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Depuis quelques années, heureusement, on assiste à une prise de conscience du grand public. Les prairies fleuries, notamment, ont le vent en poupe. Ainsi fleurissent-elles le long de certaines cultures ; les agriculteurs bénéficient de primes, dans le cadre des mesures agri-envi- ronnementales, pour établir des bandes fleu- ries. Certaines entreprises et particuliers, sensibilisés, aménagent leurs espaces verts de manière à les rendre plus accueillant pour la faune en général. Des fleurs oui mais ! Attention toutefois, cet engouement récent fait réagir les semenciers qui proposent des mélanges de fleurs essentiellement exo- tiques ou horticoles. Voici venus, les cosmos, les coquelicots californiens, les bleuets à fleurs doubles et autres zinnias. Pourtant, ces fleurs n’attirent bien souvent que quelques insectes généralistes. Pire encore, les variétés doubles, plus attractives visuellement, constituent des leurres pour les insectes. L’inflorescence, plus grosse, attire plus facilement les insectes, mais la nourritu- re ne s’y trouve pas ou alors en plus faible quantité voire d’accès plus difficile. Les pétales supplémentaires viennent générale- ment d’étamines transformées. Hors, sans étamine, plus de pollen. Les abeilles dépen- sent alors beaucoup d’énergie pour bien peu de récoltes. Ces mélanges sont malheureusement abon- de l’i mportance des insectes 179 L’Homme et l’Oiseau 3/2010 Une flore devenue trop rare. Si l’agriculture a été source de diversifica- tion des milieux - création d’habitats ouverts par le défrichage des forêts, entraînant un ac- croissement de la biodiversité - sa moderni- sation au cours du 20 ème siècle a eu des con- séquences dramatiques sur la flore indigène et forcément sur la faune en général. Si l’on s’attarde plus particulièrement sur les prairies, autrefois, les agriculteurs récoltaient les fonds de granges et réensemençaient leurs nouvelles prairies avec ces semences. On y retrouvait bien sûr une grande quantité de graines de graminées, mais aussi et surtout une diversité de semailles de plantes à fleurs assurant ainsi un intérêt pour l’entomofaune. Aujourd’hui, cette pratique a disparu. L’agri- culteur achète son mélange de semences prairiales, comprenant exclusivement des gra- minées voire quelques rares légumineuses et exploite ses prairies de manière plus intensi- ve. Les quelques espèces de fleurs qui peuvent supporter une telle pression se retrouvent bien sou- vent limitées au pied des clôtures et sur les talus de bords de voiries. Mais les nouvelles pratiques agricoles, utili- sant des machines plus performantes (pour le triage des semences par exemple) ou des pes- ticides, ne sont pas les seules causes de cet- te régression de la nature. Il est admis aujour- d’hui que les particuliers utilisent autant de pes- ticides, et bien souvent à plus fortes doses, dans leurs jardins. Le développement de l’urba- nisation réduit également l’espace où la natu- re avec encore le droit de cité. Ainsi, les fri- ches urbaines sont «valorisées» par divers pro- jets immobiliers de types habitations ou cen- tres d’affaires. Les espaces verts liés à cette urbanisation sont souvent pauvres en terme de floraison et réduits en pelouses rigoureu- sement entretenues. de l’i mportance des insectes 178 L’Homme et l’Oiseau 3/2010 (3/4) Pascal Colomb, Denis Michez, Nicolas Vereecken et Marc Wollast Les précédents articles consacrés à cette série sur le monde fabuleux des abeilles en décrivaient toute l’extraordinaire diversité de formes et de comportements. Toutes ces espèces, de part leurs caractéristiques propres, dépendent d’un habitat, parfois particulier, mais aussi et sur- tout de la flore locale, base de toutes chaînes alimentaires. Bourdon sur Knautia arvensis

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Page 1: (3/4) - Apis Bruoc Sellaapisbruocsella.be/sites/default/files/files/revue_presse/... · 2015-06-30 · Bref, il n’est pas toujours aisé de faire com-prendre au grand public l’équilibre

Depuis quelques années, heureusement, onassiste à une prise de conscience du grandpublic. Les prairies fleuries, notamment, ontle vent en poupe.

Ainsi fleurissent-elles le long de certainescultures ; les agriculteurs bénéficient deprimes, dans le cadre des mesures agri-envi-ronnementales, pour établir des bandes fleu-ries. Certaines entreprises et particuliers,sensibilisés, aménagent leurs espaces vertsde manière à les rendre plus accueillant pourla faune en général.

Des fleurs oui mais !Attention toutefois, cet engouement récent

fait réagir les semenciers qui proposent desmélanges de fleurs essentiellement exo-

tiques ou horticoles. Voici venus, les cosmos,les coquelicots californiens, les bleuets àfleurs doubles et autres zinnias.

Pourtant, ces fleurs n’attirent bien souventque quelques insectes généralistes. Pireencore, les variétés doubles, plus attractivesvisuellement, constituent des leurres pour lesinsectes. L’inflorescence, plus grosse, attireplus facilement les insectes, mais la nourritu-re ne s’y trouve pas ou alors en plus faiblequantité voire d’accès plus difficile. Lespétales supplémentaires viennent générale-ment d’étamines transformées. Hors, sansétamine, plus de pollen. Les abeilles dépen-sent alors beaucoup d’énergie pour bien peude récoltes.

Ces mélanges sont malheureusement abon-

de l’importance des insectes

179L’Homme et l’Oiseau 3/2010

Une flore devenue trop rare.Si l’agriculture a été source de diversifica-

tion des milieux - création d’habitats ouvertspar le défrichage des forêts, entraînant un ac-croissement de la biodiversité - sa moderni-sation au cours du 20ème siècle a eu des con-séquences dramatiques sur la flore indigèneet forcément sur la faune en général.

Si l’on s’attarde plus particulièrement sur lesprairies, autrefois, les agriculteurs récoltaientles fonds de granges et réensemençaientleurs nouvelles prairies avec ces semences.

On y retrouvait bien sûr une grande quantitéde graines de graminées, mais aussi et surtoutune diversité de semailles de plantes à fleursassurant ainsi un intérêt pour l’entomofaune.

Aujourd’hui, cette pratique a disparu. L’agri-culteur achète son mélange de semencesprairiales, comprenant exclusivement des gra-minées voire quelques rares légumineuses etexploite ses prairies de manière plus intensi-

ve. Les quelques espèces de fleursqui peuvent supporter une tellepression se retrouvent bien sou-vent limitées au pied des clôtureset sur les talus de bords de voiries.

Mais les nouvelles pratiques agricoles, utili-sant des machines plus performantes (pour letriage des semences par exemple) ou des pes-ticides, ne sont pas les seules causes de cet-te régression de la nature. Il est admis aujour-d’hui que les particuliers utilisent autant de pes-ticides, et bien souvent à plus fortes doses,dans leurs jardins. Le développement de l’urba-nisation réduit également l’espace où la natu-re avec encore le droit de cité. Ainsi, les fri-ches urbaines sont «valorisées» par divers pro-jets immobiliers de types habitations ou cen-tres d’affaires. Les espaces verts liés à cetteurbanisation sont souvent pauvres en termede floraison et réduits en pelouses rigoureu-sement entretenues.

de l’importance des insectes

178 L’Homme et l’Oiseau 3/2010

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Pascal Colomb, Denis Michez, Nicolas Vereeckenet Marc Wollast

Les précédents articles consacrés à cette série sur le monde fabuleuxdes abeilles en décrivaient toute l’extraordinaire diversité de formes etde comportements. Toutes ces espèces, de part leurs caractéristiquespropres, dépendent d’un habitat, parfois particulier, mais aussi et sur-tout de la flore locale, base de toutes chaînes alimentaires.

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Page 2: (3/4) - Apis Bruoc Sellaapisbruocsella.be/sites/default/files/files/revue_presse/... · 2015-06-30 · Bref, il n’est pas toujours aisé de faire com-prendre au grand public l’équilibre

prairies telles que les primevères, complètentles floraisons des arbustes. D’autres, plus es-tivales, prolongeront les ressources en nour-riture jusqu’en septembre voire même débutoctobre, assurant ainsi la constitution capita-le de réserves de nourriture pour les abeillessauvages avant la mauvaise saison.

Certaines espèces de fleurs sont particuliè-rement appréciées par une grande diversitéd’insectes. Tel est le cas de la vipérine quipousse sur les terrains plus caillouteux, oubien encore de la knautie des champs, de lacentaurée, de la bétoine, ...

Mais les visiteurs ailés varient aussi enfonction de la morphologie de la fleur. Ainsion subdivise les abeilles en deux grands grou-pes : la guilde des abeilles dites à langue cour-te et celle des abeilles à langue longue, l’abeil-le domestique et les bourdons font partie de

cette dernière.Les abeilles à langue longue butinent en

grande partie les espèces de la famille deslégumineuses (trèfles, lotiers, ...) et des la-biées (lamiers, origan, bétoines, ..). Ces fleurssont généralement de couleurs rouges, bleuesou pourpres et présentent une corolle longueet étroite. Le nectar n’est alors accessible qu’auxpollinisateurs pourvus d’une longue langueou d’une trompe (papillons).

Les abeilles à langue courte ont plutôt unepréférence pour les astéracées et les ombel-lifères au nectar directement accessible. Il enest de même des syrphes, insectes auxiliai-res des cultures (leurs larves sont plus vora-ces encore que les larves de coccinelles).Les dominances de couleurs de ces fleurssont ici plutôt le jaune et le blanc.

Savez-vous également que la survie de

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181L’Homme et l’Oiseau 3/2010

damment utilisés en France dans les jachèresfleuries et apicoles, au nom de la sauvegardede la biodiversité ! Certains encore s’endéfendront en disant que c’est mieux que rien.

Ces plantes venues d’ailleurs ne risquent-elles pas de coloniser nos habitats naturelset devenir «invasives» ? De nombreux exem-ples sont bien connus chez nous. Les re-nouées du Japon, la solidage du canada oubien encore le sénéçon du Cap se dispersentsur notre territoire. Leur gestion (arrachage)coûte chère. N’y a-t-il pas de risque de voirdes variétés horticoles proches de nos sau-vageonnes s’hybrider avec celles-ci ?

Bref, il n’est pas toujours aisé de faire com-prendre au grand public l’équilibre subtil de lanature d’autant plus que certaines associa-tions, dites de protection de la nature, cau-tionnent ce genre d’aménagements.

Nos belles indigènes.Pour concevoir correctement un aménage-

ment favorable à nos abeilles sauvages (et àla faune sauvage en général) il est importantde couvrir au maximum leurs besoins ennourritures sur la plus grande partie de l’an-née et de favoriser les espèces mellifères.

Ainsi, les arbustes indigènes à fleurs garan-tissent une floraison printanière. Les florai-sons commencent avec le prunellier et lessaules puis, suivent le merisier, le sorbier,l’aubépine... pour terminer en juin avec letroène et le sureau.

Les bulbeuses de sous-bois et lisières ap-portent également très tôt dans l’année nour-riture au moins frileux. Les bourdons visitentles jonquilles, les corydales et les premierslamiers.

Dès le mois d’avril, les premières fleurs de

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Pin’s 1 - Mésange charbonnièrePin’s 2 - Mésange bleuePin’s 3 - Hirondelle rustiquePin’s 4 - Martin-pêcheur

Pin’s 5 - Effraie des clochersPin’s 6 -Moineau domestiquePin’s 7 - Pic épeichePin’s 8 - Rougegorge familier

Ces pin’s peuvent être commandés par courriel ([email protected]) ou partéléphone (02/521.28.50) ou en versant le montant correspondant sur le CCP 000-0296530-01en n’omettant pas de préciser la(les) références des pin’s souhaités en communication.

183L’Homme et l’Oiseau 3/2010

certaines plantes très spécialisées dépend par-fois d’une seule espèce d’abeille sauvage ?C’est le cas notamment de l’ophrys abeille,orchidée sauvage de nos régions, dont lafleur rappelle étrangement le corps d’uneabeille femelle. Les mâles de l’Eucère à lon-gues antennes «s’émoustillent» sur la faussepromise et assure, malgré eux, la pollinisa-tion de la fleur.

A vous d’agir.Nul besoin d’une grande surface pour utili-

ser des plantes indigènes. Même en ville, surquelques mètres carrés ou tout simplementsur un balcon, on peut cultiver des fleurs sau-vages. Une potée d’origan au soleil suffit déjàà attirer un bon nombre d’abeilles et de pa-

pillons.Le développement des toitures végétalisées

permet la création de petits biotopes fort uti-les dans les centres les plus urbanisés et con-tribue au maillage vert.

En périphérie des villes et à la campagnepourquoi ne pas transformer une partie de sapelouse en prairie fleurie composée de fleurssauvages ?

Moins de surface à tondre et plus de tempspour apprécier le calme et observer la faunequi profitera très vite de cet oasis de cou-leurs.Quelques pépiniéristes se sont spécialisésdans la production de fleurs sauvages de nosrégions. Ils vous aideront dans le choix dessemences et des plantes à installer.

de l’importance des insectes

182 L’Homme et l’Oiseau 3/2010

Site internet : http://www.ecosem.be

LectureFleurs sauvages et prairies fleuriesA commander au près du Service Environnement

de la Province de Brabant Wallon. 010/23.63.22ou 24

Abeilles sauvages, bourdons et autresinsectes pollinisateursLes Livrets de l’Agriculture N°14

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