45-_alcool_complic_neurol

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    Item 45 Complications

    neurologiquesde lalcoolisme

    Objectifs pdagogiques

    Nationaux

    Argumenter lattitude thrapeutique et planifier le suivi du patient. Dcrire les principes de la prise en charge au long cours.

    CEN

    Connaissances requises Connatre les signes cliniques, la physiopathologie, le traitement curatif et prventif des principales

    complications neurologiques de lalcoolisme chronique (polyneuropathie, atrophie crbelleuse,atrophie crbrale, etc.).

    Objectifs pratiques Chez un patient rel ou simul, alcoolique chronique :

    argumenter lorigine alcoolique des symptmes et signes ; proposer un traitement.

    Lalcoolisme est la cause directe ou indirecte de 15 25 % des hospitalisations

    et denviron 35 000 dcs par an en France.Lidentification dun alcoolisme chronique est le plus souvent aise : consom-mation excessive reconnue, prsence de plusieurs signes cliniques (facis vul-tueux, couperose du visage, parfois rhinophima) et de signes biologiques(macrocytose, augmentation des GGT : gamma glutamyl-transfrases).Plusieurs mcanismes peuvent expliquer les effets de lalcool sur le systmenerveux :

    toxicit directe : lalcool se fixe sur les phospholipides membranaires,notamment sur les rcepteurs des systmes gabaergique et glutamaer-gique, entranant une dysfonction des canaux ioniques ;

    toxicit indirecte : carences vitaminiques (dues une mauvaise nutritionet une gastrite chronique), consquences de latteinte dorganes reten-tissant sur le cerveau (insuffisance hpatique, cardiomyopathie alcoolique,

    I. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUESDE LINTOXICATION ALCOOLIQUE AIGU

    II. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUESDU SEVRAGE

    III. COMPLICATIONS TOXIQUES

    ET MULTIFACTORIELLES FRQUENTES

    IV. COMPLICATIONS TOXIQUES ET CARENTIELLES( ALCOOLOCARENTIELLES )

    V. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES INDIRECTESDE LALCOOLISME

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    dpression immunitaire) ou de troubles induits (traumatismes crniens,accidents).

    Quand la symptomatologie nest pas typique, il faut penser une autre cause

    que lalcool et ne pas trop facilement attribuer une symptomatologie neurologi-que au seul alcoolisme connu dun patient.Il faut aussi garder lesprit que lalcoolisme chronique est habituellementassoci un tabagisme chronique, et aux complications neurologiques decelui-ci (par exemple mtastase crbrale dun cancer bronchique,encphalopathie respiratoire due une bronchopneumopathie chroniqueobstructive).Enfin, il importe de souligner que plusieurs de ces complications peuvent etdoivent tre prvenues en prescrivant chez tout patient alcoolique hospita-lis, quelle quen soit la raison, un supplment vitaminique B1, B6, B12, folateset PP.Les complications neurologiques de lalcoolisme chronique sont exposes icisparment, mais en pratique, il nest pas rare que plusieurs dentre elles soient

    associes chez un mme patient.

    I. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUESDE LINTOXICATION ALCOOLIQUE AIGU

    A. Ivresse pathologique

    Consquence de laction de lalcool notamment sur la substance rticule dutronc crbral, les noyaux vestibulaires, le cervelet et le cortex, livresse banale

    associe le plus souvent jovialit, hypomanie (parfois tristesse), propos incoh-rents et dysarthrie, troubles crbelleux et vertiges.Livresse pathologique associe des troubles du comportement (agressivit, vio-lences, dangerosit, actes clastiques dlictueux), parfois des hallucinations et undlire. Elle est suivie dun sommeil profond et dune amnsie lacunaire. Le dia-gnostic repose sur la mesure de lalcoolmie.

    B. Crise dpilepsie

    Par abaissement du seuil pileptogne, il sagit le plus souvent une crise gn-ralise unique au cours dune intoxication aigu ne ncessitant pas de traite-

    ment antipileptique.

    C. Coma thylique

    Prcd dune phase dobnubilation puis de stupeur, le coma thylique peutcomporter des signes de gravit (aractivit, mydriase, hypotonie, dpressionrespiratoire, hypothermie, hypotension) engageant le pronostic vital et ncessi-tant alors le transfert en ranimation o seront prvenues les complications(hypoglycmie, acidose, hyponatrmie). Des squelles (compressions nerveu-ses priphriques tronculaires et/ou plexuelles ; troubles mnsiques postanoxi-ques) sont possibles.

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    II. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES DU SEVRAGE

    Lalcool agit comme agoniste des rcepteurs GABA (fonction inhibitrice). Le

    sevrage entrane donc une diminution de la transmission gabaergique, avec pourconsquence une hyperexcitabilit. Le sevrage correspond un arrt complet ou une diminution de la consommation. Il est souvent contemporain dune affec-tion intercurrente (pathologie infectieuse, traumatisme) quil importe didentifieret de traiter. La seule hospitalisation peut tre loccasion dun sevrage.

    A. Crise dpilepsie

    Cest le plus souvent une crise gnralise tonicoclonique, unique, dans les48 heures du sevrage, sans anomalie EEG. Une premire crise ncessite unscanner crbral, car elle peut rvler une pathologie associe. Si la crise est

    unique, il ny a pas dindication un traitement antipileptique.

    B. Delirium tremens (DT)

    Les signes de dbut ( pr-DT ) doivent tre dpists : inversion du rythmenycthmral, cauchemars, irritabilit, anxit, sueurs, tremblement dattitude desmains. Ces signes ncessitent durgence

    une hydratationper os avec vitaminothrapie (B1, B6 et PP) ; et un traitement de lagitation : benzodiazpinesper os (diazepam, clo-

    razpam), ou par voie parentrale (diazpam) en cas dagitation plusimportante, imposant une surveillance cardiorespiratoire.

    En labsence de traitement, lvolution se fait vers un DT, caractris par unsyndrome confuso-onirique : propos incohrents, agitation, hallucinations multi-ples surtout visuelles avec zoopsie et scnes dagression causes dagressivit etde ractions de frayeurs. Le syndrome physique associe fivre, sueurs, trmula-tions, parfois signes de dshydratation, modification de la pression artrielle,tachycardie, troubles du rythme. Des crises dpilepsie, voire un tat de mal,peuvent survenir.Cest une urgence mdicaledont le traitement associe :

    hydratation adapte au bilan lectrolytique qui doit tre rpt, avec sur-veillance de la diurse, apport vitaminique (B1, B6, PP), correction delhypokalimie ;

    benzodiazpines IV (dose de charge par diazpam 10 mg/heure). Il est

    souhaitable de disposer de moyens de ranimation et dun antidote desbenzodiazpines (flumaznil) ; correction de lhyperthermie (antipyrtiques) ; recours prudent aux neuroleptiques (surveillance, diminution rapide de

    la posologie, si les hallucinations persistent malgr les benzodiazpines) ; sans oublier traitement de la cause (ex. infection pulmonaire, mningite).

    C. Prvention

    Le sevrage, thrapeutique prventive des complications de lalcoolisme, peut seraliser en ambulatoire ou en milieu institutionnel. La prvention des accidents

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    de sevrage associe hydratation, prescriptions vitaminiques et traitement par BZDpendant une semaine dose dgressive.

    III. COMPLICATIONS TOXIQUESET MULTIFACTORIELLES FRQUENTES

    A. Dmence

    De nombreux facteurs peuvent expliquer une dmence au cours de lalcoolismechronique : effet toxique propre, carences vitaminiques, traumatismes rpts,accidents vasculaires crbraux, effet du vieillissement, possible pathologiedgnrative associe. Limagerie crbrale montre une atrophie corticale dif-

    fuse souvent associe une atrophie crbelleuse, mais sans corrlation avecles signes cliniques.

    B. pilepsie

    Lalcoolisme chronique est une des causes les plus frquentes dpilepsie, quipeut revtir tous les types (mais le plus souvent gnralise tonicoclonique) etpouvant continuer de se manifester aprs le sevrage. Elle ne ncessite un trai-tement que si les crises sont frquemment rptes.

    IV. COMPLICATIONS TOXIQUES ET CARENTIELLES( ALCOOLO-CARENTIELLES )

    A. Polyneuropathie longueur-dpendante(polynvrite)

    Due la toxicit directe de lalcool et aux carences en vitamine B1 et folates,elle touche surtout les petites fibres sensitives (vhiculant la sensibilit thermoal-

    gique).Les signes de dbut comportent des crampes nocturnes, une fatigue la mar-che, avec lexamen une douleur pression des mollets, une hyperesthsiedouloureuse et une arflexie achillenne. Le traitement repose sur la vitamineB1 intramusculaire. Il convient de chercher une ou dautres causes intriquesventuelles (diabte, mdicaments neurotoxiques, gammapathie monoclonale,insuffisance rnale). un stade volu, il existe des douleurs (brlure, tau, hyperesthsie aucontact), une anesthsie distale symtrique en chaussettes, un steppage et dessignes trophiques (dpilation, parfois maux perforants plantaires). Le traitementassocie vitamines parentrales, renutrition, antalgiques (antipileptiques et/outricycliques), soins locaux, rducation, orthses. La rcupration est lente etsouvent incomplte.

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    B. Nvrite optique alcoolo-tabagique

    Elle se manifeste par une baisse bilatrale de lacuit visuelle, avec dyschroma-topsie, scotome central, pleur papillaire tardive. Le traitement repose principa-lement sur la vitaminothrapie B et larrt de lalcoolo-tabagisme.

    C. Atrophie crbelleuse

    Elle comporteprincipalement une ataxie subaigu aveclargissement du poly-gone de sustentation, samliore parfois aprs traitement vitaminique, maisreste le plus souvent stable. Le scanner ou lIRM montrent une atrophie ver-mienne.

    D. Encphalopathie de Gayet-Wernicke(ou Wernicke-Korsakoff)

    Due une carence en vitamine B1, parfois induite par un apport glucidique, sondiagnostic doit tre pos au dbut devant un seul des signes suivants et a for-tiorien prsence de leur association :

    syndrome confusionnel ; signes oculomoteurs, paralysie oculomotrice, paralysie de fonction, nys-

    tagmus ; signes crbelleux statiques.

    Le traitement, urgent, repose sur la vitamine B1 IV. Il est surtout prventif : sup-plmentation systmatique en vitamine B1 de tout patient alcoolique chroniquednutri, prescription systmatique de vitamine B1 lors dun apport glucos chezun patient dnutri ou thylique.En labsence de traitement, lvolution se fait vers un syndrome deKorsakoff, caractris par un syndrome amnsiant antrograde avec fabula-tions et fausses reconnaissances, d une ncrose des corps mamillaires(interruption du circuit de Papez) et dont les consquences sociales sontmajeures.

    E. Encphalopathie pellagreuse

    Due une carence en vitamine PP, elle se manifeste par une confusion men-tale et une hypertonie extrapyramidale, les troubles digestifs et les signescutanomuqueux (glossite, desquamation) tant trs inconstants. Le traite-ment repose sur la vitamine PP parentrale (500 mg/j). Il est surtout prven-tif : prescription systmatique de vitamine PP tout patient alcooliquednutri.On peut en rapprocher lencphalopathie de Marchiafava-Bignami, de mca-nisme incertain, qui comporte une ncrose du corps calleux, bien identifiable lIRM. Elle se manifeste par un coma ou une confusion avec ataxie. Unedmence associe des signes de dysconnexion est souvent mise en videncea posteriori.

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    V. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES INDIRECTESDE LALCOOLISME

    A. Mylinolyse centropontine

    Rare, de physiopathologie complexe, associe la dnutrition, elle est favorisepar lhyponatrmie et sa correction trop rapide. Elle comporte un trouble de lavigilance avec une ttraplgie et des signes pseudobulbaires traduisant ladmylinisation des fibres du centre de la protubrance, bien visible lIRMcrbrale (hypersignal T2), parfois tendue la substance blanche hmisphri-que. Le pronostic est pjoratif. Letraitement est prventif: correction progressivedes hyponatrmies profondes.

    B. Encphalopathie hpatique

    Secondaire linsuffisance hpatique (cirrhose) et de physiopathologie incom-pltement connue, elle comporte une confusion mentale associe un astrixis(flapping tremor), fait de myoclonies dites ngatives (mouvements de flexionpuis extension des poignets lors de la manuvre des bras tendus), avec parfoisdes signes extrapyramidaux et des crises dpilepsie. Au stade de coma, desmyoclonies, des signes focaux, des mouvements de dcrbration sont possi-bles. LEEG montre des signes (non spcifiques) vocateurs dune encphalo-pathie : ralentissement et diffusion du rythme de base, ondes triphasiques.Lvolution dpend du stade de la maladie, du traitement des facteurs dclen-

    chants : saignement, apport protidique trop important, une prise de benzodia-zpines, infection, trouble mtabolique. Le traitement curatif associe lactulose etnomycine (par sonde nasogastrique ou lavement). Le traitement prventif estcelui des facteurs dclenchants.

    C. Accidents vasculaires crbraux

    Lintoxication aigu peut entraner un AVC ischmique par thromboemboliedorigine cardiaque (par troubles du rythme lis une cardiomyopathie alcooli-que).Lintoxication alcoolique chronique est un facteur de risque dhmorragie cr-

    brale et/ou mninge partir de 3 verres standards . Diffrents mcanismessont invoqus : troubles de la coagulation (taux de prothrombine abaiss parinsuffisance hpatique, thrombopnie alcoolique, thrombopathie modifiant letemps saignement), HTA.

    D. Traumatismes crniens

    Du fait de chutes (lors divresse aigu, de crises dpilepsie), lalcoolique chro-nique est particulirement expos aux traumatismes crniens itratifs, responsa-bles de contusions crbrales hmorragiques, dhmatomes sous-duraux aigusou chroniques, parfois dhmatome extradural.

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    E. Neuro-infections

    La dnutrition et la prcarit immunitaire exposent le patient alcoolique des

    pathologies infectieuses comme la mningite tuberculeuse.

    F. Syndrome alcoolique ftal

    Les mres alcooliques et dnutries risquent daccoucher de nourrissons souf-frant dune dysmorphie et dun retard mental.La prvention de ces complications frquentes, graves et souvent associesentre elles est essentielle. Elle fait appel la vitaminothrapie systmatique detout patient alcoolique chronique vu en consultation ou en hospitalisation, sur-tout sil existe une dnutrition, un amaigrissement. La dsintoxication supposedenvisager avec le patient sa situation personnelle sociale et professionnelle, de

    lui donner des informations sur les diffrentes modalits possibles de prise encharge, daide sociale et psychologique, sur les possibilits daide pour unsevrage en ambulatoire ou lors dune hospitalisation.

    Points cls Les complications neurologiques de lalcoolisme rsultent des effets toxiques directs de lalcool, des

    carences vitaminiques, de latteinte dautres fonctions (ex. : hpatique) et des accidents induits (ex. :traumatismes).

    Leur prvention systmatique par supplmentation vitaminique est essentielle. Il est ncessaire dinformer le patient quant aux modalits de prise en charge pour unsevrage ambulatoire ou hospitalier.

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