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Tribunal de première instance Activité 79 Le Tribunal de première instance des Communautés européennes a connu en 2004 des évolutions importantes qui marqueront l’histoire de l’institution judiciaire européenne. Tout d’abord, l’adhésion à l’Union européenne de dix nouveaux États a permis au Tribunal de première instance d’accueillir en son sein dix nouveaux juges: M me E. Cremona, M. O. Czúcz, M me I. Wiszniewska-Białecka, M me I. Pelikánová, M. D. Šváby, M. V. Vadapalas, M me K. Jürimäe, M me I. Labucka et M. S. S. Papasavvas ont prêté serment le 12 mai 2004; M me V. Trstenjak a pris le même engagement le 7 juillet suivant. Pour la deuxième fois de son histoire, le collège des juges du Tribunal, initialement composé de douze juges, s’est élargi. Il est désormais composé de 25 membres, soit un juge par État membre. Les mandats de plusieurs membres du Tribunal, dont certains venaient d’être nommés, ont expiré le 31 août 2004. Par décision du 14 juillet 2004, les représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne ont, pour la période allant du 1 er septembre 2004 au 31 août 2010, renouvelé le mandat des membres suivants: M. B. Vesterdorf, M me V. Tiili, M. J. Azizi, M. M. Jaeger, M. A. W. H. Meij, M. M. Vilaras, M me M. E. Martins de Nazaré Ribeiro, M. F. Dehousse, M. O. Czúcz, M me I. Wiszniewska- Białecka, M. D. Šváby, M me K. Jürimäe et M. S. S. Papasavvas. Eu égard à l’élargissement de l’Union européenne, le règlement de procédure du Tribunal a été modifié pour porter de onze à treize le nombre de juges composant la grande chambre (JO 2004, L 127, p. 108). De même, ont été modifiées les dispositions relatives aux langues de procédure: les recours peuvent être formés depuis le 1 er mai 2004 en 21 langues différentes – 20 langues officielles et l’irlandais – (JO 2004, L 132, p. 3). L’organisation et le fonctionnement du Tribunal ont été adaptés pour répondre aux nécessités découlant du nombre plus élevé de juges. Dans un premier temps, pour la période allant du 1 er mai au 31 août 2004, les nouveaux juges ont intégré les cinq formations existantes de trois juges. Chacune des formations de trois juges a donc été complétée de deux juges et a ainsi formé la chambre élargie. Dans un second temps, le Tribunal a décidé de maintenir pour l’année judiciaire 2004/2005 la structure comportant cinq chambres composées de cinq juges. Il s’ensuit que, au cours de cette année judiciaire, chacune des cinq chambres siège avec trois juges en deux formations distinctes et prédéterminées sous la présidence du président de chambre. Quatre des cinq chambres composées de cinq juges sont présidées par les présidents qui ont été élus par leurs pairs en septembre 2004 pour une période de trois ans, à savoir MM. Jaeger, Pirrung, Vilaras et Legal. Cette élection des présidents de chambre A – Activité du Tribunal de première instance en 2004 par M. le président Bo Vesterdorf

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Tribunal de première instance Activité

79

Le Tribunal de première instance des Communautés européennes a connu en 2004 des évolutions importantes qui marqueront l’histoire de l’institution judiciaire européenne.

Tout d’abord, l’adhésion à l’Union européenne de dix nouveaux États a permis au Tribunal de première instance d’accueillir en son sein dix nouveaux juges: Mme E. Cremona, M. O. Czúcz, Mme I. Wiszniewska-Białecka, Mme I. Pelikánová, M. D. Šváby, M. V. Vadapalas, Mme K. Jürimäe, Mme I. Labucka et M. S. S. Papasavvas ont prêté serment le 12 mai 2004; Mme V. Trstenjak a pris le même engagement le 7 juillet suivant.

Pour la deuxième fois de son histoire, le collège des juges du Tribunal, initialement composé de douze juges, s’est élargi. Il est désormais composé de 25 membres, soit un juge par État membre.

Les mandats de plusieurs membres du Tribunal, dont certains venaient d’être nommés, ont expiré le 31 août 2004. Par décision du 14 juillet 2004, les représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne ont, pour la période allant du 1er septembre 2004 au 31 août 2010, renouvelé le mandat des membres suivants: M. B. Vesterdorf, Mme V. Tiili, M. J. Azizi, M. M. Jaeger, M. A. W. H. Meij, M. M. Vilaras, Mme M. E. Martins de Nazaré Ribeiro, M. F. Dehousse, M. O. Czúcz, Mme I. Wiszniewska-Białecka, M. D. Šváby, Mme K. Jürimäe et M. S. S. Papasavvas.

Eu égard à l’élargissement de l’Union européenne, le règlement de procédure du Tribunal a été modifié pour porter de onze à treize le nombre de juges composant la grandechambre (JO 2004, L 127, p. 108). De même, ont été modifiées les dispositions relativesaux langues de procédure: les recours peuvent être formés depuis le 1er mai 2004 en 21 langues différentes – 20 langues officielles et l’irlandais – (JO 2004, L 132, p. 3).

L’organisation et le fonctionnement du Tribunal ont été adaptés pour répondre aux nécessités découlant du nombre plus élevé de juges. Dans un premier temps, pour la période allant du 1er mai au 31 août 2004, les nouveaux juges ont intégré les cinq formations existantes de trois juges. Chacune des formations de trois juges a donc été complétée de deux juges et a ainsi formé la chambre élargie. Dans un second temps, le Tribunal a décidé de maintenir pour l’année judiciaire 2004/2005 la structure comportant cinq chambres composées de cinq juges. Il s’ensuit que, au cours de cette année judiciaire, chacune des cinq chambres siège avec trois juges en deux formations distinctes et prédéterminées sous la présidence du président de chambre.

Quatre des cinq chambres composées de cinq juges sont présidées par les présidents qui ont été élus par leurs pairs en septembre 2004 pour une période de trois ans, à savoir MM. Jaeger, Pirrung, Vilaras et Legal. Cette élection des présidents de chambre

A – Activité du Tribunal de première instance en 2004

par M. le président Bo Vesterdorf

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à laquelle il a été procédé pour la première fois le 10 septembre 2004, conformément à l’article 15 du règlement de procédure du Tribunal, est une conséquence de l’entrée en vigueur le 1er février 2003 du nouveau protocole sur le statut de la Cour de justice (article 50).

La cinquième chambre à cinq est présidée par le président du Tribunal, dont l’élection pour trois ans (soit jusqu’au 31 août 2007) a eu lieu le 8 septembre 2004. Comme le président du Tribunal ne siège pas dans une chambre composée de trois juges, celle-ci est présidée par un juge de cette chambre, à savoir M. Cooke.

Ensuite, la mise en œuvre des réformes rendues possibles par le traité de Nice a commencé. Dans sa version modifiée par le traité de Nice, entré en vigueur le 1er février 2003, le traité CE prévoit en son article 225 que le Tribunal est compétent pour connaître en première instance de tous les recours directs, à l’exception de ceux qui sont attribués à une chambre juridictionnelle et de ceux que le statut réserve à la Cour de justice.

Le Conseil a, d’une part, modifié le protocole sur le statut de la Cour de justice et, d’autrepart, prévu la création d’une «chambre juridictionnelle».

Premièrement, le 26 avril 2004, le Conseil a adopté la décision 2004/207/CE, Euratom portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice(JO L 132, p. 5; rectification JO L 194, p. 3). En conséquence de la nouvelle répartitiondes recours directs entre la Cour et le Tribunal effective depuis le 1er juin 2004, les recours en annulation et en carence formés par les États membres et dirigés contre un acte ou une abstention de la Commission 1 relèvent de la compétence du Tribunal. Il en va de même s’agissant des recours formés par les États membres et visant:

– les décisions du Conseil en matière d’aides d’État;– les actes du Conseil adoptés en vertu d’un règlement de cette institution relatif aux

mesures de défense commerciale; – les actes du Conseil par lesquels ce dernier exerce des compétences d’exécution;– les actes de la Banque centrale européenne.

En raison de cette nouvelle répartition des compétences en matière de recours directs, les affaires initialement introduites devant la Cour, mais dans lesquelles la procédure écrite n’était pas encore clôturée, ont été transférées au Tribunal, très essentiellement dans les domaines des aides d’État et du FEOGA.

Deuxièmement, le Conseil de l’Union a adopté le 2 novembre 2004 la décision 2004/752/CE, Euratom instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7). Cette réforme, également rendue possible par le traité de Nice (articles 220 CE et 225 A CE; articles 136 CEEA et 140 B CEEA; voir aussi la déclaration n° 16 annexée au traité de Nice), était vivement souhaitée par le Tribunal en raison du caractère spécifique de ce domaine de contentieux et de la charge de travail

1 À l’exception des actes de la Commission qui concernent une coopération renforcée dans le cadre du traité CE.

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qui est attendue en conséquence de l’application des dispositions du nouveau statut de la fonction publique. Cette nouvelle juridiction spécialisée, composée de sept juges, sera appelée à statuer sur le contentieux de la fonction publique de l’Union européenne, compétence actuellement exercée par le Tribunal. Ses décisions pourront faire l’objet d’un pourvoi limité aux questions de droit devant le Tribunal et exceptionnellement d’un réexamen par la Cour de justice dans les conditions prévues par le protocole sur le statut. Son entrée en fonctions devrait intervenir dans le courant de l’année 2005.

Enfin, les statistiques relatives à l’année 2004 appellent quelques commentaires. Le nombre d’affaires enregistrées a continué d’augmenter, conformément à ce qui est observé de manière constante depuis plusieurs années, pour être porté à 536 (contre 466 en 2003). Cette augmentation tient en partie au fait que le Tribunal est compétent, depuis le 1er juin 2004, pour statuer sur les recours directs formés par les États membres (voir l’explication qui précède). À ce titre, 48 affaires supplémentaires ont été reçues, soit 21 affaires dont le renvoi a été ordonné par la Cour et 27 affaires nouvelles qui ont été déposées par des États membres. Le contentieux de la marque communautaire continue de progresser en valeur absolue (110 affaires ont été introduites, soit 10 de plus qu’en 2003) et représente en valeur relative 21 % du total des affaires introduites. Le contentieux de la fonction publique reste, comme cela est le cas depuis 2000, le plus important en volume d’affaires: 146 nouvelles affaires ont été enregistrées (soit 27 % du total des affaires introduites).

Le nombre des affaires réglées, qui s’élève à 361, est proche de celui de l’année 2003 (339), étant précisé que 76 % de ces affaires l’ont été par des chambres composées de trois juges, 18 % par des chambres composées de cinq juges et 4 % par le Tribunal statuant en formation à juge unique. Il faut donc constater que l’élargissement du collège des membres n’a pas encore permis d’accroître sensiblement le nombre d’affaires annuellement réglées.

Le nombre des affaires pendantes a dépassé le seuil critique des 1 000 affaires et représente, au 31 décembre 2004, 1 174 affaires. Ce nombre d’affaires correspond, en l’état, à plus de trois années d’activité judiciaire du Tribunal.

Quant à la durée moyenne d’instance, elle a légèrement augmenté par rapport à celle des trois dernières années: en 2004, la durée moyenne d’une instance était de 22,6 mois pour les affaires autres que celles relevant des matières spécifiques que sont la propriétéintellectuelle et la fonction publique communautaire.

Un nombre très limité d’affaires a été traité selon la procédure accélérée, puisque deux affaires, sur treize demandes présentées au cours de l’année, ont bénéficié de cetraitement.

Les orientations de la jurisprudence sont contenues dans les développements suivants qui abordent successivement le contentieux de la légalité (I), celui de l’indemnité (II) et celui du référé (III).

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I. Contentieux de la légalité

L’examen du fond d’un recours suppose que ce dernier soit recevable. La présentation des affaires ayant abordé la question de la recevabilité des recours en annulation (B) précédera donc celle des aspects essentiels de droit matériel (C à H). Ces derniers sont exposés dans le cadre de la matière dont ils relèvent. Tous les domaines de contentieux qui ressortissent au Tribunal ne sont pas repris dans les développements qui suivent, lesquels ne revêtent donc pas un caractère d’exhaustivité 2.

Certaines questions d’ordre procédural seront exposées sous une rubrique spécifique(A), les précisions qu’apportent certaines décisions méritant d’être mises en exergue.

A. Aspects de procédure

1. Procédure par défaut

Le prononcé d’arrêts par défaut est extrêmement peu fréquent. Il suppose en effet que le défendeur, régulièrement mis en cause, ne réponde pas à la requête dans les formes et délais prescrits et que le requérant demande au Tribunal de lui adjuger le bénéfice deses conclusions.

C’est dans le respect de ces dispositions que le Tribunal a adjugé, faute de mémoire en défense déposé par la Commission dans le délai imparti, le bénéfice de leurs conclusionsà cinq banques qui s’étaient vu infliger une amende au titre de leur participation à uneentente portant sur les commissions perçues lors des opérations de change de billets de banque en monnaie de la zone euro. En effet, par ses arrêts du 14 octobre 2004, Bayerische Hypo- und Vereinsbank/Commission (T-56/02, non encore publié au Recueil), Dresdner Bank/Commission (T-44/02, non publié au Recueil), Vereins- und Westbank/Commission (T-54/02, non publié au Recueil), Deutsche Verkehrsbank/Commission (T-60/02, non publié au Recueil) et Commerzbank/Commission (T-61/02, non publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision de la Commission 3 après avoir considéré

2 La présente contribution ne contient notamment pas de développements relatifs aux décisions relevant du contentieux douanier, dans la mesure où il s’agit très essentiellement de cas d’application à des situations particulières de solutions déjà bien établies (notamment, arrêts du 12 février 2004, Aslantrans/Commission, T-282/01; du 21 septembre 2004, Société française de transports Gondrand Frères/Commission, T-104/02, et du 14 décembre 2004, Nordspedizionieri di Danielis Livio & C. e.a./Commission, T-332/02, non encore publiés au Recueil). De même et pour des raisons identiques, cette contribution n’expose pas les décisions visant à l’annulation de décisions portant réduction ou suppression de concours financiers communautaires, que ceux-ci aient été accordés au titre du Fondseuropéen de développement régional (FEDER) (arrêt du 14 septembre 2004, Ascontex/Commission, T-290/02, non encore publié au Recueil) ou au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation» [arrêt du 28 janvier 2004, Euroagri/Commission, T-180/01, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-153/04 P)].

3 Décision 2003/25/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative à une procédure ouverte au titre de l’article 81 du traité CE – Affaire COMP/E-1/37.919 (ex 37.391) – Frais bancaires pour la conversion des monnaies de la zone euro – Allemagne – (JO 2003, L 15, p. 1).

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que les conclusions des parties requérantes paraissaient fondées. Le Tribunal a estimé que les éléments avancés par les demanderesses dans leur requête lui permettaient de conclure que l’existence de l’accord alléguée n’était pas suffisamment prouvée, tant ence qui concerne la fixation des prix des services de change d’espèces des monnaies dela zone euro qu’en ce qui concerne les modalités de facturation de ces prix. Le montant cumulé des amendes infligées aux cinq banques concernées par la Commission dans ladécision annulée s’élevait à plus de 100 millions d’euros.

La Commission a formé opposition contre ces arrêts, ainsi que les textes applicables le lui permettent.

2. Relevé d’office d’un moyen d’ordre public

Un moyen d’ordre public peut, et même doit, être examiné d’office par le jugecommunautaire. Un tel moyen peut donc être invoqué par les parties à tout stade de la procédure, qu’il touche à la recevabilité du recours ou à la légalité de l’acte attaqué.

Aussi le Tribunal a-t-il examiné d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent le respect du délai de recours (arrêt du 28 janvier 2004,OPTUC/Commission, T-142/01 et T-283/01, non encore publié au Recueil), le caractère attaquable de l’acte litigieux (ordonnances du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission, T-308/02, et du 13 juillet 2004, Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, T-29/03, non encore publiées au Recueil), l’intérêt de la partie requérante à obtenir l’annulation de l’acte attaqué (arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T-310/00, non encore publié au Recueil) ou encore la qualité pour agir (arrêts du 7 juillet 2004, Sacilor-Lormines/Commission, T-107/01 et T-175/01, et du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission, T-27/02, non encore publiés au Recueil).

Il a également examiné, en tant qu’il constitue un moyen d’ordre public, le moyen tiré d’une violation des formes substantielles, dont relève le défaut ou l’insuffisance de motivation del’acte attaqué [arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44/00, non encore publié au Recueil, points 126 et 210; sous pourvoi (affaire C-411/04 P)]. En revanche, le Tribunal a considéré que la violation des droits de la défense, étant une illégalité subjective par sa nature, ne relève pas de la violation des formes substantielles, et, partant, ne doit pas être soulevée d’office [arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, non encore publié au Recueil, point 425; sous pourvoi (affaires C-403/04 P et C-405/04 P)].

3. Sur les dépens

Lorsqu’une partie succombe en ses conclusions devant le Tribunal, elle doit supporter, en principe, outre ses propres dépens, ceux de la partie adverse. Selon le règlement de procédure du Tribunal, les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont étéindispensables à ces fins.

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Le montant des dépens à rembourser est une cause fréquente de contestation. Ainsi la Commission a-t-elle considéré comme excessifs les montants qui ont été réclamés par les représentants des sociétés Airtours et Schneider Electric après que le Tribunal eut annulé les décisions interdisant respectivement à Airtours d’acquérir la société First Choice (arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T-342/99, Rec. p. II-2585) et à Schneider Electric d’acquérir la société Legrand (arrêt du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T-310/01, Rec. p. II-4071), ainsi que la décision ordonnant la séparation des entreprises (arrêt du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T-77/02, Rec. p. II-4201).

Dans une ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission (T-342/99 DEP, non encore publiée au Recueil), le Tribunal relève que la somme dont le remboursement était demandé à la Commission par Airtours s’élevait à plus de 1,7 million de livres sterling (GBP). Pour sa part, la Commission avait évalué initialement à 130 000 GBP, puis à 170 000 GBP les dépens exposés par Airtours.

Aux fins de fixer le montant récupérable, le Tribunal juge, notamment, qu’il n’est pasexclu que, lorsqu’un client décide de se faire représenter à la fois par un solicitor et par un barrister, les honoraires dus à l’un et à l’autre soient considérés comme des frais indispensables aux fins de la procédure. Toutefois, le Tribunal estime que, dans cescirconstances, il lui incombe d’examiner la mesure dans laquelle les prestations effectuées par l’ensemble des conseils concernés étaient nécessaires pour le déroulement de la procédure judiciaire et de s’assurer que l’engagement des deux catégories de conseils n’a pas entraîné une duplication inutile des frais. Or, tel était partiellement le cas en l’espèce.

Il considère également que la nature essentiellement économique des appréciations effectuées par la Commission dans le cadre du contrôle des opérations de concentration peut justifier l’intervention de conseils ou d’experts économiques spécialisés dans cedomaine en complément du travail des conseils juridiques et entraîner, ainsi, des dépens susceptibles d’être récupérés. Les frais de cette nature ont néanmoins été considérés comme excessifs par le Tribunal.

Enfin, lorsqu’une requérante est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui était lecas d’Airtours, elle a le droit de récupérer auprès des autorités fiscales la taxe sur la valeurajoutée payée sur les biens et services qu’elle acquiert. Cette taxe ne représentant pas pour elle une dépense, elle ne peut pas demander le remboursement de la taxe payée sur les dépens récupérables auprès de la Commission.

Eu égard à ces considérations, ainsi qu’à l’importance de l’affaire au regard du droit communautaire de la concurrence, aux nombreuses et complexes questions économiques et juridiques qui ont été examinées par les conseils, aux intérêts économiques que le litige a représentés pour Airtours, et à l’ampleur du travail causé aux conseils juridiques et économiques par la procédure contentieuse, le Tribunal a fixé le montant total desdépens à rembourser à Airtours à un peu moins de 490 000 GBP.

Par l’ordonnance du 29 octobre 2004, Schneider Electric/Commission (T-310/01 DEP, non publiée au Recueil), le Tribunal a fixé le montant devant être remboursé à Schneider

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Electric, la Commission ayant refusé de rembourser les quelque 830 000 euros demandés au titre, essentiellement, des honoraires et débours des conseils de Schneider Electric exposés aux fins de la procédure contentieuse ayant conduit à l’annulation de la décisioninterdisant l’opération de concentration entre Schneider Electric et Legrand.

Tout en reconnaissant le degré élevé de complexité de l’affaire, l’importance des enjeux économiques qu’elle représentait pour la requérante, son intérêt en droit communautaire et la complexité des questions économiques et juridiques qu’elle a soulevées, le Tribunal estime que le nombre d’heures de travail avancé par les avocats au soutien de leur demande est exagéré. Au vu de tous les éléments, le montant total des dépens est ramené à presque 420 000 euros.

Pour des considérations de même nature, le montant des dépens afférents à la procédure de référé et à la procédure ayant conduit à l’annulation de la décision ordonnant à Schneider de céder en bloc les actifs détenus dans Legrand, évalué à plus de 830 000 euros, est fixé à presque 427 000 euros (ordonnance du 29 octobre 2004,Schneider Electric/Commission, T-77/02 DEP, non publiée au Recueil).

B. Recevabilité des recours formés au titre de l’article 230 CE

Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, «[t]oute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement».

En son cinquième alinéa, le même article 230 CE prévoit que le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a euconnaissance.

1. Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours

Il est de jurisprudence constante que seuls constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.

En revanche, comme cela a été rappelé dans l’ordonnance du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission (T-308/02, non encore publiée au Recueil), un acte purement confirmatif d’une décision antérieure devenue définitive n’est pas un acte attaquable. Il en est ainsi d’un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision. Toutefois, précise le Tribunal, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne sauraitêtre apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acteattaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle répond cet acte. En particulier,

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si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la situation antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits etcontient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure. Le Tribunal considère que c’est à bon droit que la Commission a soutenu que la lettre qu’elle avait envoyée à la requérante était dépourvue de caractère décisionnel, car, relève-t-il, les informations financières fournies par cette dernière, même si elles présentaient uncaractère nouveau, n’étaient pas susceptibles de modifier de façon substantielle sasituation juridique, telle qu’elle était caractérisée à la date de la décision antérieure devenue définitive.

Par ailleurs, le Tribunal a jugé que, dans le cadre d’un recours en annulation, lorsque l’acte attaqué revêt un caractère négatif, il doit être apprécié en fonction de la nature de la demande à laquelle il constitue une réponse. En particulier, le refus, opposé par une institution communautaire, de procéder au retrait ou à la modification d’un acte nesaurait constituer lui-même un acte dont la légalité peut être contrôlée, conformément à l’article 230 CE, que lorsque l’acte que l’institution communautaire refuse de retirer ou de modifier aurait pu lui-même être attaqué en vertu de cette disposition (ordonnancesdu 15 mars 2004, Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, T-139/02, et du 13 juillet 2004, Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, T-29/03, non encore publiées au Recueil). À cet égard, le Tribunal estime dans l’ordonnance Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, précitée, qu’une lettre du directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), par laquelle celui-ci a informé la requérantede l’impossibilité d’instruire sa réclamation contre le rapport final rédigé par l’OLAFà l’issue d’une enquête externe et transmis aux autorités espagnoles compétentes conformément à l’article 9 du règlement n° 1073/1999 4, ne peut être considérée comme une décision susceptible de faire l’objet d’un recours, dès lors que ce rapport ne constitue pas une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, mais une recommandation ou un avis dépourvu d’effets juridiques obligatoires.

2. Délai d’introduction du recours

Si le Tribunal a été amené à vérifier le respect du délai de recours dans plusieursdécisions [arrêt du 28 janvier 2004, OPTUC/Commission, T-142/01 et T-283/01, et ordonnance du 25 mai 2004, Schmoldt e.a./Commission, T-264/03; sous pourvoi (affaire C-342/04 P), non encore publiés au Recueil], c’est l’ordonnance du 9 novembre 2004, FNICGV/Commission (T-252/03, non encore publiée au Recueil) qui retiendra l’attention.

Saisi d’un recours formé par la Fédération nationale de l’industrie et des commerces en gros des viandes (FNICGV) et visant à obtenir, sur le fondement de l’article 229 CE, la suppression du montant de l’amende que lui avait infligée la Commission pour violation

4 Règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO L 136, p. 1).

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des règles de concurrence 5, le Tribunal relève que cet article du traité ne consacre pas comme voie de recours autonome le «recours de pleine juridiction». En effet, cette disposition, qui prévoit que «[l]es règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil, et par le Conseil en vertu des dispositions du […] traité [CE] peuvent attribuer à la Cour de justice une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements», n’est pas mentionnée à l’article 225, paragraphe 1, CE, dans sa rédaction issue du traité de Nice, parmi les voies de recours ressortissant à la compétence du Tribunal.

Cette compétence de pleine juridiction ne pouvant être exercée par les juridictions communautaires que dans le cadre du contrôle des actes des institutions communautaires, et plus particulièrement du recours en annulation, l’introduction d’un recours visant à obtenir du juge qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction doit respecter le délai établi par l’article 230, cinquième alinéa, CE, ce qui n’était pas le cas en l’espèce 6.

3. Intérêt à agir

L’affaire opposant MCI, anciennement dénommée WorldCom, à la Commission a permis au Tribunal de constater que MCI avait un intérêt à obtenir l’annulation de la décision de la Commission lui interdisant de fusionner avec Sprint, et ce alors même que cette décision avait été adoptée après le retrait de la notification.

En l’occurrence, le Tribunal considère dans son arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission (T-310/00, non encore publié au Recueil) que la requérante a un intérêt à obtenir l’annulation d’un acte par lequel la Commission refuse de considérer que la déclaration des parties constitue un retrait formel de l’accord notifié, alors qu’ellea vainement tenté de prévenir son adoption en déclarant formellement renoncer à l’opération de concentration notifiée qui en fait l’objet. Il ajoute que, aussi longtemps quesubsiste la décision de la Commission, l’entreprise est légalement empêchée de fusionner avec l’autre partie à l’opération notifiée, du moins sous la configuration et aux conditionsprésentées dans la notification, au cas où elle en aurait de nouveau l’intention à l’avenir.Le fait que l’entreprise n’a pas nécessairement cette intention, ou qu’elle ne la mettra peut-être pas en œuvre, constitue à cet égard une circonstance purement subjective qui ne saurait être prise en considération lors de l’appréciation de son intérêt à agir en annulation d’un acte qui, incontestablement, produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.

5 Décision 2003/600/CE de la Commission, du 2 avril 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/C.38.279/F3 – Viandes bovines françaises) (JO L 209, p. 12).

6 Les autres recours formés contre la décision mentionnée dans la note qui précède sont toujours pendants devant le Tribunal (Fédération nationale de la coopération bétail et viande/Commission, T-217/03, et FNSEA e.a./Commission, T-245/03).

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4. Qualité pour agir

En ce qui concerne les conditions dans lesquelles un requérant est considéré comme directement concerné par l’acte dont il demande l’annulation, il a été rappelé qu’un acte communautaire concerne directement un particulier s’il produit directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et si sa mise en œuvre ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cet acte, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires. Les ordonnances du 15 mars 2004, Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, précitée, et du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission [T-341/02, non encore publiée au Recueil; sous pourvoi (affaire C-417/04 P)], rejettent pour défaut d’intérêt direct, d’une part, le recours visant à l’annulation d’une décision de la Commission adressée à la République hellénique portant approbation d’un projet de programme opérationnel au sens du règlement sur les fonds structurels 7 formé par des particuliers ne figurant pas comme bénéficiaires finals desmesures envisagées et, d’autre part, le recours visant à l’annulation d’une décision de la Commission adressée à la République italienne portant clôture d’un concours financierdu Fonds européen de développement économique régional (FEDER) concernant le projet d’autoroute entre Messine et Palerme formé par l’autorité responsable de la réalisation du projet, à savoir la région Sicile. Dans les deux ordonnances, le Tribunal constate que les autorités nationales disposent d’une marge d’appréciation pour mettre en œuvre les actes attaqués.

En ce qui concerne les conditions dans lesquelles un requérant est considéré comme individuellement concerné par un acte dont il n’est pas le destinataire, il convient de constater que l’interprétation nouvelle du critère de l’affectation individuelle des requérants retenue dans l’arrêt du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T-177/01, Rec. p. II-2365) est désormais clairement révolue. En effet, après que la Cour eut décidé de confirmerson interprétation de la notion de personne individuellement concernée dans l’arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C-50/00 P, Rec. p. I-6677; voir également l’arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C-263/02 P, non encore publié au Recueil, annulant l’arrêt du Tribunal du 3 mai 2002, précité), le Tribunal a examiné dans les affaires dont il a été saisi la notion de personne individuellement concernée par référence à la formule consacrée dans l’arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197). Une personne physique ou morale ne saurait donc prétendre être considérée comme individuellement concernée par un acte dont elle n’est pas le destinataire que si l’acte en cause l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire.

Lorsque la personne morale qui introduit le recours en annulation est une association d’entreprises, celle-ci peut, lorsqu’elle a participé à la procédure menant à l’adoption de l’acte attaqué, être admise à agir dans trois types de situations au moins: lorsqu’une disposition légale lui reconnaît expressément une série de facultés à caractère procédural; lorsque l’association, elle-même, est individualisée en raison de l’affectation de ses

7 Règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1).

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intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée; ou lorsqu’elle représente les intérêts d’entreprises qui, elles, seraient recevables à agir. Dans ses ordonnances du 10 mai 2004, Bundesverband der Nahrungsmittel- und Speiseresteverwertung et Kloh/Parlement et Conseil (T-391/02, non encore publiée au Recueil) et Schmoldt e.a./Commission, précitée, le Tribunal a, en particulier, refusé de reconnaître que les associations requérantes avaient occupé une position de négociateur clairement circonscrite et intimement liée à l’objet de l’acte attaqué.

a) Décisions

Dans le domaine des aides d’État, les recours tendent essentiellement à l’annulation soit de la décision prise sans ouverture de la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, soit de la décision prise au terme de cette procédure. Ces décisions étant adressées à l’État membre concerné, il appartient à l’entreprise qui n’en est pas le destinataire de démontrer qu’elle est directement et individuellement concernée par cet acte.

Lorsque la Commission, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, constate, dans le cadre d’un examen préliminaire, qu’une aide étatique est compatible avec le marché commun, les intéressés, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, bénéficiant desgaranties de la procédure formelle d’examen lorsqu’elle est mise en œuvre, doivent être considérés comme étant individuellement concernés par la décision opérant cette constatation.

Dans l’arrêt du 16 mars 2004, Danske Busvognmaend/Commission (T-157/01, non encore publié au Recueil), la qualité d’intéressée a été reconnue à une fédération professionnelle représentant les intérêts de la plupart des entreprises d’autobus danoises au motif qu’elle était plaignante devant la Commission, que ses interventions ont influencé le déroulement de la procédure administrative et qu’au moins certainesentreprises membres se trouvaient dans une situation concurrentielle par rapport à la société bénéficiaire des aides contestées.

Dans l’arrêt du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission (T-27/02, non encore publié au Recueil), le Tribunal a considéré que la requérante, qui avait soulevé le moyen tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen, était effectivement une partie intéressée eu égard à son statut de concurrente établi en tenant compte de l’identité des produits qu’elle fabrique avec ceux de l’entreprise bénéficiaire de l’aide etdu chevauchement de leurs zones de commercialisation.

Dans l’arrêt du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission (T-158/99, non encore publié au Recueil), les exploitants d’hôtels d’une station de tourisme située dans le Land de Styrie (Autriche) ont été recevables à contester la légalité de la décision de la Commission déclarant compatible avec le marché commun le financement publicde la construction d’un hôtel de luxe dans la même station. Le Tribunal relève en effet que les requérants sont les concurrents directs de l’hôtel bénéficiaire de l’aide en causeet que cette qualité leur est reconnue dans la décision attaquée.

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Dans les trois affaires qui précèdent, il a été jugé que les entreprises requérantes étaient, en leur qualité d’intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, individuellement concernées par les décisions déclarant les aides compatibles au terme de la phase préliminaire d’examen. Il convient néanmoins de constater que, quant à l’étendue du contrôle des moyens, le Tribunal a, dans un cas, analysé l’ensemble des moyens d’annulation comme visant à démontrer que la Commission s’était illégalement abstenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (arrêt Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, précité), alors que, dans un autre cas, il a annulé sur le fond la décision approuvant l’octroi d’une aide (arrêt Danske Busvognmaend/Commission, précité).

Lorsque la décision litigieuse a été adoptée au terme de la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE, il ne suffit pas à une entreprise d’avoir laqualité d’intéressée pour être individualisée d’une manière analogue à celle dont le destinataire de cette décision le serait. En effet, selon la jurisprudence, une telle décision concerne individuellement les entreprises qui ont été à l’origine de la plainte ayant donné lieu à cette procédure et qui ont été entendues en leurs observations, lesquelles ont déterminé le déroulement de la procédure, si, toutefois, leur position sur le marché est substantiellement affectée par la mesure qui fait l’objet de ladite décision.

En application de ces critères identifiés pour la première fois par la Cour dans l’arrêtdu 28 janvier 1986, COFAZ e.a./Commission (169/84, Rec. p. 391), le Tribunal a jugé que la société autrichienne Lenzing était individuellement concernée par la décision de la Commission concernant l’aide d’État accordée par le Royaume d’Espagne à la société Sniace, dans la mesure où cette société concurrente de la société bénéficiaire,d’une part, a été à l’origine de la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de la procédure et a participé activement à celle-ci et, d’autre part, a apporté des éléments de nature à établir que sa position sur le marché était substantiellement affectée par la décision attaquée, tels que les caractéristiques du marché en cause, à savoir un nombre très limité de producteurs, une vive concurrence et de fortes surcapacités [arrêt du 21 octobre 2004, Lenzing/Commission, T-36/99, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-525/04 P)].

En revanche, par ordonnance du 27 mai 2004, le Tribunal a constaté que Deustche Post et DHL International, deux sociétés exerçant leur activité sur le marché italien des services postaux ouverts à la concurrence, n’avaient pas joué de rôle actif durant la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision relative aux aides d’État accordées par la République italienne en faveur de Poste Italiane. Il a donc examiné si la mesure autorisée par cette décision était néanmoins susceptible d’affecter, et ce de manière substantielle, leur position sur le marché en cause et a conclu, en l’absence de démonstration suffisante de l’importance de l’atteinte à leur positionsur le marché, que tel n’était pas le cas [ordonnance du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T-358/02, non encore publiée au Recueil; sous pourvoi (affaire C-367/04 P)].

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b) Actes de portée générale

Le Tribunal ne manque pas de rappeler que si l’article 230, quatrième alinéa, CE ne traite pas expressément de la recevabilité des recours en annulation introduits par des particuliers à l’encontre d’actes de portée générale, cette seule circonstance ne suffitpas pour déclarer irrecevables de tels recours.

Néanmoins, au terme d’une analyse de la question de savoir si les particuliers sont individuellement concernés par les actes de portée générale dont ils mettent en cause la légalité, le Tribunal a conclu par la négative et a rejeté des recours visant à l’annulation de règlements (ordonnance du Tribunal du 6 juillet 2004, Alpenhain-Camembert-Werk e.a./Commission, T-370/02, non encore publiée au Recueil 8), de directives [ordonnance du 6 septembre 2004, SNF/Commission, T-213/02, non encore publiée au Recueil 9; sous pourvoi (affaire C-482/04 P)] et de décisions de caractère général (ordonnance Schmoldt e.a./Commission, précitée).

C. Règles de concurrence applicables aux entreprises

Les apports de l’année 2004 dans cette matière concernent surtout des questions liées à la procédure devant la Commission et à la détermination du montant des amendes. Les décisions du Tribunal prononcées dans les affaires des «électrodes de graphite» 10 et des «tubes et tuyaux d’acier sans soudure» 11 seront l’objet des principaux développements.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, les huit entreprises américaines, allemandes et japonaises qui ont participé à l’entente – visant, à l’échelle mondiale, à fixer les prix et à répartir les marchésnationaux et régionaux selon le principe du «producteur domestique» dans le secteur des électrodes de graphite utilisées principalement pour la

8 Par cette ordonnance, le Tribunal a rejeté le recours visant à l’annulation du règlement (CE) n° 1829/2002 de la Commission, du 14 octobre 2002, modifiant l’annexe du règlement (CE) n° 1107/96, en ce qui concerne la dénomination «Feta» (JO L 277, p. 10) en tant qu’appellation d’origine protégée.

9 Par cette ordonnance, le Tribunal a rejeté le recours visant à l’annulation partielle de la vingt-sixième directive 2002/34/CE de la Commission, du 15 avril 2002, portant adaptation au progrès technique des annexes II, III et VII de la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 102, p. 19), dans la mesure où elle restreint l’utilisation des polycrylamides dans la composition des produits cosmétiques.

10 Arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, non encore publié au Recueil (sous pourvoi, affaires C-289/04 P, C-301/04 P, C-307/04 P et C-308/04 P).

11 Arrêts du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44/00 (sous pourvoi, affaire C-411/04 P); Corus UK/Commission, T-48/00; Dalmine/Commission, T-50/00 (sous pourvoi, affaire C-407/04 P); JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00 (sous pourvoi, affaires C-403/04 P et C-405/04 P); non encore publiés au Recueil.

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production d’acier dans les fours électriques à arc – ont été sanctionnées par la Commission 12 pour un montant global d’amendes d’environ 220 millions d’euros, le montant individuel des amendes variant de 10,3 à 80,2 millions d’euros.

À l’origine de l’affaire des «tubes et tuyaux d’acier sans soudure», la Commission a condamné huit producteurs (quatre sociétés européennes et quatre japonaises) de certains types de tubes en acier sans soudure utilisés par l’industrie pétrolière et gazière à payer des amendes à hauteur d’un montant total de 99 millions d’euros pour avoir violé l’article 81 CE 13. Selon la Commission, les entreprises avaient conclu un accord par lequel chaque entreprise s’interdisait de vendre des tubes de sondage standard et certains types de tuyaux de transport sur le marché national d’une autre entreprise participant à l’accord.

Les recours formés dans ces affaires (par sept entreprises dans, respectivement, les affaires des «électrodes de graphite» et des «tubes et tuyaux d’acier sans soudure») permettent de constater, confirmant ainsi une tendance déjà observée, que les entreprises sanctionnées pour infraction à l’article 81 CE ne contestent plus désormais que rarement la qualification juridique des infractions et la preuve de leur participation àl’entente. Leurs contestations portent essentiellement sur la détermination du montant de l’amende, les requérantes faisant valoir une application incorrecte des règles que la Commission s’est imposée quant à cette détermination, en particulier les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (ci-après les «lignes directrices») 14 et la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la «communication sur la coopération» 15). Ainsi qu’il sera constaté dans les développements qui suivent, le Tribunal reconnaît à la Commission, selon les cas, une marge d’appréciation, voire une très large marge d’appréciation, dans l’application des critères de détermination du montant des amendes. Il veille cependant scrupuleusement à ce que les entreprises sanctionnées pour avoir participé à une même entente soient traitées conformément au principe d’égalité de traitement.

On rappellera également que le Tribunal peut exercer son pouvoir de pleine juridiction non seulement pour diminuer le montant des amendes, mais aussi pour l’augmenter. La réduction du montant global des amendes infligées par la Commission aux entreprisesrequérantes à laquelle le Tribunal a procédé dans les affaires des «électrodes de graphite» et des «tubes et tuyaux d’acier sans soudure» (ramené de 207 200 000 euros

12 Décision 2002/271/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE – Affaire COMP/E-1/36.490 – Électrodes de graphite (JO 2002, L 100, p. 1).

13 Décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier dans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1).

14 JO 1998, C 9, p. 3.15 Il y a lieu de signaler que cette communication sur la coopération de 1996 a été remplacée en 2002

par la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

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à 152 772 400 euros dans l’affaire des «électrodes de graphite» et de 90 900 000 euros à 78 120 000 euros dans l’affaire des «tubes et tuyaux d’acier sans soudure») est un résultat qui mérite d’être quelque peu nuancé (voir ci-après).

Aucun arrêt n’ayant statué sur la légalité de décisions prises au titre de l’article 82 CE (l’affaire opposant Microsoft à la Commission ayant été, au titre de l’année 2004, traitée par le juge des référés; voir ci-après) et la seule décision relative au règlement n° 4064/89 ayant conclu à l’incompétence de la Commission (arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T-310/00, non encore publié au Recueil), les développements relatifs à l’article 81 CE et aux sanctions imposées pour violation de cette disposition constitueront l’essentiel des développements de cette rubrique consacrée au droit de la concurrence.

1. Apports de la jurisprudence dans le domaine de l’article 81 CE

a) Champ d’application matériel

Dans l’affaire Meca-Medina et Majcen/Commission [arrêt du 30 septembre 2004, T-313/02, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-519/04 P)], le Tribunal a eu l’occasion d’appliquer la notion d’activité économique au domaine du sport. Le Tribunal confirme dans son arrêt la décision de la Commission rejetant la plaintedéposée par deux athlètes professionnels pratiquant la natation de longue distance. Ces deux athlètes, qui ont fait l’objet d’une suspension en application du code antidopage du Mouvement olympique après un contrôle positif à la nandrolone, avaient fait valoir devant la Commission que la réglementation antidopage du Comité international olympique méconnaissait les règles communautaires de concurrence et de libre prestation des services.

Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, l’exercice des sports ne relève du droit communautaire que dans la mesure où il constitue une activité économique au sens de l’article 2 CE. Les dispositions du traité CE sur la libre circulation des travailleurs et des services s’appliquent aux règles prises dans le domaine du sport qui concernent l’aspect économique que peut revêtir l’activité sportive. C’est notamment le cas des règles prévoyant le paiement d’indemnités lors du transfert de joueurs professionnels entre clubs (clauses de transfert) ou limitant le nombre de joueurs professionnels ressortissant d’autres États membres que ces clubs peuvent aligner lors de matchs. En revanche, ne tombent pas sous le coup du droit communautaire les règles purement sportives et donc étrangères à l’activité économique, comme celles relatives à la composition des équipes nationales ou les «règles du jeu» fixant par exemple la durée des matchs ou lenombre de joueurs sur le terrain.

Après avoir relevé que la Cour n’a pas eu, dans les affaires concernant les articles 39 CE et suivants et 49 CE et suivants, à se prononcer sur la soumission des règles sportives aux dispositions du traité relatives à la concurrence, le Tribunal considère que les principes dégagés en matière de libre circulation des travailleurs et des services valent également pour les dispositions du traité CE relatives à la concurrence et que

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l’inverse est également vrai. Il s’ensuit qu’une réglementation purement sportive ne relève ni des dispositions communautaires relatives à la libre circulation des personnes et des services ni de celles relatives à la concurrence.

b) Procédure de concurrence

– Sur l’accès au dossier

La règle selon laquelle les entreprises faisant l’objet d’une enquête sur le fondement des articles 81 CE et 82 CE doivent avoir accès au dossier de la Commission est maintenant clairement reconnue en droit communautaire. Elle trouve son fondement dans le principe d’égalité des armes et revêt donc un caractère essentiel pour l’exercice des droits de la défense. Cette règle comprend néanmoins certaines limites qui visent à préserver le processus décisionnel de la Commission ou les intérêts légitimes des tiers.

Dans l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, le Tribunal a tout d’abord rappelé que la Commission est tenue, afin de permettre aux entreprises concernées de sedéfendre utilement contre les griefs formulés à leur encontre dans la communication des griefs, de leur rendre accessible l’intégralité du dossier d’instruction, à l’exception des documents contenant des secrets d’affaires d’autres entreprises ou d’autres informations confidentielles et des documents internes de la Commission. S’agissantde ces derniers, la restriction à leur accès est justifiée par la nécessité d’assurer le bonfonctionnement de la Commission dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité; les documents internes ne sauraient être divulgués que si les circonstances exceptionnelles de l’espèce l’exigent, sur la base d’indices sérieux qu’il appartient à la partie intéressée de fournir, et ce tant devant le juge communautaire que dans le cadre de la procédure administrative conduite par la Commission.

– Sur la portée de la communication des griefs

La fonction de la communication des griefs est bien établie: elle doit permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et exercer de façon utile leurs droits de la défense. Cette exigence est respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge desintéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer.

Dans l’arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission [T-44/00, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-411/04 P)], le Tribunal a rappelé que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’ait pasété exposé dans celle-là d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires dese défendre. En effet, l’obligation de la Commission, dans le cadre de la communication des griefs, se limite à exposer les griefs avancés et à énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels elle se fonde ainsi que la qualification qui leur est donnée, afin queles destinataires de celle-ci puissent se défendre. À cet égard, le Tribunal juge que la

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qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs ne peut être,par définition, que provisoire, et une décision ultérieure de la Commission ne saurait êtreannulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondentpas de manière précise à cette qualification intermédiaire. En effet, la Commission doitentendre les destinataires de la communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse,précisément pour respecter leurs droits de la défense.

– Conséquences d’une reconnaissance expresse des faits lors de la phase administrative

En l’absence de reconnaissance expresse de la part de l’entreprise mise en cause dans le cadre d’une infraction aux règles de concurrence, la Commission doit établir les faits, l’entreprise restant libre de développer, dans le cadre de la procédure contentieuse, tous les moyens de défense qui lui paraîtront utiles. En revanche, tel ne saurait être le cas en présence d’une reconnaissance expresse, claire et précise des faits par l’entreprise en question: lorsque celle-ci a explicitement admis, dans le cadre de la procédure administrative, la matérialité des faits qui lui étaient reprochés par la Commission dans la communication des griefs, ces faits doivent alors être considérés comme établis, l’entreprise n’étant, en principe, plus en mesure de les contester dans le cadre de la procédure contentieuse devant le Tribunal (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 108). À l’aune de ces critères, le Tribunal a considéré que ne constituait pas une telle reconnaissance une déduction effectuée par la Commission à partir d’un faisceau d’éléments, tels que le comportement objectif de l’entreprise concernée vis-à-vis de cette institution lors de la procédure administrative et ses déclarations de non-contestation empreintes d’une grande généralité (même arrêt, point 109).

Ainsi jugeant, le Tribunal précise l’appréciation qui avait été retenue en 2003 dans les affaires de la «lysine», selon laquelle les éléments de fait sur lesquels la Commission a pu se fonder pour déterminer le montant de l’amende ne peuvent plus être remis en cause devant le Tribunal si le requérant les a expressément reconnus durant la procédure administrative [arrêt du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224/00, Rec. p. II-2597 (sous pourvoi, affaire C-397/03 P), commenté dans le Rapport annuel 2003].

– Absence de reconnaissance d’un droit au silence absolu

La question s’est régulièrement posée de savoir si les entreprises destinataires de décisions, prises au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17 16, leur demandant de communiquer certains renseignements disposent d’un droit au silence absolu. La Cour (arrêts du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commisssion, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et

16 Règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 81 CE et 82 CE (JO 1962, 13, p. 204).

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C-254/99 P, Rec. p. I-8375) et le Tribunal (arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-112/98, Rec. p. II-729) ont constamment jugé que la reconnaissance d’un tel droit irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense des entreprises et constituerait une entrave injustifiée àl’accomplissement, par la Commission, de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun et qu’un droit au silence ne peut être reconnu que dans la mesure où l’entreprise concernée serait obligée de fournir des réponses par lesquelles elle serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir l’existence. Il en a toujours été déduit que, pour préserver l’effet utile de l’article 11 du règlement n° 17, la Commission est, dès lors, en droit d’obliger les entreprises à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elles peuvent avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en leur possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir l’existence d’un comportement anticoncurrentiel. De ces mêmes décisions, il découle que ce pouvoir de demander des renseignements de la Commission ne se heurte pas à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les requérants n’ont toutefois pas manqué d’invoquer les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 17 aux fins de faire évoluer la jurisprudence communautaire aubénéfice de leur cause. Le Tribunal a toutefois refusé d’emprunter cette voie en soulignant,dans son arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, que le pouvoir de la Commission de demander des renseignements ne se heurte pas à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

En tout état de cause, rappelle le Tribunal, le fait d’être obligé de répondre aux questions purement factuelles posées par la Commission et de satisfaire à ses demandes de production de documents préexistants n’est pas susceptible de violer le principe fondamental du respect des droits de la défense ainsi que celui d’un droit à un procès équitable, qui offrent, dans le domaine du droit de la concurrence, une protection équivalente à celle garantie par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Rien n’empêche, en effet, le destinataire d’une demande de renseignements de démontrer, plus tard dans le cadre de la procédure administrative ou lors d’une procédure devant le juge communautaire, que les faits exposés dans ses réponses ou les documents communiqués ont une autre portée que celle retenue par la Commission.

– Délai raisonnable

L’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit communautaire dont la juridiction communautaire assure le respect (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739).

17 Arrêt Funke du 25 février 1993 (série A n° 256/A, § 44a), arrêt Saunders/Royaume-Uni du 17 décembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions, 1996-VI, p. 2044), et arrêt J.B./Suisse du 3 mai 2001 (non encore publié au Recueil des arrêts et décisions).

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Dans son arrêt du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission [T-67/01, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-167/04 P)], le Tribunal a eu l’occasion de rappeler que la violation de ce principe n’est toutefois susceptible d’entacher d’illégalité la décision adoptée par la Commission au terme de la procédure administrative que s’il est démontré qu’elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée. En l’espèce, bien que la Commission ait méconnu de manière flagrante sonobligation de respecter un tel délai lors de l’examen d’une demande d’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE en ayant rejeté une demande d’exemption 27 ans après la notification d’un accord effectuée en 1973, le Tribunal juge que cette méconnaissancen’a eu aucune incidence sur la légalité du rejet de la demande d’exemption.

Quant au délai de plus de quatre ans pris pour instruire la plainte déposée par un concurrent de la partie ayant notifié les accords en cause, le Tribunal ne le juge pasexcessif compte tenu de la complexité de l’affaire, qui concernait plusieurs États membres et portait sur cinq chefs d’infraction, et de la nécessité d’établir une seconde communication des griefs.

c) Preuve de la violation de l’article 81 CE

C’est à la Commission qu’il appartient de démontrer les faits constitutifs d’une infraction à l’article 81 CE (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 86). La Commission doit, notamment, démontrer la durée de l’infraction qu’elle sanctionne. Les contestations des parties requérantes dans les affaires des «tubes et tuyaux d’acier sans soudure» ont contribué à clarifier quelquesaspects relatifs, d’une part, au niveau de preuve requis et, d’autre part, à la charge de la preuve devant le Tribunal lorsque les éléments avancés par la Commission sont contestés par les entreprises sanctionnées.

Dans ces affaires, la Commission n’avait pas apporté la preuve de la totalité de la durée de l’infraction. Pour déterminer la durée de l’infraction, la Commission a considéré que, bien que le club Europe-Japon se soit réuni dès 1977, il convenait de retenir le début de l’année 1990 comme point de départ de l’infraction, eu égard à l’existence, entre 1977 et 1990, d’accords d’autolimitation des exportations conclus entre la Communauté européenne et le Japon.

Le Tribunal note qu’aucune des parties n’a remis en cause la position de la Commission consistant à ne pas retenir l’existence de l’infraction à partir de 1977 en raison de l’existence des accords d’autolimitation. Saisi en revanche de contestations relatives au début de l’infraction, le Tribunal relève que la prétendue cessation des accords d’autolimitation constitue le critère déterminant pour apprécier si l’existence de l’infraction devait être retenue pour l’année 1990. À cet égard, le Tribunal rappelle que, en principe, c’est à la partie requérante qu’il revient d’apporter la preuve de ses allégations. Néanmoins, le Tribunal constate que, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, il incombait à la Commission de rapporter la preuve de la date de la cessation des accords internationaux d’autolimitation. Or, il est constaté que cette preuve n’a pas été rapportée après qu’il a estimé que «[l]’incapacité inexplicable de la Commission à produire des éléments de preuve relatifs à une circonstance qui la concerne directement prive le

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Tribunal de la possibilité de statuer en connaissance de cause en ce qui concerne la date de cessation desdits accords».

Faute de preuve rapportée par la Commission et en présence d’éléments de preuve apportés par les entreprises japonaises attestant de la reconduction de ces accords internationaux jusqu’au 31 décembre 1990, du moins au niveau japonais, le Tribunal considère que ces accords sont restés en vigueur jusqu’à la fin de l’année 1990. Ladécision attaquée est partiellement annulée sur ce point et le montant des amendes réduit pour tenir compte de cette circonstance.

Les entreprises japonaises ont également contesté la date à laquelle l’infraction retenue à leur encontre a pris fin. Le Tribunal juge que, sur la base des éléments de preuveavancés par la Commission, l’existence de cette infraction n’a pas été établie, en ce qui concerne les entreprises japonaises, après le 1er juillet 1994 et qu’il convient, dès lors, de réduire la durée de l’infraction de six mois en plus de la réduction d’une année indiquée ci-dessus. Par conséquent, le Tribunal a annulé la décision attaquée dans la mesure où elle retenait l’existence de l’infraction avant le 1er janvier 1991 et, en ce qui concerne les entreprises japonaises, au-delà du 30 juin 1994, et les amendes imposées aux entreprises ont été réduites pour tenir compte de cette circonstance [arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaires C-403/04 P et C-405/04 P)].

d) Amendes

En vertu de l’article 15 du règlement n° 17 18, la Commission, lorsqu’elle constate une infraction aux dispositions de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE, peut, par voie de décision, non seulement obliger les entreprises à mettre fin à l’infraction constatée, mais égalementleur infliger des amendes. Le montant de l’amende, pouvant être porté à 10 % du chiffred’affaires mondial réalisé au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision constatant l’infraction par chacune des entreprises ayant participé à cette infraction, est déterminé en considération de la gravité et de la durée de ladite infraction.

– Lignes directrices

En ce qui concerne, en premier lieu, les lignes directrices, le Tribunal rappelle, ce qu’il avait déjà jugé dans les arrêts prononcés dans les affaires «chauffage urbain» 19,

18 L’article 23 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité CE (JO 2003, L 1, p. 1), qui remplace le règlement n° 17, est identique à celui de l’article 15 de ce règlement.

19 Arrêts du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9/99, Rec. p. II-1487 (sous pourvoi, affaire C-202/02 P); Brugg Rohrsysteme/Commission, T-15/99, Rec. p. II-1613 (sous pourvoi, affaire C-207/02 P); Lögstör Rör/Commission, T-16/99, Rec. p. II-1633 (sous pourvoi, affaire C-208/02 P); KE KELIT/Commission, T-17/99, Rec. p. II-1647 (sous pourvoi, affaire C-205/02 P); Dansk Rørindustri/Commission, T-21/99, Rec. p. II-1681 (sous pourvoi, affaire C-189/02 P); LR AF 1998/Commission, T-23/99, Rec. p. II-1705 (sous pourvoi, affaire C-206/02 P); Sigma Tecnologie/Commission, T-28/99, Rec. p. II-1845, et ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31/99, Rec. p. II-1881 (sous pourvoi, affaire C-213/02 P); ces arrêts ont été commentés dans le Rapport annuel 2002.

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«Lysine» 20 et «FETTSCA» 21, que les lignes directrices sont opposables à la Commission. La Commission doit en conséquence respecter les règles qu’elle s’est elle-même imposées dans les lignes directrices (arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, points 212 et 231), sauf à expliciter spécifiquement les motifs quijustifient, le cas échéant, de s’en écarter sur un point précis (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 352). Les entreprises peuvent donc faire valoir l’application incorrecte des lignes directrices devant le juge communautaire.

En ce qui concerne, en second lieu, certaines dispositions plus particulières des lignes directrices, le Tribunal précise les conditions d’application des critères fixés pourdéterminer le montant de l’amende eu égard, d’une part, à la gravité de l’infraction et, d’autre part, à sa durée.

Sur la gravité

Dans la décision à l’origine de l’affaire des «électrodes de graphite», la Commission avait conclu au caractère «très grave» de l’infraction compte tenu de la nature de l’infraction, de son incidence réelle sur le marché des électrodes de graphite dans l’EEE et de la taille du marché géographique en cause. Le Tribunal valide l’approche retenue par la Commission. Il considère en particulier que, eu égard au fait que l’entente visait à répartir des marchés au niveau mondial, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en choisissant le chiffre d’affaires mondial réalisé par la vente du produit en cause aux fins de la détermination du montant de départ, car, estime-t-il, ce chiffred’affaires permettait de tenir compte de «la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs», au sens du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices 22.

La Commission avait également réparti les entreprises concernées en trois catégories en se fondant sur le chiffre d’affaires mondial tiré par chacune de la vente du produit considéré, et ce afin de tenir compte de la capacité économique effective de chaqueentreprise à provoquer un préjudice significatif à la concurrence et de la grande disparitéde taille entre ces entreprises. Sur ce point, le Tribunal rappelle que la Commission est en droit de répartir les membres d’une entente en plusieurs catégories aux finsde la fixation du montant des amendes. Cette catégorisation, bien qu’elle revienne àignorer les différences de taille entre entreprises d’une même catégorie, ne saurait, en principe, être censurée. Toutefois, la détermination des seuils pour chacune des catégories ainsi identifiées doit être cohérente et objectivement justifiée. Or, en l’espèce,

20 Notamment, arrêt du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224/00 (sous pourvoi, affaire C-397/03 P); les arrêts rendus dans les affaires «Lysine» ont été commentés dans le Rapport annuel 2003.

21 Arrêt du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213/00, Rec. p. II-913, relatif à l’accord FETTSCA; cet arrêt a été commenté dans le Rapport annuel 2003.

22 Le point 1 A des lignes directrices indique que «l’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné». Il ressort également de ce point qu’il est possible de «pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories [de gravité] afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportementinfractionnel de chaque entreprise sur la concurrence».

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il est jugé que la méthode de différenciation retenue dans la décision, qui repose sur la prise en compte de leurs chiffres d’affaires et de leurs parts de marché, n’a pas été correctement appliquée par la Commission à l’égard des entreprises Tokai Carbon et The Carbide/Graphite Group, qui relevaient de l’une des trois catégories en cause. Dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal a, en conséquence, décidé de dissoudre la catégorie litigieuse et de procéder à son propre classement. Il a, en outre, pour les entreprises relevant de ce dernier classement ainsi que pour les entreprises de la troisième catégorie, fixé le montant de départ des amendes.

Enfin, à l’égard des deux entreprises considérées comme les plus importantes,la Commission avait affecté le montant de départ de coefficients de gravité. À cetégard, le Tribunal confirme qu’il est, en principe, possible pour la Commissiond’appliquer un coefficient de gravité aux montants de départ afin de fixer l’amende àun niveau suffisamment dissuasif [arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31/99, Rec. p. II-1881, points 165 à 167; sous pourvoi (affaire C-213/02 P)]. Toutefois, le coefficient retenu en l’espèce à l’égard de l’entrepriseDSK (2,5) étant considéré comme ne respectant pas les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, le Tribunal, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, ramène le coefficient applicable pour cette entreprise à 1,5.

Si, par application d’un coefficient, la Commission reste donc libre d’augmenter le niveaudes amendes, elle dispose à l’inverse de la faculté de diminuer le montant de départ qui résulterait d’une application stricte des lignes directrices. Dans la décision à l’origine des affaires des tubes et tuyaux en acier sans soudure, le Tribunal a confirmé quela Commission pouvait, en dépit du caractère reconnu comme étant «très grave» de l’infraction, retenir un montant de départ (10 millions d’euros) correspondant à 50 % du montant minimal mentionné dans les lignes directrices pour cette catégorie d’infractions (20 millions d’euros) afin de tenir compte du fait que l’impact concret de l’infraction surle marché a été limité.

Le Tribunal a en revanche considéré que la Commission avait omis de prendre en considération la deuxième infraction commise par les producteurs européens (les contrats concernant le marché britannique) pour fixer le montant de l’amende. Par cette omission,la Commission a donc violé le principe d’égalité de traitement, puisque des situations différentes ont été traitées de manière indifférenciée. Pour porter remède à cette inégalité de traitement entre les producteurs européens et les producteurs japonais, le Tribunal a réduit l’amende infligée à chacun des producteurs japonais de 10 %. À défaut deconclusions en ce sens de la Commission, le Tribunal n’a pas majoré les amendes infligées aux producteurs européens.

Sur la durée

Par l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, le Tribunal a rejeté tous les griefs relatifs aux montants de base retenus dans la décision en fonction de la durée de l’infraction.

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SGL Carbon soutenait que les lignes directrices étaient illégales en ce qu’elles envisagent la durée d’une infraction de la même façon quelle que soit sa nature. SGL Carbon précisait qu’un cartel est par définition durable et qu’il ne peut donc être sanctionné,quant à sa durée, de la même façon que les autres infractions. Le Tribunal rejette cette argumentation en retenant que certains cartels, ayant une courte durée, provoquent un préjudice moindre que dans l’hypothèse où ils auraient eu une longue durée de fonctionnement effectif.

Circonstances aggravantes

Dans l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, le Tribunal a confirmé que laCommission pouvait majorer les montants de base en raison: primo, de la poursuite de l’infraction après les vérifications effectuées par la Commission (arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, précité, points 211 à 213); secundo, du rôle de chef de file(arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midlands Ingredients/Commission, précité, point 239), et, tertio, de la tentative d’entrave à la procédure constituée par l’avertissement d’autres entreprises de l’imminence de vérifications sur place (arrêt duTribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T-334/94, Rec. p. II-1439, point 320).

Circonstances atténuantes

Aucune des circonstances atténuantes dont la Commission aurait, prétendument, omis de tenir compte n’a été reconnue par le Tribunal.

– Sur la communication sur la coopération

D’une manière générale, une coopération qui permet à la Commission de constater l’existence d’une infraction avec moins de difficultés et, le cas échéant, d’y mettre fin peutêtre récompensée par une réduction d’amende. La communication sur la coopération, de 1996, précise les conditions dans lesquelles le bénéfice de ses dispositions peut êtreaccordé.

Parmi les appréciations du Tribunal relatives à l’application qui a été faite par la Commission de cette communication, il y a lieu de retenir que le fait de transmettre volontairement à la Commission, en réponse à une demande de renseignements au titre du règlement n° 17, des documents et des informations constitutives d’un aveu de participation à une infraction aux règles communautaires de concurrence doit être considéré comme une collaboration volontaire de l’entreprise susceptible de justifierune réduction d’amende. Pour avoir considéré que tel n’était pas le cas, la Commission a, selon le Tribunal, méconnu l’importance de la coopération apportée par certaines requérantes (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité).

Il faut également relever que le Tribunal a censuré la Commission pour avoir méconnu l’importance de la coopération de la société UCAR qui lui avait fourni des informations telles que les noms d’autres entreprises membres de l’entente, les noms de plusieurs

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représentants de ces membres ou des noms de code utilisés pour dissimuler les contacts, non pas sous une forme documentaire, mais oralement.

Enfin, si la communication ne prévoit, en son point A, paragraphe 3, qu’une réduction«de l’amende [que les entreprises coopérant avec la Commission] auraient autrement dû acquitter», ce texte n’exige pas pour autant que chaque élément d’information individuel doive se rapporter à une infraction au droit de la concurrence susceptible d’être sanctionnée séparément. Il suffit donc, pour pouvoir bénéficier de ladite communication,que l’entreprise disposée à coopérer s’expose, par la révélation de son implication dans une infraction, à des sanctions, tandis que la prise en considération, aux fins d’uneéventuelle réduction d’amende, des différents éléments d’information dépend de leur utilité pour la Commission dans sa tâche consistant à établir l’existence de l’infraction et à y mettre fin.

À ce dernier égard, dès lors qu’un fonctionnaire de la Commission déloyal est en mesure de saboter la mission de son institution en soutenant les membres d’un cartel illégal et peut ainsi compliquer considérablement l’enquête menée par celle-ci, par exemple en détruisant ou en manipulant des éléments de preuve, en informant les membres du cartel d’une vérification surprise imminente et en révélant toute la stratégie d’instructionélaborée par la Commission, l’information sur l’existence d’un tel fonctionnaire doit, en principe, être considérée comme susceptible de faciliter la tâche de la Commission consistant à établir une infraction et à y mettre fin. L’utilité d’une telle information estparticulièrement importante lorsqu’elle est fournie au début de l’enquête ouverte par la Commission sur d’éventuels agissements anticoncurrentiels.

Dans l’arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, le Tribunal souligne que, pour bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la non-contestation des faits, conformément au point D 2 de la communication sur la coopération, une entreprise doit explicitement informer la Commission de ce qu’elle n’entend pas contester la matérialité des faits, après avoir pris connaissance de la communication des griefs. En l’absence d’une telle déclaration expresse, la simple passivité d’une entreprise ne saurait être considérée comme facilitant la tâche de la Commission, dès lors qu’il incombe à cette dernière d’établir l’existence de tous les faits dans sa décision finale sans pouvoir invoquer une déclaration de l’entreprise àcette fin.

– Sur le principe non bis in idem

Ainsi qu’il a déjà eu l’occasion de l’affirmer (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midlands Ingredients/Commission, précité, point 85), le Tribunal a rappelé dans son arrêt Tokai Carbon e.a./Commission que le principe non bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect. Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu’une entreprise soit sanctionnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a déjà été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n’est plus susceptible de recours.

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La question se pose néanmoins de savoir si la Commission viole ce principe lorsqu’elle sanctionne des entreprises pour des comportements infractionnels qui ont été réprimés par les autorités d’États tiers.

Sur ce point, le Tribunal estime que le principe non bis in idem ne s’oppose pas à la possibilité d’un cumul de sanctions, l’une communautaire, l’autre nationale, à la suite de l’existence de deux procédures parallèles mais poursuivant des fins distinctes. À plus forte raison, ce principe ne peut-il trouver à s’appliquer dans l’hypothèse de procédures diligentées et de sanctions infligées par la Commission, d’une part, et parles autorités d’États tiers, d’autre part, dès lors que ces procédures ne poursuivent pas les mêmes objectifs.

En outre, le Tribunal estime que la Commission n’était pas obligée, en vertu d’une exigence générale d’équité, de tenir compte des sanctions, infligées par des autorités oudes juridictions d’un État tiers, qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait. En effet, les conditions permettant de conclure à l’existence d’une obligation de tenir compte des sanctions infligées par une autorité d’un État membrequi ont déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait ne sont pas réunies lorsque les sanctions ont été infligées par des autorités d’États tiers. Dans cescirconstances, en l’absence d’allégation d’une disposition conventionnelle expresse prévoyant l’obligation pour la Commission, lors de la fixation du montant d’une amende,de tenir compte de sanctions déjà infligées à la même entreprise pour le même fait pardes autorités ou des juridictions d’un État tiers, tel que les États-Unis ou le Canada, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission d’avoir méconnu, en l’espèce, cette prétendue obligation.

Les principes ainsi rappelés par le Tribunal confirment ceux déjà retenus dans les affaires«Lysine» (voir notamment arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midlands Ingredients/Commission, précité, points 85 à 104).

– Sur l’exercice du pouvoir de pleine juridiction

Aux termes de l’article 17 du règlement n° 17, le Tribunal saisi d’un recours dirigé contre une décision infligeant une amende statue avec compétence de pleine juridiction, ausens de l’article 229 CE, et peut ainsi supprimer, réduire ou majorer l’amende infligée.

Le Tribunal a exercé à plusieurs reprises son pouvoir de pleine juridiction pour réduire le montant des amendes après avoir constaté que certains éléments de l’infraction reprochée n’étaient pas établis à suffisance de droit (arrêt JCB Service/Commission, point 193) ou que la Commission avait méconnu les lignes directrices ou la communication sur la coopération (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité).

Ce qu’il y a surtout lieu de retenir, c’est l’exercice du pouvoir de pleine juridiction pour augmenter le montant des amendes. Dans l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, le Tribunal a ainsi, pour la première fois, exercé ses pouvoirs de pleine juridiction pour augmenter, à un stade intermédiaire de calcul, le montant de l’amende. En effet, l’entreprise Nippon ayant contesté devant le Tribunal des faits qu’elle avait

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précédemment admis au cours de la procédure administrative – sans toutefois qu’il s’agisse d’une reconnaissance expresse, claire et précise –, la réduction d’amende initialement accordée par la Commission a été diminuée.

Par ailleurs, le Tribunal a rappelé que, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, son appréciation du caractère approprié de l’amende pouvait prendre en compte des éléments d’information non mentionnés dans la décision de la Commission.

2. Règlement n° 4064/89

La seule décision rendue dans le domaine des concentrations au cours de l’année 2004 est un arrêt d’annulation d’une décision de la Commission interdisant l’opération de concentration entre les entreprises américaines de télécommunications WorldCom (actuellement dénommée MCI) et Sprint 23.

L’arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission (T-310/00, non encore publié au Recueil) ne prend toutefois pas position sur le fond de l’affaire, la cause de l’annulation tenant à l’incompétence de la Commission pour adopter la décision.

Les parties ayant conjointement notifié l’opération au titre du règlement n° 4064/89 24 le 10 janvier 2000 ont en effet formellement déclaré le 27 juin suivant qu’elles retiraient leur notification et qu’elles n’avaient plus l’intention de mettre en œuvre leprojet de concentration sous la forme présentée dans cette notification. Le 28 juin 2000, la Commission a néanmoins adopté sa décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun et l’accord EEE.

Le Tribunal constate que la communication de WorldCom et Sprint à la Commission du 27 juin 2000 ne portait pas sur l’abandon de principe de toute idée ou projet de concentration, mais seulement sur l’abandon du projet «sous la forme présentée dans la notification», c’est-à-dire sous la forme envisagée par l’accord de fusion notifié. En effet, des communiqués de presse diffusés le même jour aux États-Unis par les deux entreprises confirment que WorldCom et Sprint avaient encore, à l’époque, un certainespoir de fusionner leurs activités sous une forme ou sous une autre. En réalité, ce n’est que par un communiqué de presse du 13 juillet 2000 que les entreprises ont annoncé leur renonciation définitive à la concentration projetée. Toutefois, le Tribunal ajoute qu’ilne suffit pas que deux entreprises envisagent de fusionner (ou continuent à envisager defusionner) pour qu’existe (ou subsiste) ipso facto entre elles un accord de concentration, susceptible de faire l’objet d’une décision de la Commission. La compétence de la

23 Décision 2003/790/CE de la Commission, du 28 juin 2000, déclarant une opération de concentration incompatible avec le marché commun et l’accord EEE (Affaire COMP/M.1741 – MCI WorldCom/Sprint) (JO 2003, L 300, p. 1).

24 Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L 395, p. 1, rectificatifs au JO 1990, L 257, p. 13, abrogédepuis lors par le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1)].

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Commission ne peut pas reposer sur de simples intentions subjectives des parties. De même qu’elle n’est pas compétente pour interdire une concentration avant la conclusion d’un accord de fusion, la Commission cesse d’être compétente aussitôt que cet accord vient à être abandonné, quand bien même les entreprises concernées poursuivraient leurs négociations en vue de la conclusion d’un accord sous une autre forme. En l’espèce, la Commission aurait dû constater qu’elle n’était plus compétente pour adopter la décision.

D. Aides d’État

1. Notion d’aide d’État

a) Éléments constitutifs

L’avantage et la spécificité de la mesure étatique sont des éléments caractéristiques dela notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE 25. Pour ne pas avoir apprécié correctement les critères en cause, la Commission a été censurée à plusieurs reprises (arrêts du 16 mars 2004, Danske Busvognmaend/Commission, T-157/01, du 16 septembre 2004, Valmont Nederland/Commission, T-274/01, du 21 octobre 2004, Lenzing/Commission, T-36/99, et du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission, T-27/02, non encore publiés au Recueil).

– Avantage

La notion d’aide d’État recouvre non seulement des prestations positives telles que des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d’entreprises, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques.

Ainsi, dans l’arrêt du 21 octobre 2004, Lenzing/Commission, précité, le Tribunal a jugé que le comportement d’organismes publics compétent pour collecter les cotisations de sécurité sociale qui tolèrent que lesdites cotisations soient payées avec retard donne à une entreprise connaissant de graves difficultés financières qui en bénéficie, en allégeant à son égard la charge découlant de l’application normale du régime de la sécurité sociale, un avantage commercial appréciable que ne sont pas susceptibles de faire disparaître entièrement les intérêts et majorations de retard qui lui sont imposés. En ayant conclu en l’espèce que ces organismes avaient agi de la même manière qu’un

25 Ainsi qu’il ressort de l’article 87, paragraphe 1, CE, une aide d’État incompatible avec le marché commun est un avantage, accordé par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, en faveur de certaines entreprises ou de certaines productions, qui affecte les échanges entre les États membres et qui fausse ou menace de fausser la concurrence.

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créancier privé hypothétique se trouvant, dans la mesure du possible, dans la même situation à l’égard de son débiteur que ces organismes, la Commission a appliqué de manière manifestement erronée le critère du créancier privé et, partant, le Tribunal annule la décision litigieuse.

C’est également par référence au critère du créancier privé que le Tribunal a apprécié si la Commission avait pu, à bon droit, conclure que la réduction d’une partie des dettes de la société allemande Technische Glaswerke Ilmenau envers l’organisme de droit public chargé de restructurer les entreprises de l’ex-République démocratique allemande (la «BvS») présentait le caractère d’une aide étatique. Le contrôle restreint qu’il exerce sur des appréciations économiques complexes de cette nature l’amène à conclure que, au vu des circonstances de l’espèce, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en ayant estimé que la BvS ne s’était pas comportée comme un créancier privé opérant dans des conditions normales de marché. Aucun des autres moyens n’étant accueilli, le recours en annulation est rejeté [(arrêt du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T-198/01, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-404/04 P)].

Par ailleurs, dans l’arrêt Valmont Nederland/Commission, précité, le Tribunal a pour la première fois repris la solution dégagée par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, Rec. p. I-7747), selon laquelle une intervention étatique au bénéfice d’une entreprise en contrepartie de l’exécutiond’obligations de service public ne constitue pas une aide pourvu que plusieurs conditions soient réunies 26.

En l’occurrence, la Commission avait considéré que le financement octroyé par unecommune néerlandaise à une entreprise pour aménager un parc de stationnement constituait, pour partie, une aide d’État au motif qu’il correspondait à des frais d’exploitation que cette entreprise aurait normalement dû prendre à sa charge et l’avantageait. La Commission a néanmoins estimé que l’autre partie du financement bénéficiait à desentreprises tierces et n’avantageait pas la requérante.

Or, le Tribunal constate, d’une part, que cette entreprise supporte une charge en permettant à des tiers de faire usage de son parc de stationnement, à plusieurs titres et de manière régulière et gratuite, en vertu d’un accord conclu, dans l’intérêt général tout autant que dans celui des tiers concernés, avec une collectivité territoriale et, d’autre

26 À savoir: primo, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligationsde service public et ces obligations doivent être clairement définies; secundo, les paramètres sur labase desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriserl’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes; tertio, la compensation ne sauraitdépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéficeraisonnable pour l’exécution de ces obligations; quarto, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuterces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pourl’exécution de ces obligations.

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part, qu’une portion du financement octroyé par la collectivité territoriale pour aménagerce parc de stationnement bénéficie effectivement à Valmont.

Dans ces conditions, le Tribunal juge que la Commission ne pouvait estimer d’emblée que cette portion du financement avantageait nécessairement Valmont, mais devaitexaminer au préalable, au vu des informations dont elle disposait, si cette portion du financement pouvait, ou non, être considérée comme la contrepartie effective de lacharge supportée par Valmont. Il lui appartenait, à cette fin, de vérifier si les conditionsénoncées dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, étaient ou non réunies. Cette vérification ne ressortant pas de la décision, elle est annulée 27.

Enfin, par son arrêt Danske Busvognmaend/Commission, précité, le Tribunal a annulé la décision de la Commission déclarant compatible avec le marché commun l’aide accordée par les autorités danoises à la société de transport par autobus Combus.

En particulier, le Tribunal a jugé que cette société n’avait pas été chargée de l’exécution d’obligations de service public au sens du règlement n° 1191/69 28. Il estime qu’une entreprise, telle que Combus, dont les obligations d’exploiter, de transporter et d’encaisser les tarifs n’ont pas été unilatéralement imposées, qui n’était pas obligée d’exécuter ses missions de transport dans des conditions non rentables, contraires à son intérêt commercial, mais qui a, au contraire, volontairement assumé ces obligations après avoir remporté des procédures d’appel d’offres qui ne prévoyaient aucune subvention étatique et auxquelles elle était libre, en fonction de ses intérêts économiques, de participer ou non, et dont les prestations de transport ont été rémunérées par le prix proposé par elle dans ses soumissions aux appels d’offres et repris dans les contrats conclus à la suite de ceux-ci ne supporte pas des obligations de service public au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1191/69: une telle entreprise ne reçoit donc pas une compensation au sens de cet article, ainsi que l’avait considéré la Commission, mais une rémunération financière prévue dans lesdits contrats de transport.

– Spécificité ou sélectivité de la mesure étatique

Dans l’arrêt Lenzing/Commission, précité, le Tribunal a considéré que la Commission avait pu, à bon droit, conclure que la mesure accordée au bénéfice de la société Sniaceétait sélective.

Il a, à cet égard, rappelé que des mesures de portée purement générale ne relèvent pas de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais que, toutefois, même des interventions qui, à première vue, sont applicables à la généralité des entreprises peuvent présenter

27 Ce motif d’annulation de la décision du 18 juillet 2001 s’ajoute à la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE – constatée dans le même arrêt – commise par la Commission pour avoir considéré sur la base d’un rapport d’expertise dépourvu de valeur probante que le prix du terrain vendu à la requérante était inférieur au prix du marché et, partant, recelait un élément d’aide d’État.

28 Règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE)n° 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO L 169, p. 1).

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une certaine sélectivité et, partant, être considérées comme des mesures destinées à favoriser certaines entreprises ou certaines productions. Tel est le cas, notamment, lorsque l’administration appelée à appliquer la règle générale dispose d’un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’application de l’acte. En l’espèce, le Tribunal a constaté que les organismes publics espagnols chargés de collecter les cotisations de sécurité sociale disposaient d’un certain pouvoir discrétionnaire tant pour conclure des accords de rééchelonnement ou de remboursement que pour déterminer certaines modalités de ces accords, telles que le calendrier de remboursement, le montant des échéances et le caractère suffisant des garanties offertes en contrepartie du règlementdes dettes. Relève également du pouvoir discrétionnaire de ces organismes le fait d’accepter que cette société ne respecte pas ces accords et de tolérer l’absence de paiement des dettes pendant plusieurs années.

La spécificité ou sélectivité d’une mesure étatique constitue une des caractéristiquesde la notion d’aide d’État non seulement dans le cadre du traité CE, mais aussi dans le cadre du traité CECA, ainsi qu’il a été rappelé dans l’arrêt du 1er juillet 2004, Salzgitter/Commission [T-308/00, non encore publié au Recueil; sous pourvoi (affaire C-408/04 P)] qui, sur ce point, confirme que le fait de subordonner le bénéfice d’unemesure fiscale, inscrite dans une loi, à une condition de localisation des investissementsdans une zone territorialement limitée d’un État membre, comme cela était le cas en l’espèce, est, en principe, suffisant pour considérer que la mesure en cause concerneune catégorie déterminée d’entreprises. Invoquant au soutien de son appréciation – fait suffisamment rare pour être relevé – un arrêt de la Cour de l’AELE 29, le Tribunal souligne qu’il importe, pour qu’une mesure soit susceptible d’être qualifiée d’aide d’État,que les entreprises bénéficiaires de celle-ci appartiennent à une catégorie bien déterminéepar l’application, en droit ou en fait, du critère établi par la mesure en question.

b) Encadrements

Si la Commission jouit, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire, elle est néanmoins tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des aides d’État, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres. Les intéressés sont par conséquent fondés à s’en prévaloir et le juge vérifie si la Commission a respecté les règles qu’elle s’est elle-mêmeimposées en prenant la décision contestée.

Le Tribunal a ainsi statué sur plusieurs demandes visant à ce que soient constatées des erreurs de droit dans l’application des encadrements communautaires des aides d’État pour la protection de l’environnement de 1994 et de 2001 (arrêt du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T-176/01, non encore publié au Recueil), de l’encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands

29 Arrêt de la Cour de l’AELE du 20 mai 1999, Norway/EFTA Surveillance Authority, E-6/98, Report of EFTA Court, p. 74.

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projets d’investissements 30 (arrêt Kronofrance/Commission, précité), de la communication fixant des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetageet à la restructuration des entreprises en difficulté 31 (arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, précité), ainsi que de la recommandation 96/280/CE concernant la définition des petites et moyennes entreprises 32 et de la communication relative à l’encadrement communautaire des aides d’État aux petites et moyennes entreprises 33 (arrêt du 14 octobre 2004, Pollmeier Malchow/Commission, T-137/02, non encore publié au Recueil).

Dans l’arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, le Tribunal confirme que la Commissionpouvait déclarer le projet d’aide en faveur de Ferriere Nord incompatible avec le marché commun dans la mesure où l’investissement ne satisfaisait pas à l’exigence de performance environnementale recherchée par les encadrements de 1994 et de 2001.

De même dans l’arrêt Pollmeier Malchow/Commission, précité, a-t-il validé l’appréciation de la Commission selon laquelle le bénéficiaire de l’aide était une grande entreprise etne remplissait donc pas les critères de la définition des PME. Le Tribunal considère,notamment, que, au regard de l’économie générale des textes en cause, la Commission a pu à bon droit s’attacher à ce que le bénéficiaire de l’aide en cause ne soit pas, en réalité, un groupe dont la puissance dépasse celle d’une PME.

Dans l’arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, précité, le Tribunal estime, au vu des indications fournies par les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de déclarer compatible avec le marché commun, en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la réduction de prix en cause sans tenir compte de la création d’une situation de monopole qui résulterait de la disparition de la requérante. En effet, le Tribunal souligne que cette circonstance ne serait de nature à justifier l’octroi d’une aide d’État destinée à sauver des entreprises et à encourager leurrestructuration que si les conditions générales d’autorisation des aides au sauvetage et à la restructuration, telles que définies dans les lignes directrices, étaient remplies. Or, en l’espèce, le Tribunal constate que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en ayant considéré que le plan de restructuration n’était pas en mesure de permettre à la société Technische Glaswerke Ilmenau de recouvrer sa viabilité et conclut, par conséquent, au rejet du moyen.

En revanche, l’arrêt Kronofrance/Commission, précité, annule la décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’une aide accordée par les autorités allemandes en faveur de la société Glunz pour la construction d’un centre intégré de traitement du bois. Le Tribunal considère en effet que la Commission n’a pas respecté les règles édictées dans l’encadrement multisectoriel des aides à finalité

30 JO 1998, C 107, p. 7.31 JO 1994, C 368, p. 12.32 Recommandation 96/280/CE de la Commission, du 3 avril 1996, concernant la définition des petites

et moyennes entreprises (PME) (JO L 107, p. 4).33 Communication de la Commission, relative à l’encadrement communautaire des aides d’État aux

PME (JO 1996, C 213, p. 4).

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régionale en faveur de grands projets d’investissements dans la mesure où elle n’a pas vérifié, ainsi qu’il est prévu dans cet encadrement, si le marché des produits concernéspar l’aide en cause était «en déclin». En raison de cette erreur de droit de la Commission, le caractère compatible de l’aide notifiée n’a pas pu être apprécié sur la base del’ensemble des critères applicables.

c) Récupération

L’arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission (T-109/01, non encore publié au Recueil) a permis au Tribunal de rappeler que les entreprises bénéficiaires d’uneaide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aideque si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE, mais que, toutefois, la jurisprudence n’exclut pas la possibilité, pour les bénéficiairesd’une aide illégale, d’invoquer, dans le cadre de la procédure de récupération, des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder leur confiance légitime dansle caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement.

Cependant, le Tribunal juge que ces bénéficiaires ne peuvent invoquer de tellescirconstances exceptionnelles, sur la base des dispositions pertinentes du droit national, que dans le cadre de la procédure de récupération devant les juridictions nationales, auxquelles seules il appartient d’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles en interprétation, les circonstances de la cause. Ainsi jugeant, le Tribunal prend clairement position sur une question à laquelle des réponses hésitantes avaient jusqu’alors été apportées (voir, à cet égard, le Rapport annuel 1999).

À la différence de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt qui vient d’être commenté, Salzgitter soutenait, pour s’opposer au remboursement de l’aide, non pas que la Commission avait violé le principe de protection de la confiance légitimemais qu’elle avait méconnu le principe de sécurité juridique. Et le Tribunal de considérer que la violation de ce principe de sécurité juridique justifie en l’espèce l’annulationdes dispositions de la décision de la Commission 34 obligeant la République fédérale d’Allemagne à récupérer les aides accordées aux entreprises regroupées sous la dénomination de Salzgitter AG.

En effet, dans son arrêt Salzgitter/Commission, précité, le Tribunal juge, tout d’abord, que la possibilité d’invoquer le principe de sécurité juridique n’était pas soumise aux conditions permettant d’invoquer la confiance légitime dans la régularité d’une aided’État. C’est pourquoi l’entreprise sidérurgique qui a obtenu une aide d’État n’ayant pas fait l’objet d’une notification à la Commission peut invoquer, pour contester la décisionde la Commission en imposant le remboursement, la sécurité juridique, alors même qu’il est exclu, sauf circonstances exceptionnelles, que le bénéficiaire d’une aide puisse avoirune confiance légitime dans la régularité de celle-ci si elle a été accordée en violationdes dispositions relatives à la procédure de contrôle préalable des aides d’État.

34 Décision 2000/797/CECA de la Commission, du 28 juin 2000, concernant l’aide d’État mise à exécution par l’Allemagne en faveur de Salzgitter AG, de Preussag Stahl AG et des filiales sidérurgiques du groupe, aujourd’hui regroupées sous la dénomination de Salzgitter AG – Stahl und Technologie (SAG) (JO L 323, p. 5).

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Le Tribunal considère, ensuite, que l’entreprise sidérurgique ayant bénéficié d’aidesillégales pouvait à bon droit s’appuyer sur le principe de sécurité juridique pour contester la légalité d’une décision de la Commission ordonnant leur remboursement dans un cas où à l’époque où elle a perçu lesdites aides existait, du fait de la Commission, une situation d’incertitude et de défaut de clarté relative au régime juridique du type d’aides en cause, laquelle a été cumulée au défaut de réaction prolongé de la Commission, qui était pourtant au courant du versement des aides, et qui a créé ainsi, en méconnaissance de son devoir de diligence, une situation de caractère équivoque, qu’il lui aurait appartenu de clarifier avant de pouvoir prétendre entreprendre unequelconque action visant à ordonner le remboursement des aides versées.

2. Questions de procédure

La question de l’étendue des droits reconnus aux intéressés dans la procédure formelle d’examen d’une aide d’État a été clarifiée. La jurisprudence du Tribunal établit unedistinction claire entre les États membres dispensateurs des aides, d’une part, et les intéressés, d’autre part. Alors que les premiers disposent pleinement des droits de la défense, les seconds ont seulement le droit de présenter des observations.

En premier lieu, il y a lieu de relever que, dans l’un des moyens examinés dans le cadre de l’affaire l’opposant à la Commission, Ferriere Nord – une entreprise du secteur de l’industrie sidérurgique, mécanique et métallurgique – faisait valoir que la Commission avait violé ses droits de la défense en ayant engagé la procédure formelle d’examen sous l’empire de l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement de 1994 35, alors que la décision aurait été adoptée sur le fondement de l’encadrement de 2001 36 sans que la République italienne ni elle-même n’aient été invitées à présenter leurs observations à l’égard du nouvel encadrement. Dans l’arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, le Tribunal précise, tout d’abord, que ce moyen doit être examiné non pas du point de vue des droits de la défense, dont seuls les États sont titulaires en matière d’aides d’État, mais en considération du droit dont disposent, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE, les «intéressés» de soumettre des observations durant la phase d’examen visée par cette disposition. Il relève, ensuite, que la Commission n’aurait pu, sans méconnaître les droits procéduraux des intéressés, fonder sa décision sur des principes nouveaux, introduits par l’encadrement de 2001, sans leur demander de présenter leurs observations à cet égard. Toutefois, le Tribunal constate que les principes posés par les deux encadrements sont, au regard des motifs retenus par la Commission pour déclarer l’aide en cause incompatible, en substance identiques; il en déduit qu’une nouvelle consultation des intéressés ne s’imposait pas.

En second lieu, la question s’est posée de savoir si l’entreprise bénéficiaire de l’aide devaitse voir reconnaître des garanties allant au-delà du droit de présenter des observations après l’ouverture de la procédure reconnu en faveur de tous les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. La réponse apportée par le Tribunal dans ses arrêts

35 JO 1994, C 72, p. 3. 36 Encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 2001, C 37,

p. 3).

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Fleuren Compost/Commission, précité, et Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, précité, est dépourvue d’ambiguïté: «aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d’État ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire del’aide», le Tribunal rappelant que la procédure de contrôle des aides d’État n’est pas une procédure ouverte «à l’encontre» du bénéficiaire des aides qui impliquerait que cedernier puisse se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels.

Les intéressés autres que l’État membre concerné ne pouvant se prévaloir du droit à une procédure contradictoire devant la Commission, le Tribunal a rejeté les griefs des parties requérantes, notamment celui de Technische Glaswerke Ilmenau selon lequel elle aurait dû pouvoir accéder à la partie non confidentielle du dossier de la procédureadministrative et aurait dû recevoir les observations ou réponses aux questions de la Commission présentées par l’un de ses concurrents sur le marché.

Dans l’un des moyens qu’elle a développés dans le cadre du recours visant à l’annulation de la décision de la Commission déclarant incompatible avec le marché commun l’aide que la République italienne envisageait de mettre à exécution en faveur de Ferriere Nord, cette dernière reprochait à la Commission de ne pas lui avoir demandé, non plus qu’à la République italienne, de fournir une documentation relative à la finalité environnementale de l’investissement, puis d’avoir indiqué dans sadécision qu’aucun document ne lui avait été fourni à ce sujet. À cet égard, le Tribunal (arrêt Ferriere Nord/Commission, précité) juge que le principe de protection de la confiance légitime implique que la Commission tienne compte, dans la conduite de laprocédure d’examen d’une aide d’État, de la confiance légitime qu’ont pu faire naître lesindications contenues dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et, par suite, qu’elle ne fonde pas la décision finale sur l’absence d’éléments que les partiesintéressées n’ont pu, au vu de ces indications, estimer devoir lui fournir. En l’espèce, le moyen a été écarté eu égard au caractère suffisamment clair et précis des indicationscontenues dans la décision d’ouverture 37.

E. Mesures de défense commerciale

Si mention doit être faite de l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T-35/01, non encore publié au Recueil) rejetant le recours visant à l’annulation d’un règlement instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certainesbalances électroniques 38, notamment parce qu’il constitue l’unique décision rendue dans le domaine de l’antidumping, c’est sur l’arrêt du 14 décembre 2004, Fédération des industries condimentaires de France (FICF) e.a./Commission (T-317/02, non encore publié au Recueil) que l’attention du lecteur sera appelée.

37 Voir également en ce sens l’arrêt Pollmeier Malchow/Commission, précité, point 76.38 Règlement (CE) n° 2605/2000 du Conseil, du 27 novembre 2000, instituant des droits antidumping

définitifs sur les importations de certaines balances électroniques originaires de Chine, de Corée duSud et de Taïwan (JO L 301, p. 42).

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En se prononçant pour la première fois sur la légalité d’une décision de la Commission rejetant une plainte déposée conformément au règlement du Conseil sur les obstacles au commerce 39, le Tribunal a précisé les conditions dans lesquelles des obstacles au commerce justifient l’intervention de la Communauté.

En l’occurrence, la plainte déposée en juin 2001 par la FICF, qui regroupe les principaux producteurs français de moutarde préparée, visait à dénoncer les effets des mesures que les États-Unis d’Amérique avaient été autorisés à prendre par l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) 40 et consistant, notamment, à frapper d’un droit de douane additionnel de 100 % un certain nombre de produits en provenance des États membres de la Communauté européenne, parmi lesquels la «moutarde préparée».

Dans sa plainte, la FICF dénonçait le caractère sélectif des mesures de rétorsion américaines appliquées seulement à l’égard de certains États membres et non à l’encontre de la Communauté européenne dans son ensemble. La plainte indiquait également que l’obstacle au commerce, créé par les États-Unis, entraînait des effets commerciaux défavorables sur les exportations de moutarde préparée des entreprises membres de la FICF, et qu’il était de l’intérêt de la Communauté, en vertu des règles de commerce internationales, d’engager une procédure à l’encontre des mesures prises par les États-Unis.

Conformément au règlement sur les obstacles au commerce, la Commission a ouvert une procédure d’examen qui a été étendue, par la suite, à trois autres organisations professionnelles de producteurs de foie gras, de roquefort et d’échalotes. Cette procédure a été clôturée en 2002, la Commission considérant qu’une action spécifique dans l’intérêtde la Communauté n’était pas nécessaire dans la mesure où la suppression sélective des concessions par les États-Unis n’entraînait pas d’effets commerciaux défavorables au sens dudit règlement.

Saisi par la FICF et par les autres organisations concernées d’une demande d’annulation de la décision de la Commission de ne pas agir contre les mesures de rétorsion américaines, le Tribunal confirme cette décision.

Le Tribunal observe, tout d’abord, que, en vertu du règlement sur les obstacles au commerce, une action de la Communauté au titre des règles de commerce internationales peut être engagée à l’encontre d’un obstacle au commerce créé par un pays tiers sur la

39 Règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier par celles instituées sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO L 349, p. 71).

40 Entre 1981 et 1996, le Conseil de l’Union européenne a adopté plusieurs directives contre l’utilisation de certaines substances à effet hormonal dans l’alimentation animale, afin d’assurer la protection dela santé humaine. En janvier 1998, l’organe d’appel de l’OMC, à la suite d’une plainte déposée par les États-Unis, a déclaré cette réglementation communautaire contraire aux règles de l’OMC. En juillet 1999, en raison de l’absence de mise en conformité de la réglementation communautaire, a autorisé les États-Unis à adopter des mesures de rétorsion et notamment celle consistant à frapper certains produits provenant de la Communauté européenne d’un droit additionnel de 100 %.

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base de trois conditions cumulatives: l’existence d’un obstacle au commerce, des effets commerciaux défavorables en découlant et la nécessité d’une action dans l’intérêt de la Communauté.

Le Tribunal considère, ensuite, que la Commission a correctement pris en considération l’ensemble des éléments indissociables de la notion d’obstacle au commerce. S’agissant des effets commerciaux défavorables, le Tribunal relève que la progression des exportations de moutarde préparée, entre la période 1996-1998 et l’année 2000, du Royaume-Uni vers les États-Unis, tant en valeur qu’en volume, a représenté une part et une proportion extrêmement faibles par rapport aux exportations en provenance des autres États membres de la Communauté. Dès lors, même à supposer que les exportateurs des États membres autres que le Royaume-Uni aient eux-mêmes profitéde cette progression, dans l’hypothèse où les mesures de rétorsion américaines auraient été étendues à la moutarde préparée originaire du Royaume-Uni – ce qui n’a pas été démontré par les requérants –, ces exportateurs n’auraient pas pu bénéficier de plusgrandes opportunités d’exportation.

Enfin, le Tribunal rappelle que l’appréciation de l’intérêt de la Communauté requiert lamise en balance des intérêts des différentes parties concernées et de l’intérêt général communautaire. Si la procédure d’examen n’a pas exclu un intérêt général à long terme de la Communauté à agir à l’avenir, en revanche, la Commission l’a clôturée en raison de l’absence d’intérêt communautaire spécifique à s’attaquer à un obstacle aucommerce n’engendrant pas d’effets commerciaux défavorables au sens du règlement sur les obstacles au commerce. Or, le Tribunal juge qu’un plaignant ne peut pas inciter la Communauté à entreprendre une action de principe en défense de l’intérêt général, sans avoir, à tout le moins, lui-même souffert d’effets commerciaux défavorables au sens du règlement sur les obstacles au commerce. Par conséquent, contrairement à ce que soutenaient les producteurs français, la Commission n’a pas confondu l’intérêt de la Communauté avec celui de la FICF. De plus, bien que la décision attaquée ne mentionne pas les parties intéressées autres que la FICF, le Tribunal relève que la Commission a évalué leurs intérêts dans le cadre de son examen.

F. Marque communautaire

L’enregistrement des marques communautaires constitue, en raison de la place qu’il occupe désormais dans l’activité du Tribunal, un contentieux de premier ordre pour cette juridiction: 110 affaires introduites en 2004 (contre 100 en 2003) et 76 affaires réglées (47 par arrêt et 29 par ordonnance), soit 29 de plus que l’année passée.

Selon le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire 41, une marque communautaire est refusée à l’enregistrement, notamment, si elle est dépourvue de caractère distinctif [article 7, paragraphe 1, sous b)] ou si elle est descriptive [article 7, paragraphe 1, sous c)] (motifs absolus de refus), ou

41 JO 1994, L 11, p. 1.

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encore en cas d’opposition fondée sur l’existence d’une marque antérieure protégée dans un État membre ou en tant que marque communautaire (article 8) (motifs relatifs de refus) 42.

1. Motifs absolus de refus d’enregistrement

Sur les quatorze arrêts statuant sur la légalité de décisions des chambres de recours portant sur les motifs absolus de refus d’enregistrement, le Tribunal a prononcé une seule annulation [arrêt du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc ettransparent), T-393/02] et a rejeté tous les autres 43.

En premier lieu, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont celles qui sont incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service. En d’autrestermes, le caractère distinctif d’une marque au sens de ladite disposition signifie quecette marque est apte à identifier le produit ou le service pour lequel est demandél’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises.

Ont été confirmées, inter alia, les décisions de chambre de recours refusantl’enregistrement comme marques communautaires pour défaut de caractère distinctif: des représentations de sachets pour boissons pouvant tenir debout pour des jus de fruits; le signe verbal «LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS» pour du gazon synthétique et des services d’installation de ce produit; une bouteille transparente, remplie d’un liquide jaune, à goulot long dans lequel est enfichée unetranche de citron ayant une écorce verte pour des boissons et pour certains services; le signe verbal «Mehr für Ihr Geld» pour des articles de droguerie et des produits alimentaires de consommation courante; la représentation d’une forme d’emballage à tortillons pour des bonbons ou encore une forme tridimensionnelle représentant un bonbon de couleur marron clair pour des confiseries.

En revanche, le Tribunal a annulé la décision de la chambre de recours qui avait considéré comme dépourvue de caractère distinctif un signe tridimensionnel constitué par la

42 Une marque communautaire peut également être déclarée nulle par l’OHMI, sur demande présentée en ce sens conformément à l’article 51, paragraphe 1, du même règlement. En 2004, le Tribunal n’a pas statué sur la légalité d’une quelconque décision de la division d’annulation de l’OHMI.

43 Arrêts du 28 janvier 2004, Deutsche SiSi-Werke/OHMI (Sachet tenant debout), T-146/02 à T-153/02 (sous pourvoi, affaire C-173/04 P); du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), T-216/02; du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T-127/02; du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T-399/02 (sous pourvoi, affaire C-286/04 P); du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T-281/02; du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI – (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T-289/02; du 8 juillet 2004, MLP Finanzdienstleistungen/OHMI (bestpartner), T-270/02; du 20 juillet 2004, Lissotschenko et Hentze/OHMI (LIMO), T-311/02; du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T-183/03; du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T-402/02; du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’un bonbon), T-396/02; du 23 novembre 2004, Frischpack/OHMI (Forme d’une boîte de fromage), T-360/03; du 30 novembre 2004, Geddes/OHMI (NURSERYROOM), T-173/03, non encore publiés au Recueil.

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forme d’un flacon blanc et transparent pour des produits de nettoyage. Dans son arrêt Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent), précité, le Tribunal a en effet estimé que la marque tridimensionnelle demandée était inhabituelle et apte à permettre de distinguer les produits en cause de ceux ayant une autre origine commerciale.

En deuxième lieu, on relèvera que, s’agissant du contentieux relatif au caractère descriptif des marques demandées au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, le Tribunal a confirmé l’intégralité des appréciations des chambres de recoursportant sur cette question. Il a ainsi jugé légales les décisions déclarant inaptes à remplir la fonction d’origine de la marque: le signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS pour un équipement servant à la distribution à distance de produits pharmaceutiques, le signe verbal LIMO pour certaines catégories de produits lasers, le signe verbal APPLIED MOLECULAR EVOLUTION pour des services se rapportant à l’ingénierie moléculaire de composés et le signe verbal NURSERYROOM pour des produits concernant les jeunes enfants.

En outre, et pour la première fois, le Tribunal a fait application de l’article 111 du règlement de procédure pour rejeter par voie d’ordonnance un recours en annulation d’une décision d’une chambre de recours constatant le caractère descriptif du vocable QUICK-GRIP pour des colliers de serrage (matériel de bricolage) au motif que ce recours était manifestement dénué de tout fondement en droit [ordonnance du 27 mai 2004, Irwin Industrial Tool/OHMI (QUICK-GRIP), T-61/03, non encore publiée au Recueil].

En troisième lieu, l’article 7 du règlement n° 40/94 énonce, en son paragraphe 1, sous h), un motif absolu de refus d’enregistrement dont le Tribunal a contrôlé la bonne application par la chambre de recours dans l’arrêt Concept/OHMI (ECA), précité 44. En l’occurrence, le Tribunal a confirmé que devait être refusé à l’enregistrement un signe figuratif composéd’un cercle d’étoiles uniformes, de même taille et à cinq pointes dont l’une est tournée vers le haut, entourant, sur fond carré, l’élément verbal «ECA», le tout sans spécificationde couleurs, dont l’enregistrement était demandé pour, notamment, des supports de données enregistrées et l’organisation et la conduite de séminaires. En effet, juge-t-il, un tel signe constitue une imitation au point de vue héraldique de l’emblème européen, au sens de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous b), de la convention de Paris. En outre, il considère que la chambre de recours a conclu à bon droit que l’enregistrement de la marque demandée était susceptible de susciter, dans l’esprit du public, l’impression qu’il existe un lien entre la marque demandée, d’une part, et le Conseil de l’Europe, l’Union européenne ou la Communauté européenne, d’autre part.

En quatrième lieu, le règlement n° 40/94 prévoyant expressément en son article 7, paragraphe 3, que l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement «un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait», les demandeurs ne manquent pas d’invoquer cette disposition devant l’OHMI pour faire accepter l’enregistrement de la marque. Les conditions dans lesquelles un tel caractère distinctif peut être considéré comme établi ont été rappelées par le Tribunal, tant en ce qui concerne les questions

44 Aux termes de cette disposition, sont refusées à l’enregistrement «les marques qui, à défaut d’autorisation des autorités compétentes, sont à refuser en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris».

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de forme que celles relatives aux preuves requises, dans les arrêts Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), Storck/OHMI (Forme d’un bonbon), T-396/02, et Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T-402/02, précités. Dans ce dernier arrêt, le Tribunal souligne que la chambre de recours ne viole pas l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94 lorsqu’elle s’abstient d’examiner d’office tousles faits de nature à permettre de conclure que la marque a acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement. Bien que, en ce qui concerne cette disposition, il n’existe pas de règle établissant que l’examen par l’OHMI (à savoir par l’examinateur ou, le cas échéant, par la chambre de recours), est limité aux faits invoqués par les parties, contrairement à ce que prévoit l’article 74, paragraphe 1, in fine, du même règlement concernant les motifs relatifs de refus, le Tribunal juge que, enl’absence d’une allégation du demandeur de marque relative au caractère distinctif de celle-ci acquis par l’usage, l’OHMI se trouve dans l’impossibilité matérielle de tenir compte du fait que la marque demandée a acquis un tel caractère. Dès lors, en vertu du principe selon lequel «à l’impossible nul n’est obligé», l’OHMI n’est tenu d’examiner des faits susceptibles de conférer à la marque demandée un caractère distinctif acquis par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, que si le demandeur les a invoqués.

2. Motifs relatifs de refus d’enregistrement

Mis à part les cas dans lesquels les affaires ont été réglées par ordonnance, notamment de non-lieu en cas de retrait à l’opposition de la marque [ordonnance du 9 février 2004, Synopharm/OHMI – Pentafarma (DERMAZYN), T-120/03, non encore publiée au Recueil], le Tribunal s’est prononcé à 19 reprises par voie d’arrêts. Quatorze des arrêts prononcés confirment les décisions de chambres de recours 45, les autres annulant les décisions attaquées soit pour des raisons de forme et de procédure 46 soit parce que la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 47.

45 Arrêts du 18 février 2004, Koubi/OHMI – Flabesa (CONFORFLEX), T-10/03; du 3 mars 2004, Mülhens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T-355/02 (sous pourvoi, affaire C-206/04 P); du 31 mars 2004, Interquell/OHMI – SCA Nutrition (HAPPY DOG), T-20/02; du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T-183/02 et T-184/02; du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T-124/02 et T-156/02; du 22 juin 2004, «Drie Mollen sinds 1818»/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T-66/03; du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T-185/02 (sous pourvoi, affaire C-361/04 P); du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T-186/02; du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T-117/02; du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T-203/02 (sous pourvoi, affaire C-416/04 P); du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T-115/02; du 13 juillet 2004, Samar/OHMI – Grotto (GAS STATION), T-115/03; du 16 septembre 2004, Metro-Goldwyn-Mayer Lion/OHMI – Moser Grupo Media (Moser Grupo Media), T-342/02; du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T-117/03 à T-119/03 et T-171/03, non encore publiés au Recueil.

46 Arrêts du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T-107/02; du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T-334/01; du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T-356/02 (sous pourvoi, affaire C-512/04 P), et du 10 novembre 2004, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T-164/02, non encore publiés au Recueil.

47 Arrêt du 30 juin 2004, M+M/OHMI – Mediametrie(M+M EUROdATA), T-317/01, non encore publié au Recueil.

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Aux termes de cette dernière disposition, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

Eu égard au fait que le risque de confusion doit être apprécié globalement, par rapport à la perception du public pertinent et en tenant compte de tous les facteurs pertinents de chaque espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des marques et celle des produits ou services désignés, le Tribunal a confirmé, par exemple, l’existenced’un tel risque entre le signe verbal CONFORFLEX pour des meubles de literie et les marques figuratives FLEX antérieurement enregistrées en Espagne pour des catégoriesde produits incluant les meubles de literie ou, à l’inverse, l’absence d’un tel risque entre le signe verbal PICARO pour des automobiles et la marque communautaire antérieure PICASSO pour ces mêmes produits ou entre le signe verbal CHUFAFIT pour des noix préparées et des noix fraîches et les marques antérieures nationales verbale – CHUFI – et figurative – incluant le vocable CHUFI – pour des produitsincluant ceux visés par la demande d’enregistrement.

Par ailleurs, plusieurs arrêts contribuent à clarifier les modalités d’examen del’opposition, telles que régies par l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94. Plus spécifiquement, cette disposition prévoit en son paragraphe 2 que, sur requête dudemandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. En vertu du paragraphe 3 de ce même article, le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures, étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

Il ressort en effet de la jurisprudence que la preuve de l’usage sérieux ne peut être exigée que si un délai de cinq ans au moins sépare la date de l’enregistrement de la marque antérieure de la date de publication de la demande d’enregistrement communautaire [arrêt BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), précité] et que la preuve de l’usage sérieux ne doit être rapportée que pour autant que le demandeur en a fait la requête «expressément et en temps utile devant l’OHMI» [arrêt El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), précité]. Dans plusieurs décisions [arrêts MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), et Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT)], le Tribunal a également précisé la notion d’usage sérieux ainsi que l’étendue de la preuve devant être rapportée par l’opposant, et a contrôlé l’appréciation du caractère sérieux de l’usage faite par la chambre de recours. Sur ce dernier aspect, il y a lieu de relever que, dans son arrêt Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), le Tribunal a considéré que la chambre de recours avait erronément conclu que la preuve de l’usage

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sérieux avait été rapportée dans la mesure où elle avait fondé son raisonnement sur de simples présomptions; il a en conséquence annulé la décision litigieuse.

3. Questions de forme et de procédure

Bien que les questions de forme et de procédure traitées par le Tribunal aient été relativement nombreuses, le caractère limité de la présente contribution impose de ne rendre compte que de quelques-unes d’entre elles. Quatre sujets ont donc été choisis.

Le premier sujet a trait au caractère recevable ou non de certains chefs de conclusions. Tout d’abord, la question s’est posée de savoir si l’OHMI pouvait conclure autrement qu’au rejet du recours en annulation, étant précisé que l’OHMI est désigné comme partie défenderesse devant le Tribunal en vertu du règlement de procédure 48. Selon l’arrêt GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), précité, la réponse est affirmative.Le Tribunal a, en effet, accepté que l’OHMI se rallie à la conclusion de la requérante visant à l’annulation de la chambre de recours ou se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal. Rappelant le principe de continuité fonctionnelle entre la chambre de recours, l’examinateur et/ou la division compétente, d’une part, et l’indépendance fonctionnelle des chambres de recours et de leurs membres dans l’exercice de leurs tâches, le Tribunal estime qu’il convient de reconnaître que, si l’OHMI ne dispose pas de la légitimation active requise pour introduire un recours contre une décision d’une chambre de recours, inversement, il ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision 49.

Ensuite, s’est également posée la question de la recevabilité d’un chef de conclusions visant à l’annulation, en sus de la décision attaquée, de la décision de la division d’opposition. À ce sujet, il ressort de l’arrêt MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), précité, qu’une telle demande est recevable puisqu’elle vise à ce que le Tribunal prenne la décision que, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû légalement prendre lorsqu’elle a été saisie du recours formé auprès de l’OHMI. Or, dans la mesure où la chambre de recours peut annuler la décision prise par l’unité de l’OHMI, une telle annulation figure également parmi les mesures qui peuvent être prises par leTribunal au titre de son pouvoir de réformation, consacré par l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

Le deuxième sujet tient dans le fait que l’article 73 du règlement n° 40/94, qui prévoit que les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position, n’est pas considéré comme violé lorsque l’information non communiquée n’a servi qu’à confirmer la justesse de la conclusion d’un raisonnementautonome par rapport à cette information [arrêt Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), précité].

48 Article 133, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.49 Relativement à cette problématique, voir également l’arrêt de la Cour du 12 octobre 2004,

Vedial/OHMI, C-106/03 P, non encore publié au Recueil.

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Le troisième sujet est relatif à l’application de l’article 74 du règlement n° 40/94 par la chambre de recours dans le cadre d’une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement. La portée de cette disposition – qui prévoit que, dans une telle procédure, «l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties» – a été précisée dans l’arrêt Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), précité 50.

Dans cet arrêt, le Tribunal a rappelé, ainsi qu’il l’avait déjà jugé dans son arrêt du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE) (T-308/01, Rec. p. II-3253), que, en application de l’article 74 susvisé, la chambre de recours, statuant sur un recours contre une décision mettant fin à une procédure d’opposition, nesaurait fonder sa décision que sur les motifs relatifs de refus que la partie concernée a invoqués ainsi que sur les faits et preuves y afférents présentés par cette partie. Toutefois, précise-t-il pour la première fois, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par la chambre de recours n’exclut pas que celle-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles. Il explique, sur ce point, que la ratio legis de l’article 74, paragraphe 1, in fine, est de décharger l’administrationde la tâche de procéder elle-même à l’instruction des faits dans le cadre des procédures inter partes et que cet objectif n’est pas compromis lorsque l’OHMI prend en compte des faits notoires.

Enfin, en guise de quatrième sujet, on indiquera que des précisions importantes quantaux exigences linguistiques de la procédure d’opposition ont été apportées par le Tribunal dans l’arrêt GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), précité.

4. Continuité fonctionnelle entre les instances de l’OHMI

La jurisprudence consacrée dans les affaires ex parte 51, selon laquelle il existe une continuité fonctionnelle entre l’examinateur et la chambre de recours, a également vocation à s’appliquer au rapport existant entre la division d’opposition de l’OHMI statuant en première instance et les chambres de recours. Se fondant expressément sur la solution dégagée dans l’arrêt du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), précité (commenté dans le Rapport annuel 2003), le Tribunal a en effet jugé dans l’arrêt du 10 novembre 2004, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL) que la chambre de recours avait commis une erreur en refusant de prendre en compte des éléments destinés à établir le degré élevé de distinctivité de la marque antérieure au motif que ces éléments n’avaient pas été produits devant la division d’opposition. Eu égard au

50 Sur l’irrecevabilité devant le Tribunal d’un document qui n’a pas été produit au cours de la procédure devant l’OHMI concernant les motifs relatifs de refus d’enregistrement et que l’OHMI n’était, par conséquent, pas tenu de prendre en considération d’office, voir l’arrêt Samar/OHMI – Grotto (GAS STATION), précité.

51 Arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY), T-163/98, Rec. p. II-2383, non infirmé sur ce point par l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY), C-383/99 P, Rec. p. I-6251, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T-63/01, Rec. p. II-5255.

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principe de la continuité fonctionnelle entre les instances de l’OHMI, la chambre de recours était tenue de fonder sa décision sur tous les éléments de fait et de droit que la partie concernée avait introduits soit lors de la procédure devant l’unité ayant statué en première instance soit, sous réserve du respect des délais impartis 52, lors de la procédure de recours. En l’espèce, les éléments de fait produits en temps utile devant la chambre de recours auraient donc dû être pris en considération par cette dernière. L’omission ainsi constatée est sanctionnée par l’annulation de la décision de la chambre de recours 53.

G. Accès aux documents

Le règlement n° 1049/2001 54, adopté en application de l’article 255 CE, établit les principes, les conditions et les limites régissant l’exercice du droit d’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission en vue d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyensdans un système démocratique ainsi que de contribuer à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux.

Les refus d’accès opposés par la Commission et le Conseil, qui sont à l’origine des arrêts du 30 novembre 2004, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission (T-168/02, non encore publié au Recueil) et du 23 novembre 2004, Turco/Conseil (T-84/03, non encore publié au Recueil), ont permis au Tribunal de préciser la portée de certaines dispositions de ce règlement.

Ce règlement prévoit, d’une part, que l’institution à laquelle un document émanant de tiers est demandé doit consulter ce tiers afin de déterminer si une des exceptions prévuespar ce règlement est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué (article 4, paragraphe 4) et, d’autre part, qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci (article 4, paragraphe 5).

La République fédérale d’Allemagne s’étant opposée à ce que certains documents émanant des autorités allemandes soient communiqués au demandeur, la Commission a refusé de les lui communiquer. Saisi d’une demande d’annulation de la décision de refus, le Tribunal confirme cette décision par son arrêt IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, précité. Soulignant que les États membres sont

52 C’est-à-dire sous réserve du respect de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 qui dispose: «L’Office ne peut pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuvesqu’elles n’ont pas produites en temps utile».

53 Sans pour autant prendre aussi clairement position sur la question, la continuité fonctionnelle entre les instances de l’OHMI a été évoquée dans le cadre d’autres affaires inter partes, à savoir dans les arrêts du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), précités.

54 Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

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placés dans une situation différente de celle des autres tiers, le Tribunal relève que l’État membre a la faculté de demander auprès d’une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui et l’institution est obligée de ne pas le divulguer sans son «accord préalable». Cette obligation, imposée à l’institution, d’obtenir l’accord préalable de l’État membre, consacrée clairement par l’article 4, paragraphe 5, du règlement, risquerait d’être vidée de son sens si la Commission pouvait décider de divulguer ce document malgré une demande explicite en sens contraire de l’État membre concerné. Dès lors, estime le Tribunal, contrairement à ce qui était avancé par la requérante, soutenue par trois États membres, en présence d’une demande de l’État membre au titre de cette disposition, l’institution saisie est tenue de ne pas divulguer le document en question.

Quant à l’arrêt Turco/Conseil, il trouve sa cause dans le refus du Conseil de communiquer au requérant un avis de son service juridique relatif à une proposition de directive du Conseil fixant des standards minimaux pour la réception des demandeurs d’asile dansles États membres. Le Conseil avait invoqué à cet effet l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 qui prévoit que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection, notamment, des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifiela divulgation du document visé.

Le Tribunal donne gain de cause au Conseil qui, dans cette affaire, était soutenu par le Royaume-Uni et la Commission. Il juge, contrairement à ce que le requérant avançait, que les termes «avis juridiques» doivent être compris en ce sens que la protection de l’intérêt public peut s’opposer à la divulgation du contenu des documents rédigés par le service juridique du Conseil dans le cadre de procédures juridictionnelles mais également à toutes autres fins. Il précise, en se fondant sur l’arrêt du 7 décembre 1999,Interporc/Commission (T-92/98, Rec. p. II-3521; voir le Rapport annuel 1999), que les avis juridiques rédigés dans le contexte de procédures juridictionnelles sont déjà compris dans l’exception relative à la protection de ces procédures.

Les exceptions au droit d’accès aux documents des institutions relevant du règlement n° 1049/2001 devant être interprétées et appliquées strictement, le Tribunal estime que la circonstance selon laquelle le document en cause est un avis juridique ne saurait à elle seule justifier l’application de l’exception invoquée. Le Conseil n’ayant toutefoiscommis aucune erreur d’appréciation en estimant que la divulgation de l’avis juridique demandé serait susceptible de laisser planer un doute sur la légalité de l’acte législatif sur lequel il porte et, donc, qu’il existait un intérêt à la protection de cet avis, d’une part, et le requérant ne s’étant prévalu d’aucun intérêt public supérieur susceptible de justifierla divulgation d’un tel document, d’autre part, le Tribunal conclut au rejet du recours dans son entièreté.

H. Fonction publique communautaire

La centaine de décisions statuant sur des litiges opposant les fonctionnaires et agents des institutions de la Communauté à ces mêmes institutions aborde une grande diversité de situations juridiques, dont le caractère nécessairement synthétique de la présente

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contribution ne permet de rendre compte que très partiellement. On se limitera donc à indiquer que les recours ont visé à contester la légalité:

– de décisions de non-promotion (arrêts du 21 janvier 2004, Mavridis/Commission, T-97/02; du 2 mars 2004, Caravelis/Parlement, T-197/02; du 17 mars 2004, Lebedef/Commission, T-175/02, et Lebedef/Commission, T-4/03; du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T-330/03, et du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T-216/03, non encore publiés au Recueil);

– de décisions prises dans le cadre de procédures de nomination (arrêts du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T-328/01; du 2 mars 2004, Michael/Commission, T-234/02; du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T-310/02, et du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T-10/02, non encore publiés au Recueil). À ce sujet, il y a encore lieu d’indiquer que l’arrêt du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil (T-116/03, non encore publié au Recueil) annule la décision du Conseil du 23 mai 2002 portant nomination d’un président supplémentaire d’une chambre de recours, également président du département des recours de l’OHMI;

– de décisions de ne plus engager d’interprètes de conférence ayant atteint l’âge de 65 ans [arrêts du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Commission, T-153/01 et T-323/01; sous pourvoi (affaire C-373/04 P), Alvarez Moreno/Parlement, T-275/01, et Garroni/Parlement, T-276/01, non encore publiés au Recueil];

– de décisions prises par des jurys de concours refusant d’admettre des candidats aux épreuves (arrêts du 20 janvier 2004, Briganti/Commission, T-195/02; du 19 février 2004, Konstantopoulou/Cour de justice, T-19/03; du 25 mars 2004, Petrich/Commission, T-145/02; du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T-49/03; du 26 octobre 2004, Falcone/Commission, T-207/02, et du 28 octobre 2004, Lutz Herrera/Commission, T-219/02 et T-337/02, non encore publiés au Recueil), attribuant des notes éliminatoires (arrêt du 9 novembre 2004, Vega Rodríguez/Commission, T-285/02 et T-395/02, non encore publié au Recueil) ou refusant d’inscrire le requérant sur une liste de réserve (arrêts du 28 avril 2004, Pascall/Conseil, T-277/02, et du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T-165/03, non encore publiés au Recueil);

– de décisions prises dans le cadre de procédures disciplinaires (arrêt du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T-120/01 et T-300/01, non encore publié au Recueil) ou infligeant des sanctions disciplinaires (arrêts du 16 mars 2004, Afari/Banque centrale européenne, T-11/03; du 1er avril 2004, N/Commission, T-198/02; et du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T-258/01, et François/Commission, T-307/01, non encore publiés au Recueil).

D’autres arrêts statuent sur les demandes visant à obtenir réparation de préjudices subis du fait de l’établissement tardif du rapport de notation (arrêts du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T-281/01, et du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T-16/03, non encore publiés au Recueil) ou du fait de la maladie

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professionnelle du fonctionnaire (arrêts du 3 mars 2004, Vainker et Vainker/Parlement, T-48/01, et du 14 octobre 2004, I/Cour de justice, T-256/02, et Sandini/Cour de justice, T-389/02, non encore publiés au Recueil). On signalera également les arrêts du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission (T-45/01) et Eagle/Commission (T-144/02) (non encore publiés au Recueil), qui condamnent l’institution défenderesse à réparer le préjudice subi par les requérants du fait qu’ils n’ont pas été recrutés comme agents temporaires des Communautés pour l’exercice de leur activité au sein de l’entreprise commune Joint European Tours (JET).

II. Contentieux de l’indemnité 55

L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illicite est subordonné à la réunion de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage invoqué et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et ce dommage.

Ces trois conditions d’engagement de la responsabilité ont été considérées comme réunies dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt interlocutoire du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission (T-166/98, non encore publié au Recueil). Une ou plusieurs des conditions faisant défaut dans les autres demandes indemnitaires, le Tribunal a rejeté tous les autres recours formés au titre de l’article 288 CE.

S’agissant de la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, il a été rappelé dans les arrêts du 10 février 2004, Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co./Commission (T-64/01 et T-65/01, non encore publié au Recueil) et du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, précité, que la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objetde conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettantde considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée.

La notion de «règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers» a été appréciée à plusieurs reprises par le Tribunal. Ainsi a-t-il été jugé que les règles relatives à la répartition des compétences entre les différentes institutions de la Communauté n’ont pas pour objet de conférer des droits aux particuliers, en sorte qu’une éventuelle délégation illégale des compétences du Conseil à la Commission ne serait pas de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté (arrêt Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft

55 Hors contentieux de la fonction publique communautaire.

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Weichert & Co./Commission, précité). Il a également été considéré, par référence à la jurisprudence de la Cour, que la violation de l’obligation de motivation n’est pas de nature à engager la responsabilité de la Communauté (arrêt Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co./Commission, précité, et arrêt du 25 mai 2004, Distilleria F. Palma/Commission, T-154/01, non encore publié au Recueil).

En revanche, dans son arrêt Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, précité, le Tribunal a estimé que le principe interdisant l’enrichissement sans cause ainsi que le principe de non-discrimination ont pour objet de conférer des droits aux particuliers. La violation de ces principes par la Commission a été qualifiée de suffisammentcaractérisée, conclusion à laquelle le Tribunal n’est parvenu à l’égard d’aucune des autres demandes indemnitaires sur lesquelles il a statué en 2004.

Par ailleurs, le Tribunal a rappelé dans l’arrêt Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co./Commission, précité, les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte licite dans l’hypothèse où un tel régime devrait être reconnu en droit communautaire (voir, également sur cette question, les Rapports annuels 2001, 2002 et 2003). Par référence à ses décisions antérieures, il a ainsi considéré qu’elle supposerait que trois conditions soient remplies, à savoir la réalité du préjudice prétendument subi, le lien de causalité entre celui-ci et l’acte reproché aux institutions des Communautés ainsi que le caractère anormal et spécial de ce préjudice, étant précisé qu’un préjudice est «spécial» lorsqu’il affecte une catégorie particulière d’opérateurs économiques d’une façon disproportionnée par rapport aux autres opérateurs et qu’il est «anormal» lorsqu’il dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné, sans que l’acte se trouvant à l’origine du dommage invoqué soit justifié parun intérêt économique général. En l’occurrence, le Tribunal a estimé que le préjudice «qualifié» n’était manifestement pas établi.

Enfin, importante et intéressante est l’ordonnance du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil [T-338/02, non encore publiée au Recueil; sous pourvoi (affaire C-355/04 P)] 56. En effet, par leur recours, les requérants visaient à voir réparer le préjudice subi du fait de leur inscription sur la liste annexée à la position commune 2001/931/PESC du Conseil, adoptée le 27 décembre 2001, relative à l’application des mesures spécifiquesen vue de lutter contre le terrorisme 57, mise à jour par les positions communes 2002/340 et 2002/462 58. La position commune 2001/931/PESC a été adoptée sur la base de l’article 15 du traité sur l’Union européenne, relevant du titre V de ce traité intitulé «Dispositions concernant une politique étrangère et de sécurité commune» (PESC), et de l’article 34 du traité sur l’Union européenne, relevant du titre VI de ce

56 Voir également l’ordonnance du même jour, Gestoras Pro-Amnistía e.a./Conseil [T-333/02, non publiée au Recueil; sous pourvoi (affaire C-354/04 P)].

57 JO L 344, p. 93. 58 Positions communes 2002/340/PESC et 2002/462/PESC adoptées par le Conseil en vertu

des articles 15 et 34 du traité sur l’Union européenne, respectivement les 2 mai et 17 juin 2002 (JO L 116, p. 75 et JO L 160, p. 32).

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même traité intitulé «Dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale» (communément appelé justice et affaires intérieures) (JAI).

Constatant que la disposition 59 de la position commune qui affecte les requérants n’implique aucune mesure relevant de la PESC et que, dès lors, l’article 34 du traité sur l’Union européenne est la seule base juridique pertinente en ce qui concerne les actes prétendument à l’origine du préjudice allégué, le Tribunal se déclare manifestement incompétent pour connaître du recours en indemnité dès lors que les seules voies de recours prévues dans le cadre du titre VI du traité sur l’Union européenne correspondent au renvoi préjudiciel, au recours en annulation et au règlement des différends entre États membres et que, par conséquent, aucune voie de recours indemnitaire n’est prévue dans le cadre de ce titre VI. Le Tribunal souligne que le fait que les requérants «ne disposent probablement d’aucun recours juridictionnel effectif» ne saurait fonder par lui-même un titre de compétence communautaire propre dans un système juridique reposant sur le principe des compétences d’attribution.

Quant à la demande indemnitaire des requérants, en tant qu’elle visait à faire constater un empiètement du Conseil agissant dans le domaine de la JAI sur les compétences de la Communauté, le Tribunal se déclare compétent mais juge la demande manifestement dénuée de tout fondement en droit, dans la mesure où la base juridique pertinente pour l’adoption de la disposition à l’origine de leur préjudice était effectivement l’article 34 du traité sur l’Union européenne.

III. Demandes en référé

Le nombre des demandes en référé présentées en 2004 est relativement moindre par rapport à celui de l’année précédente puisque 26 demandes ont été enregistrées contre 39 en 2003. Il faut relever que, contrairement à ce qui avait été observé en 2002, le tassement du nombre des demandes en référé n’est pas compensé par un nombre élevé de demandes de procédure accélérée des recours dans les affaires au principal puisque, comme il a été indiqué précédemment, seulement treize demandes ont été déposées en ce sens.

Le président du Tribunal, en sa qualité de juge des référés, a clôturé 34 affaires en référé. Mis à part les cas de mesures provisoires ordonnées pour une durée limitée dans le temps (ordonnances du 21 janvier 2004, FNCBV/Commission, T-217/03 R, FNSEA e.a./Commission, T-245/03 R, et du 12 mai 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T-198/01 R IIII, non encore publiées au Recueil) et les cas de sursis à exécution accordés avant dire droit, les demandes dont il a été saisi en 2004 ont été rejetées, notamment celle présentée par la région autonome des Açores visant à ce que soit suspendu le nouveau régime de pêche applicable aux eaux entourant cet archipel (ordonnance du 8 juillet 2004, Région autonome des Açores/Conseil, T-37/04 R, non encore publiée au Recueil) et celle déposée par la société Microsoft.

59 Il s’agissait de l’article 4, selon lequel les États membres s’accordent mutuellement, par le biais de la coopération policière et judiciaire en matière pénale dans le cadre du titre VI du traité sur l’Union européenne, l’assistance la plus large possible pour prévenir et combattre les actes de terrorisme.

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En ce qui concerne cette dernière affaire, le président du Tribunal a, en effet, par ordonnance du 22 décembre 2004, Microsoft/Commission (T-201/04 R, non encore publiée au Recueil), considéré que les éléments de preuve avancés par Microsoft ne suffisaient pas à démontrer que l’exécution immédiate des mesures correctives imposéespar la Commission risquait de lui causer un préjudice grave et irréparable.

Cette affaire trouve son origine dans la décision de la Commission du 24 mars 2004 60 constatant que Microsoft avait violé l’article 82 CE en commettant un abus de position dominante du fait de deux comportements distincts. Elle lui a également imposé une amende s’élevant à plus de 497 millions d’euros.

Le premier comportement sanctionné tient dans le refus de Microsoft de fournir à ses concurrents certaines «informations relatives à l’interopérabilité» et d’en autoriser l’usage pour le développement et la distribution de produits concurrents des siens sur le marché des systèmes d’exploitation pour serveurs de groupe de travail pour la période allant du mois d’octobre 1998 jusqu’à la date d’adoption de la décision. À titre de mesure corrective, la Commission a imposé à Microsoft de divulguer à toute entreprise souhaitant développer et distribuer des systèmes d’exploitation pour serveurs de groupe de travail les «spécifications» de ses protocoles de communication client-à-serveur et serveur-à-serveur. Les spécifications décrivent certaines caractéristiques d’un programme et doivent donc être distinguées du «code source» du programme, qui désigne le code informatique effectivement exécuté par l’ordinateur.

Le second comportement sanctionné par la Commission est la vente liée du lecteur multimédia Windows Media Player avec le système d’exploitation Windows. La Commission a estimé que cette pratique affectait la concurrence sur le marché des lecteurs multimédias. À titre de mesure corrective, la Commission a imposé à Microsoft d’offrir à la vente une version de Windows sans Windows Media Player. Microsoft garde néanmoins la possibilité de commercialiser Windows avec Windows Media Player.

Le 7 juin 2004, Microsoft a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision de la Commission (affaire T-201/04). Le 25 juin suivant, Microsoft a demandé à ce qu’il soit sursis à l’exécution des mesures correctives imposées par cette décision. Après le dépôt de cette demande, la Commission a indiqué qu’elle n’entendait pas poursuivre l’exécution forcée des mesures correctives avant qu’il n’ait été statué sur la demande de suspension.

Dans son ordonnance du 22 décembre 2004, le président du Tribunal juge, après avoir examiné les circonstances de l’espèce, que Microsoft n’a pas démontré qu’elle risquait de subir, du fait de l’exécution de la décision attaquée, un préjudice grave et irréparable.

À propos du refus de fournir les informations relatives à l’interopérabilité, le président estime que l’affaire au principal soulève plusieurs questions de principe relatives aux conditions dans lesquelles la Commission est fondée à conclure qu’un refus de divulguer des informations constitue un abus de position dominante contraire à l’article 82 CE.

60 Décision C(2004) 900 final de la Commission, du 24 mars 2004, relative à une procédure d’application de l’article 82 CE (Affaire COMP/C-3/37.792).

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Soulignant que c’est uniquement au juge du fond qu’il appartient de résoudre ces questions, le président du Tribunal conclut que le recours en annulation déposé par Microsoft n’est pas, à première vue, dépourvu de fondement et que la condition relative au fumus boni juris (consistant à apprécier, à première vue, le caractère fondé du recours au principal) est, par conséquent, satisfaite.

Toutefois, le président du Tribunal juge que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie, car Microsoft n’a pas rapporté la preuve que la divulgation des informations jusqu’alors gardées secrètes serait la cause d’un dommage grave et irréparable. Au terme d’un examen factuel des conséquences concrètes de la divulgation telles qu’alléguées par Microsoft, le président constate notamment que la divulgation d’une information jusqu’alors secrète n’implique pas nécessairement la survenance d’un préjudice grave et que, au regard des circonstances de l’espèce, un tel préjudice n’a pas été démontré en l’espèce. Microsoft n’a pas non plus démontré, premièrement, que l’utilisation par ses concurrents des informations divulguées aboutirait à ce que ces dernières tombent dans le domaine public, deuxièmement, que le maintien des produits concurrents dans les canaux de distribution après l’annulation éventuelle de la décision attaquée constituerait un préjudice grave et irréparable, troisièmement, que les concurrents de Microsoft pourraient «cloner» ses produits, quatrièmement, que Microsoft devrait procéder à un changement fondamental de sa politique commerciale et, cinquièmement, que la décision causerait une évolution irréversible du marché.

S’agissant de la vente liée de Windows et de Windows Media Player, le président considère, tout d’abord, que certains arguments de Microsoft soulèvent des questions complexes, telles que celle de l’effet anticoncurrentiel de la vente liée résultant d’«effets de réseau indirects», qu’il appartient au Tribunal de résoudre dans l’affaire au principal. Concluant que la condition relative au fumus boni juris est remplie, le président examine ensuite l’urgence à ordonner le sursis demandé. Procédant à une analyse factuelle des dommages allégués, il juge que Microsoft n’a pas démontré, de façon concrète, qu’elle risquait de subir un préjudice grave et irréparable du fait d’une atteinte à sa liberté commerciale ou d’une atteinte à sa réputation.

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Table des matières de l’activité du Tribunal de première instance en 2004

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I. CONTENTIEUX DE LA LÉGALITÉ .......................................................................... 82

A. Aspects de procédure ......................................................................................... 82

1. Procédure par défaut ...................................................................................... 82

2. Relevé d’office d’un moyen d’ordre public ...................................................... 83

3. Sur les dépens ................................................................................................ 83

B. Recevabilité des recours formés au titre de l’article 230 CE ............................... 85

1. Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours .............................................. 85

2. Délai d’introduction du recours ....................................................................... 86

3. Intérêt à agir ................................................................................................... 87

4. Qualité pour agir ............................................................................................. 88

a) Décisions .................................................................................................... 89

b) Actes de portée générale ........................................................................... 91

C. Règles de concurrence applicables aux entreprises ........................................... 91

1. Apports de la jurisprudence dans le domaine de l’article 81 CE .................... 93

a) Champ d’application matériel ..................................................................... 93

b) Procédure de concurrence ......................................................................... 94

– Sur l’accès au dossier .............................................................................. 94

– Sur la portée de la communication des griefs ......................................... 94

– Conséquences d’une reconnaissance expresse des faits lors de la phase administrative ...................................................95

– Absence de reconnaissance d’un droit au silence absolu ....................... 95

– Délai raisonnable .................................................................................... 96

c) Preuve de la violation de l’article 81 CE ..................................................... 97

Page 53: A – Activité du Tribunal de première instance en 2004 …curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2008-09/tp2004.pdf · relevant du contentieux douanier, dans la mesure

Tribunal de première instance Activité

131

d) Amendes .................................................................................................... 98

– Lignes directrices ..................................................................................... 98

Sur la gravité ............................................................................................ 99 Sur la durée ........................................................................................... 100 Circonstances aggravantes ................................................................... 101 Circonstances atténuantes .................................................................... 101

– Sur la communication sur la coopération .............................................. 101

– Sur le principe non bis in idem .............................................................. 102

– Sur l’exercice du pouvoir de pleine juridiction ........................................ 103

2. Règlement n° 4064/89 ................................................................................. 104

D. Aides d’État ....................................................................................................... 105

1. Notion d’aide d’État ...................................................................................... 105

a) Éléments constitutifs ................................................................................ 105

– Avantage ................................................................................................ 105

– Spécificité ou sélectivité de la mesure étatique ..................................... 107

b) Encadrements .......................................................................................... 108

c) Récupération .............................................................................................110

2. Questions de procédure ................................................................................111

E. Mesures de défense commerciale .....................................................................112

F. Marque communautaire .....................................................................................114

1. Motifs absolus de refus d’enregistrement ......................................................115

2. Motifs relatifs de refus d’enregistrement ........................................................117

3. Questions de forme et de procédure .............................................................119

4. Continuité fonctionnelle entre les instances de l’OHMI ................................ 120

G. Accès aux documents ....................................................................................... 121

H. Fonction publique communautaire .................................................................... 122

II. CONTENTIEUX DE L’INDEMNITÉ ....................................................................... 124

III. DEMANDES EN RÉFÉRÉ ..................................................................................... 126