929 aime t on musique

7/24/2019 929 Aime t on Musique

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Dossier > Pourquoi aime-t-on la musique ? Futura-Sciences

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Pourquoi aime-t-on la musique ?

Pour les spcialistes de lvolution, la musique est une vritable nigme : pourquoi notre espceconsacre-t-elle tant de temps et dnergie cette activit qui ne semble avoir aucun but concret ?Dcouvrez d'o vient notre got pour la musique dans ce dossier.

Page 1/9 - Pourquoi aime-t-on la musique ?

La musique accompagne lHomme depuis toujours. Comme le dirait Charles Darwin, elle est lun des dons

de lhumanit les plus mystrieux.

Quel est l'intrt de la musique classique dans les grands magasins, des bandes-son des films ? Quel est le lienentre guitare et sduction ? Pourquoi un bb se calme et sendort quand sa maman se met chanter ? Pourquoidpensons-nous autant dargent et dnergie pour quelque chose dapparemment si inutile ?

Pour essayer de rpondre ces questions, il faut aller du ct des laboratoires de neurosciences, observer lessinges et les autres animaux, observer les nouveau-ns qui coutent de la musique, et tudier de prs loreille et lecerveau. On peut peut-tre y dcouvrir si la musique nous a donn un avantage volutif.

Pourquoi aime-t-on la musique ? De tout temps la musique a accompagn l'Homme. Aujourd'hui, les nouvellestechnologies se mettent son service et certains instruments se modernisent, l'image du Seaboard, un

clavier tactile en silicone pour le moins surprenant. Roli

En suivant Darwin, nous nous interrogerons donc sur les liens entre musique et langage. Ensuite nous aborderons

les effets de la musique sur notre cerveau et sur nos motions, car si la musique ntait pas le fruit de ladaptation,

22/06/2015 - ParSilvia Bencivelli, Journaliste scientifique


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les aptitudes musicales pourraient venir de mcanismes auditifs gnriques, les composants syntaxiques pourraientvenir du langage et les caractres motionnels pourraient tre retrouvs dans dautres sons dimportancebiologique. Nous prsenterons les rsultats de quelques expriences menes sur les animaux et sur les nouveau-ns, pour comprendre la phylogense et lontogense de linstinct musical.

Page 2/9 - La musique, omniprsente dans notre vie

La radio du matin, puis liPod dans les oreilles, la radio dans la voiture, au supermarch jusqu lannoncede la fermeture, la tl, dans chaque publicit ; notre vie est remplie de musique : le paysage sonorequi nous entoure est trs vari. Souvent ce nest pas nous qui le choisissons. Il est certain en revanchequil fait partie de notre vie depuis toujours.

La musique nest pas un objet dtude banal pour les scientifiques. Pour les spcialistes de lvolution cest unvritable casse-tte : pourquoi notre espce consacre-t-elle beaucoup de temps et dnergie des activitscomme jouer dun instrument, danser, aller un concert ou acheter un CD, qui apparemment nont aucun but

concret ?

La musique est omniprsente dans notre vie. Luis Fernndez Garca Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.1 Spain

La plupart des activits humaines, comme manger, boire, parler, faire lamour, ont un but biologique (probablement)vident. Nous mangeons pour survivre, faisons lamour pour avoir une progniture, parlons parce que lacommunication verbale, il y a quelques centaines de milliers dannes, a favoris nos anctres parleurs audtriment de ceux qui ne pouvaient changer dinformations. Mais la musique ? Pourquoi la musique ?

La musique ne sexplique pas trs bien par les mcanismes typiques de lvolution que sont la slection naturelle etla slection sexuelle :

pour la slection naturelle : quel avantage aurait-elle donn aux premiers hommes ? La capacit de chanterou danser, par rapport qui ne savait pas le faire ?pour la slection sexuelle non plus (la slection lorigine de certains caractres peu avantageux pourlindividu, comme la roue dun paon, mais trs avantageux pour son succs reproductif et par consquentpour toute lespce) : dans ce cas, comment expliquer la musicalit dun enfant et dun homme g, oulabsence de diffrence entre la musicalit des hommes et des femmes ?

Pour Darwin, la musique a fait partie de la slection sexuelle

Mme Darwin reconnaissait que la musique est lun des dons les plus mystrieux qui caractrise lhomme .Cependant, son avis, on pouvait trouver une explication dans la slection sexuelle : les premires vocalises des


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nos anctres, disait Darwin, ont t mises pour faire la cour. Ils seraient lorigine de la musique et ensuite dulangage. Aujourdhui, presque personne ne reconnait la musique un rle particulier dans la reproduction (on peutavoir une activit sexuelle sans le disque romantique de la premire rencontre), en revanche, lide de Darwin ausujet des liens entre musique et langage reste la base dun dbat important. Et cest peut-tre l quil fautchercher la rponse la question : Pourquoi aime-t-on la musique ?

La musique : un effet collatral de la slection de caractres ?

Mais il y a peut-tre une autre explication. La musique ne serait pas le fruit de ladaptation (elle nest pas uncaractre favorable, dans un certain contexte, la survie de qui le porte ou la survie de son espce, et doncslectionn par la nature au cours de lvolution) mais pourrait tre un effet collatral de la slection dautrescaractres qui ont, eux, ont favoris les premiers anctres qui les ont prsents.

Dans ce cas, la musique serait un peu comme les peintures des niches aux angles dune coupole : mme si lepeintre y a dessin des anges et des saints, la raison pour laquelle ils sont l cest quen construisant une coupole,il est rest quatre niches dcorer. En particulier, le peintre, avec tout son art, a trouv ensuite une utilisationagrable de ces morceaux de mur.

Le biologiste Stephen Jay Gould a tudi la musique en tant qu'effet collatral de la slection de caractres. Kathy Chapman Creative CommonsPaternit version 3.0 tats-Unis

Cest lexplication que les biologistes Stephen J. Gould et Stephen C. Lewontin ont donn, dans larticle de 1976,aux caractres ne pouvant pas tre qualifis dadaptation. La musique pourrait tre un caractre de ce type, uneffet collatral.

Une capacit slectionne, aujourd'hui transforme en plaisir ?

Parmi les scientifiques qui soutiennent cette thse, figure Steven Pinker, qui compare la musique une bavaroise la fraise : il ne faut pas se demander pourquoi lvolution a slectionne notre got pour la bavaroise la fraise.Lvolution a rendu agrable notre palais la crme (calorique et riche en gras) et les fruits frais (riches en eau,sucres et vitamines). Manger des aliments permettant de stocker des calories pour longtemps et de fournir des

sucres rapidement a srement reprsent un avantage pour la survie de nos anctres.


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Aujourdhui, nous utilisons ces saveurs pour prparer des tartes dlicieuses mais lvolution na plus rien faire ldedans. Selon Pinker, dans le cas de la musique, nos capacits cognitives et perceptives ont t slectionnespour dautres raisons, mais aujourdhui, nous les utilisons pour profiter dun beau concert, sans que lvolution soitconcerne.

Cette troisime explication laisse un peu perplexe les scientifiques qui tudient les liens entre musique et volution.La musique est un caractre universel de lhumanit : tous les hommes, toutes les cultures, toutes les priodeshistoriques ont reconnu et apprci la musique. Cependant, elle reste une explication plausible et cest pour celaque la question pourquoi aime-t-on la musique ? devient : si la musique est le fruit de ladaptation, quel estlavantage quelle a donn nos anctres pour que lvolution la slectionne et la fasse arriver jusqu nous ?

Cest pour cela quil faut comprendre tout dabord sil sagit vraiment dune adaptation.

Page 3/9 - La musique et le langage

Chaque fois que quelquun ose dire que la musique ne sert rien, une rfutation suit toujours activement: ce nest pas vrai, la musique communique des motions. Elle sert communiquer, tout comme lelangage, mais elle a plus de couleur motionnelle et moins de prcision smantique. Et lobjection est

juste.

La musique a beaucoup de points en commun avec le langage. Cependant, la comparaison devient intressantequand on tudie les structures crbrales utilises pour lune et pour lautre. Si elles concident ou se superposentlargement, lhypothse selon laquelle la musique nest pas le fruit de ladaptation mais un produit collatral (une bavaroise la fraise ) devient plus plausible. Car la musique aurait pu parasiter les structures du cerveauslectionnes pour le langage.

La musique aurait pu parasiter les structures du cerveau slectionnes pour le langage. V. YakobchukFotolia

En revanche, si lon trouvait une portion du cerveau, un circuit (ou un module, comme le dirait le psychologueamricain Jerry Fodor) pour la musique seule, alors il faudrait comprendre pourquoi la musique a t slectionnepar lvolution.

Par exemple, nous pourrions nous demander si la musique a prcd ou occasionn lapparition du langage (commele pensait Darwin), ou si les deux comptences sont nes peu prs en mme temps, partir dun proto-quelque-


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chose. Jusqu un pass rcent, pour tudier et localiser les fonctions du cerveau, il fallait attendre que quelquuntombe malade, ait un AVC (accident vasculaire crbral), ou perde une fonction spcifique. Ensuite il fallaitattendre lautopsie du patient pour chercher le sige du dommage. Pour la musique, ctait encore plus difficile, caren plus dune description clinique et anatomique claire, il fallait que le malade soit un musicien, quelquun qui aitune musicalit dfinie et valuable.

Vissarion Shebalin, compositeur russe. Wikimedia

Les cas cliniques clbres

Ce fut le cas du compositeur russe Vissarion Shebalin, victime dun AVC lhmisphre gauche du cerveau lautopsie fut excute par le psychologue sovitique Alexander Romanivic Luria et du compositeur franaisMaurice Ravel, lauteur du Bolero, victime lui aussi dun AVC du ct gauche. Tous deux devinrent aphasiques, maiscontinurent de comprendre et apprcier la musique, mme des niveaux diffrents.

Maurice Ravel, clbre compositeur franais. Wikimedia

Les cas cliniques de Ravel et Shebalin concernent des personnes ayant subi une lsion lhmisphre gauche etqui, tout en ayant perdu la parole, ont conserv des degrs divers leurs aptitudes musicales. Un cas similaire futdcrit pour la premire fois en Sude en 1745, un homme qui ne pouvait dire que le mot oui , mais qui chantaitencore.

L'tonnante capacit musicale face aux lsions du langage

Pendant tout le XIXe

sicle, on tenta didentifier une aire de la musique comparable celle de Broca pour le


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langage. En 1865, fut dcrit le cas dun musicien aphasique, mais sans amusie, et en 1871 paraissait dans la revuemdicale Lancet le cas de deux enfants aphasiques, dont lun tait capable de chanter avec les paroles et lautreseulement sans. Depuis, dautres cas ont t dcrits, concernant des personnes affliges dun dfaut de la parole,mais encore capables de jouer, de diriger un orchestre ou plus simplement de chanter. On en compte au moins une

demi-douzaine au XIXe

sicle.

L'hypothse de l'importance de l'hmisphre crbral

Nous pouvons toutefois dire que, le plus souvent, si la lsion est situe lhmisphre gauche, il en dcoule unhandicap de la musicalit et du langage, ou seulement du langage. Par exemple, on peut prouver des difficults reconnatre les paroles parles ou chantes. En revanche, dans les rares cas o lon a observ une perte desfacults musicales non accompagne dune perte du langage, la lsion crbrale tait gnralement situe droite.

Diana Deutsch, psychologue de luniversit de Californie, a tudi les aires du langage. DR

Par ailleurs, les patients affligs dun dommage lhmisphre droit ne semblent pas en mesure de reconnatre desmlodies chantes sans leurs paroles. La conclusion pourrait tre que les aires du langage sont gauche, alors quecelles de la musique se trouvent droite, ou principalement droite.

La sparation entre les deux fonctions a t tudie par Diana Deutsch, psychologue de luniversit de Californie.En 1969, elle russit dmontrer que mmoire musicale et mmoire verbale sont deux fonctions indpendantes.Quelques annes aprs, Doreen Kimura, psychologue canadienne, localisa ces deux fonctions en faisant couter un groupe de volontaires (exclusivement droitiers) de la musique dans une oreille, et simultanment dans lautre,une voix qui numrait des nombres. Lexprience mit en vidence pour la premire fois un rle prpondrant delhmisphre crbral droit dans la mmoire musicale.

Cette ide commena tre branle en 1974 lorsquun article publi dans Science par les psychologues

amricains Thomas Bever et Robert Chiarello dmontra que la prpondrance de lhmisphre droit ne vaut quedans le cas de non-musiciens. Les musiciens, au contraire, reconnaissent avec une plus grande facilit lesmorceaux entendus grce loreille droite, ceux analyss donc par lhmisphre gauche. Les auteurs conclurentque les fonctions analytiques qui prvalent lors de lcoute chez un musicien professionnel sexcutent gauche alors que les expriences synthtiques, globalisantes, sont traites droite.

Mmoire musicale et mmoire du langage

Aujourdhui, on sait quune distinction nette assignant un hmisphre la musique et un autre au langage a peu desens. Des recherches fondes sur des neuro-images le confirment : alors que les musiciens, confronts desexercices de reconnaissance harmonique ou mlodique, utilisent davantage la partie gauche du cerveau, les non-musiciens utilisent la partie droite. Les stratgies cognitives mises en uvre lors de lcoute de la musique sont

donc diffrentes : il est probable que pour mmoriser et utiliser efficacement les donnes musicales, les musiciens


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utilisent aussi en partie des comptences verbales.

Des expriences ont t effectues laide dairs dopra, modifis pour finir sur une fausse note ou une dernireparole errone. Le temps de raction du cerveau nest pas le mme dans les deux cas, et si la parole erroneconcide avec la fausse note, les deux ractions se cumulent. On peut donc probablement affirmer quil existe des

composantes de la musicalit dissociables du langage. Cependant, il existe aussi des composantes de la musique etdu langage troitement lies entre elles. Les cas des musiciens professionnels ayant subi un AVC confirme que celien est dautant plus troit que le niveau de spcialisation musicale est lev.

Les avances sur l'tude entre musique et langage

Grce aux nouvelles techniques de diagnostic par imagerie, dautres avances ont t possibles. On a constat,par exemple, que certaines fonctions crbrales particulires comme la syntaxe, contribuent tant la musicalitquau langage. Lorsque nous parlons, nous utilisons la syntaxe pour ordonner les mots au sein de la phrase : enfranais, nous mettons dhabitude le sujet avant le verbe, puis le complment dobjet. Lorsque nous avons affaire la musique, la syntaxe semble faire la mme chose, en disposant les sons lintrieur de phrases musicales. Lideest que musique et langage partagent cette fonction, mais lutilisent de manire diffrente.

La latralit de la perception musicale

Une autre dcouverte rcente a montr que le cortex auditif de lhmisphre droit est plus habile discriminer defaon fine les diffrences de hauteur entre les sons. De surcrot, des chercheurs franais ayant tudi le cerveaude quarante-cinq personnes pendant une intervention neurochirurgicale, ont observ que dans le cortex droit ladistribution tonotopique est vidente, alors quelle lest beaucoup moins gauche.

On peut donc supposer que lhmisphre droit est spcialis dans la reconnaissance des hauteurs et lhmisphregauche dans celui des rythmes. Selon les chercheurs, derrire c ette latralisation se cacherait un fac teurimportant : la ncessit de choisir entre vitesse et prcision du traitement des informations sonores provenant denotre entourage. Parfois, il est plus utile de sacrifier le dtail dun stimulus sonore pour une plus grande rapidit deperception, comme dans le cas dune conversation. Pour la musique, au contraire, le cerveau peut opter pour une

modalit de comprhension plus lente mais plus dtaille. Par consquent, on pourrait supposer que la musique,comme le langage, est ne et a volu comme des lments dun systme plus vaste de reconnaissance des sonsambiants.

Quoi quil en soit, aujourdhui nous ne sommes pas encore en mesure de localiser une rgion spcifique du cerveauconsacre la musique. Les techniques dimagerie crbrales montrent plusieurs superpositions entre les rgionsactives par la musique et celles concernes par le langage. La neuropsychologie, en revanche, continue detrouver des cas cliniques montrant que la perte dune aptitude nimplique pas des dommages dans lautre, ce quisemble aller dans la direction dune sparation des deux.

Mais tudier les rapports entre musique et langage ne suffit peut-tre pas venir bout de la question. Essayonsalors de comprendre ce qui se passe chez les autres animaux. Eux, ne parlent pas du tout, au moins de notre point

de vue.

Page 4/9 - La musique des animaux

Pour comprendre la musicalit humaine, il faut se tourner vers les animaux, qui eux, nont pas demusique (ne tombez pas dans le pige anthropocentrique qui voit de la musique dans le rgne animal).Ont-ils quelques-unes des aptitudes que nous qualifions de musicales ? Apprcient-ils les sons que nousproduisons ? Cela pourrait nous aider comprendre pourquoi notre espce a produit la musique, pourquoielle la trouve aussi agrable et quand elle a commenc la produire.

Ce que nous cherchons est un caractre homologue notre musique : un caractre qui drive du mme anctre,

et qui nous permettrait dtablir, par exemple, que la musique est ne il y a environ 10 millions dannes, quand


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nous habitions encore sous les arbres. Cest pour cela que des chercheurs amricains demandent aux singes deleurs laboratoires dcouter de la musique contre un morceau de banane. Or, si les singes pouvaient reconnatre lessons et apprcier les mmes combinaisons que nous, on pourrait conclure que ces aptitudes remontent unepriode prcdant la sparation de notre arbre gnalogique du leur, survenue il y a environ 7 millions dannes.

Cependant, ce qui nous intresse vraiment, c'est de comprendre les gots musicaux des singes, sils apprcientdavantage certaines combinaisons de sons par rapport dautres, ou si en revanche pour eux la musique est unstimulus acoustique sans aucun contenu motionnel.

Des expriences sur des singes ont t ralises pour valuer leur got pour la musique. Uspn wikipedia

Si les autres primates ntaient pas capables de profiter dun beau CD, nous pourrions conclure que la capacit de

reconnatre un son aigu par rapport un son grave ou une octave par rapport un autre intervalle na pas voluexpressment pour la musique. Ainsi, nous aurions donn un mauvais coup aux thories adaptatives expliquantnotre passion pour les chansons et les concerts. Il y a peu dexpriences vraiment concluantes sur la question, lesplus importantes sont celles menes par Marc Hauser et Josh McDermott.

Une exprience pour valuer la sensibilit musicale des singes

Les deux scientifiques ont men une exprience sur des pinchs tamarins, des singes du Nouveau Monde dontlarbre volutif sest spar du ntre il y a quarante millions dannes.

Un par un, ils les ont fait rentrer dans une cage en forme de V. Au fond de chaque bras de la cage, un haut-parleur mettait un son diffrent : dun ct un intervalle consonant, et de lautre un intervalle dissonant. Leshaut-parleurs nentraient en fonction que lorsquun singe prenait position sur lune des deux branches, de tellesorte que le choix de lintervalle entendu lui appartienne.

Le but de lexprience tait de savoir si les tamarins ont une prfrence pour lun des deux intervalles, encomparant le temps pass dans chacune des deux zones de la cage en V. Le temps pass dans une zone par lesinge avait t retenu comme indice de satisfaction aprs une petite exprience prliminaire, durant laquelle onavait constat que les singes prfraient sinstaller dans la zone mettant des sons agrables, comme des bruitsde singes grignotant de la nourriture, plutt que dans la partie o lon transmettait des rumeurs antipathiques,comme des cris de singes pouvants. Mais lorsquon substitua aux bruits de singes de la musique, les tamarins nefirent pas montre de prfrences aussi marques : les intervalles consonants ou dissonants prsentaient pour euxexactement le mme attrait.

Une exprience comparative sur des humains


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Une exprience similaire, mene sur des tres humains, a dmontr la diversit radicale des gots des deuxespces. Lon prend un groupe de personnes normales autant que peuvent ltre des tudiants du MIT eton les introduit un par un dans une pice carre, avec deux haut-parleurs cachs. videmment, on ne doit pasexpliquer aux participants la nature de lexprience, sous peine dinfluencer les sujets dans leur choix.

Puis lon fait en sorte dactionner, de faon alterne, lun des deux haut-parleurs selon la position quadopte lesujet dans la pice : dun ct dune ligne imaginaire se dclenche lintervalle consonant ; de lautre, lintervalledissonant. Tout comme les singes dans la cage en forme de V, le cobaye humain peut choisir lequel des deuxintervalles couter. Et McDermott de conclure que dans plus de 90 % des cas, ses tudiants du MIT ont prisposition du ct de lintervalle consonant.

Les expriences sur la musique ont t ralises avec des singes et avec des humains. trouveztout.org

La familiarit avec la musique, un facteur important ?

On pourrait objecter qu la diffrence des tudiants du MIT, les pinchs tamarins navaient de familiarit avecaucune sorte de musique, et ne pouvaient donc pas avoir labor une quelconque prfrence au cours de leur vie.Si la prfrence pour la consonance chez lhomme est une donne acquise et non inne, et si les tamarinspartagent les gots de lhomme, cette exprience pourrait bien manquer son but.

Pour faire place nette de cette possible quivoque, McDermott a expos un groupe de singes des sonsconsonants, plusieurs heures par jour pendant quatre mois. Puis il les a introduits dans la fameuse cage en V : lersultat na pas chang. Ce qui prouverait que le manque de familiarisation avec la musique ne conditionne paslabsence de prfrence pour les consonances chez les primates non humains. McDermott, qui se demandait si letest ntait pas un peu trop subtil, ou bien encore si un facteur systmatique non repr ne perturbait paslpreuve (linstrument musical qui produisait les deux intervalles aurait pu par exemple savrer particulirementinsignifiant aux oreilles des tamarins), a rpt lexprience sur les singes en exasprant la diffrence entre lessons prsents.

Il a pris ses tamarins, les a mis de nouveau dans la cage en forme de V et un haut-parleur a diffus un des bruitspour nous les plus dsagrables quil soit dans labsolu : celui dune fourchette qui racle un morceau de verre. Unefois encore, placs devant lalternative de ce son et dun intervalle musical quelconque, les singes se sont montrs

insensibles lhorrible grincement. Ils ont choisi de sinstaller un peu droite et un peu gauche.McDermott est alors pass lartillerie lourde. Il a dcid de mettre lpreuve deux types de musique selon lui lesplus loigns possible : une douce berceuse et un morceau de musique lectronique allemande, assourdissant. Lessinges ont enfin pris position en faveur de la berceuse.

Ils choisirent le silence...

Toutefois, cela nimpliquait pas le moins du monde une prfrence pour un style musical. En effet, lorsque lechercheur amricain rpta encore une fois lexprience en proposant aux tamarins le choix entre la berceuse et lesilence, il obtint un rsultat tout aussi loquent :les singes choisirent le silence.


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Les singes prfrent le silence ! Google, ClickOnMyLinks

Selon Hauser et McDermott, les singes ne prsentent pas de prfrences musicales diffrentes des ntres ou desgots trs dfinis : ils naiment pas les rythmes nervants et les volumes sonores levs, voil tout.

On arrive ces conclusions en utilisant de nouveau la cage en forme de V pour obliger les singes choisir entreune sonnette qui met des bips-bips un rythme rapide et une autre qui diffuse le mme son, mais un rythmeplus lent. Si on les force choisir, ils prfrent les rythmes lents. Mais limpression dominante est quilsnaiment pas vraiment la musique, affirme McDermott.

Il faut toutefois prciser que les tamarins ne nous ressemblent pas beaucoup : ce sont des singes gracieuxpourvus dune longue queue soyeuse, plus ou moins de la taille dun chat. Ils ne sont pas non plus trs proches denous du point de vue de lvolution. Pour sassurer que la capacit dapprcier la musique est ne avec lhomme, ilfaudrait rpter lexprience sur des chimpanzs et des bonobos, les deux espces de singes anthropomorphes lesplus proches de nous, dont nous partageons 98 % de lADN, tel point que pour certains, ils devraient tre admisau club exclusif du genre Homo.

En outre, les tudes sur les tamarins sont les toutes premires portant sur des primates non humains, il nexistedonc pas encore dlments de comparaison, et personne jusqu prsent na contest ces rsultats de faonscientifiquement valide. Pour le moment, selon McDermott, nous pouvons seulement dire que : Le plaisir qui nouspousse produire et couter de la musique semble tre une carac tristique exclusivement humaine. Il nest

pas vident de savoir si les animaux qui produisent de la musique comme les passereaux et les baleines

prouvent ce faisant du plaisir, mais il est facile dobserver quun oiseau priv de la possibilit de chanter serait

gravement handicap dun point de vue social, ce qui ne serait pas le cas dun tre humain.

Page 5/9 - La musique est-elle inne ?

Sommes-nous srs que la musique est une chose naturelle pour les humains ? Ne serait-il possible

qu'elle nous attire parce quon nous la apprise ds le plus jeune ge ? Si la musique est un trait inn, laprobabilit quelle soit le fruit de ladaptation augmente, mais pas suffisamment pour exclure quil sagitplutt dun effet collatral de la slection dun autre caractre.

Et si vous tes arrivs jusquici, vous comprendrez que la situation na pas fini de se compliquer. Allons donc voirdu ct de nos petits qui, comme les singes, ne parlent pas. Essayons de comprendre ce quils savent faire et cequils aiment couter. Pour cela, allons dans un laboratoire trs particulier, au Canada, o les enfants sont descobayes idaux depuis plus de trente ans.

Les bbs reconnaissent-ils les fausses notes ?

Le but premier des expriences sur les enfants est de dcouvrir si les nourrissons sont capables de reconnatre des

altrations de tonalit et de rythme. En comparant cette aptitude celle des adultes, on peut identifier ce qui estprsent ds la naissance, ce qui apparat avec les annes et ce qui se perd avec la croissance. Puis, de faon


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analogue ce que nous avons vu pour les singes, ces recherches se fixent comme objectif dtudier les gots etles prfrences des petits pour quantifier la part du naturel dans notre amour pour un certain type de musique.

En rsum, explique Sandra Trehub, les rsultats principaux obtenus jusquici sont de trois types : Les enfantscoutent avec davantage dattention le chant de leur mre plutt que ses paroles. Ils se souviennent pendant

longtemps dun morceau, mettant en uvre des facults musicales qui, bien des gards, sont similaires celles

des adultes. Dans certaines ac tivits spc ifiques, ils semblent mme plus habiles que ces derniers.

On a constat, par exemple, que les enfants sont aussi capables de distinguer les intervalles consonants desintervalles dissonants, et quils prfrent les premiers aux seconds, comme les adultes, ce qui confirmerait lanature en partie biologique de la consonance :

Si nous prenions en compte seulement les adultes, nous pourrions penser quil sagit dune caractristiqueapprise. Mais cette perception est partage par tous les petits enfants du monde. De plus, partir de cinq mois,

les bbs reconnaissent des mlodies, mme lorsque celles-ci sont transposes dans une autre tonalit, cest--

dire lorsquelles sont joues partir dune note de dpart diffrente et sur une autre gamme, mais en respectant

les intervalles. La mlodie sonne alors plus aigu ou plus grave que son original. Comme les adultes, les enfants

reconnaissent une mlodie dont on acc lre ou lon ralentit le rythme, en la jouant un tempo plus rapide ou pluslent. Cela signifie que les enfants en bas ge sont capables dapprendre (et de mmoriser !) une mlodie en ayant

recours aux mmes procds que les adultes, cest--dire en confrontant les notes et en identifiant les

intervalles, sans se laisser piger par les changements de tonalit ou de chanteur. Que linterprte soit leur

grande sur ou Henri Ds, pour leurs oreilles, la chanson reste la mme.

Les enfants sont capables de mmoriser une mlodie. Philippe Streicher, Flikr

Une autre observation fondamentale est que les enfants apprcient davantage (et donc reconnaissent plusfacilement) les mlodies joues sur les gammes diatoniques, cest--dire les gammes traditionnelles comptantsept notes spares par des intervalles ingaux. Toutefois, ils semblent galement aimer les mlodies construitessur des gammes inventes pour loccasion, condition que loctave soit divise en parties rigoureusement ingales.

Par consquent, si un musicien fait une fausse note en jouant une chanson en do majeur, il est possible que dansle public, mme des enfants de douze mois sen aperoivent. Surtout si la fausse note concerne lun des intervallesrputs les plus consonants, comme celui de quinte juste (qui correspond sept demi-tons, par exemple le do sol au dbut du refrain du gnrique de La guerre des toiles) ou celui de quarte juste (les cinq demi-tons quisparent le do et le fa au dbut de la Marseillaise). La quarte juste et la quinte juste sont aussi les intervalles queles enfants apprennent et reconnaissent le mieux.


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Les bbs peuvent reconnatre des fausses notes ! DR

Une exprience conduite par Sandra Trehub et Glenn Schellenberg a en effet mis en vidence que ds six mois, lesbbs russissent dj assez bien reconnatre une altration dun demi-ton de lun de ces deux intervalles, ce quinest pas le cas des autres intervalles. Si lon fait entendre un nourrisson deux sons spars par une quarte ouune quinte, rpts plusieurs fois, et quon lui joue le mauvais tour de changer mme de peu lune des notes,lenfant sen aperoit et tourne la tte. Rappelons que lintervalle form de six demi-tons a t pendant longtempsrejet par les compositeurs.

Au Moyen ge, ledit triton (car six demi-tons font trois tons) tait appel diabolus in musica, et taitconsidr comme le signe dune prsence maligne. Lintervalle de quarte juste tait au contraire considr par lesGrecs anciens comme lintervalle parfait et ctait aussi le prfr de Mozart. La quinte juste, avec loctave (douzedemi-tons), est lintervalle consonant par antonomase, voire mme trop consonant, tel point que les rgles delharmonie enseignes encore aujourdhui dans les conservatoires proscrivent lcriture de passages o deux voixvoluent paralllement distance dune quinte.

Les enfants s'adaptent mieux aux musiques que les adultes

Il y a des choses que les enfants font mieux que les adultes. Par exemple, ils nont pas de prfrences entregammes majeures et mineures, occidentales et orientales, et ils savent reconnatre les altrations, mme dans unemlodie de cultures lointaines de celles de leurs parents. Mme chose pour les rythmes : nayant pas encore eu letemps dabsorber notre musique facile , construite surtout sur des rythmes en deux, trois ou quatre quarts, ilssen sortent bien avec la musique balkanique aussi.


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Les enfants prfrent les berceuses. Musimem

Tout cela pour dire que, comme dans le cas du langage, nous naissons universalistes, capables dabsorber et defaire notre la musique dans laquelle nous immergent les premires annes de notre vie. Mais quelle est la musiqueprfre des enfants ? Ils apprcient surtout la musique cre exprs pour eux : les berceuses. Dailleurs, le fait queles berceuses du monde entier se ressemblent un peu toutes et que le langage parl sadressant aux petits (le parler bb ) ait des caractristiques communes avec ce genre musical, a fait penser que les premiers langages

de notre histoire, soient-ils de la musique ou des mots, avaient beaucoup affaire avec la maternit.

Page 6/9 - La musique de nos motions

Quelle que soit la faon dont la musique est arrive nous, aujourdhui la musique pour nous est surtoutmotion.

Il ne sagit pas seulement des motions vhicules par les chansons chantes la plage, au stade, ou associesau premier baiser romantique. La musique qui nous touche est aussi la bande son dun film ou la musique raffinedun magasin de vins, qui nous pousse vers les rayons des bouteilles les plus chres.

Les motions musicales sont difficiles tudier, pour au moins trois raisons.

1. Tout dabord, on ne voit pas trs bien quoi peuvent servir les motions suscites par la musique.Dhabitude, on attribue aux motions une valeur biologique lie la survie de lindividu ou de lespce. Parexemple, la peur dclenche des comportements qui permettent de se mettre labri en cas de danger, alorsque le plaisir pousse continuer lactivit que nous sommes en train de faire. La musique ne prsente pasune valeur biologique directement comprhensible et par consquent les neuroscientifiques ne lesconsidrent pas suffisamment importantes pour mriter des recherches spcifiques.

2. Il y a ensuite le problme des gots individuels, qui de surcrot peuvent varier avec le temps. Il nest pasvraisemblable par exemple que six milliards de personnes aiment le jazz et il est galement trs probable quele fan le plus inconditionnel de John Coltrane ncoutait enfant que les chansons de Dorothe. Cettevariabilit rend lvaluation des motions musicales peu objective ds le dpart.

3. Enfin, il faut considrer la difficult dvaluer les motions dans un laboratoire.


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tudier les mcanismes d'motion musicale pour mieux comprendre la nature humaine

Malgr ces obstacles, depuis quelque temps, les psychologues et les neurologues commencent penser que sinous russissions tudier de faon srieuse les motions musicales, et comprendre les mcanismes qui lesdclenchent, nous pourrions probablement arriver savoir pourquoi, nous les humains, nous aimons la musique.

Si lon accepte lhypothse selon laquelle les motions ont pour fonction de nous orienter vers les comportementsles plus adapts notre survie, nous pourrions expliquer les rponses motionnelles la musique en termes depression slective. Nous pourrions dire, par exemple, que nos capacits musicales sont lies la ncessit dedistinguer parmi les stimuli auditifs environnants les stimuli porteurs de danger des stimuli plus amicaux.

Portrait de John Coltrane by Paolo Steffan, 2007 Paolo Steffan Creative Commons Attribution

Dans cette optique, la musique qui suscite la peur pourrait tre lcho dun mcanisme de dfense ancestral contreune menace objective pour la scurit de nos anctres le cri dun grand prdateur ou le bruit des intempries. Enrevanche, une musique agrable pourrait tre lie au souvenir de sons et de bruits favorables, comme des

occ asions de soc ialisation avec dautres membres de notre espce.

Inversement, selon les neuroscientifiques, ltude de la musique pourrait nous en apprendre un peu plus sur lesmotions en gnral. Entre les mains des scientifiques, la musique pourrait donc devenir un instrument pour mieuxcomprendre la nature humaine et non seulement un argument pour nous convaincre acheter une bouteille 100euros.

Robert Zatorre a cocrit une tude avec des neuro-images pour comprendre les mcanismes d'motion. DR

motions musicales et zones crbrales

Aujourdhui, les chercheurs les plus actifs dans ce domaine sont Robert Zatorre et Anne Blood du Montreal


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Neurological Institute, qui ont publi leur premire tude avec des neuro-images en 1999 dans NatureNeuroscience.

Pour viter de se heurter aux problmes que nous avons voqus, les deux scientifiques ont choisi de commencerpar les motions ngatives. Voil ce que racontait Zatorre dans la revue Nature:

Les gots musicaux sont tellement varis quil tait beaucoup plus simple de construire des expriences sur labase de traits musicaux que personne ne supporte (les dissonances), plutt que de chercher des morceaux

suscitant chez tous une rponse positive. Ils ont donc soumis une dizaine dtudiants une TEP (tomographiepar mission de positons) pendant quils coutaient dix morceaux comportant des passages plus ou moinsdissonants. La TEP permet de photographier lactivit crbrale un moment donn, en mettant en videnceles zones les plus irrigues en sang et donc les plus actives.

Ils constatrent que, dans une partie prcise du cerveau, lafflux sanguin changeait en fonction de la quantit depassages dsagrables que les tudiants taient contraints couter. Cest une observation trs importante, carelle dmontre pour la premire fois que les mcanismes neuronaux lorigine des motions musicales ninterviennentpas dans les zones du cerveau ddies la reconnaissance des sons, c est--dire les aires auditives.

Au contraire, les zones crbrales des motions musicales ne sont pas distinctes des zones des autres motions.Dans ce cas particulier, les zones qui sactivaient taient les mmes que celles actives par des imagesdsagrables.

Par la suite, Zatorre et ses collgues se sont concentrs sur les motions positives. Lors dune exprience, ils ontrecrut dautres tudiants qui, cette fois-ci, pouvaient couter la musique de leur choix. La TEP a fourni denouveau un rsultat important : lorsque nous coutons une musique de notre got, les circuits neuronaux quientrent en jeu sont ceux qui interviennent dans les mcanismes de motivation et de rcompense. Ce sont lescircuits en fonction durant les activits favorables la survie de lindividu et de son espce, comme la nutrition etle sexe. La signification biologique de lactivation de ces zones crbrales (qui contribuent la constitution duditsystme limbique) est lencouragement se nourrir et se reproduire : deux activits ncessaires pour le bien delespce. Mais comment interprter le fait quune musique agrable active ces mmes zones ?

La musique nest pas une substance pharmacologique active, comme les drogues (ou le chocolat) qui stimulent lescircuits de la rcompense et du plaisir. La musique est un stimulus abstrait, intangible. Lhypothse de Zatorre etBlood est que lactivation de ces circuits, induite par la musique, reprsente une caractristique spcifiquementhumaine, et que : avec la formation dune transmission anatomique et fonctionnelle entre les systmescrbraux dun point de vue phylogntique les plus anciens, ncessaires notre survie, et ceux plus rcents, de

type cognitif, notre capacit gnrale donner un sens aux stimuli abstraits a augment, ainsi que notre

capacit en retirer du plaisir.

Le contenu motionnel dun stimulus peut tre galement tudi travers les hormones. Dans le cas prcis de lamusique, il semble tabli que lcoute influence la scrtion des hormones lies au bien-tre et au stress (surtoutle cortisol et les endorphines), ainsi que la testostrone chez les hommes.

Les capacits musicales, un avantage volutif ?

Si la musique, dans une certaine mesure, est le fruit de ladaptation, les avantages quelle a donns nos anctrestaient peut-tre l :dans la capacit nous faire communiquer les motions, mme des motions partages, denous unir et de rduire les tensions, et peut-tre aussi de calmer nos hommes, qui avaient tendance tre plusguerriers que les femmes.

Page 7/9 - Les effets de la musique sur le corps et lesprit

Certains affirment que la musique aurait limportante fonction de nous rendre plus intelligents. Eh bien,

sachez que qui a essay de dmontrer le prtendu effet Mozart a t submerg de critiques et de


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contre-exemples, parfois au ton moqueur.

Cependant, si on tudie les effets de la musique sur le corps, on dcouvre quen effet la musique fait du bien,comme le prouvent plusieurs tudes scientifiques. Sallonger sur un divan et couter de la musique agrableamliore la circulation, en rduisant la pression artrielle. On pourrait objecter ici que se dtendre sur un divan en

lisant un livre intressant, ou faire nimporte quoi dautre dagrable sur un divan pourrait avoir le mme effet.Toutefois, leffet musique a fait lobjet de recherches pures , effectues laide de souris de laboratoire etconues spcialement pour tenter de dcouvrir si ces effets ont des fondements physiologiques indpendammentde lagrment du stimulus, ou du confort du divan.

Du Mozart contre l'hypertension artrielle

Pour expliquer pourquoi la musique est en mesure de rduire lhypertension artrielle, les neuroscientifiquesDenetsu Sutoo et Kayo Akiyama, de luniversit de Tsukuba au Japon, ont observ un groupe de souris souffrantdhypertension aux prises avec ladagio du Divertissement n 7 en r majeurde Mozart.

couter Mozart permettrait de rduire l'hypertension artrielle. DR

Les petites btes taient loges dans lanimalerie du laboratoire, bien soignes et bien nourries. On leur avaitensuite implant une canule dans le ventricule crbral latral, pour pouvoir mesurer le niveau de certainessubstances cet endroit. Un examen mdical attentif avait t effectu, et on avait surtout mesur la pressionartrielle, laide dun tout petit sphygmomanomtre invent exprs pour les souris et dot dun brassard plac surla queue. Les chercheurs japonais ont ainsi vrifi que lcoute de musique augmente la quantit de calciumachemine vers le cerveau. Cela active la production de dopamine, qui son tour inhibe lactivit du systme

nerveux sympathique (lun des composants du systme nerveux autonome), rduisant ainsi la pression artrielle.En rsum, t ravers la dopamine, Mozart garantit aux souris une meilleure sant cardiovasculaire et donc,vraisemblablement, une plus grande esprance de vie. Mais ltude ne nous dit pas si grce la libration dedopamine, les souris trouvent la musique de Mozart agrable, ou si leffet observ est li seulement ladistraction, lmotion, ou aux deux, ou si au contraire il sagit dun effet de la musique indpendant de lauditeur.

La recherche mene par les deux japonais peut sembler trange, parce que les souris dans leur milieu naturelncoutent pas de musique. Elles ne sont dailleurs probablement pas trs heureuses den couter dans unlaboratoire, une canule enfile dans le cerveau et un sphygmomanomtre autour de la queue : savoir qucouter dela musique augmente la longvit des souris nest peut-tre pas fondamental pour tout le monde, souris comprises.Cependant, expliquent les auteurs, lexprience visait savoir si et pourquoi certains stimuli sonores sontbnfiques tant aux souris quaux hommes, ces derniers ayant la facult de choisir ou non dcouter de la musique.


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La musicothrapie, une ventualit ?

Maintenant quune partie du mcanisme a t lucide et que le rle de la dopamine a t mis en vidence,concluent les chercheurs de Tsukuba, il est possible denvisager lemploi de la musique pour corriger certainssymptmes des maladies lies cette hormone, comme la maladie de Parkinson. On peut ainsi imaginer une

introduction de la musique dans le cadre des thrapies indiques pour cette maladie, en ayant conscience dagirsur certains mcanismes spcifiques du cerveau et non sur la base dobservations empiriques.

Si lon admet que la musique peut avoir un effet clinique sur la pression artrielle, chose maintes fois observe,dautres pathologies mdicales pourraient tirer profit de lcoute, et encore plus de la production de musique,comme lpilepsie, la dmence snile et certains dysfonctionnements du systme cardiovasculaire.

Un groupe de chercheurs italiens et anglais a tudi les effets du rythme et de la structure mlodique sur larespiration et sur certains paramtres de la fonction circulatoire. La rapidit de la musique influence notrephysiologie. En particulier, lcoute acclre la respiration et fait augmenter la pression et le rythme cardiaque defaon proportionnelle au rythme de la musique et sa complexit : plus une musique est rapide, plus cesparamtres slvent, probablement cause dun effet de stimulation du systme sympathique.

Pour le cerveau, la musique de Beethoven et le raga se ressemblent... DR

Leffet ne dpend pas du genre musical ou des gots de lauditeur. La preuve en a t apporte en comparant dela musique indienne raga, interprte au sitar, un morceau de rap des Red Hot Chili Peppers, lAdagio de laNeuvime Symphonie de Beethoven, une pice dodcaphonique de Anton Webern, de la musique techno de GigidAgostino et le Presto de lEt de Vivaldi. Tous les morceaux rapides (le Presto de Vivaldi, le rap des Red Hot ChiliPeppers et la techno) augmentaient le rythme cardiaque et le rythme respiratoire de faon similaire. Pour lecerveau, Vivaldi et la techno ne sont pas si loigns, alors que lAdagio de Beethoven, et encore plus le raga,avaient leffet inverse : cela dmontrerait entre autres que ce nest pas le style musical qui a des effetsbiologiques, mais le rythme.


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Didgeridoo Nick Carlson, Creative Commons

Le didgeridoo contre le ronflement

Pour finir, une quipe de chercheurs suisses a publi un article dans le British Medical Journalaffirmant que jouerdun instrument vent amliore le contrle de la respiration.

Cela nest pas d une action sur le psychisme ou sur le rythme des actes respiratoires, mais sur la force et lacoordination des muscles des voies respiratoires suprieures. Jouer dun instrument vent pourrait donc tre utilepour arrter de ronfler.

Mais attention, tous les instruments ne sont pas appropris : dans ce cas prcis, les chercheurs prconisent ledidgeridoo, un instrument traditionnel des aborignes australiens, fait dune branche deucalyptus creuse par destermites, dune longueur pouvant atteindre quatre mtres et dune largeur passant de trois centimtres lembouchure trente son autre extrmit. Le didgeridoo na pas de trous pour les doigts, il met donc un sontrs profond et continu, qui peut tre modul en remuant les lvres, les joues et la langue comme pour prononcerdes voyelles.

Comme la pratique du didgeridoo requiert un souffle ininterrompu, on inspire par le nez en continuant expirer

par la bouche , lexercice permettrait au patient de renforcer ses muscles respiratoires avec pour rsultat desnuits plus tranquilles pour son partenaire. La posologie : une heure de didgeridoo pendant quatre mois, si vosvoisins vous le permettent.

Page 8/9 - Quelle est l'utilit de la musique ?

Aprs toutes ces observations scientifiques, comment expliquer quen ce moment prcis nous avonsallum la radio ? Ou que nous avons achet un CD au prix des courses dune semaine ?Malheureusement, il nexiste pas de rponse facile, et surtout elle na pas laspect dune formulemathmatique.

La science ne peut pas arriver dire avec certitude quun certain caractre est n de faon linaire pour uneraison particulire, et surtout elle ne peut pas dire sil y a une musique plus naturelle (et donc meilleure) queles autres. Si elle le fait, elle se trompe.

Des aspects musicaux inns et universels

Ce que la science actuelle peut dire en revanche c'est que des aspects de notre musicalit sont inns (y comprisle plaisir que nous en tirons) et propres notre espce. De plus, ils sont universels, cest--dire ils intressenttous les individus. Ils sont probablement apparus dans lhistoire de lhomme avec la pense abstraite et laspiritualit. Certains attribuent la musique un rle fondamental dans la complexit de lesprit, comme si elle taitet continuait dtre un exercice pour les neurones de nos petits. Cela ne signifie pas quelle est le rsultat deladaptation et quelle nest pas un effet collatral de lapparition dautres caractres.


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La lecture volutionniste : la musique a prcd le langage parl

Il reste encore beaucoup faire et tudier, et plusieurs hypothses tester. Pour beaucoup, la musique peuttre assimile au grand ensemble des formes de communication entre tres humains, ce qui fournit des cls delecture de type volutionniste : la musique se serait dveloppe dans le but de vhiculer des signifis concrets

avant lapparition du langage parl, ou pourrait descendre dun protolangage ayant donn naissance aussi aulangage. Elle pourrait tre une forme de communication privilgie par la slection sexuelle, en tant quadjuvant la sduction, ou alors, elle serait apparue comme moyen dinteraction entre la mre et le nouveau-n. Dans cedernier cas, elle aurait permis aux mamans de tranquilliser leurs petits sans avoir besoin de les bercer, les braslibres, elles pouvaient rcolter de la nourriture.

Selon Darwin, la musique a prcd le langage parl dans l'volution de l'Homme. Citoyendesdeuxrives

La musique comme capacit de socialisation

Autre hypothse, la musique serait une forme dentranement la socialit, utile lespce, car elle garantit lapossibilit de trouver chez les autres soutien et aide en cas de besoin. La musique garantirait la cohsion du

groupe en crant un sentiment didentit.

Toutes ces hypothses expliqueraient pourquoi les petits humains apprcient certaines caractristiques de lamusique et absorbent avec une facilit incroyable les mlodies et les rythmes de la culture dans laquelle ilsgrandissent, tout comme ils apprennent parler spontanment, sans avoir besoin dun professeur.

Ces hypothses sappuient en outre sur une myriade dexpriences et dobservations sur le terrain, dmontrant queles facults musicales de lhomme lui appartiennent de manire exclusive, ou du moins, que la combinaison de cesfacults musicales et de la capacit les mettre ensemble pour crer quelque chose jug agrable ne se retrouveque dans lespce humaine. Lide selon laquelle la musique aurait facilit la communication entre les premiershommes a induit certains chercheurs penser quelle pourrait bien avoir eu un rle dans le dveloppement ducerveau humain, en lui confrant une capacit dabstraction supplmentaire, dont driveraient la pense abstraite,

le langage parl et dautres qualits que nous considrons en gnral comme propres notre espce.


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La musique, un vecteur d'motions

La musique, enfin, vhicule des motions. Cest la raison pour laquelle les thories qui la dfinissent comme uneforme de communication entre tres humains se rfrent souvent des contenus comme les sentiments ou lestats dme. Le contenu motionnel dune musique peut tre retrouv dans toutes les cultures et toutes les

formes musicales, et les scientifiques russissent galement observer son impact grce aux techniques dimageriecrbrale (qui montrent le cerveau au travail) et le mesurer laide de dosages hormonaux. De ce constatdrivent les thories sur la musique comme calmant social , en mesure de souder le groupe, dissoudre lestensions et surtout, selon quelques chercheurs, de calmer certains excs masculins.

Le violon, un instrument vecteur d'motions. lesalonch

L'hypothse exclusive de la bavaroise aux fraises

Presque toutes les hypothses que nous avons rencontres ne sexcluent pas les unes les autres et peuvent trsbien coexister. La seule qui nadmet pas les autres est celle de la bavaroise aux fraises, selon laquelle la musiquena jamais prsent aucune utilit pour lhomme et ne serait quune forme dautostimulation pratique par plaisir,sans en attendre un bnfice direct ou un avantage dun point de vue volutif.

Cette hypothse nexclue pas toutefois le plaisir que nous prouvons aujourdhui quand nous mettons les oreillettesde notre baladeur. Quelles que soient les conclusions de ces recherches, lui, il sera toujours l pour nous tenircompagnie.

Page 9/9 - Dcouvrez le livre Pourquoi aime-t-on la musique ?

Pour mieux comprendre la passion typiquement humaine pour la musique, dcouvrez aux ditions Belinl'ouvrage de Silvia Bencivelli : Pourquoi aime-t-on la musique ? Oreille, motion, volution .

Est-il vrai que Mozart nous rend plus intelligents? Pourquoi dans les restaurants chics nous fait-on couter de la

musique classique? Est-il possible que les vaches aiment lopra et que les requins apprcient Barry White? Ya-t-il un lien entre la guitare de Jimi Hendrix et son sex-appeal?


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Source : http://www futura-sciences com/magazines/sante/infos/dossiers/d/medecine-aime-t-on- Page 21 / 21

Pourquoi aime-t-on la musique ?, l'ouvrage de Silvia Bencivelli aux ditions Belin.

Selon Darwin, la musique tait pour nos anctres, avant lacquisition du langage, une technique pour courtiser, quiaurait ensuite donn naissance aux mots. Pour dautres, le rle jou par la musique dans lvolution ne seraitquaccessoire. Ce qui est certain cest que nous lcoutons tous, mme si elle provoque chez chacun de nous desmotions diffrentes et si ses effets sur lorganisme sont controverss.

De Neandertal la gnration Mtal, de Pythagore aux tudes sur le cerveau, cet ouvrage fait le point sur lacapacit quont les sons dmouvoir et de soigner, et dcrit les diffrentes formes du penchant humain videntpour cet art: un objet de curiosit, de fascination mais aussi dtude scientifique.

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