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Rédaction Astrid Tanguy / CETE Île-de-France Mai 2012 Intégration de la filière Bimby dans le PLU d’une commune francilienne : une concertation expérimentale avec les habitants pour encourager et maîtriser les initiatives individuelles CONTEXTE DE L’EXPÉRIMENTATION Cet article est issu d’une étude confiée au CETE Île-de-France par la DDT78 visant à expérimenter un processus de concertation avec les habitants, dans le cadre de l'évolution des tissus d’habitat individuel de leur commune par construction de nouvelles maisons individuelles sur des parcelles déjà bâties. Ce travail avec la population a pour objectif de faire émerger les différents besoins des habitants et de tirer des enseignements méthodologiques pour élaborer un ensemble d’outils d'aide à la décision qui permettra aux collectivités de construire des stratégies opérationnelles de densification. La commune qui a fait l’objet de l’expérimentation est située à une trentaine de kilomètres de Paris, rurale à dominante résidentielle et pavillonnaire, et d’environ 1000 habitants. Elle possède un bourg ancien et quelques extensions pavillonnaires réalisées dans les années 70 puis 90, notamment à l'entrée du village. La commune, qui connaît une forte pression foncière, doit répondre de façon qualitative et quantitative aux besoins en logements des habitants et anticiper de façon mesurée son développement. Elle comptait environ 360 logements en 2008, dont 78 % de logements individuels (INSEE 2008), et a aujourd’hui pour objectif la construction de 70 nouveaux logements en 10 ans. La commune s’engage actuellement dans l'élaboration de son PLU, l’expérimentation est donc menée dans un contexte de possibilités d’évolutions réglementaires. Le travail d’expérimentation, travail innovant montrant des résultats probants, s’appuie sur une double démarche croisée (cf. images) : un travail avec les élus, classique, partant de l’intérêt collectif pour aller vers des stratégies plus fines, en parallèle d’un travail de micro-conception avec les habitants qui, à l’inverse, pointe vers des stratégies plus générales. Dans le cadre du passage du POS au PLU, les élus ont souhaité intégrer la filière Bimby dans leur nouveau document d’urbanisme. Il s’agit d’entreprendre une approche complémentaire aux approches classiques de PLU, visant à une prise en compte plus importante des potentialités des zones bâties et donc à une intégration et un développement de ces éléments dans les différents documents du PLU.

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Page 1: 3. Bimby au Tremblay synthèse

Rédaction Astrid Tanguy / CETE Île-de-France Mai 2012

Intégration de la filière Bimby dans le PLU d’une commune francilienne : une concertation expérimentale avec les habitants pour encourager et

maîtriser les initiatives individuelles CONTEXTE DE L’EXPÉRIMENTATION

Cet article est issu d’une étude confiée au CETE Île-de-France par la DDT78 visant à expérimenter un processus de concertation avec les habitants, dans le cadre de l'évolution des tissus d’habitat individuel de leur commune par construction de nouvelles maisons individuelles sur des parcelles déjà bâties. Ce travail avec la population a pour objectif de faire émerger les différents besoins des habitants et de tirer des enseignements méthodologiques pour élaborer un ensemble d’outils d'aide à la décision qui permettra aux collectivités de construire des stratégies opérationnelles de densification. La commune qui a fait l’objet de l’expérimentation est située à une trentaine de kilomètres de Paris, rurale à dominante résidentielle et pavillonnaire, et d’environ 1000 habitants. Elle possède un bourg ancien et quelques extensions pavillonnaires réalisées dans les années 70 puis 90, notamment à l'entrée du village. La commune, qui connaît une forte pression foncière, doit répondre de façon qualitative et quantitative aux besoins en logements des habitants et anticiper de façon mesurée son développement. Elle comptait environ 360 logements en 2008, dont 78 % de logements individuels (INSEE 2008), et a aujourd’hui pour objectif la construction de 70 nouveaux logements en 10 ans. La commune s’engage actuellement dans l'élaboration de son PLU, l’expérimentation est donc menée dans un contexte de possibilités d’évolutions réglementaires. Le travail d’expérimentation, travail innovant montrant des résultats probants, s’appuie sur une double démarche croisée (cf. images) : un travail avec les élus, classique, partant de l’intérêt collectif pour aller vers des stratégies plus fines, en parallèle d’un travail de micro-conception avec les habitants qui, à l’inverse, pointe vers des stratégies plus générales. Dans le cadre du passage du POS au PLU, les élus ont souhaité intégrer la filière Bimby dans leur nouveau document d’urbanisme. Il s’agit d’entreprendre une approche complémentaire aux approches classiques de PLU, visant à une prise en compte plus importante des potentialités des zones bâties et donc à une intégration et un développement de ces éléments dans les différents documents du PLU.

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DES ÉLUS CONVAINCUS PAR LA DÉMARCHE BIMBY

Une réponse à des enjeux locaux et nationaux

Construire 70 nouveaux logements en 10 ans avec les terrains déjà bâtis permettrait d’éviter l’étalement de la commune, premier enjeu pour les élus. La densification des tissus urbanisés répond également à d’autres enjeux, notamment de préservation des espaces naturels et agricoles, de la qualité des paysages, d’investissement des habitants au service de l’amélioration du cadre de vie de leur commune, ainsi que de diversification des acteurs en capacité d’offrir des terrains à bâtir, pour que les propriétaires de parcelles non bâties ne soient plus les seuls à pouvoir proposer du foncier.

La loi Grenelle II impose aux communes, par l’intermédiaire des documents de planification (SCOT et PLU), de réduire leur consommation d’espaces naturels et agricoles. Cependant, les objectifs des PLU sont multiples, et en particulier, ils doivent permettre d'apporter une réponse aux besoins en logements. Un double enjeu est donc fixé aux communes par l'État : produire des logements diversifiés à un rythme soutenu pour répondre à la demande élevée, tout en consommant moins de foncier qu'au cours des périodes passées. Pour résoudre cette injonction paradoxale, la loi favorise l’augmentation de la densité bâtie dans les zones déjà urbanisées. Or, la conservation dans les POS et PLU de règles d'urbanisme limitant la constructibilité des terrains (minima parcellaires, obligation de recul des constructions par rapports aux limites de propriétés, COS faibles, etc.) ne permet pas l'évolution du bâti existant pour l’agrandir ni la construction de nouveaux bâtis sur un terrain, freinant ainsi des initiatives personnelles et l'application des lois en matière d'urbanisme. Les contextes national et local sont donc favorables à une meilleure intégration de la filière diffuse en renouvellement urbain dans l’élaboration des documents d’urbanisme.

Une démarche déjà entreprise par certains habitants

Certaines communes proches de Paris connaissent des densités bâties importantes tandis que d'autres communes, moins peuplées et plus éloignées, sont composées en majorité de grands logements sur de grands terrains. Dans ces communes, les élus ont le sentiment que leurs habitants souhaitent garder de grandes parcelles et n’accepteraient pas de diviser leur terrain car ils seraient venus dans la commune pour avoir de grands espaces. Mais est-ce le souhait, aujourd’hui, de tous les habitants? Leurs besoins n'évoluent-ils pas? Et quelle aurait été leur attitude si de plus petits terrains leur avaient été proposés ?

Au sein de la commune engagée dans l’expérimentation, quelques parcelles bâties ont déjà été divisées par des habitants et achetées pour y bâtir de nouveaux logements1. Ces constructions montrent la réalité locale du potentiel pour la filière Bimby : si certains habitants se sont engagés dans un processus de densification des tissus urbanisés, d’autres pourraient donc l’envisager. Ces projets de divisions et constructions ont été concrétisés en réponse à des aspirations particulières d’habitants. En effet, plusieurs situations de vie rendent intéressante la division parcellaire, les modes de vie évoluent vite et les besoins en logement des habitants sont de plus en

1 Dans tous les tissus diffus où l’équipe Bimby a enquêté, des habitants avaient divisé (voir la synthèse

http://bimby.fr/content/pourquoi-divise-on-son-terrain). La division est en fait un mode dominant d’urbanisation dans l’histoire (cf. http://bimby.fr/2011/06/urbanisation-pavillonnaire-et-division-parcellaire-le-renouveau-d%25e2%2580%2599un-couple-historique), et le lotissement n’est que la récente codification de cette logique : le droit de l’urbanisme le définit comme une division multiple.

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plus variés2 : la population vieillit, des personnes âgées pourraient souhaiter disposer d'un logement plus petit et plus accessible tout en restant dans leur commune ; des couples se séparent et ont besoin de logements plus petits et plus abordables financièrement ; les jeunes couples éprouvent des difficultés à se loger dans certaines communes à dominante résidentielle composées en majorité de grands logements individuels, en raison du coût élevé des logements et du foncier et du manque d'offres. De même, certains habitants trouvent leur terrain trop grand et souhaiteraient en vendre une partie pour des raisons de commodités et/ou des raisons économiques. Cependant, l’évolution des tissus bâtis avec les règles d’urbanisme actuelles rend « désordonnée » cette densification diffuse. Il s'agit surtout de divisions « en drapeau », c'est-à-dire en fond de parcelle, avec accès à l’avant qui créent de longs chemins d'accès, occasionnent de la perte d’espace utile, allongent les réseaux et ne permettent pas de structurer la rue, contrairement aux fronts bâtis. Les règles actuelles limitent l’amélioration de la qualité urbaine lors de l’implantation de maisons. Actuellement, la commune n’a pas de maîtrise concernant les divisions parcellaires réalisées ou à venir sur son territoire, ni sur les formes urbaines qu’elles engendrent. L’intégration de la filière Bimby dans l’élaboration du PLU a pour objectif d’encourager et de mieux cadrer ces initiatives individuelles pour qu’elles servent des stratégies globales de la commune. Ainsi, puisque ce mode déjà existant de développement répond à des enjeux à la fois locaux et nationaux, les élus ont été convaincus de son intérêt et ont souhaité l’intégrer à la réflexion de l’élaboration du PLU.

UNE MÉTHODE DE CONCERTATION INNOVANTE : LE CITOYEN AU CŒUR DU PROJET

Un échange à échelle humaine

L’élaboration du PLU commence par une phase de diagnostic. Pourquoi ne pas l’approfondir en y intégrant des données sur les besoins et souhaits des habitants en matière d’habitat ? Le renouvellement Bimby étant à l’initiative des habitants, il est essentiel de connaître leurs situations personnelles et leurs projets d’évolution de parcelle offre ainsi une première évaluation des gisements morphologique et social Une première réunion publique a été organisée dans le but de présenter aux habitants la démarche d’intégration de la filière Bimby dans l’élaboration du PLU. Elle a été l’occasion d’expliquer les outils d’urbanisme, notamment le remplacement des POS en PLU ainsi que la définition et les objectifs d’un PLU, et les enjeux de l’urbanisme de demain en lien avec la démarche Bimby : comment répondre aux aspirations des habitants tout en réduisant l’étalement urbain ? La méthode de diagnostic participatif leur a également été partagée. L’originalité de cette concertation consiste à mettre à disposition de chaque habitant propriétaire de la commune, durant deux week-ends, les services d’un architecte pour échanger sur l’évolution de sa parcelle. Il a été proposé aux habitants d’être reçus individuellement, en direct et gratuitement, pendant une heure par un architecte formé à la démarche Bimby, notamment au vocabulaire à employer et aux scénarios de vie participant à la densification des tissus urbanisés susceptibles d’intéresser les habitants. Ces ateliers de travail individuels visaient à recueillir les idées à plus ou moins court terme de construction sur leur parcelle et offraient donc la possibilité à chaque foyer de discuter de l’évolution possible de sa parcelle, d’exprimer ses attentes et d’expliquer ses projets. Le but était de dessiner un projet architectural sur leur parcelle en faisant abstraction du règlement en

2 Consulter des résultats d’enquêtes : http://bimby.fr/content/sc%C3%A9narios-vie-bimby-120-entretiens-

qualitatifs-dhabitants

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vigueur et selon les souhaits des habitants uniquement. Les ateliers ont apporté une proximité qu’une réunion publique ne permet pas.

Les élus se sont montrés soucieux de ne pas faire rêver les habitants sans avoir les capacités d’assumer ensuite : quelle serait leur déception si leur projet ne devenait pas réalisable à cause de la nouvelle réglementation ? Les explications ont été très claires sur ce point : les habitants expriment leurs attentes et expliquent leurs projets aux architectes sans pour autant être assurés des faisabilités. Car les architectes ont été attentifs à leur indiquer que les projets dessinés devront répondre aux enjeux urbains de la commune et qu’ils ne seront pas nécessairement compatibles avec le prochain document d’urbanisme, les stratégies collectives définies par les élus n’allant pas forcément dans le sens de tous les projets individuels souhaités. Les habitants savaient que le document créé pendant l’atelier individuel n’avait pas de valeur juridique ni urbanistique, même s’il est le seul moyen pour que les élus prennent en compte leurs projets individuels. Des courriers ont été distribués dans les boîtes aux lettres des habitants pour les informer personnellement de la tenue d’entretiens avec un architecte. Le bouche à oreille a également permis d’avertir les habitants qui n’étaient pas encore informés, et aussi de susciter leur intérêt.

L’architecte au service des habitants : un contexte d’intervention « réel »

Afin de mettre en confiance l’habitant, l’architecte se place à côté de lui et non en face. Cela permet d’établir une discussion générale d’accompagnement plutôt qu’une relation frontale. Le but des ateliers étant de dessiner un projet architectural pour chaque foyer reçu, l’architecte commence l’entretien avec une page vierge, c’est-à-dire sans avoir dessiné avant la discussion, ne serait-ce que la parcelle et le bâti existant. L’habitant est ainsi amené à co-construire son projet, à apporter des éléments intéressants dès la phase de modélisation de l’existant, et jusqu’à la mise en forme de son projet : usages de passage, arrangements entre voisins, etc. A minima, en assistant en direct à la réalisation du document, il le valide implicitement. L’architecte pose des questions à l’habitant sur sa situation personnelle et à venir. Les temps de silence de l’architecte pendant qu’il modélise la parcelle et la maison de l’habitant permettent un réel échange et évitent à l’habitant de se trouver uniquement en position de « réponse à l’architecte ». Ainsi, l’habitant est mis en situation de réfléchir à sa propre situation et à son projet personnel, cela lui permet de prendre la main sur la discussion. L’architecte devient lui-même un « outil » pour l’habitant.

La commune ayant engagé par délibération du conseil municipal le passage de son POS en PLU, les ateliers avec les habitants se sont effectués dans un contexte d’intervention réel : les habitants savent que des opportunités sont possibles puisque les règles d’urbanisme doivent être modifiées. La phase d’élaboration du PLU de la commune permet aux habitants d’imaginer leurs projets sans les contraintes que représente le règlement encore en vigueur et évite ainsi de freiner leurs souhaits.

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Cette perspective concrète d’avoir des règles mieux adaptées à la densification des tissus urbanisés est donc bénéfique à la phase de diagnostic, et confère à ce diagnostic un caractère pré-opérationnel.

Exemple de modélisation d’un projet d’un habitant lors d’un entretien

Un habitant reçu en entretien souhaite se protéger du bruit de la rue en construisant un bâti à l’avant de sa parcelle qui pourrait servir de hangar (image n°2). L’architecte lui propose de prolonger le bâti en un logement qu’il pourrait louer (3) (scénario de vie que l’architecte a étudié en formation) et lui propose de reculer légèrement le nouveau bâti par rapport à la voie pour qu’il soit aligné avec les autres maisons de la rue (4) (conseil sur l’implantation du bâti). Finalement, en voyant le résultat de la modélisation, l’habitant se rend compte qu’il pourrait aussi se protéger du champ placé à l’arrière de sa parcelle, où l’agriculteur épand des pesticides (5) (évolution du projet de l’habitant grâce à la visualisation 3D). Il demande alors la construction d’un second logement. L’architecte modélise le bâtiment (6). L’habitant lui demande alors de le reculer pour préserver l’intimité entre les deux logements (7) et s’aperçoit que celle-ci n’est pas améliorée une fois le recul effectué. L’architecte lui propose donc d’orienter le nouveau logement de manière à réduire le vis-à-vis (8) et de le positionner dans un coin de la parcelle (9) pour que le futur habitant puisse profiter d’un jardin (conseils sur l’implantation du bâti). L’architecte modélise un chemin d’accès à ce second logement (10).

Exemple de modélisation d’un projet d’un habitant lors d’un entretien

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DES RÉSULTATS DÉPASSANT TOUTES LES ATTENTES ET REPONDANT LARGEMENT AUX BESOINS EN LOGEMENTS DE LA COMMUNE

De nombreux projets individuels initiés par les habitants

Sur les 4 jours proposés, 59 foyers ont été reçus par les architectes, soit 20% des propriétaires de la commune qui compte 971 habitants et 279 maisons individuelles (INSEE 2008). Des couples, ayant ou non des enfants, sont venus aux entretiens, mais aussi des retraités, des célibataires et des habitants avec parent à charge.

Si 20% des foyers reçus n’avaient pas de projet particulier de logement ou si 10% souhaitaient créer des lotissements sur leurs parcelles non bâties, 60 % d’entre eux ont fait dessiner un ou plusieurs logements supplémentaires sur leur propre parcelle bâtie à une échéance de 15 ans3. Au total, ce sont 79 nouveaux logements sur des parcelles déjà construites qui ont émergé à la suite de ces ateliers, alors même que les objectifs de la commune s'élèvent à environ 70 logements sur la même période. Ainsi, il ne serait peut-être pas nécessaire d'ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation. Certains logements dessinés ne se construiront pas (car non conformes à la nouvelle réglementation ou finalement non souhaités par les propriétaires), mais réciproquement, des logements non dessinés se réaliseront (ceux qui n’ont rien fait dessiner peuvent en définitive le souhaiter), mais surtout : seulement 20% des propriétaires de la commune ont été reçus. De nouveaux habitants ont déjà demandé à la mairie de participer à des ateliers du même type, une deuxième série d’entretiens individuels est donc en cours d’organisation. Le développement urbain de la commune pourrait donc entièrement s’effectuer par la filière diffuse en renouvellement urbain si les nouveaux logements souhaités par les habitants répondent au besoin qualitatif de la commune. Cette concertation a aussi permis aux élus de mieux comprendre les besoins de la population : besoin d'un logement plus petit et mieux adapté, préoccupations architecturales, maintien d'un proche à proximité, protection par rapport à la rue, difficultés à entretenir un grand jardin, possibilité de mobiliser une partie de son capital pour financer des projets personnels, construire pour louer, etc. Les nombreuses possibilités de projets ont largement dépassé les espérances des architectes et des élus. Ils révèlent une généralisation de la capacité des propriétaires à devenir des acteurs de la libération du foncier à bâtir. En effet, les habitants ont réellement saisi l’opportunité qui leur était offerte de devenir acteur du développement urbain de leur commune en allant au-delà de la construction de vérandas ou de garages. Organiser des ateliers pour recevoir individuellement les habitants afin de discuter de l’évolution de leur parcelle et de leur situation familiale est donc une méthode à la hauteur de l’enjeu de la libération de foncier.

3 Les autres habitants reçus ont projeté quelques logements sur une de leurs parcelles non bâties située en

frange ou en étalement.

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Des attitudes et motifs divers des habitants face à la densification des terrains bâtis

Différentes attitudes initiales des habitants ont été observées lorsqu’ils arrivaient aux rendez-vous avec les architectes. Certains étaient opposés à la démarche Bimby (cas de 7 foyers), refusant toute évolution urbaine à côté de chez eux. Ces personnes sont généralement celles qui s’expriment le plus en réunion publique, mais elles n’ont constitué qu’une minorité dans le cadre des ateliers individuels. D’autres (11 foyers) pensaient qu’il n’était pas possible de faire évoluer leur parcelle et leur bâti. Ils mettaient en cause la réglementation, la présence de copropriétés ou encore les caractéristiques de leur terrain (certaines personnes estimaient par exemple que leur parcelle n’était pas divisible ou pas constructible étant donné leur faible surface). 22 foyers étaient ouverts à la démarche Bimby et curieux d’en savoir plus. Ils ont saisi l’opportunité d’un entretien individuel avec un architecte. Enfin, 25 foyers avaient déjà saisi les divers intérêts que peut apporter la démarche Bimby, tels que la résolution d’un problème familial ou la valorisation économique. Parmi ces habitants, certains sont des spécialistes de la gestion de patrimoine et de la rentabilité qu’elle engendre. Par ailleurs, quelques uns de ces spécialistes étaient à la fois dans une attitude Bimby et Nimby puisqu’ils étaient volontaires pour construire de nouveaux logements sur des parcelles leur appartenant situées loin de leur habitat, mais ne souhaitaient pas, en revanche, voir de nouvelles constructions apparaître dans leur voisinage.

Lors d’un entretien avec un habitant se disant opposé à la démarche Bimby, le rôle de l’architecte est de lui en présenter les différents intérêts et de faire évoluer son point de vue en discutant en confiance avec lui. 2 personnes sur les 7 arrivées avec un point de vue en opposition avec la démarche Bimby ont finalement fait dessiner aux architectes un logement sur leur parcelle bâtie. Dans le cas d’un habitant n’ayant pas de projet particulier, l’architecte lui présente les différents scénarios de vie auxquels il peut être confronté et les réponses que lui apporterait la démarche Bimby. Il l’aide à se projeter à court terme comme à long terme d’après sa situation familiale personnelle. Il lui explique l’importance de la projection à long terme étant donné qu’une fois approuvé un PLU s’applique pour une dizaine d’années. Si l’habitant a un projet individuel susceptible d’être en opposition avec l’intérêt collectif, l’architecte met en perspective ce projet avec l’intérêt communal pour que l’habitant le réoriente. Ainsi, l’architecte alimente le débat grâce à des éléments qui permettent une évolution des points de vue des habitants et de leurs projets vers une meilleure intégration, dans la filière diffuse en renouvellement urbain, des exigences urbaines locales, conciliant les intérêts publics et privés.

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Ces principaux éléments sont : - la projection dans le futur avec une maison adaptée à sa future situation de vie (4 cas), - l’aide de l’architecte et le bénéfice déjà évoqué de la modélisation en 3D en termes de solutions techniques et architecturales rendant possible la densification de parcelles bâties (5 cas), - l’adaptation de sa maison ou de sa parcelle à sa situation de vie actuelle (7 cas), - l’éventuel changement de situation familiale auquel la démarche Bimby apporte une réponse, tel que l’hébergement d’un parent ou d’un enfant (14 cas dont 11 projets pour les enfants et 3 pour les parents : les enfants ayant grandi au Tremblay-sur-Mauldre et souhaitant y résider n’en ont pas les moyens), - l’avantage financier qu’il est possible de retirer d’une division parcellaire (24 cas). La gestion du patrimoine familial, la volonté d’améliorer le cadre de vie et celle de favoriser l’esthétique du village et son identité rurale sont également des éléments participant aux changements d’attitude des habitants.

Des projets s’intégrant à la morphologie du bourg…

Sur les 75 logements souhaités par les habitants en filière diffuse en renouvellement urbain, 36 se situent dans le centre-bourg (souhaités par 15 personnes) et 39 dans le tissu pavillonnaire (souhaités par 21 personnes). Le développement urbain de la commune envisagé à la suite de ces entretiens correspond donc en partie à son développement traditionnel : l’intensification du bourg. Les projets de logements sont principalement souhaités à court terme par des familles ou personnes âgées. Ils offrent une diversité de nouveaux logements, leur taille variant de 40 m2 à 150 m2, autant de petites maisons (superficie inférieure à 90m2) ont émergé que de grandes. Quelques studios ont également été dessinés. Les projets des habitants permettent d’augmenter de manière conséquente l’offre de logements à louer (43 logements dessinés) et de terrains à acheter (30 divisions parcellaires modélisées), près de 80% de ces biens étant destinés à des tiers. Les types de divisions envisagés par les habitants sont multiples : latérales (10 cas), accès par l’arrière de la parcelle (14 cas dont 10 qui ont besoin de la création d’un accès) ou en drapeau (7 cas). Beaucoup de logements ont été dessinés sur la parcelle sans qu’il y ait division (21 cas) et quelques cas particuliers ont été recensés : 2 porches et 7 cours communes. Les divisions en drapeau, forme majoritaire aujourd’hui, sont donc peu nombreuses à l’issue des ateliers : les conseils des architectes permettent aux habitants de mieux saisir les enjeux et les conséquences des divers découpages fonciers et formes urbaines. Les implantations du bâti sont diverses : constructions en agrandissement, en milieu de parcelle, en fond de parcelle ou en limite de voisinage ; et les maisons souhaitées par les habitants ont des morphologies traditionnelles du type « rez-de-chaussée + combles » (modèle du pavillon, de la longère, de l’appentis ou du porche) mais des volumes modernes (toitures terrasses, baies vitrées) ont également été souhaités.

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Au final, sans la prise en compte des projets de lotissements, les projets de logements n’altèrent pas la physionomie actuelle de la commune. L’intégration dans le tissu urbain existant des logements souhaités par les habitants s’effectue de manière douce, ce qui n’est pas le cas des logements en lotissement qui participent, de manière rapide, à l’extension urbaine de la commune.

Extrait de l’intégration des projets des habitants au sein de la commune

… et participant à des stratégies d’ensemble

Lorsque certains projets individuels sont assemblés, ils créent des plus values urbaines que la commune peut traduire en stratégies urbaines dans son PLU. Il s’agit d’amélioration de franges urbaines ou d’entrées de ville, de remaillages de cœur d’îlot, ou encore de créations de fronts de rue.

Amélioration de franges urbaines et d’entrées de ville

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Certains projets participent à l’amélioration de franges urbaines de la commune, héritées des évolutions du tissu pavillonnaire. Leur traitement permet de délimiter clairement les espaces urbanisés des espaces naturels et agricoles. La lecture de l’environnement est alors facilitée. Un bâtiment peut également jouer le rôle de marquage d’entrée de ville. Il permet de faire comprendre que l’usager entre dans la commune et change donc d’environnement, ce qui est moins évident lorsque les bâtis sont en recul par rapport à la voie. Les franges urbaines créées ces dernières années sous forme d'extensions urbaines en lotissement s’intègrent difficilement dans le paysage environnant et l’image extérieure de la commune ne reflète pas celle du centre-bourg.

Certains projets individuels des habitants pourraient ainsi s’inscrire dans une réflexion d’amélioration des lisières de la commune.

Remaillages de cœurs d’îlots

Au Tremblay-sur-Mauldre, des cœurs d’îlots ont été aménagés par les constructions successives au cours du temps. Certains comprennent des voies sans issue qui pourraient desservir de nouvelles habitations. Certaines voies sans issue pourraient être prolongées jusqu’à une voie existante de manière à créer de nouveaux accès et à percer ainsi les grands îlots. Par ailleurs, pour les îlots situés en limite d’un espace naturel ou agricole et dont les jardins privés marquent cette délimitation, la réalisation d’une voie entre ces jardins privés et ces espaces naturels pourraient permettre la desserte de quelques logements projetés par les habitants. Ainsi, l’intérêt pour les particuliers de construire sur leur parcelle peut converger avec l’intérêt pour la commune de créer de nouvelles voies d’accès remaillant les îlots.

Création de fronts de rue

Implanter des nouveaux logements à l’avant des parcelles, en limite de voie, permet la création de fronts de rue. Ces fronts bâtis structurent l’espace public en le délimitant clairement des espaces privés et redonnent ainsi à la rue un caractère plus facilement identifiable. C’est sur ce modèle d’implantation du bâti que le centre-bourg s’est développé. Cette stratégie de création de fronts de rue est donc en cohérence avec le développement traditionnel de la commune. Les élus pourraient se saisir de cette stratégie urbaine lors de l’élaboration du PLU en incitant des implantations du bâti à l’alignement de la voie publique.

Amélioration du fonctionnement de l’espace public

D’autres plus values urbaines ont été identifiées à la suite des entretiens avec les habitants, telles que la création d’une cour commune de stationnement public dont une habitante est à l’initiative. Lors de la définition de son projet, elle a souhaité le recul du nouveau bâtiment pour faciliter le stationnement actuellement délicat dans sa rue. Il est intéressant de noter que plusieurs habitants ont proposé de telles suggestions d’amélioration du fonctionnement de l’espace public.

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Convergence d’intérêts particuliers

Enfin, hormis la convergence d’intérêts particuliers avec des intérêts de la commune, quelques intérêts particuliers peuvent converger entre eux. En effet, grâce aux règles de droit privé, complémentaires aux règles d’urbanisme, les particuliers peuvent s’entendre entre eux pour créer des stratégies leur permettant de réaliser leurs projets individuels. Par exemple, la réalisation d’un

accès commun peut être utile à plusieurs voisins. PISTES POUR L’ÉLABORATION DU PLU

Présentation aux élus des ateliers avec les habitants

Les élus ont pris connaissance des résultats des entretiens en termes de nombre et d’échantillon des foyers reçus, d’attitudes des habitants, de projets souhaités. Il leur a été ensuite présenté la modélisation générale de la commune avec l’intégration de l’ensemble des projets des habitants (images avec et sans lotissements). La modélisation en 3 dimensions a beaucoup intéressé les élus. Ils étaient d’abord étonnés de voir leur commune sous cet aspect, certains n’arrivant pas à la reconnaître immédiatement. Ils ont vivement réagi à l’image de leur commune intégrant les lotissements. Les élus se sont mieux rendu compte des conséquences de ce mode de développement. La modélisation 3D est donc un support visuel efficace pour échanger avec les habitants, mais aussi avec les élus. Les élus ont souhaité savoir si des habitants avaient été en opposition avec la démarche Bimby et pourquoi. Certains habitants sont en effet arrivés aux entretiens en émettant le souhait que leur commune ne change pas : « on ne souhaite pas que notre commune devienne Élancourt ». L’image de la ville nouvelle et la notion de densification font peur aux habitants venus vivre dans un village rural et attachés à la conservation de son identité4. D’une manière générale, l’avis de ces habitants a évolué grâce à la discussion avec les architectes qui leur a permis de comprendre que la densification maîtrisée en renouvellement urbain va dans le sens du développement traditionnel du bourg. Ce constat apporte aux élus une partie des éléments du diagnostic sur les besoins et souhaits des habitants et confirme le choix d’une évolution urbaine de la commune par la filière diffuse en renouvellement urbain. Après la présentation de quelques projets d’habitants, les élus ont noté la forte contribution des habitants au développement urbain de leur commune et des propositions intéressantes de la part de certains habitants avec des stratégies « gagnant – gagnant », convergences d’intérêts évoquées précédemment. Le maire a également soulevé la prise en compte de l’intérêt général de la part d’habitants : « ils voient plus loin que leur parcelle »5.

Et après ? Des stratégies à définir et traduire dans le règlement

L’intégration de la filière Bimby implique un nécessaire changement des mentalités et des manières de fonctionner. Jusqu’à présent le maire ne pouvait négocier qu’avec deux ou trois propriétaires terriens pour obtenir des terrains destinés à la construction de nouveaux logements en lotissements. La filière Bimby change la donne car chaque propriétaire de la commune peut décider de diviser son terrain, ce qui laisse la possibilité aux élus de définir de réelles stratégies d’ensemble.

4 Voir l’article sur le « conservatisme positif des habitants » : http://bimby.fr/2011/02/conservatisme-positif-

des-habitants 5 Voir l’article « vers un urbanisme plus démocratique »

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Après la phase de concertation des habitants, les élus, avec l’appui du bureau d’étude en charge d’élaborer le PLU, devront en effet opérer des choix et formuler des stratégies de développement de la commune (définition et hiérarchisation par les élus d’enjeux tels que la consommation d’espace, l’offre et les besoins en logements, l’accueil de nouveaux habitants, l’amélioration des entrées de ville, des franges urbaines, etc.). Les élus devront alors étudier la cohérence des projets individuels avec les stratégies globales et par quartier qu’ils auront définies. A partir des choix opérés, les élus feront émerger les règles favorisant les stratégies et scénarios adoptés (règles de servitude, règles architecturales, utilisation des orientations d’aménagements, etc.). Les différents projets des habitants ont été mis en regard avec le document d’urbanisme actuel de la commune, le POS, afin d’observer aujourd’hui leur faisabilité. Quelle est la part des projets qui seraient refusés avec les règles d’urbanisme actuelles alors que certains projets individuels pourraient participer aux stratégies globales de la commune ? Quels sont les principaux articles du règlement en cause ? Seulement 2 à 3% des projets souhaités par les habitants lors des entretiens individuels seraient autorisés par les règles du POS actuel ! Les articles majoritairement bloquants sont les articles concernant :

- le COS (article 14) ou le minimum parcellaire (article 5), - l’accès (article 3) ou le stationnement (article 12), - le rapport aux limites (articles 6-7-8), - le gabarit de construction (articles 9 et 10).

Cette analyse est donc l’occasion d’engager une réflexion sur l’écriture des règles lors de l’élaboration du PLU : comment permettre aux habitants de réaliser des projets qui participent aux stratégies globales de la commune ? Chaque règle impactant différemment chaque parcelle, quelle démarche mettre en œuvre pour permettre aux habitants de participer pleinement au développement de leur commune ? Les règles d'urbanisme seront définies en fonction d’un zonage qui correspondra aux spécificités de chaque territoire de la commune. Par ailleurs, toutes les règles ne seront pas nécessairement à inscrire dans le règlement du PLU car certaines peuvent être intégrées aux OAP (orientations d’aménagement et de programmation). Des changements conséquents concernant l’écriture des règles vont devoir être effectués dans l’objectif d’une refonte du règlement qui aujourd’hui ne permettrait pas autant de projets individuels. En même temps, les élus seront d’autant plus tenus d’expliquer aux habitants les enjeux urbains de la commune et les choix d’urbanisation opérés, qu’ils doivent argumenter le choix des règles établies, pour que les habitants comprennent pourquoi tous ne pourront pas réaliser leur projet. D’autres expérimentations d’ateliers individuels avec les habitants sont actuellement en cours dans des communes des Yvelines et de l’agglomération tourangelle qui entrent dans une phase d’élaboration de leur PLU. Ces expérimentations permettront d’affiner la méthode et l’analyse des résultats.