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Université catholique de Louvain Biogéographie GEOG 2160 M. Baguette R.A. Wesselingh deuxième trimestre 2001–2002 (GEOG) deuxième quadrimestre 2001–2002 (BIOL) 1

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Université catholique de Louvain

BiogéographieGEOG 2160

M. BaguetteR.A. Wesselingh

deuxième trimestre 2001–2002 (GEOG)deuxième quadrimestre 2001–2002 (BIOL)

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INTRODUCTION

La biogéographie est une discipline biologique. Si la physico­chimie concerne les éléments inorganiques du milieu, les sciences biologiques abordent l'étude des éléments vivants. Ceux­ci sont formés d’entités de plus en plus complexes, des macromolécules à la biosphère. Ils peuvent être envisagés à partir de différents points  de vue scientifiques :

–la structure (morphologie)–la composition (systématique)–la distribution spatiale (chorologie)–la distribution temporelle (chronologie)–le fonctionnement (physiologie)

La biogéographie s’adresse aux mêmes entités biologiques que l’écologie : les organismes, les populations d’organismes, les communautés, les écosystèmes et la biosphère. Le point de vue scientifique diffère : l’écologiste envisage la structure, la composition et le fonctionnement alors que le biogéographe aborde la distribution spatiale et temporelle. Les domaines de l’écologie et de la biogéographie ne sont pas superposables, mais se chevauchent partiellement et se complètent : localiser un taxon dans la biosphère est l’affaire du biogéographe ­ mais toute localité est un habitat pour l’écologiste ; rechercher le déterminisme actuel de la distribution des taxons est le travail de l’écologiste ; en élucider le déterminisme passé ressort du domaine du biogéographe.

Définition de la biogéographie

La biogéographie est la discipline de la biologie qui étudie les organismes vivants et  leurs groupements dans leur répartition spatiale et temporelle, comme dans leur relation avec les différents éléments de l’espace géographique. L’originalité de la biogéographie est la prise en compte simultanée de l’espace (localisation actuelle et passée) et du temps (histoire). La biogéographie n’est pas seulement descriptive, elle est également dynamique : la reconstitution de l’histoire du peuplement biotique implique de remonter aux causes qui régissent les répartitions. La biogéographie fait donc nécessairement appel à d’autres disciplines, que celles­ci relèvent des sciences biologiques ou non ­ elle est par essence une science de synthèse.

Domaines de la biogéographie

Les deux domaines de la biogéographie sont la géographie botanique, ou phytogéographie, et la géographie zoologique, ou zoogéographie. Idéalement, ces deux domaines, séparés pour des raisons pragmatiques, devraient être traités simultanément.

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LA STRUCTURE DES PAYSAGES VÉGÉTAUX

Notions de base

La flore est un ensemble abstrait, liste des espèces recensées sur un territoire donné. La flore est riche si elle comprend un grand nombre d’espèces, donc une diversité spécifique élevée. La végétation se rapporte au même nombre d’espèces recensées sur le même territoire, en mettant l’accent sur les modalités d’être des unes par rapport aux autres, et de situation par rapport au milieu. Une végétation peut mètre monotone, alors que la flore est riche. La végétation originale d’une région peut avoir disparu sous l’action de l’homme, alors que la flore est toujours présente. Faune est plus que l’homologue de flore : elle désigne à la fois l’ensemble abstrait (la liste) et l’ensemble interactif de toutes les espèces.

La végétation, ou tapis végétal, est une des composantes du paysage, qui intègre le modelé géomorphologique, le climat, le vivant, le sol, l’anthropique, ... Le paysage se définit comme une unité physionomique existant au sein de l’espace géographique, caractérisé par une combinaison dynamique d’éléments géographiques (physiques et biotiques) réagissant les uns sur les autres. Chaque paysage correspond donc à un mode d’adaptation de la végétation et de l’activité humaine aux conditions du milieu qui leur sont offertes.

Le paysage est donc un ensemble géographique indissociable qui occupe une portion bien définie de l’espace géographique. Il peut être décrit, cartographié, intégré dans une classification hiérarchisée. On peut ainsi subdiviser l’espace sur une base objective et globale, suivant une démarche rationnelle, scientifique. Or le paysage peut posséder une identité impossible à analyser en termes précis, dépendant de relations esthétiques ou affectives que l’observateur entretient avec lui. Cette composante socioculturelle rend plus complexe la notion de paysage et oblige à l’intégrer dans un système de valeur.

Critères utilisés pour décrire et classer les végétations

Les critères utilisés pour définir les végétations sont nombreux. On peut, arbitrairement, les grouper en trois rubriques: critères physionomiques, critères écologiques et critères phytosociologiques.

Critères physionomiques

L’aspect global d’une végétation, sa physionomie, peut être appréhendée grâce à plusieurs éléments :• dimension et forme de croissance : la taille dépend des conditions stationnelles, 

de la nature des espèces et de la forme de croissance ;• densité et abondance relative des espèces : la densité de la végétation permet de 

séparer la végétation fermée, qui couvre le sol de façon continue, et la végétation ouverte lorsque le peuplement est discontinu et permet d’apercevoir le sol entre 

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les plantes. L’abondance relative ajoute un trait qualitatif qui précise la description : une seule espèce peut être dominante, deux ou plusieurs espèces peuvent être codominantes ;

• stratification : la disposition de la végétation dans l’espace vertical est également un critère physionomique. Quatre strates (étages) sont généralement retenues : la strate arborescente, la strate arbustive, la strate herbacée et la strate muscinale ;

• activité humaine : l’action de l’homme modèle certaines végétations à un point tel qu’une référence à ses interventions se révèle parfois indispensable.

Critères écologiques

Critères par définition relationnels, ils sont soit indirects, liés à l’environnement, soit directs, décrivant l’adaptation morphologique ou physiologique des espèces. Ils contribuent à la physionomie de la végétation, montrant bien le caractère arbitraire des groupes de critères tels que présentés ici :• mésologiques : critères indirects relevants soit des propriétés du substrat, du 

climat ou de la situation topographique. À une échelle différente, des critères géographiques peuvent prendre le relais, établissant une relation entre un type de végétation et une localisation dans l’espace géographique, révélatrice du complexe écoclimatique ;

• écophysiologiques : critères directs qui décrivent les adaptations fonctionnelles de la végétation. Le rythme des saisons joue un rôle capital, en opposant les végétations sempervirentes, constamment vertes aux végétations caducifoliées, défoliées durant la mauvaise saison, sèche ou froide. La périodicité de la physionomie de la végétation peut provenir de la succession des phénophases (germination, débourrement gemmaire, floraison), qui déterminent la variation de l’aspect du tapis végétal (aspect printanier, aspect estival, ...) ;

• éthologiques : critères directs relevant les adaptations morphologiques particulières (dimension des feuilles, succulence, sclérophyllie). Ces critères déterminent la forme biologique, critère global d’adaptation au milieu.

Critères phytosociologiques

Interviennent dans toute analyse détaillée de la végétation :• la composition floristique détaillée, qui est le critère qualitatif de base : c’est la 

liste exhaustive des espèces présentes, réparties par strates ;• l’identification de groupes socio­écologiques, c’est­à­dire de sous­ensembles de 

la liste floristique complète qui présentent des exigences écologiques analogues, déterminées a priori. Ces groupes rassemblent des espèces indicatrices, présentant des besoins écologiques voisins qui diffèrent significativement d’autres ensembles spécifiques éventuellement présents dans le même habitat ;

• la structure dans l’espace qui joue un rôle important dans la démarche phytosociologique : la stratification nécessite une description spécifique de la répartition des organes végétaux dans l’espace ;

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• la dominance d’une ou de plusieurs espèces, éventuellement dans chaque strate séparément, qui peut être quantifiée via la mesure du recouvrement et/ou de l’abondance de chaque espèce, strate par strate ;

• la sociabilité, qui renseigne sur les modalités de distribution des espèces. Elle dépend de la dissémination, de la multiplication végétative, de la compatibilité des espèces entre elles, mais aussi des microvariations du milieu.

Les méthodes d’analyse

La méthode physionomique

Cette méthode est utilisée soit pour réaliser une description à petite échelle de la végétation, soit pour indiquer les caractères d’un type de végétation en termes très généraux, préalablement à une étude plus fouillée. La précision du vocabulaire utilisé est capitale.

Les notions de formation et de biome

Dans chaque type de végétation, une ou plusieurs espèces imposent une physionomie particulière, grâce à leur prédominance. C’est surtout la forme de croissance de ces espèces qui joue, qu’il s’agisse d’arbres, d’arbustes, d’herbes ou d’un tapis de cryptogames. Cette physionomie est en grande partie indépendante de la composition floristique de la végétation.

La notion de formation s’applique à des peuplements d’organismes réunis sur un territoire, qui présente dans son ensemble une physionomie caractéristique.

Cette notion peut s’étendre des êtres vivants, quelle que soit leur nature, animale ou végétale, même si ce sont les végétaux qui donnent le ton. Il s’agit alors d’un biome. 

Descriptive au départ, la notion de formation s’est enrichie d’un lien de causalité entre le peuplement biotique et le milieu. La formation végétale se définit alors comme un ensemble d’espèces réunies sur un territoire déterminé et appartenant à des formes de végétation précises, qui se seront assemblées sous l’influence de conditions propres au milieu auquel elles se sont adaptées.

Les principaux types de formation

La définition et la classification des formations (ou des biomes) se fait sur base des critères physionomiques précités (dimension, forme biologique), mais aussi des conditions de milieu qui permettent leur présence. 

La méthode phytosociologique

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Cette méthode prend largement en compte des critères de composition floristique pour mettre en évidence, décrire et classer les communautés végétales. Deux étapes : (1) analyse de la végétation, par confection de listes floristiques et estimations quantitatives de différents aspects de la végétation (relevés de végétation) et (2) synthèse, par comparaison des différents relevés.

Le placeau étudié : homogénéité et dimension

Pour être comparable, les relevés doivent être effectués en se conformant à certains principes concernant le choix et la dimension de la surface à relever. Le relevé doit être effectué sur une surface homogène du point de vue physionomique : il ne doit pas chevaucher une lande et une pelouse, une forêt et une clairière ou se trouver en lisière de forêt. Cette homogénéité doit également être floristique, édaphique et  topographique.

L’homogénéité floristique peut être éprouvée par le test de l’aire minimale. Il suffit de relever toutes les espèces sur une surface échantillon délimitée en un endroit apparemment homogène. On ajoute ensuite à la première liste toutes les espèces qui apparaissent chaque fois que l’on double la surface. On peut représenter une courbe du nombre d’espèces en fonction de la surface. Elle présente d’abord une pente raide, qui s’infléchit progressivement pour former un plateau. À partir d’une certaine dimension de l’échantillon, l’aire minimale, l’augmentation de la surface ne s’accompagne pratiquement pas d’un gain d’espèces.

Ce plateau a une limite, au­delà de laquelle la courbe s’élève à nouveau brusquement avec l’apparition de nouvelles espèces. L’homogénéité floristique est donc garantie sur une surface comprise entre l’aire minimale et le deuxième point d’inflexion de la courbe. La dimension maximale mise en évidence correspond à un individu d’association ; au­delà de cette dimension il y a passage à un individu d’association différent.

Pour une végétation donnée, la taille des individus d’association sera très différente en fonction des conditions écologiques, alors que la surface minimale est relativement constante. Par contre, l’aire minimale varie fortement en fonction du type de végétation (de quelques dm2 pour les groupements fontinaux à quelques ares pour les groupements forestiers et à quelques km2 pour les groupements désertiques).

La technique du relevé

La première étape est de localiser précisément la position géographique du placeau retenu pour l’analyse. Sa dimension et les caractères stationnels (altitude, pente, exposition, nature du substrat) sont également soigneusement notés.L’étape suivante est l’analyse de la végétation, qui se fait en deux temps : • L’étude de la structure de la végétation consiste à établir la manière dont les 

constituants de l’individu d’association sont agencés dans le plan vertical. La stratification aérienne est particulièrement évidente en forêt, mais on la retrouve également en prairie ou tourbière. De bas en haut, on distingue une strate cryptogamique (le plus souvent muscinale), une ou plusieurs strates herbacées, 

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éventuellement une strate de chaméphytes, une strate sous­arbustive (0.5­2 m), une strate arbustive (2­10 m) et une ou plusieurs strates arborescentes. Il existe aussi une stratification souterraine des appareils racinaires dans le sol.

• L’inventaire consiste à dresser, strate par strate, la liste des espèces présentes. Chacune d’elle est alors affectée de deux coefficients, celui d’abondance­dominance et celui de sociabilité. Dans chacune des strates, chaque espèce est représentée par un certain nombre d’individus qui lui confère une certaine densité, une certaine abondance ; ces individus occupent une surface très variable, ils sont plus ou moins dominants, leur recouvrement est plus ou moins important.

En pratique, l’abondance et la dominance sont estimées à partir d’une échelle conventionnelle ; la plus courante est semi­quantitative à 6 niveaux :

–la cote 5 signifie que les individus de l’espèce considérée occupent plus de 75 % de la surface du relevé (quel que soit leur abondance) ;

–la cote 4 indique un recouvrement compris entre 50 et 75 % ;–la cote 3 le situe entre 25 et 50 % ;–la cote 2 signifie que les individus sont très abondants ou qu’ils recouvrent au 

moins 5 % de la surface du relevé ;–la cote 1 caractérise des individus suffisamment abondants, dont le recouvrement 

est faible ;–+ signifie que le nombre d’individus et le recouvrement sont très faibles.

Le degré de recouvrement de la végétation, et donc son aspect ouvert ou fermé, découle de l’abondance­dominance des diverses espèces.

Les individus d’une même espèce peuvent se présenter en pieds isolés, ou en colonies plus ou moins denses. Ce caractère, la sociabilité, est également évalué grâce à une échelle semi­quantitative :

–5 : espèce en peuplement presque pur–4 : espèce en colonies ou troupes importantes–3 : espèce en tache ou coussinets–2 : espèce en touffe–1 : individus isolés

L’organisation horizontale de la végétation (par opposition à la stratification) dépendra de la sociabilité de chaque espèce.

La synthèse

La synthèse consiste à comparer et classer progressivement les relevés en fonction de leurs ressemblances et différences. Le tableau brut rassemble en ligne les espèces et en colonne les relevés ; il est progressivement remanié par déplacement des colonnes. Lorsque les relevés forment des tableaux homogènes, ces derniers représentent des groupements végétaux différents.

L’unité fondamentale en phytosociologie est l’association végétale. On peut la comparer à l’espèce : l’une et l’autre résultent de la comparaison d’individus dont on s’attache à dépasser les caractères particuliers pour déterminer les caractères communs. L’association est donc fondamentalement une abstraction : les individus d’association ne rassemblent pas nécessairement tous les caractères de leur 

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association, ils présentent des variations telles qu’un individu ne ressemblera jamais exactement à un autre.

L’association végétale est désignée par le nom d’une ou deux espèces parmi les plus représentatives (dominantes). Le suffixe ­etum est ajouté au nom de gente, le nom de l’espèce étant au génitif. L’Alnetum glutinosae est l’association de l’aulne sur sol eutrophe. Si deux espèces sont utilisées, seul le radical de la première est mentionné : Alno­Sphagnetum est l’aulnaie sur sols tourbeux acides.

Une précision écologique est parfois ajoutée au nom de l’association : Xerobrometum désigne les pelouses xérophiles à Bromus erectus. De même, un renseignement géographique peut être mentionné : Molinia atlanticum est l’association des prairies de fauche hygrophiles à Molinia du domaine atlantique.

L’association trouve sa place dans une hiérarchie de catégories qui lui sont supérieures ou subordonnées. Au sein d’une association, le phytosociologue distingue des unités inférieures, qui ne présentent pas de caractéristiques propres hormis celles de l’association à laquelle elles se rattachent. La sous­association se discerne par la présence d’espèces différentielles, qui s’y rencontrent avec un degré de présence plus élevé que dans les autres sous­associations reconnues au sein du même groupement.

Les associations sont groupées en fonction de leur affinité floristique en alliances, caractérisées par le suffixe ­ion (Alnion glutinosae), celles­ci en ordres, suffixe ­etalia (Fagetalia) et ces dernières en classes, suffixe ­etea (Querco­Fagetea).

L’approche écosystémique

Toute végétation, qu’elle soit considérée comme une formation ou un individu d’association, héberge un lot plus ou moins important d’espèces animales, de champignons, de bactéries. L’approche écosystémique consiste à étudier, dans une étape plus synthétique, le tapis végétal du point de vue de la totalité des organismes qui partagent les mêmes conditions de vie, de façon à mettre en évidence les relations d’interdépendance qui existent entre eux. Ce niveau d’organisation plus complexe, la biocénose, englobe les groupements végétaux (phytocénose), animaux (zoocénose) et de micro­organismes (mycocénose et microbiocénose) uni sur un même territoire.

Les liens qui unissent les différents éléments de la biocénose expliquent que la destruction de l’un d’eux ou que l’introduction massive d’une espèce perturbe complètement son équilibre. La disparition des lions et des léopards de l’Atlas marocain y a provoqué la dégradation intense des cédraies, suite à l’accroissement dramatique du nombre de singes qui exercent une action néfaste sur les cimes.

Après avoir décrit les biocénoses, et préciser leur position par rapport à d’autres biocénoses, il reste à saisir leur fonctionnement comme celui d’un superorganisme en relation avec son environnement. L’ensemble de tous les organismes, des relations qui les unissent et de toutes leurs interactions avec le milieu constitue un écosystème, c’est­à­dire un système fonctionnel qui inclut une communauté d’organismes vivants et leur environnement. 

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Tout écosystème comprend donc les biocénoses réunies dans un espace donné, ainsi que les facteurs de l’environnement (climat, sol, ...).

Le terme d’écosystème s’applique à des biocénoses et à leur environnement quelle que soit l’échelle spatiale : une souche d’arbre avec sa végétation et les communautés animales dans leur milieu est un microécosystème ; un massif forestier est un mésoécosystème et un océan un macroécosystème. L’intégration de tous les écosystèmes aboutit à un gigantesque écosystème, la biosphère. 

On peut donc distinguer différents niveaux de complexité parmi les sous­systèmes de la biosphère, depuis les écosystèmes de premier ordre correspondant au niveau structure et composition aux grands biomes (toundra, taïga), jusqu’aux microécosystèmes (souche) en passant par des systèmes de rang intermédiaire (étang). Quoiqu’ils soient distincts, ces niveaux ne sont pas des entités indépendantes, mais il existe des relations entre eux. L’aulnaie du bois de Lauzelle influence aussi bien l’écosystème ruisseau qui la traverse que l’écosystème étang qu’elle abrite, alors qu’elle même est conditionnée par le régime des précipitations de l’ensemble du bassin versant dont elle n’occupe qu’une portion limitée. L’interdépendance et l’intrication des différents écosystèmes contigus est une réalité dont il faut tenir compte.

Dans l’écosystème, tous les membres de la biocénose doivent disposer d’énergie pour croître ou se maintenir en vie. Sans cette condition, l’écosystème meurt. Cette énergie provient en dernier ressort du milieu abiotique. Les êtres vivant absorbent et font circuler de l’énergie et des matières, qu’ils finissent par restituer à l’environnement. Énergie et matière sont accumulées et réparties dans le biotope, mais les montants disponibles fluctuent en fonction des conditions biotiques propres à l’écosystème mais aussi en fonction des conditions abiotiques qui règnent dans l’écosystème de rang supérieur.

Les écosystèmes sont des systèmes ouverts, qui échangent sans arrêt de l’énergie avec les systèmes contigus.

Les écosystèmes possèdent des degrés de complexité très différents ; ils sont d’autant plus stables que leur complexité est grande ou que leur diversité est élevée.

Classification des écosystèmes

Les critères qui servent à classer et à hiérarchiser les écosystèmes sont fonctionnels et relationnels.Ils sont basés sur :• les conditions prévalentes de milieu : écosystèmes aériens, terrestres, aquatiques ;• la biomasse et la productivité primaire ;• les facteurs limitant cette biomasse et cette productivité, ainsi que la biomasse et la 

productivité des consommateurs et des décomposeurs ;• l’accroissement régulier, ou la perte régulière, de matière, notamment par 

sédimentation de matière organique ;• le rôle relatif des producteurs secondaires (minéralisateurs et autres 

décomposeurs), comme des consommateurs primaires (herbivores) ou secondaires (prédateurs) ;

• l’impact de l’homme.

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Contrairement à certains concepts, celui d’écosystème possède une pure valeur de catégorie, sans aucune implication hiérarchique, comme taxon ou communauté.

Les différents niveaux de classification sont :• les mégaécosystèmes, unités d’ordre supérieures, repose sur le premier critère ci­

dessus : M marins, L dulçaquicoles, S amphibies ou semi­terrestres, T terrestres, U urbanisés­industriels

• les macroécosystèmes, subordonnés aux précédents, se séparent sur base des critères 2 et 4. Le système forêt est un macroécosystème

• les mésoécosystèmes sont l’unité de base de la classification (forêt décidue tempérée)

• les microécosystèmes, emboîtés dans le précédent, y ajoutent des caractères différentiels, par exemple géographiques (forêt décidue tempérée de l’étage montagnard ou des plaines et basses collines)

• les nanoécosystèmes sont des systèmes incorporés au sein des microécosystèmes (une dépression humide dans la forêt décidue tempérée de l’étage montagnard)

Du point de vue de la hiérarchie des écosystèmes, on peut séparer les écosystèmes naturels ou semi­naturels, dont l’existence repose presque exclusivement sur le soleil comme source d’énergie, des écosystèmes artificiels dépendant de sources d’énergie fossile ou atomique. Cette distinction sépare les 4 premières catégories (M, S, L, T) de la cinquième (U).

Des critères structuraux (comme la stratification) ou écophysiologiques (comme la phénologie) peuvent encore intervenir pour subdiviser les unités, quel que soit leur rang, en sous­écosystèmes.

L’approche dynamique

La colonisation des espaces nus

Une biocénose ne se constitue pas immédiatement : elle s’édifie lentement, progressivement. Les premiers colons viennent de peuplements situés parfois très loin du nouvel espace à conquérir. Le passage d’un sol nu à un paysage où les végétaux jouent un rôle plus ou moins accusé peut s’observer lorsque l’évolution géomorphologique ou géologique, ou encore l’activité humaine libèrent de nouveaux terrains (éboulis au pied de falaises rocheuses, atterrissements alluviaux, moraines abandonnées par les glaciers, lave refroidie, sable éolien, cultures abandonnées, ...).

Les modalités d’installation des nouveaux occupants dépendent de nombreux facteurs :

–texture du sol (sol meuble ou roche compacte)–pH–teneur en Ca, en N–perméabilité du sol à l’eau ou aux gaz–accessibilité–concurrence

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Les pionnières sont les espèces qui colonisent les espaces nus (eau douce, sable dunaire, rochers, terrains remaniés par l’homme).

Les groupements pionniers sont les ensembles plus ou moins organisés composés par les espèces pionnières. Si un groupement apparaît, cela suppose l’arrivée, l’installation et le maintien des espèces qui le composent. Tout cela dépend• d’une sélection géographique, en rapport avec le pouvoir de dissémination et de 

migration des espèces ;• une sélection écologique : seules les espèces adaptées aux conditions locales se 

maintiennent, les autres disparaissent dès le début de leur développement ;• une sélection sociologique, liée à la compétition : chaque espèce doit pouvoir 

supporter la concurrence des espèces qui l’entourent.

 Si le milieu est constamment rajeuni (érosion éolienne, éboulis), les groupements pionniers peuvent se maintenir très longtemps.

Climax et série

Au départ d’un sol nu ou abandonné par les cultures, on voit se constituer ou se reconstituer en un lieu une formation analogue à celle qui, dans les environs immédiats (mêmes conditions de climat et de sol) n’avait pas subi depuis quelques décennies, voire quelques siècles, l’atteinte de l’homme.

Cette végétation, en équilibre avec les conditions du climat et du sol, apparaît donc comme le stade final d’une évolution dont on peut définir les étapes successives : c’est la végétation climax, ou simplement climax ( «  qui va par étape jusqu’à son terme » en grec).

La végétation en question est donc la résultante d’une évolution dont chaque étape est comparable à chacun des barreaux d’une échelle. L’évolution est progressive si les étapes successives rapprochent du stade climax ; elle est régressive si l’intervention d’un facteur provoque le retour vers un état moins avancé. Le terme ultime de cette régression, ou dégradation, peut être un sol nu, éventuellement intensément érodé. Si le facteur contrariant s’efface, une nouvelle évolution progressive peut s’amorcer au départ d’une étape quelconque de la dégradation ; si les conditions du milieu ne se sont pas altérées, cette évolution peut même mener au climax.

Le climax est une notion importante en biogéographie, car elle met en relation la végétation et les facteurs du milieu. L’équilibre dynamique du stade climacique est conditionné par les relations entre les éléments impliqués (sol, climat, végétation). 

Le climax suppose la fixité des caractères climatiques. Or le climat varie, à l’échelle du millénaire, à l’échelle du siècle.

Le climax suppose que l’action de l’homme cesse, ou quand l’homme n’intervient pas. Dans de nombreuses régions à la surface du globe, cette situation n’est plus ou n’est pas réalisée depuis longtemps. D’où la difficulté, voire l’impossibilité de désigner le climax dans ces régions.

La série, ou sère désigne l’ensemble constitué par la végétation climacique, par les étapes qui y conduisent au départ des groupements pionniers, et par celles qui en dérivent par dégradation. En général, la série part du sol nu, passe par l’installation 

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d’un stade pionnier (cryptogames tels algues ou lichens, thérophytes), suivie du stade pelouse ouverte, puis pelouse fermée, lande herbeuse, lande à chaméphyte, fourré et enfin forêt. Si le point de départ est un substrat sec, il s’agira d’une xérosère ; par contre, si le stade initial est aquatique ou mouilleux, il s’agira d’une hydrosère.

Les méthodes d’observation

Habituellement, l’évolution de la végétation est lente et l’observation directe est rare. La dynamique de la végétation se déduit plutôt de manière indirecte, en comparant les groupements végétaux ou encore en recherchant des stades intermédiaires.

Les relevés échelonnésCeux­ci ne sont utilisables que lorsque la succession est rapide relativement à l’échelle de la vie humaine, comme lors de l’assèchement de marais après drainage ou de la fixation des dunes. L’observation directe se fera par la méthode des carrés ou transects permanents, ou par comparaison de photographies prises à intervalles réguliers. Se rattachent également aux relevés échelonnés l’analyse stratigraphique des tourbes et l’analyse palynologique de dépôts accumulés au cours de périodes géologiques.Documents historiquesL’étude des documents historiques, comme les plans cadastraux ou les archives abbatiales fournit des renseignements précieux. En Belgique, la carte levée par Ferraris (carte de cabinet des Pays­Bas autrichiens, 1770) est très utile.

Analyse de la végétation actuelleL’analyse de la végétation actuelle est également très informative. La zonation de la végétation, déterminée par la variation d’un facteur écologique, permet souvent de tirer des conclusions d’ordre dynamique. Un bon exemple est fourni par l’atterrissement progressif des pièces d’eau par les alluvions et la végétation. Mais en général c’est l’étude comparée des groupements vivants côte à côte qui permet de retracer le dynamisme de la végétation. On peut rechercher s’ils sont liés par des états intermédiaires et, grâce à l’examen du degré de développement ou de la vitalité de certaines espèces, il est possible de déterminer si celles­ci constituent les restes du groupement précédent ou, au contraire, l’amorce de l’évolution vers le stade suivant. Il s’agit donc de séparer les espèces relictuelles, à vitalité et capacité de reproduction réduite, des espèces pionnières attestant de l’évolution ultérieure du tapis végétal.

Les stades terminaux

Lorsque le climat et le sol le permettent, le stade ultime de l’évolution est une forêt. Si ces conditions sont homogènes sur de vastes étendues, il en résulte de vastes massifs forestiers également homogènes. Cependant, le climax forestier ne se réalisera pas en climat froid (région arctique ou haute altitude), ou sec, ou encore lorsque la nature du sol est défavorable (pauvre, salé). Le climax est alors une formation arbustive ou herbacée, parfois à faible densité de végétation.

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À chaque climat correspond donc un climax particulier : la forêt feuillue décidue est le climax des climats tempérés froids, la forêt sclérophylle sempervirente est le climax des climats méditerranéens, la taïga correspond au climat boréal... Chacun des biomes qui se relaient de l’équateur aux pôles est le climax de ces latitudes, suivant le climat qui y règne.

Dans une même région climatique, différentes séries peuvent se développer au départ de milieux écologiques différents. Fort influencées au départ par la nature du substrat, elles peuvent, en mûrissant, converger progressivement vers un type de végétation unique représentant le climax régional.

En général, au fur et à mesure que la série progresse, les caractères édaphiques tendent à s’effacer devant les caractères climatiques. L’ensemble des séries convergentes forme un complexe de climax, le climax unique étant appelé monoclimax.

À l’échelle d’une zone climatique, le climax est rarement unique. La théorie du polyclimax admet que différentes communautés végétales, bloquées dans leur évolution à l’échelle humaine, demeurent distinctes à l’intérieur d’un territoire climatiquement uniforme, pour des raisons édaphiques, topographiques ou anthropiques. L’ensemble de ces communautés forment un essaim climacique.

La succession des communautés pionnières est généralement assez rapide, quelque dizaine d’années en moyenne. Par contre, celle des stades arbustifs et arborescents, et surtout la maturation de la forêt finale, est beaucoup plus longue et peut demander un à plusieurs siècles. La courbe traçant l’évolution des communautés végétales en fonction du temps est une sigmoïde. Cette constatation est surtout utile pour les forestiers : à l’approche du plateau, au moment où le groupement climacique est déjà reconnaissable, la biomasse est plus importante que dans les stades âgés, caractérisés par le ralentissement de la croissance typique de la maturité. Ce stade, qui correspond au début du palier de la courbe, est appelé le plésioclimax. Il correspond, en pratique forestière, à la durée d’une révolution (entre 60 et 100 ans).

Jusqu’à présent, nous avons considéré que les séries étaient réversibles et que la reconstitution d’une végétation dégradée se faisait en passant par les mêmes stades que ceux qui sont observés durant la régression. Cela n’est vrai que lorsque les conditions de milieu n’ont pas été modifiées.

La coupe à blanc et/ou l’incendie de forêt amènent tous deux en une seule opération du climax au sol nu. Le reboisement massif d’une parcelle ayant subi une longue succession de stades intermédiaires constitue le processus inverse. Dans les deux cas, les stades intermédiaires sont court­circuités. Ces deux extrêmes coexistent à côté de cas où, dans le déroulement de la série, un facteur se trouve modifié par action humaine le plus souvent, et où le stade ultime n’est pas le mieux développé. Ce terme, optimal étant donné les conditions, clôt la série.

Mais si le milieu est altéré et l’évolution progressive conduit à un faux climax, un stade climacique qui n’appartient pas à la série originale, celui­ci sera qualifié de paraclimax. La série menant à ce paraclimax est une série de communautés de  substitution.

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Des groupements pionniers qui se maintiennent suite à l’action d’une cause de rajeunissement intervenant périodiquement sont qualifiés de groupements permanents. C’est le cas de groupements d’éboulis, de communautés lacustres, de prés de fauche, …

La dynamique de la végétation telle qu’elle est présentée suppose l’homogénéité des conditions climatiques. Il est clair que l’altération du milieu, et donc du climat, en relation avec l’évolution géologique de la biosphère, entraînera un changement dans la nature du climax. L’alternance de périodes glaciaires et interglaciaires, humides ou désertiques va engendrer une succession de climax dont les traces sont superposées dans les assises géologiques ou les niveaux palynologiques.

Classement dynamique des végétations

L’unité supérieure du classement dynamique est la série. Les unités subordonnées sont la sous­série et le faciès.

Comme le classement phytosociologique, le classement dynamique se fonde sur la notion d’association. Il accorde cependant plus d’importance aux stades terminaux, quitte à négliger certains stades pionniers ou intermédiaires. Un stade terminal est généralement une association forestière telle que définie par le phytosociologue. 

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NOTIONS DE CHOROLOGIE

Autochorologie

Les données analytiques de base sont des observations directes sur le terrain, ou des pointages de collection ou de catalogues. Lorsqu’elles sont suffisamment nombreuses, elles sont reportées sur carte sous une forme plus ou moins élaborée. 

Les données qui ne peuvent être reportées sur une carte ne relèvent pas de la biogéographie. Par contre, il y a d’autres techniques d’analyse et d’interprétation des données biogéographiques que la cartographie. 

L’aréologie

Modes de représentation des aires

Les méthodes cartographiquesIl a trois catégories de modalités du report sur carte : les représentations « ponctiformes », les reports par territoire administratif et la cartographie en réseau. 

La méthode la plus simple, la représentation ponctiforme, consiste à représenter  par un point (ou autre symbole) chacune des localités où le taxon a été recensé. Cette méthode dépend de l’échelle adoptée, en fonction de la taille relative des symboles utilisés. Elle est également liée au nombre de stations enregistrées par rapport au nombre réel de stations. Idéalement, chaque localité du taxon doit apparaître sur la carte ; en pratique cela ne se produit que lorsque le taxon n’est confiné qu’a de rares stations.  Les cartes basées sur ce mode de représentation ont l’avantage d’être précise et objective, en figurant l’espèce là où on peut réellement la rencontrer. Par contre elles sont peu synthétiques et ont le défaut de suggérer que l’espèce n’existe pas là où le symbole qui la représente est absent. Cette technique de représentation est donc à utiliser lorsque l’enquête est extrêmement fouillée, pour ne pas dire exhaustive, de manière à minimiser la sous­estimation inhérente à la méthode.

La deuxième technique consiste à indiquer la présence ou l’absence d’un taxon dans  chaque division administrative d’un certain niveau (comté, canton, département, préfecture). La surface réellement occupée est exagérée, mais cela corrige la sous­estimation inévitable de la première méthode. L’absence d’adéquation entre limites phytogéographiques et politiques rend cependant cette méthode peu précise, sauf à petite échelle.

La technique la plus précise actuellement, celle qui ouvre le plus de potentialités, est la cartographie en réseau. Elle consiste à superposer une grille à une carte ; les cases  de cette grille vont s’appuyer sur des coordonnées géographiques. La présence du taxon est recherchée dans chacune des cases. Les avantages manifestes de cette méthode résident dans la dimension et la taille constante des mailles. De plus, le choix de la dimension de la maille peut se faire après la prospection, en fonction de la finesse demandée par la synthèse, mais aussi d’impératifs liés à la reproduction.

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L’aire d’un taxon se définit comme la surface circonscrite par la (ou les) courbe(s) qui englobe(nt) toutes les populations connues du taxon considéré. La statique et la dynamique des aires forme une partie importante de la biogéographie, l’aréologie. Le tracé de l’enveloppe est une extrapolation à partir des connaissances acquises sur la distribution du taxon. Les cartes représentant une aire stipulent que le taxon peut être observé à l’intérieur du périmètre tracé, mais pas toujours en chaque point de la surface circonscrite.

La structure des aires

Le mode de répartition d’un taxon à l’intérieur de son aire est précisé par la topographie aréale : en général l’entièreté de l’aire n’est pas occupée, mais il existe des irrégularités (exemple : espèces dulçaquicoles).

Les notions de compacités aréales et d’irradiation complètent la topographie aréale. Suivant cette conception, une aire présente deux portions plus ou moins caractérisées : une partie centrale, dans laquelle les stations ne sont jamais séparées par des distances excédant le pouvoir de dispersion normal de l’espèce, et l’autre constituée par les irradiations, ou postes avancés, formées par les stations périphériques détachées de la partie dense de l’aire. Ces irradiations peuvent constituer une documentation essentielle pour reconstituer l’histoire du taxon en cause, en étant des stations fossiles ; il ne s’agit alors ni d’irradiations ni de postes avancés, mais du contraire.

La dimension des aires va de l’aire minuscule de taxons confinés en une seule localité, jusqu’aux aires qualifiées de cosmopolites. En général, les espèces dont l’aire est très vaste ont toujours une aire plus importante que les groupements dont l’aire est la plus étendue. Les taxons d’un groupement donné ont toujours une aire plus vaste que celle du groupement auquel ils contribuent. 

Un taxon en expansion progresse selon ses capacités de dissémination, son pouvoir de dispersion, tant qu’il ne se heurte pas à une barrière (climatique, topographique, édaphique...). Sa vitesse de progression dépendra également des conditions de milieu rencontrées. De toute manière, une espèce en expansion finira par buter contre une ou des barrières qui façonneront l’aire en fixant ses limites. 

Une espèce en expansion aura une aire dont le périmètre est régulier et la topographie homogène. Au contraire, une espèce en régression sera caractérisée par une aire irrégulière ­ voire discontinue ­ à topographie très hétérogène. En effet, en contractant son aire de distribution, l’espèce abandonne des populations relictuelles dans des stations favorables où les conditions édaphiques, microclimatiques ou l’exposition compensent le macroclimat en dégradation. 

Le centre d’origine d’une aire, plus souvent appelé centre d’une aire, désigne le lieu probable de différenciation du taxon, à partir duquel il aura essaimé pour conquérir l’aire qu’il occupe ou qu’il a occupé. 

Les théoriciens adhèrent actuellement à la théorie du monotypisme : un même taxon ne peut trouver son origine qu’à un et un seul lieu de la biosphère, par opposition au polytypisme. Ce dernier peut exister dans le monde réel : les autotétraploïdes, nés du doublement du génome, peuvent constituer d’excellentes espèces bien individualisées, parce qu’ellse sont incapables de se reproduire avec l’espèce ancêtre. Ce processus peut se produire partout dans l’aire de distribution du 

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taxon et donc ces espèces polytypiques ont comme centre d’origine l’ensemble de l’aire du parent. 

D’autre part, dans certains cas, rechercher un centre d’origine n’a pas réellement de sens : il est parfois impossible de désigner un lieu géographique précis où le taxon a pris naissance. Par exemple, l’allotétraploïdie permet l’échange de gènes entre des systèmes totalement isolés à l’état 2n. Par exemple, trois espèces de Vaccinium nord­américaines, tétraploïdes et interfertiles, sont rencontrées en contact lors des migrations du Pléistocène (V. arkansanum, V. simulatum, V. australe). Ainsi, un vaste essaim d’hybrides, appelé V. corymbosum, a colonisé, après le retrait des glaciers, les espaces propices à son développement. Il n’y a donc pas de centre d’origine précis ; c’est l’ensemble du territoire occupé par les différents parents qui constitue l’aire d’origine du taxon considéré.

Le centre de fréquence désigne le ou les lieu(x) de l’aire où la population est la plus dense, qu’il s’agisse d’individus, de populations ou d’individus d’association. Ce centre de fréquence ne correspond pas nécessairement au centre d’origine du taxon. 

Le centre de variation d’une aire se définit comme le lieu où l’espèce présente le polymorphisme le plus accusé. Si le taxon est stable du point de vue systématique, le centre de variation est impossible à désigner. Par contre, chez les espèces dont l’aire présente une certaine étendue, le polymorphisme sera plus probable, apportant la distinction de taxons infraspécifiques. Le centre de variation ne se superpose pas nécessairement au centre d’origine : il représente souvent l’endroit où l’habitat est le plus diversifié. Ce concept de centre de variation peut s’appliquer à des taxons de rang plus élevé que l’espèce (genre, famille...).

Le centre de dispersion coïncide chez les taxons de souche récente au centre d’origine. Par contre, chez les espèces qui ont connu au cours de leur longue histoire toutes sortes de vicissitudes, il est possible de localiser plusieurs centres de dispersion, parfois éloigné du centre d’origine réel. Ces centres de dispersion actuels sont des centres d’origine secondaire ou des refuges (centres de conservation) d’où les populations préservées peuvent partir à la conquête d’une nouvelle aire. 

La forme des aires est variable et contrôlée par de nombreux facteurs. En principe, une aire est circulaire, suite à la dissémination aléatoire des diaspores. Donc, tous les taxons présentant des aires régulières concentriques auraient un centre d’origine commun. Par exemple les 5 taxons arctiques Stellaria radians, Smilacina  dahurica, Rubus humulifolius, Carex globularis et Maianthemeum bifolium auraient un centre d’origine en Sibérie orientale et se seraient dispersés ensuite vers l’ouest. Cette tendance fondamentale à la forme circulaire va être contrecarrée par la zone d’influence des macroclimats : ceux­ci s’étirent plus en latitude qu’en longitude. Les aires vont donc avoir tendance à adopter la forme d’une ellipse dont le grand axe est orienté Est­Ouest.

L’aire est continue, d’un seul tenant, lorsque la distance entre les stations d’un taxon ne dépasse pas celle que peut couvrir la capacité normale de dispersion de l’organisme considéré. Par contre, une aire est discontinue lorsque les distances entre stations dépassent de loin la capacité normale de dispersion du taxon. Il s’agit là d’une question de degrés, entre aires continues et aires disjointes, toutes les 

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transitions existent – on parle alors d’aires fragmentées – et seuls les cas extrêmes sont clairs. 

Les aires occupées grâce à l’action de mécanismes de dispersion naturels, l’homme mis à part, sont dites naturelles. Par contre, les espèces ou groupements qui se sont étendus par l’intermédiaire des activités humaines sont dites artificielles. Il s’agit d’un acte volontaire (introduction de plantes vivrières ou ornementales) ou involontaire (introduction accidentelle avec le fourrage ou la laine). Si l’homme favorise l’extension de certaines espèces au­delà de leur aire naturelle, il réduit l’aire de beaucoup d’espèces par certaines pratiques (appropriation de nouveaux terrains, emploi de pesticides, etc.).

Les aires relictes ont une dimension actuelle qui est en retrait sur celle conquise dans le passé : elles sont souvent contractées et devenues discontinues. Il existe deux catégories d’aires relictes : les relictes géographiques et les relictes évolutives.

Les relictes géographiquesLors de la régression du taxon, quel qu’en soit l’agent causal (climatique, biotique, ...), l’aire présentera d’abord une topographie moins dense. Le taxon se réfugie dans des localités­abris, où les conditions climatiques lui conviennent le mieux et où la compétition est la moins intense. Si le processus se poursuit, ces abris deviennent de plus en plus rares, l’aire se contracte ou se fragmente.

Une aire relictuelle ne présente pas de structure type. Légère, la régression ne va affecter l’aire que dans sa périphérie, en y grignotant les « marches », c’est­à­dire les zones où les conditions d’ambiance atteignent un seuil critique. Dans ce cas, le caractère relictuel est difficile à déceler, seules les marges de l’aire étant rongées.

En général cependant, la régression abandonne des populations d’arrière­garde plus ou moins nombreuses et étendues ; l’aire devient alors disjointe. Si les populations occupent des stations très limitées, elles sont alors qualifiées de refuge.

La différence entre populations refuges et avant­poste d’un taxon en expansion est affaire de distance entre les stations isolées et la partie compacte de l’aire de distribution. Si cette distance est inférieure à la dispersion des diaspores, la station est probablement un avant­poste témoin d’une progression de l’aire. Dans le cas contraire, il s’agira d’une régression.

Les relictes évolutivesCe sont les taxons qui ont survécu à l’extinction de la plupart des membres de leur lignée. Leur aire est en général réduite à un territoire minuscule (île, massif montagneux). Elle peut cependant couvrir de très vastes territoires, dont la dimension et la forme ne renseignent pas sur le type d’aire dont il s’agit.

C’est l’étude des fossiles et des affinités systématiques du taxon qui pourront fournir les arguments en faveur de leur appartenance au groupe biogéographique des relictes évolutives, en fournissant des critères de nature paléontologique et phylogénétique.

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Ces reliques sont souvent de véritables fossiles vivants, maillons isolés d’une longue chaîne, témoins d’époques révolues. Il arrive même que le fossile soit décrit et classé avant même le représentant vivant de la lignée.

C’est le cas du genre Metasequoia, connu du Crétacé au Pliocène. Les derniers représentants ont été découverts en 1945 en Chine. Même chose pour le poisson cœlacanthe Latimeria, pêché en 1936 au large du Mozambique, dont les spécimens les plus récents dataient de 70.000.000 d’années, au Crétacé supérieur.

Ces fossiles vivant ont échappé très localement à la sélection naturelle, qui a favorisé ailleurs l’installation de nouveaux venus, mieux adaptés aux conditions environnementales du moment.

Les aires disjointesLes aires disjointes posent des problèmes passionnants aux biogéographes. On distingue habituellement les discontinuités majeures (transocéaniques, bipolaires) des discontinuités de moins grande ampleur (transcontinentale). En règle générale, les disjonctions au niveau spécifique sont de moins grande ampleur que les discontinuités au niveau des genres, elles­mêmes plus réduites par rapport aux disjonctions qui se produisent au niveau des familles.

Au niveau spécifiqueChez Daboecia cantabrica, la disjonction est de type atlantique : elle se rencontre en Irlande d’une part, dans les Asturies d’autre part. En dehors de ces deux aires principales, existent des localités éparses dans le sud­ouest de la France.

La distribution de Rhododendron ponticum dans le bassin méditerranéen est également un exemple de disjonction modérée. Un des foyers est ibérique (Algesiras et Algarve), le deuxième est méditerranéen oriental (Syrie) et le troisième est pontique (Bulgarie méridionale, Turquie européenne et Caucase oriental). Des fossiles interglaciaires sont connus, de gisements actuels mais aussi de localités plus septentrionales. Actuellement, R. ponticum est considéré comme une espèce relicte, qui aurait évolué depuis l’isolement des trois populations pour donner trois variétés : baeticum (ibérique), brachycarpum (libanaise) et ponticum (pontique).

De nombreuses espèces présentent une disjonction arctique­alpine. Par exemple, Ranunculus pygmaeus a une aire morcelée qui s’étend aux Alpes, la toundra arctique et aux Rocheuses nord­américaines.

Les disjonctions amphiatlantiques sont nombreuses, comme Lycopodium inundatum. Certaines espèces (Spiranthes romanzoffiana) sont mêmes limitées à l’Irlande en ce qui concerne leur distribution européenne, alors que leur aire nord­américaine est beaucoup plus vaste.

Au niveau génériqueLes disjonctions de type bipolaires sont particulièrement remarquables. Il se rencontre dans de nombreux genres (Empetrum, Primula, Littorella, ...), mais aussi au niveau spécifique chez des Bryophytes ou au niveau de familles ou d’ordres. D’autres genres (Poa, Juncus, Luzula, Epilobium, Galium) présentent cette distribution mais avec des relais intertropicaux montagnards. De nombreux genres à distribution intertropicale présentent des disjonctions importantes, comme les Pandanus qui se 

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rencontrent en Afrique occidentale et en Asie. Le type de disjonction Gondwanienne (Inde, Afrique et Australie) est rare chez les végétaux ; l’exemple classique est celui du baobab (Adamsonia).

Parmi les disjonctions bien étudiées, on peut citer les cas de disjonction Pacifique­Nord: le genre Liquidambar, les paires d’espèces Liriodendron tulipifera et Hamamelis  virginiana en Amérique du nord atlantique – L. chinense en Chine et H. japonica au Japon. 

Les disjonctions australes comportent un type antarctique (continent Antarctique, Amérique du sud méridionale, Nouvelle­Zélande, Australie et îles océaniques), dont le meilleur exemple est celui du genre Notofagus. 

Au niveau des famillesLes familles peuvent elles­mêmes être affectées de disjonctions, sot intra­, soit intercontinentales. Par exemple, dans la famille des Sarracéniacées, le genre Sarracenia (6 espèces) est exclusif de l’Amérique du nord­est, alors que le genre Darlingtonia (1 espèce) ne se rencontre qu’en Californie, et le genre Heliamphora (1 espèce) est caractéristique de la Guyane britannique.

La famille des Vochysiacées est un bel exemple de disjonction intercontinentale. Son aire principale est en Amérique du sud ; il existe cependant un genre en Afrique. 

Les causes des disjonctionsCertains cas de disjonctions ont des causes intrinsèques aux taxons, que ce soient des régressions historiques ou des colonisations à longue distance. Ce sont alors des cas d’espèces, dont il faut limiter la généralisation. 

Par contre d’autres disjonctions proviennent d’altération historique des conditions du milieu. Par exemple, les modifications de la répartition des terres ou des mers, ou encore des migrations divergentes causées par diverses vicissitudes climatiques au cours des périodes géologiques.

Les taxons dont l’aire persistent tout au long des cycles saisonniers présente une aire permanente, par opposition à ceux dont l’aire fluctue en fonction des saisons. Ceux­ci ont des aires temporaires dont les limites se reproduisent habituellement d’un cycle annuel à l’autre.

La comparaison d’aires de taxons différents permet de séparer les aires allopatriques, qui s’excluent mutuellement, des aires sympatriques, qui se superposent.

Vicariance et endémisme

Il y a vicariance lorsqu’un taxon ou une biocénose propre à un milieu donné remplacent un autre taxon ou une autre biocénose, dans un milieu analogue ou non au premier. 

Cette substitution peut s’opérer dans le temps aussi bien que dans l’espace : les taxons peuvent de succéder dans la même région ou dans le même type de biotope, soit saisonnièrement, soit à des intervalles très rapprochés de l’histoire de la biosphère. Il s’agit dans ce cas d’une vicariance chronologique. 

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Il y aura vicariance chorologique lorsque des taxons apparentés (ou des biocénoses analogues) occupent de manière synchrone dans des biotopes identiques ou non, des aires allopatriques, OU lorsque des taxons ou des biocénoses sans aucun lien de parenté occupent simultanément des niches écologiques identiques au sein de régions géographiques différentes.

L’endémisme désigne l’aire d’un taxon lorsqu’elle est notablement inférieure à l’aire d’un taxon de son rang. 

La vicariance chronologiqueDans ce cas, c’est le facteur temps qui joue ; l’espace intervient également, mais il est subordonné par rapport à l’histoire. Un exemple classique est celui des Dinosauriens ; leur extinction à la fin du Crétacé (charnière ère Secondaire – ère Tertiaire, il y a 65 millions d’années) a comme conséquence une radiation adaptative des Mammifères. Dinosaures et Mammifères sont donc considérés comme vicariants : ces deux groupes étaient adaptés aux principaux biotopes et leur biologie paraît avoir été aussi variée.

La vicariance chorologique

Vicariance vraie ou vicariance phylétiqueIl y a vicariance phylétique lorsque des aires s’excluent mutuellement tout en appartenant à des taxons étroitement apparentés. Par exemple, l’oléastre (Olea  silvestris), ancêtre sauvage de l’olivier cultivé a une aire de répartition qui se superpose au bassin méditerranéen. L’Olea laperrini vivant dans les chaînes montagneuses du Sahara central en est vicariant.Dans cette acception, la notion de vicariance ne s’applique qu’aux paires ou groupes d’espèces allopatriques ; il n’apparaît entre elles aucune forme intermédiaire.

Par ailleurs, l’écologie de ces paires ou groupes d’espèces n’est pas nécessairement identique. Des niches écologiques homologues peuvent cependant les abriter ; il s’agira alors d’une vicariance double, à la fois écologique et phylétique.

L’origine de ces vicariants est à rechercher :• dans l’isolement de populations par disparition des formes intermédiaires ;• dans l’évolution divergente des intermédiaires vers les formes actuellement 

vicariantes ;• lorsqu’il n’y a pas d’intermédiaire, dans l’évolution de l’une des espèces qui 

engendrera la seconde de la paire.La pseudovicarianceLorsque des taxons sans liens phylétiques proches sont disjoints et qu’ils sont adaptés à des habitats identiques, on parle de fausse vicariance, ou pseudovicariance. Par exemple, les steppes herbeuses continentales constituent un milieu favorable aux grands herbivores vivant en troupeaux et adaptés à la course. En Amérique du Nord, ces steppes comme la Grande Prairie du Midwest abritent les bisons et l’antilope Pronghorn ; en Eurasie, ce sont les chevaux et les ânes sauvages qui occupent cette niche écologique. Ces espèces écologiquement équivalentes présentent de remarquables phénomènes de convergence.

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La vicariance écologiqueLa vicariance écologique porte sur les cas où les partenaires s’excluent mutuellement dans des biotopes différents de la même région biogéographique. La vicariance édaphique est un cas particulier de vicariance écologique: par exemple, les espèces calcicoles et calcifuges d’une même région (Dactylorhiza maculata vs. D. fuchsii) ou encore les espèces dulçaquicoles vs. les espèces des eaux saumâtres.

L’endémismeUn taxon est endémique lorsque son aire de distribution est manifestement inférieure à l’aire moyenne d’un taxon de ce rang. Les aires endémiques prennent donc le contre­pied des aires cosmopolites.

Le taux d’endémiques est représentatif de l’histoire biotique de la région. Voici du nord au sud, une série de massifs montagneux et le taux d’endémisme des orophytes que l’on y rencontre :

Massif montagneux Taux d’endémismeAlpes 20 %Corse 38 %Atlas 75 %Tibesti 60 %Massifs volcaniques d’Afrique orientale 81 %

En règle générale, • les taxons endémiques sont en général des espèces rares, attirantes pour les 

naturalistes ;• l’endémisme est un phénomène exceptionnel : la limitation étroite d’une aire de 

distribution demande une explication ;• les territoires riches en endémiques sont généralement considérés comme des 

foyers de création d’espèces.

Le problème de l’endémisme est lié à celui de la spéciation. L’utilisation de critères cytotaxonomiques permet de distinguer les endémiques anciens (paléoendémiques) des récents (néoendémiques). Dans un groupe de taxons voisins, les endémiques 2n (diploïdes) sont les paléoendémiques, les endémiques 4n (tétraploïdes) des néoendémiques. 

Richesse et diversité floristique

La richesse et la diversité de la flore d’un territoire sont des critères très utiles notamment du point de vue de la phytogéographie historique. Pauvreté, richesse ou diversité sont des notions évidentes, qui s’appliquent sans difficulté lorsqu’on 

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compare deux groupements. Par contre au niveau de la comparaison de territoires, il est nécessaire de comparer des surfaces de référence qui aient le même ordre de grandeur ou alors de s’assurer que les méthodes utilisées permettent de négliger les différences.

La richesse aréale

La richesse spécifique augmente en fonction de la surface. Cette croissance est rapide au début lorsqu’on envisage des surfaces réduites (du domaine de l’analyse phytosociologique). Elle s’aplatit ensuite, pour des aires croissantes correspondant à des surfaces de l’échelle des Flores. La pente remonte enfin, pour une échelle correspondant à des territoires chorologiques de niveau supérieur.

Le comportement de cette courbe est comparable, pour des continents différents. Il est dès lors possible de comparer la richesse spécifique de différents territoires en utilisant une même surface de référence ; cette valeur conventionnelle est la richesse aréale. L’aire conventionnelle est de 10.000 km2. 

La courbe aire­espèce a été modélisée par Gleason (1925) ; elle a pour équation k • N = S, ou (log k) • N = log S, où N est le nombre d’espèces et S la surface.

La cartographie des valeurs de richesse aréale permet de relever les constatations suivantes :• Sur des territoires continentaux de climat sensiblement égal, les richesses aréales 

ont des valeurs voisines : 1300 pour la France, 1200 pour la Rhénanie, 1100 pour la Pologne, 1400 pour la Hongrie.Si on s’intéresse à des contrées plus distantes, où les espèces sont différentes (Europe vs Amérique du Nord), la richesse aréale demeure du même ordre : Maryland 1200, Californie 1500. Tout se passe comme si un équilibre s’était établi, de telle sorte que la richesse aréale, dans les conditions fixées, était un invariant eu égard à la variété des espèces.

• Dans les régions continentales où l’eau ne manque jamais, la richesse aréale augmente des pôles vers l’équateur. Il existe une relation linéaire entre la température moyenne et log S. Dans la gamme de –15°C à 27°C, le nombre d’espèces double chaque fois que la température augmente de 7,5°C. 

• La flore des régions sèches est plus pauvre que celle des régions humides contiguës, dans une proportion pouvant atteindre 1 à 10. Sahara : 150, Kabylie : 1500 ou encore Mauritanie : 150, Maroc : 1300. 

• Dans les massifs montagneux, la richesse diminue si l’altitude augmente. Entre la plaine et la limite des forêts (2200 m), la richesse est divisée par 2. Au­dessus, dans les zones alpines et nivales, la division par 2 est obtenue par une ascension de 100 à 200 m seulement. 

• 5. Les îles rapprochées du continent (détroit de quelques km) ou celles qui en sont séparées par des seuils de 20 à 60 m (Grande­Bretagne, Java, Bornéo, Groenland) ou encore celles qui sont situées dans les régions de plissement récent (Cuba) ont une richesse aréale supérieure ou au moins égale à celle des régions continentales de climat analogue. Pour les autres, en particulier les îles océaniques, la richesse aréale est franchement inférieure à celles des terres voisines. Plus on s’éloigne de 

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la grande terre, plus les richesses aréales des îles sont faibles (Canaries : 1500, Madère : 1150, Açores : 720). 

• La proportion de cryptogames par rapport aux plantes vasculaires reste approximativement la même sur de vastes étendues continentales. Mais cette proportion est plus élevée sur les îles que sur les continents, surtout sur les îles océaniques lorsqu’on s’éloigne de la terre principale : Maroc, 13 %, Canaries : 32 %, Madère : 53 %, Açores : 73 %, Madagascar : 75 %, La Réunion : 160 %, St Paul et Amsterdam : 500 %. Le record est détenu par de petites îles perdues en plein océan : Tristan da Cunha : 500 %, Ascension : 540 %. Cela signifie que les grands traits de la composition floristique, et l’équilibre biologique qu’ils représentent, ne sont pas les mêmes sur les îles et sur les continents. Il ne peut y avoir de communications récentes, sinon l’équilibre se serait rétabli. Une communication ancienne serait plausible, surtout si l’on se souvient que les cryptogames vasculaires sont archaïques. Mais si les plantes à graines sont malgré tout présente, pourquoi leur diversification aurait­elle progressée moins vite que sur les continents, et ce d’autant moins vite que l’île est lointaine ?Il faut donc admettre que les îles ont toujours été des îles, peuplées en tant qu’îles. Les cryptogames vasculaires, plus aptes à la dispersion, ont été avantagés par rapport aux plantes à graines, et ce d’autant plus que l’île est éloignée des terres d’origine. La pauvreté des flores des îles océaniques, surtout des plus petites, et leur composition différentes de celles des continents, attestent donc que ces flores ont été composées par des apports par­dessus ou par­delà les océans et les bras de mer. 

La diversité générique

En plus de la richesse, la diversité permet de caractériser les flores. En phytogéographie, la diversité a surtout été étudiée au niveau des genres. Un bon indicateur de la diversité générique est l’indice de Jaccard : I = 100 • G/N, où G est le nombre de genres et N le nombre d’espèces.

Cet indice n’est utilisable que pour comparer des groupements ou des populations relevées sur des surfaces du même ordre de grandeur et sous des conditions de milieu analogue. En effet, si cet indice est indépendant du caractères des flores, il sera fonction de l’étendue des territoires, de la richesse aréale et de l’environnement.

Les territoires phytogéographiques

La composition de la flore peut demeurer quasi constante sur de vastes territoires, comme lorsque sur une même latitude, s’enchaînent toute une série de plaines. Ailleurs, cette composition peut se modifier brusquement lorsqu’une discontinuité géographique (structurale ou climatique) impose des barrières.

D’autre part, les aires des taxons peuvent présenter des dimensions très diverses. Certains d’entre eux jouent localement un rôle prépondérant, mais s’effacent, sans disparaître complètement, d’autres contrées. 

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Ces observations ont conduit, dès le siècle dernier, à cartographier ces différences en définissant les limites, plus ou moins précises, entre flores dissemblables. C’est ainsi qu’est née la notion de territoire phytogéographique.

Un territoire phytogéographique se définit le mieux par le degré d’originalité de sa flore et de sa végétation. 

Méthodologie

Différents procédés permettent de définir les ensembles floristiques originaux, de localiser les territoires où se produisent des « coupures floristiques », de situer plus ou moins précisément les limites de ces groupes, et enfin de les hiérarchiser.

La comparaison des airesLorsque les aires des taxons sont bien connues, il est possible de les comparer et de rapprocher celles qui ont des caractères communs pour enfin individualiser les territoires dans lesquels se manifestent de nombreuses corrélations. Par exemple, la coïncidence des aires du chêne vert (Quercus ilex), du chêne kermès (Quercus  coccifera), de l’arbousier (Arbutus unedo), du pistachier (Pistachio terebinthus), de l’olivier (Olea europaea), du pin d’Alep (Pinus halepensis), de la phyllaire (Phyllaria  angustifolia), du laurier rose (Nerium oleander) et du platane d’Orient (Platanus  orientalis). Les limites de toutes ces aires se superposent plus ou moins rigoureusement autour du bassin méditerranéen.

Les gradientsOn peut, suivant différents axes, déterminer le nombre d’espèces présentes en effectuant un déplacement donné. En chaque point, ce nombre est comparé avec sa valeur établie dans la station de départ. La chute floristique ou faunistique est le nombre d’espèces qui disparaît à chaque étape. 

Sur base de la concordance des aires de taxons, de la détermination de gradients floristiques, de la similarité de la flore et de la végétation, on détermine alors les territoires floristiques. Les subdivisions majeures sont les empires floraux, au nombre de 6 : holarctique (paléarctique et néarctique), paléotropical (africain, malgache, asiatique, malais, pacifique), néotropical, australien, antarctique et du Cap.

Les empires comprennent des régions (37), qui se subdivisent ensuite en domaines, secteurs et districts. 

Les régions naturelles et les territoires biogéographiques belges

La Belgique est localisée dans la région eurosibérienne, à proximité de la région méditerranéenne. 

La région méditerranéenne couvre la plus grande partie du bassin méditerranéen et correspond aux aires des familles, genres et espèces constitutives de la forêt sclérophylle méditerranéenne et des formations qui en dérivent par dégradation (maquis, garrigue).

La région eurosibérienne comprend : • ­ un domaine boréal qui couvre la plus grande partie de la Scandinavie, la Finlande 

et le nord de l’ex­URSS ;

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• ­ un domaine atlantique couvrant les îles britanniques et une bande longitudinale étroite allant de la Norvège au sud du Portugal et qui traverse le Danemark, Les Pays­Bas, la Belgique, la France et le nord­ouest de l’Espagne ;

• ­ un domaine centroeuropéen, à l’est du précédent, qui s’étend jusqu’à l’Oural depuis le sud de la Suède, les pays baltes, les pays slaves, l’Autriche, l’Allemagne et les montagnes de l’Europe moyenne.

La Belgique, entièrement située dans la région eurosibérienne, est coupée en deux par la limite séparant le domaine atlantique (secteur atlantique nord) et le domaine  centroeuropéen (secteur subatlantique). La frontière entre les deux domaines est sujette à controverse :

–le sillon Sambre­et­Meuse, d’Erquelinne à Kessenich ;–sur la Meuse, de Charleville à Kessenich ;–la bordure nord du massif ardennais.

On admettra que la Haute Campine, la Hesbaye et l’Entre­Sambre­et­Meuse constituent une large bande de transition entre les deux domaines.

Le secteur atlantique­nord compte six districts :• le district côtier, avec les dunes littorales et les slikkes et schorres des estuaires ;• le district poldérien, dont la végétation a été protégée des transgressions marines 

par des digues depuis le moyen âge et s’est individualisée ;• le district fluviatile scaldéen, caractérisé par des marées d’eau douce ;• le district flandrien, à sols sablonneux le plus souvent argileux, fertiles et occupés 

depuis longtemps par une agriculture intensive ;• le district campinien, à sol sablonneux pauvre utilisé par l’agriculture depuis le 

siècle dernier seulement ;• le district picardo­hesbignon, s’étalant de la frontière française jusqu’au Limbourg 

hollandais.

Le secteur subatlantique comprend quant à lui :• le district dinantais, couvrant la vallée de la Meuse de Chooz à Namur, ainsi que 

les basses vallées de ses affluents (Lesse, Viroin, Hermeton) ;• le district fluviatile mosan, comprenant la vallée de la Meuse en aval de Maastricht 

(souvent rattaché au district picardo­hesbignon) ;• les districts sambriens et mosans (le premier ayant un caractère plus atlantique) ;• les districts thiérachien et ardennais, couvrant l’Ardenne siliceuse éodévonienne ; le 

premier borde le district sambrien au sud d’une ligne allant de Momignie à Treigne, en passant par le sud de Chimay et Couvin ;

• le district lorrain, sur les assises jurassiques et triasiques, jouissant d’un climat plus doux et plus sec que l’Ardenne.

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Synchorologie

Jusqu’à présent, ce sont les caractères structuraux et fonctionnels des végétations qui ont été abordés. Nous allons envisager maintenant la diversité du tapis végétal et les différentes formes qu’il peut adopter.

Zones de végétation et végétations intrazonales

La diversité de la végétation dépend de causes historiques et de causes actuelles. Parmi ces dernières, ce sont les sols, les climats et les facteurs biotiques qui jouent un rôle déterminant, en réalisant un complexe de conditions permettant, ou au contraire interdisant à tel ou tel type de peuplement biologique de s’installer et de se maintenir. Le fondement de la synchorologie passera dès lors par une étude des grands types de sol et de climat. 

Quel que soit le système de définition des unités de végétation utilisé, l’analyse d’un planisphère figurant les grandes unités de végétation montre que bon nombre de celles­ci se distribuent de manière zonale. En suivant d’un pôle à l’autre une série de méridiens (20°E, 75°O), on retrouve des séquences analogues : toundra, taïga, forêts décidues tempérées, forêt sclérophylle de climat méditerranéen, steppes semi­désertiques, …

La comparaison de ce planisphère illustrant la répartition des grands biomes avec une carte consacrée à la répartition des climats indique clairement que ce déterminisme des végétations est à mettre en relation avec les conditions d’ambiance, en particulier le climat et dans une moindre mesure le sol. 

Les facteurs climatiques influençant la répartition des végétations sont, par ordre d’importance :• la zonation latitudinale des températures issue de la forme de la terre et l’oblicité 

des rayons solaires, à laquelle s’ajoute la variation saisonnière du régime des températures due à l’oblicité du plan de l’écliptique et les irrégularités de la zonation thermique due aux courants marins ;

• la zonation latitudinale (moins régulière) du régime des précipitations, conditionnée par la répartition des terres et des mers et l’altitude, ainsi que la variation saisonnière des précipitations ;

• la quantité annuelle d’irradiation et la durée du jour.

Les sols zonaux sont en équilibre avec le climat.À côté de ces végétations zonales, certaines formes de végétation peuvent 

apparaître dans chacune des bandes latitudinales dès que certaines conditions édaphiques sont réunies (d’une certaine manière, indépendamment du climat). Ce sont les végétations interzonales, telles les mangroves ou les prés salés.

Quelle que soit la zone biogéographique, l’altitude entraîne une altération rapide des conditions de milieu, aussi bien sur le plan climatique qu’édaphique. Dès lors, au sein des formations zonales, les chaînes de montagne créent de véritables îles sur le plan biogéographique. Chaque massif est engagé dans le milieu zonal dans lequel il s’insère : les Préalpes de Savoie dans la zone des forêts décidues tempérées, la chaîne 

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des volcans échelonnée le long du graben africain dans la zone des forêts intertropicales et des savanes, etc. Mais dès que l’altitude augmente, la flore et la végétation vont changer suivant la modification progressive de l’ambiance. 

La richesse aréale, l’endémisme, les adaptations morphologiques et physiologiques, le cortège floristique vont témoigner de l’influence de l’altitude. 

Aperçu des grands types de végétation

Les formations zonales

Dans l’hémisphère nord, on peut distinguer les zones suivantes :• de l’équateur jusqu’à 10°N, la zone équatoriale possède une moyenne thermique 

de 24 à 28°C; les amplitudes saisonnières sont inférieures aux variations thermiques diurnes; les précipitations sont élevées toute l’année et les régions arides y sont exceptionnelles. La forêt ombrophile équatoriale en est le climax ; elle couvre des surfaces importantes en Amérique centrale et dans le bassin de l’Amazone, en Afrique centrale et dans l’Asie du sud­est, y compris l’Indo­Malaisie ;

• entre les latitudes 10° et 30°N, la zone tropicale (les Tropiques sont situées à 23° 27'). En moyenne, la température n’est pas beaucoup plus basse que dans la zone précédente ; elle peut même être plus élevée car l’isotherme 30°C (ou équateur thermique) traverse le Sahara, sous le Tropique. Les amplitudes thermiques diurnes sont toujours plus élevées que les amplitudes saisonnières. Par contre, les précipitations laissent place à une saison sèche assez marquée, qui coïncide avec la saison la moins chaude. Le climax est représenté par des forêts tropophiles dont l’aspect change en fonction des saisons : une proportion plus ou moins grande des essences y perdent leurs feuilles en saison sèche. Les forêts de mousson font partie de cette catégorie. Dans cette zone, les forêts claires, les savanes et les régions arides occupent de vastes surfaces ;

• entre 30° et 40°N, il y a une zone de transition dont la température moyenne est comprise entre 16°C et 22°C. L’hiver est marqué mais il reste tiède. En fonction du régime des précipitations, on peut distinguer :–un ensemble de régions bien arrosées, à climat subtropical proprement dit dont le 

climax est formé de forêts d’arbres à grandes feuilles coriaces et persistantes, les laurisilves, comme en Floride, dans la partie méridionale du Japon ou dans certaines parties de la Chine ;

–un ensemble de régions plus sèches, caractérisée par un creux des précipitations pendant l’été. Le climax en est la forêt sclérophylle sempervirente, à arbres à feuilles petites, dures et souvent épineuses, qui se rencontre dans la région méditerranéenne (bassin de la Méditerranée, Californie, centre du Chili près de Valparaiso, sud de l’Afrique, sud de l’Australie) ;

–un ensemble de régions arides.

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• de 42° à 55°N, c’est la zone tempérée (à l’exclusion de la partie méditerranéenne). La température moyenne est comprise entre 7°C et 16°C avec un hiver froid et des précipitations comprises entre 600 et 1200 mm par an suivant les régions. Le climax en est la forêt feuillue tempérée ; de vastes zones cultivées en Europe et en Amérique du Nord proviennent de son défrichement.

• de 55° à 65°N s’étale la zone tempérée froide, ou zone boréale. La température moyenne annuelle varie entre 0°C et 6°C. L’hiver y est rude et la bonne saison (pour la végétation) est courte. Les précipitations sont modérées et bien distribuées tout au long de l’année. Le climax est la forêt boréale sempervirente (taïga en Sibérie, forêt hudsonnienne au Canada) ; c’est une forêt de résineux, paucispécifique mais dense.

• au­delà du 65e parallèle (le cercle arctique est à 67°N), s’étendent les zones subarctiques et arctiques. La moyenne thermique annuelle est inférieure à 0°C. Les précipitations sont peu abondantes, mais en raison du froid, il n’y a pas de saison sèche. Le climax est la toundra, formation basse sous­arbustive à herbacée. 

Dans l’hémisphère sud, les zones équatoriales et tropicales sont sensiblement symétriques à celles de l’hémisphère nord. Par contre, les autres zones sont différentes en ce sens qu’a latitude égale, les températures moyennes sont plus basses et donc les limites des zones homologues se situent à des latitudes plus basses. De plus, les masses continentales étant réduites, les zones subtropicales et tempérées sont peu développées et l’équivalent des zones boréales et arctiques est escamoté.

Régions arides et régions désertiques

Une période sèche est définie comme la période au cours de laquelle la moyenne des températures en °C est supérieure à la moitié de la lame d’eau en mm tombé au cours du même laps de temps. Plus la période est longue, plus la région est aride ; si elle couvre tout le cycle annuel, le pays est désertique. 

Dans la zone tropicale, les irrégularités géographiques et saisonnières du régime des précipitations ont conduit au remplacement de la forêt sur de vastes espaces par une formation herbacée associée ou non à des arbres : la savane. Si la lame d’eau s’abaisse encore (< 200 mm), la savane passe au semi­désert, dont le tapis végétal est discontinu et formé de petits arbres, d’arbustes et d’herbacées.

En­dessous de 100 mm de précipitation annuelle, c’est le désert, qui forme une immense bande à travers l’Afrique, de la Mauritanie à la Mer Rouge et se perpétue jusqu’au désert de Sind au Pakistan. Sur le continent américain, des zones de désert existent dans le SO des États­Unis et le N du Mexique (Sonora, Chihuahua, Mojave), dans le nord du Chili (Atacama), dans une partie de l’Afrique du Sud (Kalahari, Namib) et dans le centre de l’Australie.

Dans les zones tempérées, de vastes territoires subissent également l’aridité : le nord du Sahara forme la transition entre le désert et la région méditerranéenne), du centre de l’Asie Mineure (Iran) à travers le Turkestan jusqu’au centre de la Chine 

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s’étend une vaste zone de steppes, relayées par les steppes de climat plus tempéré de la Hongrie jusqu’à la dépression aralo­caspienne.

En règle générale, l’aridité en zone tempérée est moins accusée : si la forêt est exclue, en raison des hivers rudes et des étés chauds, le désert ne peut s’installer. En plus des steppes eurasiatiques citées ci­dessus, il faut ajouter la grande Prairie du centre des États­Unis, la pampa argentine et le veld sud­africain. 

Les végétations forestières d’Europe occidentale

Trois grands ensembles de végétation peuvent être distingués dans la zone ouest du continent eurasiatique. Ceux­ci sont organisés en larges bandes latitudinales, sur les trois régions arctique, eurosibérienne et méditerranéenne. 

La région eurosibérienne est divisée en quatre domaines, le domaine atlantique, le domaine boréal, le domaine centro­européen (ou médio­européen) et le domaine pontique­pannonien. 

Les trois domaines les plus méridionaux comporte chacun un sous­domaine de hautes montagnes : les Pyrénées et le Massif Central dans le domaine atlantique, les Alpes et leurs prolongements (Jura, Dinarides et Apennins) dans le domaine centro­européen et les Carpates dans le domaine pontique.

Le tapis végétal climacique potentiel serait la forêt, rattachée à plusieurs biomes. Mais ces forêts, quelle que soit leur nature, ont été défrichées de longue date et sont remplacées par leurs stades de dégradation ou plus souvent encore par des végétations de substitution. 

Le domaine boréal

La végétation climacique du domaine boréal est formée de forêts sempervirentes de conifères, la taïga. Ce biome est caractéristique de l’hémisphère nord, dans des régions à hiver long et couverture neigeuse abondante.

CompositionLa simplicité floristique des phytocénoses est remarquable. Le nombre de genres arborescent est faible, et pour chacun d’eux, les espèces relativement peu nombreuses se répartissent dans les genres Abies (sapin), Pinus (pin), Larix (mélèze) et Picea (épicéa). 

Malgré cette pauvreté floristique, la végétation donne une impression de puissance : la strate arborescente atteint facilement 30 à 35 mètres, les arbres sont serrés, ont un fût droit et un port pyramidal ou columnaire limitant la couverture neigeuse. Les formations monospécifiques sont fréquentes. Sous la strate dominante, une strate arbustive ou sous­arbustive moins fournie est présente,  composée surtout de feuillus (aulnes, bouleaux, sorbiers). La strate muscinale est souvent dense ; les lichens y sont abondants.

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AdaptationsL’assimilation chlorophyllienne, qui est bloquée pendant l’hiver, peut démarrer à des températures très basses, sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre l’apparition de tissus chlorophylliens nouveaux (sempervirence). La résistance au froid est remarquable : les aiguilles d’épicéa restent en vie à –38°C, celles du mélèze d’Europe tolèrent –40°C alors que celles du mélèze de Sibérie passent sous les –60°C (record à –70°C). 

RépartitionLa taïga s’étend de la Scandinavie au Kamtchatka, sur 15 à 25° de latitude. En dépit de la grande uniformité de l’ensemble, le territoire est si vaste que plusieurs formations végétales se partagent le terrain ; épicéas, mélèze, pins apparaissent sous des races différentes. Ainsi, le pin sylvestre et l’épicéa sont dominants jusqu’à l’Oural ; en Sibérie centrale et septentrionale, ce dernier est remplacé par le pin de Sibérie (Pinus cembra var. sibirica). 

Les domaines atlantiques et médio-européens

La végétation climacique des domaines atlantiques et médio­européens est la forêt tempérée caducifoliée. Le nombre d’espèces arborescentes dans la forêt feuillue est généralement assez faible, du moins en Europe. Parfois une essence domine de manière quasi exclusive, comme le hêtre ; souvent il y a association de deux ou plusieurs espèces, comme dans les chênaies­charmaies ou les chênaies­hêtraies. 

La forêt est stratifiée, avec une strate arborescente principale généralement assez homogène, de 20 à 30 mètres de hauteur en moyenne. La strate arbustive est composée, le cas échéant, de houx, noisetier, cornouiller, aubépine. La strate herbacée dépend de la densité du couvert : souvent, le sol est tapissé, dès le printemps, d’espèces herbacées vivaces, qui ont un cycle très précoces et sont ainsi les premières à bénéficier du réchauffement qui affecte les horizons supérieurs du sol. Elles peuvent donc profiter du maximum de lumière avant la feuillaison des arbres. Ce sont des plantes vernales bulbeuses, comme la jacinthe des bois ou la jonquille, ou rhizomateuses, comme l’anémone sylvie ou la primevère. La forêt tempérée caducifoliée est donc une forêt fleurie, contrairement aux sombres forêts de conifères ou aux forêts équatoriales.

AdaptationsLes phytocénoses de ces biomes comprennent peu d’essence sempervirentes. La période de repos hivernal n’est pas dépourvue de précipitations (comme dans les forêts tropophiles intertropicales), mais elle est froide (sous les ­10°C ­ sans atteindre toutefois les ­25°C). Les épiphytes vasculaires sont absents et la communauté des lianes est pauvrement représentée. 

Les essences de la forêt décidue sont bien armées pour résister aux froids et aux gelées : ceux­ci se produisent lors de la phénophase défeuillée. À ce moment, les bourgeons sont fermés (depuis l’automne), et protégés de la déshydratation par des écailles imperméables. La caducité est donc une réponse aux rudes périodes 

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hivernales, comme d’ailleurs la sempervirence. Le rythme des modifications des frondaisons ­ la phénophase ­ est accusé.

RépartitionEn Eurasie, une large bande boisée s’étend depuis le nord du Portugal et l’Écosse jusqu’au­delà de l’Oural, où le ruban s’amincit, coincé entre la forêt boréale sempervirente et les steppes et semi­déserts de l’Asie centrale et orientale.

Les plaines atlantiquesLes territoires réunis ici comprennent la moitié ouest de la France, la Grande­Bretagne et l’Irlande, la moitié ouest de la Belgique, les Pays­Bas, le nord de l’Allemagne et le Danemark. Les extrêmes sont la pointe méridionale de la Norvège et de la Suède et le nord­ouest de l’Espagne et du Portugal.

Le climat atlantique se caractérise par une température moyenne annuelle de l’ordre de 10°C (8,5°C–14°C), une faible amplitude thermique et des précipitations assez élevées, de l’ordre de 1000 mm par an, réparties régulièrement tout au long de l’année. 

Les forêtsLes végétations forestières climaciques ont été presque complètement détruites et remplacées par des landes, des herbages et des cultures. Il est donc difficile de les définir ; trois grandes formations peuvent être cependant reconnues comme participant à l’essaim climacique.

La chênaie acidophileCaractérisée par le chêne pédonculé (Quercus robur) et le chêne sessile (Quercus  petraea), cette forêt comprend de nombreuses essences caducifoliées, comme le charme ou le bouleau. Les conifères sont absents. La strate arborescente de la chênaie atlantique comporte notamment le houx. Cette forêt, dégradée depuis longtemps, fournit les meilleures terres cultivables d’Europe occidentale (céréales, betterave à sucre) et des pâturages. Son aire s’étend à la plus grande partie du bassin parisien, de la Grande­Bretagne (sauf le nord et le sud) et des parties périphériques de l’Irlande. 

Sur les sols plus acides, notamment sur les dépôts de sable tertiaire, apparaît une chênaie plus pauvre ; ainsi, de la Belgique au Danemark, une bande d’une centaine de km de large en moyenne en arrière de la zone littorale est occupée par la chênaie à bouleaux. Cette formation occupe des sols formés de sables fluviatiles ou éoliens, ou encore des débris de moraines. Les défrichements, plus récents et moins étendus, ont laissé la place, sur ces sols podzoliques, à des cultures de seigle ou d’avoine. 

Symétriquement par rapport au bassin parisien, dans le sud­ouest de la France et en Galice, un vaste massif forestier occupe les sols podzoliques formés sur les sables quaternaires. La végétation potentielle est une chênaie à chêne pédonculé et chêne tauzin. Cette forêt thermophile, de climat plus sec (moins de 700 mm d’eau par an) a fortement régressé sous le coup de la surexploitation et du pâturage ; elle a été supplantée par des reboisements étendus de pin maritime (forêt des Landes). 

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La chênaie neutrophileSur sols alluviaux et sur limons calcaires, apparaît la chênaie à charme, ou à frêne. En Belgique (Brabant) et dans le nord de la France (Picardie), c’est la chênaie­charmaie à jacinthe ; en Grande­Bretagne et dans le centre de l’Irlande, le frène est mieux représenté, associé au tilleul et au noisetier. 

Un type forestier plus méridional, subméditerranéen, se rencontre dans le sud­ouest de la France, entre le massif forestier landais et le massif central, depuis la Charente jusqu’au pied des Pyrénées orientales : la chênaie pubescente y domine largement ; elle comporte de nombreuses espèces thermophiles. 

La chênaie­hêtraieDans les parties plus arrosées (900 à 1500 mm d’eau par an), sur des reliefs même modestes (200 m près du littoral, 400 m plus à l’intérieur), apparaît une bande climacique de hêtraie. Du massif armoricain au Danemark à la Suède et à la Norvège, en passant par la Normandie, la moyenne Belgique, le sud­est de l’Angleterre et l’Allemagne moyenne, diverses associations se relaient : hêtraies acides, neutres, calcicoles, thermophiles et sont entourées, là où les précipitations sont plus faibles, de hêtraies­chênaies (chêne pédonculé), qui font la transition vers les chênaies acidophiles. 

Les landesToutes ces forêts, même lorsqu’elles n’ont pas été défrichées, sont fréquemment dégradées d’abord en taillis de chênes et de bouleaux, puis en landes à bruyères. Ces formations sont constituées de chaméphytes suffrutescents, éricoïdes ou épineux, à feuilles minuscules; elles sont parsemées çà et là de genévriers. Caractéristiques de sols pauvres, elles ne fournissent aux cultivateurs que de maigres récoltes de seigle, de sarrasin ou de pomme de terre. Leur débouché provient alors de l’élevage de la chèvre ou du mouton, qui se suffisent de ces maigres parcours. 

Ces biotopes reposent sur des sables fluvio­glaciaires (Aquitaine, Campine et Flandre, nord­ouest de l’Allemagne, Jutland, Hampshire), ou sur des sables dunaires décalcifiés des cordons littoraux, ou encore sur des sols silicatés (Bretagne, Cornouaille, Écosse, Irlande).

Dans sa forme typique, la lande, qui s’étend sur 2000 km de la Galice à la Norvège, ne s’écarte guère à plus de 200 km du littoral. Vers l’intérieur, elle perd rapidement de son originalité et le cortège de ses constituants finit par se réduire à la seule Callune. La composition du tapis végétal de la lande varie donc en fonction de l’écartement à l’océan, mais elle dépend aussi de la latitude et de l’altitude. La diversité des Éricacées et des Génistées (12 et 15 espèces) s’étend de la Galice au Pays basque. 

Les prairies et mégaphorbiaiesSur les sols plus lourds, plus rétenteurs en eau, comme dans les plaines alluviales ou les vallées étroites, le défrichement et les pratiques pastorales conduisent à d’autres types de végétation. 

Prairies et mégaphorbiaies forment un vaste ensemble d’unités que l’on peut réunir d’une part en un groupe de formations semi­naturelles nées du défrichement 

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suivi de fauches répétées (mégaphorbiaies, prés de fauche) et d’autre part en un groupe de formations sur lesquels l’impact de l’homme est plus marqué, notamment par l’amendement ou l’introduction massives d’espèces sélectionnées (prés pâturés, luzernière).

Les mégaphorbiaiesIl s’agit de végétations denses, où les graminées ne sont pas majoritaires. Elles se rencontrent essentiellement sur des sols frais à mouilleux, sur des banquettes alluviales et souvent enrichis par alluvionnement ou circulation hypodermique de l’eau (ex. mégaphorbiaie à angélique ou à reine des prés).

Les prairiesIl s’agit également de formations herbacées denses, mésophiles ou hygrophiles, mais qui sont cette fois constituées essentiellement de graminées (et de cypéracées), accompagnées d’autres végétaux herbacés. Beaucoup sont des prés de fauche bien entretenus (prairie à fromentale , également appelée arrhéneteraie, prairie à colchique, prairie mouilleuse à bistorte, prairie maigre à flouve et crételle).

Autrefois, ces prés de fauche n’étaient pas amendés ; ils peuvent être considérés comme semi­naturels.

Les jonchaiesCe sont des formations naturelles à semi­naturelles dominées par les joncs et venant sur des sols mouilleux à tourbeux, qui font la transition vers la tourbière proprement dite. Autrefois, beaucoup étaient fauchées.

Les herbagesCe sont les prairies pâturées, nécessairement amendées par le bétail (ou le gibier) qui y passe une partie de l’année. Un apport de l’étable y est fréquent. L’herbe y est souvent rase ; la composition spécifique de la formation révèle l’abroutissement, l’engraissement et le piétinement. Ces prairies peuvent être permanentes ou temporaires ; elles sont alors fauchées deux ou trois ans puis pâturées. Les prairies artificielles sont obtenues par semis et formées d’une ou d’une poignée d’espèces sélectionnées pour leur rentabilité. 

Les pelousesLes pelouses sont des formations naturelles ou semi­naturelles dominées par des graminées rases et qui se rencontrent en général sur des sols secs et peu évolués (rankers, rendzines).

Elles ne font l’objet d’aucun soin cultural, mais elles peuvent être éventuellement maintenues dans leur état ou bloqué dans leur dynamisme par le gibier. 

Du point de vue des formes biologiques, elles peuvent comprendre presque uniquement des annuelles ou au contraire, être dominée par des géophytes et des hémicryptophytes (pelouses dunaires, pelouse calcicole à seslérie, pelouse à nard).

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Les plaines, les collines et les plateaux subcontinentauxLorsque avec l’éloignement de la mer, les influences atlantiques s’atténuent, flore et végétation atlantique s’effacent progressivement. On passe dans une gamme de climats intermédiaire entre l’atlantique et le continental centroeuropéen, appelé les climats subatlantiques. Ils règnent dans l’est de la France, de la Belgique, au Grand­Duché de Luxembourg, et au nord de la chaîne des Alpes jusqu’en Tchécoslovaquie. Cinq secteurs peuvent être reconnus dans cette zone ; deux de ceux­ci forment la partie est du domaine atlantique, les tris autres sont la façade occidentale du domaine centroeuropéen. 

Les plaines et les basses collinesCe secteur réunit la moyenne Belgique, la Champagne, la Lorraine, une partie de la vallée du Rhin et le sud du bassin parisien.

La végétation est du même type de chênaie à charme et de chênaie­charmaie que dans les plaines atlantiques, mais leur composition floristique s’est légèrement modifiée: les taxons les plus atlantiques sont absents, remplacés par des espèces à caractère plus continental ou montagnard. Dans la vallée du Rhin, le climat plus chaud et plus sec induit la présence d’îlots thermophiles, notamment de formes appauvries de la chênaie pubescente (zone de culture de la Vigne)

Le massif schisteux rhénanCe massif, formé de reliefs modestes, culminant vers 700 m, de nature siliceuse, en partie volcanique, s’étend de l’Ardenne au Harz. En raison de sa situation septentrionale et de l’abondance des précipitations, le climax est, malgré la faible altitude, une hêtraie submontagnarde à luzule blanche qui se dégrade en lande à genêts et Éricacées. Le chêne sessile peut être bien représenté dans les parties basses. Du nord­ouest au sud­est, la flore s’appauvrit en espèces atlantiques et s’enrichit en espèces continentales.

Les résineux n’existent pas à l’état spontané, mais les reboisements en épicéas et pins sylvestres sont très étendus. 

La région méditerranéenne

À l’ouest des continents, dans des intervalles entre le 30e et le 45e parallèle, règnent les climats de type méditerranéen : été sec et chaud (la sécheresse pouvant durer de 1 à 5 mois), faible nombre de jours de pluie, hiver court et tempéré, insolation forte.

La période du repos de la végétation est donc l’été, mais il arrive que les températures hivernales soient assez basses pour entraîner un ralentissement, voire un arrêt de la croissance (en montagne et sur les hauts plateaux). La saison des pluies correspond en général à l’hiver, mais elle peut être scindée en deux (automne et printemps). Malgré cette dissociation des deux facteurs les plus indispensables à la croissance (la température et l’humidité), la végétation est riche et diversifiée.

Le pédoclimax n’est pas très différent des sols bruns forestiers. Les sols rouges méditerranéens sont des sols fossiles, dont la formation remonterait à une période plus humide du Quaternaire.

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La pluviosité abondante explique la rubéfaction, formation d’hématites. Le climat actuel favorise la formation de sols bruns, aux dépens des sols rouges agissant comme roche­mère. La mosaïque des sols est donc complexe: sols rouges affleurants après érosion des horizons superficiels brunifiés, sols bruns sous forêts climaciques (rares !), rendzines là où même le sol fossile a été décapé.

Formations végétalesDu point de vue de la végétation, la région méditerranéenne est partagée en deux grands ensembles qui se situent de part et d’autre d’une ligne allant de Barcelone à Izmir en passant entre Corse et Sardaigne et aux environs de Naples.

Au sud de cette limite, la végétation qui domine peut être considérée comme subtropicale, jouissant de températures moyennes de 17°C à 21°C ; c’est la zone thermoméditerranéenne. Les essences les plus caractéristiques sont l’olivier sauvage, le palmier nain, le caroubier, le laurier rose. Cette végétation est caractéristique des basses altitudes du sud de la péninsule ibérique, jusqu’en Catalogne et aux Baléares, de la Sardaigne, de la Sicile et de la péninsule italienne au sud de Naples et de Bari.

Au nord de cette ligne, c’est la zone mésoméditerranéenne, caractérisée par le chêne vert et ses espèces associées. La chênaie de Yeuse, végétation climacique, est dégradée depuis longtemps, et les fourrés du maquis, de la garrigue ou les pelouses occupent les plus grandes surfaces. Caractéristiques de ces faciès de dégradation, le chêne kermès, les cistes, l’arbousier, le romarin, les bruyères. La série du chêne vert occupe de préférence les substrats calcaires.

Sur substrat siliceux, la série du chêne vert est remplacée par la série du chêne liège (suberaie), notamment en Provence cristalline (massif des Maures et de l’Esterel) et en Corse. 

Dans les territoires plus chauds, c’est le pin d’Alep qui domine, ou, sur sol profond, le pin pignon, favorisé par l’homme.

La zone mésoméditerranéenne remonte vers le nord, en profitant de la vallée du Rhône, jusqu’aux environs de Montélimar. En Espagne, elle est arrêtée au nord par la chaîne pyrénéo­cantabrique. En Italie et Yougoslavie, elle est bloquée vers 43° de latitude nord par l’humidité élevée du golfe de Gène. 

Au nord de la zone mésoméditeranéenne, se situe une zone de transition vers les végétations mésoméditerranéennes, c’est la zone supraméditerranéenne. C’est le domaine du chêne blanc, ou chêne pubescent. En raison du caractère discontinu du relief, cette zone montre une forme irrégulière, parfois même discontinue. En France, elle occupe la partie orientale de l’Aquitaine, les Causses, une partie de l’Ardèche et une partie des préalpes du sud. La forêt climacique de chêne blanc est rare, remplacée par des formations de dégradation : fourrés à buis avec genêt cendré, garrigue à thym, lavande et autres labiées, pelouses... Le pin sylvestre se substitue souvent au chêne.

Les végétations des trois zones latitudinales se retrouvent superposées en étage dans les montagnes du bassin méditerranéen. 

L’étage du chêne pubescent est alors surmonté, si l’altitude le permet, de formations différentes selon que l’on considère le nord ou le sud de la région. Dans les massifs les plus septentrionaux, les Apennins, les Cévennes, les Pyrénées 

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orientales, même en Corse, c’est une hêtraie semblable aux hêtraies d’Europe centrale qui apparaît. 

Par contre dans les massifs plus méridionaux (Espagne centrale et méridionale, Italie du sud, Grèce, Afrique du nord), les trois étages précédents sont surmontés par des formations particulières, les formations oroméditerranéennes : cédraies en Afrique du nord, forêts de pin sylvestre et de genévrier thurifère en Espagne centrale, sapinières d’Abies cephalonica en Grèce.

AdaptationsLes phanérophytes sont relativement peu nombreux, alors que les nanophanérophytes et les géophytes sont largement représentés. Les thérophytes constituent souvent la fraction la plus importante du spectre biologique.

La sempervirence domine chez les espèces feuillues. Elle permet d’assimiler pendant l’hiver et de résister aux conditions relativement rigoureuses de l’été. Les espèces à feuille caduques sont exceptionnelles. 

Les xérophytes sont nombreux, alors que les espèces succulentes sont mal représentées. Les principales adaptations portent sur les feuilles, qui sont petites, à marges enroulées, coriaces et à cuticule épaisse. Ces adaptations permettent l’assimilation hivernale, protègent des gelées nocturnes et réduisent la transpiration.

La position enfoncée des stomates ainsi que les revêtements pileux contribuent aussi à cette réduction. La lignification des axes, induit par le rayonnement intense, aboutit à des morphoses qui contribuent à retarder la pénétration du gel et s’observent dans de nombreux genres qui ne les présentent pas ailleurs.

La pression osmotique élevée permet de puiser l’eau dans des sols où elle est fortement retenue.

Le système souterrain est important ; la croissance des racines est souvent plus accusée et plus rapide que celle des axes aériens. 

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