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Le récit des Expéditions Citroën présenté au cours du concert de La Philharmonie du 28 Novembre 2010

4 avril 1931. L’expédition Citroën Centre-Asie , que tous préfèrent appel er « La Croisière Jaune », prend aujourd’hui son départ de Beyrouth. En fait, nous sommes le groupe « PAMIR ». Sous la direction de Georges Marie-HAARDT et de Louis AUDOUIN-DUBREUIL nous devons rejoindre, en passant par l’Himalaya, le groupe « CHINE » dirigé par Vic-tor POINT. Ils ne partiront de TIENTSIN sur la Mer Jaune que dans deux jours. Depuis 1928, le service Asie de Citroën prépare notre expédi-tion : marcher sur les traces de Marco Polo, suivre la mythi-que route de la soie, depuis la Méditerranée jusqu’à la côte orientale de la Chine à travers les plat eaux de la Perse, les passes de l’Himalaya, les hauts cols du Karakoram, la steppe mongole et le désert de Gobi. Nos autochenilles Citroën sur-monteront elles ces obstacles que nous peinons à imaginer ? Sans compter les révolutions et guerres en cours dans toute l’Asie. Au total, nous sommes 41 hommes décidés à bord de 14 autochenilles qui nous engagerons sur les pistes de l’Asie Centrale pour relier Beyrouth et Pékin, soit un parcours de plus de 12000 km. Quelles épreuves nous attendent ? Après bien des péripéties, notre groupe « Pamir » arrive en PERSE, le pays des Mille et Une Nuits. Tout au long de ces deux parcours à hauts risques, deux équi-pes de savants reconnus se livrent à de nombreux travaux et recherches pour assurer à la mission ses dimensions scientifi-que et artistique. Ainsi, grâce aux études menées dans les domaines archéologiques, géologiques et ethnologiques et appuyées par les techniques les plus modernes en matière de photographie et de cinématographie, les membres de la Croi-sière Jaune peuvent constituer un riche fond d’archives, uni-que en son genre. Des fouilles archéologiques sont notamment été effectuées en Mésopotamie, l’Irak actuel.

12 juillet 1931. HAARDT attaque les contreforts de l’Hima-laya avec seulement deux autochenilles du groupe « Pamir », le Scarabée d’Or et le Croissant d’Argent, allégées au maxi-mum. Les autres membres du groupe précèdent en éclaireurs, ou suivent à dos de cheval ou de mulet, et à 10 jours d’inter-valle. Pour franchir les passes dangereuses, voire impraticables, les autochenilles doivent être démontées et portées par les hom-mes… Une autochenille se trouve en grande di fficulté, à demi sus-pendue dans le vide, lors d’un passage particulièrement délicat où la piste s’est effondrée sous elle. 4 août 1931. Nous sommes à GILGIT. L’Himalaya a été fran-chi, mais Haardt renonce à poursuivre avec les autochenilles. Le groupe « Chine » télégraphie qu’il est bloqué prisonnier à OUROUMSIT, au SIN-KIANG. Ils ont déjà traversé l’im-mense désert de GOBI. Nous, le groupe « Pamir » , reprenons la route avec les che-vaux et les mulets. 4 septembre 1931. Nous passons le col de KILIK (4860 m d’altitude) dans le KARAKORAM, sur la frontière afghane, pour pénétrer en Chine. Les régions traversées depuis le départ par le groupe « Chine » sont en guerre civile. Ils ont eu toutes les difficultés pour récu-pérer les dépôts de ravitaillement et d’essence cachés depuis 2 ans, lors de la préparation de l’expédition. Ils ont du affront er des attaques de pillards, le chantage des autorités locales. Maintenant, il est même retenu en otages à OUROUMTSI au cœur du SIN-KIANG.

8 octobre 1931. Nous, le groupe « Pamir » arrivons à AKSOU, Deux autochenilles du groupe « Chine » sont venues à notre rencontre. Il nous reste 20 jours de marche pour rejoindre le reste de la mission, retenue en otage à OU-ROUMTSI 18 novembre 1931. Enfin, après trois mois et demi d’immobilisation, les 7 autochenilles du groupe « Chine », reprennent la direction de PEKIN emmenant l’ensemble de la mission. Ce retour est aussi périlleux que l’aller. Nous essuyons même un mitraillage. 12 février 1932. Nous entrons dans PEKIN.- Nous avons réussi 16 mars 1932. Nous avons continué vers notre belle colonie d’Indochine avec des torpédos à roues. Nous sommes accueillis à HANOÏ par une ambiance morose. Georges-Mari e Haardt, épuisé, s’était réfugié au REPULSE BAY HOTEL, sur le rocher de Hong-Kong. Il est décédé ce matin. Nous serons de retour à MARSEILLE le 29 avril 1932.

Georges Marie HAARDT devant le « Scarabée d’Or »

La Croisière Jaune n’était pas notre première expédition avec les autochenilles Citroën. Nous les avions déjà utilisées pour la première traversée automobile du SAHARA en 1922. Nous étions partis le 17 décembre 1922 de TOUGGOURT en Algérie, termi-nus du chemin de fer, pour joindre TOMBOUCTOU au Mali le 7 janvier 1923. Nous étions cinq autochenilles et nous allions acheminer le premier courrier postal transsaharien sur une distance de 3500 km. Citroën, quelle organisation ! Un an de préparation, coopération des militaires du terrain et de géographe. Des chefs charismatiques, George Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil, des équipes de ravitaillement. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ! Le Patron était si satisfait qu’il est venu lui-même conduisant une torpédo à chenilles pour nous accueillir au retour ! L’exploit est resté dans les esprits : en 1930, à TOUGGOURT, ils érigeaient une stèle commémorative sur une place baptisée Citroën ! Cela n’était qu’un tour de chauffe pour une expédition inoubliable.

Après le Sahara, le Patron proclame : « LE CHAMEAU EST MORT, LA CITROËN LE REMPLACE ! » mais surtout il lance un nouveau grand projet pour 1924 : une traversée du continent africain du Nord au Sud ! Ce sera la Croisière Noire, l’Expédition Citroën Centre-Afrique, deuxième mission Haardt-Audouin-Dubreuil. Une mission bien plus audacieuse que l’aventure saharienne et surtout plus ambi-tieuse. Il ne s’agit plus de réaliser une liaison rapide, mais de mener une véritable expédition avec des buts scienti fiques. Récolter tout au long d’un parcours de 20.000 km des milliers de rensei-gnements botaniques, zoologiques, ethnographiques ; ramener des kilomètres de films, des milliers de photographies.

Le 28 octobre 1924, c’est le départ de COLOMB-BECHAR. L’itinéraire propose une voie nouvelle à travers l e Sahara pour relier les colonies du Niger, du Tchad et de l’Oubangui-Chari avant d’atteindre, à travers la forêt équatoriale, Stanleyville et le Congo belge. Du Congo Belge, l’expédition met le cap sur le lac Victori a où la mission éclate en quatre groupes pour rejoindre Madagascar après avoir traversé le Kenya, le Tanganyika, le Nyassaland, le Mozambique et l’Afrique Austral e Anglaise. L’expédition en Afrique se terminera le 8 septembre 1925 Chargée de missions par deux sociétés savantes, la Société de Géographie et le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, la Croi-sière Noire peut revendiquer le titre de mission économique, humanitaire, scientifique et culturelle. Elle a véritablement été la première expédition automobile transafri caine,

La relation des trois expéditions Citroën au Sahara, en Afri-que et celle en Asie à travers films et les expositions furent un atout publicitaire considérable pour le Patron. Tout comme le record des 300 000 km de la Petite Rosalie a définitivement assis la réputation des véhicules d’André CI-TROEN. Le Patron aurait voulu que ses autochenilles atteignent le Pôle Sud ou réalisent un autre exploit semblable. En 1934, c’est un milliardaire Américain d’origine française, Charles BEDAUX, qui proposera à André CITROËN d’utili-ser ses fameuses autochenilles pour la traversée des MONTA-GNES ROCHEUSES au nord-ouest du CANADA. Charles BEDAUX, un tayloriste plus talentueux dans la vente des méthodes d’organisation du travail que dans leur élabora-tion. Un homme bien éloigné des HAARDT et AUDOUIN-DUBREUIL. Sûrement mis en confiance par la renommée de Bedaux dans le monde industriel anglo-saxon, le Patron confiera donc cinq Citroën-Kégresse du dernier modèle pour parcourir la traver-sée des Rocheuses imaginée par Bedaux.

Financée à titre privé par BEDAUX lui-même, mal préparée, en particulier sans reconnaissance du terrain, cette expédition tournera au fiasco. L'expédition comprend 17 personnes, dont Bedaux, sa femme et une amie de cœur ; elle emmène champagne, caviar, truffes et tenues de bal ; ce qui lui vaudra le sobriquet de Champagne Safari.

L’expédition part d'Edmonton le 4 juillet 1934. Se lançant à l'as-saut des Montagnes Rocheuses, elle rencontre très rapidement des diffi cultés imprévues et insurmontables dues aux pluies diluvien-nes, aux glissements de terrain et à la boue qui s'ensuit. Trois des cinq véhicules sont précipités par Charles Bedaux dans le passage de rivières en crue. Les deux autres autochenilles, en-glouties dans la boue, doivent être abandonnées le 16 août. Cela n’empêchera pas un mont de 2228 m des Rocheuses de porter le nom de Bedaux alors que Citroën devra se contenter d’un pic de 1729 m. Le retour peu glori eux aura lieu à cheval et en train à Edmonton le 24 octobre 1934. Ceci explique que cette croisière Citroën rest era quasi inconnue du grand public.

Au moment-même où cette expédition tourne au fiasco au Canada, les autochenilles Citroën engagées dans une mission de découverte aux confins de la planète, dans des conditions encore plus extrêmes, vont signer un exploit de premier ordre. L’amiral américain Richard BYRD emmène trois Citroën-Kégresse pour une traver-sée de l’Antarctique. L’amiral Richard BYRD a déjà un passé glorieux en matière d’expéditions polaires et sa nouvelle mission est prometteuse car équipée selon les techniques les plus mo-dernes. Mais il lui manque un mode de transport motorisé encore introuvable aux Etats-Unis, des autochenilles…. Citroën met à la disposition de BYRD trois autochenilles, équipées d’un train de skis directionnels à l’avant. Les autochenilles parcoururent plus de 500 Km sur le continent Antarctique par des températures entre moins 20° et moins 70° sans l e moindre problème technique, quand les véhicules Ford n’ont pas tenu 120 km. Richard BYRD, modifi ant son programme, resta plusieurs mois dans une station météorologique à environ 200 Km de sa base de «Little-America » . Intoxiqué par l’oxyde carbone suite au dis fonctionnement d’un poêle défectueux et des gaz d’échappement de son générateur, BYRD ne devra son salut qu’à une équipe de secours qui parcourra la distance en une semaine dans le blizzard et la nuit continuelle avec une des autochenilles Citroën.

Pour terminer not re concert de ce soir, et grâce aux recherches jusqu’en Suisse de mon collège, Daniel DELSALLE, La Philharmonie peut vous interpréter ce soir une marche écrite par VAN HERCK dans les an-nées 1930 en hommage à Mr et Mme André CI-TROËN et arrangée pour La Philharmonie par Régis VANOVERMEIR. Il s’agit d’une marche, typiquement « rétro », corres-pondant bien à l’esprit de l’époque… Ici s’achève notre évocation des expéditions Citroën. Il est temps de ranger notre poste de télégraphie. L’épopée des autochenilles Citroën allait s’achever avec ce dernier exploit en Antarctique. La firme Citroën allait êt re confront ée aux répercus-sions de la crise de 1929 venue des Etats-Unis et qui commençait à se faire sentir en Europe. Après avoir l ancé l a Traction Avant en avril 1934, André Citroën meurt le 3 juillet 1935 d’une longue maladie. Avec lui s’acheva l’époque des grands raids en autochenille de l’époque.