradoxal.Ouvrir Camus au « vierge et vivace aujourd’hui », voilà la gageure, mettre en résonance

son œuvre avec ce que devient l’existence, aujourd’hui, c’est-à-dire cette terrible confrontation planétaire entre un technocosme de plus en plus global et le retour d’un sacré qui fait du sang la sanction civique suprême. » (texte écrit pour les Rencontres de Lourmarin en 2003. Publication, 2004, Edisud.)

Kamel DAOUD (écrivain et journaliste)1970, Mostaganem

-« Le contre-Meursault ou l’arabe deux fois tué », Le Quotidien d’Oran, 2 mars 2010.Son billet est peut-être un extrait de son roman en cours d’élaboration, publié chez Barzakh en octobre 2013. Retenons le jeu sémantique autour du nom : « Meurtsaul ? Meur seul ? Meurt sot ? Ne meurt jamais ? » qui ne manque pas de dérision, et la remarque toute savoureuse en fin de texte à propos de L’Etranger : « cette histoire devrait être réécrite, dans la même langue, mais de droite à gauche… c’est-à-dire en commençant par le prénom de l’"Arabe". Pas le contraire. C’est immoral. »

-Meursault contre-enquête, Alger, Barzakh, 2013, roman. Reporters.dz, 15 septembre 2013, Walid Bouchakour : « l’écrivain et chroniqueur Kamel Daoud signe aux éditions Barzakh Meursault contre-enquête. Comme son nom l’indique, ce roman est un retour sur L’Etranger, œuvre phare d’Albert Camus, dont le monde littéraire fêtera le centenaire de la naissance le 7 novembre prochain. Kamel Daoud, à la verve caustique bien connue, a décidé de donner la parole aux « Arabes » qui demeurent une présence silencieuse et inquiétante dans l’œuvre de Camus. A la manière d’un pied de nez à Camus qui présente le meurtre de l’Arabe comme un

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acte purement absurde et gratuit, Daoud mène, fictivement, l’enquête sur cet assassinat dans Meursault contre-enquête ».

Mohammed DIB1920, Tlemcen. Décédé en 2003.

- « Dans un monde en ruine », Simoun, Oran, n° 31, juillet 1960 « Camus l’Algérien », Numéro spécial, p. 57

- En mai 1997, dans un entretien avec Salim Jay, sur les ondes de France Culture, Mohammed Dib est revenu à plusieurs reprises sur ses rencontres avec Camus et, évoquant ses œuvres, il affirme qu'elles ont toutes les caractéristiques des œuvres algériennes, « dans ce qu'elles ont de profondément original : à la fois une forme de sensibilité, une forme de sensualité, mais surtout le sens du tragique, qui était très fort chez Camus et qui nous rapproche, nous Algériens, en tant que méditerranéens, d'une certaine disposition grecque, à l'antique. Il y a de ça chez Camus. Ce côté du tragique en pleine lumière, ensoleillé.  » Cette évocation de Camus est reprise en extrait sous le titre, « La plus belle image », p. 54, du Cahier de L’Herne, Albert Camus, 2013.

- Bulletin de la société des études camusiennes, n°82 – [Lors de l'émission de France Culture du jeudi 17 août 2006 consacrée à « Camus engagé : l'histoire et la politique », était diffusée une intervention de Mohammed Dib. Le réalisateur avait précisé qu'elle provenait d'archives de France Culture datant de 1972.Prononcée d'une voix claire et sans faille, cette évocation, conçue pour une intervention orale, n'avait jamais été transcrite, ni à plus forte raison publiée. Mohammed Dib n'a que très peu écrit sur Camus et ce témoignage d'environ quatre minutes n'en prend que plus de poids. Cette approche fine, sensible et intelligente, est en correspondance complète avec l’image littéraire de la personnalité et de l’œuvre de Mohammed Dib. Madame Colette Dib, tout en conservant le copyright, en a autorisé la transcription et la publication pour leBulletin de la Société des Etudes camusiennes. Qu’elle en soit ici vivement remerciée. Guy Basset]. Madame Colette Dib a renouvelé son accord pour la publication dans ce répertoire.« Dans le cœur de tout Algérien, Camus est le frère qui s'est exilé lui-même à la suite d'un malentendu, d'un de ces mouvements d'humeur toujours un peu spectaculaires, dont les hommes des bords de la Méditerranée sont coutumiers. Mais, pour douloureux que soit le malentendu, il n'est qu'un malentendu, pas davantage et, pour regrettable que soit le mouvement d'humeur, il est déjà passé depuis longtemps, rejoignant la somme des exagérations, la dose de théâtralité dont un monde vivant constamment sur la place publique et sous un soleil qui affiche permanent, a autant besoin que de l'air qu'il respire. Peut être faut-il ouvrir ici une parenthèse pour noter en passant ce trait particulier du tempérament algérien qui ne ressent jamais le tragique comme tragique mais comme la manifestation d'un destin qui demeure extérieur à lui, aussi fort qu'il en pâtisse en tant que victime.Avec Camus il reste donc l'essentiel qui est la fraternité, davantage même, dirais-je, la consanguinité. Une consanguinité qui doit être située ici du côté de la mère plutôt que du côté du père. Il y aurait beaucoup à dire aussi sur l'image de la mère dans le psychisme de l'homme algérien. Personnellement je suis disposé à croire que le drame de Camus a été, pour une part importante, dû au fait de se trouver partagé entre cette image et la personne de la mère réelle.Ce n'est pas le lieu d'approfondir ce point de vue, il mérite cependant examen. Mais je ne suis pas moins disposé à croire aussi que depuis le 4 janvier 1960, Camus est retourné à son vrai lieu d'origine, rendu aux oliviers, aux espaces gorgés de lumière, à la mer et aux hommes

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enfin dont on ne saurait le séparer ni séparer son œuvre, si peu que ce soit, sans le trahir sans le défigurer.Justement parce qu'il reste toujours vivant pour moi, parce que l'idée d'une mort d'Albert Camus me demeure étrangère, j'éprouve beaucoup de mal à parler de lui. Cela vient d'abord de ma crainte de l'enfermer dans des formules, des définitions, et de le trahir à mon tour, de le fausser dans sa vérité. Mais ma véritable appréhension est d'une autre nature. Je redoute d’effaroucher sa présence dont il me semble que je ne suis séparé que par un de ces empêchements absurdes dont la vie quotidienne est prodigue.Comment par exemple restituer avec des mots cette journée passée ensemble à Tipasa avant que Tipasa ne devienne un rendez-vous de touristes à devises fortes ? Camus vivait en France depuis plusieurs années déjà, il était de passage seulement, c'était en plein été et il était midi.Le soleil avait volatilisé le paysage et dans cette lumière qui semblait siffler dans le cri infini des cigales, sur ces terres intactes qui s'étaient réservées aux lentisques, au thym, aux lauriers, je le vois au cours de notre promenade sans but qui d'une façon tout à fait naturelle écarte les bras et se met à danser. Il tourne de la sorte un moment sur lui-même. Ce n'est peut être pas une ivresse dionysiaque qui le transporte ainsi et le jette hors de lui. Néanmoins un bonheur inexprimable luit dans le regard qu'il m'adresse et qui s'étonne, non sans malice, de me voir demeurer simple spectateur. Mais sans m'empêcher de comprendre son bonheur et de ressentir son étrange émotion, mon éducation plus soucieuse des formes m'interdit de suivre son exemple. Je l'ai vu donc célébrer son accord avec les éléments qui lui étaient naturels et avec l'esprit qui les habite. Qu'est-ce qu'à côté de cela, à côté de la force de cette image, à cette minute et en ce lieu que les discussions que nous avons eues avant et que nous aurons encore après ? »

- Dib a peu parlé de Camus. Or des jalons précis pourraient nourrir le parallèle. Nous en proposons deux : * tout d’abord la comparaison entre « Misère de la Kabylie » (1939) et La Grande maison (1952) pour apprécier le traitement convergent et pourtant différent des thèmes de la faim, de la misère, de l’école non seulement à cause de l’écriture (journalistique et romanesque) mais à cause d’une position différente par rapport au réel et parce que, sortant de Kabylie, le roman de Dib généralise la question à l’ensemble de l’Algérie. A partir de là, c’est aussi tout le rapport de l’écriture à la terre d’Algérie qui serait à comparer. * Ensuite, la comparaison entre l’évocation des ruines romaines chez l’un et l’autre. Dib y consacre un passage très conséquent dans son dernier texte, Simorgh (Albin Michel, 2003, pp. 26-38) dans un essai intitulé, « Ghost towns blues » où, en une douzaine de pages, il tente un parallèle entre les villes algériennes abandonnées après une catastrophe naturelle et les villes-épaves américaines abandonnées lorsqu’elles ne servent plus à rien. Mais dans ce « Blues » des villes fantômes s’insère une parenthèse sur les … Romains où, à travers l’ironie légère qui se manifeste, l’ombre de Camus, non nommé, apparaît : « Ils ont décroché, mais avec tous les Honneurs que l’Histoire leur a rendus et que l’on sait. Aussi, même sous leurs ruines, mêmes uniquement habitées par le soleil, le vent, et un silence à la mesure de l’espace : glorieuses, leurs cités demeurent, droit dressées face au temps. » Dib insiste longuement sur la culture romaine. Il fouille l’histoire de ces villes : « j’y entre, je marche ». Rien n’est évoqué de la nature qui envahit leurs vestiges et tout de la culture dont elles viennent :« Ai-je le moins du monde quelque chose encore à voir avec cette Histoire, ai-je toujours affaire à elle, ou n’en suis-je qu’à en rêver et continuer d’en rêver ? Déjà, le soleil décline vers la nuit, qui est surette par ici. Il peint d’un dernier éclat parvis, frontons, perspectives de colonnes. Non, en ces lieux, l’Histoire ne s’est pas consommée, une voix s’élève pour crier à l’entour : « Ne plaise au Ciel ! » Et, pas à pas, je poursuis mon chemin, j’arpente la cité latine

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battue de tant de soleil, tant de vent, tant de silence. Ce que je la sens porter en son cœur se dilate et se répartit sur toute ma vie. » (p. 30)Il semble difficile de ne pas reconnaître un dialogue avec Camus mais comme auparavant, sans jamais que ce soit frontalement. Plus loin, dans les pensées qui ont pour titre « Les bocages du sens I », on peut lire une phrase qui s’appliquerait parfaitement aux deux écrivains dans le sens d’une fidélité à une origine, malgré l’exil : « Ecrire. Pour moi le problème, au commencement de tout, fut de traduire dans une langue de riches (le français) les réalités d’un pays pauvre (l’Algérie). Ce que je ne pus faire, dans ces débuts, qu’au prix de restrictions lexicales, de réductions syntaxiques, et que sais-je encore, indispensables, mais combien plus éloquentes, du coup. Je suis resté sous cet habit de pauvre. » (p.66)

Assia DJEBAR1936, Cherchell

- 1980 : Assia Djebar évoque "Oran" et commence ainsi : « Les réflexions qu'un séjour oranais inspire à Albert Camus s'intitulent "la halte d'Oran". Comme si l'on ne pouvait, sur ce rivage, que s'arrêter, instant bref ou long, reprendre souffle, au creux de quelque course et repartir. Ou à défaut, en rêver... » Le titre camusien, Le Minotaure ou la halte d'Oran, est sollicité et interprété pour enclencher un autre discours sur la ville.

- En 1995, dans Le blanc de l'Algérie, Assia Djebar évoque, aux côtés de la mère, la mort du fils : « Jours de janvier à Alger, non loin du Jardin d'essai : les martinets sont presque tous partis... Quelques-uns encore dans les branches des platanes. Soleil vif, presque blanc de l'après-midi froid. La dame attend à la fenêtre (...) Enfin, elle a compris : leur silence, leur manière à chacun de la regarder, leur gêne. Elle a su : un voile noir d'un coup tombe sur elle habillée de noir. » Dans ce livre, la romancière algérienne a voulu « dérouler une procession: celle des écrivains d'Algérie, depuis au moins une génération. » Elle précise : « Je ne polémique pas ; ni non plus ne pratique l'exercice de déploration littéraire. Je rétablis le récit des jours... à l'approche du trépas. » Albert Camus ouvre la première procession. Sa mort est suivie de celles de Fanon, Feraoun, Amrouche : quatre écrivains qu'elle nomme « annonciateurs » de « l'écriture algérienne, écriture inachevée », les installant « sur les bords de la fondrière. » Le propos est intéressant même si la mise en scène d'écriture est un peu trop stéréotypée en ce qui concerne Camus et comporte quelques inexactitudes et semble plus opportuniste qu’ouverte sur un dialogue en profondeur.

Abdelkader DJEGHLOUL1946. Décédé en 2010.

- Au moment de la parution chez Edisud en 1987, de José Lenzini, L’Algérie de Camus, A. D. lui avait consacré, dans un journal algérien à Paris, L’Actualité de l’Emigration, n°115, 7 au 13 janvier 1988, un compte-rendu très élogieux, marqué néanmoins de petites banderilles : « José Lenzini nous rend magnifiquement l’essentiel : le regard irremplaçable de Camus lorsqu’il parle de "sa" terre, qui n’est pas "son" pays. L’on savait déjà Tipasa, on redécouvre les plages d’Oranie mais aussi la steppe où se joue son impossible enracinement dans un pays où, sous la permanence du règne minéral, sourd la contestation d’un peuple. Camus préférera le désert parisien et la "Provençalgérie".Incontestablement, José Lenzini a trouvé le ton juste. Il a su mobiliser les paroles des amis de Camus, une riche iconographie et sa propre écriture pour faire revivre un homme et un grand écrivain qui eut l’Algérie dans le "ventre " sans avoir le peuple algérien dans "le cœur". Pour rendre justice à Camus et à l’Algérie, il fallait le faire. C’est fait, merci. »

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- Dans Vie culturelle à Alger 1900-1950, Editeur Paul Siblot - Université Paul Valéry-Montpellier III, Labo. Praxiling, 1996. Réédité à Oran, éd. Dar el Gharb en 2004.Sont rapportés les témoignages d’Abdelkader Djeghloul lui-même animateur de la table ronde réunissant entre autres Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Edmond Charlot, Jean Pélégri. Il intervient également dans la séance « Contradictions et ruptures. L’école d’Alger. La littérature algérienne » (pp.77-118). Dans une de ses interventions, il fait remarquer « la différence entre des écrivains comme Camus et les écrivains ou les intellectuels algériens de la période (1900-1950). Camus n’a pas besoin de mettre les Algériens dans son champ symbolique. Les Algériens, eux, sont condamnés à mettre la France dans leur symbolisme.» Suit alors l’argumentation qui prend son point de départ dans ce qu’était d’abord la formation scolaire.

-En avril 2000, Abdelkader Djeghloul publie à son tour une nouvelle lettre « A Albert Camus » qui se conclut par une « reconnaissance » par ce sociologue algérien de Camus comme « compatriote à temps partiel », dans Algérie Littérature/Action, n°39-40, pp.297 à 301. Rééditée (pp. 97 à 103) dans le recueil de « Lettres » où elle cohabite – ce qui la relativise –, avec des lettres à toutes sortes de vivants et de morts (21 lettres). C’est une posture d’énonciation assez intéressante que cette lettre ouverte à Camus et dont on voit qu’elle a été privilégiée par plusieurs intellectuels algériens. Lettres pour l’Algérie, Alger, éd. ANEP, 2001.

Abdelkader DJEMAÏ1948, Oran

- « Camus à Oran » dans Algérie Actualité, juillet 1994. Cet article devient ensuite livre avec photos de Camus et d'Oran. Livre de sympathie qui retrace les itinéraires effectifs ou probables de l'écrivain dans la ville qui est celle de l'essayiste ; livre souvenir exprimant en conclusion le regret du silence sur les Algériens dans La Peste, « invisibles, absents de la ville, du décor, de l'histoire, de l'écriture […], ombres fugaces ou débris de silhouettes, comparses à peine esquissés, nous voici représentés par Amar le boxeur... »Camus à Oran, Paris, éditions Michalon, 1995 (Avant-propos d’Emmanuel Roblès), 113 p.

-« Ce frère de soleil », p. 42, Le Magazine littéraire, Hors-série ° 18, janvier-février 2010, « Albert Camus, une pensée au zénith ». Même titre pour Le Magazine littéraire, dossier « Albert Camus Penser la révolte », 2006.

- « Frères de soleil », Cahier de L’Herne, Albert Camus,  Raymond Guy-Crosier et Agnès Spiquel-Courdille (coord.), Paris, édition de l’Herne, 2013, 376 p., pp. 306-307.

-Les parentés stylistiques et thématiques entre A.Djemaï et Camus, en particulier dans ses trois romans publiés depuis 1995, Un été de cendres, Sable Rouge et 31, rue de l'aigle ont été étudiées.

- Printemps 2013, Débat à Toulouse avec Michel Onfray et M. Bey où M. Onfray a affirmé que la guerre d'indépendance de l'Algérie était une guerre d'égorgeurs en exhibant une photo publiée dans son livre sur Camus et justifiant ainsi la position de Camus pendant la guerre de libération.

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Nabile FARES1940, Collo

- « Chroniques et Actuelles », p. 65-71, « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990.

- « Absence de la divinité : Le vent à Djemila », IRIS 25, 2003, pp. 261-263.

- « Entre littérature et politique, une éthique de l’acte humain », Actualité et culture berbères, Automne-hiver 2006-2007, « L’autre Camus ».

- «  L’autre Camus », Anthologie, Actes du colloque Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours, Tipasa 2006. Université d’Alger. Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 223-226.

Mouloud FERAOUN1913, Tizi-Hibel (Grande Kabylie). Assassiné le 15 mars 1962 par un commando de l’OAS à Château-Royal (El-Biar)

- 1953, La Terre et le sang, Paris, Le Seuil, roman du retour au pays natal mais aussi roman de la violence. Une violence rêvée et non réalisée : en effet, la première mention de meurtre reste du domaine de l’imaginaire : Kamouma pense que Marie, sa bru, peut les tuer, elle et son fils. Mais c’est également le roman de la violence interne au groupe pour des motifs passionnels, pour l’honneur. Le premier meurtre effectif – dans la lignée de Germinal –, est celui de Rabah, l’oncle d’Amer, qui est tué par le Polonais André. C’est un meurtre dans l’ombre du camp des exploités. Le second meurtre n’est pas décrit, non plus, mais évoqué après coup. Comme le premier, c’est un meurtre dû à la passion mais cette fois, perpétré au grand jour, à l’air libre. Le cadavre subit néanmoins les éboulements de la carrière qui nous renvoient à la symbolique de l’étouffement. Dans la structure du roman, les deux meurtres se font écho et ont la même cause, la femme. La transformation des protagonistes et des mobiles par rapport au meurtre dans L’Etranger de Camus, est conséquente. L’affrontement n’a pas lieu entre colonisateur et colonisé mais entre colonisés pour des motifs non politiques. Il est intéressant d’essayer de comprendre ce « retrait » dans le contexte de l’époque. Frantz Fanon peut nous guider dans cette compréhension dans les pages des Damnés de la terre où il montre comment le colonisé s’attaque aux siens, c’est-à-dire à lui-même, par compensation tant qu’il ne peut se retourner contre le maître : «  Au niveau des individus, on assiste à une véritable négation du bon sens. Alors que le colon ou le policier peuvent, à longueur de journée, frapper le colonisé, l’insulter, le faire mettre à genoux, on verra le colonisé sortir son couteau au moindre regard hostile ou agressif d’un autre colonisé. Car la dernière ressource du colonisé est de défendre sa personnalité face à son congénère. Les luttes tribales ne font que perpétuer les vieilles rancunes enfoncées dans les mémoires. En se lançant à muscles perdus dans ses vengeances, le colonisé tente de se persuader que le colonialisme n’existe pas, que tout se passe comme avant, que l’histoire continue. Nous saisissons là, en pleine clarté, au niveau des collectivités, ces fameuses conduites d’évitement, comme si la plongée dans ce sang fraternel permettait de ne pas voir l’obstacle, de renvoyer à plus tard l’option pourtant inévitable, celle qui débouche sur la lutte armée contre le colonialisme. »

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- 1958, Mouloud Feraoun « Lettre à Albert Camus, La source de nos communs malheurs » (Publiée dans Preuves, n°91, septembre 1958, Paris. Reprise dans L’Anniversaire, Le Seuil, 1972). Il y dit les effets que « Misère de la Kabylie » en 1939 a eu sur lui :« Vous étiez bien jeune, Monsieur, quand le sort des populations musulmanes vous préoccupaient déjà. A cette époque-là, moi qui suis de votre âge, je m'exerçais seulement à faire correctement ma classe et je gagnais sans doute plus que vous. Vous étiez bien jeune et votre voix bien faible, il m'en souvient. Lorsque je lisais vos articles dans Alger-Républicain, ce journal des instituteurs, je me disais : "Voilà un brave type !" Et j'admirais votre ténacité à vouloir comprendre, votre curiosité faite de sympathie, peut-être d'amour. Je vous sentais alors si près de moi, si fraternel et totalement dépourvu de préjugés ! » Le reportage, « Misère de la Kabylie », a impressionné, sans doute possible, le jeune instituteur. Malgré les réserves que nous venons d’avancer, on a, avec ce reportage, une analyse inacceptable pour les coloniaux. Comment se fait-il alors que Feraoun ne soit pas enthousiaste et exprime un certain scepticisme ? Revenons à sa « Lettre » où il exprime ces réserves après avoir dit son admiration :« Mais déjà aussi, je vous assure, je ne croyais pas en vous, ni en moi-même, ni en tous ceux qui s'intéressaient à nous et qui étaient si peu nombreux ; car tout le mal qui pouvait nous venir des autres, personne n'avait pu l'empêcher d'être fait. A cette époque-là, enfin, nous avions conscience de notre condition de vaincus et d'humiliés et depuis longtemps nous ne tenions plus que le langage des vaincus, tandis que les vôtres, tout naturellement, tenaient plus que jamais le langage des vainqueurs. Non pas que nous ayons renoncé à tout espoir, mais le salut, nous ne l'attendions que de l'imprévisible - ou de l'inéluctable, ou encore du temps qui s'écoule. Nous en étions là, tous les résignés. »Prendre de front la réalité quotidienne, économique, sociale, politique, du colonialisme ressenti comme implacable et peu enclin aux réformes est, pour Feraoun, une utopie. La seule solution est de se frayer une troisième voie qui en n’étant pas frontale, peut avoir quelques résultats : « Mais ce langage de vaincus, nous vous le tenions comme une réplique définitive à votre langage de vainqueurs. Cela nous permettait de solliciter des réformes et le droit de vous ressembler. » Cette réserve peut s’expliquer par une plus grande lucidité due au vécu du colonisé.

- Camus dans le Journal de Mouloud Feraoun. La première mention du nom de Camus survient à la date du 3 février 1956 après la fameuse manifestation des tomates contre Guy Mollet. Du 22 janvier au 3 février, Feraoun n’a soufflé mot de ce qui s’est passé à Alger, « l’Appel pour une trêve civile en Algérie » dont il est difficile, étant donné son amitié avec Roblès, de penser qu’il l’ignore. Effectivement, il interpelle Camus et Roblès et c’est une note ajoutée par Roblès qui situe le lien de cette interpellation avec « L’Appel ». Après avoir exprimé son désappointement que G. Mollet ait cédé aux Européens d’Algérie, il constate que jamais un « Indigène » n’aurait pu, librement remettre en cause un homme politique français : « Nous nous disons pleins d’amertume que tous des Français descendus dans la rue pour insulter le gouvernement de la République sont des hommes libres. Libres comme jamais nous ne le serons. […] Est-ce bien vrai que vous pouvez nous "intégrer", monsieur le Gouverneur ? Est-ce bien vrai que nous aurions pu agir de la sorte impunément ? Alors pourquoi prétendez-vous faire de nous ce que vous ne voulez pas que nous soyons ?Je pourrais dire la même chose à Camus et à Roblès. J’ai pour l’un une grande admiration et pour l’autre une affection fraternelle mais ils ont tort de s’adresser à nous qui attendons tout des cœurs généreux s’il en est. Ils ont tort de parler puisqu’ils ne sauraient aller au fond de leur pensée. Il vaut cent fois mieux qu’ils se taisent. Car enfin ce pays s’appelle bien l’Algérie et ses habitants des Algériens. Pourquoi tourner autour de cette évidence ? Êtes-vous Algériens mes amis ? Votre place est à côté de ceux qui luttent. Dites aux Français que

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le pays n’est pas à eux, qu’ils s’en sont emparés par la force et entendent y demeurer par la force. Tout le reste est mensonge, mauvaise foi. Tout autre langage est criminel parce que, depuis des mois, se commettent des crimes au nom des mêmes mensonges ; depuis des mois meurent des innocents qui ont d’ailleurs accepté ces mensonges et ne demandaient qu’à vivre dans ces mensonges. Et ces innocents sont surtout des Indigènes. Des gens qui ne font rien pour sortir de leur condition et qu’on abat afin que d’autres se taisent. Ils se tairont, peut-être, les terroristes. Ce sera le silence de la mort ou du désespoir. De nouveau la force reprendra tous ses droits et déplorera hypocritement les malheurs que la justice a apportés dans le pays. La force pourra ricaner à son aise. Elle aura raison de ricaner : la justice a toujours appelé le malheur sans avoir jamais supprimé la force. » [la note d’E. R. : « On ne peut comprendre tout à fait ces lignes si on ne se souvient de la réunion que nous avions organisée à Alger le 22 janvier 1956, avec Camus et qui avait été violemment perturbée par des « ultras ». Cf. le texte de cette conférence dans Actuelles III.]La seconde mention de Camus se trouve à la date du 18 février 1957 et a pour thème les attentats (du FLN) : « Roblès a évoqué devant moi tous ces attentats : il les trouve odieux, inadmissibles et estime que leurs auteurs n’ont droit à aucune pitié. [note ajoutée de Roblès : et le terrorisme aveugle – bombes dans les trolleybus, les bals populaires, les cafés, etc. – défigurait une cause juste. De plus, il nous fermait la bouche, à nous, "libéraux", auprès de la population européenne.] Il revient de Paris où il a vu longuement Camus. Camus se refuse à admettre que l’Algérie soit indépendante et qu’il soit obligé d’y rentrer chaque fois avec un passeport d’étranger, lui qui est Algérien et rien d’autre. Il croit que le FLN est fasciste [note de Roblès : L’opinion de Camus était plus nuancée. Il pensait qu’une tendance fasciste, à l’intérieur du Front, risquait de l’emporter ».] et que l’avenir de son pays entre les mains du FLN est proprement impensable. Je comprends fort bien l’un et l’autre mais je voudrais qu’ils me comprennent aussi. Qu’ils nous comprennent nous qui sommes si près d’eux et à la fois si différents, qu’ils se mettent à notre place. Ceux qui m’ont parlé en langage clair la semaine dernière m’ont dit que je n’étais pas Français. Ceux qui sont chargés de veiller à la souveraineté de la France dans ce pays, m’ont toujours traité en ennemi, depuis le début des événements. Tout en me traitant en ennemi, ils voulaient que j’agisse en bon patriote français, même pas : ils voulaient que je les serve tel que je suis. Simplement par reconnaissance vu que la France a fait de moi un instituteur, un directeur de cours complémentaire, un écrivain, vu qu’elle me verse une grosse mensualité qui me permet d’élever une famille nombreuse. Simplement on me demande de payer une dette comme si tout ce que je faisais ne méritait pas salaire, comme si cette école avait été construite pour mon plaisir et remplie d’élèves pour me distraire, comme si mon "instruction" était un cadeau généreux qui ne m’a coûté que la peine de tendre la main pour le cueillir, comme si ce talent d’écrivain dont je suis un peu infatué était un autre cadeau, involontaire cette fois, mais non moins généreux, destiné de tout évidence à défendre la cause de la France, au détriment des miens qui ont peut-être tort mais qui meurent et souffrent dans le mépris ou l’indifférence des nations policées. Simplement on me demande de mourir en traître moyennant quoi j’aurai payé ma dette.J’ai dit tout cela à Roblès qui n’a rien trouvé à répondre, qui était aussi malheureux que moi et qui admet, lui, ce que les autres refusent. J’aimerais dire à Camus qu’il est aussi Algérien que moi et que tous les Algériens sont fiers de lui, mais aussi qu’il fut un temps, pas très lointain, où l’Algérien musulman, pour aller en France, avait besoin d’un passeport. C’est vrai que l’Algérien musulman, lui, ne s’est jamais considéré comme Français. Il n’avait pas d’illusions. »Nouvelle mention, le 1er avril 1958 : « (Voit souvent Roblès à Alger) : « Ce soir, nous avons fait un tour à Alger. Par hasard nous avons rencontré Camus qui a été content de me voir et que peut-être je reverrai. J’aimerais assez parler avec lui. Je crois que c’est ce qu’il souhaite de son côté. »Effectivement la quatrième mention est cette visite en date du 11 avril 1958 : « Camus est venu hier. Nous sommes restés deux heures à bavarder en toute simplicité, en toute franchise.

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Je me suis senti avec lui, aussi immédiatement à l’aise qu’avec E. Roblès. Il y a en lui cette même chaleur fraternelle qui se moque éperdument des effets et des formes. Sa position sur les événements est celle que je supposais : rien de plus humain. Sa pitié est immense pour ceux qui souffrent mais il sait hélas que la pitié et l’amour n’ont plus aucun pouvoir sur le mal qui tue, qui démolit, qui voudrait faire table rase et créer un monde nouveau d’où seraient bannis les timorés, les sceptiques et tous les lâches ennemis de la Vérité nouvelle ou de l’Ancienne Vérité rénovée par les mitraillettes, le mépris et la haine. » (C’est lors d’un des voyages quasi annuels de Camus à Alger pour voir sa mère et des amis : ici du 26 mars au 12 avril 1958. Il logeait à l’hôtel Saint-Georges)

-« Au-dessus des haines », Simoun, Oran, n° 31, juillet 1960 « Camus l’Algérien », Numéro spécial, pp. 18-19.

- www.youtube.com/watch?v=MIhNVjNYlws : « Il faut dire que Camus était Algérien au sens presque physique du mot… » : 1mn27 où Mouloud Feraoun parle de Camus. 

Hamid GRINE (journaliste et écrivain)1954, Biskra

Roman édité en novembre 2010, à Alger, Un parfum d’absinthe (éditions Alpha). Titre bien choisi pour ce récit qui, sur le mode fictionnel, synthétise tout ce qui s’est dit, écrit et imaginé en Algérie sur Camus. En apparence, l’histoire en est simple, histoire de paternité, d’appartenance et de généalogie. « Qui sont nos pères ? » est la question du roman ; question fondamentale dans un pays qui cherche à asseoir ses composantes identitaires au carrefour d’apports multiples. Dès les premières lignes, après l’absinthe dont le parfum avait fait dériver vers Tipasa, la célèbre première phrase de L’Etranger, « Aujourd’hui maman est morte… » se modifie en : « Mon père est mort un jour où le soleil avait décidé de nous donner un avant-goût de l’enfer » ; le narrateur, Nabil, a une cinquantaine d’années, l’âge de l’indépendance algérienne ou presque. Les clins d’œil avec le texte camusien, après cette première phrase, se réduisent au climat algérien : on n’échappe ni à la chaleur ni au soleil de plomb ! Nabil est indifférent à la mort de son père, Hadj Saci, comme Meursault l’est à celle de sa mère, pour des raisons différentes. L’oncle de Nabil, Messaoud veut lui confier un secret mais il est différé par l’arrivée d’un ancien combattant très connu, Si Salah Hadj Bazooka, personnalité politique influente. Ce secret est que Nabil n’est pas le fils de son père mais le fils … de Camus et d’une Algérienne de la bourgeoisie conservatrice d’Alger. Les preuves : ses yeux verts, l’attitude de son père à son égard et l’amour qu’il porte à la littérature. Bien entendu les recherches de Nabil sont laborieuses et déploient toutes les pièces du « dossier Camus » en Algérie : sa transmission pédagogique, une vente dédicace d’un ouvrage sur Camus, la bonne adresse de Camus à Belcourt…L’enquête en filiation finit par se dénouer et le dernier mot revient à Hadj Bazooka : « Mon fils, vous les intellectuels, vous demandez trop à Camus. Comme s’il était un ange ou un saint alors qu’il n’est qu’un être humain avec ses doutes et ses faiblesses. Moi-même, je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’étais à la place de Camus. » Roman sympathique et efficace, il a été réédité en France, en 2011, sous un titre malencontreux car à la fois explicite et exotique, Camus dans le narguilé (Paris, édition Après la lune, collection « Bel Horizon » dirigée par Yasmina Khadra). Et pour qu’on soit sûr de ne pas le rater, Camus est en photo sur la couverture dans un nuage de fumée de cigarette. Il est évident qu’on est là dans le marketing et que l’éditeur surfe sur la « camusmania ». Sur le plan littéraire, on ne peut que regretter le titre algérien et son motif de couverture : une ouverture entre murs des ruines et végétation à Tipasa sans personnage, l’un et l’autre particulièrement judicieux.

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-« Camus n’a jamais revendiqué l’indépendance de l’Algérie », 50 ans après sa disparition : Camus, la controverse, Algérie news, 21 février 2010.

- Entretien avec Hamid Grine, L’Expression, le 4 mars 2010, « Camus, un humaniste et un moraliste courageux », à propos de la caravane Camus contre laquelle il n'a pas d'objection. Pour lui, Camus est un grand écrivain français né en Algérie. Si on peut lui reprocher sa tiédeur pendant la guerre de libération, il affirme que « les écrivains algériens, à l'exception d'un seul, n'ont pas fait mieux ». Il accepte de célébrer « l'humaniste, le moraliste, le prix Nobel né en Algérie, le journaliste courageux », mais non celui qui renvoyait dos à dos « les forces d'occupation » et le FLN- ALN. Il lui oppose d'un côté J. Daniel et Jules Roy, eux aussi nés en Algérie, et de l'autre Mandouze et Sartre.

-« Le fantôme de Camus », Algérie news, 18 mars 2012.

-Sur les allées de ma mémoire, Alger, Casbah éditions, 2012. Des portraits parus dans Liberté (les dates ne sont pas données) : deux allusions à Camus. Dans le portrait de Mouloud Feraoun, pp. 171-173 ; et dans le portrait consacré à Jean El Mouhoub Amrouche, pp. 207-209.

Salah GUEMRICHE1946, Guelma

- « Meursault », contribution au Dictionnaire des personnages populaires de la littérature des XIXe et XXe siècles, Seuil 2010.

- Aujourd’hui, Meursault est mort (Rendez-vous avec Albert Camus), "roman-essai", e-book, Amazon 2013. En épigraphe, s’insère une citation de Yasmina Khadra  qui va nous aider à comprendre la démarche de l’auteur : « Albert Camus s’il n’a pas compris l’Algérien que je suis, il l’a enrichi ! » (Le Figaro, 15 octobre 2007). Cela donne le ton du livre : il s’agit bien des reproches formulés à Camus par tous les Algériens. On imagine l’exécution de cet homme coupable d’avoir enterré une mère avec un cœur de criminel et non d’avoir tué un Arabe sur une plage. L’exécution est retransmise sur toutes les places. Dans l’assistance, un homme au chapeau pense à son père qui lui aussi n’avait pu supporter d’assister à la mort d’un homme. Dans la foule, se trouve un Arabe qui se revendique de celui qui a été tué sur la plage et Monsieur Albert, car il s’agit bien de lui, est surpris. L’Arabe anonyme avait un nom Mudarab (ce qui signifie l’initié) et son descendant entreprend de raconter à Monsieur Albert ce qu’il aurait écrit au nom du père. Son aïeul se nommait Talha Mudarab ce qui donne en abrégé Tal - mud, talmud arabe. S’engage entre eux un dialogue subtil qui s’appuie sur les citations de Camus. L’ironie n’est pas absente du livre et elle se manifeste par des jeux de mots comme Meursault, morceaux, moursou (avec l’accent arabe). Céline est évoqué et son héros Bardamu qui est, selon Guermiche, « l’anagramme parfaite, oui du patronyme de l’Arabe, l’indigène innommé parce qu’innommable ». Les références fusent et s’emmêlent : Sartre et Simone de Beauvoir, le castor ou beaver en anglais, Edward Said et « l’inconscient colonial » côtoient Salamano, Raymond, Clamence, Marie, Céleste. Même le chien galeux de Salamano, Brillant est présent.Cet exposé qui oscille entre fiction et détails vrais, qui mêle les reproches à la rêverie en s’appuyant sur les auteurs algériens, Boudjedra, Assia Djebar mais aussi sur M. de Certeau Sartre, et d’autres, témoigne d’une connaissance approfondie de l’œuvre de Camus.

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Ce livre paru en 2013 se veut un plaidoyer en faveur des Arabes spoliés en reprenant point par point les arguments avancés pour la défense de l’auteur de L’Etranger en même temps qu’une dissertation savante sur les œuvres de Camus. Caustique, sans amertume et sans acrimonie, ce dialogue imaginaire se lit avec aisance.L’auteur à travers les différents chapitres nous oriente vers la réponse à cette question si souvent posée et à laquelle les réponses ont varié : Pourquoi Camus ne s’est-il pas prononcé pour l’indépendance de l’Algérie ? La réponse est donnée dans cette citation d’une lettre adressée à Feraoun : « Lorsque deux de nos frères se livrent un combat sans merci, c’est folie criminelle que d’exciter l’un ou l’autre. Entre la sagesse réduite au mutisme et la folie qui s’égosille, je préfère les vertus du silence. Oui quand la parole parvient à disposer sans remords de l’existence d’autrui, se taire n’est pas une attitude négative » (à Mouloud Feraoun, avril 1956).

-L’ivrEscq, N° 26, Juin/juillet 2013. Salah Guermiche présente lui-même son livre, un « "Dialogue implicite" avec l’auteur de L’Etranger », « un hommage à Albert Camus », en fournissant un résumé de son roman-essai. A noter l’encadré de la rédaction : « Le monde entier célèbre le centenaire de la naissance d’Albert Camus. Dans cette optique, de nombreux auteurs algériens, débutants ou consacrés, ont soumis des manuscrits à des maisons d’édition françaises, tous refusés à l’exception de celui de Salim Bachi qui paraîtra à la rentrée, aux éditions de L’Aube. Reste la publication en numérique dans laquelle Salah Guemriche s’est introduit pour publier son premier "ebook", Aujourd’hui Meursault est mort. »Dans le même numéro, Camus est toujours à la une comme dans les précédentes livraisons. La rédaction rapporte une étude comparative de Gilbert Meynier sur Henry De Montherlant et Albert Camus. La rédaction accompagne le texte de photos de Camus, de quelques-uns de ses romans.

- « Henri Alleg," Un homme, ça s'empêche!" », Le Matin.dz, 19/07/2013. Parallèle rapide entre Alleg et Camus, rappelant qu'Alleg avait fait sien un peuple dont il n'était pas issu. Il rappelle également que Camus « avait cherché à détromper […] les Français d'Algérie en prônant désespérément l'égalité avec l'autre peuple, les indigènes […] » mais souligne l'expression utilisée par Camus parlant dans Actuelles III, de « deux xénophobies », concept intéressant, note-t-il, « de ce qu'il laisse entendre de l'étrangeté même de l'indigène », étrangeté qui l'amène, selon lui, à ignorer l'appel à dénoncer la saisie de La Question.Suit un extrait de son "essai-fiction", Aujourd'hui, Meursault est mort, où il s'adresse directement à Camus dont il cite un extrait d'Actuelles III dénonçant la torture et dont il souligne l'expression « protestations (...) intéressées »  en demandant si Mauriac bouleversé par La Question pouvait être considéré comme un protestataire intéressé.

- Communications sur Aujourd’hui, Meursault est mort, au colloque de Guelma, 9 et 10 octobre 2013 (cf. fiche Belhasseb) et le 26 octobre 2013, « Camus, une œuvre au présent », Ecole Normale Supérieure de Lyon/Association Coup de soleil Rhône-Alpes.

Brahim HADJ SMAÏL (écrivain et journaliste)1949-2011 à Créteil (France)

L'Étrangère de Tipaza, Najah el Jadida, Maroc, éditions France Maghreb, 204 p., 2003«Brahim Hadj Smaïl essaye à travers son premier roman, L’Etrangère de Tipaza, d’opérer une jonction thématique avec L’École d’Alger, mouvement littéraire né en réponse aux «Algérianistes » qui avaient produit toute une hagiographie à la gloire de la conquête coloniale.

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Les figures emblématiques qui avaient donné naissance à L’École d’Alger furent Gabriel Audisio, Emmanuel Roblès et Albert Camus. Le ton est ainsi donné dès la page de garde du roman avec cette épigraphe tirée des Noces camusiennes où il est dit : « Hors du soleil et de la mer, tout me paraît futile à Tipasa. »En un mot, il y a focalisation sur les deux éléments fondateurs qui ont inspiré le mouvement et que Camus a immortalisés avec le personnage de Meursault dans son œuvre majeure L’Etranger.Pour mémoire : « Meur renvoie à mer » et « sault pour soleil ». C’est cette même affirmation qui convainc Florence, antiquaire de son état, de braver toutes les mises en garde pour venir en pleine tourmente intégriste passer quelques jours en Algérie....» (Bulletin SEC, n°75)Deux comptes-rendus dans Liberté, 25 août 2004, signé W.L., « L’amour d’une rive à l’autre » et Sadek Benchikh, L’Expression, 11 août 2003.

Ouahiba HAMOUDA (universitaire)

- « La littérarité de l’article journalistique : un frayage nommé écriture », « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990, pp. 73-86.

- Les écrits d’Albert Camus dans Alger Républicain 1938-1939. Expériences du réel et fiction idéologique, Thèse de Doctorat de 3° cycle, Paris VIII, janvier 1986.-Compte rendu de thèse effectué par Beïda Chikhi, « Camus au présent », pp. 158-160.

Assia KACEDALI (universitaire)

- La Fonction de la nature dans les premières œuvres d'Albert Camus (1933-1940), Mémoire de D.E.A. Alger, 1975.

- L'Espace comme enjeu chez trois écrivains d'Algérie : Robert Randau, Albert Camus, Yacine Kateb, Mémoire de Magister, Alger 1988. (Compte rendu par C. Achour dans « Camus au présent »).

- « Un univers sans histoire », dans « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990, pp. 25-30.

- « Jonas ou la défaillance des signes », dans Cahiers Jamel Eddine Bencheikh, « Savoir et Imaginaire », n°13 des Etudes Littéraires maghrébines, L'Harmattan, juillet 1998, 233 p.

- « Le redimensionnement de l'espace de Camus à Kateb », dans Itinéraires et contacts de culture, vol.17, 1er semestre 1993, L'Harmattan.

Aïcha KASSOUL (universitaire)1944, Blida

- « Albert Camus et la critique universitaire algérienne – Sensible intelligence et insolente indigence » dans Albert Camus – Assassinat post-mortem, sous la direction de Mohamed Lakhdar Maougal, Alger, éditions APIC, Opus collection, 238 p. L’étude d’A.K. forme le chapitre 2 de la Ière partie et représente le 10ème de l’ensemble, avec un peu moins de 27 pages. Elle se livre à un procès en règle de ses collègues du département de français de

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l’université d’Alger. Affirmant la rareté de la critique universitaire algérienne sur Camus (peu de sondages effectués de sa part en dehors d’Alger), elle peut cibler une revue (« Camus au présent », ILE d’Alger en 1990) et un titre de Mostefa Lacheraf. Le morceau de choix est la revue et curieusement, la critique commence par « analyser » les deux comptes-rendus des deux mémoires soutenus : cela permet de faire d’une pierre deux coups : Beïda Chikhi et Tayeb Bouguerra (avec dommage collatéral du côté de Jean-Claude Chevalier) d’une part, et d’autre part Assia Kacedali et Christiane Achour. Celle-ci, attaquée sans être nommée dès la 6ème ligne du chapitre est brocardée comme étant « sur les traces de Mostefa Lacheraf et à l’ombre de ses directives ». Si la formulation n’était pas volontairement insultante… pour le maître et l’élève… elle pourrait être prise comme un compliment : chacun choisit les aînés qu’il admire sans pour autant leur être inféodé ! Curieusement les pages consacrées par C. Achour à Camus et aux écrivains algériens dans sa thèse de 1982 (éditée en 1985) et son étude de fin 1984, Un étranger si familier, ne sont pas ciblées : la préface de la thèse était de Mostefa Lacheraf. Néanmoins, petite pique pour initiés, « L’étranger si familier, disait-on du côté du tunnel des facultés. » (notons que le directeur de cet ouvrage réparera l’oubli en quelques phrases lapidaires en conclusion !)A.K. passe ensuite aux différents articles dont aucun n’obtient de sa part un bon point : ils sont tous dans l’idéologique le plus élémentaire : on comprend bien qu’A.K. est lucide et surplombe les humeurs algériennes quand il s’agit de Camus.Le chapitre se finit par une attaque en règle de Mostefa Lacheraf, partisan d’une littérature de propagande et qui convoque Camus dans un titre pour ne pas en parler ! Quelle duplicité !On peut s’interroger sur les raisons d’une telle charge, au-delà de comptes à régler dans les années 2002-2004 ? L’explication du titre général donnée par Maougal en préambule en est sans doute la clef (cf. fiche Maougal).

-« Albert Camus : à propos de La Peste. Une lueur exquise d’éternité », El Watan, 9 février 2006.

- Albert Camus et le destin algérien, en collaboration avec Mohamed Lakhdar Maougal, Éditions Académicapress, Nevada USA 2006.

- Albert Camus et le choc des civilisations. A l’ombre de la patrie des morts, Alger, éd. Mille-feuilles, 2008.

-Le 31 mai 2008, à l'université de Genève, l'association Suisse-Algérie-Harmonie organise un colloque débat sur Camus et l'Algérie. Les intervenants sont Lionel Dubois, Aïcha Kassoul, Ioan Lascu, Mohamed Maougal, Antonio Rinaldes et Ali Yedes.

KATEB Yacine (écrivain)1929, à Condé Smendou, aujourd'hui Zighoud Youcef. Décédé en 1989 à Grenoble

- 1956 : Dès l’ouverture de Nedjma, la violence fait irruption avec l’évasion de Lakhdar de sa cellule. Il a été écroué après avoir frappé Mr. Ernest, le contremaître du chantier. Si les Arabes de L’Etranger gardaient le silence quand Meursault leur donnait le motif de son incarcération, ceux de Nedjma approuvent le geste de Lakhdar: « - Tu as bien fait, frère. » (p.12) La complicité du lecteur est d’emblée sollicitée du côté des colonisés, du côté de Lakhdar et de ses amis. Les colons, représentés par Mr. Ernest et Mr. Ricard sont campés comme tels avec leur mépris des « Arabes ». La scène du meurtre de Mr. Ricard survient après une mise en atmosphère sans ambiguïté : alors que, dans L’Etranger, tout est vu et apprécié du côté des Européens, dans Nedjma, tout est vu et apprécié du côté des Algériens.

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Le meurtre étant le point d’aboutissement de la violence coloniale, il est introduit tout de suite alors que, chronologiquement, il intervient après la bagarre au chantier. Ces deux scènes sont complémentaires, situées à la date symbole du 8 mai 1945 et font écho, l’une et l’autre, au chapitre 6 de L’Etranger. Le motif du couteau court aussi tout au long du roman dans des séquences diverses. Pourtant ce n’est pas avec un couteau que Mourad tue Mr. Ricard mais à coups de poings et de pieds (p.26 à 28). Les « ingrédients » de la scène camusienne sont là mais modalisés autrement. La réécriture katebienne est marquée par l’absence de métaphore, le romancier optant pour le mode réaliste plutôt que pour le mode symbolique. Elle permet plusieurs interprétations : elle souligne d’abord que la violence est inhérente au contexte colonial et, du même coup, remet le meurtre à sa place dans l’Histoire : alors que Meursault tuait par inadvertance, à cause de la chaleur et du soleil, Mourad agit en connaissance de cause et pour venir en aide à un des siens. L’Arabe vaincu de L’Etranger, oublié sitôt le meurtre accompli, est ici, vainqueur, agissant et présent. Et comme Meursault est solidaire des siens, Mourad et Lakhdar sont solidaires des leurs. Dans les deux romans, le regard est essentiel et signifie toute la distance entre les deux communautés ; le silence aussi. Si dans le silence des Arabes de Camus, le lecteur était invité à lire l’hostilité, l’agressivité et la haine menant à la violence, dans Nedjma, il devient complice volontaire d’un silence qui est connivence. Ces Arabes anonymes retrouvent enfin une identité ; ils sont nommés et le soleil retrouve ses place et fonction habituelles : « Le soleil éclaire à présent le chantier ainsi qu’un décor de théâtre surgi de la plus navrante banalité. »(p.51) Quand cessera donc la mise en scène coloniale ?

- Lettre de 1957 retrouvée dont on ne sait ni si elle fut envoyée à Camus ni si celui-ci y répondit. Après le Nobel ? :« Exilés du même royaume, nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour n’avoir pas à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinés jusqu’aux ombres de la Famille ou de la Tribu, selon les deux tranchants de notre verbe pourtant unique. On crie dans les ruines de Tipasa et du Nadhor. Irons-nous ensemble apaiser le spectre de la discorde, ou bien est-il trop tard ? Verrons-nous à Tipasa et au Nadhor les fossoyeurs de l’ONU déguisés en juge, puis en commissaires priseurs ? Je n’attends pas de réponse précise et ne désire surtout pas que la publicité fasse de notre hypothétique coexistence des échos attendus dans les quotidiens. S’il devait un jour se réunir un Conseil de famille, ce serait certainement sans nous. Mais il est peut-être urgent de remettre en mouvement les ondes de la Communication, avec l’air de ne pas y toucher qui caractérise les orphelins devant la mère jamais tout à fait morte. FraternellementKateb Yacine. » (Voir Kateb Yacine, Eclats de mémoire, IMEC, Paris, 1994. Textes présentés et réunis par Olivier Corpet et Albert Dichy, avec la collaboration de Mireille Djaïder.)

- 1975 : une interview de Kateb Yacine rappelle ses débuts difficiles : « C'était le temps où Camus faisait la pluie et le beau temps [...] Il est évident que pour les Français en général, l'Algérien idéalisé, à la limite, c'était Camus. La belle Algérie, l'Algérie des plages... Mais l'homme algérien, on ne le voyait pas. Il était pratiquement "étranger" dans toute cette littérature. Il y avait toute une école qu'on appelait l'école d'Alger, l'école de Camus qui représentait jalousement la littérature algérienne [...] Camus est aussi un écrivain, indéniablement mais ses livres sur l'Algérie rendent un son faux et creux. Dans L'Etranger, par exemple, le seul livre où Camus met en scène un personnage algérien, celui-ci n'arrive pas à vivre: il est tué […] à cause d'un coup de soleil, gratuitement, le personnage disparaît et

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c'est toujours Camus qui est sur la scène. » (« A bâtons rompus. Kateb Yacine délivre la parole » entretien de Mireille Djaïder et Khedidja Nekkouri, El Moudjahid culturel, Alger, 4 avril 1975, n°156.)

- 1987 : dans un montage de France-Culture sur la guerre d'Algérie, Kateb Yacine déclare : « Ce que je n'aime pas chez Camus c'est sa manière de poser le problème. Une révolution n'est pas une morale. »

-Interventions de Kateb Yacine au cours de la table-ronde présidée par Abdelkader Djeghloul en 1987 : Vie culturelle à Alger, 1900-1950. Editeur Paul Siblot, Labo. Praxiling, univ. de Montpellier, 1996. Réédité à Oran, éd. Dar el Gharb en 2004. Extraits de ses interventions :« La littérature algérienne en ce temps-là, il faut bien comprendre qu’elle était occultée, puisque pour les Français, l’Algérie c’était l’Ecole d’Alger, c’était Camus […] Je crois que ce qui a forcé les rapports, c’est la question de la langue. On parlait tout à l’heure de Camus. Il y a une espèce d’équivoque, il faut en finir avec ces éternelles questions :’’Est-ce que Camus était un écrivain algérien, ou est-ce qu’il était un écrivain français ? ». « Est-ce qu’il était les deux à la fois, et dans quelle mesure ? » Je crois que ce qui montre bien le drame, c’est son roman L’Etranger […] dans son œuvre, il n’y a pas d’indigène, il n’y a pas d’Algériens. Il y a un paysage, oui, le paysage est magnifique, mais les hommes sont absents. Et c’est ce qui a manqué aux Français qui ont vécu en Algérie, c’est justement la connaissance des langues populaires, c’est-à-dire que les échanges se faisaient toujours dans un seul sens : c’était nous qui apprenions le français, mais les Français, même les mieux disposés, n’allaient pas jusqu’à apprendre nos langues. […] Si on est écrivain et si on vit dans un pays, je pense qu’il ne faut pas s’intéresser qu’au paysage, mais s’intéresser aux hommes qui vivent dans ce pays, donc à leur langue. C’est élémentaire je crois. Il n’est pas question de porter un drapeau, d’être nationaliste ou d’être musulman. Je ne suis rien de tout ça. Mais je pense qu’un véritable écrivain, un grand écrivain comme Faulkner, même s’il est raciste, même s’il est réactionnaire, parle la langue des Nègres. Il a l’élémentaire curiosité de parler avec les gens de ce pays, de baragouiner leur langue au moins. Cela fait défaut chez Camus. »

-« Kateb Yacine évoque Camus », transcription d’une intervention radiophonique faite par Bensidi Hadjer et Hamid Nacer-Khodja, publié dans L’ivrEscq, Alger, n°20, décembre 2012, p. 39.source : http://www.youtube.com/watch?v=EpExBh7URO Naget KHADDA (universitaire)1939 à Iknioun (Maroc)

-« Echos camusiens dans Nedjma », « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990, pp. 139-147.

-Allusion à Camus dans « Dialectique de l'avènement de la modernité dans Nedjma de Kateb Yacine », communication table-ronde internationale sur Kateb Yacine, à l'origine de la modernité textuelle dans la littérature maghrébine, équipe de recherche ADISEM, janvier 1990, parue dans les actes de la table-ronde, O.P.U., Alger 1992.

-« Le tribunal de l'Autre dans Le Sommeil du Juste de Mouloud Mammeri », colloque international Mouloud Mammeri de l'association culturelle Awal , CNRS, Paris et le Ministère de la Communication et de la Culture algérien au Palais de la Culture d'Alger, juin 1992,

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publié dans les actes du colloque, 1996.

-« Camus et les écrivains algériens face au référent : à propos du Premier homme », Journées de la francophonie de Münster, publié dans Der erwiderte Blick, Literarische Begegnungen und Konfrontationen zwischen den Ländern des Maghreb, Frankreich und Okzitanien, Editions Königshausen & Neumann, 1998.

-« Albert Camus et Mohammed Dib : "les héritiers enchantés" » - Rencontres Méditerranéennes Albert Camus 2003, dans Albert Camus et les écrivains algériens, quelles traces ?, en coordination avec J-C. Xuereb et A. Fosty, Edisud, Les Ecritures du Sud, 2004, pp. 103-118.

-« Propos sur l’algérianité de Camus » ; Actes du colloque : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours (Tipasa, 2006) Université d’Alger. Imprimerie Mauguin, Blida, 2007. Pp. 481-48.

-« L’ombre portée de Camus dans la littérature algérienne » et Table Ronde « Albert Camus au présent » : « Camus et l’intelligentsia algérienne », Etudes Camusiennes, N° 10 (n° spécial), « Albert Camus : le sens du présent », XXIIe Rencontre Internationale de Dokkyo, Section japonaise de la Société des Etudes camusiennes, mai 2011, p. 70-90 et p. 180-183.

-Article dans la Revue des Lettres Modernes, série Albert Camus, n°23, « Albert Camus et l’Algérie », 2013, Minard, Philippe Vanney (coord.). A paraître.

Yasmina KHADRA (écrivain)1955, Kenadsa

-« Un initiateur », p. 41 dans Le Magazine littéraire, dossier « Albert Camus penser la révolte », n°453, mai 2006.

-« Camus, mon frère l’Algérien », Le Figaro littéraire, 4 mai 2006.

-Yasmina Khadra dans Sarah Diffalah, « Camus, l'Algérien ou l'étranger », Le Nouvel Observateur, 5 janvier 2010 : « Les Algériens étaient l'excroissance d'une faune locale ». Il affirme que c'est la lecture à 14 ans de L'Étranger, qualifié un peu plus loin de « grandiose », de « plus grand roman du XXes. », qui lui a donné l'envie d'écrire en français. Cependant, estime-t-il, Camus n'a jamais su dire « l'Algérie dans sa pluralité » et il se présente comme ayant investi « tous les territoires que Camus n'a pas voulu investir » ; développant la métaphore, il le qualifie de « maraudeur qui s'aventure dans un verger. Il a pris les fruits qui lui paraissaient les plus beaux. Et il m'a laissé tout le reste. » Il revient ensuite sur l'usage si critiqué du terme « l'Arabe », c'est-à-dire, juge-t-il, «  le sac dans lequel il mettait tous les autres qui n'étaient pas européens » ; mais souligne la justesse des écrits journalistiques et ne retient pas à charge contre lui la fameuse phrase de Stockholm. Son roman Ce que le jour doit à la nuit est, selon lui, « la réponse algérienne, fraternelle » où il aurait montré toutes « les belles choses que Camus n'a pas réussi à déceler ». Il finit sur un nouvel éloge de l'écrivain : on ne devrait jamais, dit-il, « impliquer un écrivain ailleurs que dans son texte » : « Camus, quand il écrit est une divinité ».

-« Albert Camus, dans le texte », participation au colloque du Centre Pompidou à Paris, le 30 janvier 2010.

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-« La foi en l’homme », Le Magazine littéraire, Hors-série janvier-février, n°18, 2012, « Albert Camus, une pensée au zénith », p. 89.

Réjane et Pierre LE BAUT (universitaires)

Spécialiste de Jean Amrouche sur l’œuvre duquel elle a soutenu sa thèse à Paris IV en 1988, Réjane Le Baut a édité Jean El-Mouhoub Amrouche - Algérien universel, biographie, Paris, Alteredit, 2006, 514 p.Pierre Le Baut a été Secrétaire du Bulletin des études camusiennes de 1990 à 2005 : il y a consigné ses recherches bibliographiques précises.Ouvrage commun à paraître (dont nous donnons ici l’argumentaire) : Amrouche Camus deux Algéries incompatibles.Note liminaire. La première semaine de l’an 2010 a été marquée, en France, par la commémoration de la mort d’Albert Camus en janvier 1960. Outre le débat autour de la proposition faite par le Président de la République du transfert de ses cendres au Panthéon, tous les thuriféraires du Prix Nobel de littérature (1957) ont dû s’affronter à son attitude durant la guerre d’indépendance algérienne. Tous ont senti que là était le défaut de la cuirasse et, sur la défensive, ont tenté de l’innocenter.  La  bibliographie concernant l’algérianité d’Albert Camus est considérable, et bien antérieure à cet anniversaire. Pour échapper aux généralités répétitives et indémontrables, inévitablement passionnelles, nous nous sommes délibérément bornés à l’étude d’une relation unique et exemplaire : celle de Jean Amrouche et d’Albert Camus, peu connue. Et nous l’avons fait «preuves à l’appui» c’est-à-dire en nous référant aux échanges épistolaires des deux écrivains, à certains de leurs textes. Il s’agit donc ici de pièces d’archives qui parlent d’elles-mêmes sans qu’il soit besoin de les solliciter. Il suffit de les situer dans leur contexte historique. Ce que nous avons tenté de faire.Vicissitudes d’une amitié : Des  parallèles… qui s’écartent Préambule : Deux hommes nés en Algérie, à la tragique destinée :   Historique de leurs rapports. Phase I : Apprivoisements : de la TFL à L’Arche, 1941-1945,  malgré Sétif et Guelma en mai 1945.Phase 2 : Premiers cheminements : cohabitation dans l’Arche, 1946-1947.Phase 3 : Premiers éloignements : 1948-1954. Vies professionnelles parallèles.Phase 4 : Rupture pour malentendu sans espoir 1954-1960, malgré une tentative de conciliation en 1957.Phase 5 : Mort absurde et brutale de l’un (1960)  mort déchirée mais comblée de l’autre (1962).En résumé : deux drames personnels : Camus : Etranger sur la terre algérienne - Amrouche : Divisé en son âme : Jean et El-MouhoubConclusion : Plus qu’un malentendu.Annexes Mouloud MAMMERI (écrivain)1917, Taourirt-Mimoun. Décédé en 1989 en Algérie

- 1955, avec Le Sommeil du juste (Plon), le seul à déroger à la "règle" de focalisation sur le meurtre dans les citations littéraires de L’Etranger. A la fin du récit, le long monologue d’Arezki a bien des parentés avec celui de Meursault dans sa prison : du fond de sa cellule, il

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dresse un réquisitoire contre ses juges et la société. Le meurtre a bien eu lieu mais n’est pas décrit. Les deux protagonistes partagent une semblable indifférence au monde et leur acte, la même apparente gratuité. Dans le troisième roman de l’écrivain, L’Opium et le bâton, l’ouverture est un clin d’œil au Camus, peintre d’Alger : « Vue de haut la beauté d'Alger paraît fragile et contradictoire. En face le mur de la mer tout de suite dressé contre l'horizon [...] Aux maisons d'Alger en quelque point que l'on se trouve sont imparties des portions mesurées de ciel. Dans la beauté rigoureuse d'une baie ouverte sur la monotonie bleue d'une mer que nul accident n'humanise l'esprit se sent sollicité et comme voué aux tensions extrêmes [...] A Alger pour aller à l'air libre il faut toujours monter. » On y retrouve une rhétorique, un rythme, une musicalité et une thématique proches de Noces ou de L'Eté à Alger.

- 1987 : dans entretien avec Tahar Djaout (Alger, Laphomic) fait une allusion à Camus, sans le nommer…:« A un écrivain d'envergure internationale et né en Algérie, on a fait le reproche de n'avoir introduit d'Algérien qu'une fois dans son œuvre et sous l'espèce d'un étrange et dangereux manieur de couteau. » Mouloud Mammeri estime ce procès dérisoire dans la mesure où cette mise en scène textuelle ne faisait que reproduire avec fidélité la réalité coloniale : « Les deux communautés […] étaient parfaitement étrangères l'une à l'autre. J'entends quant au fond. […] Pour un Européen d'Algérie, un Algérien n'avait pas d'existence pleine. C'était un modèle vaguement fantasmatique : quelques fonctions […] quelques schémas rapides […] un vague fonds de peur […] Dans la société coloniale, ce n'est pas un individu, ce sont tous les Algériens qui sont étrangers, plus étrangers que le plus étranger des Pieds-Noirs. »

- Préface à La Terre et le Sang de Mouloud Feraoun, Alger, ENAG, coll. El Anis, 1992 (rééd. Mouloud Mammeri, Ecrits et Paroles, tome 2, CNRPAH, 1998, pp .191-192) – Extrait : « […] Ils avaient la vigne, les comptes en banque (et encore pas tous), l’anisette (tous cette fois), l’accent merguez (qu’ils n’ont aimé qu’après qu’ils l’ont perdu) et l’aveuglement. En parlant de nous ils disaient « les Arabes » et… dans la moue de leurs lèvres, ce n’était pas une désignation, c’était un verdict. Mais nous, Mouloud, nous savons que ce ne pouvait pas être autrement : Ils avaient tout cela, mais il leur manquait l’essentiel : LA TERRE ET LE SANG. La terre, ils la rudoyaient à force, ils lui faisaient produire des moissons d’artifice (un vin que nous ne buvions pas, parce que nous avions d’autres ivresses), ils confiaient à nous le rude contact des pierres, les charrues, les sulfateuses ; ils ne l’avaient pas comme nous … dans la peau.. comme à Tazrout, à Ighil Nezman, à Ilizi ou dans le Tanezrouft. Passagers sur la terre dont ils suçaient les mamelles sans lui être attachés… comme nous étions à elle…à la vie à la mort. La preuve c’est qu’en un siècle de destin comblé, ils n’ont pas trouvé un seul d’entre eux pour la chanter comme tu as fait Mouloud, des chemins monteux de ton enfance.Leur plus grand chantre, dont tu aimais la prose (si belle) est allé planter sa tente sous d’autres cieux ; entre sa terre et sa mère il n’a conçu qu’affrontement, impossible à balayer du chemin ; quand il s’est cru sommé de choisir, il l’a fait dans une brève formule coupante comme une lame de sabre. » -Intervention dans le débat animé par Abdelkader Djeghloul, La vie culturelle à Alger : 1900-1950. Editeur Paul Siblot. Université Paul Valéry, Montpellier III. 1996. Réédité à Oran, éd. Dar el Gharb en 2004. Prises de parole très intéressantes de Mouloud Mammeri qui insiste sur la berbérité de l’Algérie mais ne parle ni de Camus, ni de la librairie de Charlot. Les Algériens étaient absents de ces lieux.

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- http://www.chouf-chouf.com/actualites/litterature-actualites/mouloud-mammeri-et-albert-camus/: une vidéo où Mammeri parle du roman de Camus, consulté le 15 septembre 2013, mis en ligne le 21 septembre 2010. Vidéo de l’ina.fr où Mammeri répond à une question sur Camus (il est sur les marches du musée du Bardo à Alger) : est-il gêné par l’absence des personnages algériens dans l’œuvre de Camus ? Il répond, en substance, que non et que cette absence prouve la sincérité profonde de Camus. Il ne pouvait pas échapper à sa condition objective de pied-noir, de fils de Petit Blanc d’Algérie. Sa vie profonde n’était pas celle des Algériens.

Mohamed Lakhdar MAOUGAL (universitaire)1945, Aïn Beïda

- Albert Camus – Assassinat post-mortem, sous la direction de Mohamed Lakhdar Maougal, Alger, éditions APIC, Opus collection, 238 p. Maître d’œuvre de cet ouvrage critique polémique et lapidaire puisqu’il en rédige 175 pages (notons que l’étude sur Camus et Fanon est signée avec sa fille Thanina Maougal, auteur de dix pages sur Camus, 175-185). Le préambule donne la clef du titre-choc qui laisse planer le mystère du qui assassine qui : « Le plus troublant n’est pas tant le fait que l’Algérie continue à le renier ou à l’assassiner post-mortem ». Les coupables, ce sont l’Algérie et les Algériens qui écrivent sur Camus lui reprochant de n’avoir pas été engagé alors qu’il était français : « Il faut rendre Camus à la France. Elle en a et en aura plus besoin que nous ». CQFD. Français d’Algérie, Camus ne pouvait avoir d’autres positions puisqu’il était « pied-noir », façon un peu étonnante d’assigner à résidence un être humain dans son origine et dans les idées dominantes de sa « communauté ». Cet ouvrage affirme, assène et veut se mettre au-dessus des « partis » et « des clans ». Il est fait d’une succession de « textes » autonomes difficiles à relier entre eux tant l’objet « Camus » est à la fois fuyant et présent dans un but plus polémique que constructif.

- Albert Camus et le destin algérien, en collaboration avec Aïcha Kassoul, Éditions Académicapress, Nevada USA 2006.

- Albert Camus et le choc des civilisations. A l’ombre de la patrie des morts, en collaboration avec Aïcha Kassoul, Alger, éd. Mille Feuilles, 2008.

- Le 31 mai 2008, à l'université de Genève, l'association Suisse-Algérie-Harmonie organise un colloque débat sur Camus et l'Algérie. Les intervenants sont Lionel Dubois, Aïcha Kassoul, Ioan Lascu, Mohamed Maougal, Antonio Rinaldes et Ali Yedes.

- « Il n’a jamais été pour la colonisabilité de l’Algérie » 50 ans après sa disparition : Camus, la controverse. Algérie news – 21 février 2010 (le concept sur la « colonisabilité » est dû à Malek Bennabi et désigne des sociétés en décadence).

- 26 août 2013, émission Radio Chaîne III, « Carnets d’Algérie », 14h-16h. La dernière partie de l’émission est consacrée à Camus avec des documents sonores avec la voix de Camus. Avec la voix de Jeanyves Guérin (coordinateur du Dictionnaire Camus, Bouquins) qui parle de « Misère de la Kabylie » comme d’un texte pionnier. Sa position par rapport à l’indépendance s’explique par le fait qu’il cherchait un compromis pour garder le caractère pluriel de l’Algérie. Maougal choisit de partir de 1957-1958 où, rappelle-t-il, Camus fut conspué par les ultras. Et, d’après lui, la phrase-clef à retenir de Camus est dans Le Mythe de Sisyphe, « Le suicide est une affaire sérieuse ». Pour Maougal, après 1958, après le Nobel,

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Camus se suicide. C’est quoi ce suicide ? La réponse à l’incapacité où il se trouve d’agir sur l’humain pour le rendre plus juste. Il a un fort sentiment de « stérilité ». A partir de là, l’œuvre de Camus bascule complètement et il se met à écrire Le Premier homme. Camus n’a jamais été un militant de l’Algérie française : il était pour un système fédéral avec la France. En 1957, Camus et l’Algérie ont des destins semblables puisqu’ils s’engagent dans le suicide.

Omar MERZOUG (Docteur en philosophie, Sorbonne Paris-IV, journaliste et écrivain.)

- «Les déchirements d'Albert Camus», juillet 2012, Les Nouvelles littéraires. Une critique d'analyses récentes des positions d'Albert Camus, critique fondée sur les «contradictions idéologiques» de l'écrivain. Article mis en ligne :http://nadorculture.unblog.fr/2012/07/27/les-dechirements-dalbert-camus-par-omar-merzoug/A propos de la nouvelle édition de la Pléiade en 4 Tomes et du Dictionnaire Albert Camus, sous la direction de Jeanyves Guérin, Bouquins Laffont. On retiendra ce passage : « Les déchirements de Camus éclateront au grand jour entre 1955 et 1958. Pied-Noir, il penchera, comme l’écrit Mouloud Mammeri, dans "le sens de ses viscères". Ce réflexe tribal, communautariste comme on dirait aujourd’hui, aurait été tout à fait compréhensible, si Camus ne l’avait masqué sous un humanisme de bon aloi. Qu’il préfère sa mère, c’est son droit le plus strict, mais ce qui est proprement insupportable, c’est qu’il travestisse des choix personnels, en excipant d’un humanisme qui n’est rien moins qu’universel, en critiquant le « terrorisme de masse », en vilipendant l’immaturité politique des insurgés algériens alors qu’il s’agissait d’appuyer un peuple en lutte pour son émancipation. Prisonnier des stéréotypes coloniaux, Camus n’a pu admettre la violence révolutionnaire du FLN monté à l’assaut d’un système colonial qui refusait obstinément de se réformer. Fustiger le terrorisme de masse, comme par exemple lors de la Bataille d’Alger, c’est oublier que le système colonial n’a laissé aux Algériens que la perspective de l’action violente, que ce terrorisme de masse s’explique, au moins au début, par les exécutions des militants algériens sur l’ordre de Lacoste, qu’il est une manière d’attirer l’attention du monde sur leur lutte, affrontés qu’ils étaient à une armée d’occupation disposant de moyens considérables. Ce que Mandouze, Jeanson, et tant d’autres ont compris, Camus a refusé de l’admettre. Dans sa réponse au directeur des Temps modernes, il se dit fatigué, lui le vieux militant qui n’a rien refusé des luttes de son temps, « de recevoir sans trêve ses leçons d’efficacité de la part de censeurs qui n’ont jamais fait que tourner leur fauteuil dans le sens de l’Histoire ». Peu de temps plus tard, Jeanson, joignant l’acte à la parole, s’engagera dans la lutte effective aux côtés des indépendantistes algériens alors que Camus en restera réduit à condamner le terrorisme avec ces articles qu’on écrit « si facilement dans le confort du bureau » selon ses propres termes.Si l’on s’en tient aux analyses de L’Homme Révolté, on se défend mal du sentiment que la lutte des Algériens ait mis Camus dans l’embarras. En effet, les Algériens sont de son point de vue des colonisés, donc des victimes mais leur lutte est soutenue par le camp des «progressistes » et, chose détestable, par Nasser, un despote « fascisant ». On peut par conséquent craindre que, menant leur révolution à leur terme, ils ne deviennent des «bourreaux ». Au reste, lorsque Camus proteste que les Pieds-Noirs ne font pas tous « suer le burnous », il oublie d’ajouter, car il ne l’ignorait pas, qu’aucun des Européens de condition modeste ne pouvait se concevoir, dans une Algérie nouvelle, l’égal d’un musulman (cf. Albert Memmi, Portrait du colonisé.) Enfin, ce sont ces Européens d’Algérie dont se souciait tant Camus, ces petits Blancs, émeutiers en diable, antirépublicains, fascistes aussi, qui formeront les phalanges de l’OAS.Si l’esprit scientifique se reconnaît à l’amour de la vérité, à la curiosité intellectuelle, à l’esprit critique, au rejet du principe d’autorité et surtout à la probité, force est de constater que Jeanyves Guérin y déroge dans les « entrées » de ce Dictionnaire qu’il consacre à Albert

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Camus (éditions Robert Laffont). Il est plus qu’étonnant, il est même scandaleux, qu’aucune contribution algérienne, de quelque bord qu’elle soit, n’y ait été recueillie. Quand on sait la place qu’occupe l’Algérie dans l’œuvre de Camus, que, sans elle, l’homme et l’œuvre sont incompréhensibles, on en reste ébaubi. Qu’il nous suffise de citer pour les travaux les plus récents, Albert Camus et l’Algérie de Christiane Achour (Barzakh éditions, 2004).Que les nationalistes et les chercheurs algériens goûtent peu les positions politiques de Camus et portent sur l’œuvre un regard des plus critiques, ne constitue pas une raison pour sciemment ignorer ou écarter leurs analyses, ce serait déroger à l’une des règles majeures de la probité scientifique et, de surcroît, pratiquer la dissimulation. En outre, touchant la période de l’immédiate Après-guerre, M. Jeanyves Guérin s’est dispensé de faire appel à des témoins qui participèrent à l’aventure de Combat. Témoins qui sont encore de ce monde, et qui auraient pu lui fournir maints détails sur les rapports de Pia et de Camus. Il ne suffit pas de consulter les écrits de ces témoins, la rigueur scientifique voudrait qu’on se donnât la peine de vérifier la concordance de leurs écrits et de leur pensée présente. Au reste, l’idée que ces témoins n’avaient peut-être pas tout dit ne lui a peut-être pas traversé l’esprit. En outre, le parti-pris hagiographique, toute critique de Camus étant attribuée à la « méchanceté » et à la «malveillance», la mise sous le boisseau ou la présentation tendancieuse de faits défavorables, (les analyses de Conor Cruise O’Brien par exemple), ne font pas de ce Dictionnaire l’œuvre de référence attendue. »

-« L’itinéraire politique d’Albert Camus », Algérienews, in www.algerienews.info/litineraire-politique-dalbert-camus.Ensemble en quatre parties datées des 29/12/12 ; 31/12/12 ; 3/01/13 ; 12/01/13.Le premier article s’ouvre avec la réception du Prix Nobel et l’allocution dans laquelle Camus expose sa définition de l’art – servir la vérité et la liberté – ce qui lui fait rendre hommage aux écrivains de l’Est bâillonnés par «  des régimes totalitaires » ; il s’en prend, sans les nommer, aux existentialistes et rend hommage « à ceux qui résistent aux systèmes dominants », ceux qui ont inventé « un art de vivre par temps de catastrophe » (H.I. Marrou), allusion à Saint Augustin au moment du siège de Carthage par les Vandales. Pour O. Merzoug, la référence est significative : « Les Vandales d’aujourd’hui, barbares, bien entendu, ce sont les Soviétiques qui menacent l’Europe de leurs canons […] comme autrefois, c’est une autre des références de Camus, les Perses menaçaient de submerger la Grèce. »Les existentialistes, c’est Sartre mais, surtout, précise O.M, F. Jeanson qui avait en 1952, « étrillé » L’Homme révolté. Il rappelle que, lors de ce que Jeanson appelle « la plus fameuse polémique personnalisée de toute l’après-guerre », beaucoup, dans le milieu littéraire parisien, partageaient les points de vue de Jeanson et Sartre. Il décrit ensuite l’échange « confus et passionnel » au cours duquel est prononcée la phrase sur sa mère et la justice, reconnaissant à Camus qu’il n’a pas gardé rancune à celui qui l’avait apostrophé, se sentant même « plus près de lui que de beaucoup de Français qui parlent de l’Algérie sans la connaître. » Il affirme que pour les nationalistes algériens qui ont combattu le système colonial et pour leurs soutiens, « l’une des plus remarquables et […] l’une des plus intolérables impostures de ces dernières années devait être la promotion d’Albert Camus au rang de" parangon de la révolte", de "critique intransigeant du totalitarisme", de "dénonciateur de toutes les formes d’inquisition et de barbarie" […] en somme, en une sorte de saint laïc et d’un croisé athée de la liberté. » Ce qui importe à OM, plus que ce qu’il fut, c’est de s’interroger sur les fonctions de l’entreprise des laudateurs de Camus dont la glorification implique le dénigrement de Sartre et des critiques de l’ordre colonial ; ce qui s’accompagne d’un rejet de l’engagement.Avec une certaine dureté, il trouve une part d’« arrivisme » chez cet homme d’une humble extraction qui a voulu « se hisser dans les hautes sphères de la société » et « ne pouvait

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imaginer, qu’on pût refuser, par exemple, le prix Nobel, pour ne pas être un otage des puissances de la terre. »Un certain nombre d’éléments historico-politiques comme la fin des régimes staliniens, ou idéologiques comme « la relecture néo-conservatrice de la révolution française », ont préparé le terrain à une célébration fondée dit-il, sur « la falsification des faits et une cécité devant les écrits d’A. Camus. Mais pour lui, l’imposture n’a été possible qu’à cause d’une méconnaissance de l’œuvre et du passé d’A. Camus dont « une part de l’action et de l’œuvre proteste contre « cette annexion illégitime » car, dit-il, même s’il la réservait à « l’homme blanc », Camus a beaucoup à dire sur « une certaine idée de la justice. »Il souligne la distorsion dans la réception de l’œuvre : ralliant les suffrages par « le talent et la maestria » des premiers textes, il est, dans les années 50, un homme d’une grande célébrité mais aussi sujet à de vives attaques, attaques qui ne sont rien, juge Merzoug, « eu égard à l’entreprise de récupération » tentée par les « faux philosophes qui font […] un contresens complet. »Camus était enfermé dans un dilemme à cause de sa solidarité avec les Européens d’Algérie d’un côté et son refus de cautionner la politique coloniale telle qu’il la décrit, en particulier dans « Misère en Kabylie ».Ensuite il analyse les positions de certains intellectuels français lors de la guerre d’Algérie, comme Sartre, Aron dont il décrit les positions et les différences, Aron sans grande sympathie à l’égard des Algériens, souligne que le problème algérien est aussi une question de politique internationale.Le deuxième article commence par une reprise de la conception qu’avait Camus de son rôle d’écrivain : « le service de la vérité et celui de la liberté. » Selon Merzoug, Camus croit mener son combat contre les despotismes dans ce qu’il appelle sa « croisade contre le communisme ». Dès le début des années 40, il devient, dit-il, « un anticommuniste intransigeant » et il voit là « l’une des clefs de son parcours politique et de ses prises de positions sur l’Algérie. » Quant aux causes de son engagement au PCA, il les trouve dans l’exemple de Gide, rangé un temps aux côtés de l’URSS, de Malraux qui a compté pour Camus ; plus près de lui ses amis comme Freminville et même Grenier ont pu l’influencer. Il s’est dit  poussé par « un fort désir de voir diminuer la somme de malheurs et d’amertume qui empoisonne les hommes » mais souligne OM, le PCA était plus sensible aux problèmes des Européens de sa base qu’à ceux des indigènes.Il analyse ensuite la position des communistes algériens et leurs rapports avec les nationalistes, leurs divergences avec Messali et les siens jugés trop radicaux, Camus se sentant plus proche de F. Abbas qu’il évoque avec respect dans Actuelles III.Au moment où il s’engage, que connaît Camus de l’Algérie, s’interroge OM qui pense qu’on ne peut considérer comme anticolonialistes les articles d’Alger Républicain auxquels il oppose les articles de Jeanson qui a laissé de ses séjours en Algérie à l’époque où Camus enquête sur la Kabylie, un témoignage publié dans Esprit en 1950 mais peu cité. Il rapporte le témoignage de Jean Daniel déclarant que Camus « ne fréquentait pas les Arabes » ; « la société musulmane (lui) resta étrangère » et son regard est « un regard colonial. »Après la répression de mai 1945, Camus « livre des réflexions intéressantes » qui semblent surprendre OM (cf : « qu’on ne s’attendait pas a posteriori à trouver sous sa plume ») en comparant les méthodes répressives utilisées à celles qu’avaient utilisées les nazis. Merzoug souligne la pertinence des propos de Camus sur la répression exercée à Madagascar et en Algérie et juge sa condamnation des faits d’une extrême importance et souligne la complexité de son positionnement sur le problème algérien. Camus alors, estime-t-il, pense comme « un antiraciste soucieux des droits de l’homme » ; il ne lui aurait manqué alors qu’à « accepter les moyens de lutte utilisés par les révolutionnaires algériens » mais il ne l’a pas fait se trouvant

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dans une situation à la limite de la cohérence en critiquant l’injustice du système sans accepter les moyens d’en venir à bout.Le troisième article analyse « Misère de la Kabylie », rappelant que c’est Alger Républicain qui envoie Camus en reportage. O.M. souligne la sympathie et la compréhension qu’on peut y lire ainsi que la révolte de Camus devant la scandaleuse misère qu’il découvre et note que « par ce texte daté, Camus nous fut proche et mérita d’être à l’époque l’un des nôtres », la formulation rendant compte du regret de ce qui aurait pu être et ne fut pas. Il note un décalage à partir de 56/58, une « conversion », dit-il : devant le risque de s’écarter des siens, il « convertit le problème algérien en tragédie ethnique, c’est-à-dire en guerre civile » se voulant le défenseur des siens. Il cite une lettre à J. Grenier pour montrer ce que furent ses sentiments à l’égard de sa « tribu » et que Mammeri, cité par Merzoug, a illustrés en disant que Camus avait « basculé dans le sens de ses viscères. » Il affirme que Camus dans sa jeunesse milita pour l’égalité entre tous et que c’est dans cet état d’esprit qu’il va enquêter en Kabylie et analyse ces articles dont il ne conteste que la conclusion imputée à ce qu’il considère comme la naïveté de qui n’a pas compris que le peuple algérien privé de ce qui constituait sa personnalité et a en dernier recours pris les armes pour retrouver sa personnalité contre une France « infidèle à ses propres valeurs.»Il résume la situation paradoxale dans laquelle il se trouve en notant : « De ce monde colonial, Camus est solidaire. À ce monde, il se sent étranger. » Meursault est également étranger à ce monde.La poussée du nationalisme constitue une menace. Ibn Bâdis affirme l’existence de la nation algérienne qui n’est pas la France et qui est « aussi éloignée que possible de la France. » Ainsi par cette affirmation se trouve invalidé le lien « que l’idéologie coloniale cherche à établir entre le peuplement européen, résultat des spoliations et de la violence meurtrière » et la terre algérienne.Il note que le crime que constitue le colonialisme, s’il est bien réel, n’est pas rationnel. Interprétant les termes de Camus, il souligne que l’occupation coloniale « absurde et contingente […] ne procède d’aucune nécessité. » Tout comme l’occupation allemande. Elle n’a aucune justification sinon « l’exquis désir du pillage. » Or, Camus est un humaniste et, partant, ne saurait « absoudre le pillage », il en conclut qu’il n’y a « aucune raison d’être à la colonisation » et il voit dans L’Étranger une « situation de radicale étrangeté où les colons ne pouvaient, malgré le siècle d’occupation, faire corps avec la terre algérienne. »O.M. va ensuite, à partir des « Lettres à un ami allemand » et des articles de Combat, pointer les contradictions d’un Camus qui peut affirmer : « un peuple qui veut vivre n’attend pas qu’on lui apporte sa liberté, il la prend », mais ne peut comprendre que les patriotes algériens auraient pu prendre à leur compte les écrits de 1944-45.Difficile aussi à expliquer, souligne-t-il, que des Français de « métropole », Jeanson, Curiel et d’autres, aient pu prendre parti pour l’indépendance de l’Algérie quand lui, plus proche « par ses anciens combats » en a été incapable. Il note qu’il n’y a pas d’explication simple au regard de la complexité de la situation et reprend, à la suite d’autres, dit-il, l’explication du silence de Camus dans « le double rejet du terrorisme de masse et de la répression coloniale aveugle. »À ceux qui avancent que ce sont les moyens utilisés que réprouvait Camus, O.M. oppose l’argument que ces réticences n’existaient pas quand il s’agissait de la Résistance usant elle aussi du terrorisme et d’une violence qu’il a jugée alors légitime.Le quatrième article s’interroge alors sur sa condamnation de l’action révolutionnaire des moudjahidine algériens. Il estime que Camus s’était éloigné des « parages révolutionnaires ». Conscient de la nécessité des réformes sociales et de l’inefficacité de la répression ; il était sensible aux revendications des patriotes « tant qu’ils ne réclamèrent pas l’indépendance », persuadé qu’une réelle égalité mettrait fin au désir de « séparatisme», proche d’un Ferhat Abbas qui ne militait pas encore pour l’indépendance. Dans les années 50, il agit en faveur de

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militants, persuadé encore de la possibilité d’une nation commune, semblant oublier combien les Français d’Algérie avaient été dans leur majorité favorables à Pétain et au régime de Vichy qui a pu légitimer des sentiments racistes nourris par la conviction d’appartenir à une « race supérieure. » Il rappelle à ce propos que l’Affaire Dreyfus avait alimenté un profond antisémitisme qui leur fait choisir comme député un Drumont qui réclamera l’abrogation du décret Crémieux. Il rappelle que toute tentative de réforme du système colonial étant vouée à l’échec, ne restait plus que la solution armée, citant à ce propos aussi bien Abbas que Bitat.Les positions de Camus ne sont pas seulement en rapport avec sa solidarité aves les siens qu’il n’abandonnera jamais mais aussi avec son évolution depuis la fin de la guerre, parcours dont selon lui, témoigne La Peste qui fait référence à la peste brune même si l’une est un fléau naturel et l’autre pas. Il revient sur le reproche récurrent de l’absence de toute population arabe à Oran où se situe le roman, reproche qui embarrasse ses amis. Il rapporte que Camus a écrit à Barthes que le contenu «évident » du roman est « la lutte de la résistance européenne contre le nazisme » ce qui contribue à faire d’Oran « un ersatz de décor pour une tragédie […] européenne. » En une formule dure et forte, O.M. estime que La Peste « fut le sarcophage où Camus a enseveli ses idéaux de jeunesse et consommé son Thermidor. » Il cite Bertrand d’Astorg qui estime trois ans après la libération de Paris que « Tarrou n’aurait pas été […] sur les barricades mais dans les équipes de la Croix-Rouge » et Merzoug commente : « Tarrou n’est plus bon qu’aux missions humanitaires. » Il appelle mystification ce qui s’opère dans La Peste : «  la substitution d’un fléau naturel à un fléau historique ce que soulignera Sartre et ce dont il tentera de se défendre dans les écrits à Barthes, Jeanson, Sartre lors de la polémique à propos de L’Homme révolté.

-« Albert Camus : les faits et le mythe », Algérie-News/Décalage - 16 août 2013. Extraits :« A la rentrée, le landerneau parisien sera en émoi. La librairie Gallimard se prépare en effet à célébrer le centenaire de la naissance d’Albert Camus.Qu’on en juge : sont d’ores et déjà programmés la publication de la Correspondance de Camus avec Le poète Francis Ponge (1899-1988), le romancier Louis Guilloux (1899-1980) et Roger Martin du Gard, prix Nobel de littérature 1937. De son côté, Catherine Camus fait paraître Le Monde en partage avec un sous-titre qui en indique le propos « Itinéraires d’Albert Camus ». Albert-Paul Pitous, qui fut le voisin et le camarade de classe de Camus, livre son témoignage sous la forme d’une Lettre à Albert Camus et Yves-Marc Ajchenbaum cible le Camus journaliste au quotidien Combat. Ailleurs, notamment aux éditions Stock, on annonce un Camus par Benjamin Stora. A défaut de la « panthéonisation » de Camus qui a tourné court sous le régime Sarkozy, Aurélie Filipetti, l’actuel ministre de la Culture, a décrété «célébration nationale» le centième anniversaire de la naissance de Camus. L’ouragan médiatique et éditorial qui s’apprête à déferler sur nous fera, à coup sûr, un assourdissant baroud. Mais c’est qu’en 2010 on n’avait rien vu. « Vous avez aimé la cuvée Camus 2010, vous adorerez celle de 2013 ». A l’époque, livres, articles, numéros spéciaux, dossiers thématiques, émissions radiophoniques et télévisuelles avaient saturé l’espace médiatique.[…] Cette opération ne remplirait pas convenablement son office si seuls des Européens ou des Français étaient à la manœuvre. Pour donner plus de crédit à la légende, il faut en faire scander les moments par des « Arabes » comme aurait dit Camus. Suivant un procédé éprouvé qui consiste à repérer les « indigènes » les plus zélés à servir la cause coloniale, on décide, sous le prétexte des origines algériennes de Camus, de donner la parole à certains écrivains. Yasmina Khadra, Abdelkader Djemaï et Maissa Bey se sont complaisamment pliés à cet exercice. Yasmina Khadra, dans un texte intitulé « la foi en l’homme » a plaidé la cause d’un Camus humaniste. Admirons la subtilité et la force du procédé : faire célébrer l’humanisme de Camus par un écrivain algérien, fils de surcroît d’un officier de l’ALN et issu de l’école des

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«cadets de la révolution ». Que dira le populaire ? Si, avec ces titres-là, même un ancien colonisé reconnaît l’humanisme de Camus, c’est que cet humanisme est attesté.Nul n’a nié que Camus était humaniste, mais on soutient seulement que l’humanisme camusien est à l’usage des Européens. Cependant identifier un humanisme universel chez un écrivain, qui s’est toujours résolument opposé à l’indépendance algérienne, c’est-à-dire précisément à la reconquête de l’humanité des « indigènes » traités par les colons de « sous-hommes », se révèle problématique. Quant à Abdelkader Djemaï, il s’imagine que Camus est son « frère de soleil ». Cette dernière formule est empruntée à Emmanuel Roblès qui avait d’autres titres que Djemaï à la revendiquer. A quoi donc serait due cette « fraternité de soleil » qui ne paraît pas si évidente dans une Algérie clivée en deux sociétés, l’une, colonisatrice, et l’autre, colonisée ? […] Un signe qui ne trompe point. A la mort de Francis Jeanson, fondateur du réseau qui a soutenu le combat libérateur des Algériens, je ne crois pas, sauf erreur de ma part, avoir entendu Yasmina Khadra, Djemaï ou Maissa Bey lui rendre hommage et pas davantage rendre hommage à Jean Sénac. Je ne crois pas non plus les avoir entendus évoquer Henri Curiel ou les Européens d’Algérie qui ont milité au sein du FLN tant qu’a duré le combat libérateur. Ce sont pourtant ceux-là nos véritables frères, et non pas un Camus qui plaidait pour le maintien du statu quo colonial, qui ne pouvait penser l’humanisme que dans le cadre français d’Algérie. […] Le 1er novembre 1954, l’aile activiste du mouvement national allume la mèche de la guerre de libération nationale. Du côté français, la guerre va être menée sous le double signe de la répression et de la torture. Alors que les intellectuels parisiens se mobilisent contre une pratique avilissante, dégradante qui exhibe la barbarie française, Camus ne prend pas part à cette campagne contre la torture. Sollicité par Jérôme Lindon, patron des éditions de Minuit, pour signer un communiqué dénonçant la torture en compagnie d’André Malraux, de Roger Martin du Gard et de Jean-Paul Sartre, Camus refuse « par lettre » de s’associer à cette démarche.[…] Les camarades algériens de Camus n’exigeaient nullement de lui qu’il cessât d’être Français, comment l’eussent-ils pu ? On lui demandait, en demeurant français, d’appuyer un combat libérateur qui s’en prenait, non pas à la France ou aux Français, mais au colonialisme, ce qui est tout à fait différent. Autrement, comment comprendrait-on que des Français qu’aucun lien n’attache à l’Algérie, de croyances, de confessions différentes, d’engagements politiques différents, ont appuyé le combat libérateur des Algériens. Francis Jeanson, Henri Curiel, Chaulet, Henri Alleg, Maurice Audin sans compter tous ceux qui ont dénoncé la torture, comme Vidal-Naquet, Pierre-Henri Simon, Henri Teitgen, Henri Irénée Marrou, etc. La trajectoire de Jean Sénac ressemble à s’y méprendre à celle de Camus. Tous deux nés pauvres, tous deux européens d’Algérie, tous deux de mère femme de ménage, ils ont évolué différemment. Sénac est la meilleure preuve qu’un choix révolutionnaire en faveur de l’indépendance était tout à fait possible et même réel.Or, contrairement à Sénac, Camus tient en piètre estime le mouvement national algérien et ses leaders. Intoxiqué par la propagande officielle, il croit que le FLN est inféodé à l’Egypte et qu’il défend la cause panarabe et panislamique. Or Camus partage les clichés et les stéréotypes de la gauche mollétiste sur le nationalisme arabe et l’islam. Quoi qu’il en soit, toute la philosophie anti-totalitaire de Camus l’exposait à se méprendre sur le sens de l’insurrection algérienne. N’avait-il pas écrit : « Quand l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il fait un pas sur la terre de l’injustice ». Souscrire à ce genre de formule, c’est consentir à l’ordre colonial. Si les Algériens avaient fait leur la vision du monde de Camus, ils seraient encore sous le joug colonial qui a brisé des millions de vies humaines. L’humanisme dont Camus nous a rebattu les oreilles conduit à des tragédies aussi graves que les crimes staliniens. »

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Arezki METREF (journaliste et écrivain)1952, Sour el Ghozlane.

* 1993 : Ruptures, N° du 13 au 19 janvier 1993. Arezki Metref publie un article, en très bonne place, sous le titre : « Camus sera-t-il un jour algérien ? » avec un portrait dessiné par Dahmani. Le journaliste s’interroge sur cette algérianité justement et propose une modification de la déclaration de Stockholm, au style direct :« Parce que c’est conforme à ses idées, à ses idéaux d’homme de gauche, à ses sentiments de démiurge des révoltes qui portent la justice, Camus dit spontanément, naturellement : " J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner celle du système colonial qui ne s’est pas contenté de maintenir le peuple algérien dans une condition de sous-humanité livrée pieds et poings liés aux seigneurs de la terre, de la vigne, de l’alfa. Je dois le condamner parce qu’aujourd’hui, il jette dans la bataille une des plus grandes armées du monde pour défendre ses privilèges et maintenir une situation déjà condamnée par l’histoire. Je dois condamner la violence perpétrée par l’armée française, volant au secours du colonialisme, contre des civils innocents. J’aime ma mère et je crois à la justice. Mais s’il advenait que ma mère piétine la justice, je défendrai la justice".Cessons de rêver. Camus n’a pas dit cela ». Les positions de Camus face à l’indépendance de l’Algérie sont examinées. Il signifie son par rapport à la proposition d’Olivier Todd de séparer le politique du littéraire. Le constat final re-situe Camus comme écrivain algérien du temps de la colonisation, comme écrivain français d’Algérie : « L’Algérie de Camus n’est décidément pas la nôtre ! […] Nous continuerons à lire avec plaisir et un intérêt toujours renouvelé cet immense écrivain français qu’est Camus ».

- « L’Etranger », Chronique : Ici mieux que là-bas, 17 juillet 2005.

- 2006 : organisateur du colloque, « L’Autre Camus » au siège de l’ACB) dans le 20ème

arrondissement, à Paris, publié dans Actualités et culture berbères, N°52-53, Automne-Hiver 2006, pp.16 à 45. Son article : « Contre-leçons de Camus ». Dans l’argumentaire et l’introduction à ce colloque dont il a été l’initiateur, A. Metref précise ce qu’il entend par l'algérianité de Camus, en opposition aux « gardiens du temple » qui empêchent qu'on organise des hommages. Si on interroge l'algérianité de Camus dans le sens de l'indépendance et la construction d'une nation algérienne à laquelle il ne croyait pas, il l'a dit à satiété, on prend des distances avec l’application de cette notion à cet écrivain-là. Camus n'était pas Sartre qui s'est engagé en faveur de l'Algérie indépendante mais il n'était pas non plus un OAS qu'il faut bannir. On ne peut non plus faire de lui un parangon de la liberté alors qu'il a méconnu, quelles que soient les raisons et elles sont toutes en soi respectables, celle des Algériens colonisés.Surtout, Camus est un écrivain et le rapport à l’Algérie, dans son œuvre, est subtil : dépassera-t-on, un jour cette polémique sur la justice et sa mère, qui a laissé des traces profondes, pour aller à l'essentiel, la construction d'une esthétique littéraire algérienne dans laquelle il occupe une grande place. Dépasser cela n'est pas du ressort d'une simple volonté mais un processus qui exige qu'on passe par l'interrogation et le doute.

- « Sisyphe dialna », dans Chronique : Ici mieux que là-bas, 23 décembre 2007 :« Dans la mythologie grecque, Sisyphe est ce roi civilisateur de Corinthe. Malgré lui, il est un jour le témoin d’une scène aux conséquences qui allaient s’avérer tragiques. Lorsqu’il surprend un immense aigle enlevant une jeune fille, il n’aurait pas aimé reconnaître Zeus en lui. Contre l’eau destinée à la citadelle de Corinthe, Sisyphe révèle à Asopos, le père d’Egine,

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l’identité du ravisseur de sa fille. Furieux, Zeus entend châtier le délateur. Il le condamne à pousser un rocher vers le sommet de la montagne.Le rocher dégringole entraînant Sisyphe dans sa chute. Sisyphe n’a d’autre choix que de remonter le rocher dans un perpétuel recommencement. Ce mouvement répétitif, et vain, «un travail inutile et sans espoir» (Camus) a évidemment quelque chose d’absurde. Albert Camus y a assis ce qu’il qualifie de «sensibilité absurde» plutôt que de «philosophie absurde». Le mythe de Sisyphe (1942), l’ouvrage fondateur par lequel Camus entre dans ce monde partagé par Kafka, précise que dans la sensibilité qu’il décrit, il n’y a ni métaphysique ni croyance. Dans cette sensibilité absurde envisagée par Camus non pas comme conclusion mais comme point de départ à partir de Sisyphe, on ne se délecte pas seulement à broyer du noir. L’absurde camusien a quelque chose de dialectique puisque «à chacun de ces instants, où il (Sisyphe) quitte les sommets et s’enfonce vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher.» Il est un usage plus prosaïque, peut-être plus absurde encore, de la figure suppliciée de Sisyphe. Celui qu’en a fait l’écrivain turc Aziz Nesin. Qui est ce dernier ? Eh bien, c’est un écrivain satirique connu pour son talent, pour ses fréquents séjours en prison, pour son franc-parler laïc qui lui a valu une mésaventure absurde, si tant est qu’on puisse qualifier ainsi le crime noué autour de lui. Accusé d’avoir tenu des propos blasphématoires à l’égard de l’islam, il descend le 2 juillet 1993 dans un hôtel de Sivas, une ville de l’est de la Turquie. Des manifestants intégristes remontés comme un coucou, l’écume aux lèvres, mettent le feu à l’hôtel où est censé séjourner le mécréant aux fins de le faire rôtir en enfer de son vivant. Il échappe miraculeusement à la mort. Ce miracle, tout le monde ne l’a hélas pas rencontré. Quarante personnes périssent dans l’incendie criminel. Soixante autres sont blessées. N’est-ce pas de l’absurde militant, ça ? Mais que vient faire Sisyphe là-dedans ? Dans une nouvelle intitulée «Sisyphe à huit pattes», Aziz Nesin, qui a été lui-même, à l’instar de Camus, chroniqueur pour un journal, raconte l’histoire pas mal absurde de cet écrivain vivant des articles qu’il donne à une publication. Il lui arrive ce qui arrive fréquemment : une panne de sujet. En dépit du foisonnement de l’actualité, l’écrivain asséché ne trouve pas une piètre idée pour y bâtir un propos personnel, ce qui est la loi du genre. Et, pour dénicher l’idée récalcitrante, il fait ce qu’on fait en la circonstance, c’est-à-dire rien ! On se regarde dans une glace vérolée ; on ouvre un livre ; on relit pour la énième fois le même article du même journal ; on allume puis éteint la radio ; on prend une orange et on renonce à l’éplucher : on regarde la mer par la fenêtre quand il y a la mer et la fenêtre ; on marche dans l’appartement sans but. Le narrateur d’Aziz Nesin, lui, décide de prendre une douche. Il entre dans la salle de bains. Et que voit-il ? L’absurdité de l’existence résumée dans les efforts sisyphéens d’une araignée qui essaye de grimper vers le haut de la baignoire. Comme elle ne parvient pas avec ses huit pattes à adhérer aux parois trop lisses, elle grimpe jusqu’en haut et, l’instant d’après, dégringole de nouveau vers la cuvette. N’est-ce pas exactement Sisyphe ? L’écrivain d’Aziz Nesin trouve dans ce retour fatal au point de départ l’idée qui le sortira du pétrin. Quelle importance cela peut-il avoir que cette idée originale soit, en fin de compte, aussi vieille que le monde. L’article paraît, comme d’habitude. Mais la semaine suivante, ne voilà-t-il pas notre homme à la recherche d’une nouvelle idée. Sisyphe n’est en soi ni fécond ni stérile. Il est seulement ce qu’on veut en faire. A l’issue de son essai finalement très peu désespéré, contrairement à ce qu’on aurait redouté, Camus tire une conclusion pleine d’espoir : «A cet instant subtil où l’homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d’actions sans lieu qui devient son destin, créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. Ainsi, persuadé de l’origine tout humaine de tout ce qui est humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n’a pas de fin, il est toujours en marche». En marche ! Mais qu’avons-nous donc à voir, nous, et maintenant, avec Sisyphe ? C’est la même histoire qui revient, avec ou sans rocher, avec ou sans baignoire.

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-« Les patries d’Albert Camus », Le Nouvel Observateur, 17 janvier 2010.

-18 mars 2010 : Entretien avec C. Chaulet Achour sous le pseudonyme de Bachir Agour : « Christiane Achour au Soir d’Algérie : "Il n’y avait pas beaucoup de camusiens en Algérie ou alors ils se taisaient"». Voir : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/03/18/article.php?sid=97275&cid=31 [Les questions : - Camus revient. Quelles en sont les raisons ? - Le nœud, c’est bien entendu l’Algérie. Quelle est la place de celle-ci dans son œuvre et même quelle Algérie l’a marquée ? - Les différents Camus (écrivain, journaliste, philosophe) sont-ils différents les uns des autres dans leur attitude politique vis-à-vis de l’Algérie ? - Parlons de l’écrivain. Sa filiation première serait-elle l’école d’Alger ou Louis Bertrand ? - Quelle explication proposeriez-vous du fait que L’Etranger est un des romans les plus vendus dans le monde encore aujourd’hui ? - Pensez-vous qu’il faut cesser de parler de ses positions ambiguës pendant la guerre pour ne retenir de lui que l’écrivain lumineux ? - Vous avez consacré à Camus un certain nombre d’écrits. Dans l’un d’entre eux, vous releviez les attaques contre sa modération en faveur de la liberté des Algériens provenant d’écrivains algériens eux-mêmes. N’observe-t-on pas un inversement depuis les années 1990 et l’exil d’une grande partie de l’intelligentsia algérienne qui découvre que Camus, fustigé à partir de l’Algérie, est un modèle de lucidité politique vu de France ?]

- « Séquences avec Henri Alleg », rubrique "Ici mieux que là-bas" du Soir d'Algérie du 21 juillet 2013, A. Metref évoque ses rencontres avec lui et en particulier, celle de novembre 2005, à l'occasion du colloque sur "L'Autre Camus". Il rapporte comment Alleg « démonta la mécanique du discours de Camus sur l'Algérie » à un moment où, écrit-il, « on dressait à Camus une statue de quasi anticolonialiste », et il ajoute : « H. Alleg reconnut à Camus sa stature de grand écrivain mais il ne voulait pas laisser dans l'équivoque dont on les drape aujourd'hui les positions de Camus sur la colonisation et surtout sur l'indépendance de l'Algérie. »

-Août 2013, Festival « Un livre à la mer » : Collioure. Plusieurs débats sur Camus.

-« Camus au partage des eaux », Le Soir d’Algérie, 6 octobre 2013. Article qui tente de faire la part des choses entre la célébration inconditionnelle et le rejet total : « Le drame de Camus, marqué par son enfance pauvre à Belcourt dans l'Alger coloniale, c’est qu’il appartenait aux colonisateurs par l’origine et aux colonisés par la condition sociale ».

Rachid MIMOUNI (écrivain)1945, Boudouaou. Décédé en 1995 à Paris.

-L’épigraphe du roman de 1991, Une peine à vivre (Stock) est un passage de « Pensée de midi » dans L’Homme révolté : « Nous portons tous en nous nos bagnes, nos crimes et nos ravages. Mais notre tâche n’est pas de les déchaîner à travers le monde. Elle est de les combattre en nous-mêmes et dans les autres ». Martine Mathieu-Job, déjà très sensible au ton camusien de l’écriture de R. Mimouni, en fait le point visible pour mener une étude d’intertextualité autour de la notion d’écriture « allégorique » à « élasticité du référent historique » (cf. « D’Albert Camus à Rachid Mimouni : les enjeux d’une écriture allégorique », pp. 353-368 dans Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Arras, Artois Presses Université, 2003, 380 p. (Actes colloque international de novembre 2001).

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-« Camus et l’Algérie intégriste », Le Nouvel Observateur, 9-15 juin 1994.Dans le contexte tragique de l’Algérie des années 90, R. Mimouni, amer face au terrorisme sévissant, en vient à évoquer Camus dont on sait qu’il redoutait le destin d’une Algérie aux couleurs d’un empire arabo-musulman. Il essaye de deviner l’attitude de Camus qui serait celle « de douleur et de dépit » devant « les assassinats accomplis sous le soleil ». Rappelle le « lien charnel (qui) l’attachait à l’Algérie ». Aussi di-t-il, on a «  le tort d’exiger de lui qu’il s’impliquât dans un débat qui ne constituait pas sa principale préoccupation. » Quant aux « doutes » qui auraient amené Camus à « se tromper », ils n’effacent en rien sa probité parce qu’il « s’était acharné à promouvoir un humanisme. » Le portrait de Camus ainsi posé, on en vient à la raison de cet article : «  S’il nous était possible de le convoquer aujourd’hui pour l’interroger sur l’Algérie […] je devine ce qu’aurait fait Camus : il aurait allumé une cigarette avant de sortir de son bureau, il aurait longuement marché le long des rues, il aurait bu une bière au premier bar rencontré, il aurait longtemps humé l’air du temps, souri aux belles dames qu’il croisait. Et puis il nous aurait adressé un grand bras d’honneur.»La scène ainsi imaginée est l’amer et triste aveu de reconnaissance du bien-fondé des réticences de Camus envers l’indépendance de l’Algérie.

Bouba MOHAMMEDI-TABTI (universitaire)1943, Bou-Saâda

-Participation au séminaire pluridisciplinaire de la Faculté de droit d’Alger : analyse d’Actuelles (années 70).

-Enseignement de La Peste en licence à la Faculté des lettres d’Alger.

-« Humanisme et colonialisme : Forster, Zenati, Debêche, Camus » (en collaboration avec C. Achour et F. Majdoub) in Réflexion sur la culture en Algérie, Actes des journées d’études du département de Français, OPU, Alger, 1984.

-« L’héritage camusien », compte-rendu de l’ouvrage sur Camus de C. Chaulet Achour de 1998, Algérie Littérature/Action, novembre 1998.

-« Bonheur… » in dossier « Réception camusienne, » Algérie Littérature/Action no 29-30, mars-avril 1999, p. 234.-Espace algérien et réalisme romanesque des années 80, thèse de doctorat, Alger, 2001 (voir dans III, 2,1 : « Écritures d’aujourd’hui », ce qui traite de Maïssa Bey.)

-« Albert Camus, Mouloud Mammeri et Maïssa Bey », pp. 311-328, in Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Arras, Artois Presses Université, 2003, 380 p. (Actes colloque international de novembre 2001).

-Maïssa Bey, l’écriture des silences, éd. du Tell, Blida, collection « Auteurs d’hier et d’aujourd’hui », 2006 (voir le rapport de l’auteure à Camus).

-Table ronde Angoulême sur Camus avec Afifa Bererhi, et M.I. Abdoun en 2003, « L’Année de l’Algérie en France ».

-« L’Envers et l’endroit, une écriture orpheline » in Albert Camus et les lettres algériennes : L’espace de l’inter-discours, pp 35-44, Actes du colloque international de l’Université d’Alger, (2006). Imprimerie Mauguin, Blida, 2007.

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Hamid NACER-KHODJA (universitaire)1953, Lakhdaria

- Albert Camus – Jean Sénac ou le fils rebelle, Paris-Méditerranée, EDIF 2000, 2004, 183 p.

- « En Algérie, cinquante ans après l’indépendance Albert Camus toujours », Chroniques camusiennes, Bulletin de liaison de la Société d’Etudes camusiennes, n°6, mai 2012, pp. 8-10.

-« Camus au regard de la presse algérienne » (1), pp.12-13, Chroniques camusiennes, Orléans, n° 9, mai 2013.

Animation débats et collectifs de revues autour d’amis et de contemporains de Camus où le nom de Camus revient fréquemment : de Maisonseul, Bénisti, Roblès, Feraoun, Kateb. Citons :- Algérie Littérature / Action, Paris, n° 39-40, mars-avril 2000, « Hommage à Jean de Maisonseul », pp. 85-137.

- Algérie Littérature / Action, Paris, n° 67-68, janvier-février 2003, numéro spécial « Louis Bénisti ».

- « Sénac, Camus, Roy, Audisio, jusqu’où la fraternité », pp. 257-278, dans La Méditerranée, de Audisio à Roy (sous la direction de Guy Dugas), Houilles, Editions Manucius, 2008. 

-L’IvrEscQ, Alger, n° 16, mars-avril 2012, « Spécial Mouloud Feraoun ».

-L’IvrEscQ, n° 24, avril 2013, « 2012-2013 : cinquantenaire de l’indépendance et Centenaire d’Albert Camus », pp. 30-34.  Karima OUADIA (universitaire)

-L’inhumain dans le théâtre d’Albert Camus, Paris, éd. Le Manuscrit, collection Littérature, 2005.

-« La conscience politique dans le théâtre d’Albert Camus », Bulletin de la Société des études camusiennes, n°77, janvier 2006, pp. 28-33.

- Albert Camus, adaptateur de théâtre, Paris, Le manuscrit, 2006.

Boualem SANSAL (écrivain)1949 à Theniet El Had

-« La vérité est dans nos amours perdues », Europe, n°spécial Algérie, novembre 2003. Reprise dans l’anthologie, Actes du colloque : Albert Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’inter-discours (Tipasa, 2006) Université d’Alger. Imprimerie Mauguin, Blida, 2007, pp. 235-241.

-2009 : Préface de la BD de Jacques Ferrandez qui a choisi de dessiner et de mettre en scène la nouvelle de Camus qui exprime le mieux sa position dans le conflit algérien, « L’Hôte ». Cette création-dialogue est introduite par une préface de Boualem Sansal qui entretient avec

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Camus un dialogue constant et feutré. Son souhait : qu’on puisse lire Camus en dehors de la guerre d’Algérie et pour cela « prendre de la hauteur ». Mais il glisse néanmoins, une appréciation comme une évidence indiscutable : « C’est parce qu’il avait pris quelque distance avec la question algérienne que Camus l’a comprise mieux que quiconque. » (Jacques Ferrandez, L’Hôte d’après l’œuvre d’Albert Camus, Gallimard jeunesse, collection Fétiche (adaptation graphique), 2009. Préface de Boualem Sansal).

-B. Sansal dans Sarah Diffalah, « Camus, l'Algérien ou l'étranger », Le Nouvel Observateur, 5 janvier 2010. Dès l’abord, il souligne l'amour "charnel" de Camus pour l'Algérie ; Camus dont la lecture lui fait voir, dit-il, dans une phrase lourde de sous-entendus, « une autre Algérie, belle, qui parle à la chair et au corps, qui parle à l'humain. » Quant à sa discrétion sur le peuple algérien, il l'explique par un sentiment de culpabilité et fait le rapprochement avec sa situation à lui qui, vivant en Algérie, « a les mêmes réticences à prendre la parole en public. Sans doute par peur de heurter les sensibilités » ajoute-t-il, ce qui ne manque pas de frapper pour un auteur  au goût prononcé pour la provocation. Quant au procès qu'on fait à Camus sur la fameuse phrase, c'est, dit-il, un mauvais procès et il note une évolution sur ce point après des années de terrorisme : « Les Algériens se sont mis à la place de Camus qui avait peur que sa mère ne se fasse emporter par une bombe ». Il pense que « la société civile découvre Camus grâce, notamment à des écrivains comme Yasmina Khadra et Maissa Bey qui en font l'éloge », ce qui peut laisser rêveur quand on pense qu'il est l'un des écrivains français les plus commentés en Algérie.Il souligne que les choses bougent et que bientôt Camus fera partie des programmes scolaires, affirmant, un peu vaguement que « l'Algérien commence à ressentir le besoin de rejeter les idéologies, de reprendre (sa) vie en main et de retrouver (sa) dignité ». Et il ajoute, sans expliquer le rapprochement : « Comme Camus », pour lequel il redit sa fascination. - Au Centre Albert Camus d'Aix-en-Provence : le 10 avril 2010, inauguration de l’exposition «L’Hôte» en compagnie de Jacques Ferrandez, auteur de la bande dessinée ; table ronde autour de la nouvelle de Camus et de son adaptation en bande dessinée : débat avec l’auteur, Boualem Sansal, qui a écrit la préface, et Maïssa Bey.

-« Mezghenna ou le Premier homme ». Présence d’Albert Camus, N°2, 2011, pp. 66-72

-Rue Darwin, Gallimard, 2011Dans ce beau livre, B. Sansal raconte une douloureuse quête d'identité dans l'Algérie de la guerre d'indépendance à nos jours. Yazid représente sans doute tous les Algériens aux prises avec une histoire dans laquelle ils ne savent plus bien qui ils sont, mais qui parviennent pourtant à se réconcilier avec leur(s) mère(s).Camus y est directement mentionné : « Ici, tout commence par la fin, dans l'effroi et le grouillement de la misère. Vivre n'est que porter le deuil de soi. "Vivre, c'est ne pas se résigner", avait dit cet autre enfant de Belcourt, un certain Camus, Albert, un ressortissant de la rue de Lyon, le fils de la vieille Catherine, la voisine du quartier. Lui aussi était venu d'un pays lointain, un lieu sans passé ni avenir, Mondovi sur la carte, le bout du monde, et de même, un jour, il est parti vers un autre, nous laissant la terrible nouvelle d'un monde radicalement absurde. Je dirais que c'est du pareil au même, se résigner, ne pas se résigner ne change rien à l'affaire, chez les pauvres, la vie se passe de leur avis. Et pauvres nous l'étions plus que d'autres. » (p. 45)

-« Sur les traces de Camus - Retour à Belcourt » Témoignage : Le Magazine littéraire, Hors-série, janvier-février 2010, « Albert Camus, une pensée au zénith », pp. 87-88.

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-Dans une longue interview, publiée par FreeAlgérie en janvier 2012 sous le titre « Sansal ou la tragédie camusienne de L'Étranger », l'écrivain, après avoir commenté les violentes critiques qu'a essuyées en Algérie son précédent roman, Le Village de l'Allemand, revient sur son roman Rue Darwin et sur le lien que celui-ci entretient avec L'Étranger : à partir de la mort de leur mère, Yazid et Meursault sont tous deux en quête de Vérité. Il élargit ensuite son propos, en une méditation sur le rapport de Camus à son pays. http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/237-sansal-ou-la-tragedie-camusienne-de-letranger.html

-« Entre deux feux », interview de B. Sansal par Martin Legros, dans Philosophie Magazine, Hors série, avril-mai 2013, 160 p., pp. 52-54.

Jean SENAC (écrivain)1926, Beni-Saf. Assassiné à Alger en août 1973

-1947 : Sénac a 20 ans et est en soins au Sanatorium de Rivet pour soigner sa pleurésie. Il écrit à Camus, le 16 juin 1947  (Cf. Jean Sénac – Pour une terre possible… Poèmes et autres textes inédits, Paris, Marsa éditions, avril 1999). Camus a répondu, chaleureusement et longuement, dès le 24 juin : la lettre est publiée aux pp.125 et 126 de J-P. Peroncel-Hugoz , Assassinat d’un poète, suivi d’un inédit de Jean Sénac, Marseille, Ed. du quai, Jeanne Laffitte, 1983. :« Après avoir lu L’Etranger, relu Le Mythe de Sisyphe, aimé passionnément Noces – ah pour ce petit livre, merci Camus ! – je voulais vous écrire. Je n’ai pas su, pas osé. Que raconter à Camus ? Lui dire mon admiration pour son œuvre ? La joie que j’ai eu à la sentir progresser en moi ? Les vibrations d’un cœur, d’une âme jeune, assoiffée, hésitante, anxieuse ? […] Mon désir crève ! Me voici. C’est tout. Fréminville vous a peut-être transmis un poème « Santa Cruz » que je vous dédicaçais. Il est jailli de source. Le reste importe peu.J’ai aimé les poèmes de Blanche Balain. Réalités, affinités, rythmes ?[…] Paris, la littérature, la vie vous accaparent certes, une minute au petit poète d’Oran, aujourd’hui en sana.Je dois vous dire dès maintenant, je suis chrétien, anarchiste chrétien a dit Roblès. « Lui et moi des affinités ? impossible ! » Ne criez donc pas. C’est possible. A côté de la Bible – qu’il m’arrive de parcourir – j’ai dans mon placard les « Lettres » de Rilke et vos « Noces ». Je ne sais pas ce que je veux, ça aussi c’est possible. Mais j’ai vingt ans et j’aime et dans l’isolement du sana, je veux sourire et rire et vivre en potentiel de joie fragile. Les trois livres cités m’y aident […]J’apprends par les journaux votre supplément de gloire : Prix des Critiques. Bravo. Nous d’Algérie en sommes fiers. […]J’espère vous lire. Mon isolement sera moindre. Voici ma photo : sur mon lit de sana et lisant Noces. Du préparé. Non ! A cette époque je ne pensais pas vous écrire […] Vous envoyer cette photo pourquoi ? Le sais-je ? Je suis gosse. Et je me dis : il me lira peut-être. Il regardera peut-être cette photo avant de tout jeter au panier. Peut-être sera-t-il content de ce peu de soleil et de ferveur qui lui vient d’Afrique, de chez nous ? »

-« Un grand écrivain français natif d’Oranie : Albert Camus », Paris, Casablanca, n°208, 8 août 1947.

-« Albert Camus », Oran Républicain, 30 septembre 1947.

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-« Un poète de la joie de vivre : Albert Camus », Radio-Alger, lundi 24 octobre 1949. Emission transcrite dans Hamid Nacer-Khodja, Albert Camus, Jean Sénac ou le fils rebelle (Paris, Méditerranée, Edif 2000, 2004), pp. 167-169.

-« Albert Camus et Jean Sénac, Correspondance 1947-1958 », dans Hamid Nacer-Khodja, Albert Camus, Jean Sénac ou le fils rebelle, op. cit., pp. 123-166.

-Table ronde sur L’Eté d’Albert Camus, entretien animé par Jean Sénac, avec Edmond Brua, El Boudali Safir et Sauveur Galliéro, Radio-Alger, le mercredi 14 avril 1954, dans Hamid Nacer-Khodja, Albert Camus, Jean Sénac ou le fils rebelle, émission transcrite, op. cit., pp. 170-175.

- 1959 : un texte resté inconnu jusqu’en 1999, celui que Jean Sénac écrit : « Notes sur L’Etranger d’Albert Camus » (pp. 216-225, Pour une terre possible…, Marsa éditions, 1999), vraisemblablement de 1959. Ces notes sont écrites alors que la rupture avec l’aîné tant admiré est consommée. Il n’en continue pas moins à le lire et le fait à la lumière de l’algérianité du roman et sous l’éclairage de l’engagement politique qui est le sien. Sénac souligne qu’il est temps de donner un éclairage socio-historique au roman : « Meursault, c’est le mythe de l’Européen d’Algérie, étranger dans sa terre natale et vivant en toute innocence un terrible malentendu. » L’analyse donnée suit l’hypothèse de lecture envisagée avec une connaissance du contexte et du milieu intellectuel qui est celle de Sénac. A propos du nom du personnage : « Et pour ma part, s’il faut interpréter son nom, j’y verrais (avec ce u que Camus a rajouté ensuite) plutôt que Mer et Soleil de Roblès, Mort et Soleil qui donnent à ce "Dieu de l’été" sa véritable dimension. »Sénac tisse des liens entre le roman et les textes écrits antérieurement et avance pas à pas dans son analyse avec beaucoup d’intelligence. Il aboutit à cette première conclusion qui n’était pas fréquente en 1959 et même après… :« Au fond, Meursault n’a pas plus de remords que le cow-boy qui abat un indien. A ce niveau socio-historique, son comportement s’explique parfaitement et son "innocence" n’est pas plus "monstrueuse" que celle d’un pionnier du Far West. Dans un sens, L’Etranger est un Western immobile. Sans insister là-dessus, je crois qu’une mise en scène pourrait donner à cet "étranger" tout son climat d’époque et le situer justement en constituant autour de lui non seulement son paysage géographique, éblouissant de soleil et de mer, bleu et jaune, avec en contrepoint les ombres de Belcourt, non seulement son paysage " pied-noir", généreux et chaleureux, mais cet autre paysage réel, celui de tout un peuple, absent-présent partout actif par le regard mais silencieux. »Sénac veut comprendre, veut expliquer et il retourne à Noces pour conclure, en fonction de son choix, de sa propre conviction, celle d’avoir trouvé les siens et sa terre et en ayant compris la légitimité de la revendication des Algériens : « Pourtant nous savons bien, nous ici, après tant de misère et de sang répandu, qu’il existe, ce "royaume étrange" plus fort que notre exil, ce "secret" que Camus connaissait mais dont il ne voulait pas, afin de ne pas se "séparer des siens" ».Il éprouve néanmoins le besoin de revenir au roman dans des « notes complémentaires » cette fois, car il conserve une insatisfaction de lecture. Isolant les deux motifs de la mer et du soleil, il pousse plus avant une lecture symbolique très pertinente.

-1989, Ebauche du père, œuvre posthume (manuscrit 1959-1962), Gallimard. Page écrite à la mort de Camus : « (A deux heures cet après-midi, Camus est mort. Tué dans un accident d’auto.)

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Comme il y a l’impossible amour, ce fut l’impossible amitié. Il confiait un jour à Glaser : « Avec Sénac, je fais le complexe du père », et il m’appelait « Hijo ! » Oui un Père terrible. Ce soir, à ses côtés, je refais cette longue promenade qu’il improvisa le premier matin de mon arrivée à Paris : par lui, je découvris les quais de la Seine, comme j’avais découvert Tipasa. Et par lui je crie à nouveau : « O Père, pourquoi m’ouvrir les yeux, si c’est pour ne me montrer que les ruines romaines et les malentendus ? » O tristesse… Nous ne nous parlions plus. Dans une de mes dernières lettres, au moment de l’exécution de l’étudiant Taleb, je lui lançais cette injure «  N’êtes-vous plus désormais pour nous que le Prix Nobel de la pacification ? » (Nous avions tellement mal ce 29 avril 58).Ici, seulement, pour une fois, le dur silence de notre amour ! Homme de contradictions ! Tout un livre pour ta gloire et pour ton reniement. Mais aujourd’hui, je redeviens, comme tu m’appelais, « Scipion résolu » : « Je ne suis pas avec lui, Cherea, mais je ne peux être contre lui. Une même flamme nous brûle le cœur. » Père ennemi, Frère possible…Il me semble que cette mort me rend libre. Libre de quoi ? Ce n’est pas le glas : dans le matin de Tipasa une rumeur monte – comme une cité (non pas les ruines…).Déjà les voisines crient. Je me lève. Du fond de l’enfance une voix : « Tu devrais avoir honte » (et n’est-ce pas celle d’Alleg ?). J’ouvre ma lucarne. Le soleil ! » (pp. 72-73).

Ahmed TALEB (militant et ancien ministre)1932, Sétif

Lettres de prison, 1957-1961, Alger, SNED, 1966. « Lettre ouverte à Albert Camus », pp. 67-83, prison de Fresnes, 26 août 1959. (Nouvelle édition, en juin 2001).

Dans une lettre à son frère, du 10 juin 1959, de la prison de Fresnes, Ahmed Taleb part d’une réflexion sur le panthéon intime de chacun et donne le sien : « Mounier et Camus (du côté français) » : « Mais je ne tardai pas, la mort dans l’âme à en éliminer Camus… Tu te souviens pourtant avec quelle admiration je te parlais d’Actuelles I.Je suis à nouveau plongé dans l’œuvre de Camus car j’ai l’intention d’écrire une étude qui n’aura pas la prétention de dégonfler le mythe ou de déboulonner la statue mais qui se voudra le point de vue d’un militant algérien sur l’attitude de Camus. J’ai eu l’occasion de le rencontrer à deux reprises (en 1955 ou 56) : dans les locaux de L’Express avec quelques camarades de l’UGEMA et à son bureau chez Gallimard. J’en garde le souvenir d’un homme attaché certes à la terre algérienne mais qui n’a rien compris au peuple algérien. Son "algérianité" est restée au même niveau que celle de L’Ecole nord-africaine.Cette étude, je voudrais l’intituler "Camus l’infidèle", mettant en épigraphe cette phrase de son maître Jean Grenier (Rien de grand sans fidélité c’est-à-dire sans une foi qui dure) car l’histoire de Camus, à mon sens, est une suite de reniements, une véritable "chute". Il a crié sur tous les toits son amour de l’Algérie et le jour où cette Algérie a eu tant besoin de lui, il a préféré le silence, l’absence et la prudence. […] Quelle forme prendra cette étude ? Je n’en sais rien. Si j’en suis satisfait, je la confierais aux Temps Modernes. Sinon, je l’enverrais sous forme de "Lettre ouverte à Albert Camus". »C’est pour cette seconde forme qu’opte Ahmed Taleb. Cette lettre est datée du 26 août 1959, presque trois mois plus tard. Donnons-en des extraits puisqu’elle est très longue. Les notes de références sont nombreuses, ce n’est pas un billet d’humeur, c’est bien l’analyse d’un militant algérien au moment de la résistance au colonialisme français. Si tout texte doit être contextualisé, celui-ci ne déroge pas à la règle.Ahmed Taleb commence par rappeler le mouvement de l’opinion française contre la torture, après la sortie du témoignage d’Henri Alleg, La Question. Mais dans ce concert de voix prestigieuses, il n’y eut pas la voix de Camus. Taleb évoque alors l’admiration que lui et ses

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camarades portaient à l’écrivain dans leur jeunesse, insistait sur l’importance qu’avait eue le Camus journaliste dans la naissance de ce sentiment. La série d'articles sur la Kabylie en 1939 expliquait l’adhésion que le reportage de mai 45 dans Combat avait pérennisée : « Si vous n'étiez pas certes notre maître à penser du moins représentiez-vous notre modèle d'écriture. La beauté de la langue nous émouvait d'autant plus que nous vous considérions comme l'un des nôtres. Nous étions, de surcroît, fiers que ce fils de l'Algérie eût atteint, solitaire, le rocher du succès. Pour la première fois, nous disions-nous, un écrivain algérien non musulman prend conscience que son pays, ce n’est pas seulement la lumière éclatante, la magie des couleurs, le mirage du désert, le mystère des kasbah, la féerie des souks, bref tout ce qui a donné naissance à cette littérature exotique que nous exécrions – mais que l’Algérie, c’est aussi et avant tout une communauté d’hommes capables de sentir, de penser et d’agir. Nous nous répétions votre profession de foi : « Je puis bien dire au moins qu’elle (l’Algérie) est ma vraie patrie et qu’en n’importe quel lieu du monde, je reconnais ses fils et mes frères à ce rire d’amitié qui me prend devant eux. Oui, ce que j’aime dans les villes algériennes ne se sépare pas des hommes qui les peuplent » (L’Eté)Déjà, bien avant cette date, vous vous étiez efforcé de comprendre l’homme au lieu de vous contenter de contempler la nature. […] Nous, opprimés, fils d’opprimés, étions donc en droit de penser que le jour où nous prendrions les armes pour restaurer la liberté de notre pays et y instaurer la justice, Camus (ce chantre de la justice et de la liberté) ne pourrait pas ne pas témoigner en notre faveur. Au reste, ne nous aviez-vous pas en quelque sorte donné d’avance raison quand vous écriviez : « Je ne pense pas qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction. Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. » (Actuelles I)Nous étions persuadés que votre témoignage contribuerait non seulement à rapprocher Européens et Musulmans d’Algérie mais aussi à créer un vaste mouvement d’opinion en France pour le règlement de l’ensemble du problème colonial. […] Camus l’Algérien ! Dans cette connexion qui ne sonnait faux ni à nos oreilles ni dans nos cœurs, nous ne décelions aucune antinomie. Tel que nous vous imaginions, vous ne pouviez demeurer insensible aux espérances et aux souffrances de l’Algérie. »Le ton d'Ahmed Taleb se fait de plus en plus incisif, à la mesure de sa déception du non-engagement de l'écrivain aux côtés de ses « frères », concrétisé par la fameuse phrase de Stockholm et par les articles sur l’Algérie dans L’Express : « Ainsi, l’ambiguïté dramatique dans laquelle vous sembliez vivre avant 1954, votre gesticulation déchirée et déchirante entre l’Algérie et la France, tout cela n’était que mystification. La Révolution vous contraint à dissiper l’équivoque, à lever le masque et à livrer votre véritable visage qui est celui d’un Français d’Algérie obéissant plus au réflexe qu’à la réflexion et dont la réaction est au fond de peur. On dirait que vous voulez prouver votre non-appartenance à ces intellectuels, fustigés par Soustelle qui « fiers de leur cerveau, ne pensent pas assez à leur crâne ». […] Fidèle à une optique anachronique, vous continuez de distinguer "Arabes" et "Français" […] Cette indépendance signifierait enfin, selon vous, "l’éviction de 1. 200. 000 européens" ». Pourquoi ne citez-vous jamais un texte de l’adversaire vous qui vous targuez "d’indépendance intellectuelle" ? » A la suite de cette question, Taleb cite un passage de la plate-forme du FLN.C’est bien le procès du citoyen et de ses positions qui est argumenté, en pleine lutte de libération nationale, émis par un militant dont la voix est prépondérante dans l’Union des étudiants musulmans algériens alors mais dont la portée reste modeste. Après l’indépendance, alors qu’il est Ministre de l’Education Nationale, Ahmed Taleb revient à la charge, dès 1963, lors d’une conférence sur Camus à la salle Ibn Khaldoun qui donnera aux termes mêmes de sa condamnation un poids idéologique et institutionnel que n’avait pas eu

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la « Lettre ouverte », verrouillant en quelque sorte les lectures de l’œuvre de Camus, à un moment où, il faut bien le dire, les Algériens avaient d’autres préoccupations. Elle reste un document important à lire dans son intégralité.

Alek Baylee TOUMI (universitaire et écrivain)1955, Aïn-Bessem, Bouira 

- Le parcours d’une pièce : en 2001, Alek Baylee Toumi, écrit une pièce sur Camus qui a été présentée à différentes occasions : Entre la mère et l’injustice ou Daru l’Algerian(iste). Elle est sans conteste un hommage à l’écrivain et un désir de le réhabiliter. La création reprend les grandes lignes de la nouvelle « L’Hôte » en identifiant Daru et Camus et en mettant dans la bouche du personnage de nombreux extraits des articles de Camus qu’on peut trouver dans Chroniques Algériennes. « Camus, l’algérian(iste). Genèse d’Entre la mère et l’injustice », 2003- Rencontres Méditerranéennes Albert Camus, Albert Camus et les écrivains algériens, quelles traces ?, en coordination avec J-C. Xuereb et A. Fosty, Edisud, Les Ecritures du Sud, 2004, pp. 81-91. Elle a été éditée au Canada avec une préface de Christiane Chaulet Achour : Albert Camus: Entre la mère et l’injustice (nouvelle édition), Montréal, éditions  du Marais, 2012 :Dans la nouvelle « L’Hôte » de L’Exil et le royaume d’Albert Camus, le gendarme Balducci emmène un prisonnier sans nom, nommé l’Arabe, chez l’instituteur Daru et lui demande de l’amener au poste de gendarmerie le plus proche. Le lendemain, plutôt que de le livrer à la justice, Daru donne des vivres et de l’argent à son « hôte » et le laisse entre la piste des nomades et la route du village Tinguit. La nouvelle se termine avec l’Arabe qui, resté seul, choisit d'aller en prison. Albert Camus -Entre la mère et l’injustice imagine ce qui se passe après : le procès de l’Arabe, le procès de Daru, et aussi, le procès de l’auteur de L’Étranger. Cette pièce voudrait être un modeste plaidoyer pour la tolérance, pour la liberté et la justice, pour la réhabilitation de Camus en Algérie. http://www.editionsdumarais.ca/ouvrage.php?id=52(La traduction anglaise de cette pièce, Albert Camus: Between my Mother and Injustice (2013), a été soumise aux éditions du Marais).

-Des extraits d’une seconde pièce figurent sous le titre « Albert Camus : Exils d’Alger ». Anthologie de Christiane Achour, Actes du colloque Albert Camus et les lettres algériennes (Tipasa, 2006), Université d’Alger. Imprimerie Mauguin, Blida 2007.

-Une troisième pièce, AmeriCamus, sollicitant le voyage de Camus aux USA en 1946, est en chantier. Alek Toumi imagine la visite de Camus dans le Midwest à Chicago et surtout à Madison, chez son amie Germaine Brée.

- Albert Camus, précurseur. Méditerranée d’hier et d’aujourd’hui, Alek Baylee Toumi (dir.), « Francophones Cultures&Literatures », n° 55, New York, Peter Lang, 2009.

- «Albert Camus, l’Algérien : In Memoriam », Nouvelles Etudes Francophones, vol. 25, n° 2, 2011, pp. 88-100.

- Albert Camus Aujourd’hui : De L’Etranger au Premier homme, textes réunis et présentés par Alek Baylee Toumi, préface de Gilles Bousquet, New York…, 2012, coll. Currents in Comparative Romance Languages and Literatures, n°201, 166 p. (colloque Université de Madison en 2009). 

Conférences :

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-«Albert Camus : The Stranger in the Kingdom of Exile», Humanities Forum, University of Wisconsin-Stevens Point, Stevens Point, WI, 3 décembre 2009.-«Albert Camus: Nostalgéries», North East MLA, Montreal, CA, 10 Avril 2010.-Lecture d’œuvres d’Albert Camus, Maison Française, UW-Madison, 22 avril 2010.-«Albert Camus : l’Etranger, l’Africain », University of Wisconsin-Madison, 23 avril 2010.-Invited Author and Scholar to participate in the Table Ronde Albert Camus, Alliance Francaise, Chicago, 24 avril 2010.-« Camus-Sartre and the Tragedy of North African Intellectuals »,Invited author and scholar to speak at the Europe and the Mediterranean Summer Teacher Workshops, European Studies Alliance, UW-Madison, 28 juin 2010.-«Albert Camus et l’Algérie », Conseil International des Etudes Francophones, Montréal, Canada, 29 juin 2010.-« Camus et Sétif 1945: Aux origines de la fracture coloniale », Conseil International des Etudes Francophones, Aix en Provence, 31 mai 2011.-Keynote Speaker at the Michigan State University Graduate Student Conference : «The Quarrel Camus-Sartre and the Tragedy of Intellectuals», 16 mars 2013 ; «France-Algeria: 50 Years of Post-Colonial Relations», 15 mars 2013.-Participated in a NEMLA Round Table about Albert Camus, North East MLA, 23 mars 2013.-Public Reading of Albert Camus: Entre la mère et l’injustice, with participation of Professor Claire Schub and her students, Tufts University, 25 mars 2013.-Albert Camus Centennial, Tufts University, 26 mars 2013.-«Albert Camus: D’Exils en Résistances», Midwest Modern Language Association, Milwaukee, WI, 8 novembre 2013.- Invited scholar by Middlebury College : « The Algerian War and The Quarrel Camus-Sartre », Middlebury College, 13 novembre 2013. - Invited author by Middlebury College : Visit French classes and talk about Albert Camus, L’hôte / Entre la mère et l’injustice Middlebury College, 14 novembre 2013.

Mourad YELLES (universitaire)1951, Sidi-Bel-Abbès

- « La mémoire des Maures – Notes sur deux textes de Camus », p. 31-42 dans « Camus au présent », Langues et Littératures – Revue de l’Institut des Langues étrangères, Université d’Alger, janvier 1990.

- « Dévadé ou L’Etranger de Montréal – Ecriture francophone et absurde post-moderne », Colloque de Cergy- 2001. Dans Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Arras, Artois Presses Université, 2003, 380 p., pp. 71-84.

- Extrait de L’Etranger, « Le Dimanche au balcon », p. 242 de Les miroirs de Janus – Littératures orales et écritures post-coloniales (Maghreb-Caraïbes), Alger, OPU, 2003. Cet extrait « introduit » ou télescope l’étude du « Sens de la parole chez Fanon » qui commence ainsi : « Au commencement, il y a nous… et l’Autre. Face à face. Il a débarqué un beau jour sans crier gare. Il a investi notre quotidien avec armes et bagages et sa présence a rapidement envahi l’espace autour de nous, entre nous. En nous ».

Youcef ZIREM (journaliste et écrivain)

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-« Entre l'enfer et la raison », La Nation, hebdomadaire algérien, 15-21 août 1995, une page entière à Camus : Le journaliste met en relation des éditoriaux de Combat avec la situation que connaît l’Algérie : « Ces écrits, si simples et si captivants, peuvent aussi mettre du baume au cœur de ceux qui croient à des jours meilleurs grâce à l'effort de tout un chacun : "Le vrai désespoir ne naît pas devant une adversité obstinée ni dans l'épuisement d'une lutte inégale. Il vient de ce qu'on ne connaît plus ses raisons de lutter et si, justement, il faut lutter". » Y.Zirem choisit ainsi un florilège de citations pour faire parler l'actualité : sur le métier de journaliste, sur l'action même dans le désespoir, sur la justice face aux gouvernants, sur la destruction de l'homme par l'homme, sur la répression en Algérie en 1945 : « Nous faisons, dans ces cas-là, ce que nous avons reproché aux Allemands de faire » ; sur la peur ; enfin sur les deux questions : « Oui ou non, directement ou indirectement, voulez-vous tuer ou violenter ? Tous ceux qui répondront non à ces deux questions sont automatiquement embarqués dans une série de conséquences qui doivent modifier leur façon de poser le problème. » A la suite de Camus, il termine son article par cette interpellation : « Et toi, ami lecteur, comment réponds-tu à ces deux douloureuses interrogations ? »

- 2005 : Les éditions Zirem, une toute jeune maison d’édition a choisi de rééditer Misère de la Kabylie comme deuxième ouvrage de son lancement. Offert au public sous une couverture particulièrement attirante, Misère de la Kabylie, reproduit les articles tels qu’ils ont été publiés dans Alger-Républicain, suivie du discours de Stockholm et enrichie d’une présentation nécessaire pour le public algérien d’aujourd’hui. En sept pages bien documentées l’éditeur, Hamza Zirem, resitue le travail du jeune reporter, montrant que si ce type de sujet n’est pas inhabituel, la manière de le traiter de Camus est parfaitement singulière. Les références à d’autres reportages de l’époque sont précieuses pour mieux apprécier l’originalité de son regard. Pour n’en donner qu’un exemple, La Dépêche Algérienne va contrer l’enquête de Camus par un reportage de R. Frison-Roche, « Kabylie 39 » du 8 au 17 juin 1939 dans lequel Frison-Roche écrit : « Je ne suis pas du même avis que certains ; la France a fait de belles et grandes choses en Kabylie et il faudrait pour nier une telle évidence se boucher volontairement les yeux et s’obstiner à ne voir en tout que le mauvais côté des choses ».L’enquête de Camus est ensuite présentée méthodiquement et « dans son intégralité ». L’éditeur poursuit : « C’est un humaniste qui est resté, durant toute sa vie, à l’écoute des voix bafouées par les forts du moment […] Une œuvre importante qui reste à décrypter. Albert Camus est aussi un grand journaliste. Au moment où ses collègues se contentent du superflu et se soumettent à l’ordre établi, l’ancien étudiant de la faculté centrale d’Alger ne passe pas par trente six chemins pour aller jusqu’à la profondeur des choses, pour rapporter la réalité telle qu’elle est, même si durant l’époque coloniale, la liberté d’expression avait ses limites ».L’éditeur donne alors les raisons de cette réédition : « Ces textes forts et authentiques sont méconnus par un large public en Algérie et ailleurs. C’est, entre autres, pour cette raison que nous avons envisagé leur publication  […] Ce livre est un saut dans le passé, mais aussi une passerelle entre le présent et l’avenir. Lire et relire Albert Camus est l’un des chemins qui mènent vers une Algérie réelle, cette terre généreuse qui a vu naître de grands esprits à l’instar de l’auteur merveilleux de La Chute ».Quant à Youcef Zirem, frère de cet éditeur et auteur de l’article en 1995, il déclarait dans un entretien inédit : « Camus est mon grand frère ; je l'ai toujours considéré comme Algérien, à part entière... Personne ne peut dire le contraire s'il a un minimum de lucidité et de sincérité... Lorsque l'Algérie deviendra démocratique, on se rendra compte de l'immensité des quêtes d'Albert Camus pour son pays qu'il n'a jamais cessé d'aimer... J'ai avec Camus la même patrie : la terre et les valeurs humaines. Camus est un humaniste incomparable ; c'est aussi un artiste, un créateur de génie. J'ai écrit l'article dans La Nation en 1995 pour interpeller mes

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lecteurs, pour leur dire que Camus avait vécu le même enfer que nous vivions à ce moment-là... Pour leur dire que la violence, toute violence d'où qu'elle vienne est toujours condamnable... Camus n'a jamais triché; il est resté une conscience que nul pouvoir n'a réussi à corrompre... Il n'avait pas fait l'effort de comprendre la culture musulmane dans ses profondeurs mais il était prisonnier de son milieu, de sa position et cela je le comprends... »

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ANNEXERapports de Camus à l’Algérie :

retour sur quelques dates et lieux de mémoire(Les mises au point qui suivent sont celles des quatre auteures de ce répertoire et n’engagent

pas les auteurs recensés précédemment)

Lorsqu’est mis en discussion le positionnement de Camus face à la question coloniale reviennent, immédiatement, des textes et des dates : l’enquête en Kabylie en 1939, les articles de mai 1945 après la répression du 8 mai en Algérie, les articles sur le terrorisme, les Réflexions sur la guillotine… pour ne citer que les plus connus.Régulièrement également, des discussions déclenchent des passions contraires sur les actes de commémoration, inscrivant Camus dans « les lieux de mémoire » de la terre algérienne : la stèle de Tipasa, la caravane Camus, la plaque commémorative sur son lieu de naissance, son lieu de résidence à Belcourt. Les commentaires, rappels et documents que nous présentons ne se veulent pas exhaustifs de ces questions mais, particulièrement pour les dates, retour aux textes eux-mêmes pour les lire en tenant compte de leur contexte.

TEXTES ET DATES

Kabylie, 1939Revenons donc au premier reportage, « Misère de la Kabylie » qui a, à juste titre, attiré la sympathie des Algériens et l’inimitié, pour ne pas dire plus, de ceux de sa communauté. Publié dans Alger-Républicain, il est important à plus d'un titre : parce qu'il émane d'un jeune journaliste européen de la colonie et qui prend des positions tout à fait inhabituelles ; parce qu'il concerne une région qui concentre des préjugés favorables et défavorables dans la vision de l'époque (articles publiés du 5 au 15 juin 1939).[Alain Ruscio rappelle dans une contribution récente – communication à un colloque IMA/BNF/Paris 3, « la guerre d’Algérie, une guerre comme les autres ? » en décembre 2012 à paraître – où il comparait les positions anti-coloniales de Mauriac, Sartre et Camus : « la constatation de la misère indigène n’est pas alors exceptionnelle. C’est la signature de Camus en bas de ces reportages qui leur a donnés a posteriori une réputation, un prestige hors de proportion avec leur importance historique réelle. Après tout, avant Camus, Victor Spielmann en Algérie, Magdeleine Paz en Tunisie, André Gide et Albert Londres en Afrique subsaharienne, Roland Dorgelès, Louis Roubaud et Andrée Viollis en Indochine, bien d’autres encore, avaient fourni des témoignages comparables […] Ces hommes politiques ou ces observateurs étaient parfois fort conservateurs, mais avaient tout simplement des yeux pour voir et un cœur pour s’émouvoir.»]Dans le reportage du jeune journaliste, le ton est tranchant et sans concession quant au constat précis et chiffré de la misère. D'entrée de jeu, Camus affirme : « je voudrais dire quelques mots sur les raisons économiques de cette misère », car sa « promenade » n'est pas touristique : c'est une « promenade à travers la souffrance et la faim d'un peuple. » Il énumère des chiffres et raconte des anecdotes : par accumulation ils forment démonstration. Il dénonce l'absurdité de la charité et l'arbitraire qui préside aux distributions. Le chômage est partout et lorsqu'il y a du travail, les salaires ne sont pas seulement insuffisants, ils sont insultants. Le jeune journaliste passe ensuite à l'enseignement : le ton du reportage change insensiblement : de la dénonciation virulente, il devient plaidoyer pour des réformes. Le

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journaliste disserte alors sur le thème colonial plus habituel que ceux développés antérieurement : l'amélioration des conditions d'instruction par la baisse des coûts des constructions scolaires. Avec le même budget, on aurait pu faire plus d'écoles moins luxueuses (« magnifiques », « somptueuses »). Le lecteur est, à nouveau, bombardé de chiffres pour lui démontrer que l'offre en matière de scolarisation est loin de satisfaire la demande : « La Kabylie n'a que faire de palais. Elle a besoin de beaucoup d'écoles saines et modestes. »Autre thème important sur lequel Camus prend une position claire : celui de la ségrégation scolaire. La prise de position qui est la sienne pour la fusion des deux enseignements est en pleine conformité avec tout un courant colonial minoritaire, celui de l'assimilation dont la conviction est que l’école permettra d’aplanir les différences et forgera une certaine égalité et des amitiés. Cette conviction de l’effet de l’école sur l’enfant pauvre, ce n’est pas Camus qui peut la contester !Passant ensuite à l'aspect administratif, il propose de tenter des expériences où les « indigènes (s'administrent) eux-mêmes sous le contrôle d'un administrateur. » Pour sortir cette région de la misère, il propose une liquidation du chômage en trois temps : « par une politique de grands travaux » – l'état employant le plus d'ouvriers possible avec des salaires décents – ; « par la généralisation de l'enseignement professionnel et par l'organisation de l'émigration. » Il propose même que les Kabyles « colonisent » le sud de la France dépeuplé et délaissé par les Italiens. Il est évident que l'aide ne viendra pas des colons mais de la métropole. La conclusion affirme l'existence d'hommes semblables dont l'inégalité matérielle doit être effacée. Le reportage s’achève face à la zaouïa de Koukou : « A cette heure qui n'était plus le jour et pas encore la nuit, je ne sentais pas ma différence d'avec ces êtres qui s'étaient réfugiés là pour retrouver un peu d'eux-mêmes. Mais cette différence, il me fallait bien la sentir quelques heures plus tard à l'heure où tout le monde aurait dû manger. » Pour Camus, il ne fait pas de doute que c'est le devoir du peuple conquérant de réduire la misère du vaincu.Le ton et le contenu de ces articles sont profondément différents de tout ce qui peut s'écrire à l'époque : pas de folklore, ni de fontaine, ni de marché, ni de spectacle pittoresque. Les paysages sont à peine mentionnés, aucune description ne vient rompre le flux du reportage, ne vient diluer l'information. Camus ne sacrifie pas une seule fois à l'exotisme : la misère l'a pris à la gorge, l'a révolté et il le dit. Il est sûr qu'en même temps, il est dans la logique du discours humaniste de l'assimilation. L'article sur l'enseignement est le centre du reportage : comme les trois premiers articles, il est dénonciation ; comme les trois derniers, il est programmation. Plus d'égalité, plus de justice mais pas de remise en cause du système lui-même. Comme le dit Alain Ruscio, « cri humain, protestation tour à tour attristée et effrayée, mais nullement pamphlet anticolonialiste […] Gide, Dorgelès et les autres auteurs cités supra – puis Camus dans leur sillage –, demandaient-ils de mettre fin au système ? Non. Les uns et les autres se plaçaient dans une perspective réformatrice… » Il ajoute que c’était aussi une perspective « salvatrice » : plus de justice devait empêcher que les nationalistes gagnent du terrain.

Combat 1945 – Les événements de Sétif –Dans le journal Combat dont on sait quelle importance il eut pour Camus, se trouvent les articles de mai - juin 1945 repris en grande partie dans Actuelles III, Chroniques algériennes parues en 1958 (avec quelques modifications que note Jacqueline Lévi- Valensi, en particulier au niveau des titres ou des intertitres qui disparaissent). C’est une série de six articles écrits après le 8 mai 1945. J. Lévi-Valensi rappelle que ce ne sont pas « les émeutes de Sétif et de Guelma » qui sont à la source des articles : s’étant rendu en Algérie en avril 1945 pour une enquête de trois semaines pendant lesquelles il a visité comme il le note « aussi bien les villes

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que les douars les plus reculés », le 8 mai, il était « sur le chemin du retour ou déjà rentré à Paris. » 13-14 mai 1945 : Il entend par cette enquête, faire savoir ce qui se passe en Algérie, l’information qu’il apporte, vérifiée, aussi objective que possible devant aider à « imaginer » une politique qui « sauvera l’Algérie des pires aventures.» Il entend d’abord « détruire quelques préjugés » en rappelant la spécificité de l’Algérie constituée, certes de trois départements français mais qui sont « vastes comme quarante […] et peuplés comme douze » d’où l’aspect dérisoire des quantités de céréales expédiées en Algérie qui représente « une journée de consommation. »Sur le plan politique il rappelle « que le peuple arabe existe », que sa seule infériorité est due aux conditions dans lesquelles il vit et que « des centaines de milliers d’Arabes viennent de se battre durant deux ans pour la libération (de la France). » Il a ensuite cette formule étonnante : « les Français ont à conquérir l’Algérie une deuxième fois », ce qui signifie qu’elle est en train d’être perdue et en même temps que cela n’est pas acceptable ; la reconquête cependant lui apparaît moins facile que la première ! La crise que traverse le pays est d’une gravité sans précédent : comparant les souffrances des hommes dans cet « admirable pays qu’un printemps sans égal couvre […] de ses fleurs et de sa lumière » à celles que « nous avons connues », il ne peut y rester indifférent ; il invite à en comprendre les raisons au lieu de condamner et à « faire jouer […] les principes démocratiques » réclamés par les Français. L’information « objective » que vont apporter les articles suivants devraient servir à appuyer cette démarche.Un post scriptum s’élève contre l’accusation portée par un journal du soir contre F. Abbas pour avoir organisé « les troubles » en Algérie et condamne « les appels inconsidérés à une répression aveugle. »15 mai 1945 : la famine en Algérie : devant les signes frappants de la crise qui touche la plus grande partie des habitants, crise aggravée par l’absence des stocks de sécurité et la sécheresse – il va donner des chiffres indiquant l’ampleur du désastre – il voit dans cette crise sans pareille l’explication de ce qui s’est passé. Dans le quatrième article, cependant, il ajoutera d’autres causes qu’économiques à la crise qu’il analyse. Notant encore le contraste entre la splendeur du pays et les souffrances de la plus grande partie de la population, il souligne l’urgence d’une solution : « il n’y a pas une minute à perdre, ni un intérêt à épargner » pour éviter la répétition de ce qui s’est passé, pour « empêcher que des masses affamées, excitées par quelques fous criminels recommencent le sauvage massacre de Sétif. » Si la dénonciation, la compassion, sont sincères, et s’il en est peu à l’époque qui s’élèvent ainsi contre cette infamie, Camus n’a pas pris la mesure de ce qui se passe alors, le lexique utilisé : « masses… excitées », « fous criminels », le montre et les solutions qu’il cherche ne sont plus de mise. 16 mai 1945 : Dans l’article précédent, Camus annonçait qu’il allait évoquer les solutions à la crise. Sous le titre « L’Algérie demande des bateaux et de la justice », il revient sur la nécessité d’importer des quantités suffisantes de blé quelles que soient les difficultés de l’entreprise au regard de la situation de la France au sortir de la guerre. Il souligne cependant que si ce problème était réglé, la crise ne le serait pas pour autant car « la gravité de l’affaire algérienne ne tient pas seulement au fait que les Arabes ont faim. Elle tient aussi à la conviction que leur faim est injuste. » Il entreprend de montrer l’inégale répartition du grain, dénonçant le marché noir dans lequel sont impliqués « colons inconscients » et « féodaux indigènes », l’institution elle-même du caïdat et s’élève contre l’inégalité des rations attribuées aux Français et aux indigènes. Cette inégalité envenime la situation, crée un malaise politique sur lequel il se propose de revenir dans un autre article. Il s’agit donc à la fois de nourrir ceux qui ont faim et d’accorder « deux ou trois mesure d’égalité rigoureuse » écrit-il en appelant, à la lumière des informations qu’il apporte, à « comprendre les hommes avant de les juger. »

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18 mai 1945 : « Les indigènes nord-africains se sont éloignés d’une démocratie dont ils se voyaient indéfiniment écartés. » Remarque ici que le malaise politique est antérieur à la crise même si, à cause de l’urgence, il a d’abord parlé de la faim des populations. Et comme au début de l’enquête, il veut corriger les préjugés et l’ignorance en ce qui concerne la politique algérienne en en dressant un tableau « objectif par le moyen d’une information vérifiée » expression déjà utilisée qui montre combien il a à cœur de faire un honnête état des lieux.L’attitude des indigènes nord-africains s’explique selon Camus par un «espoir abandonné» : la politique d’assimilation prônée par la France après de nombreuses fluctuations est restée théorique tant et si bien que les Arabes ne désirent plus devenir des citoyens français. L’hostilité des grands colons ne s’est jamais démentie comme le prouve leur offensive contre le projet Blum-Violette pourtant «relativement modeste» qui ne fut même pas présenté devant les chambres. L’ordonnance du 7mars 1944 dont il décrit certaines dispositions se heurte à la méfiance de «l’opinion arabe» car, dit-il, «l’histoire marche» : il énumère différents facteurs de changement, la défaite de la France, le débarquement de 1942, la Fédération panarabe, la misère. Devant la caricature de démocratie qu’on lui présente, l’opinion arabe est indifférente ou hostile à la politique d’assimilation. Il croit cependant que tout n’est pas perdu et pense qu’on peut encore « améliorer cette situation. » Mais d’abord, il faut définir le climat politique du moment. Pour lui, «l’opinion musulmane s’est groupée autour d’une personnalité remarquable, Ferhat Abbas et de son parti, les «Amis du Manifeste» dont il se propose de parler dans son prochain article. On ne s’étonnera pas de cette simplification considérant Abbas comme seul représentant de l’«opinion musulmane», ni de l’éloge qu’il en fait ; de toute évidence, il lui parait le plus digne de représenter cette opinion arabe ou musulmane comme il dit.20-21 mai 1945 : les Arabes demandent pour l’Algérie une Constitution et un Parlement. Il va présenter aux Français ce parti vers lequel se sont tournés ceux qui ont «désespér(é) de la politique d’assimilation mais (qui ne sont) par encore gagnés par le nationalisme pur», c’est-à-dire ceux qui sont les plus proches de lui. Il retrace alors le parcours de F. Abbas soulignant qu’il n’est plus partisan de l’assimilation et fait le portrait d’un homme, «produit de la culture française», «esprit cultivé et indépendant» dont il présente le programme exposé dans le manifeste ; il répète que c’est autour de ces idées que s’est réunie « une grande partie de l’opinion musulmane » dont «la secte » (sic) des Oulémas. Il n’exclut pas que des éléments du PPA «qui poursuit illégalement sa propagande pour le séparatisme algérien» y soient entrés, que «ce soient eux qui aient compromis les "Amis du Manifeste" dans les troubles récents» dont il absout complètement Abbas. Il condamne comme «pure et simple stupidité» le recours à la prison et à la répression.23 mai 1945 : C’est la justice qui sauvera l’Algérie de la haine (article non repris dans Actuelles III) Pour compléter le tableau politique de l’Algérie, il se doit de parler des démocrates dont il sait qu’ils y sont en minorité : il rappelle l’attachement à Vichy en Algérie et note qu’à l’exception d’Alger-Républicain (et, ajoute-t-il, dans une moindre mesure, d’Oran-Républicain) tous les journaux ont collaboré et ont gardé leurs lecteurs ! Parmi les démocrates, il compte le parti communiste «opposé aux "Amis du Manifeste" » et rappelle l’essentiel du programme des démocrates qui soutiennent l’ordonnance du 7 mars et le considère comme «raisonnable et humain». Mais il souligne les carences d’un système qui ne facilite pas l’accès à l’école, il prône la construction de nouvelles écoles, la formation accélérée d’instituteurs et pour lutter contre le sabotage, la promotion d’hommes nouveaux et il pense même que des jeunes Français pourraient trouver en Algérie une terre et servir « l’homme et leur pays.»Après avoir réitéré que ses objectifs étaient de clarification, il ajoute pour finir quelque chose de «personnel». Il affirme qu’il y a à apprendre de la civilisation arabe et qu’à tout le moins il

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y a quelque chose à se faire « pardonner ». Le temps des impérialismes occidentaux est passé, constate-t-il à la lumière de la répression qui vient de s’exercer. Déplorant les « malheureuses et innocentes victimes françaises », il affirme que la seule réponse pour éviter l’irréparable est de répondre « au meurtre par la seule justice », ce qui, il faut le dire n’était pas dans l’air du temps, étant donné la longue logique d’injustice qui caractérise le système colonial.Au terme de son enquête, il conseille aux Français qui savent ce qu’est la haine et qui n’en veulent pas, de faire des colonisés « des égaux, par les moyens qui conviendront. » 15 Juin 1945 : cet article sert dans Actuelles III de conclusion aux articles sur la « Crise en Algérie » ; il s’y élève contre les articles ni informés ni objectifs qui minimisent la crise attribuée à « quelques agitateurs professionnels» dont il ne remet pas en cause l’existence mais dont l’action n’aurait pas été possible sans la crise sur laquelle il serait dangereux de s’aveugler car elle s’est durcie dans une « atmosphère de haine et de défiance ». Les Français depuis les « atroces massacres de Guelma et de Sétif éprouvent « un ressentiment profond et indigné » tandis que la répression a provoqué « dans les masses arabes un sentiment de crainte et d’hostilité ». Le lexique est, comme toujours intéressant à observer : d’un côté des massacres atroces, de l’autre, une répression non qualifiée; d’un côté le ressentiment profond et indigné, de l’autre, la crainte et l’hostilité : comme si les événements n’étaient pas évalués à la même aune.Mais il ne désespère pas encore et pense que des solutions sont possibles : le ravitaillement des populations peut redresser la situation économique pour peu qu’on le continue; de même le maintien de l’ordonnance du 7 mars doit être étendue. Pour « sauver l’Afrique du Nord », des meilleures lois, des hommes plus justes. Ce qui importe c’est de lutter contre la haine : « C’est la force infinie de la justice et elle seule qui doit (…) aider à reconquérir l’Algérie et ses habitants. »Ce que l’on peut reconnaître à Camus, au-delà de son refus d’admettre qu’il est bien tard pour inverser le cours des choses, c’est son espoir têtu de parvenir à « sauver » l’Algérie à laquelle il tient, c’est au-delà de l’aveuglement, une sincère dénonciation de nombreux dysfonctionnements du système mais, au-delà de l’indignation, une totale inaptitude à accepter sa disparition.

Alger 1956, 22 janvier, Pour une trêve civile en Algérie – Appel d’Albert CamusLe texte de cet Appel est publié à Alger, en brochure et en France, dans la revue Demain (hebdomadaire socialiste) (26 janvier au 1er février 1956), sous le titre « Trêve pour les civils innocents ». Il paraît dans Chroniques Algériennes - Actuelles III (1939-1958) en 1958 et figure dans le Tome IV des Œuvres Complètes de la Pléiade avec une notice d’Agnès Spiquel et Philippe Vanney (pp. 1407-1422 et 1445-1447).Il est intéressant, en 2013, de suivre le récit de l’événement qu’en a donné Emmanuel Roblès, à la demande de Francine Camus (Cf. E. Roblès, Albert Camus et la trêve civile, CELFAN Edition Monographs, Temple University, Philadelphia, 50 p. Il faut y ajouter des informations supplémentaires sur le groupe d’Alger : Dominique Sintès, « René Sintès (1933-1962) – Un peintre dans le brasier algérois », pp. 21 à 39, dans le numéro d’Algérie Littérature/Action, 173-176, sept.-déc. 2013, consacré au peintre René Sintès et à l’écrivain Mouloud Feraoun tous deux assassinés par l’OAS en 1962).Roblès situe cette conférence dans le contexte de l’émergence du groupe des « Libéraux ». Selon lui, l’initiative a été prise par trois d’entre eux : Charles Poncet, Jean de Maisonseul et Louis Miquel. Comme le 30 décembre 1955, Camus avait pris position en faveur du vote pour Mendès-France dans L’Express, la conférence a été différée au 22 janvier 1956, pour laisser les passions se calmer contre Mendès-France, en Algérie. D’après Roblès, Camus n’a pas pris la mesure des difficultés de la tenue d’une telle manifestation. Il participe à la réunion de

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préparation, rue du Lézard, dans les locaux de répétition de la troupe de théâtre arabe de Mahieddine Barchtarzi (du côté algérien sont présents l’avocat Ahmed Chentouf, l’éditeur Mimouni, Amar Ouzegane, Mohammed Lebjaoui, membre important du FLN, Moussaoui, Mouloud Amrane, quelques comédiens de la compagnie Mahieddine). Camus sort désabusé et troublé à cause de ce qu’il a entendu de la part des Algériens présents : « Je lui dis qu’à Paris il vivait trop loin de nos réalités, qu’il avait assisté la veille à une réunion un peu particulière, centrée sur un projet très précis, au cours de laquelle, somme toute, les Musulmans s’étaient montrés assez circonspects. » Roblès lui propose alors d’assister à une réunion plus ouverte des Libéraux dont Camus sortira « désorienté et sombre ». Au moment de le quitter à l’hôtel Saint Georges où il loge, Camus a cette réflexion : « D’ici peu tout ceci tournera à une effroyable guerre civile, à une véritable guerre ethnique. Les Européens eux-mêmes finiront par se massacrer entre eux. » Jacques Chevallier étant revenu sur l’accord donné pour une salle des Fêtes de la mairie par crainte de troubles, la salle de substitution est celle du Cercle du Progrès, de l’Association des Oulémas. Camus n’a pas d’objection. Roblès fait le récit des pressions subies pour annuler la conférence, de sa visite au Cheikh El Okby que Camus lui a demandé de faire.Il raconte l’organisation, le service d’ordre, « des ouvriers algériens » chargés de surveiller l’auditoire. Camus arrive sur les lieux avec Poncet et deux amis de Belcourt qui lui servent de garde du corps durant tout son séjour algérois.La place du gouvernement (actuellement Place des martyrs) est noire de monde et les CRS sont en position. A l’intérieur, la salle est comble. Roblès cite la présence d’Ahmed Francis, de Tewfik El Madani, du Cheikh El Okby, amené sur un brancard, de Ferhat Abbas : lui et Camus s’embrassent.Camus lit son discours. Sur la place, on entend les cris des ultras : « Mendès au poteau ! Camus à mort ! » Roblès poursuit : « L’idée me vient que si quelque fou lance une grenade dans cette masse tout peut finir en carnage. Camus aussi a jeté un coup d’œil et la même angoisse a dû lui venir. A cause de l’épaisse chaleur il a le front trempé de sueur et l’essuie parfois d’un geste prompt. Le tumulte continue : menaces, Marseillaise. Des milliers de visages sont levés vers nous dans ce crépuscule que créent les lampadaires […] Quand Camus a terminé, très applaudi, je lis la motion proposée, demande qu’on signe les listes. Camus s’essuie le visage, me souffle : "Dépêche-toi, écourte, si tu peux". Si cette soirée devait faire une seule victime, pour un homme comme Camus ce serait une tragédie personnelle, capable de le détruire. Je donne la parole au pasteur Capieu, au R.P. Cuoq, au docteur Khaldi qui exhorte les musulmans présents à approuver la motion. Ferhat Abbas n’intervient pas. Plus tard on me dira que le Front le lui a interdit. »Par mesure de prudence, ils sortent tous par une porte de derrière et regagnent hôtel et demeures : « Nous nous séparons avec le sentiment qu’en dépit de tout cette journée est porteuse d’espoir, et puis, rien d’irréparable ne s’est produit. »Roblès fait part de la suite : les coups de téléphone chez lui le lendemain « félicitations et menaces anonymes alternent ». Il donne d’autres informations connues plus tard : « En 1962, notre camarade du comité, Amar Ouzegane, dans son livre, Le Meilleur combat, paru après la mort de Camus, révélera que l’impressionnante discipline de la population musulmane pendant la durée de la manifestation avait été imposée et contrôlée par le responsable du front pour Alger-ville, Areski Bouzerina, dit Hédidouche, plusieurs fois condamné à mort par contumace. S’il l’avait su, Camus aurait, je pense, apprécié cette situation d’un condamné à mort protégeant un homme venu plaider pour des vies humaines. »Roblès donne aussi les réactions de la presse algéroise : «  Le Journal d’Alger publie un compte-rendu d’Edmond Brua favorable à notre cause, illustré d’une photo où l’on voit des manifestants qui, après avoir quitté la place, se sont rassemblés, bras levé à l’hitlérienne, devant la statue équestre de Jeanne d’Arc. La Dépêche nous insulte et, cyniquement, exprime

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ses regrets car si nous n’avions pas pris tant de précautions, quelle belle occasion de nous assommer tous ! L’Echo, lui, nous traite d’intellectuels et d’utopistes. » [il s’agit de La Dépêche algérienne et de L’Echo d’Alger].Dans la suite de ce récit, tout à fait passionnant pour qui veut lire un texte dans le contexte de son énonciation, Roblès signale les rencontres de Camus avec Mgr. Duval et avec Jacques Soustelle. Il raconte aussi, toutes les précautions prises pour le raccompagner à l’aéroport : « A l’ instant de nous séparer, devant le portillon qui ouvre sur le hall de départ, il me dit : "Je suis content que nous ayons fait cela ensemble" ».Dernier témoignage d’un Algérois de l’époque, engagé pour la lutte pour l’indépendance : « Le 22 janvier 1956, Albert Camus vient à Alger lancer, au Cercle du Progrès, son appel pour la trêve civile, ce qui paraît irréaliste, alors que, depuis décembre 1954, les représailles collectives à l’encontre des populations civiles n’ont pas cessé et que la vue aérienne d’un village de Kabylie bombardé fait la une de Paris Match. Cependant, sous les fenêtres du Cercle, des braillards ultra-colonialistes crient à la trahison. [Après les manifestations contre Guy Mollet en février et le vote des pouvoirs spéciaux le 12 mars 1956] à Alger, les groupes d’étudiants ultras, qui ont manifesté contre Camus puis contre Guy Mollet, se sentent victorieux » (Pierre et Claudine Chaulet, Le Choix de l’Algérie - Deux voix, une mémoire, Alger, Barzakh, 2012, p. 170).La meilleure façon de rendre compte d’un discours – qu’il faut bien (re)lire pour en parler – est de circonscrire les interlocuteurs du message : celui qui parle et ceux à qui il s’adresse, le contexte et les objectifs que l’énonciateur s’est assigné. Camus assume personnellement son discours tout en le situant dans l’ensemble de ce que recherchent les libéraux. L’Appel est le point d’orgue et l’aboutissement des convictions que l’écrivain a clairement exprimées dans ses articles de L’Express d’octobre 1955 à janvier 1956. Toutefois il insiste en ouverture et en conclusion sur sa légitimité personnelle à le lancer. Il se présente comme « un homme et un écrivain qui a consacré une partie de sa vie à servir l’Algérie ». Il refuse la qualification d’ « homme politique » mais rappelle l’idée qu’il se fait de « son métier d’écrivain » : « Ma seule qualification est d’avoir vécu le malheur algérien comme une tragédie personnelle et de ne pouvoir, en particulier, me réjouir d’aucune mort, quelle qu’elle soit. Pendant vingt ans, avec de faibles moyens, j’ai fait mon possible pour aider à la concorde de nos deux peuples » ; et passant à la 3ème personne pour parler de lui-même, il déclare que cet homme qu’il leur a présenté, « son seul souci ne peut plus être que d’épargner à son pays un excès de souffrances ».En fin de discours, après avoir exposé ses objectifs, il revient à ses propres sentiments pour emporter la conviction de ses auditeurs : « Si j’avais le pouvoir de donner une voix à la solitude et à l’angoisse de chacun d’entre nous, c’est avec cette voix que je m’adresserais à vous. En ce qui me concerne, j’ai aimé avec passion cette terre où je suis né, j’y ai puisé tout ce que je suis, et je n’ai jamais séparé dans mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de quelque race qu’ils soient ». Se hissant à la hauteur des grands événements historiques, il adopte la posture du guide : « La tâche des hommes de culture et de foi n’est, en tout cas, ni de déserter les luttes historiques, ni de servir ce qu’elles ont de cruel et d’inhumain. Elle est de s’y maintenir, d’y aider l’homme contre ce qui l’opprime, de favoriser sa liberté contre les fatalités qui le cernent. »Quels sont donc les objectifs de l’Appel ? Ils sont qualifiés avant d’être énoncés : « effort d’apaisement », « dialogue », « appel de simple humanité », « un devoir d’humanité » et après avoir énoncé l’objectif, au centre du discours, il reviendra sur tous ces qualifiants : «  De quoi s’agit-il ? D’obtenir que le mouvement arabe et les autorités françaises, sans avoir à entrer en contact, ni à s’engager à rien d’autre, déclarent, simultanément, que pendant toute la durée des troubles, la population civile sera, en toute occasion, respectée et protégée ». « Aucune cause ne justifie la mort de l’innocent ».

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Camus va insister sur le fait qu’il ne demande pas un arrêt de la guerre – il n’en a pas les moyens -, ni une prise de position politique car alors les dissensions se feraient jour ; mais uniquement « une trêve qui concernerait les civils innocents ». Bien évidemment, les « autorités françaises » remettront en cause cette option de civils innocents dans une guerre de guérilla. De plus, Camus nivelle les faits qui se passent dans le pays depuis plus d’une année et même auparavant durant la colonisation.Rappeler tout le contexte n’est pas possible dans ce simple rappel mais on constatera que Camus, dans ses articles de L’Express, dans cet Appel ou dans les Carnets, ne fait jamais état d’une lecture de tout ce qui est publié par l’adversaire qu’il ne veut prendre en considération (« empire arabe », « empire d’islam »), isolant, comme il le fera dans Le Premier homme, en gestation de 1953 à sa mort, les anonymes. Les seuls en qui il affirme se reconnaître sont les acteurs de l'utopie dont il rêve pour la fin de son livre, les pauvres, « la plupart arabes et quelques uns français ». Si cette terre leur est rendue, « le grand anonymat deviendra fécond. » Justement, à qui s’adresse-t-il ? La première mention de ses interlocuteurs est : « des Algériens, français ou arabes ». Puis reviendra à intervalles réguliers dans le discours, la binarité « Arabes et Français » ou « Français et Arabes » en un entêtement significatif dans les appellations. Il les établit comme deux « peuples » sans vouloir rentrer dans une contextualisation, historique, sociologique et civilisationnelle de leurs présences dans le pays. Ce à quoi on assiste est une « guerre civile », « les deux peuples embrassés dans une même fureur mortelle », le danger qui menace de voir « ce grand pays se briser en deux ». Il faut sortir d’un « délire xénophobe » de part et d’autre. « L’éternelle querelle du premier responsable perd alors son sens. Et pour n’avoir pas su vivre ensemble, deux populations, à la fois semblables et différentes, mais également respectables, se condamnent à mourir ensemble la rage au cœur. » L’Histoire et le vécu de la colonisation sont évacués au profit d’un présent dramatisé.Dans le renvoi dos à dos qui veut devenir la conviction d’un cœur à cœur possible, tout est nivelé de l’Histoire et de ses retombées qui ont acculé les Algériens – ceux qui veulent leur indépendance – à l’entrée dans la violence. Le vocabulaire utilisé vient renforcer les formules binaires d’opposition et de conjugaison. « Arabes » et « Français ». Ces appellations font sens, particulièrement la première car la seconde dit bien l’appartenance à la nation française, ce « nationalisme »-là que Camus revendique à un moment de l’Appel, se définissant toujours par ailleurs comme Français d’Algérie et s’adressant prioritairement, dans ce discours aux siens. Cela fait des années que les « camusiens » expliquent aux Algériens, avec patience ou irritation que l’usage de ce mot n’est pas vraiment connoté, qu’il est un « usage d’époque ». Laissons donc de côté les fictions qui précèdent la guerre. Mais après 1954, le choix du terme « Arabes » pour désigner les Algériens en résistance contre le colonialisme pour l’émergence d’une Nation n’est plus anodin : c’est un choix de langage, c’est une position politique. C’est le refus du sujet national et le maintien du sujet colonial quelles que soient les intentions humanistes, aussi sincères soient-elles, qui accompagnent le discours. Camus ne propose pas « la fin du colonialisme » mais son aménagement avec plus de justice et de droits. En même temps, il associe toujours ce « devoir de démocratisation », en quelque sorte, du colonialisme, d’une lucidité politique : être plus juste peut permettre de soustraire les Arabes aux idées nationalistes qu’encouragent des Nasser et des Bourguiba. A son sujet, Alain Ruscio évoque plus une protestation humaniste, anti-raciste, fraternaliste et réformatrice qu’anticolonialiste. Et l’associant à Mauriac, il écrit : « C’est comme humanistes épris de justice, comme moralistes effrayés par la politique gouvernementale et par les exactions de l’armée, comme Français soucieux de ne pas entraîner leur pays dans un choix avec l’islam […] plus que comme partisans de l’émancipation des peuples colonisés, qu’ils réagirent ». Dans le contexte

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de l’époque, c’était déjà un pas. Camus n’a jamais pu aller au-delà. C’est ce que montre bien sa définition unilatérale du « terrorisme » qui est toujours celui des Arabes.

Alger 1957, Camus, le terrorisme, la peine de mort et l’Algérie1957 : La Bataille d’Alger - Septembre 1957, Réflexions sur la guillotine (Calmann-Lévy).(Alger aux mains des paras de Massu de janvier à octobre : accélération des exécutions à la guillotine : 91 en 1957 dont Iveton, le seul Européen exécuté de toute la guerre).10 février 1957, Lettre de Camus à Sénac : « si je peux comprendre et admirer le combattant d’une libération, je n’ai que dégoût devant le tueur de femmes et d’enfants. La cause du peuple arabe en Algérie n’a jamais été mieux desservie que par le terrorisme civil pratiqué désormais systématiquement par les mouvements arabes. Et ce terrorisme retarde, peut-être irréparablement, la solution de justice qui finira par intervenir. » (cf. H. Nacer-Khodja, Albert Camus Jean Sénac ou le fils rebelle, Paris, Paris Méditerranée-EDIF 2000, pp. 155-156. Toute la lettre est à lire.)11 février 1957 : exécution de Fernand Iveton. Les éditions Gallimard ont publié, en 2011 un essai collectif, Albert Camus contre la peine de mort, Gallimard, coll. « Hors série littérature », octobre 2011. Walid Mebarek, correspondant d’El Watan à Lyon, en rend compte dans El Watan du 4 octobre 2011, en insistant sur l’action de Camus en faveur des condamnés à mort mais sans faire des recherches par ailleurs pour nuancer la question : ainsi Camus ne participe ni au comité de soutien des époux Guerroudj et d’Abderrahmane Taleb (malgré la lettre pressante que lui adresse Jean Sénac), ni au soutien à Fernand Iveton auquel il consacre une allusion dans son essai. Ce qui ne remet pas en cause, bien évidemment, des interventions plus discrètes. La préface de Robert Badinter apporte une caution de poids en la matière à la figure du « grand homme » à laquelle le ton du compte-rendu participe également.18 février 1957, M. Feraoun note dans son Journal, après une visite faite à Roblès à Alger : « Il revient de Paris où il a vu longuement Camus. Camus se refuse à admettre que l’Algérie soit indépendante et qu’il soit obligé d’y rentrer chaque fois avec un passeport d’étranger, lui qui est Algérien et rien d’autre. Il croit que le FLN est fasciste et que l’avenir de son pays entre les mains du FLN est proprement impensable. » A la suite de cela, Mouloud Feraoun développe une argumentation dense sur ce que les Français attendent de quelqu’un comme lui, Mouloud Feraoun, et conclue que la justice demande de rétablir une distinction nationale. Il termine par une affirmation souvent donnée mais tronquée : « J’aimerais dire à Camus qu’il est aussi Algérien que moi et tous les Algériens sont fiers de lui, mais aussi qu’il fut un temps, pas très lointain, où l’Algérien musulman, pour aller en France, avait besoin d’un passeport. C’est vrai que l’Algérien musulman, lui, ne s’est jamais considéré comme Français. Il n’avait pas d’illusions. » (Journal, pp. 227-228)En mars 1957, l’écrivain a publié les nouvelles de L’Exil et le royaume dont « L’Hôte » et en septembre, il fait paraître Réflexions sur la guillotine (Calmann-Lévy) : Iveton est exécuté pendant qu’il mettait au point son manuscrit. Dans son essai, ce fait n’a droit qu’à une simple mention et sans que le condamné soit nommé : « l’ouvrier communiste qui vient d’être guillotiné en Algérie pour avoir déposé une bombe (découverte avant qu’elle n’explose) dans le vestiaire d’une usine, a été condamné autant par son acte que par l’air du temps. » [Albert Camus, Essais, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », édition Quilliot, p. 1051. Il faut préciser : explosif réglé à une heure où il ne pouvait faire de victimes : Roblès en avait informé Camus et lui avait demandé d’intervenir, ce que Camus avait refusé.]Sur une présentation plus générale de ces Réflexions, voir la notice de Maurice Weyembergh dans la nouvelle Pléiade, Œuvres complètes IV, p. 1382 et sq. Il montre que ces réflexions sont à lire dans le sillage de L’Homme révolté, qu’elles sont « une méditation sur la

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vengeance que ne peuvent manquer de susciter les crimes de droit commun et les crimes politiques. » Résolument contre la peine de mort, Camus développe ses arguments dont le plus important est : « accepter la peine capitale dans le contexte de l’époque revient à conférer à l’Etat un monopole dangereux, dont l’usage systématique par les Etats totalitaires, au nom de leur idéologie respective, a montré les abus ». Camus propose que, si on ne parvient pas à l’abolir, qu’au moins on l’applique avec des moyens moins inhumains que la guillotine (le commentateur renvoie à des dossiers du « Fonds Albert Camus » concernant les interventions de l’écrivain, pas seulement pour des Algériens. La note 18, p. 1387, qu’il consacre à la mention d’Iveton – s’écrivant avec un I et non un Y – n’est pas formulée de façon très objective.Revenons donc aux informations existant sur les interventions de Camus en faveur des Algériens dont on parle beaucoup mais dont on ne cite plus les noms. Ces noms, on les trouve dans la première édition de La Pléiade (édition Quilliot) aux pages 1844-1846, tome des Essais, avec l’introduction suivante : « Impuissant, incapable, comme L’Hôte, d’être totalement solidaire de sa communauté et de se désolidariser d’elle pourtant, se refusant à contester les mobiles de ses anciens amis nationalistes comme à approuver leurs méthodes terroristes, Camus vit dans la contradiction […] Malgré son refus de figurer dans la Commission de sauvegarde (créée par Guy Mollet, le 5 avril 1957), il lui reste à sauver des vies, autant qu’il est en son pouvoir ». R. Quilliot donne ensuite ces informations : - En janvier 1957, Maurice Clavel sollicite son intervention pour Debbache Mokhtar.- Le 26 septembre, il intervient auprès du président Coty en faveur de Mezzi, Brick Amar, Harfouchi Mohamed, Haddadi Mohamed, Letabi Rabah, Arabi Rabah, Yanes Bachir, Bourenane, Kab Abderrahmane, Bensaadi Saïd et quelques autres.« Après avoir noté que ces combattants n’ont pas eu recours "au terrorisme répugnant qui frappe les populations civiles" », il ajoute : « "Français d’Algérie, ayant toute ma famille à Alger, conscient des dangers que le terrorisme fait courir aux miens comme à tous les habitants d’Algérie, le drame actuel retentit quotidiennement en moi et assez fort pour que, écrivain et journaliste, j’ai renoncé à toute action publique qui risquerait, avec les meilleures intentions du monde, d’aggraver au contraire la situation… Je suis d’ailleurs persuadé que votre indulgence aidera finalement à préserver un peu de l’avenir algérien que nous espérons tous." »Notons que, sans intervenir sur une exécution précise ou après qu’elle ait eu lieu (comme celle de Badeche Ben Hamidi), il écrit pour demander la suspension des exécutions. Il le fait à nouveau le 28 octobre 1957, avec la reprise des exécutions.A la demande de Me Stibbe, il intervient le 28 octobre, auprès du président de la cour d’Assises, pour Ben Saddok qui a exécuté Ali Chekkal car il considère que son acte n’est pas un acte de terrorisme « aveugle et raciste sur une foule innocente ». Il demande la plus grande discrétion sur ces démarches. Une fuite s’étant produite, il décide de refuser désormais. Il n’en poursuivra pas moins ses interventions :- le 8 janvier 1959, témoignage en faveur d’Amar Ouzegane ;- 11 janvier 1959, recours en grâce auprès du général de Gaulle et d’André Malraux en faveur de trois condamnés à mort ;- 13 février 1959, demande de mise en liberté pour Kaci Abdallah et Arous Ahmed ;- le 11 mars 1959, pour Messaoui Ahmed et Mimouni Abd el Kader ;- mars-mai 1959, intervention auprès de M. Patin, président de la commission de sauvegarde, en faveur de Daniel Liddi interné au camp de Lodi ;-21 août 1959, demande de grâce pour Bouayed Rachid, Berkouk Arezki, Sahnoun Ahmed.

On constate donc que deux motivations incitent Camus à intervenir ou à ne pas intervenir : que la personne condamnée ait ou non participé aux actions terroristes ; que son intervention

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reste secrète. D’où ses refus connus d’intervention pour Iveton, pour Taleb Abderrahmane, pour les Guerroudj qui sont, pour lui, des « terroristes ». D’où la conclusion d’A. Spiquel et Ph. Vanney dans leur commentaire des Chroniques algériennes – Actuelles III, Tome IV des Œuvres complètes, La Pléiade, p. 1419 : « Albert Camus ne se résignera jamais au projet nationaliste du FLN dans lequel il voit la dislocation des communautés et l’exil des Européens. Enfant de l’Algérie, il ne rejoindra ni les ultras qui dans la poursuite d’un rêve impossible ajouteront au malheur des gens, ni les partisans français du mouvement insurrectionnel qui feront la guerre contre leur propre pays. »Ajoutons, pour notre part qu’il n’envisagera jamais de rejoindre cette lutte comme Algérien, au même titre que nombre de ses compatriotes d’Algérie. Il est utile pour enrichir son information, de consulter l’ouvrage de Rachid KHETTAB, Frères et Compagnons – Dictionnaire biographique d’Algériens d’origine européenne et juive et la guerre de libération (1954-1962), Boudouaou (Algérie), Dar Khettab, 2012, 302 p.

Face à l’indépendance ?

Questionshttp://algeriedemocratie.unblog.fr/2011/01/30/albert-camus-lalgerie-en-mai-1945/« Albert Camus est mort en janvier 1960, au moment où l’option de la négociation avec le FLN pour préparer l’indépendance de l’Algérie commençait à être envisagée par le général de Gaulle. On ne sait pas comment il aurait réagi s’il avait vécu en 1960, 1961 et 1962, à un moment où chacun a eu à choisir entre cette acceptation de l’indépendance et l’option du putsch et de l’OAS. Le fait est que, jusqu’à sa mort, il a refusé l’idée d’indépendance de l’Algérie, en considérant que cela signifierait le départ des Européens d’Algérie et donc la mort de « son » Algérie. Après s’être engagé en janvier 1956 en faveur de l’arrêt des violences contre les civils des deux camps ce qui l’a exposé à la haine des extrémistes européens qui l’ont empêché de parvenir à son objectif, il s’est réfugié jusqu’à sa mort dans un silence presque total sur ce sujet.Aurait-il suivi, s’il avait vécu, l’évolution d’amis comme l’écrivain Emmanuel Roblès ou le peintre Jean de Maisonseul en faveur de l’indépendance, ou bien une autre direction ? Rien ne permet de l’affirmer [...]. »Source : www.ldh-toulon.net (publié le 30 janvier 2011)

L’Ebauche de la mise en mots du réel vécu et d’un avenir, Le Premier homme

Il est toujours émouvant de relire les pages du Premier homme. D’abord, parce que dans cette œuvre de fin de vie (Camus était de toutes façons condamné à brève échéance par la maladie), la tristesse qui en émane nous étreint et aussi parce que dans les fragments divers appelés à constituer une autobiographie dont la mort aura empêché la réalisation, les sauts, les espaces comme autant d’instant saisis, de fugacité brisée, appellent le lecteur à la réflexion. Comment combler ces blancs, quels auraient été leurs développements ? En même temps que nous nous penchons sur l’acte de création dont le brouillon est la première ébauche, nous entrons par effraction dans la conscience d’un écrivain déchiré par ses contradictions et qui nous livre ainsi (sans l’avoir voulu, le texte étant inachevé) des intuitions, des projets, des intentions. Et aussi des regrets. On s’interroge sur ces fragments en leur imaginant une suite…Le début du livre, assez complet malgré quelques mots désignés comme illisibles, raconte la venue de ce couple de pionniers complètement démunis qui arrive dans un coin de terre perdue qui porte cependant un nom emblématique : le domaine de St Apôtre. La dimension christique de ces premières pages, souvent soulignée, accorde à la mère une aura sacrée. Elle accouche sur un matelas jeté par terre entourée de femmes arabes dont on ne saura rien : elles

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ne sont que des figurantes anonymes comme le sont tous les Arabes présents dans les autres œuvres, silhouettes à peine entrevues au langage guttural incompréhensible. Mais ils vont cesser d’être invisibles dans les dernières pages du texte rédigé.A mesure que nous avançons dans le récit, l’angoisse des lendemains inconnus saisit le narrateur. Il revit en pensée le chemin de sa vie, l’enfance à Belcourt, la famille, la lampe à pétrole et l’escalier noir, les palmes dans le vent, la naissance et le baptême dans la mer, le danger toujours présent et autour de lui ce peuple attirant et inquiétant, proche et séparé. Dans l’oxymore de ces groupes d’adjectifs se joue tout le drame des deux communautés et aussi le déchirement de l’auteur. Pendant la journée, naissait parfois un sentiment d’amitié ou de camaraderie mais le soir venu, ils se retiraient dans leurs maisons inconnues, où l’on ne pénétrait jamais. Leur nombre fait planer une menace qui se précise lorsqu’éclate une bagarre entre un Français et un Arabe. Aussitôt celui-ci est entouré des siens qui surgissent de partout pour l’entraîner à l’écart. Cette foule qui arrive de tous les côtés par un mouvement continu, masse agglutinée et compacte, visages sombres et fermés, expulse les intrus. Le Français décrit par son courage fait face à une masse de loqueteux déterminés. La représentation de cette confrontation décrit la situation historique et prédit le sort de ces hommes qui se sont maintenus par leur force et leur endurance sur une terre où ils avaient voulu planter leurs racines, terre sans aïeux et sans mémoire, pour ne laisser dans le vieux cimetière des colons qu’un immense oubli. Dans ce mouvement vers le passé, cette évocation fait naître la nostalgie et le regret. Cette histoire de la fin d’un monde-traversé du regret de ces années de lumière en rend la fin plus poignante.Homme de sa communauté, lassé d’être de vivre et d’agir pour donner tort à celui-ci, raison à celui-là, il choisit le silence pour ne pas prendre parti. Camus, enfant pauvre, issu d’une nichée d’analphabètes qui se reproduisirent loin des écoles, attelés seulement à un travail exténuant sous un soleil féroce semble esquisser, dans ce dernier texte, à mots couverts, comme le regret de ce qui aurait pu être.

LES LIEUX DE MÉMOIRE

La librairie d'Edmond Charlot (devenue une bibliothèque de prêt sous le même nom),

Réouverture à Alger des « Vraies Richesses » :« L’établissement Arts et Culture, dépendant de la Wilaya d’Alger, a procédé hier à la réouverture de la librairie « Les vraies richesses », sise au 3 rue Hammani, ex-Charras. Ce tout petit établissement, célèbre dans le monde entier, est le lieu où une partie du chef d’œuvre Le Petit Prince a été écrit par son auteur Antoine de Saint-Exupéry, lors de ses escales d’aviateur à Alger. Siège de la librairie et des éditions Edmond Charlot, elle avait accueilli des auteurs de renom comme Albert Camus, Jules Roy… Animée par un personnage haut en couleurs qui avait tenu la dragée haute aux grands éditeurs parisiens, elle a été plastiquée en 1961 par l’OAS du fait des opinions et écrits indépendantistes ou libéraux qui s’y diffusaient. En rénovant le lieu, Arts et Culture a fait deux coups en un : ouvrir un nouvel espace du livre à Alger, ce qui est déjà admirable, et rendre hommage à Edmond Charlot. L’inauguration hier s’est accompagnée d’une petite exposition de photographies de l’époque où l’on voit l’éditeur-libraire et certains de ses auteurs ainsi que des ouvrages sauvés de l’attentat perpétré par les commandos ultras. A proximité de l’université centrale d’Alger, le lieu promet d’être fréquenté, tel qu’il l’avait été par le passé pour diffuser les "vraies richesses" du savoir et de l’esprit. Dans ce quartier où la destruction d’un immeuble ancien laisse une impression de désolation et de vide, c’est un petit signe d’espoir pour tous ceux qui pensent que rien n’est jamais perdu. » (El Watan, 17 avril 2008).

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La Stèle de Tipasa

« Il y a cinquante ans, la stèle de Tipasa »

Après la disparition d'Albert Camus (le 4 janvier 1960) ses amis se réunissaient souvent, notamment dans la galerie d’art que dirigeait Edmond Charlot. C’est là qu’ils émirent le projet de rendre un hommage à Camus par l’érection d’une stèle à Tipasa. La décision définitive fut prise à Lourmarin par Francine Camus, Jean de Maisonseul, Louis Bénisti et Louis Miquel. Ce dernier reçut mission de trouver à Tipasa l’emplacement qui conviendrait à une telle implantation. Le site choisi était placé sur une ligne joignant le sommet du Mont Chenoua au Tombeau de la Chrétienne. On fit appel au talent de sculpteur de Louis Bénisti pour graver, en caractère romain sur une pierre antique, une phrase de Noces : « Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure. »Ce choix eut l’accord de René Char et de Jean Grenier. Camus avait emprunté cette phrase à Saint-Augustin : « La mesure d’aimer, c’est aimer sans mesure. »L’installation de la stèle fut confiée à Louis Miquel qui l’effectua avec l’aide, tout à fait amicale et désintéressée, de l’entrepreneur Alfred Espert. Son inauguration eut lieu le 29 avril 1961 à une époque particulièrement troublée par la fin de la guerre d’Algérie. À cette émouvante cérémonie assistait un petit groupe d’amis [Louis et Jeanne Miquel, Charles et Alice Poncet, Alfred Espert et sa femme, Jean-Pierre et Jeanne Faure, Roland Simounet, Edmond Charlot, Jean Bossu, Marcel Mauri, Maurice Girard, Edmond Brua, Marcelle Bonnet-Blanchet, Pierre-André et Germaine Emery, Jean et Mireille de Maisonseul, Louis, Solange et Jean-Pierre Bénisti] qui, peu de temps auparavant étaient présents à l’inauguration d’un magnifique centre culturel à Orléansville (Chlef aujourd’hui). Ce bâtiment, œuvre des architectes Louis Miquel et Roland Simounet, allait bientôt recevoir le nom de « Centre Culturel Albert Camus » car Camus s’était intéressé à la construction de ce centre et notamment de son théâtre.Jean-Pierre BÉNISTITexte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Plaques commémoratives

Celle de la maison natale de Camus31 Janvier 2012, article et entretien dans El Watan (cf. Walid Mebarek)La semaine dernière, le wali d’El Tarf et l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, ont fait ce geste honorifique à Dréan (ex-Mondovi, près d’Annaba). Denis Fadda, universitaire à Perpignan, en rêvait. Natif d’Annaba, issu de plusieurs générations de Bônois, tant du côté maternel que paternel, ses ancêtres ont notamment contribué à la construction du port de la ville. Son père, André Fadda, comme son grand oncle, le docteur Jean Bulliod («le médecin des pauvres» comme on l’appelait) ont été maires de Bône. Il nous donne son sentiment sur l’honneur fait à Camus.-Que pensez-vous de ce geste soutenu par la France et l’Algérie ?Il s’agit là d’un geste qui a une grande signification. L’Algérie reconnaît un de ses enfants les plus aimants. L’attachement de Camus à sa terre est immense ; toute son œuvre en est imprégnée. C’est aussi la reconnaissance d’un des plus grands écrivains, d’un des plus grands philosophes de notre temps (Camus est aujourd’hui, dans le monde, l’auteur le plus étudié,

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ndlr). C’est, enfin, la reconnaissance, par les deux pays, que Camus était et continue d’être un pont entre les deux rives.-Pour vous, en tant qu’ancien de la région natale de Camus, en quoi a-t-elle compté dans l’œuvre de l’écrivain ?Le Premier homme s’ouvre sur l’arrivée de la famille Camus à Annaba (Bône à cette époque). Camus nous raconte sa naissance précipitée à Mondovi (Dréan). Lorsque le médecin est arrivé, cette naissance avait déjà eu lieu, ce sont des femmes du village qui ont fait accoucher sa mère. Quel accueil ! En quelque sorte, Camus est arrivé à Mondovi / Dréan pour y naître... n’est-ce pas merveilleux ? Peut-être Camus a-t-il été frappé par les conditions de cette naissance. Au moment de sa mort, il avait dans son cartable, avec lui, le manuscrit de cet ouvrage inachevé et qui prévoyait d’être beaucoup plus volumineux que le texte que nous connaissons. J’ajouterais que Camus est né à quelques kilomètres d’Hippone, la ville de Saint Augustin. Est-ce un hasard s’il s’est tant intéressé, dès l’université, à cet esprit universel ? C’est, en tout cas, une chance immense pour la région d’Annaba d’avoir eu pour «enfants» deux des très grands esprits de l’histoire de l’humanité. Et on peut rêver de voir créer un jour à Annaba un centre international de rencontres consacré à la littérature et à la philosophie qui associerait leurs deux noms. Ce serait d’un apport considérable pour la région. Notons que le récit que rapporte Camus dans Le Premier Homme, celui qu’on lui a transmis, ne témoigne pas d’une naissance à Mondovi mais dans une ferme plus loin.

93, rue de Lyon (aujourd’hui rue Belouizdad)La maison où a vécu Camus est au 93 rue de Lyon. Dans son roman, Un parfum d’absinthe/Camus dans le narguilé, Hamid Grine rend compte avec humour des confusions des visiteurs entre deux numéros et la manière dont ils sont accueillis.

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TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIEEcrits journalistiques, opinions libres et éclairages universitaires

Belaïd ABANEFerhat ABBASHamid ABDELKADER ABDOU B.Mohamed Ismaïl ABDOUNNadia AGSOUSKarima AÏT DAHMANELouisa AÏT HAMOU Omar AÏT KACIHachemi AÏT MANSOUR Yacine ALIM AL KHALIFA- BENGUEZMIA, M.Boussetta ALLOUCHEMalek ALLOULAKarim AMELLALIdir AMMOURMarguerite Taos AMROUCHEAhmed ANCERMokhtar ATTALAH Yasmina B. Farida BELKHIRIFella BENABED Djamel BENACHOUR Khalfaoui BENAOUMEURA.BENCHABANNE Mohamed BENCHICOUNazim BENHABIB Anouar BENMALEK M. BENREBIAI Ahmed BENSAADA Mohamed BEN SALAH Mounir BEN TALEBMessaoud BENYOUCEF Farid BENZAID Ahmed BENZELIKHA Boussad BERRICHI Aïni BETTOUCHE BLOG collectifHouda BOUCHAIB Samir BOUDERBALA Abderrahmane BOUGUERMOUH Mohamed BOUHAMIDI Baki BOUMAZA

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Sihem BOUNABIMourad BOURBOUNE CHADLI BENDJEDID CHEBCHOUB Z.Malek CHEBELLarbi CHELABI Mohamed CHELHAB Ahmed CHENIKI Mustapha CHERIF Nedjma CHERRAD Lamria CHETOUANI Ali CHIBANI Chems Eddine CHITOURLynda CHOUITEN Azeddine DAHMOUNEDjamila DEBECHE Nasser DJIDJELI Sarah DIFFALAHFafia DJARDEMFatima DOGHMANE DRISS.B Ameziane FERHANI Aïcha GABANI Aziz GHEDIAHassan GHERAB Larbi GRAÏNEHadjer GUENANFA S. H.Malek HADDAD Yazid HADDARDr. Mohamed HADEFSofiane HADJADJBrahim HADJ SLIMANE Boudjemaâ HAÏCHOUR Ahmed HALFAOUILeïla HAMOUTENE Ahmed HANIFIHacène HIRECHE Kassa HOUARILila IBRAHIM-LAROUS Youcef IMMOUNE Mohamed IQBALGhani A. KACHA Mohamed Zine Abidine KADDOUSAbdelmadjid KAOUAH H. KARBOUA Malika KEBBAS Yacine KENZY Saïd KESSALMohamed El-Aziz KESSOUS

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Boualem KHALFA Sarah KHARFI Goucem KHODJA Salim KOUDIL Saâdeddine KOUIDRI Henri KRÉA Mostefa LACHERAF Ahmed LANASRI Waciny LAREDJ Benaouda LEBDAI Sara LEULMIFouzia MAHMOUDIWalid MEBAREK Hamida MECHAIAdlène MEDDI Samir MEHALLA Abdelkrim MEKFOULDJIGhani MERADPr K. MERAD BOUDIAAbdellali MERDACI Youcef MERAHIKaddour M’HAMSADJI Badr’Eddine MILIHadj MILIANIMIROUBelkacem MOSTEFAOUI Hadjira MOUHOUBHind O.Khaled OUADAHHacen OUALI Zineb OULED ALI Rachid RAÏSSI Hend SADINourredine SAADIMokhtar SAKHRI Youcef SEBTIK. SELIMSamira SIDHOUMSYFOUAkli TADJERMustapha TALASLIMANE Ahmed TAZIRLinda Nawel TEBBANIAhmed TESSA Rémi YACINE Kamal YANATMohamed YEFSAHHamid ZANAZ Mohammed-Salah ZELICHEAbdelhamid ZOUBIR

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SECONDE PARTIEArticles d’opinions, créations, travaux universitaires

Mathi Khudir ABBASEl Fatih ABDELGADIR Zedjiga ABDELKRIM Henri ALLEGJean AMROUCHE Hassan ARABSaïd AREZKIZaki ARROUK Amina AZZA-BEKKATSalim BACHIAbdellah BEDDAWIYahia BELASKRIMessaoud BELHASSEBAkram BELKAID Hassiba BENALDI Leïla BENMANSOURAfifa BERERHIMaïssa BEY Zohra BOUCHENTOUF-SIAGHRachid BOUDJEDRATayeb BOUGUERRAChristiane CHAULET ACHOURFrançois CHAVANES Mustapha CHELFI Achour CHEURFI Beïda CHIKHIAziz CHOUAKIKamel DAOUDMohammed DIBAssia DJEBARAbdelkader DJEGHLOULAbdelkader DJEMAÏNabile FARESMouloud FERAOUNHamid GRINESalah GUEMRICHEBrahim HADJ SMAÏLOuahiba HAMOUDAAssia KACEDALIAïcha KASSOULKATEB YacineNaget KHADDAYasmina KHADRARéjane et Pierre LE BAUTMouloud MAMMERI

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Mohamed Lakhdar MAOUGALOmar MERZOUG Arezki METREFRachid MIMOUNIBouba MOHAMMEFI-TABTIHamid NACER-KHODJAKarima OUADIABoualem SANSALJean SENACAhmed TALEB Alek Baylee TOUMIMourad YELLESYoucef ZIREM

ANNEXERapports de Camus à l’Algérie : retour sur quelques dates et lieux de mémoire

TEXTES ET DATESKabylie, 1939Combat 1945, les événements de SétifAlger 1956 – 22 janvier, Pour une trêve civile en Algérie – Appel d’Albert CamusAlger 1957, Camus, le terrorisme, la peine de mort et l’AlgérieFace à l’indépendance ?

QuestionsL’Ebauche de la mise en mots du réel vécu et d’un avenir, Le Premier homme

LES LIEUX DE MÉMOIRELa librairie d'Edmond Charlot La Stèle de TipasaPlaques commémoratives

Maison natale de Camus93 rue de Lyon

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