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Module intégré C Néphrologie Insuffisance rénale chronique 1 Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes Mai 2006 J. Fourcade Néphrologie INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE Objectifs Diagnostiquer et stadifier une insuffisance rénale chronique. Comprendre l'intérêt d'un diagnostic et d'une prise en charge précoces. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi. Indiquer les principes de la prise en charge au long cours et des techniques de suppléance. Connaître les moyens de la prévention de l'insuffisance rénale. ECN: 253. Insuffisance rénale chronique Plan de cours I- Physiopathologie .................................................................................................. 2 I.1- Caractéristiques de l'IRC ............................................................................................ 3 I.2- La réponse adaptative rénale ..................................................................................... 4 I.3- Répercussions de l'IRC sur l'homéostasie ............................................................... 6 I.4- Hypertension artérielle et IRC .................................................................................... 9 I.5- Facteurs d'aggravation ............................................................................................. 11 II- Etude clinique ..................................................................................................... 13 II.1- Progression de l'IRC ................................................................................................ 13 II.2- Facteurs de décompensation aiguë au cours de l'IRC ......................................... 15 II.3- La phase terminale ................................................................................................... 17 III- Prise en charge de l'insuffisant rénal chronique ............................................ 18 III.1- Diagnostic précoce ................................................................................................. 18 III.2- Enquête étiologique ................................................................................................ 19 III.3- Information et surveillance ..................................................................................... 22 III.4- Orientations thérapeutiques................................................................................... 25 III.5- Epuration extrarénale.............................................................................................. 27 III.6- Transplantation rénale ............................................................................................ 32 IV. Prévention.......................................................................................................... 34

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Module intégré C Néphrologie Insuffisance rénale chronique

1 Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes

Mai 2006

J. Fourcade

Néphrologie INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE

Objectifs ♦ Diagnostiquer et stadifier une insuffisance rénale chronique. ♦ Comprendre l'intérêt d'un diagnostic et d'une prise en charge précoces. ♦ Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi. ♦ Indiquer les principes de la prise en charge au long cours et des techniques de suppléance. ♦ Connaître les moyens de la prévention de l'insuffisance rénale. ECN: 253. Insuffisance rénale chronique

Plan de cours

I- Physiopathologie .................................................................................................. 2 I.1- Caractéristiques de l'IRC ............................................................................................3 I.2- La réponse adaptative rénale .....................................................................................4 I.3- Répercussions de l'IRC sur l'homéostasie ...............................................................6 I.4- Hypertension artérielle et IRC ....................................................................................9 I.5- Facteurs d'aggravation .............................................................................................11

II- Etude clinique..................................................................................................... 13 II.1- Progression de l'IRC ................................................................................................13 II.2- Facteurs de décompensation aiguë au cours de l'IRC .........................................15 II.3- La phase terminale ...................................................................................................17

III- Prise en charge de l'insuffisant rénal chronique............................................ 18 III.1- Diagnostic précoce .................................................................................................18 III.2- Enquête étiologique ................................................................................................19 III.3- Information et surveillance.....................................................................................22 III.4- Orientations thérapeutiques...................................................................................25 III.5- Epuration extrarénale..............................................................................................27 III.6- Transplantation rénale ............................................................................................32

IV. Prévention.......................................................................................................... 34

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I- Physiopathologie Quelle est la définition de l’insuffisance rénale chronique (IRC) ? L’IRC est un syndrome correspondant à une réduction des fonctions rénales: ♦ permanente (installée depuis au moins 3 mois); ♦ irréversible. L’IRC se caractérise par l’incapacité définitive des reins d’accomplir: ♦ leur rôle d’émonctoire des déchets de l’organisme (fonction excrétrice), ♦ ainsi que leur fonction endocrine. Une maladie historique: l'urémie Les conséquences cliniques de l’atteinte chronique de la fonction rénale ont été correctement analysées dès le siècle dernier (mal de Bright). L'accumulation de l’urée dans l'organisme, notamment dans le plasma, est la première caractéristique biologique à avoir fait l’objet d’une identification chimique. Pour cette raison, on désigne couramment sous le terme d'urémie l'ensemble des symptômes et signes de cette affection. Quelle est l’évolution naturelle d’une IRC ? L'IRC s’aggrave de façon progressive et inéluctablement. Ce processus s’étend habituellement sur des années, voire des décades. Au cours de son évolution, des désordres croissants se constituent. ♦ Archétype de la maladie néphrologique, l’IRC représente, à son stade précoce, une pathologie

associée, observable chez de nombreux sujets ayant des affections variées. Elle constitue alors un risque supplémentaire qu’il importe de reconnaître et de prendre en compte afin d’éviter des complications parfois sévères.

♦ A un stade plus évolué, l’IRC impose une prise en charge spécialisée, qui en fait la cause la

plus fréquente d’hospitalisation dans les services de Néphrologie. Si la destruction rénale devient totale (IRC dite terminale = IRCT), elle impose pour la survie la mise en œuvre d’un traitement substitutif définitif des fonctions disparues: l’épuration extrarénale (EER), à laquelle seule la transplantation rénale offre une alternative. En quoi l’IRC constitue-elle un problème majeur de santé publique ? L’IRC constitue une préoccupation grave et croissante: ♦ individuelle: en raison du facteur de risque qu’elle représente et des contraintes qu’elle

entraîne; ♦ collective: en raison de sa prévalence en hausse, et du coût financier et social engendré à

son stade ultime par son traitement répétitif par le rein artificiel. Les sujets concernés par la phase terminale (environ 600 par million d’habitants, soit 30.000 pour la France) sont en nombre relativement restreint. Mais le poids économique de l’EER (2% des dépenses de santé au bénéfice de <1‰ de la population), tout autant que le handicap prolongé vécu par les sujets en dialyse, sont considérables.

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Pourquoi l’incidence et la prévalence de l’IRC et de l’IRCT sont-elles en hausse ? L’augmentation est de 5% par an. Elle caractérise les pays industrialisés. Elle est due à la sommation de plusieurs phénomènes: ♦ Réduction des causes de mortalité plus précoce; ♦ Allongement corollaire de la durée de vie; ♦ Fréquence accrue du diabète sucré.

I.1- Caractéristiques de l'IRC Quel est le critère de la destruction néphronique? La diminution de la filtration glomérulaire (FG) est l’indicateur de la réduction de la fonction rénale. ♦ Il n’y a pas d’IRC sans altération de la FG. ♦ Une atteinte rénale sans baisse de la FG n’est pas une insuffisance rénale. La diminution de la FG est appréciée conjointement par deux mesures: - diminution de la clairance de la créatinine; - augmentation corollaire de la créatininémie.

Pour en savoir plus. LES REINS, PIVOT DE L’HOMEOSTASIE Du fait des fonctions multiples des reins, les perturbations engendrées par l’IRC sont nombreuses. ♦ Fonction émonctoire. Les reins ont pour fonction essentielle, grâce à leur capacité d’excrétion, d’épurer les

déchets de l’organisme (acides organiques, urée). ♦ Stabilité du milieu intérieur. Les reins assurent l’équilibre entre les entrées et les sorties de l’eau et des

électrolytes. Ils sont le point d’impact de l’ADH et de l’aldostérone. ♦ Fonction endocrine des reins. Les reins sont en jeu dans trois régulations importantes: - Equilibre tensionnel. La sécrétion de rénine par l’appareil juxtaglomérulaire conditionne la synthèse de

l’angiotensine. - Erythropoïèse (sécrétion de l’érythropoïétine). - Métabolisme phosphocalcique (1-hydroxylation de la vitamine D).

Pour en savoir plus. LA FILTRATION GLOMERULAIRE, PROPRIETE ESSENTIELLE DES REINS La FG conditionne la capacité des reins à assurer leur fonction. ♦ Le lieu. La FG a son siège dans les anses capillaires qui constituent le floculus de chaque glomérule. Elle

s’effectue à travers trois structures accolées: - l’endothélium du capillaire; - la membrane basale; - le tamis constitué par les mailles des pseudopodes cytoplasmiques (pédicelles) des cellules épithéliales

(podocytes). ♦ Le mécanisme. La FG est la résultante de facteurs tenant: - d’une part aux propriétés d’une substance donnée:

- poids moléculaire; - degré de fixation par les protéines du sérum;

- d’autre part aux caractéristiques du filtre glomérulaire: - pression de filtration, représentée par la pression hydrostatique intracapillaire; - coefficient de filtration, fonction de la perméabilité de la membrane basale.

♦ Dans l’IRC. La défaillance rénale va de pair avec la diminution du coefficient de filtration de la membrane

basale. Elle s’accompagne d’une réduction progressive de la FG.

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Quel est le substratum anatomique de l’IRC ? L’apparition de dépôts dans la matrice extracellulaire est l’aboutissant de toutes les atteintes responsables d’une IRC. Elle entraîne: ♦ la destruction progressive des glomérules (glomérulosclérose), puis leur disparition (lésion en

“pain à cacheter“) ♦ une fibrose interstitielle conduisant à l’atrophie par perte de l’architecture rénale. Deux mécanismes concourent à cet aboutissant. Ils sont plus ou moins impliqués selon la néphropathie initiale: ♦ Lésion glomérulaire directe (atteinte primitive du glomérule) : - lésion immunologique, - atteinte vasculaire intraglomérulaire, - lésion de surcharge (diabète sucré, amylose). ♦ Lésion glomérulaire indirecte, au cours des atteintes de voisinage : - lésions artérielles; - néphropathies interstitielles chroniques. Lésion glomérulaire Glomérulosclérose Atrophie rénale Lésion interstitielle Fibrose interstitielle Une IRC peut-elle se développer en cas d’atteinte rénale unilatérale ? Seule une lésion rénale bilatérale et diffuse (ou un rein opposé déjà absent) peuvent conduire à une IRC. Une atteinte unilatérale est compensée par le rein opposé et ne conduit pas (sauf néphropathie surajoutée) à l’IRC.

Pour en savoir plus. LE PHENOMENE DU REIN COMPENSATEUR Lorsqu’une néphrectomie unilatérale est pratiquée chez l'enfant ou l'adulte jeune, on observe une réduction de moitié de la fonction rénale, suivie en quelques semaines du retour progressif de la clairance de la créatinine à un niveau proche de sa valeur initiale. La taille du rein restant augmente. Il est le siège d'une hypertrophie compensatrice dont le processus inducteur est encore mal connu (synthèse d’ADN), qui lui permet de suppléer la fonction du rein manquant. A long terme, il n'y a donc pas d’IRC. Il en est de même lors de l'absence congénitale d'un rein. Par contre, si la néphrectomie est effectuée tard dans la vie, l'hypertrophie du rein opposé est souvent réduite ou absente: ce phénomène compensateur ne parvient pas à suppléer le rein manquant. Il existe alors un certain degré d'insuffisance rénale, d’abord stable, mais susceptible de se renforcer progressivement.

I.2- La réponse adaptative rénale Quels sont les mécanismes de compensation dont disposent les reins ? Ils sont de deux types: ♦ Processus d’adaptation passifs. Ils aident les reins à maintenir longuement un équilibre

suffisant malgré la réduction progressive du capital néphronique. - Maintien de la charge des substances ultrafiltrables. - Augmentation de la diurèse. ♦ Phénomène d’adaptation actifs. Ils correspondent à l’adaptation néphronique.

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Comment la charge des substances ultrafiltrables peut-elle se maintenir malgré la baisse de la filtration glomérulaire ? Le volume de plasma filtré diminue, mais la concentration de ces substances dans l’urine primitive augmente au prorata de l’élévation de leur taux plasmatique. Dans l’IRC, la réduction du coefficient de filtration de la membrane basale a pour effet la diminution du transport à travers le filtre glomérulaire, et pour corollaire l’augmentation de la concentration plasmatique des substances dites ultrafiltrables (non liées aux protéines et de petit poids moléculaire: urée, ions, créatinine). Ces substances continuent cependant à se retrouver dans l’urine primitive (tube contourné proximal) à la même concentration que dans le plasma. Ceci permet le maintien prolongé d’une charge filtrée relativement élevée malgré la réduction de la perméabilité glomérulaire et de la FG (mais au prix d’une intoxication croissante due à la rétention plasmatique). Quel est l’effet de l’augmentation de la diurèse ? La polyurie est un des signes les plus précoces de l’IRC. La polyurie est liée à l'augmentation de la charge des néphrons résiduels. Elle participe à l’adaptation néphronique et contribue au maintien de l’excrétion des substances dissoutes (une même quantité est éliminée, malgré la diminution de la concentration des urines). Ce phénomène concourt à maintenir la diurèse jusqu'à la phase terminale. L'atteinte de la dilution (oligurie) est extrêmement tardive.1 Quel est le mécanisme de l’adaptation néphronique ? Ce phénomène consiste en l’augmentation du pouvoir fonctionnel des néphrons encore intacts. Il constitue un phénomène retardateur qui contribue au maintien prolongé de l’homéostasie. L’organisme dispose au départ de 2 millions de néphrons. Au fur et à mesure que certains néphrons disparaissent, une adaptation des néphrons survivants (ou résiduels), décrite sous le terme de “théorie des néphrons restants” se produit. Leur filtration glomérulaire individuelle augmente, ce qui leur assure un pouvoir maximal et ralentit la dégradation de la fonction rénale.

Pour en savoir plus. LA THEORIE DES NEPHRONS RESTANTS L'atteinte rénale, dans sa progression, ne lèse pas simultanément tous les néphrons. Au fur et à mesure que le nombre de néphrons encore intacts diminue, ils s'hypertrophient et deviennent hyperfonctionnels; leur pouvoir de filtration individuel (SNGFR = single nephron glomerular filtration rate) s’accroît fortement et leur fonction tubulaire se modifie, afin de compenser ceux qui ont disparu.

Cette compensation est très longuement efficace, car les potentialités de chaque néphron sont énormes. De la sorte, la fonction rénale reste meilleure que le nombre de néphrons survivants ne le supposerait, et l’homéostasie est maintenue plus longtemps. Il a cependant des limites. Au fur et à mesure de la progression de la réduction néphronique, l’adaptation devient de moins en moins performante, et des troubles croissants s’installent. Des études sur l’animal ont montré l’existence d’un seuil (perte d’environ 75% du parenchyme) au-delà duquel les néphrons restants deviennent

1 Cette polyurie adaptative est à distinguer de la perte majeure du pouvoir de concentration qui s’observe dans les IRC dues à des lésions médullaires (tissu interstitiel) qui précèdent l'atteinte glomérulaire.

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trop peu nombreux pour assurer le maintien de l’homéostasie. ♦ Les derniers néphrons intacts sont soumis à une surcharge de travail intense, ce qui favorise l’installation

d’une fibrose (glomérulosclérose) qui raccourcit leur existence. ♦ L’hypertrophie des néphrons restants favorise l’apparition d’une protéinurie et d’une inflammation locale

(apparition de macrophages, libération de cytokines et de facteurs de croissance) qui contribue à la destruction fibreuse.

Pourquoi l’IRC continue-t-elle à s’aggraver même lorsque sa cause peut être supprimée et les facteurs d’aggravation contrôlés ? Plusieurs facteurs contribuent à cette aggravation. ♦ Vieillissement naturel du rein. Ses effets sont plus marqués sur des reins pathologiques. ♦ Adaptation néphronique. Elle contribue par elle-même à une auto-aggravation de l’IRC. Ce

phénomène est inéluctable, même si l’étiologie de l’IRC a pu être corrigée. La surcharge des néphrons restants est responsable de leur fibrose progressive. L’ajout de cette destruction à la maladie causale explique le caractère accéléré de la période finale de l’IRC. Après une période plus ou moins prolongée de diminution lente de la fonction rénale, un basculement survient, et induit une décompensation terminale souvent précipitée.

I.3- Répercussions de l'IRC sur l'homéostasie Pourquoi les phénomènes de compensation n’assurent-ils pas un équilibre satisfaisant ? Ils n’empêchent pas la rétention des substances dont les reins sont l’émonctoire. La réserve fonctionnelle des reins leur assure une souplesse extraordinaire de fonctionnement. Leurs capacités dépassent de très loin les contraintes habituelles de l’homéostasie. On peut encore vivre sans suppléance artificielle avec moins de 1/20 du nombre initial de néphrons. Mais l’augmentation progressive du taux plasmatique de nombreuses substances est inévitable. Quelles sont les substances concernées par cette augmentation ? Principalement les substances suivantes: ♦ Urée (urémie); ♦ Potassium; ♦ Phosphore; ♦ Acides organiques (acidose métabolique); ♦ Acide urique; ♦ Toxiques et médicaments. Pourquoi la natrémie n’augmente-elle pas alors qu’il existe aussi une rétention sodée ? Les signes d’une rétention sodée sont l’hypertension artérielle (HTA) et les œdèmes, mais non l'hypernatrémie. A la différence de toutes les autres substances, la réduction de l’élimination du sodium ne s’accompagne pas d’une élévation de sa concentration sanguine. L'eau et le sel étant retenus indissociablement, la natrémie reste normale.

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La rétention sodée est-elle obligatoire au cours de l’IRC ? La rétention sodée est habituelle, mais non obligatoire. Dans de rares cas (moins d’1/10 des IRC), on constate non pas une rétention sodée, mais une fuite sodée. Ce phénomène est défini comme l’incapacité des reins à réduire l’excrétion sodée de façon à conserver une balance normale, face à des situations de risque: - entrées réduites (régime restrictif en sodium); - pertes extrarénales excessives (vomissements, diarrhée). Une exception: la fuite sodée au cours de l'IRC Si des lésions tubulo-interstitielles importantes sont associées aux lésions glomérulaires, une disparition totale de la régulation tubulaire du transport du sodium peut se constituer, ce qui entraîne un trouble de la réabsorption avec perte sodée excessive dans les urines La conséquence est la survenue, non pas d'une HTA, mais d'un risque paradoxal d'hypopovolémie et de collapsus. Cette situation s’observe dans les IRC dues à une néphrite interstitielle chronique. Il est lié à la prédominance tubulaire du sel. Quelle est la cinétique du désordre de l’homéostasie créé par l’IRC ? La réduction de la fonction rénale entraîne un trouble: - d’abord intermittent et révélé dans des circonstances inhabituelles; - puis permanent et de plus en plus rapide. ♦ Phase de compensation. La réserve fonctionnelle rénale autorise le maintien habituel de

l’équilibre et n’est débordée que dans des situations exceptionnelles. De brusques augmentations des apports démasquent la réduction du pouvoir d’adaptation des reins.

♦ Phase décompensée. Amenuisement, puis disparition de la marge de défense. Au fur et à

mesure que l’IRC progresse, la perte de souplesse de la fonction excrétrice s’accentue et l’adaptabilité des reins aux modifications de la charge métabolique diminue.

Comment ce principe s'applique-t-il à l’urée? Son taux dépend à tout moment de l'équilibre entre les entrées et les sorties. Chez un sujet normal, une augmentation des apports est rapidement compensée par l’augmentation de la sortie rénale. En cas d’IRC, l'urée s'accumule dans l'organisme au prorata de la baisse de la filtration glomérulaire: ♦ Augmentation temporaire du taux plasmatique (appelé par habitude "azotémie") elle se traduit

en cas d’IRC débutante. Une réduction des entrées (régime alimentaire) permet de prolonger l’équilibre.

♦ Augmentation de plus en plus marquée et de plus en plus prolongée, pour une même

modification des entrées, au fur et à mesure que l’IRC s’aggrave. La rétention azotée devient ensuite permanente. Urée (et créatinine) s'élèvent lentement au début, puis de plus en plus vite.

♦ Une excrétion urinaire de l'urée dite “normale” (c’est-à-dire une sortie égale aux apports) reste

cependant longuement possible (effet de la charge) malgré la diminution du coefficient de perméabilité glomérulaire, au prix de l’élévation progressive de l'urée plasmatique.

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Comment s’applique-t-il au potassium ? L’IRC favorise l’apparition d’une hyperkaliémie. L'augmentation de la sécrétion tubulaire du potassium permet de conserver longuement une excrétion normale, si bien que la kaliémie reste dans les normes jusqu'au stade terminal. Mais, dès que la clairance de la créatinine devient inférieure à 20 ml/min, il existe un risque croissant d'hyperkaliémie, qui peut se renforcer subitement. Deux phénomènes accroissent ce risque: ♦ Augmentation brutale de l'apport digestif; ♦ Prise inconsidérée de certains médicaments. Comment s’applique-t-il aux acides ? L’IRC entraîne une acidose métabolique. La sécrétion des ions H+ diminue au prorata de la réduction néphronique. Comme le catabolisme génère en permanence des déchets acides, il existe une tendance croissante à l'acidose métabolique, compensée par une baisse progressive de la bicarbonatémie. La rétention des ions H+ s'accroît rapidement lors d'une poussée d'hypercatabolisme (infection aiguë par exemple).

Quelle est la conséquence de la rétention des déchets azotés ? Elle a un effet toxique qui participe au syndrome urémique. ♦ Toxicité propre de l'urée. L’accumulation de l’urée survient au prorata de la baisse de la filtration

glomérulaire. Elle permet le maintien de la charge filtrée, mais est malheureusement mal tolérée. Bien que la toxicité de l'urée reste débattue, on lui reconnaît un rôle important dans les phénomènes suivants:

- Diminution de l'agrégation plaquettaire (hémorragies); - Troubles digestifs de l'urémie; - Accélération de la glomérulosclérose par l’augmentation de la charge filtrée. ♦ Autres déchets azotés. D’autres substances s’accumulent au cours de l’IRC. Plus que l’urée,

ces "toxines urémiques" contribuent à deux complications: - Neuropathie (ou polynévrite) urémique; - Anémie de l'IRC. Quelles autres complications l’IRC provoque-elle ? L’urémie n’est que l’une des conséquences. Des troubles hormonaux et métaboliques engendrent une maltolérance croissante. Ces désordres font appel à deux mécanismes: - Rétention de certaines substances du fait de l’abaissement de la FG; - Défaut de sécrétion d’autres substances du fait de l’atteinte du parenchyme rénal. Les principales anomalies sont les suivantes : ♦ Anémie. ♦ Perturbation de l’équilibre phosphocalcique.

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A quels mécanismes est due l’anémie ? Une anémie apparaît dès que l’IRC est assez évoluée. Elle est due à une conjonction de facteurs: ♦ Diminution de la production érythrocytaire: - Rétention de toxines urémiques (sidération médullaire) - Diminution de la synthèse rénale de l'érythropoïétine; - Carence protidique, résultant de l’apparition (tardive) d’un dégoût alimentaire. ♦ Augmentation de la destruction globulaire: - Hyperhémolyse avec durée de vie des hématies raccourcie; ♦ Augmentation des pertes: - Soustractions sanguines du fait des bilans biologiques de surveillance; - Pertes accidentelles (hémorragies digestives); - Facilitation par un trouble de l’hémostase (troubles fonctionnels plaquettaires).2 A quoi sont dues les anomalies phosphocalciques ? L'insuffisance rénale entraîne des désordres complexes: ♦ Diminution du taux de la forme terminale active (1-25 di OH) de la vitamine D, par défaut de

conversion rénale de la 25 OH, d'où une diminution de l'absorption intestinale du calcium. ♦ Défaut d'élimination des phosphates, d’où l'élévation de la phosphorémie. Quelles en sont les conséquences ? ♦ Conséquences osseuses. - Hyperparathyroïdie secondaire. Elle résulte de l’hypocalcémie engendrée par les deux troubles

ci-dessus. - Ostéodystrophie rénale. Ce terme désigne une atteinte osseuse mixte due aux effets combinés :

- de l’ostéomalacie liée à la non-synthèse de la vitamine D; - de l'hyperdestruction osseuse due à l’hyperparathyroïdie.

♦ Conséquences vasculaires. L’IRC favorise l’apparition de calcifications vasculaires diffuses

dans la genèse desquelles l’hyperphosphatémie paraît jouer un rôle déterminant.

I.4- Hypertension artérielle et IRC Quelle est la signification d’une HTA au cours de l’IRC ? L’HTA peut être à la fois la cause et la conséquence d’une IRC. ♦ IRC secondaire à une HTA prolongée. Les reins participent (néphroangiosclérose) aux lésions

artériolaires (artériosclérose) des organes-cible de l’HTA. L’HTA, quelle que soit son étiologie (essentielle ou secondaire), constitue un facteur de risque vasculaire et représente une cause importante d’IRC.

♦ HTA secondaire à l’IRC. L’élévation tensionnelle est la conséquence de deux phénomènes:

2 L'accumulation d'acide guanidino-succinique a été incriminée.

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- Hypervolémie engendrée par la rétention sodée. La pléthore sanguine s’exerce à la fois:

- dans le secteur capacitif (circulation veineuse), d’où les œdèmes, - dans le secteur résistif (lit artériel), d’où l’HTA.3

- Persistance d’un taux d’angiotensine “normal“, en fait inadapté.4 L’HTA secondaire joue-elle un rôle dans l’adaptation rénale à l’IRC ? L’HTA contribue au maintien de l’excrétion du sodium. Elle représente donc à certains égards un phénomène passif d’adaptation. Les néphrons survivants sont le siège d’un double phénomène qui permet le maintien prolongé d’une excrétion sodée “normale“ (c’est-à-dire adaptée aux apports) malgré la progression de l’IRC: ♦ Maintien de la filtration du sodium au prix d’une élévation de la PA (qui est l’équivalent pour l’eau

et le sel de ce qu’est la charge pour les substances ultrafiltrables); ♦ Diminution de la réabsorption tubulaire qui contribue à la polyurie. La réduction de l’apport sodé alimentaire, proportionnée au degré de l’IRC, permet de prolonger cet équilibre. De la sorte, alors que l’HTA est précoce, ce n’est bien souvent (sauf erreur de régime flagrante) qu’à la phase terminale de la maladie (précédant de peu la prise en charge en dialyse) qu’une inadéquation survient et qu’apparaissent les œdèmes.

Pour en savoir plus. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HTA DANS L’IRC La membrane basale (MB) glomérulaire a une épaisseur supérieure à toute autre MB. Cette propriété, qui assure son imperméabilité aux protéines, rend nécessaire une pression de filtration plus élevée (60 mmHg) que toute autre pression hydrostatique capillaire de l’organisme (30 mmHg), ce qui fait des reins la cible précoce du vieillissement vasculaire. La stabilité de la pression capillaire intraglomérulaire permet à la FG de rester constante (de même que le flux sanguin rénal) quelle que soit la PA (phénomène d’autorégulation). Y contribuent les modifications hémodyna-miques suivantes: - En cas d’élévation tensionnelle, une vasoconstriction accrue de

l’artériole afférente empêche l’augmentation de la pression intraglomérulaire. Cela limite le risque pour les néphrons d’être soumis à une pression encore plus élevée entraînant leur usure prématurée.

- En cas de baisse tensionnelle, une vasoconstriction accrue de l’artériole efférente maintient la filtration

glomérulaire (sauf en cas de collapsus). Par ailleurs, le sodium filtré (retrouvé dans l’urine primitive) est une fonction du produit de la pression de filtration intraglomérulaire et du coefficient de filtration de la MB. La FG demeurant constante, le sodium filtré devrait théoriquement demeurer stable, quelle que soit la PA.

◊ Ci-contre. Pourtant, un rein normal soumis dans des conditions expérimentales à une pression de perfusion élevée répond par une natriurèse accrue, dite natriurèse de pression. Ceci montre que la régulation hémodynamique n’est pas parfaite. Dans l’IRC notamment, la perfusion des néphrons restants est altérée. Parmi les glomérules survivants, certains restent

3 L’hypervolémie entraîne initialement une élévation du débit cardiaque. Dans un second temps une adaptation physiologique (autorégulation) entraîne la diminution du débit cardiaque et l’élévation de la résistance artériolaire, qui devient responsable de l’HTA. L’élévation du débit cardiaque observée dans l’IRC est due à l’anémie plus qu’à l’hypervolémie. 4 Compte tenu de la rétention sodée et de l’élévation tensionnelle, la sécrétion d’angiotensine devrait être nulle. Mais le feed-back est déréglé. L’IRC entraîne du fait de la glomérulosclérose une ischémie rénale, ce qui provoque une sécrétion persistante de rénine.

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protégés. D’autres sont « forcés », exposant ainsi le floculus à une hyperpression intraglomérulaire qui tend à accroître la natriurèse. En cas d’IRC, la FG continue à s’autoréguler, mais à un niveau plus bas du fait de la diminution du coefficient de perméabilité. La relation concernant le sodium persiste selon une nouvelle courbe (à pression égale, moins bonne excrétion). Une rétention sodée se constitue, d’où l’élévation de la PA jusqu’à la valeur qui permet au débit initial du sodium de se rétablir. Un équilibre précaire se recrée (le bilan redevient nul), mais la balance reste positive, ce qui perpétue l’élévation tensionnelle. A chaque nouvelle dégradation de la fonction rénale correspond une courbe plus basse, ce qui engendre une nouvelle hausse tensionnelle. ◊ Ci-contre: substitution des axes, et remplacement de la natriurèse par l’apport sodé (équivalent). Une réduction de l’apport de sel (justification du régime restrictif) permet de réduire la pression nécessaire à son excrétion (Guyton et Fourcade).

I.5- Facteurs d'aggravation

Quelles sont les conséquences de l’HTA secondaire à l’IRC ? Bien que l’HTA constitue un mécanisme compensateur, elle représente un facteur majeur de progression de l’IRC ♦ L’HTA induit une hyperfiltration des néphrons résiduels (augmentation du SNGFR), ce qui

entraîne leur destruction accélérée et l’évolution vers la glomérulosclérose. ♦ Elle entraîne par ailleurs une usure vasculaire accélérée et des lésions viscérales (cerveau,

rétine). ♦ Elle induit une insuffisance cardiaque par augmentation de la post-charge du ventricule

gauche, dont les effets s’ajoutent à ceux de l’insuffisance rénale. En définitive, l’HTA secondaire à l’IRC doit-elle être respectée ou traitée ? Les inconvénients de l’HTA dépassent de loin son effet compensateur. Elle constitue par conséquent un cercle vicieux dans l’IRC. A ce titre, elle est délétère et doit être combattue. Outre l’HTA, quels sont les autres facteurs d’aggravation de l’IRC ? Des anomalies surajoutées peuvent accélérer l’évolution de l’IRC vers la phase terminale, quelle que soit son étiologie. Certains de ces facteurs sont accessibles à un traitement ou une démarche préventive. Il est donc capital de les reconnaître et si possible de les corriger, car cette intervention peut ralentir la progression de l’IRC. a) Facteurs liés à l’IRC ou à sa cause ♦ Charge protidique. Les néphrons survivants, encore fonctionnels, doivent excréter une charge

protidique anormale qui, pour chacun d'entre eux, va croissant quand leur nombre se raréfie. Des études expérimentales indiquent que cette charge excessive est néfaste. Elle altère, par un effet toxique, les derniers néphrons et accélère le processus de glomérulosclérose.

♦ Protéinurie. Elle est favorisée par l’hyperfiltration des néphrons restants. Lorsqu’elle est

abondante (glomérulopathies avec syndrome néphrotique), elle accentue l’évolution de l’IRC par un effet “toxique” sur le néphron.

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♦ Lésions vasculaires. Les calcifications vasculaires sont plus fréquentes, plus précoces et plus

diffuses dans l’IRC que dans la population générale. Leur développement constitue un risque spécial qui augmente la mortalité cardiovasculaire, avant le stade de la dialyse comme après:

- Risque d’infarctus du myocarde; - Fréquence élevée des amputations des membres inférieurs, notamment en cas de diabète

associé. ♦ HTA. Conséquences analysées plus haut. b) Facteurs généraux non contrôlables ♦ Vieillissement artériel lié à l’âge. Ses deux facettes (athérome, artériosclérose) représentent une

des principales étiologies actuelles de l’IRC. Sur une IRC d’autre origine, le vieillissement entraîne par lui-même, même sans HTA surajoutée, une détérioration supplémentaire inévitable de la fonction rénale.

c) Facteurs indépendants mais contrôlables ♦ Facteurs de risque vasculaire. Ils ont un rôle aggravant essentiel dans toute IRC. Leur effet est

multifactoriel. ♦ Uropathies obstructives. Une uropathie surajoutée peut aggraver une IRC de toute autre origine. ♦ Causes accidentelles. Ce ne sont pas à proprement parler des facteurs d’accélération de l’IRC,

mais des épiphénomènes qui précipitent l’apparition d’un déséquilibre et entraînent une dé-compensation brutale. Leur prévention est donc capitale. Ils sont décrits plus loin sous le nom de facteurs de décompensation aiguë de l’IRC.

Les facteurs de risque vasculaire dans l'IRC

Facteurs classiques ♦ Hypertension artérielle (voir ci-dessus); ♦ Diabète sucré. Il constitue par lui-même une cause majeure d’IRC. ♦ Hypercholestérolémie. ♦ Tabagisme. Il accélère les lésions vasculaires et joue très probablement un rôle néfaste sur la

vitesse d’évolution de l’IRC.

Autres facteurs. On considère que les facteurs classiques mentionnés ci-dessus ne contribuent au risque vasculaire qu’à hauteur de 50%. A leur côté, on attache une importance croissante au rôle joué par de nouveaux facteurs spécifiques de l’IRC:

♦ Elévation de l’angiotensinémie. Son effet justifie l’utilisation des IEC. - Effet hémodynamique (élévation de la pression intraglomérulaire); - Effet proinflammatoire; - Effet trophique (l’A2 est aussi un facteur de croissance qui favorise la croissance du tissu fibreux). ♦ Hyperphosphorémie. Elle stimule la transdifférenciation des cellules musculaires lisses de la paroi

artérielle en ostéoblastes, d’où l’apparition de calcifications diffuses. ♦ Homocystéine et LDL oxydées. Ces substances sont retenues au cours de l’urémie. ♦ Hyperuricémie (elle-même secondaire à l’IRC). Elle paraît accentuer le risque vasculaire. La protéinurie est-elle un signe d’IRC ? La protéinurie est un signe de glomérulopathie, et non d'insuffisance rénale.

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♦ Une protéinurie modérée est constatée dans de nombreux cas d’IRC, en particulier d’origine glomérulaire.

♦ Mais la protéinurie peut être totalement absente tout au long de l'évolution de l’IRC. ♦ Inversement, une très forte protéinurie (syndrome néphrotique) peut ne s’accompagner d’aucun

signe d’insuffisance rénale. Cependant, une forte protéinurie représente un facteur d’aggravation de l’IRC. Ce risque justifie les tentatives de réduction de la protéinurie par un traitement: ♦ physiopathologique (immunosuppresseurs en cas de syndrome néphrotique); ♦ symptomatique. L’utilisation d’un IEC dans la néphropathie diabétique (même en l’absence

d’HTA) a notamment pour but de protéger les glomérules en réduisant à la fois la PA (on vise la PA optimale la plus basse possible) et la protéinurie.

II- Etude clinique

II.1- Progression de l'IRC Quelle est l’évolution générale de l’IRC ? Bien qu’une installation progressive soit la règle, le critère qui définit une IRC est, non pas cet élément, mais son caractère permanent et définitif. Aboutissant d'affections diverses, l’IRC possède les caractéristiques communes suivantes: ♦ Installation - habituellement progressive et insidieuse, avec une période infraclinique prolongée; - exceptionnellement soudaine (au décours d’une insuffisance rénale aiguë). ♦ Evolution - aggravation progressive et régulière des troubles, de façon habituellement lente (plusieurs années

ou décades), parfois plus rapide (formes subaiguës sur quelques mois); - progression inexorable vers le stade ultime, dit "terminal" de l'insuffisance rénale; - nécessité, pour assurer la survie lorsque ce stade est atteint, d’un traitement substitutif de la

fonction rénale (EER ou transplantation). Une exception: le début brutal de certaines IRC Occasionnellement, on peut “entrer” dans l’IRC de façon soudaine. C’est le cas lorsque, au décours d’une phase d’insuffisance rénale aiguë, la diurèse ne reprend pas. Le sujet se retrouve en insuffisance rénale séquellaire d’emblée maximale puisqu’elle nécessite, lorsqu’elle est totale, une prise en charge définitive en dialyse de suppléance. Ce mode d’entrée dans l’IRC n’est pas habituel. Il correspond aux rares étiologies d’IRA qui engendrent des séquelles massives: ♦ Glomérulopathies suraiguës; ♦ Nécrose corticale bilatérale par: - choc; - thrombose artérielle bilatérale; - embolie de cristaux cholestérol; - coagulation intravasculaire. Quelles sont les phases de l’évolution de l’IRC ? L’IRC est redoutable car elle reste longtemps silencieuse. Lorsque les signes cliniques apparaissent, les lésions rénales et leurs conséquences fonctionnelles (notamment les troubles phosphocalciques) sont malheureusement déjà très évoluées.

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Phase de latence clinique Clairance >60 ml/min Phase d'insuffisance rénale modérée Clairance ≥30 ml/min Phase d’insuffisance rénale sévère Clairance ≥15 ml/min Phase d'insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) Clairance <15 ml/min En raison de l’écart-type, la FG physiologique étant de 130 ± 20 (m ± SE) ml/minute, on ne peut affirmer l’IRC que si la clairance est < 90 ml/min (au-delà, il faut connaître les chiffres antérieurs).

Voir le chapitre: Elévation de la créatininémie. Quelles sont les anomalies décelables au cours de la phase de latence clinique ? Seuls les examens biologiques sont anormaux. Alors que la réserve fonctionnelle commence à décroître, aucun signe clinique de perturbation rénale n’est encore apparent (sauf ceux pouvant témoigner d’une étiologie particulière de l'insuffisance rénale). Les anomalies repérables sont méconnues sauf si on les recherche de principe: ♦ Baisse du pouvoir de concentration des urines; ♦ Baisse de la clairance de la créatinine (jusqu'à 2/3 de la normale, soit 60 ml/min); ♦ Alors que la créatininémie n’a encore que faiblement augmenté. 5 Quelles sont les caractéristiques de la phase modérée de l’IRC ? Ce terme correspond au début des signes cliniques, et non de l'atteinte anatomique rénale qui a commencé à se constituer des mois, voire des années plus tôt. ♦ Polyurie et nycturie habituelles; urines pâles (peu concentrées); ♦ Début de la rétention azotée (hyperazotémie accrue en cas d’alimentation riche en protéines); ♦ HTA, majorée par une prise excessive de sodium. Quelles sont les caractéristiques de la phase de défaillance rénale sévère ? La filtration glomérulaire est inférieure à 25% de la normale (30 ml/min). - Les anomalies biologiques se renforcent progressivement, - en même temps que le syndrome urémique se complète. L’équilibre précaire est rompu dès que les conditions (régime alimentaire, pathologie de rencontre) dépassent les possibilités de compensation des reins. Quelles sont les manifestations du syndrome urémique? Il associe une constellation croissante de signes cliniques, chaque malade ayant un tableau qui lui est propre. Chez certains, on est surpris par la tolérance extrême de l'urémie, les symptômes restant réduits jusqu'à une phase très avancée.

5 A ce stade, la découverte de l'atteinte rénale est donc rarement le fait du hasard (car les examens en question ne sont pas des examens de dépistage habituels dans les bilans de santé ou en médecine du travail). Elle est plus souvent due à des examens de parti pris dans le cadre d'un contexte pathologique. Certaines situations peuvent contribuer à démasquer l’IRC: taux plasmatique de l’urée normal dans les conditions basales, mais augmentation en cas d’apport protidique inhabituel (alimentaire ou par catabolisme).

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Signes généraux et syndrome anémique

Fatigabilité, asthénie permanente, diminution de la qualité de vie favorisées par l'anémie. La maladie devient peu à peu invalidante.

Signes digestifs Inappétence, dégoût électif pour les viandes, odeur urémique de l'haleine. Plus tardivement nausées. La surcharge azotée favorise également les hémorragies digestives.

Signes cardiovasculaires HTA permanente, nécessitant d’être traitée. Œdèmes et dyspnée ne s'observent qu'en cas de surcharge sodée manifeste. L'anémie contribue avec l’HTA à l’apparition d’une hypertrophie ventriculaire gauche et peut favoriser un angor.

Signes neuromusculaires Crampes nocturnes des membres inférieurs assez précoces, de même que le syndrome des "jambes sans repos". Les crampes sont favorisées par l'hypocalcémie. On note parfois des sensations de brûlure, une diminution de la sensibilité profonde, une hyporéflexie.

Signes ostéoarticulaires Crises de goutte (par hyperuricémie secondaire à la rétention de l’acide urique). Douleurs osseuses (hyperparathyroïdie).

Signes cutanés Peau sèche, squameuse. Purpura. Prurit parfois intense (rôle de l’hyperphosphorémie). Apparition tardive d’une mélanodermie accentue par l’ensoleillement.

Signes oculaires Conjonctivite urémique, par dépôt calcique. Signes endocriniens Aménorrhée. Diminution de la libido, impuissance. Anomalies glucidiques Diminution de la tolérance aux hydrates de carbone, due à une

diminution de l'activité périphérique de l'insuline. Elle est de peu d'importance en pratique.6

Anomalies lipidiques L'hypertriglycéridémie avec sérum lactescent est fréquente. Rôle favorisant de l'hyperinsulinisme et du régime alimentaire restrictif en protides, donc à prédominance glucidolipidique.

II.2- Facteurs de décompensation aiguë au cours de l'IRC

Pourquoi une aggravation soudaine de l'IRC peut-elle survenir ? Des accidents intercurrents peuvent décompenser brutalement l’IRC. Ils sont toujours possibles, même chez un sujet dont la tolérance de l'urémie est restée relativement bonne. Les conséquences de ces accidents sont d'autant plus sévères qu'ils surviennent dans une phase plus tardive, car: ♦ la reprise de l'équilibre antérieur est aléatoire; ♦ ils sont susceptibles de précipiter l'évolution vers la phase terminale. Quels sont les facteurs de décompensation identifiés ? La plupart d’entre eux sont prévisibles, et donc évitables. Ils sont de trois ordres: ♦ Renforcement de la surcharge azotée: - par hypercatabolisme (épisode infectieux, traumatisme, corticothérapie); - par apport alimentaire excessif; - par saignement digestif. ♦ Hyperkaliémie. ♦ Désordres hydrosodés. S’y ajoutent des causes accidentelles : ♦ Prescription d’un médicament néphrotoxique. ♦ Hémorragies digestives: surtout gastriques. Fréquence de l’ulcère associé (10 à 20% au

cours de la période terminale).

6 Une faible glycosurie est souvent constatée. Elle traduit une diminution du seuil d'excrétion du glucose, et ne doit pas être prise pour un signe de diabète sucré.

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A quoi est dû le démasquage ou le renforcement de la tendance à l’hyperkaliémie ? L’hyperkaliémie est en fait tardive, et annonce la phase terminale. Divers événements peuvent cependant favoriser son apparition anticipée ou son accentuation: ♦ Hypercatabolisme (libération du potassium cellulaire): traumatisme, fièvre; ♦ Imprudence alimentaire: consommation excessive de:7 - chocolat, - légumes non bouillis, - frites, - certains fruits tels les raisins, les oranges, les cerises, les abricots, - les fruits secs; ♦ Erreur thérapeutique: - diurétique épargneur du potassium: prise toujours injustifiée en cas d'IRC; - bêta-bloquant, inhibiteur de l'enzyme de conversion, antagoniste de l’angiotensine: prise à

surveiller étroitement.8 Quels sont les accidents impliquant l’équilibre hydrosodé ? ♦ Accidents de déplétion sodée. Ils surviennent préférentiellement mais non exclusivement chez

les sujets qui ont, non une rétention mais une fuite sodée. Ils sont: - parfois spontanés (vomissements, diarrhée, fièvre); - souvent précipités par un traitement erroné: régime restrictif en sel excessif, diurétique. - dangereux, car ils ajoutent à l'IRC une insuffisance rénale aiguë qui fait basculer les sujets en

phase terminale justiciable de l'EER. ♦ Accidents de surcharge sodée (poussée hypertensive, œdème aigu du poumon). Leur

survenue est facilitée en cas d’insuffisance cardiaque. Celle-ci peut aggraver rapidement l’IRC en ajoutant les effets redoutables d’une insuffisance rénale fonctionnelle par bas débit.9

♦ Accidents d'intoxication par l'eau. L’excrétion de l’eau, et même la polyurie sont maintenues

jusqu’à la fin de l’évolution. Les accidents surviennent uniquement en phase avancée, lorsque les reins perdent leur pouvoir de dilution. Une surcharge brutale en eau (boissons excessives, rares du fait des nausées, ou perfusion de sérum glucosé) fait alors courir le risque de la survenue d'une hyponatrémie.10

Chez un sujet vu pour la première fois à l’occasion d’une insuffisance rénale aiguë, quels sont les arguments qui font suspecter l’existence d’une IRC préalable ? Outre l’anamnèse, certains signes font évoquer une IRC sous-jacente décompensée. ♦ Anémie (quoiqu’une IRA d’origine septique puisse s’accompagner d’une anémie).

7 Imprudence ou danger sous-estimé plus qu’erreur, car l’éducation diététique des malades sur ce risque est une priorité. 8 Les diurétiques d’épargne du potassium sont formellement contre-indiqués dans l’IRC. Les autres médicaments sont utilisables, mais sous surveillance biologique régulière. La prise conjointe habituelle de furosémide réduit le risque d’hyperkaliémie. 9 Plus qu'un éventuel excès alimentaire (envers lequel le sujet est mis en garde par l’entretien diététique), il faut incriminer une thérapeutique favorisant la rétention sodée et mal surveillée: - AINS, - corticothérapie, - prise de bicarbonate de soude ou d'eau de Vichy. 10 C’est souvent le passage en dialyse qui “casse” une diurèse qui s’était maintenue jusqu’alors.

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♦ Hypocalcémie. Hyperphosphorémie. ♦ Œdèmes. ♦ Hypertension artérielle. ♦ Reins atrophiques (échographie). Pourquoi les infections surajoutées sont-elles graves au cours de l’IRC ? ♦ Elles majorent les troubles métaboliques. Par leurs effets, les infections de rencontre favorisent la

décompensation de l’IRC (catabolisme, déshydratation, acidose).

♦ Elles sont parfois sournoises du fait de l’absence de fièvre. En phase d’IRC avancée, l’effet cérébral de la rétention azotée provoque un abaissement de la température, ce qui peut camoufler une fièvre d'origine infectieuse.

II.3- La phase terminale Quelles sont les caractéristiques de la phase d'insuffisance rénale terminale ? Le seuil est franchi lorsque la clairance de la créatinine chute à moins de 15 ml/min. La survie nécessite alors le passage rapide en dialyse. Cette dernière période est marquée par deux phénomènes: ♦ Tolérance de plus en plus réduite du syndrome urémique; ♦ Risque d’aggravation brutale. Alors que l’IRC a longtemps progressé de façon insidieuse, la

rapidité de la décompensation terminale (corrélée avec l’ascension de la créatininémie le long de la branche verticale de l'hyperbole) est souvent surprenante. La créatininémie atteint alors 600 à 1000 µmol/l voire plus, soit près de dix fois sa valeur normale (ce qui montre du reste la tolérance extraordinaire de l'organisme vis-à-vis de l'urémie). Une surveillance étroite est alors requise.

Voir le chapitre: Elévation de la créatininémie.

Quels sont les signes d'alerte de la phase terminale ? Sont à redouter : ♦ Accentuation de l’hyperkaliémie et de l’acidose. Elles constituent un danger majeur. ♦ HTA ou dyspnée résistant au traitement. ♦ Aggravation de l'anémie (malgré le traitement par Erythropoïétine). ♦ Aggravation de l'asthénie, avec gêne intellectuelle, physique et sociale. ♦ Accentuation de l'anorexie, entraînant un amaigrissement par dénutrition. ♦ Troubles digestifs plus marqués, avec vomissements. ♦ Apparition de signes neurologiques (polynévrite) ou osseux. ♦ Accentuation de l'hyperkaliémie ou de l'acidose. Paradoxalement la diurèse se maintient jusqu’à la fin, et persiste parfois après le passage en dialyse. Ce qu'on ne doit plus voir dans l'IRC Les signes suivants ne doivent plus s’observer du fait de la surveillance et de la mise en œuvre de l’EER avant cette phase ultime. Installation d'une HTA accélérée Elle conduit très vite à la phase terminale et à des accidents

redoutables, notamment lors de la prise en charge en dialyse.

Insuffisance ventriculaire gauche Par surcharge et cardioangiosclérose;

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Péricardite urémique Trouble ultime apparaissant faute d'avoir fait débuter le traitement de suppléance en temps utile.

Installation d’œdèmes réfractaires Etat grabataire ♦ Cachexie urémique liée à une dénutrition globale;

♦ Polynévrite urémique (aréflexique et amyotrophique, prédominant aux membres inférieurs);

♦ Ostéodystrophie rénale dans sa forme évoluée, avec douleurs osseuses, fractures, déformations, ostéomalacie et mutations calciques avec calcifications métastatiques.

Coma urémique terminal Calme, hypothermique, avec respiration typique dite de Kussmaul et “givre” urémique sur les lèvres.

III- Prise en charge de l'insuffisant rénal chronique

III.1- Diagnostic précoce Pourquoi l’identification précoce de l’IRC est-elle importante? Pour donner au malade toutes ses chances. Les répercussions de l’IRC, le handicap qu’elle entraîne, sa morbimortalité et son coût justifient: ♦ un dépistage aussi tôt que possible; ♦ l’introduction d’un traitement néphroprotecteur pour tenter d’en: - ralentir l’aggravation progressive par des mesures de prévention secondaire; - atténuer les conséquences (complications associées); - éviter les erreurs qui peuvent précipiter l’évolution. A quoi peut servir une consultation en Néphrologie au tout début de l'IRC ? Elle représente un investissement à terme. Le spécialiste est là pour qu’on s’en serve. Le caractère tardif des troubles cliniques et l’échéance lointaine de l’EER ne dispensent pas le médecin de famille de solliciter dès la découverte d’une IRC, même totalement inapparente, un avis néphrologique avec pour objectifs de: ♦ Décider quelle enquête est appropriée (PBR?) et indiquer le cas échéant un traitement étiologique

en cas de lésion réversible; ♦ Effectuer un bilan multidisciplinaire avec le cas échéant l’aide du cardiologue, de l’interniste ou du

gériatre; ♦ Préciser d’emblée au malade des précautions indispensables en termes de diététique et d’emploi

de certains médicaments; ♦ Mettre en place un traitement néphroprotecteur d’autant plus complexe que l’IRC est avancée; ♦ Informer le malade sur les signes d’alerte, les modalités du régime et du traitement, et l’évolution

générale de sa maladie; ♦ Fixer avec lui la fréquence de la surveillance conjointe généraliste-néphrologue, et le rôle de

chacun dans le suivi.11

11 Un tiers des sujets en IRC sont encore adressés au néphrologue moins de six mois avant le passage en dialyse. Ils ont souvent une HTA et une hypertrophie ventriculaire gauche, une hyperparathyroïdie, un mauvais état nutritionnel. Cette prise en

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III.2- Enquête étiologique

Quel est le bilan de départ dans le cadre de l’enquête étiologique ? Les examens à pratiquer chaque fois que la cause d'une IRC est recherchée sont aisés: - évaluation clinique; - bilan minimal. L’interrogatoire et l’examen clinique constituent l’étape obligatoire préalable à tout bilan. ♦ Antécédents personnels et familiaux. ♦ Recherche d’une maladie héréditaire. ♦ Notion d’un traitement pris au long cours. ♦ Recherche de signes urologiques: leur non-reconnaissance serait impardonnable. ♦ Mesure de la PA. ♦ Toucher rectal. Que comporte le bilan minimal ? Des examens de sécurité non traumatiques et peu coûteux sont indiqués. ♦ Recherche d’un diabète sucré de type 1 ou 2 (glycémie à jeun). ♦ Bandelette urinaire complétée le cas échéant par des recherches orientées: - dosage de la protéinurie, - DHLM, - recherche spécifique d’immunoglobulines monoclonales (suspicion de myélome), - dosage de la microalbuminurie (chez le diabétique, en l’absence de protéinurie). ♦ Radiographie de l’abdomen sans préparation; échographie rénale; éventuellement selon le

contexte échodoppler des artères rénales. Ces examens permettent de reconnaître: - la taille et la forme des reins; - l’existence de calcifications parenchymateuses; - uropathie obstructive, représentant un facteur corrigible causal ou tout au moins d’aggravation; - éventuellement atteinte vasculaire. Une IRC est-elle possible malgré l’existence de gros reins ? La perte fonctionnelle peut coexister avec des reins augmentés de volume, bien que détruits. La réduction de la masse néphronique va habituellement de pair avec une atrophie rénale globale: la taille des deux reins diminue. Mais il y a des exceptions à cette règle. Même lorsque les reins sont de taille accrue, le tissu rénal actif (néphrons) est raréfié et l'index cortical (épaisseur du cortex) diminué.

Volume diminué (atrophie) Volume augmenté Contour régulier Glomérulopathies Amylose

Hydronéphrose bilatérale Contour irrégulier mais forme conservée

Néphroangiosclérose (reins symétriques) Sténose artérielle rénale (asymétrie)

Contour bosselé, encoches

Pyélonéphrite chronique Reins dysplasiques

Maladie polykystique

charge tardive aggrave les conséquences de l’IRC et augmente le risque de complications, avec un risque de mort durant la première année de dialyse cinq fois plus important que pour les sujets suivis précocement.

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Quelles sont les indications des examens plus complexes ? Le rapport bénéfice-risque doit être favorable. Or il dépend du stade de l’IRC. En cas d’IRC déjà évoluée, le traitement étiologique ou physiopathologique perd de son importance, et ne laisse place qu’au seul traitement symptomatique. Ainsi, les risques de la PBR ne sont pas nuls. Bien qu'elle reste possible sur des reins atrophiques grâce à l’échographie, elle s’avère dans ce cas peu rentable, et est donc a priori contre-indiquée. Lorsqu’une glomérulopathie est soupçonnée, la ponction-biopsie rénale n’est justifiée qu’à un stade précoce. Quelles sont les étiologies de l’IRC ? De nombreuses affections sont susceptibles d’aboutir à une IRC. La prévention de certaines et l’émergence d’autres modifient leur fréquence relative. Les affections susceptibles d’évoluer vers l’IRC sont de quatre types: ♦ Néphropathies vasculaires; ♦ Glomérulopathies (trouble immunitaire); ♦ Néphropathies interstitielles chroniques; ♦ Néphropathies héréditaires. Quelle est la place des néphropathies vasculaires ? Elles sont devenues la première cause (40%) des IRC. ♦ Arguments en faveur: Voir le chapitre: Néphropathies vasculaires - leur fréquence; - une HTA préalable; - l’absence d’étiologie ou de symptomatologie glomérulaire; - l’absence d’anomalies urinaires (hématurie, protéinurie faible ou absente); - des signes diffus d’artériopathie athéromateuse (carotides, membres inférieurs); - des reins de petite taille, de contour parfois irrégulier, mais non bosselés. Pourquoi le vieillissement vasculaire (néphroangiosclérose ou glomérulosclérose) prend-il une importance majeure ?

Parce qu’il est à présent la cause la plus fréquente d’IRC dans les sociétés occidentales. La FG diminue régulièrement chez tout sujet âgé, du fait de la destruction progressive des néphrons. Des modifications épidémiologiques amplifient cette évolution “naturelle”.

Vieillissement général de la popu-lation. Il permet à cette atteinte rénale physiologique mais inéluctable de s’extérioriser. 12

12 La réduction de la mortalité liée à d’autres affections (malnutrition; maladies infectieuses) contribue à ce vieillissement.

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♦ Réduction des autres causes d’IRC qui frappaient surtout les sujets jeunes: glomérulopathies,

pyélonéphrite chronique, uropathies. ♦ On observe de ce fait un vieillissement progressif des populations sujettes à l’IRC et, par voie de

conséquence, à l'épuration extrarénale, ce qui entraîne des conséquences médicales et sociales considérables.

Quels sont les autres facteurs d’atteinte vasculaire à l’origine d’une IRC? Le traitement efficace de certaines affections réduit leur mortalité précoce, mais augmente de ce fait leur incidence et permet à leurs conséquences rénales d’apparaître. ♦ Diabète sucré. Responsable d'une lésion rénale spécifique, il favorise également l’athérome, et

engendre à ce titre une atteinte artérielle surajoutée non spécifique qui évolue vers l’IRC. ♦ Hypertension artérielle. - HTA essentielle. Le traitement supprime la mortalité immédiate due aux accidents précoces

(hémorragie cérébrale, OAP), mais est moins efficace pour empêcher la survenue d’un vieillissement vasculaire anormal avec usure prématurée de la fonction rénale (néphroangio-sclérose).

- HTA secondaire à une sténose artérielle rénale. L’IRC est due à l’ischémie d’aval. Elle s’observe

surtout en cas de sténose bilatérale, ou de sténose unilatérale chez un sujet âgé à la fonction rénale diminuée.

♦ Rôle du tabagisme. Sa responsabilité dans l’athérome est certaine. - il accélère le vieillissement artériel rénal; - il favorise la constitution de lésions athéromateuses des artères rénales.

Voir le cours: Néphropathies vasculaires. Quelle est la place des glomérulopathies ? Leur incidence a nettement diminué en 50 ans, de façon globale, et en tant que cause d’IRC. ♦ Arguments en faveur: - âge moins avancé (avant 50 ans); - reins petits et réguliers; - protéinurie ancienne, syndrome néphrotique (les œdèmes de l’IRC sont plus tardifs); - hématurie macro ou microscopique; - signes de maladie générale ou de vascularite (fièvre, arthralgies, purpura, éruption); - évolution parfois rapide vers l’IRCT (insuffisance rénale rapidement progressive);13 ♦ Formes dites “primitives” (sans étiologie reconnue) - avec ou sans syndrome néphrotique; - avec ou sans syndrome néphritique chronique. ♦ Glomérulopathies secondaires - Maladie amyloïde. - Diabète sucré. Outre l’atteinte vasculaire, une néphropathie spécifique avec protéinurie

(glomérulosclérose de Kimmelstiel-Wilson) d’évolution grave peut se constituer. L’équilibre thérapeutique parfait du diabète sucré est le seul moyen susceptible de prévenir son apparition.

Voir le cours: Maladies glomérulaires

13 Mais ce n’est pas constant. Une néphropathie glomérulaire peut aussi évoluer sur des années.

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Pourquoi les néphropathies interstitielles chroniques ne sont-elles plus une cause fréquente d’IRC ? Leur développement est dorénavant prévenu par le traitement précoce et efficace des maladies causales. ♦ Arguments en faveur: Voir le cours: Infections urinaires - les antécédents - l’absence d’autre étiologie; - une protéinurie faible (< 1 g/24 h); - une leucocyturie excessive (> 5000/min); - des reins petits, asymétriques, bosselés; une hydronéphrose en cas d’uropathie. ♦ Causes infectieuses (pyélonéphrite chronique bilatérale). Devenues exceptionnelles, sauf en

cas d’uropathie, depuis que les pyélonéphrites aiguës guérissent sans séquelles grâce à l’antibiothérapie.

♦ Causes non infectieuses. Certaines persistent. - Intoxication par la phénacétine. Aujourd’hui en voie de disparition en raison de la suppression des

médicaments concernés. - Traitement chronique par lithium, ciclosporine. 14 - Herbes chinoises. - Néphropathie subaiguë du myélome multiple. A évoquer en cas de douleurs osseuses, ou d’une

hypercalcémie, au lieu de l’hypocalcémie habituelle de l’IRC.15 ♦ Uropathies Voir le cours d’Urologie - Obstruction bilatérale; - Reflux bilatéral.16 Quelles sont les principales néphropathies héréditaires responsables d’une IRC ? ♦ Maladie polykystique. Une des plus fréquentes maladies héréditaires, transmise de façon

autosomique et dominante. Responsable d’une IRC par développement de multiples kystes rénaux bilatéraux.

Voir le chapitre: Polykystose hépatorénale

♦ Syndrome d'Alport. Maladie héréditaire rare. Les lésions, complexes, sont : - d’abord glomérulaires (membrane basale), - puis tubulaires et interstitielles (fibrose). La progression des lésions conduit à une insuffisance rénale terminale chez l'adulte jeune. A noter dans 50% des cas une surdité associée, évidente ou à rechercher par un audiogramme.

III.3- Information et surveillance A quelles règles obéit l’information du malade au cours de l’IRC ? Ni trop ni trop peu. Ni trop tôt ni trop tard. 14 Ces médicaments entraînent aussi des insuffisances rénales aiguës. 15 Avec la possibilité d’une insuffisance rénale aiguë par précipitation intratubulaire des protéines myélomateuses. 16 Les uropathies peuvent constituer un facteur surajouté d'aggravation, sur une insuffisance rénale d'autre origine. Plus rarement à présent, elles constituent une cause autonome d'IRC: - soit par découverte tardive d’une uropathie silencieuse, avec déjà répercussion évoluée sur le parenchyme rénal; - soit dans le cas des rares uropathies inopérables.

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L’information a pour but de fournir au sujet les informations qui lui sont dues, sur son pronostic personnel et parfois familial, de façon à lui donner des éléments d’orientation pour son projet de vie, en fonction d’une maladie qui va l’accompagner plusieurs dizaines d’années. Mais elle doit respecter son individualité. Ainsi, il est préférable d’amener le sujet à poser lui-même la question de l’opportunité d’une enquête familiale en cas de néphropathie héréditaire, plutôt que la lui présenter comme une obligation. Parler de la dialyse ou de la transplantation des années à l’avance, alors qu’elles sont une échéance lointaine et aléatoire, est peu indiqué. Mais ne pas en parler quand l’IRC s’aggrave ou en réfuter l’éventualité si le sujet (bien mieux informé par ailleurs qu’on ne le pense, par les amis ou Internet) l’évoque spontanément est une erreur, car on ne peut jamais exclure sa nécessité dans le futur.

Comment indiquer au malade, s’il le souhaite, à quelle vitesse va progresser l’IRC ? Dans l'IRC modérée, plusieurs mois de suivi sont en règle nécessaires pour évaluer la rapidité de la destruction rénale. ♦ Les facteurs qui conditionnent l’évolution sont: - le type plus ou moins agressif de la néphropathie causale; - les facteurs d’aggravation (HTA, protéinurie…) décrits plus haut; - des caractéristiques génétiques encore mal connues; - l’introduction précoce et l’observance correcte d’un traitement néphroprotecteur. ♦ La consultation néphrologique permet: - d’évaluer la dégradation des fonctions rénales et la gravité de l’IRC; - de prédire l’échéance du passage en dialyse; - de connaître les caractéristiques sociales, familiales et psychologiques du sujet, - de l’aider à orienter ses projets (profession, habitat…) - de le diriger le moment venu vers la technique la plus adéquate. ♦ La mesure répétée de la créatininémie et de la clairance est un acte essentiel dans

l’appréciation de l’évolutivité de l’IRC. - La créatininémie, peu élevée, ne permet pas de déceler la progression de l’IRC durant la phase

initiale. Seule est valable la clairance de la créatinine. - La formule de Cockcroft, qui fournit une estimation de la clairance, est le plus souvent suffisante

pour suivre la progression de l’IRC. - La pente 1/créatininémie, dès qu’elle peut être établie, permet de prédire l’échéance de la phase

terminale. Voir le chapitre: Elévation de la créatininémie.

Tous les insuffisants rénaux vont-ils inéluctablement finir leur vie en dialyse ? Outre les facteurs ci-dessus, les chances de progression ou non jusqu’à l’IRCT dépendent de l’âge de survenue de la néphropathie, donc de l’âge de début de l’IRC. Avoir une IRC signifie que les reins se détruisent plus vite que le reste de l’organisme ne vieillit. La survenue de la phase terminale nécessite: ♦ en règle 15 à 20 ans d'évolution, ♦ parfois seulement quelques années, ♦ plus rarement quelques mois en cas d'évolution subaiguë.17 17 Un grand nombre de sujets disparaîtront sans avoir atteint le stade du recours obligé à l’EER du fait, soit de leur vieillissement naturel, soit de pathologies associées. Mais l’IRC ajoute ses troubles (anémie, troubles osseux, nutritionnels, vasculaires) à ceux de l’âge et des autres pathologies. Même lorsqu’elle ne tue pas directement, elle fragilise et raccourcit l’espérance de vie.

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Quels sont les objectifs de la surveillance d’une IRC ? ♦ Surveiller la bonne conduite et l’observance du traitement spécifique de la néphropathie et du

traitement symptomatique protecteur; ♦ Prévenir les risques de décompensation aiguë (en veillant notamment aux agents néphro-

toxiques); ♦ Déceler et prendre en charge les complications évolutives de l’IRC; ♦ Préparer le sujet cliniquement et psychologiquement à une éventuelle suppléance. Quels en sont la périodicité et le contenu ? Le suivi doit être proportionné au degré de l'insuffisance rénale. A chaque niveau correspond l’introduction de nouvelles mesures.

Phase de latence clinique. Dès lors que l’IRC est reconnue: surveillance semestrielle.18

Phase d'insuffisance rénale modérée. Surveillance tous les 3 à 4 mois. ♦ Surveillance clinique. Tout particulièrement: - la PA; - la survenue des premiers symptômes de l’urémie; - l’alimentation, l’appétit; - le respect des consignes diététiques. ♦ La pesée, élément fondamental de la surveillance. L’évolution du poids est la résultante de

deux phénomènes dont il peut être difficile de dissocier leurs effets sur la courbe pondérale: - Dénutrition. La mesure du pli de peau et l’enquête alimentaire permettent d’apprécier son

importance. - Rétention hydrosodée. Elle peut la camoufler, tout en sachant que les œdèmes peuvent être

profonds, et que l’élévation de la PA ou la résistance de l’HTA au traitement sont un signe de surcharge sodée plus précoce.

♦ Surveillance biologique. Le bilan comportera: - Urée et créatinine + formule de Cockcroft; - Bilan ionique; - Calcémie et phosphorémie; - Uricémie; - Hémogramme. Anémie normocytaire et normochrome. Une anémie hypochrome doit faire penser à une hémorragie digestive associée.

Phase de défaillance rénale sévère. Surveillance de plus en plus rapprochée lorsque le terme se rapproche.

♦ Mesure de la créatininémie: elle devient plus importante que celle de la clairance. ♦ ECG: à ne pas oublier dès qu’une tendance à l’hyperkaliémie apparaît. ♦ Conduction nerveuse: mesure périodique pour dépister précocement une neuropathie urémique. La surveillance se limite-elle au suivi de l’IRC ? Un insuffisant rénal, outre la prise en charge de sa maladie, doit faire l’objet de la même surveillance que tout sujet d’âge identique.

18 Une fréquence semestrielle est une moyenne. Certaines affections (maladies glomérulaires, amylose) peuvent évoluer assez vite, d’autres (effet du vieillissement) plus lentement, sauf complication surajoutée.

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♦ Savoir évoquer une affection surajoutée dont la recherche s’effectue de parti pris (et a fortiori si le contexte l'évoque) devant une aggravation de l’IRC ou de l’état clinique non expliquée par l’évolution de la maladie causale.

♦ Se souvenir aussi que, durant l’évolution d’un insuffisant rénal, avant comme après la prise en

charge en dialyse, une affection de rencontre (insuffisance cardiaque, cancer, démence) peut survenir du simple fait de son vieillissement.

III.4- Orientations thérapeutiques

Quelles sont les mesures de prévention secondaire dont l’introduction précoce est indiquée ? Certaines mesures s’imposent dès le stade initial de l’IRC. Elles ont pour but: - de prévenir les désordres de l'urémie, et avant tout l’HTA; - de reconnaître et corriger les facteurs de risque associés; - de ralentir si possible la course de l’IRC; - à défaut d’amener le malade à la dialyse en prévenant ou en corrigeant au fur et à mesure de leur

apparition les complications cardiovasculaires, nutritionnelles, osseuses, hématologiques de l’IRC.

Correction des facteurs de risque vasculaire associés. ♦ Arrêt souhaitable du tabagisme; ♦ Lutte contre l’obésité; ♦ Prise en charge extrêmement soigneuse: - d’un diabète sucré, - d’une hypercholestérolémie.

Prévention de l’hépatite B. Elle est assurée par la vaccination.

Vigilance vis-à-vis des agents néphrotoxiques. A quelles règles obéit la prescription des médicaments chez l’insuffisant rénal ? L’IRC renforce la toxicité de nombreux médicaments. Une posologie "normale" peut devenir toxique quand existe préalablement une IRC. Une méconnaissance de ce risque et une prescription à l’aveugle constituent une faute thérapeutique. Tout sujet âgé est en particulier un insuffisant rénal qui s’ignore. La prescription des médicaments doit en tenir compte. Pour les médicaments dont l'élimination est en majeure partie rénale, il existe un risque de surdosage en cas d'insuffisance rénale. ♦ Néphrotoxicité directe (exemple: aminosides, produits de contraste, AINS). Elle ajoute une

insuffisance rénale aiguë à l’IRC. ♦ Renforcement de la toxicité générale du fait de l'insuffisance rénale: - toxicité auditive (exemple: aminosides); - toxicité musculaire (exemple: clofibrate, quinolones). L'emploi des abaques. Des abaques facilitent la prescription des médicaments à risque (aminosides). Lorsque leur emploi ne

peut être évité, leur posologie doit être adaptée en fonction du degré d’IRC. Des abaques permettent d'établir une relation approchée entre la clairance de la créatinine et leur demi-vie ou leur concentration plasmatiques, et en conséquence de calculer les doses et leur espacement. Ils ne dispensent pas du dosage du taux plasmatique du médicament, lorsqu’il est possible.

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Quelles sont les autres mesures générales indispensables ?

Education diététique. Elle a une place capitale. Indiquée dès la phase précoce de l’IRC, afin d’éviter les erreurs. Les mesures doivent rester acceptables sur le plan social. Leur renforcement ultérieur est toujours délicat en raison de la sommation des contraintes.

- Réduction de la ration sodée; - Précautions vis-à-vis des aliments riches en potassium, en phosphore; - Restriction protidique (0,8 à 1 g/kg/jour) indispensable mais sans exagération de façon à ne pas

entraîner de carence.19

Protection du capital veineux des membres supérieurs. Elle doit être un souci longtemps à l’avance, si l’on veut pouvoir disposer le moment venu d'un axe veineux correct en vue de la création d’une fistule artérioveineuse nécessaire aux épurations extrarénales. Ceci conduit à des prises de sang rares, minutieuses, sans hématome, si possible du côté du bras actif (à droite chez un droitier) et sur le dos de la main plutôt qu’au pli du coude.

Comment traiter l’HTA ? Les recommandations internationales, reprises par l’ANAES, sont plus strictes en présence d’une HTA avec IRC que dans une HTA simple. La recherche d’une néphroprotection impose d’obtenir une PA: ♦ < 135/85 mmHg en cas d’IRC, ♦ < 125/75 mmHg en cas de protéinurie associée > 1 g/24 heures. Le traitement comporte un diurétique de l’anse, seul à rester actif en cas d’IRC.20 Ordonnance Furosemide 40 mg (Lasilix®) : de 40 à 500 mg/jour selon le degré d’insuffisance rénale, de préférence le matin. Comprimés à 500 mg disponibles en cas d’IRC avancée. ♦ Commentaires. La prescription d'un diurétique est logique, sauf en cas de perte sodée. La lutte

contre la rétention sodée facilite l’action des autres antihypertenseurs. Une bi ou une trithérapie sont le plus souvent nécessaires.

♦ En cas de néphropathie diabétique. Un IEC ou un ARA II est prescrit de principe (traitement

physiopathologique) en raison d’un effet protecteur supplémentaire prouvé. Ordonnance Enalapril 5 mg (Rénitec®) : 1 c par jour. ♦ Précautions. L’abaissement de la PA peut entraîner une accentuation rapide de l’IRC. Un

contrôle fréquent de la créatininémie est nécessaire les premières semaines. Une élévation <20% est acceptable et n’impose pas l’arrêt du traitement. Une aggravation plus importante impose un avis néphrologique. L’apparition d’une insuffisance rénale aiguë sous IEC doit faire évoquer une sténose artérielle rénale associée.

Comment prévenir l'ostéodystrophie ?

19 L’orientation hypoprotidique de l’alimentation doit être précoce. - En phase débutante, on veillera simplement à éviter les excès protidiques. - En phase plus évoluée, la restriction protidique se fera parallèlement à la réduction de la filtration glomérulaire. 20 Les thiazidiques (exemple: Esidrex 1 à 2 c/jour) ne sont efficaces que si l’IRC est peu évoluée.

Lorsque la clairance de la créatinine devient <50 ml/min, on doit leur substituer le furosemide. Les diurétiques d’épargne potassique (Aldactone, Modurétic) sont formellement contre-indiqués car ils majorent le risque

d’hyperkaliémie.

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Un traitement est indiqué dès que la FG devient < 60 ml/min, sans attendre l’apparition plus tardive de l’hypocalcémie. Il repose sur deux moyens convergents: ♦ Lutte contre l’hypocalcémie: sels de calcium et vitamine D. Ordonnance Carbonate de calcium (Calcidia®) 1 sachet par jour en traitement préventif. 2 à 3 s/jour en traitement curatif selon l’intensité de l’hypocalcémie. Ordonnance Un alfa® 0,25 µg 1 capsule par jour en traitement préventif. Commentaires. Dérivé 1-25 dihydroxylé de la vitamine D (forme la plus active en cas d’IRC). Utilisation prudente. Risque d'hypercalcémie en cas de surdosage, avec aggravation des calcifications vasculaires. Surveillance régulière de la calcémie requise. Prescription relevant du domaine spécialisé ♦ Lutte contre l’hyperphosphorémie. Basée sur la chélation intestinale du phosphore. Des

protecteurs de la paroi gastrique à base d’aluminium, tels que le Gelox (hydroxyde d'alumine) mais pas le Phosphalugel (phosphate d’alumine), ou sans aluminium (Rénagel) sont employés.

Quelle est la conduite en ce qui concerne l’anémie ? Il faut savoir la respecter. La plupart des insuffisants rénaux supportent longuement (ce qui ne veut pas dire que leur confort soit bon) un taux d'hémoglobine très abaissé. ♦ Economie du sang. Etre parcimonieux en prises de sang, en raison de l’anémie potentielle. ♦ Transfusions sanguines. Elles sont: - peu efficaces chez l’insuffisant rénal, car la survie des globules rouges est réduite; - potentiellement dangereuses (malgré le progrès dans l’élimination du risque viral); - à utiliser avec parcimonie (difficultés d’approvisionnement). Elles sont par conséquent réservées: - aux aggravations accidentelles de l'anémie (hémorragie digestive), - à des circonstances spéciales (intervention chirurgicale, angor). ♦ Erythropoïétine de synthèse. Très efficace, mais onéreuse et pouvant avoir des effets

secondaires. Emploi réservé en priorité aux sujets déjà dialysés. La prescription avant ce stade est du domaine spécialisé.

Comment limiter le risque d’hyperkaliémie ? Outre les précautions de régime, on emploie un chélateur intestinal du potassium. Ordonnance Polystyrène sulfonate de sodium (Kayexalate®). Une mesurette de 15 g de poudre 4 fois par jour (60 g), per os. Diluer la poudre dans de l’eau sucrée, au besoin aromatisée mais non acide (exclure les jus de fruits, riches en potassium).

Voir le chapitre: Désordres du potassium.

III.5- Epuration extrarénale Quand faut-il recourir au traitement substitutif de l’IRC ?

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En phase d’IRCT, les mesures thérapeutiques permettent de retarder l’échéance, mais ne doivent pas conduire au jusqu’au boutisme. La nécessité d’un régime alimentaire “insupportable” signifie en particulier qu’il est temps d’envisager la suppléance. L’EER reste quoi qu’on fasse une lourde contrainte physique, sociale et psychologique. Le but de la surveillance et du traitement est de retarder le plus possible le moment de la prise en charge, mais sans sacrifier pour cela la sécurité, et sans laisser s’installer des répercussions métaboliques (dénutrition, troubles osseux) irréversibles.21 Le traitement substitutif doit être débuté dès que les premiers signes cliniques de l’IRCT apparaissent, soit pour une clairance d’environ 10 ml/min et jamais <5 ml/min. L’âge est-il un critère de non-prise en charge en dialyse ? A priori non. Chez un sujet âgé, la dialyse de suppléance ne doit jamais être réfutée sans un avis néphrologique préalable. Du fait du vieillissement des populations sujettes à l’IRC, les indications de l’EER sont portées en nombre croissant chez des sujets âgés, voire très âgés. - 1/3 des dialysés ont moins de 60 ans. - 1/3 des dialysés ont entre 60 et 75 ans. - 1/3 des dialysés ont plus de 75 ans. Ce phénomène a pour conséquence l’augmentation de l’incidence des maladies vasculaires et du diabète sucré chez le dialysé, ce qui entraîne une comorbidité élevée qui doit être prise en compte. ♦ Nécessité d’une approche globale, à la fois néphrologique et gériatrique. De nombreux

phénomènes sont spécifiques de la personne âgée. Plus que l’âge légal doivent être évaluées: - les autres infirmités physiques, psychiques et intellectuelles liées à l’âge; - le degré de dépendance; - l’entourage familial et les possibilités de dialyse à domicile, garants d’une qualité de vie suffisante; - le désir de continuer à vivre. Quelles sont les techniques d’EER? Il existe deux méthodes de suppléance: la dialyse péritonéale et l'hémodialyse.

Dialyse péritonéale (DP). Ce procédé est basé sur l'emploi du péritoine comme membrane osmotique d'échange avec le milieu extracellulaire. Par un cathéter laissé à demeure, on injecte périodiquement un liquide de composition connue dans la cavité péritonéale. Lorsqu'il est retiré après un temps de latence de quelques heures, sa composition a changé: il s'est enrichi des substances diffusibles qui s'accumulent dans l'organisme en cas d'urémie.22

♦ DPI (DP intermittente). Elle est pratiquée chaque jour sur 12 heures, habituellement la nuit. Une

machine gère la succession des échanges. ♦ DPCA (DP continue ambulatoire). Elle constitue la méthode la plus courante. Elle est pratiquée

quotidiennement 24 h sur 24, avec quatre périodes d'échange (donc quatre changements de poche) par jour.

21 Autant sinon plus qu'aux valeurs biologiques, on doit se fier à la tolérance clinique, et envisager un traitement de suppléance sans attendre les complications terminales. Chercher à attendre le moment ultime, et ne débuter les dialyses que lorsque l'équilibre général est déjà détérioré, est un mauvais calcul. Outre le risque accru de complications graves, la période de réhabilitation, une fois les dialyses débutées, est prolongée d'autant. 22 On utilise des solutions enrichies en glucose, substance osmotiquement active qui permet le transfert d'eau des capillaires péritonéaux vers la cavité péritonéale.

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Hémodialyse (HD). Cette technique consiste à faire passer le sang dans un circuit extracorporel

(rein artificiel), et à le restituer après avoir modifié sa composition. Deux procédés, en général associés, permettent la filtration à travers une membrane semi-perméable des substances diffusibles:

- la différence de concentration de part et d'autre de la membrane (effet osmotique); - la différence de pression (ultrafiltration).23 Quels sont les problèmes spécifiques et les indications de ces deux techniques ? L’une et l’autre ont leurs avantages, leurs inconvénients et leurs complications.

Dialyse péritonéale. ♦ Avantages. Elle s’effectue sans machine et le plus souvent à domicile en cas de DPCA, ce qui

permet une plus grande autonomie (déplacements, voyages). ♦ Inconvénients. La DP nécessite l’implantation à demeure d’un cathéter dans la cavité

péritonéale, avec deux risques qui en limitent l’utilisation: - péritonite, - perte progressive d’efficacité du péritoine en tant que membrane d’échange.

Hémodialyse. ♦ Avantages. Les séances ont l’avantage d’être courtes par rapport à la DP; leur répétition et la

nécessité habituelle de se rendre à un centre de dialyse les rendent néanmoins extrêmement assujettissantes.

♦ Inconvénients. L’HD nécessite de relier à chaque séance le malade à une machine. - La création préalable d’un accès vasculaire aisé et d’un débit suffisant est indispensable:

- fistule artérioveineuse sous-cutanée; - ou shunt externe artérioveineux.

- Les ponctions veineuses itératives sont désagréables. La fragilisation des sites de ponction

répétitive, et la thrombose de la fistule ou du shunt sont des problèmes majeurs. - L’HD est une méthode “brutale“ (elle soustrait en quelques heures plusieurs litres d'eau et de sel

accumulés en deux jours, de façon à revenir au "poids sec") dont les répercussions hémodynamiques (hypotension orthostatique) entraînent assez souvent une fatigue marquée.

Comment est choisie la méthode de traitement ? Le sujet dispose en théorie du libre choix. Mais les obstacles sont nombreux. Entrent notamment en jeu:

l'âge; la pathologie; le contexte familial les conditions géographiques; les consditions sociales les conditions professionnelles.

L’EER, quelle que soit la méthode, est un traitement coûteux. On doit s’efforcer de réduire son prix de revient (environ 300 ¤ par séance) de façon à optimiser les ressources de la société, tout en 23 La différence de pression hydrostatique existant entre le secteur sanguin du rein artificiel et le dialysat qui circule de l'autre côté de la membrane est mise à profit pour renforcer la filtration.

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garantissant, par l’approche individuelle (sociale, familiale et personnelle) de chaque sujet traité, sa prise en charge dans le respect de son libre choix.

Pour en savoir plus. LES RESSOURCES POUR LA PRISE EN CHARGE DE L’IRCT L’EER s’effectue, soit dans des centres (publics, privés ou associatifs), soit à domicile. L’éventail du choix est plus large pour l’HD que pour la DP. L’HD en centre justifie la présence permanente d’un néphrologue. Elle est réservée en principe aux sujets les moins autonomes, notamment ceux ayant une comorbidité importante. Un centre dit allégé est destiné aux sujets ne nécessitant qu’une surveillance simple durant la séance. Dans une unité d’autodialyse, le sujet autonome se branche seul à sa machine et gère sa séance, avec l’aide simplement d’une infirmière. Répartition en Languedoc-Roussillon

Centre

Centre “allégé“

Unité d’autodialyse

Domicile

Dialyse péritonéale 1% — — 7% Hémodialyse 40% 25% 20% 7%

L’HD à domicile est la méthode la moins onéreuse. Gérée par le sujet lui-même après une période d’éducation en centre qui peut aller de quelques semaines à quelques mois, elle offre les mêmes chances de survie et une qualité de vie supérieure à celle de l’HD en centre (elle évite les déplacements plurihebdomadaires), à laquelle elle est de loin préférable. Mais elle suppose une autonomie suffisante du sujet qui gère sa séance avec son entourage familial, avec parfois la présence occasionnelle d’une infirmière pour le branchement. Elle nécessite des conditions sociales suffisantes et surtout un investissement familial considérable. Elle n'est donc pas toujours réaliste ni réalisable. Bien souvent, l’évolution familiale, sociale ou tout simplement médicale d’un sujet au cours de son vieillissement fait qu’il aura recours successivement à plusieurs de ces modes de suppléance: ♦ un sujet en DP passera en HD si le péritoine n’est plus utilisable; ♦ un sujet greffé reviendra en dialyse en cas de rejet; ♦ un sujet à domicile viendra en centre si son conjoint décède. Il existe aussi des préférences dictées par des raisons médicales: ♦ Le diabète sucré entraîne des lésions artérielles diffuses qui posent des problèmes d’accès vasculaire et font

souvent préférer la DP. ♦ La DPCA à domicile nécessite un temps d’éducation plus court que l’HD. Elle est souvent préférable pour les

sujets très âgés, dont l’espérance de vie escomptée est limitée et pour lesquels la venue dans un centre de dialyse constitue une perte des repères de vie extrêmement pénible et délétère.

Des disparités régionales conditionnent enfin le choix, la part de l’HD à domicile allant par exemple de 0 à 15% selon les départements du Languedoc-Roussillon. Dans d’autres régions de France, elle est inexistante. La dialyse périodique supprime-t-elle l’IRC? L’EER constitue un moyen thérapeutique extraordinaire assurant aux insuffisants rénaux, grâce à ses perfectionnements incessants, une vie -et non une survie- de bonne qualité. Mais elle ne signifie pas guérison. Telle qu’elle est pratiquée et praticable, la dialyse représente plutôt la recherche d’un compromis acceptable entre l’efficacité et la qualité de vie.

Un équilibre artificiel et imparfait. ♦ La créatininémie se situe communément entre 300 et 500 µmol/l, ce qui est loin d’être un

retour à l’état physiologique. ♦ L’épuration assurée par l’une ou l’autre méthode ne dépasse pas celle d’une FG de 5 à 10

ml/min. 24

24 En outre l’épuration est plus efficace sur les petites molécules (urée, sodium) que sur les molécules de taille moyenne qui représentent des toxines urémiques. L’HD (4 h 3 fois par semaine) est plus efficace que la DPCA, qui malgré une épuration quotidienne 24 h sur 24 ne parvient pas à un pouvoir d’épuration équivalent. Le résultat de la DP est déjà maximal. Avec l’HD, une épuration renforcée nécessiterait des séances plus longues et quotidiennes, donc une contrainte économique (coût multiplié) et un assujettissement difficilement supportables.

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Une maladie rénale camouflée par le traitement, mais non supprimée. Le sujet en dialyse

reste comparable à un malade en IRCT, dont il continue à partager les risques. - La dialyse diminue, mais ne supprime pas complètement les contraintes de régime. - L'hyperkaliémie continue à constituer un danger. - L’hypertension artérielle peut persister et doit alors être traitée. - L’hyperparathyroïdie, conséquence des désordres du métabolisme phosphocalcique engendrés

par l’IRC, ne se démasque assez souvent qu’après la prise en charge en dialyse. - L’anémie justifie un traitement régulier par fer et Erythropoïétine. Quels sont les autres problèmes médicaux observés en dialyse périodique ?

Poursuite de la maladie causale. Elle s’accompagne d’autres désordres. Exemple: complications vasculaires d’un diabète sucré. Complications multiviscérales d’un lupus.

Un sujet qui continue à vieillir. Tout comme une autre personne, le dialysé se modifie dans le

temps. Outre sa pathologie rénale, il peut avoir d'autres affections de rencontre, par exemple un cancer. La surveillance régulière ne doit donc pas se borner à celle de l'état rénal.

Survenue possible de troubles nouveaux engendrés par la dialyse

♦ Vieillissement vasculaire anormalement rapide. Aux facteurs de risque vasculaire déjà

analysés s’ajoute un athérome accéléré, favorisé par les conséquences immunologiques de la circulation extracorporelle, notamment un état inflammatoire chronique. Il facilite les accidents vasculaires, notamment coronariens, et le risque d’amputation.

♦ Amylose secondaire du dialysé. Formation de dépôts de substance amyloïde de type ß,

favorisée par l’activation immunologique qu’entraînent les échanges extracorporels à répétition que constitue l’HD.

- Localisations osseuses (géodes); - Infiltration des gaines (syndrome du canal carpien). ♦ Hépatites virales. La survenue de l’hépatite B parmi les dialysés a été favorisée par les contacts

du sang et la promiscuité qu’induit la dialyse en centre. La vaccination des sujets traités et du personnel a enrayé sa diffusion. De grandes précautions sont requises pour que l’hépatite C, pour laquelle il n’existe pas encore de vaccin, ne vienne pas la relayer.

Comment est vécue la dialyse périodique ? Au mieux comme un traitement assujettissant dont on aimerait pouvoir se passer. Au pire comme un calvaire ou comme un bagne. Si l’asthénie est le premier symptôme du dialysé, la lassitude est le second. Même si elle permet le maintien en vie dans des conditions relativement bonnes, l'EER constitue, de par l'agression du schéma corporel qu'elle implique, de par sa répétition, de par les déplacements qu’elle nécessite en cas de dialyse en centre, de par les limitations qu'elle impose aux déplacements ou à la vie professionnelle, de par la dépendance qu'elle peut instaurer entre conjoints ou entre parents et enfants (en cas de dialyse à domicile), de par la soumission qu’elle suppose enfin vis-à-vis de la machine, un assujettissement et une contrainte affective à ne pas sous-estimer. Une aide psychologique doit être fournie à la fois par le médecin de famille et l’équipe de dialyse, avant comme après la prise en charge. Le support d’une association d’insuffisants rénaux est souvent précieux.25

Pour en savoir plus. POURQUOI L’EPURATION EXTRARENALE DEMEURE UN DEFI. La poursuite de cette méthode thérapeutique sur plusieurs décades engendre des problèmes structurels nombreux qui sont autant de défis (B. Canaud). 25 Des facteurs comme l’absence chronique de diurèse ou les troubles sexuels contribuent à ce trouble de l’identité.

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♦ Défi humain. Après avoir augmenté pendant 40 ans du fait d’une survie de plus en plus longue, le nombre de patients en dialyse est en voie de stabilisation. Mais l’augmentation de leur âge moyen engendre un nombre croissant de sujets ayant une autonomie réduite, et de nombreuses pathologies associées. Comment les orienter en fonction de leur état ? Quelles structures leur proposer ? Quelles fins de vie s’attendre à gérer après des années de dialyse ?

♦ Défi médical. Sujets dénutris, porteurs de pathologies associées multiples (notamment en cas de diabète). ♦ Défi technique. Quelle option proposer en priorité, pour un malade donné, en fonction des pathologies

associées, de l’âge et du degré de handicap, des possibilités d’éducation, des contraintes sociales ? ♦ Défi géographique. Bien que tout soit fait pour que l’EER s’effectue à proximité du domicile, le droit

fondamental à ce que la vie privée soit de qualité ne peut être garanti. L’état du sujet et/ou la méthode choisie peuvent nécessiter le recours à un centre de dialyse parfois éloigné du domicile et dont l’implantation hétérogène sur le territoire national (les régions peu urbanisées sont relativement sous équipées) ne respecte pas toujours l’équité.

♦ Défi sociologique. Le nombre croissant de patients âgés et dépendants, ou solitaires du fait du divorce ou

du veuvage, pose des problèmes cruciaux auxquels la réponse n’est pas que médicale. ♦ Défi administratif. La réglementation qui encadre la pratique de l’EER a des objectifs louables (sécurité,

équité, efficacité, économie), mais peut s’avérer tatillonne (enquêtes administratives, autorisations, contrôles, recommandations, accréditation), ce qui ralentit l’adéquation aux besoins de la population.

♦ Défi juridique. Les risques existent, en dialyse comme dans tout acte médical. La manipulation du sang

(danger viral), l’utilisation de médicaments, la répétition des séances de circulation extra-corporelle engendrent des responsabilités auxquelles répond une vigilance permanente.

♦ Défi économique. Le coût de l’IRC correspond à 2,5% du budget de la santé, mais pour un total seulement

de 30.000 malades en dialyse. Le coût par malade est donc très élevé. Il tend en outre à augmenter du fait d’une survie de plus en plus longue, et de nouvelles contraintes liées à une obligation croissante de sécurité.

♦ Défi industriel. La disparition des petites sociétés au profit de quelques fabricants internationaux de matériel

de dialyse et, fait nouveau, la gestion directe par ces firmes de centres privés de dialyse, entraînent un risque de monopole qui doit être contrôlé.

♦ Défi logistique et écologique. L’approvisionnement en matériel des centres de dialyse se fait -nécessité

économique oblige- selon un système de distribution à “flux tendu”. Les fabricants ayant eux-mêmes des réserves limitées, il y a un risque permanent de rupture de la chaîne d’approvisionnement. Par ailleurs l’élimination des effluents et des déchets (notamment le chlore lié à la destruction des plastiques) devient une préoccupation.

♦ Défi scientifique. Des progrès incessants sont notés dans la prise en charge de l’IRC: érythropoïétine de

synthèse, matériel de dialyse de plus en plus sophistiqué. Où se situent l’indispensable et le superflu ? Comment concilier évidences médicales et limitations économiques ? Certaines exigences ne sont-elles pas à la limite de l’indécence, quand on voit les efforts déployés par les pays du tiers monde pour dialyser à bas prix sans pour autant faire de la dialyse au rabais… quand ils peuvent tout simplement dialyser !

♦ Défi démographique. L’orientation vers la spécialité de Néphrologie d’un plus grand nombre de médecins

est nécessaire, en raison d’une part du nombre croissant de sujets en IRC puis éventuellement en dialyse, d’autre part de la nécessité de compenser les départs à la retraite.

III.6- Transplantation rénale

Quels sont les avantages de la greffe rénale ? Elle constitue une vraie guérison, et non l’équilibre imparfait assuré par une machine. La transplantation constitue l'autre réponse possible au remplacement de la fonction rénale défaillante. Elle offre d'énormes avantages: - Elle autorise la reprise de déplacements sans entraves et favorise la réinsertion professionnelle.

Les sujets dialysés qui accèdent à la greffe ont le sentiment de “revivre“. - Elle entraîne un mieux être par rapport à la dialyse, car elle corrige en grande partie le trouble

urémique (clairance de la créatinine en moyenne à 60 ml/min) au lieu de l’atténuer.

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- Elle supprime l'assujettissement du sujet, de son conjoint et de ses proches à la dialyse. - A long terme, elle est plus économique que la dialyse. La greffe rénale constitue-t’elle la panacée ? Pour la plupart des sujets, oui. Mais elle entraîne de nouveaux problèmes et comporte des risques qui doivent faire l’objet d’une information sincère.

Problèmes liés à l'immunosuppression ♦ Effets secondaires de la corticothérapie. ♦ Utilisation de médicaments toxiques. ♦ Risque infectieux; ♦ Risque accru de cancer ou de lymphome.

Problèmes psychologiques du receveur. Recherche délicate de son identité (le "moi") et parfois fantasmes liés à l’appropriation d’un "corps étranger".

Survenue d’un rejet. Il peut se manifester de façon aiguë ou chronique. Moins de 2/3 des

greffons restent fonctionnels à 10 ans. Le rejet expose à des complications vitales, de même que son traitement. Celui-ci ne permet pas toujours de l’enrayer: le retour en dialyse est alors nécessaire. Il est d’autant plus mal ressenti que le sujet a fait l’expérience de la “liberté“.

Risque pour le donneur. En cas de donneur vivant.

Comment situer la transplantation par rapport à la dialyse ? La transplantation est complémentaire de la dialyse et non opposée à elle. ♦ La greffe est exceptionnellement possible d'emblée, et succède en règle à une période de

traitement par dialyse.26 ♦ Les sujets chez lesquels la greffe se solde par un rejet sont traités à nouveau par dialyse. ♦ L’inadéquation entre des besoins grandissants et des ressources en organes limitées fait que la

transplantation reste l’apanage d’une minorité. Il y a en France 30.000 sujets en dialyse dont 5.000 sont inscrits en permanence sur les listes de demande de greffe rénale. Mais il n’y a que 2.000 transplantations par an. Plus de la moitié des demandeurs ne seront jamais greffés. L’EER est donc une nécessité.

Le "don" d'organes: une problématique à la fois technique et éthique. L'obtention des greffons est et sera toujours problème. Plusieurs raisons font que leur nombre restera quoi qu’on fasse inférieur à celui des candidats potentiels. ♦ Donneur vivant apparenté. Ce recours reste rare car il n'est pas dénué de répercussions

psychologiques. Il représente en outre pour le donneur un danger certes faible, mais non virtuel. ♦ Donneur vivant étranger. Cette pratique existe dans certains pays étrangers. Des exemples ont

montré qu’elle favorisait, au-delà de la vente des tissus humains, le trafic d’organes et une nouvelle forme d'exploitation des pauvres par les riches. Sauf bouleversement des valeurs de la société occidentale et adoption des thèses utilitaristes les plus extrêmes, ce recours restera a priori interdit dans notre pays.

26 Ce délai va durer de quelques semaines... à plusieurs années, puisque tout repose sur la "disponibilité" d'un rein immunologiquement compatible. Le délai d’attente est de 1,3 ans en moyenne pour la France, avec de fortes disparités régionales (3 ans en Languedoc-Roussillon). Un organisme public est chargé de gérer la liste d’attente. Par ailleurs, la crainte des complications fait que certains sujets, même s’ils souffrent de la contrainte des séances de dialyse, préfèrent cette sécurité aux inconnues de la transplantation, et ne sollicitent pas leur inscription sur la liste d’attente.

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♦ Donneur décédé. Il constitue la principale source d’organes transplantables. Des textes législatifs encadrent strictement les possibilités de prélèvement. Seuls sont utilisables les organes provenant de sujets en état de mort cérébrale, dont le nombre est (faut-il dire hélas? ou heureusement?) insuffisant.

Il est justifié de chercher à utiliser le maximum d'organes disponibles, en développant les conditions techniques qui permettent de prélever ces organes, par des mesures légales (consentement présumé) et par une éducation du sens philosophique (prélever les organes d'un mort n'est pas lui manquer de respect, ni lui enlever son intégralité). Mais il est dangereux d’accréditer l’idée, par une publicité abusive ou des mots maladroits repris par les médias, que la chasse aux organes est ouverte et que tout automobiliste est un "donneur" en puissance. Des intentions bonnes au départ peuvent se retourner contre le but poursuivi et freiner le développement de la transplantation. Un équilibre doit être trouvé, pour le bénéfice des malades dans le respect de la communauté des vivants. IV. Prévention Une démarche de santé publique: la prévention. Le néphrologue a une responsabilité importante sur le plan économique. Les malades dialysés sont peu nombreux, mais coûtent cher. Une action capitale est de promouvoir, par une évaluation précoce, (Voir plus haut: Diagnostic précoce) la prise en charge et le suivi des sujets à risque de développer une néphropathie, notamment ceux atteints de certaines maladies chroniques, pour tenter de: - prévenir l’apparition (prévention primaire) - ou ralentir l’aggravation (prévention secondaire) de l’insuffisance rénale chronique. Pour cela, l’implication, non seulement des néphrologues, mais de tous les médecins, en premier lieu les généralistes, est essentielle. En Néphro comme au loto, la prévention ne coûte pas cher et ça peut rapporter gros. Quelles sont les affections pour lesquelles un traitement étiologique précoce a fait la preuve qu'il prévenait la survenue d’une IRC ? Certaines causes d’IRC ont déjà pratiquement disparu: ♦ Pyélonéphrite chronique. Devenue exceptionnelle, sauf en cas d’uropathie, depuis que les

pyélonéphrites aiguës guérissent sans séquelles grâce à une antibiothérapie correcte. ♦ Néphrite interstitielle chronique de la phénacétine. La suppression des médicaments

concernés en a fait une maladie historique. ♦ Glomérulonéphrites aiguës post-streptococciques. La guérison rapide de l’angine initiale du

fait du traitement antibiotique a rendu leur survenue (et du coup leur évolution éventuelle vers l’IRC) beaucoup plus rares.

♦ IRC secondaire à la plupart des uropathies obstructives (lithiase en particulier). Devenue

rare du fait de la destruction précoce des calculs par ondes de choc (lithotripsie) et des progrès de la chirurgie urologique.

Quels sont les sujets considérés à présent comme à risque, vis-à-vis du développement d'une IRC, et chez lesquels un diagnostic et une prise en charge précoces sont susceptibles de prévenir ou de ralentir le développement d'une IRC ?

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Les principales étiologies de l’IRC sont constituées à présent par les situations qui constituent des facteurs de risque en accélérant le vieillissement vasculaire. Ces états concernent trois millions de Français. Or ces facteurs sont maîtrisables. De la qualité de leur prise en charge dépend la constitution ou non d'une IRC: ♦ HTA, ♦ Diabète sucré de type 1 et 2. 27 ♦ Tabagisme (risque accru de néphropathie vasculaire). ♦ Dyslipidémie, ♦ Hyperuricémie (considérée comme un facteur de risque vasculaire, et de néphropathie

interstitielle). Quel est le bilan systématique nécessaire chez tout sujet à risque de développer une IRC? Trois examens sont nécessaires au dépistage précoce d'une atteinte rénale:

Recherche d'une protéinurie (d'une microalbuminurie chez le diabétique en l'absence de protéinurie);

Recherche d'une hématurie microscopique (culot, confirmation par le DHLM); Dosage de la créatininémie avec estimation de la clairance par la formule de Cockcroft.

Voir le chapitre: Elévation de la créatininémie.

Outre les affections ci-dessus, quelles sont les affections au cours desquelles un dépistage est indiqué et peut mener à une intervention préventive ? De nombreuses catégories de sujets sont intéressées par un dépistage selon le cas occasionnel ou périodique.

Les dangers occasionnels: Infection urinaire. Lithiase rénale.

♦ Antécédents d’uropathie malformative ou acquise, ♦ Maladie concomitante potentiellement capable de léser les reins (myélome, lupus…). ♦ Sujets recevant un traitement au long cours (antalgiques, AINS, lithium). ♦ Patients devant recevoir un produit néphrotoxique (produit de contraste iodé, aminoside,

chimiothérapie, antiviraux). ♦ Glomérulopathies. - Maladie de Berger. Prise pour exemple car constituant la glomérulopathie la plus fréquente en

France. Des protocoles fixent l’intervention thérapeutique (20% de risque d’évolution spontanée vers l’IRC).28

Les dangers "constitutionnels":

♦ Existence d’un rein unique (congénital ou post-chirurgical). ♦ Antécédents familiaux de néphropathie ou d’IRC.29 ♦ Sujets de plus de 60 ans.30

27 Dans les deux derniers cas, un traitement précoce peut: - au mieux, prévenir les complications; - au pire, ralentir l’évolution vers l’IRC terminale. Si les glomérules détruits le sont définitivement, la fibrose surajoutée peut

se stabiliser et même (traitement antihypertenseur dans l’HTA, greffe pancréatique dans le diabète sucré) régresser en partie.

28 D'autres maladies glomérulaires (amylose) ne reconnaissent malheureusement pas de traitement étiologique. 29 Le conseil génétique peut réduire le risque de néphropathie familiale (polykystose, syndrome d’Alport). Mais l’équilibre est délicat entre le libre arbitre et la tentation d’eugénisme “social“, parfois qualifié de “positif“. 30 L"âge est bien entendu un facteur de risque non modifiable. Mais la reconnaissance précoce d'une IRC débutante permet une prise en charge susceptible de ralentir l'évolution vers la phase terminale.