3 annale complète n°38 année 2014 - amis du … · 2 sommaire editorial guiral almes page 2...
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Sommaire
Editorial Guiral Almes Page 2
Membres de notre Association décédés au cours de l’année Page 3
Bilan des activités Page 4
Résultat enquête de satisfaction Daniel Dannay Page 6
A propos du changement de nom de l’association Daniel Dannay Page 8
Inauguration de la statue de saint Fiacre Daniel Dannay Page 9
Compte-rendu financier 2013 Robert Mauras Page 11
Budget de fonctionnement 2014 Robert Mauras Page 12
Souvenirs d’écolier Robert Castinel Page 13
Visites des classes de l’école Robert Verrier Daniel Dannay Page 17
Commémoration de la « Grande Guerre » Georgette Poucel Page 19
1914-1918 : un chirurgien de Rognes aux armées Bérengère Belaube Page 23
Histoire dramatique d’un opposant rognen…. Béatrice Dambier Page 25
Une procession du Saint-Sacrement sous la pluie Michel Barbier Page 31
Réhabilitation de la Jasse Daniel Dannay Page 34
La carte de Cassini Daniel Dannay Page 36
Frédéric Mistral…et les prénoms Alain Carluec Page 39
Hommage à Maurice Coquet… Daniel Dannay Page 41
La Pastorale Daniel Dannay Page 44
Brindilles des jours (extrait) Gilbert Roche Page 46
Cantico à San Danis (traduction Pierre Peirano) Page 48
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EDITORIAL
Les adhérents, réunis en assemblée générale au mois de février 2014, ont décidé de
donner un nouveau nom à l’association : «les Amis du patrimoine de Rognes». Associée à ce
changement, la couverture des Annales porte maintenant le logo choisi par le conseil
d’administration et une photo de nos patrimoines en filigrane, qui sera renouvelée tous les
ans. Après les résultats de l’enquête de satisfaction publiée dans ce n°38, le contenu de nos
articles concernera le patrimoine immatériel, comme les visites de Rognes pour les élèves de
l’école primaire ayant pour thème la lessive au lavoir au temps de nos grands-mères ou celui
des moulins à vent, et des articles d’ordre historique, comme l’étude sur les morts rognens de
la grande guerre. Une chronique d’un de nos anciens ouvrira, je l’espère, toute une série de
témoignages sur la vie des habitants aux périodes plus récentes. Notre action, définie par de
nouveaux statuts, portera sur la mise en valeur de notre patrimoine rural, comme l’ont été, en
2014, la restauration de la Jasse de Ponserot et le nettoyage des abords de la ferme des
résistants dans le vallon de Valfère.
Nous inviterons les adhérents à participer et à s’ouvrir aux actions menées par les
associations amies et les institutions régionales. Nous ouvrirons au public la Maison du
patrimoine de Rognes tous les premiers samedis matin de chaque mois et continuerons de
collecter et présenter les objets du passé. L’ouverture de nos archives se fera progressivement
par une mise en ligne sur internet et la communication renforcée grâce aux outils utilisant les
nouvelles technologies de l’information.
Notre action doit porter principalement sur l’inventaire et la mise en valeur de tous nos
patrimoines: naturels, architecturaux, linguistiques, qui malheureusement disparaissent peu à
peu à cause du déclin de la ruralité depuis les années soixante. Notre pays provençal se doit de
mettre en exergue et conserver son patrimoine millénaire, fruit d’une civilisation accomplie.
Ils sont encore nombreux ceux qui détiennent et qui veulent partager le savoir des choses de
sa nature et de ses richesses humaines. La preuve en est cet engouement des nouveaux
arrivants et des visiteurs à vouloir connaître et faire leurs les racines de ce pays. Ce n’est pas
l’homme qui fait le pays, mais le pays qui modèle ses hommes.
Le pays de la langue de Mistral a un avenir sous-tendu par ses immenses richesses
naturelles et patrimoniales et par ses hommes impliqués dans leur valorisation. Nous ne
remercierons jamais assez les personnes qui œuvrent dans notre association à transmettre ces
valeurs.
Guiral Almes
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Membres de notre Association décédés au cours de l’année 2014
Wilefert Louis le 30 janvier
Gaillard Jeanne le 24 février
Lézaud Noël le 27 juin
Grimaud Raymond le 20 juillet
Jourdan André le 29 juillet
Ci-après rectificatif suite à une erreur de la date de décès.
Yvette Cécile Valeye épouse Lézaud décédée le 15 mars 2006
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BILAN DES ACTIVITES
24 janvier, réunion du Conseil d'administration.
Janvier, distribution des Annales n°37 organisée par Gisèle Gazel, Andrée Lambert et
Thérèse Bonnabaud.
31 janvier, visite du Mucem à Marseille organisée par Georgette Poucel.
Février, Assemblée générale ordinaire de l’Association.
8 février, assemblées générales, ordinaire et extraordinaire, suivies d’une conférence
présentée par Yannick Grappard sur l’abbaye cistercienne de Silvacane.
28 mars, reconnaissance de la bergerie de la Jasse, à Ponserot, par une quinzaine
d’adhérents.
8 avril, débroussaillage de la bergerie organisé par Daniel Dannay et effectué par
Pierre Peirano, Michel Davin, Philippe Chabosson, Alain Carluec, Olivier Petitjean, Andrée
Lambert, Michele Chevé, Daniel Dannay.
3 mai, sortie nature et histoire à Sainte-Anne de Goiron à Lambesc, animée par Andrée
Lambert et Guiral Almes.
18 mai, ouverture de la Maison du patrimoine pour la fête du vin.
Mai et juin, visite du village par les élèves du primaire (7 classes) sur deux thèmes:
«l’eau à Rognes» et «du blé au pain». Visites des moulins à vent et à eau de Rognes
organisation : Daniel Dannay, Evelyne Le Nouvel. Accompagnement : Anne-Marie Carluec,
Alain Carluec, Andrée Lambert, Jacqueline Jourdan.
7 juin, visite du village de Cadenet organisée par Georgette Poucel.
10 juin, grande « bugade » (lessive) au lavoir de la Fontvielle pour la grande section
de la maternelle.
Juin, nettoyage des abords de la ferme de Valfère organisé par Guiral Almes et réalisé
par de nombreux membres de l’Association en liaison avec l’Association des anciens
combattants de Rognes.
Juin, restauration et présentation du mobilier archéologique à la Maison du patrimoine.
Août, réalisation d’un film pour l’Association sur le tremblement de terre de 1909 par
Yannick Grappard, Jacqueline Bellessa, Evelyne Le Nouvel et Daniel Dannay.
13 septembre, participation au Forum des associations et ouverture de la Maison du
patrimoine.
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20 et 21 septembre, Journées du patrimoine, visites de l’église et de la chapelle Saint-
Marcellin commentées par Paule Dubuis et Guiral Almes.
28 septembre, fête de Saint-Marcellin et inauguration du sentier vigneron.
11 octobre, inauguration de la statue de saint Fiacre, rue de l’Eglise, suivie d’un
apéritif-pizzas.
Octobre et novembre, préparation des Annales n°38 par Pierre Peirano et Michel
Barbier.
Tous les premiers vendredis du mois, réunion du bureau élargi.
Tout au long de l’année 2014, participation aux réunions mettant en place le sentier
vigneron.
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RESULTATS DE L’ENQUETE DE SATISFACTION.
Seuls 14 adhérents ont répondu à ce questionnaire – un peu moins de 10% du nombre
total d’adhérents – aussi est-il difficile de tirer des conclusions définitives. Voici toutefois les
résultats obtenus, indiqués en chiffres gras.
Dans quelle mesure êtes-vous satisfait(e) des Annales ?
(Note de 1 à 5 : 1 = Insatisfait(e) ; 5 = tout à fait satisfait(e))
Dans la forme.
Format actuel (21x29,7) :
Qualité de la présentation
(Papier, mise en page, reliure, etc.)
Illustrations (photos, plans).
Nombre :
Qualité :
Seriez-vous intéressé(e) par une version informatisée des Annales ?
Très intéressé(e) Intéressé(e) Peu intéressé(e) Pas du tout intéressé(e)
Avez-vous l’intention de compléter votre collection des Annales avec les numéros manquants ?
OUI NON
Dans le fond.
Dans l’ensemble êtes-vous satisfait(e) du choix des articles :
Très satisfait(e) Satisfait(e) Peu satisfait(e) Pas du tout satisfait(e)
Priorité à accorder aux différents sujets que vous aimeriez voir traiter dans les futures Annales. (P1 étant la première priorité)
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Sans réponse
1
3 3 4 3
4 9
Sans réponse
1
8 6
8
SUJETS P1 P2 P3 Sans réponse
La préhistoire 6 2 2 4 Histoire du village jusqu’en 1909 11 1 1 1 Histoire du village après 1909 9 1 1 3 La vie sociale 5 5 1 3 Architecture monumentale (châteaux, bastides) 9 1 2 2 Petit patrimoine rural (cabanons, bories, lavoirs…) 9 2 1 2 Les activités agricoles 6 2 4 2 Les commerces 4 3 4 3 Les institutions et édifices publics 6 4 4 Les traditions 9 2 2 1 La vie religieuse 5 2 5 2 Textes littéraires (contes, poésie, …) 4 2 5 3 Sujets ayant trait à la nature ( botanique, géologie) 8 3 3 Entretiens avec des personnalités du village 8 2 1 3
REMARQUES COMPLEMENTAIRES EMANANT DES ADHERENTS DE L’ASSOCIATION.
1) Je propose une adhésion sans les Annales à 20€/an et avec Annales 25€/an, on saurait ainsi combien d’exemplaires à faire tirer et on connaîtrait mieux le lectorat réel, le choix des sujets pourrait alors être reconsidéré.
2) Je pense qu’il ne serait pas judicieux de changer le format des Annales. Continuer ainsi dans tous vos articles, je les trouve passionnants. Longue vie à l’APR.
3) Tout est intéressant. La variété des sujets est agréable (1 seul sujet serait monotone). Il est certain que les témoignages des habitants, des anciens, sont passionnants et pour ceux qui l’ont vécu, c’est émouvant. Evidemment je lis en premier les rubriques d’Alain Carluec car ce sont des souvenirs communs !!!
4) Et l’Antiquité Gallo-romaine ? L’Histoire des routes, chemins, ponts.
5) Un adhérent souhaite une page de couverture en couleurs.
6) Un autre exprime sa préférence pour une reliure par anneaux.
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A PROPOS DU CHANGEMENT DE NOM DE L’ASSOCIATION.
Comme beaucoup d’associations du même type, l’Association des amis du vieux
Rognes a été créée à un moment où l’on sentait plus ou moins confusément qu’un mode de
vie ancestral était en train de disparaître. D’un village composé d’une population homogène,
faite essentiellement de paysans, dans lequel tout le monde se connaissait et reproduisait un
mode de vie et des traditions anciens, quasiment immuables, Rognes est passé à ce qu’il est
aujourd’hui, un village dont la population très diversifiée, venue de tous horizons, représente
la très large majorité.
Par le changement de nom nous voulons prendre en compte cette évolution. Pour être
clair il fallait évacuer le mot « vieux » peu porteur aujourd’hui, notamment auprès des jeunes
et le remplacer par un autre. Nous avons choisi « patrimoine » que les Journées du patrimoine
ont mis au goût du jour. Ce terme renvoie à tout ce qui subsiste du passé du village et qui est
encore là sous nos yeux. « Vieux » s’adressait, au moins dans les esprits, à tous ceux qui ont
connu le Rognes des chevaux, du café Jourdan, des lavoirs, etc. « Patrimoine » veut s’adresser
à tous les Rognens, en faisant connaître ce que le passé nous laisse. Faire connaître et
entretenir ce patrimoine - naturel, architectural, historique, culturel - devrait être le moyen de
rattacher chacun à la vie du village, à son histoire et, par là, de recréer du lien social.
La salle du patrimoine a été créée pour regrouper les témoignages du passé et
permettre à chacun d’en revivre les épisodes.
La mémoire des « Vieux Rognens » fait partie intégrante de ce patrimoine et nous ne
pouvons qu’encourager tous ceux qui en sont les gardiens à participer aux activités de
l’association sous la forme qui leur conviendra. Il est absolument certain que dans ce domaine
tous les trésors n’ont pas encore été dévoilés (récits, documents, photos, outils, etc.).
Daniel Dannay
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INAUGURATION DE LA STATUE DE SAINT FIACRE
Depuis sa réalisation, il y a un demi-siècle, la niche, située à l'angle de la rue de
l'Eglise et de la traverse de la Goule, était restée vide. Avec l'autorisation de Mme Garcia,
propriétaire de la maison, saint Fiacre, patron des jardiniers, y a pris place, le samedi 11
octobre 2014. Cette installation a donné lieu à un rassemblement bien sympathique de plus
d'une centaine de Rognens ou amis de Rognes.
La statue a été réalisée par M. Guiral Almes,
président de l'Association des amis du patrimoine de
Rognes, la restauration de la niche et la mise en place du
saint sont l'œuvre de M. Michel Davin.
Il serait trop long d'énumérer ici les noms de tous
ceux qui ont participé au succès de cette manifestation.
Que chacun en soit remercié. (1)
Il convient toutefois de mentionner la présence de M Corno, maire du village et du
Père Jean-Luc Michel, prêtre de la paroisse.
(1)L’idée d’occuper la niche et d’y placer une statue de saint Fiacre remonte à
plusieurs années ; nous la devons en particulier à notre ancienne présidente
Paule Dubuis.
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Une mention spéciale:
- pour la famille Manstantuono, qui sous la direction de Félix, a régalé les participants
avec ses pizzas toujours aussi délicieuses, cuites dans le nouveau four de la rue des Pénitents.
- pour le groupe des « Noiseux d'Orcanie » qui a assuré l'animation musicale de la fête.
Croyants ou non croyants, peu importe, ce fut une belle occasion de se rassembler. Et
les jardiniers ne se plaindront pas d'avoir une aide supplémentaire!
Daniel Dannay
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SOUVENIRS DE MONSIEUR ROBERT CASTINEL.
1- SOUVENIRS D’ECOLIER.
Je devais avoir entre quatre et cinq ans quand, ma mère me tenant par la main, je
franchis pour la première fois le portail de l’école.
Je me trouvais tout à coup parmi les élèves jouant dans la cour réservée aux filles. La
mixité étant interdite, un mur séparait alors la cour des filles de celle des garçons. Parmi ces
élèves se trouvait ma grande sœur Julienne, mon aînée de deux ans qui, en complicité avec ma
mère, vint à ma rencontre et me prenant par la main me présenta à ses amies qui
m’embrassaient, me disant qu’à présent j’étais devenu un grand garçon puisque j’étais en âge
de venir à l’école !
Mais quand, la récréation terminée, toutes ces grandes filles se mettant sagement en
rang pour entrer en classe sous les ordres de Madame Barra, institutrice, je voulus retrouver
ma mère, celle-ci avait disparu.
J’étais là, désorienté, parmi quelques petits enfants de mon âge, ayant subi le même
sort. C’est à ce moment-là qu’une grande jeune fille souriante s’approcha de nous. Avec des
mots aimables, elle nous fit mettre en rangs deux par deux et nous fit entrer dans une pièce
réservée pour l’accueil des enfants âgés de trois à cinq ans que l’on appelait la garderie.
La demoiselle qui s’occupait de nous se nommait Armande Audibert, laquelle après
son mariage se nomma Madame Lassale. Son mari, entré dans la Résistance durant la seconde
guerre mondiale, fut arrêté et fusillé par les nazis près d’Estoublon dans les Alpes-de-Haute-
Provence. Une stèle dressée au bord de la route témoigne du lieu où il tomba sous les balles
ennemies.
De ce temps passé à la garderie, je me souviens du premier apprentissage de
l’alphabet. Les vingt-six lettres qui formaient les mots de la langue française étaient en carton.
Derrière chaque lettre était fixé un petit crochet qui servait à suspendre la lettre sur une
cordelette reliant deux montants en bois, fixés sur un madrier qui servait de piédestal. C’est
ainsi que notre gardienne, qui fut en quelque sorte notre première maîtresse, nous apprit
d’abord à connaître les voyelles, puis les consonnes. Munis d’une règle, nous devions
désigner les lettres qu’elle énonçait au hasard. C’est ainsi que cette initiation précoce fut très
enrichissante pour nous, avant d’entrer à l’âge de cinq ans à la Grande Ecole.
Notre « savoir », notre « culture » nous permit d’aborder plus sereinement cette
nouvelle étape bien plus laborieuse et risquée que nous devions franchir : savoir maîtriser
l’écriture !
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Oh ! Ce premier banc de la grande école sur lequel je m’asseyais pour la première
fois ! Cet encrier plein d’encre à l’odeur âcre, pénétrante, ce premier porte-plume que je tenais
entre mes doigts ! Je trempais ma plume jusqu’au fond de l’encrier, et quand je la retirais et
m’apprêtais à écrire quelque voyelle, voilà que l’encre dégoulinante venait me faire un beau
pâté sur mon premier cahier tout neuf ! Et mes trois doigts noircis par cette encre perverse !
Combien ces maudits pâtés m’ont fait verser de larmes, de peur d’être réprimandé par
mon premier maître, Monsieur Poucel Eugène (1).
Tous les garçons du village étaient réunis dans la même classe, dès l’âge de cinq ans
jusqu’à ceux aptes à être présentés au certificat d’études, vers les douze ou treize ans, divisés
en plusieurs groupes. Il y avait le cours préparatoire pour les plus jeunes, puis le cours
élémentaire et le cours moyen pour les plus anciens. Nous étions près d’une cinquantaine.
Notre maître débordé de travail se faisait parfois aider par les plus doués, les plus anciens qui
venaient expliquer aux débutants les premières notions d’écriture.
Monsieur Poucel m’enseigna pendant deux ans, puis il partit à Marseille après la mort
de son petit garçon. D’autres maîtres lui succédèrent. Messieurs Rouby, Philip, Rossignol,
Chauméry, ce dernier, avant-gardiste, engagé politiquement, nous apprenait au son de son
banjo des chansons qu’il composait lui-même.
Puis vint Monsieur Briole André. Nommé à son premier poste d’enseignant à Rognes,
alors qu’il n’avait pas encore effectué son service militaire, il enseigna une année avant de
partir à l’armée. Il fut remplacé par Monsieur Chauméry Auguste, susnommé. Son service
militaire terminé, Monsieur Briole revint à Rognes enseigner à nouveau, en compagnie de sa
mère, une femme adorable, très estimée dans le village. Etant provençale, elle s’exprimait
rarement en français ; elle excellait dans la langue provençale, langage parlé couramment en
ce temps-là dans tous les villages de Provence et que l’on n’entend plus hélas parler depuis
longtemps !
Monsieur Briole était un excellent maître. Il était bienveillant et sévère à la fois. Tous
les matins il nous faisait des cours de morale et d’instruction civique. En classe, à la moindre
incartade, il nous punissait. J’ai été puni quelquefois pour avoir été turbulent en classe. Au
lieu de sortir en récréation je devais copier sur mon cahier de brouillon la conjugaison d’un
verbe, du présent de l’indicatif jusqu’au participe passé. Il y avait de quoi s’occuper !
Mais grâce à sa compétence pédagogique, à sa bienveillante autorité j’ai passé avec
succès l’épreuve du certificat d’études. Bonheur et fierté partagés avec mon maître !
Combien de jeux avons-nous pratiqués dans cette cour d’école ! Nous jouions à la
balle au camp, à la balle chevalière, à cèbe, à patèles, aux billes (2). Le sol de la cour de
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l’école était en terre, toute poussiéreuse, à cause de nos chaussures cloutées de caboches qui
effritaient sa surface. Chacun d’entre nous portait une blouse et un béret noirs. Imaginez dans
quel état étaient nos vêtements en fin de journée, à la sortie de l’école ! Cette sortie d’école se
faisait dans le plus grand silence. En rang, deux par deux, le béret à la main, nous avancions
jusqu’à hauteur du Monument aux Morts pour la France, afin que le dernier rang sorte de la
cour, et là, en arrêt, toujours en silence, nous attendions que la maître frappe deux fois dans
ses mains pour nous libérer, sans que l’on oublie de dire : « Au revoir, Monsieur ! » Sinon,
gare à la punition !
Peu de temps avant les vacances, par beau temps, nous allions en « promenade » dans
la nature : soit au Cabanon Rouge, propriété de Monsieur Charles Thomas, tout proche du
Collet Pointu, soit à l’Our de Castéu, propriété de Monsieur Richaud, dit Richaud le riche !
Dressé au milieu d’une pinède, à l’ombre des pins, où se mêlaient le thym, le romarin
et les genêts, se trouvait le Cabanon Rouge, dénommé ainsi parce que ses murs, au crépi
rugueux, de couleur ocre, lui donnaient cet aspect rougeâtre. Nous jouions sagement, sous la
surveillance du maître, afin de respecter, de ne pas abîmer la nature, dans l’odeur enivrante
des genêts en fleurs. Au pied du versant nord de la pinède se trouvait une "pile" en pierre de
Rognes, dans laquelle un tuyau en fer enfoncé horizontalement et profondément dans le sol,
laissait perler goutte à goutte une eau limpide, juste assez pour y maintenir une petite réserve
d’eau. Il y a bien longtemps que cette petite source est tarie.
Quand nous allions à l’Our de Castéu (prononcer l’Our dè Castéou) direction nord de
Rognes, arrivés au tournant de Chassaud (3), nous quittions la route pour emprunter le petit
sentier à la pente raide qui jouxte le cabanon de Chabot et nous arrivions sur le chemin de
Sous-Ville, creusé de chaque côté de profondes ornières causées par les roues cerclées des
charrettes tirées par des chevaux. Nous chantions tout en marchant sur ce sol desséché par le
soleil et le mistral, soulevant un nuage de poussière. Le maître nous criait : « Ne traînez pas
les pieds ! » Arrivés à destination on se trouvait devant le grand bassin, alimenté par une
source à grand débit dont l’eau très froide sortait d’un conduit souterrain (la clapouille),
traversant les terres de la propriété. A l’extrémité de ce conduit, l’eau s’écoulait dans une
rigole avant de se déverser dans le bassin.
Nous avions tous une musette dans laquelle se trouvait notre goûter, ainsi qu’une
petite bouteille d’eau additionnée d’un peu se sirop. Nous mettions nos bouteilles dans l’eau
fraîche de la rigole ; ainsi, à l’heure du goûter, à l’ombre du grand marronnier, notre boisson
était plus agréable à boire. L’heure du retour arrivait et nous reprenions le même chemin tout
en chantant et soulevant la poussière sous nos pas.
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En fin d’année scolaire, avant les grandes vacances, se déroulait la distribution des
prix. Les meilleurs élèves de chaque cours étaient récompensés par un beau livre offert par
l’Education nationale. La cérémonie se déroulait dans la cour de l’école. Un ou deux jours
avant, nous avions aidé notre maître à dresser une estrade avec des madriers et des tréteaux.
Du haut de cette tribune avant la distribution des prix remis par Monsieur le Maire de la
commune, nous récitions des poèmes, nous chantions des chansons apprises à l’école, devant
nos parents admiratifs, assis sur des bancs, nous applaudissant à chaque interprétation.
Tout ce temps merveilleux passé à l’école prit fin en 1936, année où j’ai obtenu mon
certificat d’études.
Ma pensée va vers vous, mes très chers maîtres, et par l’au-delà, je tiens à vous
remercier infiniment, à vous exprimer toute ma gratitude pour tout ce que vous m’avez
enseigné, avec sollicitude et dévouement.
Merci infiniment !!!
Robert Castinel
Note de la rédaction.
(1) Eugène Poucel était le père de Georgette Poucel, bien connue des lecteurs des Annales pour ces recherches historiques, toujours précises et particulièrement appréciées.
(2) Ces jeux ont pu être pratiqués ailleurs sous d’autres noms. Balle au camp : deux équipes, chaque équipe fait des prisonniers dans le camp
adverse en les touchant avec une balle. Balle chevalière : même principe, mais les équipes sont formées de cavaliers, un
enfant sur le dos d’un autre. Cèbe : la cebo c’est l’oignon. Au figuré « Dire cebo » : céder, plier sous le poids,
sous la fatigue. Se rendre, se soumettre. Ce jeu se joue à deux équipes. Un enfant de la première équipe, adossé à un mur,
place ses mains en forme de réceptacle à hauteur du bassin, le premier partenaire de cette équipe baisse sa tête et la place dans les mains de son camarade. Les autres membres de l’équipe place leur tête entre les jambes de celui qui le précède. Quand toute l’équipe est ainsi disposée en enfilade, un par un, les membres de l’autre équipe saute aussi loin que possible sur les dos. Quand le poids des adversaires devient insupportable pour l’un des équipiers qui les reçoit, celui-ci crie « cèbe ». La partie s’arrête et les équipes permutent.
Patèles : une variante de saute-moutons. Inutile de parler des billes, tant ce jeu est connu et donne libre cours à
l’imagination dans toutes les formes possibles de sa pratique. (3) Sur la route D66 qui va vers Caireval, le premier virage à gauche après la
pancarte indiquant la fin de village de Rognes.
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VISITES DES CLASSES DE L’ECOLE ROBERT VERRIER
Au cours des mois de mai et juin 2014, et grâce à l’esprit d’ouverture qui anime la
directrice et les enseignantes de notre école primaire, l’Association a pu faire découvrir
certains aspects du village à sept classes - de la
grande section de maternelle au CM1-.
Deux thèmes avaient été choisis par les
enseignantes : l’eau et « du blé au pain ». Le
premier thème a permis d’évoquer les beaux
jours du canal du Verdon, de visiter le moulin
du Rossignol - que ses propriétaires soient ici
chaleureusement remerciés - de préciser
l’évolution de l’approvisionnement en eau du village au cours du temps et le cycle actuel de
l’eau, enfin, de faire le tour des lavoirs et des fontaines.
Les jeunes de la grande section de
Maternelle ont eu « la chance » de pouvoir faire la
lessive au lavoir de la Fontvieille, comme leurs
aïeules. A cette occasion Mme Mireille Saunier a
offert à la salle du Patrimoine une caisse de
lavandière - qu’elle soit remerciée pour le don de
cet objet bien émouvant, chargé de tant de
souvenirs. Cette caisse avait appartenu à Mme
Marie Bastard.
Avec le second thème furent abordés le fauchage des céréales, leur foulage sur les
aires et leur mouture, même s’il a fallu qu’un élève simule le cheval pour fouler le blé et
beaucoup d’imagination pour voir sortir la farine des moulins en ruines du Deven…
Ces visites ont été riches en enseignements. Tout d’abord il faut souligner l’excellente
disposition des enseignantes et le bon comportement des élèves, leur attention et le nombre de
leurs questions. Par contre un effort semble devoir être accompli pour protéger tout le petit
patrimoine qui nous attache au passé : vestiges du canal du Verdon, fontaines, restes des
moulins à vent et à eau, etc. La « grande bugade » des jeunes de maternelle a entraîné la
remise en état du lavoir de la Fontvieille par la Municipalité. Enfin, le don de la caisse de
lavandière est une incitation pour tous à mettre à la disposition des Amis du patrimoine tout
objet capable de concrétiser aux yeux des jeunes générations ce qu’étaient les conditions de la
vie autrefois. (1)
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L’association des Amis du patrimoine de Rognes est prête à renouveler cette première
expérience.
Daniel Dannay
(1) L’Association cherche désespérément un rouleau en pierre qui servait à fouler les céréales.
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COMMEMORATION DE LA « GRANDE GUERRE »
Pour honorer la mémoire des Rognens tombés au cours de la guerre de 1914-1918,
dont débute le centenaire, nous sommes convenus de publier pendant cinq ans la liste des
« Morts pour la France » de l’année en cours, avec les informations contenues dans les
registres de l’état civil de notre commune.
Signe du désordre de l’administration consécutif à cette terrible période, pour chacune
des victimes deux ou trois dates sont à mentionner : celle de son décès constaté par un
supérieur ou un camarade sur le champ de bataille, celle de la déclaration par un officier d’état
civil institué dans le secteur des opérations, celle enfin de sa transcription dans le village
d’origine ou de sa dernière résidence. Et celle-ci pouvait s’effectuer plusieurs mois, voire
plusieurs années après le décès du malheureux « Mort pour la France ».
On peut imaginer l’angoisse des familles de ceux dont l’avis officiel n’est tombé que
deux ou trois ans après leur décès. La vaine espérance entretenue par le silence des autorités
ne fut certainement pas préférable à l’annonce arrivée dans les temps.
Sur place, la solidarité était forte. Toute nouvelle reçue était relayée par le quotidien
local et pour Rognes nous avons, d’août 1914 à février 1917, les articles du Petit Marseillais
de son correspondant Léon Poutet.
En 1921, quand on a élevé le Monuments au Morts, certains n’étaient-ils pas dûment
enregistrés ou bien sont-ils inscrits dans un village voisin, toujours est-il que six victimes
inscrites aux registres ne sont pas sur le monument, alors que six noms gravés au monument
ne figurent pas aux registres.
Si des erreurs ou des omissions sont constatées sur nos listes, les familles voudront
bien nous en excuser, et, dans les Annales de 2015, nous publierons les rectifications
souhaitées. Les descendants des victimes pourraient avoir, sur le livret militaire de celles-ci,
des détails, arme, matricule, citation, que les registres n’ont pas retenus et que nous
recueillerons avec un respectueux intérêt.
Une liste de victimes ne rend pas compte de toutes les souffrances, deuils, handicaps
des blessés ou gazés, de celles des prisonniers de guerre, relatives à ce conflit épouvantable.
Mais il est plus difficile, voire impossible, de rendre compte cent ans après, des dommages
consécutifs à un tel événement. Si ces pages de commémoration incitent les jeunes
générations à se pencher sur l’histoire de leur famille et sur celle de leur communauté, le
sacrifice des quarante « Morts pour la France » de Rognes en aura été un peu moins vain.
Il ne faut pas oublier.
Georgette Poucel
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Les « MORTS POUR LA FRANCE » en 1914
(ordre chronologique des décès)
PHILIP Victorin
Mort le 26 août 1914 à Pont de Mont, Meurthe et Moselle.
173ème Régiment d’Infanterie, matricule 1421.
Né le 6 février 1891 de Maximin et de Laty Thérèse.
(absent au monument) (acte 3 de 1917)
ROUBIN Abel
Mort le 17 septembre à Cumières, près de Verdun.
Déclaré le 6 octobre à Récicout, Meuse.
141ème Régiment d’Infanterie, matricule 5347.
Né le 6 septembre 1892 d’Albert et de Giraud Pauline. (acte 3 de 1915)
22
HALIN Constant
Mort le 24 septembre au bois de Malinbois, près de Rupt, Meuse.
Mort le 2 avril 1915 selon le registre de Rognes.
258ème Régiment d’Infanterie.
Né le 9 avril 1886 à Villelaure. (acte 17 de 1915)
LEZAUD Jules Léon
Mort le 27 septembre à Bouconville, Meuse, « d’une balle à la poitrine ».
157ème Régiment d’Infanterie, 10ème compagnie.
Né le 1er octobre 1893 de Marius et Aillaud Elisabeth. (acte 20 de 1915)
BARLATIER Léon
Mort le 29 septembre à Hivray, Meuse.
Déclaré le 4 octobre à Raulecourt, près de Commercy, Meuse.
Réserviste au 163ème Régiment d’Infanterie, 13ème compagnie.
Né le 10 octobre 1880 d’Hippolyte et d’Agnès Gaudin. (acte 12 de 1915)
SARLIN Léon
Mort le 29 septembre à Hivray, Meuse (date du Petit Marseillais).
Déclaré le 18 août 1915 à Andilly, Meurthe et Moselle, comme mort le 10
Octobre 1914.
Réserviste au 163ème Régiment d’Infanterie, 7ème compagnie.
Né le 8 décembre 1888 à Lourmarin. (acte 21 de 1915)
LEZAUD Maximin Bénonin
Mort le 31 octobre à Malancourt, Meuse.
Sergent au 173ème Régiment d’Infanterie.
Né le 30 mars 1892 d’Henri Léopold et de Fabre Augustine.
(pas sur le monument, pas aux registres, annoncé par Poutet, au numéro du 9 novembre 1914)
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AILLAUD Denis Jean-Baptiste
Mort le 31 octobre à Sénonès, près de Moyenmoutier, Vosges.
Réserviste au 363ème Régiment d’Infanterie, 23ème compagnie, matricule 06393.
Né le 2 mars 1883 de Gustave et Sophie Gibelot. (acte 4 de 1915)
ISOARD Albert Marius Henri
Mort le 31 octobre à Sénonès, près de Moyenmoutier, Vosges.
Réserviste au 363ème Régiment d’Infanterie, 22ème compagnie, matricule 03363.
Né le 26 mars 1881 de Désiré et Joséphine Maurin, marié à Germaine Gras.
(acte 13 de 1916)
PHILIP Jules Toussaint
Mort le 16 novembre à 16h sur le champ de bataille de Poëlecapelle.
Déclaré le 22 novembre à Lampernisse, Belgique, près d’Ypres.
23ème bataillon de chasseurs à pied (idem « Infanterie ») matricule 02373.
Né le 30 octobre 1890 d’Hilaire et Laty Augustine. (acte 7 de 1915)
DOMERGUE Ernest (Daumergue au registre de la commune de Rognes)
Mort le 30 novembre à Bois de Confluent, Belgique.
Déclaré le 2 décembre à Belhomart, Pas-de-Calais.
6ème bataillon de chasseurs à pied, matricule 04439.
Né le 9 mai 1881 de Bienvenu et Bompard Rose. (acte 2 de 1916)
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1914-1918: UN CHIRURGIEN DE ROGNES AUX ARMEES.
Dans le cadre de notre commémoration de la Grande Guerre, nous avons l’avantage de pouvoir évoquer la figure d’un éminent Rognen, le docteur Henri Pons, dont se souviennent encore les plus âgés d’entre nous. C’est sa petite-fille, Madame Bérengère Belaube, membre de notre association, qui nous a communiqué plusieurs documents le concernant, l’état de ses services pendant la guerre et les témoignages de reconnaissance que lui avaient valus ses compétences et son dévouement. Voici ce qu’elle nous écrit:
Je n’ai pas connu mon grand-père paternel, le docteur Henri Pons, et mon père nous en
a peu parlé. C’est donc en parcourant les documents que tous deux nous ont laissés que j’ai pu
retracer le parcours de mon grand-père pendant ces quatre années de guerre.
Né à Pau en 1877, mon grand-père était, en 1914, médecin réserviste et, de ce fait, il a
été appelé sous les drapeaux dès le deuxième jour de la mobilisation générale. Il devait «aller
à la gare la plus proche de son domicile pour rejoindre l’hôpital militaire de Marseille n°15».
De janvier à août 1915, il a été affecté à l’hôpital temporaire n°77 de la place de Dijon,
puis à celui de Dampierre jusqu’en décembre 1915.
On le retrouve opérant dans divers hôpitaux militaires jusqu’à la fin de la guerre, avec
de courtes interruptions dues à un extrême surmenage physique et émotionnel, «surmenage
très sérieusement aggravé par une double congestion pulmonaire compliquée d’hémoptysie».
J’ai retrouvé un de ses carnets opératoires particulièrement suggestifs de la gravité des
blessures traitées, extraction d’éclats d’obus, ablation de membres, « réaction de côtes
fêlées ».
Après avoir servi à Paris et à Rouen, il est de nouveau affecté dans son sud natal, à
Antibes et à Grasse, d’où émane un témoignage de reconnaissance particulièrement élogieux.
«Votre science éclairée et bienfaisante, y lit-on, s’est exercée au profit de l’infortune.
Votre noble et grand cœur n’a voulu connaître que le désintéressement.»
Après tant d’efforts il reçoit, le 22 avril 1919, son « ordre de congé illimité» c'est-à-
dire son avis de démobilisation.
Il terminera ses jours dans sa propriété de Ribière à Rognes mais il décèdera à
Marseille le 19 janvier 1940.
Bérengère Belaube, née PONS
La page de généalogie simplifiée que nous joignons à cet article éclairera la position du docteur Henri Pons dans l’histoire parfois mouvementée de cette famille. Elle fera aussi la transition avec le bel article de Madame Dambier, cousine de Madame Belaube et petite-nièce du docteur Pons, sur un opposant notoire au régime du Second Empire, le docteur Jean François Achille MEYNIER, qui n’était autre que le grand-père maternel du docteur Pons.
26
HISTOIRE DRAMATIQUE D’UN OPPOSANT ROGNEN AU REGIME DE NAPOLEON III,
Jean François Achille MEYNIER.
Madame Béatrice Dambier, descendante des Meynier, propriétaires du domaine de Ribière, a
rédigé pour nous l’histoire de son trisaïeul J. F.A. MEYNIER, docteur en médecine, opposant notoire
au Second Empire, et qui pour cela a été durement persécuté.
Il est né le 20 Prairial an XII (9 Juin 1804) et mort en 1868. Nous nous intéresserons
plus précisément aux événements qui prennent place entre deux dates : 1834 - 1859.
Cette période fait coexister, pour nous ses descendantes, l’histoire de France et de la
Provence, ainsi que celle de notre trisaïeul Jean François Achille MEYNIER, qui en raison de
son engagement politique a connu la proscription, l’arrestation, l’internement politique et la
déportation en Algérie.
Si vous le permettez, pour plus de commodité, nous le désignerons par ses initiales:
JFAM.
Trois dates prennent une importance plus particulière pour lui:
L’année 1834, et plus précisément le mois d’avril, marque le début des difficultés de
JFAM avec les deux régimes politiques sous lesquels il vécut: la Monarchie de Juillet avec
Louis Philippe, et le règne de Napoléon III.
Pour contenir l’opposition républicaine au régime, Louis-Philippe fait promulguer, le
10 avril, une loi qui porte une atteinte définitive au droit d’association, afin de contrer la
principale des associations républicaines: la Société des Droits de l’Homme.
La veille, 9 avril, une insurrection ouvrière et républicaine des canuts lyonnais est
matée dans le sang.
Le 10 avril, Thiers, pour prévenir les troubles dans la capitale, fait arrêter 150 des
principaux meneurs de la Société des Droits de l’Homme.
Suite aux émeutes, 2000 personnes sont arrêtées et déférées à la Cour des Pairs pour
attentat contre la sûreté de l’état.
C’est aussi le massacre de la rue Transnonin, à Paris, où les habitants sont tués
pendant leur sommeil.
A cette époque, JFAM a 30 ans. Il est médecin à Marseille.
Sa mère possède, ainsi qu’il le dit lui-même, «une propriété rurale dans
l’arrondissement d’Aix, près du Puy Ste Réparade et de Rognes», dénommée Ribières, que
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son père, Antoine Casimir MEYNIER, menuisier à Aix en Provence, avait achetée au début
du 19ème siècle.
Au cours de ses études, il avait été l’élève et l’ami de Raspail, socialiste militant,
adhérant à des sociétés secrètes, et dont les activités politiques lui firent connaître l’exil en
Belgique.
Cette amitié éclaire certainement le comportement politique de JFAM, qui, en 1834,
était l’un des trois membres influents du Comité des Droits de l’Homme à Marseille.
Il semble que ce soit à la suite de l’insurrection sanglante d’avril, que ses activités
politiques lui vaudront d’être arrêté «comme prévenu d’un crime entraînant la peine de mort»
et il subit une proscription de huit mois.
Il lui est interdit d’exercer sa profession et il doit quitter son domicile.
Au bout de ces huit mois, la Commission de la Chambre des Pairs renonce à
l’accusation, mais il est ruiné.
Il se refuse à payer l’impôt qu’on lui réclame, arguant du fait qu’en tant que proscrit, il
n’était pas chez lui. Ses biens sont vendus.
Il faut noter que s’il publie cet article dans la Gazette du Midi du 1er mai 1835, que
vous trouverez en annexe de cet article, c’est bien sûr pour protester contre une injustice
personnelle mais aussi et surtout en tant qu’humaniste, car il ne peut concevoir de payer un
impôt qui sert à payer une armée qui tire sur le peuple.
Avec le recul, cette année 1834 a dû lui paraître somme toute bien légère au regard de
ce qui l’attendra plus tard.
Il écrira qu’en 1848 «j’ai dû à mes opinions républicaines d’être nommé membre de la
Commission Municipale Provisoire de Marseille.
Je pris la République au sérieux et j’eus le malheur de me faire quelques ennemis
parmi les hommes qui jouissent de la confiance des autorités locales et de la Sous-Préfecture
d’Aix».
L’année 1852 sera marquée par sa participation à la révolte contre le «coup d’état de
Napoléon III» et sa condamnation à «l’internement pour cause politique par la Commission
Mixte des Bouches-du-Rhône».
C’est aussi le début d’une partie de cache-cache avec les autorités et avec le maire de
Rognes, Charles Vaison, lequel entretenait depuis longtemps avec JFAM des relations
conflictuelles.
Dans une lettre du 12 Mai 1852 du sous-préfet d’Aix au préfet de Marseille, celui-ci
indique que le maire de Rognes l’a informé que «le sieur Meynier continue à se montrer dans
28
cette commune et qu’il entretient l’agitation et l’espérance parmi les ennemis du
gouvernement… Que cet inculpé politique…est parvenu d’abord à se soustraire aux
recherches grâce à la connivence du brigadier de gendarmerie de Peyrolles…Depuis il a
échappé encore à l’internement…je ne puis vous cacher que cette impunité scandaleuse
produit un dangereux effet sur l’esprit des populations et donne naissance à des bruits
fâcheux….».
Le sous-préfet n’hésite pas à le décrire encore comme «un homme remuant et
éminemment dangereux».
Jusque-là, il échappe donc aux tentatives d’arrestation, grâce à des appuis influents, en
se déplaçant constamment entre Marseille et Ribières et aussi en grande partie grâce à la
fidélité des habitants qui le prévenaient à l’approche des gendarmes et à ses «ruses
machiavéliques» au dire du sous-préfet.
Dans ses mémoires, qu’il nous a laissés, le docteur Albert Pons, son petit-fils, note que
JFAM avait un chien noir qui le suivait ordinairement dans ses courses, et qui, le maître
caché, allait errer tout seul. Ceux qui n’étaient pas dans le secret disaient que le docteur
Meynier se métamorphosait en son chien.
Concernant ses «ruses machiavéliques», dans une de ses correspondances au préfet des
Bouches-du-Rhône à Marseille, le sous-préfet, écrit:
«Pour arriver à l’arrestation du sieur Meynier, j’ai fait cerner la maison, (NB, il s’agit
de Ribières) à trois heures du matin par la brigade de gendarmerie de Peyrolles, par le
Commissaire de Police Serret et dirigée par Mr le Commissaire Central d’Aix, qui inaugurait
ainsi son installation. Le Commissaire Serret bien qu’en dehors de son canton avait par des
agents secrets admirablement constaté toutes choses... La maison fut visitée pendant trois
heures de la cave au grenier, fouillée dans les coins et recoins, sondée dans toutes ses
parties… infructueusement». Dénoncé, il est finalement arrêté.
En 1854, une épidémie de choléra sévit sur Marseille et JFAM qui était à cette époque
interné à Avignon, propose ses services en tant que médecin pour soigner les malades
gratuitement. Il est envoyé au Pertuis à cet effet et le préfet écrira « Il a fait preuve d’un
dévouement qui lui a mérité les témoignages les plus flatteurs des autorités locales».
Cet épisode incitera à demander au Ministre de l’Intérieur que soit commuée sa peine
en simple mesure de surveillance, ce qui lui sera accordée.
Mais, à la suite de l’attentat d’Orsini le 14 Janvier 1858 contre le couple impérial, la
loi du 19 février 1858 dite de «Sûreté Générale», permet l’internement dans les départements
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de l’empire ou en Algérie toute personne qui a été précédemment soit internée soit
condamnée politiquement.
C’est ainsi que le 25 février 1858, JFAM est «transporté en Algérie».
A la suite de l’amnistie générale du 5 Août 1859, il en reviendra, semble-t-il, atteint de
paralysie générale et mourra en 1868 à Ribières.
Béatrice DAMBIER, née PONS,
descendante directe de Jean François Achille MEYNIER
32
UNE PROCESSION DU SAINT-SACREMENT SOUS LA PLUIE
On trouve dans le numéro du 28 juin 1914 de la Semaine religieuse d’Aix un article
relatif à la célébration de la Fête-Dieu à Rognes. Plus précisément il y est question de la
procession qui avait lieu après la messe du Saint-Sacrement, autre nom de la Fête-Dieu, fixée
au dimanche qui suit le dimanche de la Trinité, et quinze jours après la Pentecôte.
Cette procession se déroulait, comme le voulait la tradition, à l’extérieur de l’église,
dans les rues du village. Or, cette année-là, un orage vient perturber la cérémonie, et le
journaliste diocésain en donne un récit qui ne manque pas de saveur.
Nous sommes donc en juin 1914, il y a cent ans. C’est encore la France d’avant la
Grande Guerre. Celle-ci n’éclatera qu’un mois plus tard, et l’on sait que rien ne sera plus
pareil après ce terrible épisode guerrier.
Mais déjà, avant la première guerre mondiale, les choses avaient changé dans les
habitudes de l’Eglise. En fait c’est un privilège si la procession de la Fête–Dieu peut se
dérouler librement dans les rues de notre village. A la suite des conflits violents qui ont
opposé, au début du XXème siècle, l’Eglise de France et la République, les processions dans
les rues se sont vues interdites dans beaucoup de localités. Dans d’autres pages du bulletin
diocésain, nous découvrons que la procession de la Fête-Dieu se faisait souvent dans un lieu
privé et clos. Ainsi, à Aurons, près de Salon, elle se passait dans le parc du château du village.
(On ne manquait pas de remercier la châtelaine après la cérémonie). A Aix, la procession se
déroulait chaque année dans les jardins du couvent de Saint-Thomas de Villeneuve (non loin
de l’actuelle clinique Rambot), et curieusement elle était réservée aux hommes et aux jeunes
gens de plus de quinze ans. Les femmes n’y étaient point admises!
Ce n’était pas le cas à Rognes, ni sans doute dans la plupart des villages de Provence.
Notre texte parle des mamans accompagnées de leurs petits enfants; plus loin des petites filles
en robe blanche sèment des pétales de fleurs sur le parcours du Saint-Sacrement, qu’il faut se
représenter abrité sous un dais et porté dans un ostensoir par le prêtre officiant. En 1914, le
curé de Rognes s’appelait Victor Roux.
Des anciennes du village se rappellent les corbeilles de fleurs qu’elles portaient sur la
poitrine, retenues par un ruban autour du cou. Ce sont là des souvenirs des années 1930 –
1940.
La procession allait de reposoir en reposoir. Notre texte précise qu’en 1914 il y en
avait cinq à Rognes. L’emplacement du cinquième était face au portail de l’église, là où se
trouve toujours la statue en bronze de la vierge, et qui est l’emplacement d’un ancien
cimetière. Le premier reposoir, route de Lambesc, se dressait devant la maison où se trouvait
33
alors l’école des Frères. Aujourd’hui c’est la demeure de Madame Magnin, et c’est elle qui
nous a fourni cette information.
Peut-on imaginer où se dressaient les trois autres? Le second peut-être à proximité de
la chapelle des Pénitents, déjà en ruines en 1914, « dans la partie haute du village » comme le
précise l’auteur de l’article; le troisième au Lion d’or, devant la grande croix de mission ;
enfin, le quatrième à l’hospice (l’actuelle mairie), où résidaient à l’époque les sœurs de la
Présentation.
Mais ce sont là de pures hypothèses, que certains de nos lecteurs, doués de mémoire,
pourront peut-être rectifier.
Devant chaque reposoir, la procession s’arrêtait. On se mettait en cercle, à genoux sans
doute, de part et d’autre du Saint-Sacrement. Le prêtre en élevant l’ostensoir, bénissait la
foule qui entonnait des cantiques. C’est à ce moment que les cloches de l’église se mettaient à
sonner à la volée, tandis que les tambours battaient aux champs ainsi que le précise un compte
rendu du même journal pour l’année 1913.
Nous avons voulu savoir jusqu’à quelle date s’est maintenue, à Rognes, la tradition de
la procession de la Fête–Dieu. Les personnes interrogées ne se rappellent pas avec certitude,
mais elles pensent qu’elle s’est arrêtée peu de temps après la seconde guerre mondiale, vers
1946-1947.
Ainsi, cette tradition religieuse très ancienne, puisqu’elle remonte, nous disent les
dictionnaires, au treizième siècle, (1) s’est éteinte, comme beaucoup d’autres (songeons aux
Rogations qui se faisaient aussi à Rognes à la même époque), au moment où le pays entrait
dans la modernité. Peut-être est-ce la circulation automobile qui rendait les processions
désormais impossibles. Nos cortèges funéraires, eux, se sont maintenus. Non sans
conséquence pour la circulation…
Pour revenir à la Fête-Dieu, il paraît que la traditionnelle procession n’est pas
entièrement oubliée en France. Elle se maintient dans certains villages de Lorraine.(2)
(1) Selon Théo, l’Encyclopédie catholique pour tous « (La) première célébration (de la Fête-Dieu) date de 1246 à Liège, et c’est le pape Urbain IV qui , dans la bulle Transiturus du 11 août 1264 , étendit à toute l’Eglise cette Fête du Corps du Christ.» (2) On pourra lire dans le livre Rognes (éditions Equinoxes), à la page 28, une autre évocation de cette procession, telle qu’elle se déroulait au début du XIXe siècle. On ne sait si le dais de velours cramoisi, frangé d’or, était toujours utilisé, 90 ans plus tard. En 1914, la rue Saint- Martin n’existait plus, et l’on ne tirait plus de « boîtes » devant les autels fleuris, pour manifester son enthousiasme. Autre différence: les hommes étaient certainement moins nombreux dans l’assistance.
Michel Barbier.
34
L’ARTICLE DE LA « SEMAINE RELIGIEUSE D’AIX » DU 28 JUIN 1914.
Préparée par un Triduum de prédications que M. l’abbé Gire a données et qui furent
très suivies, la solennité de la Fête-Dieu a attiré le dimanche 14, à la Messe de communion,
aux offices, à la procession du Saint-Sacrement, un nombre important de fidèles.
A Rognes, les processions se déroulent librement à travers le pays : celle de la Fête-
Dieu fut très contrariée par la pluie. A peine le cortège arrivait-il au premier reposoir dressé le
long de la route de Lambesc, qu’une ondée tombait avec quelque violence, non sans causer un
certain émoi parmi les mamans qui avaient amené à la cérémonie leurs petits enfants.
Au deuxième reposoir, la pluie persistait, et persistait aussi le courage des fidèles. On
s’est muni de parapluies. Les hommes qui accompagnent le Saint-Sacrement disent : « Il faut
tenir bon ! » Et la procession s’avance dans la partie haute du village, au bord des ruines
accumulées par le tremblement de terre de 1909. Les tambours battent toujours la marche, les
petites filles en robe blanche répandent des fleurs devant le Saint-Sacrement, tandis que,
chantées par le peuple, retentissent les hymnes en l’honneur de l’Eucharistie.
Nous voici au troisième ; au quatrième reposoir. Il pleut toujours. On se hâte, mais les
cœurs demeurent vaillants. La consigne : « Il faut tenir bon ! » est observée. Le cinquième
reposoir s’élève devant l’église, auprès de la statue de la Vierge. Il semble que la pluie
s’apaise et la bénédiction est donnée à l’assistance qui s’incline avec respect et amour.
Le cortège rentre à l’église. C’est le Salut Solennel, puis la dernière bénédiction,
tandis que les cloches sonnent, du haut de la tour, la joie de leurs hommages et portent, au
loin, sur les vallées, leur invitation à la prière eucharistique.
A la sortie de l’église, les fidèles trouvaient, non sans surprise, un ciel rasséréné. La
pluie avait cessé. Un peu de bleu souriait là-haut. Et tout le monde se félicitait d’avoir tenu
bon, d’avoir fait la procession traditionnelle malgré l’orage,- l’orage n’est pas dans la
tradition,- et d’avoir honoré, plus et mieux que jamais, la Sainte Eucharistie.
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REHABILITATION DE LA JASSE.
Grâce à la complaisance de Mme Martine Saunier qui a donné son autorisation –
qu’elle en soit remerciée ici – notre Association a entrepris la réhabilitation de la Jasse
(Bergerie), située sur les hauteurs du vallon de Ponserot et qui a donné son nom au chemin
qui y conduit.
Après une reconnaissance des lieux le 28 mars dernier, facilitée par la coopération
sympathique de M. Olive, propriétaire voisin, plusieurs adhérents se sont retroussé les
manches et, aidés par leurs enfants ou petits-enfants, ont entrepris de débroussailler l’enclos et
de remonter les murs.
La visite d’un responsable de l’association Alpes de Lumière, le 13 mai, devrait
déboucher sur la mise au point d’un chantier de restauration de la petite borie située dans un
coin de la Jasse et qui devait servir au repos du berger. Cette opération étant plus délicate, un
spécialiste de la construction en pierre sèche viendra animer un groupe de bénévoles, que
nous souhaitons nombreux.
Les conditions d’exécution de ce chantier seront précisées dès que l’Association aura
reçu une réponse d’Alpes de Lumière.
La Jasse, début du débroussaillage.
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LA CARTE DE CASSINI
La carte de Cassini est la première carte générale du royaume de France. Elle fut
dressée par César-François Cassini et son fils Jean-Dominique Cassini. Les levés ont été
effectués entre 1756 et 1789, les 181 feuilles composant la carte ont été publiées entre 1756 et
1815.
La lecture de cette carte nous permet d’imaginer ce que pouvait être Rognes il y a
environ 230 ans et de comparer cette carte à celle d’aujourd’hui...un jeu des « sept erreurs »
en quelque sorte !
Carte de Rognes
38
Le bassin de Saint-Christophe n’existe pas encore. On peut voir sur la carte la ferme
du même nom, toujours en place. La Durance, vers Cadenet, se traverse avec un bac.
L’église Saint-Etienne n’existe plus.
Tracé actuel
La route Aix- Apt traverse le village et rejoint l’actuel tracé de la D543 par le Cours Saint-Etienne et la route du stade (chemin de Versaille).
39
d
Daniel Dannay
L’ancien tracé de la route de Rognes à Aix…et le nouveau, en pointillés.
Le lecteur pourra également repérer les changements de noms de lieux dus, parfois sans doute, à des erreurs du cartographe :
Painlong au lieu de Puylong, Jas d’Amont au lieu de Jas d’Amour, Coletponchu, La Jary au lieu de La Javie, etc.
Les moulins à vent, en pleine activité !
40
FREDERIC MISTRAL… ET LES PRENOMS.
La Provence, ce n'est pas seulement notre soleil, le mistral, nos collines, nos bories,
nos paysages, ou la caricature de la pétanque, de la sieste ou du pastis.
C'est aussi une façon de vivre et c'est (c'était ?) une langue que nos ancêtres ont
pratiquée, une langue belle, riche, imagée, une langue littéraire aussi, qui a généré de
nombreux chefs-d'œuvre.
Parmi les poètes qui l'ont utilisée, défendue, maintenue et en ont assuré la promotion,
le plus célèbre est Frédéric Mistral.
Le centième anniversaire de sa mort a été commémoré cette année: il est décédé le 25
mars 1914.
J'aurais pu retracer sa vie ou commenter son œuvre, au service de la littérature et de la
langue provençale, mais plusieurs volumes n'auraient pas suffi. Je me contenterai d'évoquer
l'histoire du choix de son prénom, Frédéric, ainsi que celui porté par l'héroïne de son œuvre la
plus célèbre: Mireille.
Les parents de Mistral ont choisi pour leur enfant les prénoms suivants: Frédéric,
Etienne, Joseph. Mais il a failli avoir un drôle de prénom. En effet, il est né le 8 septembre
1830, jour de la fête de Notre-Dame. Sa mère proposa de lui donner le prénom de
«Nostradamus» en hommage au prophète né à Saint-Rémy. Il faut se souvenir que le berceau
de la famille Mistral est à Saint-Rémy, tout proche de Maillane.
Heureusement, ni l'administration, ni le clergé ne l'ont accepté. Sinon nous aurions pu
avoir un Nostradamus Mistral, ce qui aurait été cocasse. Alors ses parents ont opté pour
Frédéric et ceci n'est pas fortuit.
En effet, ils choisirent ce prénom en mémoire d'un jeune cousin. Après leur rencontre,
du temps où les fiancés «se parlaient», comme on disait à l'époque, celui-ci portait les petits
mots doux qu'échangeaient les deux amoureux. Ce cousin est mort à onze ans d'une
insolation.
Les circonstances de sa mort ont été racontées à Frédéric Mistral. On peut penser qu'il
s'est inspiré de ces faits pour Mireille qui, dans son œuvre magistrale, meurt d'une insolation
sous le soleil de Crau et de Camargue en essayant d'atteindre les Saintes-Maries de la Mer.
Le prénom de Mireille (Mirèio en Provençal) semble venir Myriam ou Marie,
d'origine hébraïque. Certains lui donnent une origine latine: de miracula qui veut dire prodige.
De toute façon, c'est bien Mistral qui le mit en avant avec son poème paru en 1859.
41
La première Mireille qui a réellement existé c’est Mireille Roumieux née à Beaucaire
(Gard) en 1861.
Mistral avait un ami à Beaucaire, Monsieur Roumieux, écrivain et félibre comme lui.
Ce dernier eut un enfant, une fille, et demanda à son ami d'en être le parrain. Mistral lui
proposa d'appeler l'enfant Mireille, comme le personnage de son livre. Monsieur Roumieux,
enthousiaste, accepta. Mais là survint un petit problème. Le prêtre chargé de la cérémonie ne
voulut pas entendre parler de ce prénom qui ne figurait pas dans le calendrier chrétien. Mistral
eut du mal à le convaincre mais finit par le persuader que Mireille était bien la traduction
provençale de Marie, sa fête étant, bien sûr, célébrée le 15 août. Un peu dubitatif et incrédule,
le curé accepta malgré tout de baptiser l'enfant.
Voilà l'histoire de Mireille Roumieux, la première Mireille au monde à avoir porté ce
prénom après l'héroïne du célèbre poème provençal.
Alain Carluec
42
HOMMAGE A MAURICE COQUET, HISTORIEN DE NOTRE VILLAGE.
Maurice Coquet est l’un des grands historiens de Rognes. On lui doit notamment un
ouvrage de référence : la Région de Rognes, Tournefort et Beaulieu à travers l’histoire. Un
terroir provençal dans l’antiquité et au moyen-âge, édité chez Dominique Wapler, à Paris, en
1970. (1)
Maurice Coquet naît le 10 décembre 1895, à Turgy, dans l’Aube. Le hameau ne
compte plus que trente-neuf habitants en 2006. Peut-être la vue du château de Turgy, situé au
centre du village, un manoir des XVIe et XVIIe siècles, marque t-elle l’imagination de
l’enfant qui sera sa vie durant un passionné d’histoire. Son père, Isidore Alexis Coquet, est
garde forestier ; Turgy est une commune rurale très boisée, traversée par la rivière le Landion.
Sa mère, Julia Durney, est couturière. Il fréquente l’école élémentaire de Turgy jusqu’au
certificat d’études qu’il obtient. Sa mère se sépare de son père, part avec son fils pour Paris où
elle loue un logement. Maurice Coquet trouve un premier emploi de garçon de courses à la
Banque nationale de crédit qui lui confie par la suite la tenue d’un guichet.
Le 3 août 1914 l’Allemagne déclare la guerre à la France.
À dix-neuf ans Maurice Coquet est appelé sous les drapeaux et incorporé le 18
décembre 1914 au 26ème régiment d’infanterie de ligne qui avait été créé en 1796. Durant
quatre ans il est au front, dans les tranchées de premières lignes, où il connaît les charges
baïonnette au canon, le corps à corps, les lance-flammes… Il reçoit la croix de guerre avec
palmes et cinq citations.
L'armistice, signé le 11 novembre 1918, marque la fin de la première guerre. Il
abhorrera à tout jamais les politiciens de l’arrière qui ont contraint les jeunes Européens de
vingt ans à s’entre-tuer ; il respecte en revanche ceux qui, tel Abel Ferry (neveu de Jules
Ferry), sont auprès des soldats. L’on trouvera dans la bibliothèque de Maurice Coquet, les
Carnets secrets d’Abel Ferry 1914 - 1918 , publiés en 1957 aux éditions Bernard Grasset ;
député des Vosges, celui-ci était sous-secrétaire d’état aux Affaires étrangères et ancien
combattant, commissaire aux armées. Il est mort pour la France en mission volontaire, le 15
septembre 1918.
(1) Livre consultable au local de l’Association.
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Démobilisé, Maurice est réembauché à la Banque nationale de crédit où il gravit
rapidement les échelons jusqu’au service des titres. Il apprend les mécanismes de la Bourse de
Paris et se voit confier la gestion de portefeuilles. Dans l’immeuble où il habite rue Philippe
de Girard, il fait la connaissance de Louise Ver qu’il épouse en 1920.
L'après-guerre amène une prospérité nouvelle qui permet l'accroissement du réseau
bancaire. Maurice Coquet fréquente les milieux économiques et financiers de la capitale ; la
richesse de ses interlocuteurs leur permet d’acheter de luxueuses voitures : Ruxton, Barron-
Vialle, Talbot, Delage, etc.
Cela lui donne l’idée de fonder en 1926 avec son ami, l’ingénieur Henri Vaslin, la
société Automobiles légères et moteurs d’aviation « ALMA ». Ils construisent trois cabriolets
six cylindres (l’un d’entre eux est exposé au Mans dans la Sarthe) et un roadster huit
cylindres, celui-ci circule jusqu’aux années 50. Mais ces remarquables automobiles ont un
prix trop élevé, la société n’est pas rentable, elle est dissoute le 31 décembre 1927.
La banqueroute d’octobre 1929 est consécutive à une bulle spéculative nord-
américaine. L'équilibre de l’économie est définitivement compromis par la crise mondiale,
dont les effets commencent à se faire sentir en France à partir de 1930. Le pacifisme socialiste
et humaniste représente alors une sensibilité particulièrement répandue dans de larges couches
de la société française des années 30. A cette époque Maurice Coquet fait la connaissance de
Marthe Hanau, « la banquière des années folles », qui l’embauche au journal Force où il
travaille plusieurs années. Après la disparition de Force, il entre en qualité de journaliste au
journal l’Echo de la finance, de l’industrie, de l’agriculture et du commerce, hebdomadaire
fondé en 1868.
Il est embauché ensuite comme secrétaire de rédaction du journal quotidien socialiste
le Populaire qui avait été fondé en 1916 par les socialistes minoritaires hostiles à la guerre.
Le Populaire était devenu en 1921 l'organe de la Section française de l’internationale
ouvrière, son tirage était d'environ 60.000 exemplaires vers 1939. Suivant le moment
d'euphorie que connut la SFIO, le Populaire devient l'un des principaux quotidiens parisiens
par son tirage (263.000 exemplaires fin septembre 1944, deuxième diffusion nationale), mais
il décline par la suite et le journal cessera sa parution en février 1970.
Le 3 septembre 1939 la France déclare la guerre à l’Allemagne. A 44 ans Maurice
Coquet est à nouveau mobilisé. Le 22 juin 1940 l'armistice franco-allemand est signé dans le
wagon de Rethondes. Il est démobilisé à Lyon l’année suivante. Maurice travaille quelque
temps au journal quotidien l’Aube qui sortira son dernier numéro le 20 octobre 1951.
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Sous le pseudonyme de Maurice Ceyrat, il écrit des livres dont, en novembre 1947, la
Trahison permanente, sur les relations du Parti communiste français et de l’Union des
républiques socialistes soviétiques, de 1920 à 1945. Maurice Coquet lit Gracchus Babeuf,
Charles Fourier, Auguste Blanqui, Saint-Simon, Jaurès, etc. Il se situe dans cette lignée des
socialistes français opposés au marxisme-léninisme et au stalinisme. Des universitaires et
chercheurs nord-américains s’intéressent à ses travaux. L’expansionnisme de l’Union
soviétique en Europe de l’Est lui fait craindre pour l’ouest ; il se résout à remettre ses archives
les plus sensibles en dépôt à une bibliothèque universitaire aux USA.
Dans les années 1960, son ami, le viticulteur Robert Touzet, propriétaire, de 1939 à
2002, du domaine de Beaulieu, à Rognes, lui demande d’écrire une courte monographie sur le
site. Passionné d’histoire gréco-romaine, Maurice Coquet accepte et se met à l’ouvrage ; il
entreprend la rédaction d’une brochure … qui devient un livre de 350 pages : la Région de
Rognes, Tournefort et Beaulieu à travers l’histoire. Un terroir provençal dans l’antiquité et
au moyen-âge. Durant ces années, il apprend le latin, passe son temps dans les archives,
rencontre les érudits locaux et fouille la terre dans la tradition respectueuse des archéologues
amateurs de l’époque.
L’Académie d’Aix-en-Provence reconnaît en 1970 l’importance de ses travaux
s’étendant de la fondation de Massalia par les Grecs jusqu’à la fin du moyen-âge. En signe de
reconnaissance et gage d’amitié, son ami Robert Touzet lui offre son titre de propriété, un
parchemin de 1408.
Sa tâche accomplie, il rentre dans sa maison de Bougival ; il y reçoit bien volontiers
des jeunes gens qui veulent changer le monde … comme il l’avait lui-même souhaité ! Il
écoute patiemment, dialogue et transmet le contenu de ses livres. Peu lui chaut la position
politique de son interlocuteur pourvu que celui-ci puisse argumenter, il s’ensuit alors des
débats passionnés et passionnants.
En 1975 Maurice Coquet est hospitalisé et décède le 31 mai, âgé de quatre-vingts ans.
Son épouse, Louise, le suit deux ans plus tard. Le caveau du couple se trouve au cimetière de
Bougival (Yvelines).
Daniel Dannay
(Source : émission de France Culture du 28 mars 2011)
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LA PASTORALE
La Pastorale provençale est une pièce parlée et chantée qui relate la nativité de Jésus.
Elle est présentée dans la région, au moment de Noël, notamment à Marseille, rue Nau et
salle Mazenod ; à Fuveau, Château-Gombert, Allauch, etc. La pastorale la plus renommée en
Provence est la Pastorale Maurel. Elle se joue en cinq actes, entièrement en provençal, sauf
le 4e qui est en français (l'acte d'Hérode). Elle est l'œuvre d'Antoine Maurel qui l'a écrite en
1844 à Marseille. C'est pratiquement la seule pièce qui soit interprétée régulièrement, chaque
année à l'époque de Noël, dans la langue de Frédéric Mistral. Aussi, chaque représentation
attire de nombreuses personnes amoureuses de cette langue, qui ne manquent pas d'amener
avec eux leurs enfants, voire leurs petits-enfants.
Pendant un temps la Pastorale fut jouée à Rognes. Nous présentons ici la distribution
des rôles pour une interprétation en janvier 1887. Certains pourront y retrouver les noms de
leurs ancêtres. On remarque que tous les rôles sont tenus par des hommes, seule personne du
sexe féminin, la petite Jeannine d’Arles, qui tient le rôle…de l’enfant Jésus.
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BRINDILLES DES JOURS (EXTRAIT)
A la suite d'une otite mal soignée, ma grand-mère Lazarine était devenue sourde. Le
plus grand coup de tonnerre ne la faisait pas sourciller mais elle était sensible au déplacement
d'air d'une porte qui s'ouvre. Elle avait appris à lire sur les lèvres et nous nous comprenions
parfaitement. Lorsque nous étions seuls avec elle, il nous arrivait tout en articulant
soigneusement, de lui parler sans émettre aucun son. Elle nous répondait d'une voix aux
inflexions étranges et dont elle ne pouvait pas, non plus, contrôler l'intensité.
Même si son caractère s'aigrissait parfois, de croire qu'on parlait d'elle derrière son
dos, son infirmité ne la rendait pas morose. Souvent, elle chantonnait en cousant ou tricotant
devant la fenêtre. Tout petit, j'ai passé de longues heures tranquilles en sa compagnie. Je la
revois penchée sur son ouvrage ; l'hiver, les pieds sur la chaufferette garnie de braises,
pendant que le bois ne cesse de geindre doucement dans la cuisinière. L'été, à la même place
elle s'applique aux mêmes travaux. A l'heure où une épaisse chaleur oppresse le désert de la
rue des Ferrages, une coulée de soleil force les volets quasi-clos, retenus par l'espagnolette.
Au centre de la table, ma grand-mère a posé la coupole de verre du piège à mouches. L'eau du
petit lac circulaire qu'elle vient de changer, bouge encore un peu à l'intérieur. Je regarde une
future victime se lisser les ailes et se frotter les pattes avec délectation devant le morceau de
sucre offert à sa gourmandise, sous l'ouverture centrale. Sans hâte, elle grimpe sur le
monticule blanc, semble tâter de sa trompe les aspérités avant de s'immobiliser et d'aspirer un
nectar. Satisfaite et peut-être un peu ivre, elle s'élève et se retrouve prisonnière dans la cloche.
Elle se heurte aux parois de verre et finit par tomber à l'eau où ses ailes déployées la
maintiennent quelques temps, comme un minuscule radeau à la dérive.
Du papier tue-mouches suspendu entre le placard et la cheminée d'autres suppliciées
aux pattes engluées tiraient des vibrations de musique hawaïenne. De temps en temps, la
cigale qui semblait scier méthodiquement le platane devant la maison, accélérait brusquement
la cadence. Je rêvassais…
Pour m'occuper, ma grand-mère déversait sur la toile cirée sa mallette aux trésors : la
boîte de boutons. Il y avait là une collection extrêmement riche de formes, de couleurs, de
matières et de tailles : en cuivre, en fer, en or, en nacre, en bois, en ivoire, en porcelaine ;
recouverts de tissu, gravés, ornés, incrustés. Des boutons renflés d'uniformes, des boutons à
relief représentant des têtes d'animaux, provenant de costumes de chasse. Des minuscules
boutons de bottines, noirs et brillants, des ciselés en forme de fleurs, de coquillages, mêlés à
la populace des boutons de chemises et d'habits de tous les jours. Je triais, j'organisais des
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figures, je montais des tours, des pyramides. Ma grand-mère choisissait une grosse pièce,
passait dans les trous un bout de fil écru dont elle m'entourait les poignets. En les écartant,
puis en relâchant la tension, une machine vrombissante se mettait à tourner.
Ou bien, elle entamait avec le concours d'une bobine vide surmontée de quatre clous et
d'un crochet, la fabrication d'un cordonnet de laine que je prolongeais.
Mais ces jeux statiques finissaient par me lasser. Au temps où mon oncle Gaston jouait
aux billes, il avait creusé dans une intersection du carrelage un trou à cet usage dans le
couloir. J'y allais aussi faire ma partie en solitaire. Lorsque le soleil déclinait, j'avais le choix
comme terrain de récréation entre la cour et le trottoir. La cour, je m'y tenais rarement seul.
Même si l'observation des lapins me tentait, je craignais la rencontre des araignées et des
scorpions. Pour un gamin de mon âge, la terre du trottoir se prêtait à bien des entreprises. Je
creusais, traçais des routes, transportais du gravier dans des camions-boites d'allumettes. Mes
billes roulaient sur des parcours pleins d'imprévus. Quand en amont, un évier se vidait,
j'établissais un barrage vite emporté, ou je lançais des bouts de bois dans le courant de la
rigole.
Au-dessus de ma tête, les feuilles du platane esquissaient de délicates caresses. La
cigale importunée s'était enfuie, laissant derrière elle un sillage grinçant de réprobation.
Gilbert ROCHE
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CANTICO A SAN DANIS CANTIQUE A SAINT DENIS Sus l’ér : Prouvençau e catouli. Sur l’air : Provençal et catholique
1
Dins la lengo de Provenço Dans la langue de Provence
Que longo-mai flourira, Qui longtemps fleurira,
Un cant de recounneissenço Un chant de reconnaissance
Vers San Danis mountara. Vers saint Denis montera.
REFRIN REFRAIN
San Danis, emé fervour Saint Denis, avec ferveur
Implouran (bis) Voste secour Nous implorons (bis) votre aide.
Sus Rougno, O beu defensour ! Sur Rognes, O beau défenseur !
Escampas voustri favour. Répandez vos faveurs.
2
Danis, grand savent d’Ateno Denis, grand savant d’Athènes
Leissant la pagano errour Abandonnant l’erreur païenne
S’adraié l’amo sereno S’achemina l’âme sereine
Per predica lou Seignour. Pour prêcher le Seigneur.
3
Pouertant la fe que fa lume Pourtant la foi qui éclaire
Jusqu’en Arle s’es grandi Jusqu’à Arles s’est étendue
E l’obro dou grand Trefume Et l’œuvre du grand Trophime
Mai que mai a resplandi. De plus en plus a resplendi.
4
Me soun couer que ren n’arrèsto Mais son cœur que rien n’arrête
A lèu counquista Paris A vite conquis Paris
Lei fenat trancoun sa testo Les sacripants lui tranchent la tête
Mai aro regno lou Crist. Mais maintenant règne le Christ.
5
D’aquest Endre de Prouvençoh De cet endroit de Provence
Sias lou patroun ben voulent Vous êtes le patron bienveillant
Saboun garda souvenenço Les Rognens se rassemblent
E s’acampoun lei Rougnen. Et savent en garder le souvenir.
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6
Per la pesto de Marsiho Lors de la peste de Marseille
Nouestei rèire espavanta Nos aïeux effrayés
Vous souneroun mereviho Vous appelèrent et, miracle,
Doù lai flèu s’es aplanta ! Le mauvais fléau s’est arrêté !
7
De la voutivo capello De la chapelle votive
Qu’an aubourado autretems Qu’ils ont érigée autrefois
Escoutas coumo rampello Ecoutez comme bat le rappel
Lou cantico di felen. Le cantique de leurs petits-enfants.
8
Qu’adounc vosta man benigue Qu’alors votre main bénisse
Tant lei vieie que lei pichoun Autant les vieux que les jeunes
L’amedié per que flourigue L’amandier pour qu’il fleurisse
E lei vigne e lei meissoun. Et les vignobles et les moissons.
9
Vous per que siegue largado Vous pour que soit répandue
La fé dins Arle e Paris La foi dans Arles et Paris
Mantenes nous dins lei piado Maintenez-nous dans les pas
E lei mandamen dou Crist. Et les commandements du Christ.
10
Esvartas puei dou terraire Eloignez ensuite du territoire
Lou chin foui, fleu esfraious Le chien fou, le fléau effroyable
D’epidemio pecaire De l’épidémie, pauvre de nous,
Longo mai engardas nous. Longtemps préservez- nous.
11
Assoustas Franço e Prouvenço Protégez la France et la Provence
Qu’eiman de tout noste amour Que nous aimons de tout notre amour
iras lei me coumplesenço Regardez-les avec bienveillance
Siegues-n-en lou defensour. Soyez-en le défenseur.