(63$&( 5(8,//< dyulo Ô × Ç ª . Ð Ã Ô Æ ² Ã Ô Ë ... · d’une intervention...

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I nviter le grand public à réfléchir sur l’impact du tourisme en venant écouter et voir ceux qui esquissent les contours d’un tou- risme plus respectueux de l’hom- me et de la planète. Tel était l’objectif ambitieux que s’était fixé ABM en lan- çant ce premier Festival Partir Autrement. Le tourisme a de plus en plus d’impacts sur les territoires et les populations, le nombre de voyageurs allant doubler d’ici 2020. Aussi était-il nécessaire d’interroger notre manière de voyager, tant au niveau du voyage individuel qu’au niveau du voyage organisé. Nécessaire également d’écouter les acteurs du tourisme respon- sable et solidaire expliquer les fonde- ments de leur démarche pour comprendre qu’une prise de conscience était en cours parmi les professionnels du voyage. Ces deux jours nous ont permis à la fois de rêver mais aussi de nous questionner sur notre implication, notre responsabilité en tant que voyageur ou association de voyages solidaires. C’est ce genre d’événement qu’on aimerait voir se généraliser afin de toucher un maximum de personnes”, nous a confié Isabelle une partici- pante. “Bravo pour cette magnifique organisa- tion, pour la qualité et le choix des reportages et intervenants aux débats, bravo pour la convivialité de cette manifestation. Depuis samedi, j’envisage sérieusement de voyager autrement, il n’y a pas de doute ”, écrit Carine. À la lecture de ces commentaires positifs qui nous sont parve- nus, nous pouvons estimer qu’ABM, aidée de toute l’équipe de bénévoles qui a contribué au bon déroulement de ce Festival, a atteint son objectif de sensibilisation. En plus des nombreux réalisateurs de documen- taires invités, ils étaient une trentaine d’interve- nants à avoir accepté de venir témoigner en public : voyagistes, accompagnateurs, cher- cheurs, universitaires, journalistes, militants, président ou coordinateur d’association du tou- risme responsable et solidaire. Tous ces spécia- listes ont apporté et partagé avec enthousiasme leurs connaissances et points de vue sur des thé- matiques liées au tourisme et au commerce équitable, évoquant des constats, démontrant des résultats, suggérant des pistes, dénonçant des incohérences ou tirant la sonnette d’alarme. Écotourisme, le monde est-il en danger ? Jean-Pierre Lozato-Giotart de l’Université Sorbonne Nouvelle a insisté sur l’urgence de fixer un optimum touristique, soit le juste équilibre entre la pratique des loisirs et la préservation des territoires d’ac- cueil, pour ne pas mettre en péril les lieux visités. Seule une mise en place de normes de qualité conjuguée à des outils de mesure scientifique et une éducation aux enjeux environnementaux du tourisme permettront de limiter les dégâts. Malika Turin, du voyagiste Atalante a énoncé toutes les actions entreprises sur le terrain et auprès des clients en faveur du tourisme responsable. Éric Casabo, réceptif d’ Allibert , a évoqué des projets éco-touristiques menés au Costa Rica mais aussi des grands hôtels et mari- nas, peu préoccupés de l’envi- ronnement. Henry Rosemberg, d’Ecotours, a pointé le problè- me de la disparition progres- sive des forêts au Nicaragua causée par la production de 44 Globe-trotters n° 119 Près de 1500 personnes ont participé à la première édition du Festival Partir Autrement les 5 et 6 avril 2008 à l’Espace Reuilly dans le XII e arrondissement à Paris. Un lancement réussi pour ABM, qui avait fait le pari, pour sa vingtième année, d’inaugurer une nouvelle formule de Festival axée sur le voyage responsable et solidaire. Tourisme responsable et solidaire une sensibilisation réussie Viser le juste équilibre entre la pratique des loisirs et la préservation des territoires d’accueil © Bakary Diakhite

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Page 1: (63$&( 5(8,//< DYULO Ô × Ç ª . Ð Ã Ô Æ ² Ã Ô Ë ... · d’une intervention remarquée, l’ethno-logue Thierry Sallantin a dénoncé l’eth-notourisme, qui entraine la

Inviter le grand public à réfléchirsur l’impact du tourisme envenant écouter et voir ceux quiesquissent les contours d’un tou-risme plus respectueux de l’hom-

me et de la planète. Tel était l’objectifambitieux que s’était fixé ABM en lan-çant ce premier Festival Partir Autrement.Le tourisme a de plus en plus d’impactssur les territoires et les populations, lenombre de voyageurs allant doubler d’ici2020. Aussi était-il nécessaire d’interrogernotre manière de voyager, tant au niveaudu voyage individuel qu’au niveau duvoyage organisé. Nécessaire égalementd’écouter les acteurs du tourisme respon-sable et solidaire expliquer les fonde-ments de leur démarche pour comprendrequ’une prise de conscience était en coursparmi les professionnels du voyage.

“Ces deux jours nous ont permis à la fois derêver mais aussi de nous questionner sur notreimplication, notre responsabilité en tant quevoyageur ou association de voyages solidaires.C’est ce genre d’événement qu’on aimerait voirse généraliser afin de toucher un maximum depersonnes”, nous a confié Isabelle une partici-pante. “Bravo pour cette magnifique organisa-tion, pour la qualité et le choix des reportageset intervenants aux débats,bravo pour la convivialitéde cette manifestation.Depuis samedi, j’envisagesérieusement de voyagerautrement, il n’y a pas dedoute”, écrit Carine. À lalecture de ces commentairespositifs qui nous sont parve-nus, nous pouvons estimer qu’ABM, aidée detoute l’équipe de bénévoles qui a contribué aubon déroulement de ce Festival, a atteint sonobjectif de sensibilisation.

En plus des nombreux réalisateurs de documen-taires invités, ils étaient une trentaine d’interve-nants à avoir accepté de venir témoigner enpublic : voyagistes, accompagnateurs, cher-cheurs, universitaires, journalistes, militants,président ou coordinateur d’association du tou-risme responsable et solidaire. Tous ces spécia-listes ont apporté et partagé avec enthousiasmeleurs connaissances et points de vue sur des thé-matiques liées au tourisme et au commerceéquitable, évoquant des constats, démontrantdes résultats, suggérant des pistes, dénonçantdes incohérences ou tirant la sonnette d’alarme.

Écotourisme, le mondeest-il en danger ?

Jean-Pierre Lozato-Giotart del’Université Sorbonne Nouvellea insisté sur l’urgence de fixerun optimum touristique, soit lejuste équilibre entre la pratiquedes loisirs et la préservation

des territoires d’ac-cueil, pour ne pasmettre en péril leslieux visités. Seuleune mise en place denormes de qualitéconjuguée à des outilsde mesure scientifiqueet une éducation aux

enjeux environnementaux dutourisme permettront de limiterles dégâts. Malika Turin, duvoyagiste Atalante a énoncétoutes les actions entreprisessur le terrain et auprès desclients en faveur du tourismeresponsable. Éric Casabo,réceptif d’Allibert, a évoquédes projets éco-touristiquesmenés au Costa Rica maisaussi des grands hôtels et mari-nas, peu préoccupés de l’envi-ronnement. Henry Rosemberg,d’Ecotours, a pointé le problè-me de la disparition progres-sive des forêts au Nicaraguacausée par la production de

44Globe-trotters n° 119

Près de 1500 personnes

ont participé à la

première édition du

Festival Partir Autrement

les 5 et 6 avril 2008

à l’Espace Reuilly dans le

XIIe arrondissement

à Paris. Un lancement

réussi pour ABM, qui

avait fait le pari, pour

sa vingtième année,

d’inaugurer une nouvelle

formule de Festival axée

sur le voyage responsable

et solidaire.

Tourisme responsable et solidaireune sensibilisation réussie

Viser le justeéquilibre entre la

pratique des loisirset la préservation

des territoiresd’accueil

© Bakary Diakhite

Page 2: (63$&( 5(8,//< DYULO Ô × Ç ª . Ð Ã Ô Æ ² Ã Ô Ë ... · d’une intervention remarquée, l’ethno-logue Thierry Sallantin a dénoncé l’eth-notourisme, qui entraine la

charbon de bois et appuyé sa démonstra-tion par l’exemple d’un éco-gîteconstruit avec les communautés locales.

Tourisme et développement, une équation pas si simple…

Il est délicat, dans certains cas, de porterle tourisme dans des contrées reculées,même avec la meilleure intention. Lorsd’une intervention remarquée, l’ethno-logue Thierry Sallantin a dénoncé l’eth-notourisme, qui entraine la folklorisationdes tribus, appuyant ses propos sur sapropre expérience d’immersion enGuyane. Ali Sbai , de l’associationZaila, a soulevé ledilemme de l’utilisa-tion du désert en ter-rain de défoulementpar les organisateursde rallyes, entraînantla dégradation de cemilieu naturel fragileet l’atteinte à la tran-quillité des popu-lations locales.Hatem Yatouji, du réseau Archimède etIsabelle Villemot de l’association MayiMava ont démontré que des projets detourisme solidaire élaborés avec des vil-lageois avaient eu des effets positifs surl’amélioration de la qualité de vie deshabitants.

Tourisme responsable, voyages solidaires.

Ce débat répondait à la demande de cla-rification du grand public sur ces appel-lations. Gilles Béville a rappelé lecontexte de l’implication du ministèredes Affaires Étrangères au soutien de cesecteur et synthétisé les actions entre-prises pour faciliter la mise en réseaudes acteurs du tourisme responsable etsolidaire et leur visibilité. Yves Gaudot,président de l’association Agir pour unTourisme Responsable, a expliqué ladémarche de labellisation dans laquellese sont engagés les voyagistes membrespour garantir l’exercice de pratiques tou-ristiques responsables par l’applicationde critères quantifiables et vérifiablespar un système de contrôle indépendant.Pour Julien Buot, coordinateur del’Association pour le Tourisme Équi-table et Solidaire, ce tourisme consiste àorganiser des voyages en petits groupesà la rencontre des populations tout enpermettant de financer des projets dedéveloppement et en faisant en sorte queles populations soient partenaires etbénéficiaires de l'accueil touristique. Le

voyagiste, par son statut associatif,garantit une transparence sur la réparti-tion du prix du voyage. Olivia Robert aprésenté l’implication de voyages-sncf.com dans la sensibilisation au tou-risme responsable à travers l’opérationdes Trophées du tourisme responsable.Enfin, Redempta Mukataranga, prési-dente de l’association Tamadi, a détailléle fonctionnement de ses voyages soli-daires reposant sur un réseau d’organi-sations paysannes à Madagascar et auMali.

Le voyage en individuel a-t-iltoutes les vertus ?

Il est possible de voyager demanière individuelle et respon-sable en privilégiant des lieuxd’hébergement gérés par descommunautés et des réseauxd’agriculteurs. Ainsi MonicaHerrera a présenté des projetsde tourisme communautaire auGuatemala, Stéphane Gigon

nous a sensibilisés sur les éco-gestes duvoyageur et détaillé le principe d’éva-luation des lieux éco-solidaires recensésdans le monde par l’associationEchoway. Alain Desjardins nous araconté comment la Fédération Accueilpaysans s’était organisée, en concerta-tion étroite avec un vaste réseau d’agri-culteurs, pour générer une activité tou-ristique d’hébergement et de découvertede la vie à la ferme, non seulement enFrance mais aussi à l’étranger.

L’eau, “bien commun”

Un exposé extrêmement enrichissant surl’eau, devenu objet de convoitise pourles États et les conglomérats au détri-ment des populations nécessiteuses.Marc Laimé, journaliste au MondeDiplomatique, a attiré notre attention surle fait qu’il faudrait réviser à la baissenotre consommation en abandonnant uncertain mode de vie basé sur l’abondan-ce et le gaspillage. Caroline Riegel, réa-lisatrice d’un documentaire sur l’eau, acomparé la gestion des réserveshydriques dans différents pays et montrécomment les populations s’y adaptaient.

Voyager a-t-il un sens ?

Ce débat a suscité de nombreux pointsde vue, venant nous éclairer sur les rai-sons nous qui nous poussent à voyager.Rachid Amirou, sociologue, écrivain, aévoqué cette triple quête qui donne toutson sens au voyage : la quête de soi, de

l’autre et de l’ailleurs. “Le voyage posela question éthique de la rencontre avecl'altérité”. Pour Franck Michel, anthro-pologue, le voyage permet d’échapperun temps à l’ordre des choses mais il estaussi source de réflexion pour l’actioncar il permet de prendre conscience desinégalités dans le monde. Pour MarianneDidierjean, co-fondatrice de Voyagerautrement, le sens de ses voyages reposesur la volonté de découvrir les réalitésculturelles et sociales d’un pays en ren-contrant les acteurs du développement.Et Jean-François Alleman, accompagna-teur, dans le message essentiel qu’iltransmet à ses voyageurs : les aider àouvrir les yeux !

Nous espérons que ce premier FestivalPartir Autrement vous aura sensibilisésà ces notions de voyage responsable etsolidaire pour prendre conscience deseffets induits par nos voyages sur notrebelle petite planète. Car si nous n’y pre-nons garde aujourd’hui, nos enfantspourront-ils toujours autant s’émer-veiller devant elle demain ?

Manuel Miroglio

45Globe-trotters n° 119

Il seraitsouhaitable

d’abandonner uncertain mode de

vie basé surl’abondance et le

gaspillage

© Fabrice Deschoux

Plus de détails sur www.abm.frrubrique Festival Partir Autrement.