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1 Schrebergäert : microcosmes de l’intégration au Luxembourg ?

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Schrebergäert : microcosmes de l’intégration au Luxembourg ?

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Les « Schrebergäert », ou « cités jardinières », ces petits îlots de vie rurale au coeur de zones industrialisées, sont des lieux bien connus des Luxembourgeois. Ils font partie intégrante de l’histoire populaire récente du pays. A partir des années 1920, de nombreux Luxembourgeois venus du nord du Grand-duché pour travailler dans l’industrie minière du sud ont conservé une partie de leur mode de vie rural et leurs habitudes de jardinage grâce à ces parcelles allouées aux ouvriers. Plus récemment, de nombreux étrangers ou personnes issues de l’immigration ont repris le flambeau et louent à leur tour ces petits jardins communaux, alors que les Luxembourgeois y sont moins nombreux et plus âgés que par le passé. Aujourd’hui, les Schrebergaërt sont un vivier foisonnant de cultures, d’origines, de générations diverses et constituent un microcosme du vivre ensemble au Grand-duché, qu’il est intéressant d’analyser en vue d’actions sociales en faveur de l’intégration.

Schrebergäert : 4motion

Le porteur du projet « Schrebergäert : microcosmes de l’intégration » est l’association sans but lucratif 4motion, qui œuvre à ce qu’enfants, jeunes et per-sonnes vulnérables libèrent leur potentiel et prennent pleinement leur place dans la société. 4motion développe des outils pédagogiques, des activités de sensibi-lisation et des formations qui visent à remettre en question stéréotypes et pré-jugés, à lutter contre l’exclusion et les dis-criminations et à favoriser l’engagement citoyen. 4motion incite des personnes à passer de la prise de conscience à l’action et les accompagne dans leurs projets.

microcosmes de l’intégration au Luxembourg ?

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4 Le projet

Financé par le fonds européen d’intégration (FEI)1

et l’office luxembourgeois de l’accueil et de l’inté-gration (OLAI), le projet-pilote « Schrebergaërt : microcosmes de l’intégration » vise à favoriser l’intégration des étrangers ressortissants de pays tiers fréquentant les cités jardinières en faisant pleinement participer la société d’accueil luxem-bourgeoise à ce processus d’intégration.

En nous appuyant sur les travaux du CEFIS menés au Luxembourg, nous définissons l’intégration comme « un processus dynamique et complexe d’insertion et de participation individuelles et collectives dans les structures économique, sociale et politique du pays d’accueil. »2 Notons que la participation de la société d’accueil au processus d’intégration est l’une des priorités spécifiques du FEI.

Le projet s’est déroulé de juin 2012 à février 2014 à Esch-sur-Alzette, au sud du pays. Dans la « mé-tropole du fer », ville populaire et cosmopolite, la thématique des Schrebergaërt a en effet toute son importance : on y dénombre plus de 600 jardins gérés par plusieurs associations. En outre, des per-sonnes de nombreuses nationalités, et notamment des ressortissants de pays tiers (en provenance d’ex-Yougoslavie, du Monténégro, du Cap Vert, d’Amérique latine, etc.), y fréquentent ces jardins.

1. Recherche-action : le projet était avant tout conçu comme une re-cherche-action afin d’établir un diagnostic per-mettant une intervention sociale adéquate. Nous avons donc cherché à recueillir un panel des re-présentations des Schrebergaërt à travers quelques entretiens, groupes de discussion et réunions avec des jardiniers et surtout avec les associations eschoises chargées de la gestion des jardins : le Coin de Terre et le Foyer Gaart an Heem (C.T.F.) et Escher Gaardefrenn. Malgré de nombreuses démarches, nous n’avons pas pu consulter Na-tur- a Gaardefrenn et Natur- a Gaardefrenn « op der Gleicht ». En revanche, d’autres associations actives au niveau national et international ont pu être sollicitées : la Ligue Luxembourgeoise du Coin de Terre et du Foyer, les Amis de la Fleur et l’Office International du Coin de Terre et des Jardins Familiaux. De plus, nous avons suivi de près la construction du premier jardin communautaire de quartier, un processus initié par le collectif Transi-tion Minett3 avec une démarche à la fois écologique et sociale innovante.

2. Travail historico-pédagogique : un autre aspect important du projet consistait à retracer l’évolution des jardins depuis un siècle à travers une analyse d’archives photographiques, vidéos et bibliographiques et la création d’une ex-position. L’objectif était de susciter une réflexion de la société d’accueil sur ses propres pratiques et traditions de jardinage, en relation avec celles des étrangers aujourd’hui.

3. Travail social et interculturel : des moments de rencontre plus conviviaux furent également organisés afin de mettre les différents acteurs-clés impliqué dans les Schrebergäert en rela-tion et de créer une émulation propice à la discussion et à l’échange d’idées. Des « world cafés » (tables de discussion) réunissant une quarantaine de personnes furent notamment organisés suite au vernissage de l’exposition de photographies le 4 juillet 2013.

4. Recommandations : le projet visait enfin à émettre quelques recom-mandations destinées d’une part aux associations directement impliquées dans la gestion des Schre-bergaërt afin d’en faire des jardins des lieux plus inclusifs, d’autre part aux communes, afin qu’elles mobilisent les jardins ouvriers pour en faire des vecteurs d’intégration au niveau local.

1 Le FEI cible les étrangers ressortissants de pays tiers et finance des projets favorisant leur intégra-tion dans les différents Etats membres de l’Union européenne. Cette population est peu nombreuse au Luxembourg (5,1% de la population totale) et assez disparate selon les localités. 2 Centre d’Etudes et de Formations Intercultu-relles et Sociales (CEFIS), RED N°14 : L’intégration au Luxembourg. Indicateurs et dynamiques sociales. Parcours de personnes originaires du Cap-vert et de l’Ex-Yougoslavie, Luxembourg : 2010, p.11.3 L’initiative locale/régionale Transition Minett au sud du Luxembourg fait partie du mouvement des « villes en transition » (« transition towns ») et vise à permettre à des citoyens de (re)gagner de l’autono-mie dans leur vie, notamment en matière d’alimenta-tion et d’énergie : www.transition-minett.lu

FoNDS EURopéEN D'INTégRaTIoN DES

RESSoRTISSaNTS DE payS TIERS

2007-2013

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Pour comprendre l’importance des cités jardinières au Luxembourg, nous avons mené une recherche dans plusieurs archives, en particulier celles du journal officiel de la Ligue C.T.F. « Gaart an Heem ». L’objectif était de comprendre les valeurs de la Ligue en tant qu’association la plus influente, ainsi que le modèle de jardin et de jardinier avec lequel elle s’identifie. Une telle analyse nous semblait importante pour pouvoir appréhender le contexte dans lequel les jardiniers immigrés sont censés « s’intégrer ». L’un des constats que nous avons pu faire est qu’il existe, dans le système de valeurs que défend la Ligue, des éléments stables, qui ont peu changé à travers les décennies, et d’autres qui sont plus ouverts aux évolutions.

Ecrire sur les autres est toujours une aventure à risques : on risque que la personne ou l’organisa-tion ne se reconnaisse pas dans la description que l’on donne d’elle. En effet, malgré la règle de neu-tralité que nous nous sommes imposée, notre vision ne peut être que partielle. Pleinement conscients de ce biais, nous souhaitons quand même livrer quelques éléments d’analyse.

A l’origine, le mouvement « Schreber » fut lancé en Allemagne au début de l’ère industrielle, à l’ini-tiative du médecin et pédagogue Daniel Gottlob Moritz Schreber. Les parcelles étaient alors desti-nées aux enfants, mais les adultes commencèrent rapidement à y cultiver des fruits et des légumes pour pallier à une certaine pénurie alimentaire. En France, c’est grâce à Jules Auguste Lemire (ec-clésiastique et homme politique plus connu sous

Historique des cités jardinièresluxembourgeoises

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le nom d’« abbé Lemire ») que les jardins ouvriers virent le jour. Ce dernier fonda la Ligue française du Coin de Terre et du Foyer en 1896. Sans remettre en question l’organisation du travail soumise aux exigences de la rentabilité financière, qui prenait peu en compte les besoins des travailleurs, il prô-nait les vertus du jardin pour la santé physique et l’équilibre mental des ouvriers.

Une autre dimension est présente dans la pensée de Lemire : la « communauté », définie dans des termes dominants de son époque, ceux du na-tionalisme. Lemire avançait, peut-être aussi pour des raisons de pragmatisme politique, que donner aux ouvriers une place où ils pourraient s’épanouir cultiverait leur loyauté envers leur patrie, donc envers le système politique dominant. Le « nationa-lisme » étant devenu un terme facilement associé à l’extrémisme, il est néanmoins important de noter que, hormis un certain paternalisme, il n’y avait pas de traces de chauvinisme ou de xénophobie dans le discours de Lemire. D’ailleurs, le début même de son projet est un bel exemple de dépassement des préjugés si vifs à son époque : « La première expérience fut tentée à Levallois-Perret, avec cinq jardins qu’une dame protestante offrit au prêtre catholique que j’étais. Et l’un de mes premiers locataires était juif. »

Sous l’influence de l’abbé Lemire, l’histoire des jardins ouvriers commence au Luxembourg au lendemain de la première guerre mondiale, en 1918, année où fut créé le « Cercle Horticole » à Esch-sur-Alzette. Lemire visite le Luxembourg en

1924 et donne un discours important à la salle de gymnastique de l’école Brill à Esch-sur-Alzette. Il plaide aussi en faveur de l’implantation à Luxem-bourg du siège de l’Office International du Coin de Terre et des Jardins Familiaux, créé effectivement deux ans plus tard, le 3 octobre 1926.

Les structures des petits jardiniers luxembourgeois se développent vite : en 1924 est créé « Allgemeine Verband der Kleingartenbaugenossenschaften » et en 1925 l’association « Garten und Heim ». En 1929, les deux associations s’unissent en la Ligue Luxembourgeoise du Coin de Terre et du Foyer – Fédération des jardins ouvriers. Le double objectif de la Ligue est la création de jardins ou-vriers permanents et de maisons unifamiliales pour les familles d’ouvriers et de fonctionnaires.

Depuis sa création, la revue officielle de la Ligue C.T.F., « Gaart an Heem », souligne le caractère ordonné, planifié et scientifique du jardinage. Dans le premier numéro déjà, un article est dédié à un concours architectural de cabanons en bois pour les petits jardins. Les modèles ayant reçu des prix y sont présentés avec des dessins. Ceci montre l’importance accordée à une certaine esthétique associée à des valeurs d’eurythmie, d’ordonnan-cement, etc. : or, l’esthétique des cabanons, des clôtures et d’autres petites constructions de jardin reste l’un des sujets autour desquels se cristallisent encore aujourd’hui le plus souvent les désaccords entre les associations des jardiniers et les jardiniers eux-mêmes, comme nous le verrons plus loin.

Abbé LemireDans le dernier entretien publié avant sa mort en 1928, Lemire expliquait :« Et pourquoi me suis-je adonné avec toute ma foi à cette idée si simple du jardinage ? Parce-que, voyez-vous, je trouve au jardin ouvrier trois vertus quasi théologales. Et, tout d'abord, il donne à l'homme ce bien précieux entre tous : la liberté. A l'usine, l'ouvrier est l'esclave de sa machine. Tous ses gestes sont commandés, déterminés avec une intolérable exactitude. Qu'il est doux pour lui d'être son maître ensuite dans son jardin. Il y fait ce qu'il veut, quand il veut. Il s'appartient. Il est libre. »

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Pour comprendre ces désaccords, il est nécessaire de retracer le contexte social dans lequel sont nés les Schrebergäert, dans lequel le statut de l’ou-vrier était très dévalorisé. Les « prolétaires », qui formaient la majeure partie des petits jardiniers, ont souvent été associés au manque de propreté, au chaos, à l’irresponsabilité, à l’alcool, à la patho-logie, etc. Donner aux ouvriers des coins de terre à cultiver n’avait donc pas comme objectif leur développement personnel (puisqu’à l’époque, à part quelques penseurs humanistes comme Lemire, la grande majorité de la société, et même la plupart des ouvriers eux-mêmes, aurait trouvé l’idée du développement personnel inutile, voire ridicule), mais avait surtout un objectif politique : amélio-rer le statut des classes sociales « inférieures ». Pas par une contestation des rapports de pouvoir mais, contrairement au mouvement prolétaire, par l’obtention d’une reconnaissance officielle. Donner une « bonne » image à l’extérieur visait donc à attirer l’attention des élites et à assurer une place signicative au projet dans le panora-ma socio-politique : « Wenn unsere Kleingärtner überall sowie in Differdingen die Schönheit mit der Wirtschaftlichkeit im Kleingarten zu verbinden wissen, so kann es gar nicht anders kommen, als dass unsere Gärtchen auf die Öffentlichkeit den besten Eindruck machen. Die vielen Gärtchen reden in Anlage, Aufmachung, Schönheit und Ernte eine beredte Sprache und sie verdienen ebenso wie ihre Schöpfer alle Aufmerksamkeit und Förderung seitens der verantwortlichen Führer in Staat und Gemeinde. »4

Les activités de la Ligue C.T.F. ne se réduisent pas à la gestion des jardins. Depuis sa création, et surtout dans les premières décennies de son existence, elle essaie d’avoir de l’influence sur plusieurs niveaux de vie des jardiniers, de créer un nouvel habitus, une nouvelle façon d’être dans le monde. Plusieurs réunions, discours sur le jardinage, ou encore des conseils pour les femmes en matière d’alimentation, de travail domestique et même d’éducation des enfants en témoignent. En explorant les archives de la revue « Gaart an Heem », on décèle l’apparition de cet habitus, sa consolidation et les stratégies de défense contre les menaces symboliques. Une analyse détaillée dépasserait néanmoins le cadre de cette brochure.

Un autre élément constant à travers les décennies d’archives que nous avons étudiées est la valeur « travail ». Idéalement, ce travail devrait être conti-nu, même pendant les mois où il y a peu de choses à faire au jardin… En janvier 1949, on peut lire par exemple : « Jeder eingeweihte Kleingärtner weiss stets was und wo er anfassen soll, besonders im Winter, wenn er seine Arbeit förmlich suchen muss. » En janvier 2003, on retrouve la même idée : « Et pourtant, n’attendons pas le printemps pour nous mettre au travail. Aussitôt que possible, pré-parons les couches et les châssis pour avoir des légumes avant les autres. Avant les autres, c’est ce qui compte. »

L’histoire des cités jardinières au Luxembourg a aussi sa dimension politique. Dès leur origine, les jardins ouvriers font partie du projet moderniste et nationaliste de l’Etat-nation luxembourgeois. Le jar-din est aussi le symbole d’un attachement profond qui se crée, grâce à la terre, entre l’ouvrier et sa patrie. « (…) Die Anhänglichkeit an die Heimaterde ist doch der Urgrund aller Heimatliebe! », peut-on lire en 1945 dans « Gaart an Heem ».

Notons à ce titre qu’en 1945 le prince Jean prend le patronat de la Ligue C.T.F. à l’occasion de son 75e anniversaire et qu’en 2003, le premier ministre Jean-Claude Juncker déclare que l’histoire de la Ligue fait partie de l’histoire de Luxembourg.

Et aujourd’hui ? A une époque où la nourriture est devenue bon marché et où les possibilités de loisirs sont multiples, a-t-on a toujours besoin de ces jardins ? La forte demande de parcelles semble apporter d’emblée une réponse positive à cette question. A Esch-sur-Alzette, où l’on dénombre plus de 600 parcelles, les candidats sont nombreux et les listes d’attente sont longues (allant parfois jusqu’à 3 ans). Mais le profil sociologique des jar-diniers a changé : plus jeunes et pour la plupart issus de l’immigration, ce sont principalement eux qui perpétuent aujourd’hui la vie et le dynamisme des cités jardinières luxembourgeoises.

4 « Schafft arbeitergärten! », « gaart an Heem », Juni 1929, p. 65-66

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5 grâce aux achives du Centre National de l’au-diovisuel et de l’association eschoise « Le Coin de Terre et le Foyer – gaart an Heem ».6 Le Coin de Terre et le Foyer – Luxembourg, archives du journal de l’association : p. 21.

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1. Retour sur le film « Schrebergaart » de Yann TonnarLes entretiens que nous avons conduits ont donné lieu à l’expression d’une frustration que certains de nos interlocuteurs ont ressentie après avoir vu le film « Schrebergaart »7 du réalisateur Yann Tonnar, dans lequel ce dernier a choisi de montrer différents profils de jardiniers au Luxembourg. A côté des jardiniers « traditionnels », on y découvre entre autres une fa-mille d’origine portugaise qui élève des poules et des moutons, une autre communauté portugaise en train de tuer un poulet pour un repas de famille, une femme luxembourgeoise venue du Nord, dont le jardin a l’air assez « sauvage », ou encore un homme sans abri qui vit dans l’une des cités jardinières eschoises.

Le choix de ces images s’est révélé choquant pour nos interlocuteurs. Ils semblent ne pas s’y être re-connus et ont exprimé la crainte d’être publique-ment dévalorisés, en étant associés à un univers chaotique, caricatural, marginal : « Là, on a été à côté de la plaque, à mon avis. C’est comme si on voulais dire que tous les mecs qui travaillent dans le jardins, ce sont des mecs qui ramassent les mé-gots. »8 L’image que nos interlocuteurs auraient voulu donner est toute autre : « Je peux vous mon-trer des gens qui se sont donnés de la peine, qui se sont fait un bel jardin, qui sont partis du zéro. »9

2. La réglementationAvant d’entamer la recherche-action, nous avions formulé certaines hypothèses : la dimension politique des Schrebergäert que nous avons précédemment évoquée est-elle problématique dans le contexte de l’immigration ? Comment les « nouveaux jardiniers » évoluent-ils dans un univers façonné par la pensée patriotique ? Est-ce que les immigrés, avec des ap-proches et des pratiques de jardinage différentes, mettent en danger l’image que les jardiniers et les associations luxembourgeois voudraient avoir d’eux mêmes ? Les jardiniers installés de plus longue date craignent-ils la perte de leur statut social, de leur reconnaissance par les élites politiques, voire d’une partie de leur identité ? Cette crainte ne provoque-t-elle pas à son tour un réflexe de défense de l’image, qui se manifeste par une « sur-réglementation » (par exemple une imposition des règles sur les dimensions et les matériaux de construction d’un abri de jardin, ou sur la question du petit élevage, qui est désormais interdit dans les cités jardinières eschoises) ?

Après avoir rencontré différents acteurs associatifs lors d’entretiens semi-directifs, nous pensons être en mesure de dire que de tels aspects symboliques et identitaires, même s’ils sont présents, jouent en fait beaucoup moins que les conditions pratiques dans lesquelles travaillent les associations : gestion de la pénurie de jardins, manque de bénévoles, situations difficiles (par exemple, des jardins utilisés comme dépôt d’encombrants, des animaux qui meurent en hiver par négligence de leurs propriétaires…).

Enjeux actuels des cités jardinières au Luxembourg

7 yann Tonnar. Schrebergaart (garden Stories), Samsa films, 2011.8 Citation anonymisée tirée d’un entretien avec une association eschoise responsable de Schrebergäert.9 Idem.

Les photos et les films de l’après-guerre ras-semblés par 4motion pour l’exposition « Schre-bergaërt : modèles du vivre ensemble luxembourgeois ? »5 nous montrent com-ment les jardins s’enracinent dans un terroir, une mentalité et une culture nationale. Sur ces images de l’après-guerre (années 1940-1950), on constate effectivement l’émotion que pro-cure le jardin : la fierté des résultats, la joie de construire ensemble un local associatif mais aussi la dimension patriotique qui fait appel au caractère discipliné et bien organisé des jardiniers luxembourgeois, comme le montre par exemple le schéma du jardin idéal, « Mein Kleingarten », trouvé dans les archives de l’as-sociation « Coin de Terre et du Foyer »6.

L’objectif de l’exposition consistait également à placer les cités jardinières dans le contexte des parcours migratoires de leurs usagers plus récents. Beaucoup de « nouveaux jardiniers » fréquentant les Schrebergäert étant d’origine et/ou de nationalité portugaise, il nous semblait intéressant de comparer la situation de jardins ouvriers au Portugal et au Luxembourg : c’est pourquoi nous avions invité le photographe belge Laurent Gélise à exposer ses clichés de « Potagers suburbains à Lisbonne », qui dépeignent la réalité des jardins ouvriers dans les banlieues de la capitale portugaise.

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Néanmoins, un tel processus de « sur-réglementa-tion » est bien réel et il est important de questionner son effet sur les pratiques jardinières. À Esch-sur-Al-zette, un règlement unique pour les trois cité jardi-nières a été mis en place au début de l’année 2012 après une consultation du garde forestier et des associations gestionnaires, ces dernières réclamant en effet du soutien de la part des instances publiques pour faire respecter le règlement.

En s’appuyant sur des recherches menées sur le sujet dans d’autres pays, on note que le processus crois-sant de réglementation conduit à deux phénomènes connexes, qu’il est important de questionner égale-ment dans le contexte luxembourgeois : l’homogénéi-sation paysagère et la normalisation des pratiques.

3. L’homogénéisation paysagèreOn présente généralement deux types de concep-tions paysagères concernant les jardins ouvriers :

- D’une part, « les partisans d’un urbanisme maîtrisé et d’une certaine esthétique urbaine affirment que les jardins ne peuvent survivre que s’ils s’intègrent de manière ordonnée et harmonieuse au paysage urbain. (…) Ils préconisent donc un aménage-ment ordonné de l’espace et visent, à travers une conception d’ensemble mais aussi dans les détails, à définir un paysage type. »10 Cette conception semble être majoritaire dans le contexte luxem-bourgeois (en tout cas eschois), comme nous l’avons vu à l’aide des archives de la Ligue C.T.F. qui défend une esthétique « ordonnancée ».

- D’autre part, « ceux qui pensent que le paysage traditionnel, dans son anarchie et sa liberté, est plus riche, plus authentique. La cabane de bric et de broc est ainsi vue comme l’expression d’un art populaire et d’une liberté créatrice qui laisse place aux singularités de chaque jardinier et lui permet de s’approprier son espace de détente. L’apparence chaotique des jardins échappe ainsi à la rationalité technique urbaine contemporaine. »11 Sans généraliser, nous avons remarqué notam-ment grâce aux photographies de potagers en banlieue lisboète de Laurent Gélise qu’un tel pay-sage prédomine dans des pays comme le Portugal.

Si l’on transpose la réflexion au Luxembourg, peut-on déceler un potentiel conflit de conceptions pay-sagères (sous-tendues par des valeurs différentes) entre les jardiniers luxembourgeois installés de longue date, adeptes d’un aménagement ordonné, et les jardiniers immigrés, en particulier provenant du Portugal et d’autres pays lusophones (Cap Vert), amateurs de jardins à l’état plus naturel ?

Il nous semble que cette diversité doit être consi-dérée comme une chance, en tout cas comme une occasion de repenser la fonction esthétique des jardins : « Espaces de recyclages et de transgression, les jardins familiaux allient ordre et chaos. Ce sont des territoires décalés, qui préservent un temps à part dans la ville. Cette vision du paysage des jardins familiaux rejette la planification des urbanistes, qui produit un paysage normé, uniformisé. Avec la standardisation, risquent de se perdre l’expression de la culture populaire et une certaine humanité. »12

10 églantine Simonet, Les jardins familiaux : une histoire mouvementée, un paysage en menace de standardisation. Travaux d’études, DESS paRME, Université de provence, 2001 : p. 4.11 Idem12 Idem

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13 Correspondants du réseau du jardin dans tous ses états. Jardins familiaux, appropriation et inté-gration paysagère, France : 1999 : pp. 13-14.14 « gaart an Heem », numéro 1/2 2003, p. 6 (reportage du Congrès qui fêtait le 75e anniversaire de la Ligue) Traduction : « Quand on voit comme, année après année, le nombre de membres diminue dans plusieurs sections, alors l’association peut, ou même doit se poser des questions. Est-ce que « Gaart an Heem » a encore aujourd’hui une « raison d’être » ? Est-ce qu’elle est encore actuelle avec l’approche qu’elle défend ? Qu’est-ce que l’association peut offrir à ses membres potentiels et, plus largement, à notre société ? Avons-nous intérêt à ce que l’asso-ciation aie un futur ? Ou est-elle juste une structure superficielle d’antan ? »

4. La normalisation des pratiquesLes jardins ne jouent pas automatiquement un rôle social : encore faut-il que leur aménagement, leur encadrement et leur gestion en permettent une réelle appropriation par les jardiniers. Une des fonc-tions du jardin collectif est d’initier d’une manière informelle à la sphère publique, par la consolidation de la sphère privée. Et qui dit consolidation de là sphère privée dit possibilité concrète d’appro-priation et d’autonomie, c’est-à-dire « faire à sa manière ».13 Le défi des associations responsables des cité jardinières est ainsi de continuellement trouver le bon équilibre entre la réglementation, in-dispensable au bon fonctionnement des jardins, et la nécessité de créer les conditions d’appropriation par les jardiniers, en laissant certains domaines relatifs à leur vie privée hors de la contrainte réglementaire.

La commune d’Esch-sur-Alzette a beaucoup misé sur la coopération avec les associations, pour le l’élaboration d’un nouveau règlement, mais peu de démarches semblent avoir consisté à inviter les jardiniers eux-mêmes à faire part de leurs besoins, de leurs doléances, de leurs idées, etc. En outre, cer-tains « mauvais exemples » de jardiniers ayant des comportements et/ou des pratiques problématiques peuvent faire l’objet de généralisations abusives et conduire élus et associations à une surenchère dans la réglementation. Une telle « sur-réglementation » peut même être contre-productive, en déresponsa-bilisant certains jardiniers.

5. Les problèmes quotidiens des associa-tions gestionnaires de cités jardinièresDepuis au moins une décennie, les associations chargées de la gestion de cités jardinières font face à un déclin important de leurs membres. Elles semblent avoir du mal à redéfinir leur rôle dans un contexte marqué par des changements écono-miques, politiques et sociaux : forte immigration, globalisation, changements dans la culture du tra-vail, évolution des valeurs et des représentations, surtout parmi les jeunes et les immigrés.

La Ligue C.T.F. a bien conscience de ce problème : « Wann ee gesäit, wéi Joer fir Joer an enger Rei Sectiounen d’Memberszuel ofhëllt, dann däerf, jo da muss e Verband sech Froe stellen. Huet de « Gaart an Heem » haut nach eng « raison d’être » ? Ass en nach aktuell mat den Uleies, déi et vertrëtt ? Wat bitt de Verband senge potentielle Memberen an doriwwer raus eiser Gesellschaft ? Gewanne mir eppes, wann

de Veräin eng Zukunft huet ? Oder ass et eng haut iwwerflësseg Struktur aus fréieren Zäiten ? »14

Dans le même texte, l’association dresse une liste des problèmes qu’elle rencontre, et de leurs causes possibles :

- Den CTF huet Probleemer, fir de Leit seng wichteg Roll richteg ze weisen.

- D’Angeboter vun de Sectioune sinn net attraktiv genuch fir déi méi Jonk.

- D’Leit hunn ëmmer manner Zeit, fir sech no baussen z’engagéieren.

- Am Zäitalter vun der Mobilitéit wëllt jidderee fräi an ongebonne bleiwen.

- Schwätz haut keen méi vu Bénévolat !- Et ass schwéier mat den Auslänner !- Och aner Traditiounsveräiner hu manner Succès.- Eis Veräiner ginn endlech hir Karteiläiche lass (Membe-

ren, déi just eng Cotisatioun bezuelen, ouni sech awer jee richteg z’interesséieren oder z’engagéieren).15

15 Notre traduction : - Le CTF a des problèmes pour montrer aux gens

l’importance de leur rôle.- L’offre des Sections n’est pas attractive pour les

jeunes.- Les gens ont toujours moins de temps pour s’en-

gager à l’extérieur.- a l’époque de la mobilité, tout le monde veut

rester libre et non-attaché.- personne ne parle plus du bénévolat !- C’est difficile avec les étrangers !- Les autres associations traditionnelles ont aussi

moins de succès.- Nos associations se séparent de leurs membres

qui payent juste la cotisation sans vraiment s’inté-resser ni s’engager.

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Pendant ce congrès, la Ligue souligne néanmoins qu’elle souhaite rester dans la continuité de ses missions, qui sont :

- d’Verschéinerung – bannen a baussen – vun deem Eck, wou mer doheem wunnen ;

- d’Zille vun eegenem Geméis an Uebst, vun deem mer wëssen, dass et Qualitéit huet

- de Respekt virun der Natur ;- de kiirperlechen Effort an déi artisanal Kompe-

tenz am Schaffen dobaussen ;- eng frou Ambiance an eise Familjen ;- de Kontakt ënnert de Noperen ;- d’Kultur vun alen Traditiounen ;- den Engagement fir frëndlech Dierfer a Stied ;- den Asatz fir eng gesond Emwëlt, an deer

mar och eis Kanner a Kandskanner gutt liewe kënnen.16

L’association envisage également l’intégration comme l’une des ses missions et définit les fa-milles étrangères comme une catégorie de membres dont elle ne veut pas se passer. Cette mission a été soulignée par Jean-Claude Juncker dans son discours lors de ce congrès : « Der Garten bildet eine Brücke zwischen den Generationen, zwischen den Einheimischen und den Einwanderen. Es gilt dieses Zusammmenleben zu erhalten und zu fördern zum Wohl unserer ganzen Gesellschaft. »17

A partir des entretiens que nous avons menés, nous pouvons ajouter à la liste des problèmes évoqués plus haut les aspects suivants :

- Le manque de cadres : les comités qui s’occupent de la gevs. Les membres des comités travaillent à titre bénévole et ont de grandes difficultés à recruter de nouveaux membres.

- Les négligences des locataires de jardins (na-tionaux et non-nationaux) : stockage de ma-tériaux pour la construction de bâtiments, stockage d’autres objets sans utilité pour le jardin, le manque d’entretien du jardin et du chalet, graffitis, saleté, etc. Les locataires qui ne réagissent pas aux avertissements se voient présenter un avis d’expulsion, mais la procédure est longue et assez pénible pour les associations : il faut faire venir la police et le garde-champêtre, ouvrir le jardin en présence du locataire, établir un rapport, poser un cadenas pour barrer l’accès au jardin, etc.

- Le manque de responsabilité pour les biens com-muns : par exemple, le fait de ne pas fermer le robinet commun, le non-paiement du loyer, etc.

- L’élevage d’animaux dans de mauvaises condi-tions : certaines cités ont d’ailleurs interdit l’éle-vage suite aux mauvaises traitements de certains animaux (froid, espace trop petit, manque de soins).

- La disparition de certaines parcelles ou cités jar-dinières : les cités qui sont liquidées par la com-mune (par exemple Nonnenwissen à Esch-sur-Alzette) ne sont remplacées que partiellement. La pression urbaniste et le manque de terrains

freinent considérablement le développement des cités. A Esch-sur-Alzette, la commune ne s’engage plus pour soutenir les associations dans la recherche de terrains et conseille aux associa-tions de chercher de leur côté. Aujourd’hui, ces dernières voient peu de possibilités de trouver de nouveaux espaces, hormis quelques terrains très pollués d’Arcelor Mittal, ou occasionnellement de dons de personnes privées (comme cela a été le cas pour le C.T.F. Differdange).

- Les relations entre les associations et la com-mune : si les associations reçoivent bien un sou-tien de la part des autorités communales pour des aspects pratiques (par exemple la construc-tion d’un chemin) et techniques (élaboration d’un nouveau règlement en 2013), la commu-nication autour de certains sujets semble difficile (par exemple, la construction du nouvel hôpital eschois sur une cité jardinière : l’association qui gère ce site a reçu la nouvelle de sa liquidation prochaine par la presse). Malheureusement, au-cun représentant de la commune n’avait pu être présent à notre soirée expo-débat pour nous faire part du point de vue de la commune.

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1. Au Luxembourg : la stratégie de pa-nachage de l’association Coin de Terre et du Foyer pour favoriser la mixité so-cioculturelleL’association eschoise Coin de Terre et du Foyer « Gaart an Heem » met ouvertement en place une politique qui favorise la mixité socioculturelle, « une stratégie de panachage » qui consiste à attribuer à des personnes de nationalités différentes des parcelles voisines, de façon à ce que Luxembourgeois et migrants de diverses origines se côtoient.

En outre, l’association essaie de diversifier son conseil d’administration en l’ouvrant aux jardiniers étrangers ou d’origine étrangère, et a donné à plusieurs jardiniers de nationalité portugaise (que nous avons rencontrés pour des entretiens) la fonction de médiateurs chargés des relations avec les autres locataires de parcelles.

2. En France : le savoir-faire d’associations de terrainA Nantes, le travail de terrain des associations locales a abouti à traiter l’accès aux jardins en termes de droit commun, afin d’éviter les pratiques discriminatoires. Ce qui implique un gros effort pour multiplier rapidement le « parc » de parcelles disponibles sur l’agglomération et pour informer le public potentiel (notamment par des démarches de contact direct).

A Bordeaux (cité des Aubiers), l’association « Les Jardins d’Aujourd’hui » développe depuis 27 ans des techniques et des savoir-faire originaux en ac-compagnement social et en agriculture alternative

Bonnes pratiques

16 Notre traduction :- L’embellissement – dehors et dedans – de ce coin

où nous sommes chez nous ;- La cultivation des légumes et des fruits dont nous

connaissons la qualité ;- Le respect de la nature ;- L’effort corporel et la compétence artisanale dans

le travail à l’extérieur ;- Une ambiance joyeuse pour nos familles ;- Le contact entre voisins ;- Le culture de toutes les traditions ;- L’engagement pour les villages et les villes

amicales ;- L’engagement pour un environnement sain

dans lequel pourront vivre nos enfants et nos petit-enfants.

17 Notre traduction : « Le jardin construit un pont entre les généra-tions, entre les personnes originaires d’ici et les immigrés. Il est dans notre intérêt de préserver et promouvoir ce vivre ensemble pour le bien-être de toute notre société. »

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18 www.association-les-jardins- daujourdhui.asso-web.com/57+presentation.html19 Exemple évoqué par la secrétaire de l’office International du Coin de Terre et des Jardins Familiaux lors de notre soirée exposition-débat « Schrebergäert : modèles du vivre ensemble luxembourgeois ? ».

Copyright photos:Centre National de l'Audiovisuel, Le Coin de Terre et le Foyer - Gaart an Heem d'Esch-sur-Alzette, Bakform

et naturelle. Elle crée et gère des projets d’espaces publics partagés, de développement durable et le développement d’une vie de quartier. Elle s’inscrit dans la démarche de l’économie sociale et solidaire en défendant une utilité collective et sociale du projet, une gestion démocratique, une liberté d’ad-hésion et une mixité des ressources. Elle propose aussi des ateliers de sensibilisation aux thématiques environnementales telles que le bien être alimen-taire, la gestion de l’eau et de la matière organique, les techniques de jardinage naturel, etc.18

3. En Autriche et ailleurs : parrainages et intégration par le jardinEn Autriche, une pratique intéressante19 consiste à par-rainer de jeunes jardiniers par des jardiniers plus âgés et plus expérimentés, ce qui permet de transmettre des savoir-faire à la nouvelle génération et de renouveler le public fréquentant les cités jardinières. On pourrait étendre ce système de parrainage à des enfants et développer une réelle éducation au jardinage.

D’autres pays vont même plus loin : des associations y organisent des activités d’initiation au jardinage avec des personnes handicapées, de pensionnaires de maisons de retraite, des demandeurs d’asile, etc.

4motion asbl [email protected]

Bureau :

10, rue du CommerceL- 4067 Esch/AlzetteTél. +352 26 54 05 24

Siège social :

22, rue Baltzing L-3413 DudelangeRCS : F1665

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plus d’ouverture et de soutien à d’autres projets de jardinage, basés sur des approches différentes (jar-dins collectifs, partagés, solidaires ; permaculture ; guerilla gardening,

etc.), qui peuvent créer des espaces de convergence entre les différentes approches et pratiques des jardiniers, atti-rer et responsabiliser de nouvelles générations sensibles à d’autres manières de jardiner, ou encore apporter des solutions au manque d’espaces évoqué plus haut. La conception des jardins doit favoriser la diversification des usages et l’évolution des pratiques, en concertation avec les usagers. au Luxembourg, on peut citer des mouve-ments tels que Transition Minett, ou encore les jardins communautaires de Luxembourg-ville, divisés en par-ties individuelles et en parties communes, et gérés par un groupe d’habitants selon des critères exclusivement écologiques (sans pesticides, ni engrais chimiques, ni or-ganismes génétiquement modifiés).20

Le jardinage est un moyen de communication qui transcende la

langue. Il faut trouver des moyens d’afficher et de diffuser les informations de manière à être compris de tou(te)s : schémas explicatifs, panneaux placés à des endroits stra-tégiques, traductions des règlements et des documents informatifs dans les langues véhiculaires des jardiniers (pas seulement le français), traductions simultanées lors des assemblées générales voire lors d’autres réunions importantes, etc.

promouvoir des valeurs communes comme comme la famille, le bien-

être, la qualité de la nourriture et de la vie, la convivialité, le contact avec la nature, la préservation de l’environ-nement, au-delà de différences culturelles avérées ou supposées.

organiser des événements publics et des fêtes (à réinventer), des pi-

que-niques avec les produits du jardin... pourquoi ne pas mettre en place un forum annuel des Schrebergäert de manière à réunir autour de la table toutes les parties pre-nantes des cités jardinières au Luxembourg et stimuler un processus permettant à tous de s’exprimer, d’échan-ger et de mieux se connaître pour mettre en place des projets communs ?

ouvrir les jardins au public au moins une fois par an pour susciter l’intérêt des

néophytes et notamment des jeunes générations. Des séances d’initiation au jardinage et/ou de parrainage des plus jeunes par des jardiniers plus âgés pourraient y être organisées, ainsi que des ateliers valorisant les savoirs et savoir-faire divers de ces derniers.

éviter les modèles standard et chercher les modes d’aménage-

ment les plus compatibles avec une véritable appropria-tion par les jardiniers, sans laquelle il ne saurait y avoir d’apprentissage de l’autonomie et de la civilité. Stimuler, à partir des demandes des jardiniers, un travail collectif sur les différents problèmes posés par le fonctionnement des jardins.21 Il peut s’agir par exemple de co-construire des règlements avec les jardiniers et les associations (sans nécessairement décider de chaque élément collec-tivement mais en définissant au moins des objectifs et des stratégies pour les atteindre). Un tel fonctionnement requiert certes du temps et de la patience mais présente l’avantage considérable de responsabiliser en amont les principaux concernés quant à l’application et au respect des règles.

Recommandations principes pouvant guider une action publique et associative visant à faire des Schrebergäert des lieux propices à l’intégration de tou(te)s

Ecologie et innovations sociales :

Lien social :

Dialogue :

Convivialité :

Transparence et transmission :

participation :

20 www.vdl.lu/Environnement+et+Urbanisme/ Environnement/Jardinage.html, rubrique « Jardins communautaires »21 Daniel Cérézuelle, Les jardins familiaux, lieux d’initiation à la civilité, in : Communications, 74, 2003. pp. 65-83 : p. 19.

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des associations et des services communaux en charge des cités jardi-nières pour les amener

à renouveler leur modèle du jardinage, à mieux accueillir la diversité socioculturelle et à élaborer conjointement des stratégies de gestion de cette diversité. Un travail sur la vision stratégique des associations semble égale-ment important, par exemple à travers des ateliers du futur (Zukunftswerkstatt) ou d’autres ateliers participa-tifs facilités par des intervenants externes, afin que ces associations se donnent les moyens de redéfinir leur rôle et leurs actions dans les prochaines années.

mettre en place un système de parrainage d’un nouveau jardinier (immigré ou d’origine

étrangère, en particulier provenant de pays tiers) par un ancien jardinier (luxembourgeois ou d’une autre nationa-lité européenne, présent depuis une certaine durée dans le pays), afin de favoriser l’acquisition des règles et modes de fonctionnement par le jardinier parrainé et de créer des liens interculturels et intergénérationnels.

Sensibilisation et accompagnement :

parrainages pour l’intégration :